Le royaume d’Aragon est le grand absent de l’historiographie médiévale consacrée à l’histoire de la criminalité, de la justice et des peines en péninsule Ibérique. Il ne compte pas d’études monographiques territoriales comme il en existe pour le Pays Basque, le royaume de Valence, les terres de Castille ou encore la Catalogne1. Cet angle mort de l’historiographie aragonaise impacte de la même façon les travaux encore rares sur la prison ou l’enfermement des individus au Moyen Âge2.
Une première enquête menée dans les sources de la pratique judiciaire et administrative, à l’échelle de quelques villes aragonaises, permet de recenser certains lieux d’incarcérations, mais à partir de données encore très éparses3. Les registres d’actes municipaux et les livres de comptabilités urbaines fournissent des informations concernant l’emplacement des prisons communales, la nature des achats ou des travaux de réparation des équipements ainsi que la nomination des geôliers, assortis de leur rémunération et des frais d’entretien de certains prisonniers. Les rares livres émanant des cours de justice nous renseignent, quant à eux, sur la pratique de l’élargissement, sur les espaces restreints de circulation que les juges attribuent aux détenus élargis, sur l’étendue de ces espaces, dans ou hors du lieu initial d’enfermement4.
Les espaces d’incarcération, de nature et de dimensions variables, se partagent en Aragon, comme ailleurs, entre des lieux non prévus à cet effet mais servant à l’enfermement occasionnel ou régulier de certains individus (maisons particulières) et ceux dédiés à l’emprisonnement mais susceptibles de connaître d’autres usages5. À Huesca par exemple, en 1490, les autorités urbaines déplorent que les prisonniers puissent communiquer avec qui ils veulent, ce qui en dit long sur la porosité des lieux, et que la prison municipale fasse office d’auberge (ostal) pour les étudiants, visiblement à l’initiative du geôlier6. Cette double doléance exprimée par les jurats de la ville atteste bien du caractère ouvert ou non hermétiquement clos de l’endroit.
Clos, semi-ouverts, dotés de murs ou de limites tangibles et hermétiques, les espaces d’incarcération sont donc multiples. Leur diversité s’explique sans surprise par celle des juridictions capables de se doter des édifices ou des salles adéquates. On peut alors recenser, à l’échelle des villes, autant de geôles que de justices co-existantes sur un territoire donné. Elles sont ainsi municipales, royales, diocésaines et même inquisitoriales au tournant du XVe s. Il convient d’ajouter en dernier lieu celles qui ressortissent à des juridictions moins traditionnelles, relevant de justices s’exerçant sur une population particulière comme celle des communautés d’aldeas7. Dans la région de Teruel, à l’extrême sud du royaume, les aldeas fédérées en communauté disposent d’une prison commune, distincte de la prison municipale de Teruel dont elles dépendent pourtant en matière de justice pénale8.
Mais cette diversité est également déterminée par les modalités d’enfermement admises par le droit, faisant de la maison privée des garants une prison (carcel) destinée à accueillir des prisonniers élargis, notamment lorsqu’ils ont été incarcérés pour dette. Elles servent également pour les prévenus accusés d’autres crimes et qui, par le jeu de leur statut social, cherchent à échapper à des conditions de détention parfois terribles au sein des geôles municipales9. Mais être détenu dans la maison d’un particulier n’est pas nécessairement synonyme d’une plus grande liberté de circulation.
À la lecture des sources convoquées, on comprend aisément que les enjeux de l’enfermement en Aragon à la fin du Moyen Âge, comme partout ailleurs, sont ceux d’une politique de gestion des individus par le biais de la contrainte exercée au corps, en sorte de garantir la bonne exécution de l’effet attendu de cette contrainte : régler une dette, payer une amende, comparaître au procès, assister à la lecture de la sentence ou exécuter un jugement. Mais, à ce titre, les autorités aragonaises semblent littéralement obsédées par la crainte que toute forme adoucie de détention soit confondue avec une délivrance. Le terme carcel devient alors le terme générique pour exprimer l’idée que l’individu n’est pas libre de ses mouvements, ni de la gestion de ses biens, dès lors qu’il est preso, c’est-à-dire juste mis aux arrêts, ou prisonnier stricto sensu, c’est-à-dire enfermé dans une cellule.
Après quelques remarques sur l’obsession des autorités à exprimer la limitation de mouvement des individus par l’usage du mot carcel, et ce dans diverses configurations, il s’agit de montrer, dans les cas d’élargissement, comment les magistrats aragonais désignent et délimitent les espaces de circulation attribués aux prévenus élargis sous caution. Ils les qualifient comme des espaces d’incarcération à part entière, sans marquer leur quelconque caractère ouvert par opposition à des espaces qui seraient fermés (clos). En réfléchissant sur l’articulation entre l’enfermement et sa dimension spatiale, nous nous sommes interrogés sur ce qu’elle pouvait impliquer de commun ou non aux hommes et aux femmes. Nous avons constaté que dans la résolution de certains litiges, l’enfermement de l’autre était conçu comme un châtiment mais selon un mode d’inversion du schéma carcéral traditionnel. En effet, dans le cadre d’arbitrages ou d’accords privés entre deux parties (généralement des époux en cours de séparation) la victime enferme l’agresseur ou l’offenseur hors d’un espace délimité pour s’en protéger, maintenir la paix et aussi pour le punir des offenses perpétrées. Le terme de carcel n’est alors plus adapté pour qualifier ce partage de l’espace, qui joue pourtant, lui aussi, de mobilités interdites ou autorisées en matière de circulation des personnes. La fin de notre contribution n’aura pour seule ambition que de revisiter la question de savoir si l’interdiction de sortir et l’interdiction d’entrer sont simplement antinomiques et si enfermer consiste exclusivement à enfermer dedans.
Enfermement et contrainte au corps :
l’obsession carcérale des pouvoirs
Les lieux dédiés à la rétention des presos, arrêtés et incarcérés, ne sont pas figés sur le territoire de la juridiction qu’ils desservent. Les officiers urbains les déplacent au gré des contraintes matérielles et financières générées par la location des espaces consacrés à cet usage. Ainsi à Calatayud en 1449, l’ordre est donné de déplacer (mudar) la prison de son emplacement à celui des casas de Don Enyego de Condon, situées dans le quartier de San Benedict10. À cette occasion, un nouveau geôlier est nommé pour une durée de deux ans. Dans les termes qui redéfinissent le lieu et son responsable se mêlent le vocabulaire de la mise aux arrêts (guarda, preson) et celui de l’incarcération (cárcel, custodia, carcelero). La combinaison des registres lexicaux indique que seront accueillis tous les types de prisonniers, quelle que soit la nature de leur incarcération : préventive, coercitive ou punitive.
Néanmoins, la crainte obsédante de perdre ou de laisser échapper ceux et celles que les autorités municipales ou judiciaires entendent retenir se lit dans l’utilisation du terme de carcel et de ses dérivés. L’historien ne peut demeurer insensible à cette obsession de l’incarcération ou de la volonté de donner prison dans des circonstances parfois surprenantes, traduisant une forme de hantise à l’idée de laisser échapper ceux qui n’ont pas fini de “payer“, qui ont encore un dû à régler. Ainsi en va-t-il pour les procureurs de Teruel que l’on retient et à qui, pour ce faire, on donne pour prison la ville ou la salle de l’Hôtel de ville (casas consistoriales) ou encore la prison communale. Leur enfermement dure le temps que soit achevé le contrôle de leur compte de l’année passée11. Cette précaution indique que l’incarcération n’est pas forcément déshonorante en soi quand elle participe d’une procédure de mise en règle, ici des comptes publics. D’ailleurs quand on la veut infamante, on sait ordonner aux sergents de mener les détenus et de le faire de manière humiliante (avergonzosa), en sorte de jeter publiquement l’opprobre sur les captifs le long du trajet vers la prison commune12. Les sergents doivent savoir comment s’y prendre puisque les modalités ne sont pas détaillées dans les mandements délivrés.
Un tel engouement pour donner carcel en toutes circonstances, même quand il ne s’agit pas d’incarcération au sens pénitentiaire du terme, s’explique sans doute par le fait que l’arrestation et l’incarcération arbitraires des individus sont rendues extrêmement difficiles en Aragon par le droit du royaume13. Les prisons existent et ne sont pas vides pour autant. Deux alternatives toutefois existent pour sortir des geôles publiques : l’affectation d’une maison particulière comme prison ou la libération sous caution. Les historiens et les juristes ayant écrit sur la matérialité de la prison médiévale en Aragon, ou ailleurs en Espagne, distinguent la libération provisoire sous caution (bajo fianza) et la prison atténuée (attenuada) c’est-à-dire dans une maison particulière attribuée par le juge14. La première évoque une liberté de mouvement sous surveillance. La seconde renvoie à un modèle de réclusion adouci en comparaison avec les conditions d’incarcération dans les geôles du roi, de la ville, de l’évêque ou de l’Inquisition. Par exemple, les prisonniers ne sont plus systématiquement enchaînés et la nourriture peut s’avérer meilleure ou plus abondante. Mais le souci constant de conserver une dimension carcérale à des modes d’enfermement plus souples s’exprime toujours avec force, même lorsque les juges ou les officiers urbains accordent l’élargissement sous caution à certains individus.
La libération sous caution est admise en droit aragonais pour les débiteurs et pour les auteurs de crimes n’entrant pas dans la catégorie des “crimes énormes” que sont les cas réservés à la justice royale. Les garants, obligés sur leurs biens et leur personne, jouent un rôle clef dans la mise en œuvre de cette option carcérale. Mais l’institution judiciaire se méfie d’eux. En effet, lorsque des individus arrêtés pour dettes ou pour le non-respect d’obligations contractées sous divers modes (comanda, apoca etc.) “échappent” à la prison au sens classique du terme, elle les remet à la responsabilité de fidéjusseurs. Au lieu de nommer ces derniers par les termes attendus de caplevadores ou fiadores, les sources les désignent par celui de carcelero (geôlier) ou carcelera lorsque le garant est une femme. On note ainsi dans les textes un vif désir d’empêcher toute confusion avec la libération ou la délivrance comme au sortir d’une affaire pleinement jugée. Par exemple, le vendredi 12 avril 1453, les regidores de Teruel ordonnent au procureur de la ville de consentir à la libération sous caution (carceleria) de Miguel Castant, en sorte que celui-ci soit donné à suficientes carceleros15. Le vendredi suivant, ils réitèrent l’ordre mais le notaire précise cette fois que la libération sous caution dudit Miguel est effective pour le seul mois de mai et, qu’ensuite, il sera à nouveau placé en la preson16. Comme dans cet exemple, il est généralement spécifié que les garants doivent être suficientes, seguros ou buenos y bastantes, c’est-à-dire en mesure de faire face aux frais qui pourraient leur incomber. Mais pourquoi affubler un plège ou un garant (caplevador) du même titre, carcelero, que le geôlier responsable d’une prison institutionnelle ? Le but serait d’induire l’idée que le prévenu, bien qu’élargi, est toujours assimilé à un prisonnier. Le garant doit veiller à le garder et à le restituer au juge dès que ce dernier en fera la demande ou au terme d’un délai fixé par avance. La responsabilité du garant porte comme partout ailleurs sur ses biens et, le cas échéant, sur sa personne en cas de non restitution ou de fuite de l’accusé17. Le qualifier de carcelero a sans doute un double objectif implicite dans le droit aragonais, à l’inverse du droit castillan18. Si le prévenu est bien remis “a caplieuta” (sous caution) à un fidéjusseur (sobrelevador ou caplevador) sa qualité de prisonnier ne s’efface pas avec ce transfert. Ainsi, assimiler le garant au geôlier lui rappelle qu’en cas d’incapacité à restituer le prisonnier, il encourt les mêmes sanctions qu’un geôlier qui laisserait un prisonnier s’évader.
Dans d’autres cas de libération sous caution, il est écrit qu’on donne comme prison (carcel) au prévenu la casa du garant. On entre ici dans une catégorie qu’il n’est pas toujours facile à situer en pratique, entre la prison “atténuée” et la libération sous caution, qui n’indique pas toujours le lieu d’accueil. Dans le premier cas, malgré les cautions fournies par le plège et le serment de restituer au juge le détenu, à une date convenue, ce dernier ne peut théoriquement pas sortir de ladite maison au quotidien. Dans le deuxième cas de figure, qualifier la maison particulière de carcel, alors que l’élargi peut en sortir, ne trompe pas en retour sur la notion d’enfermement dont l’édifice est porteur. Par cette qualification, les juges ou les officiers municipaux entendent bien faire comprendre aux accusés et à leur famille ou leurs amis que le détenu ne cesse pas de l’être aux yeux de l’institution. Le fait que le droit aragonais autorise à trouver asile dans les lieux privilégiés autres que les églises, comme les résidences et les palais d’infanzones par exemple, explique sans doute aussi la crainte de voir se transformer de tels lieux “privés” de rétention en lieux de protection ou de résistance à l’autorité judiciaire ; sans parler de la tentation du bris d’arrêt qui, en ce genre d’espaces domestiques et intimes, peut s’avérer plus forte auprès du prisonnier ou de ses soutiens (parents, amis, alliés).
Tant qu’aucune sentence n’est prononcée, les autorités ne laissent pas s’installer la moindre confusion entre régimes adoucis d’incarcération et libération. Il reste cependant à s’interroger sur la façon dont sont délimités les espaces affectés aux élargis sous caution. Il convient également de se demander si ces espaces de liberté sont perçus en Aragon aux XIVe-XVe s. comme des modes ouverts d’incarcération par opposition à une conception fermée de la prison.
La pratique de l’élargissement :
ou des espaces ouverts d’incarcérations ?
Sortir de prison, quitter la geôle communale pour une durée limitée, d’une journée ou de plusieurs semaines, est une réalité assez fréquente au Moyen Âge19. R. Cordoba de la LLave le rappelle bien pour la Castille en général et, en particulier, pour les villes andalouses telles que Séville et Cordoue20. Dans cette dernière, en 1495, Alonso de Vides se porte garant pour son gendre, qui peut ainsi sortir de prison la journée pour parler avec sa femme et vaquer à ses affaires. Il peut même rentrer dormir chez lui le soir, à condition de retourner à la prison le matin suivant, sans quoi son beau-père devra assumer les peines conséquentes21. Dans les terres de la couronne de Castille, pour les délits et les crimes punis par des amendes, trois régimes de cautions (fianzas) sont clairement établis en lien avec la possibilité de sortir de prison dans l’attente du jugement : fianza de la haz, fianza de carcel et estar a derecho22. Les prévenus sont confinés au domicile des garants ou, à l’inverse de ce qui est observé par J. Claustre en Île-de-France à la même période, ils semblent pouvoir regagner leur propre maison et c’est la ville qui leur est donnée pour prison23. Cette association entre le lexique carcéral et des espaces d’enfermement qui ne sont pas des geôles administrées par la puissance publique n’a pas donné lieu, dans les sources aragonaises, à une distinction entre “tenir prison fermée” ou “prison ouverte”24. Ouvert, élargi ou fermé, l’espace assigné fait office de carcel pour celui ou celle que la justice prétend retenir dans son giron ou sous son contrôle.
Les espaces ou lieux non clos par des murs, mais destiné à incarcérer un individu, sont rarement évoqués dans les études ibériques sur la prison médiévale, même lorsque les sources permettent de jauger l’arbitraire des juges en la matière25. Des zones sont définies dont les prisonniers élargis sous caution ne doivent pas franchir les limites. Les facteurs déterminant la délimitation de ces espaces sont méconnus, en raison des énoncés stéréotypés, lapidaires ou répétitifs de la documentation, souvent ignorés ou jugés sans intérêt par les historiens. Prenons le temps de réfléchir à partir d’une situation inversée en vigueur dans un autre espace. Au XIVe s., la coutume de Dax autorisait à saisir en dernière instance les débiteurs particulièrement réticents à solder leur dette et à les placer dans le segrat, “c’est-à-dire le cimetière attenant à la cathédrale au plus proche des morts et de la question du salut de l’âme”26. Ne peut-on pas envisager cet espace comme un espace transitoire d’enfermement ? Il opèrerait comme une forme d’élargissement anticipé, précédent l’incarcération proprement dite, celui de la dernière chance avant que l’insolvable ne soit jeté en prison dans la maison commune, si personne ne réglait sa dette pour lui ou s’il s’enfuyait du segrat. La gradation des limites fixées à la liberté de mouvement des prisonniers s’exerce ici en amont et non pas en aval du processus d’incarcération. Le choix du cimetière fait sens à divers niveaux d’analyse. Le choix du lieu s’explique par le fait que l’enclos cimétérial est associé à la peine d’excommunication frappant les débiteurs insolvables ou réticents à payer leur dette27. Qu’en est-il des territoires donnés pour prison en milieu urbain ? Se réduisent-ils aux murs des villes et à leur banlieue, simplement comme prison “plus large” pour reprendre l’expression pertinente de J. Claustre28 ? Il est vrai que les travaux consacrés à une approche territoriale de la prison élargie sont encore trop peu nombreux, plus encore que ceux consacrés aux prisons médiévales et autres modalités d’enfermement, pour répondre à cette question29.
Dans les registres municipaux des villes aragonaises au XVe s., des décisions sont enregistrées, par lesquelles les magistrats du conseil urbain ordonnent ou consentent à l’élargissement de certains citoyens. Ils leur attribuent des espaces d’enfermement délimités, hors de la prison urbaine. Il est fait mention, par exemple, dans le libro de actos comunes de la ville de Saragosse, d’un certain Diego Dargança, preso dans la prison commune. Le mardi 23 février 1496, il reçoit pour prison la ville de Saragosse avec ses faubourgs et ses terminos, jusqu’à une distance de dix lieues autour de la ville et du territoire défini. Ce changement de régime pénitentiaire est justifié par la bonne volonté des officiers de la ville, traduite ainsi : por los buenos respectos sus animos a lo infrascripto movientes. Mais l’octroi d’une prison plus large et, en l’occurrence, hors de la prison municipale, est soumis à l’obligation pour Diego de ne pas en sortir ; “sur ses pieds ni par ceux de quelqu’un d’autre directement ni indirectement” pour traduire littéralement la formule contenue dans le serment qu’il prête30. Dans le cas contraire, il encourt la peine de parjure, celle de briseur de prison (crebantador de carcel) et toute autre peine arbitraire que décidera le juge31. Aucun terme n’exprime l’atténuation des contraintes d’incarcération procurée par l’élargissement. L’extraction de la geôle publique n’enlève en rien la qualité carcérale du nouvel espace dans lequel est replacé Diego, à qui on assigne cet espace en lugar de carcel, c’est-à-dire en guise de prison32. Après avoir juré de ne pas enfreindre les limites imposées, Diego est remis à caplieuta au cordonnier Martin de Leyca. Ce dernier, à son tour, prête serment aux jurats de la ville. Il s’engage sur ses biens et sa personne à restituer, retourner et livrer (restituir, tornar et livrar) la personne de Diego dès qu’ils en feront la requête.
Les serments jurés sont toujours soucieux de marquer l’engagement par celui qui les prête de ne pas dépasser les limites territoriales fixées “sur ses pieds ou ceux d’un autre”. En réalité, cette formule n’est pas sans rappeler la formule inverse poner el pie (mettre le pied) rencontrée dans le droit médiéval castillan mais aussi dans le fuero de Teruel33. I. Ramos Vazquez l’interprète comme l’expression de la menace d’être jeté en prison qui pèserait sur un débiteur niant la dette qu’on lui impute, et qui ne pourrait prouver que cette dette n’existe pas. Pour F. Tomas y Valiente, la partie du corps mentionnée sert à énoncer, de manière symbolique, l’idée que le corps du débiteur constituait alors la seule garantie effective du paiement de la dette et que, dès lors, il doit être physiquement enfermé34.
Mais, en l’état, rien ne permet d’affirmer que tous les élargis recensés dans la documentation consultée à ce jour pour l’Aragon, et qui s’engagent à ne pas fuir (sur leurs pieds) étaient des débiteurs en difficulté, ayant déjà mis (obligé) un pied au pouvoir du juge ou de leur créancier. Dans le cas des élargis comme Diego, l’expression de cette idée d’obligation de personne via les pieds, mais sur un mode inversé (l’idée étant non pas de mettre mais de reprendre le pied pour retrouver la liberté), vise à garantir le respect des nouvelles conditions d’incarcération. Plus encore, jurer de ne pas s’échapper “en sortant sur ses pieds” de la zone délimitée serait l’indice de la manière dont on se représentait l’espace de circulation attribué aux élargis. Il serait ainsi perçu comme une prison moins fictive qu’il n’y paraît. En cela, il marquerait le souci de protéger les élargis autant que les intérêts du juge et du plaignant. Cette préoccupation est exprimée dans les fueros étudiés par I. Ramos Vazquez, y compris dans celui de Teruel. Elle concerne à l’origine les débiteurs enfermés dans la maison de leur créancier35. Déjà incarcérés, ils ne sont pas à l’abri d’être saisis par d’autres créanciers s’ils quittent la maison de celui où ils doivent demeurer. Or, face à un tiers, le créancier n’a pas le pouvoir, hors de sa maison, de revendiquer son débiteur comme étant son prisonnier, quand bien même celui-ci porterait des fers aux pieds ou aux mains. La seule exception à cet empêchement concerne le motif de sortie qui répondrait aux besoins de nature, et à condition que cela se passe sous la surveillance d’un gardien36.
Le souci de contrôler les prisonniers libérés sous caution anime la conception générale des territoires octroyés comme zone de libre circulation à toutes les catégories d’élargis. Les juges chercheraient à conserver la main sur les élargis qui, en plus de s’enfuir, pourraient leur être disputés par un autre juge, si leurs pieds les menaient hors du territoire et donc de la juridiction autorisée. On perçoit plus aisément la fonction protectrice que peut remplir la zone assignée d’élargissement et, du coup, la nature très carcérale que lui confère son mode de désignation (carcel).
La dimension très carcérale des espaces attribués aux élargis se devine dans d’autres circonstances, révélant le même rapport de pouvoir instauré entre le juge et l’élargi, sur une base territoriale (ré)générant une forme de prison fictive. En 1453, Francisco de Cardona, juez de Teruel, magistrat supérieur de la ville, investi de l’autorité politique, administrative et judiciaire, et placé à la tête du conseil urbain, se retrouve confronté aux procureurs (sindicos) de sa ville37. Devant encore verser de l’argent à la ville après l’audition de leurs comptes devant les contadores du Conseil, les procureurs protestent et refusent de s’engager sur leurs biens et leur personne afin de garantir qu’ils collecteront et verseront les sommes manquantes38. Le 2 avril 1453, alors que le conseil est réuni sous le porche de la collégiale, après l’office, le juez de Teruel décide de frapper fort pour vaincre la résistance des procureurs. Il se saisit d’eux à la porte de la prison commune, les pousse à l’intérieur comme s’ils étaient prisonniers (apresos) mais, par égard et respect envers la sainte Pâques, les en extrait aussitôt et leur assigne pour prison la ville et ses faubourgs (ravales), en plus d’une étendue d’une demi-lieue autour de la ville39. La superficie correspond vraisemblablement à l’aire de perception des impôts par les collecteurs en question. Il n’est pas certain que la même surface soit attribuée à tous les élargis. La piste mériterait sans doute d’être explorée.
Cette scène a été enregistrée dans le registre (protocolo) appartenant à la série des libros de acuerdos o manuales de actos del Concejo tenu annuellement par le notaire de la ville. Ce dernier y note les décisions prises par le conseil urbain, au fil des assemblées. L’événement décrit inaugure quasiment le registre de l’année citée. Le juez a fait montre de sa force, de l’ancrage topographique de son autorité et du rayonnement territorial de sa juridiction à l’endroit des procureurs, sur fond de litige fiscal. Une autre interprétation est encore possible, compte tenu du caractère extrêmement contracté dans le temps du fil des séquences composant la réaction du juez. Ce dernier n’a pas vraiment les moyens de contraindre les récalcitrants et le but premier reste de recouvrir l’argent qui manque. Francisco Cardona n’a pas d’autre alternative. Placer les procureurs en position de prisonniers élargis lui permet de réaffirmer son autorité en public, à travers une forme de justice expéditive, tout en les relâchant dans l’espace où ils vont peut-être pouvoir finir de collecter les revenus qu’ils doivent encore. Du moins les inscrit-il dans un statut qui les contraint à trouver une solution en ce sens. L’octroi de la prison élargie, en sa nature juridique et spatiale, profite à tout le monde ici. Elle préserve l’ordre public, garantit l’intégrité des finances urbaines et conserve au Magistrat de la ville son pouvoir de contraindre au corps des officiers rebelles. Le rapport à l’espace est intéressant dans sa dimension coercitive, indiquant qu’un espace ouvert n’est pas moins signifiant qu’un espace fermé. Les regidores de la ville peuvent également décider ponctuellement d’agrandir encore l’espace concédé à un prisonnier élargi. Ainsi, le 14 décembre 1453, Juancho Vizcaino se voit accorder une ampliacion de carcel, laquelle atteindrait une superficie de quatre lieues supplémentaires, à condition toutefois que le procureur de la ville y consente40.
Pour compléter la lecture spatiale de la pratique de l’élargissement à travers la fonction judiciaire du juez de Teruel, on se concentrera ici sur le seul registre conservé à ce jour pour le XVe s., le libro manual de corte del juez de Teruel. Ce registre isolé date de 1431. L’activité du juez y est consignée, au gré des audiences, mais de façon partielle41. Le registre garde la trace des apellidos grâce auxquels on identifie les parties litigantes et le motif de la plainte, ainsi que l’action attendue de la part du juge par le plaignant. Y sont également annotés les ordres émis de poursuivre et de capturer des criminels enfuis, ou de mettre aux arrêts les défendeurs désignés. On y trouve aussi l’enregistrement des garants des prisonniers élargis, les échanges avec d’autres juridictions, l’ordre d’exécuter des saisies de biens et parfois l’inventaire de ces biens. Le civil et le pénal se mêlent, autour de diverses actions concrètes qui contribuent à engager et faire avancer un procès. Leur mise en écriture ressortit, sous la forme d’un registre, à ce qu’on appelle les écritures grises de la justice42.
En 1431, le juez de Teruel est un dénommé Pascual Benedito. Il a accédé à la fonction par la seule volonté du monarque Alphonse V le Magnanime, et ce bien avant la fin officielle et légale du mandat du magistrat précédent. Pascual est donc le judez electo por el senyor rey comme il se présente lui-même au premier folio du registre. Ce dernier s’ouvre sur le rappel partiel des faits qui ont conduit à cette nomination, avec l’énoncé, biffé, de la mise en détention du précédent juez, le noble Guido Veintemilia. Pascal Benedito s’est emparé (prendio preso) de lui, dans un contexte de tension entre le roi et la ville, sur fond de lutte de bandos, entre deux clans familiaux43. Les relations entre la ville et ce monarque étaient déjà entachées par la mise à mort d’un précédent juez en 1427, ordonnée par Alphonse V44. Cette deuxième déposition, moins dramatique, marque la réponse du roi aux revendications des habitants de Teruel. Soutenus justement par Guido Veintemilia, ils réclamaient le retour à l’ordre politique et juridique régulé par leur fuero originel (1177). Ils souhaitaient pouvoir élire à nouveau eux-mêmes leur juez, par tirage au sort, et que soit à nouveau respecté un certain nombre de libertés forales favorisant l’autonomie de la cité. Remis en cause dans l’exercice de sa souveraineté, Alphonse V exprima sa colère en se débarrassant du magistrat et en faisant remettre le bâton de juez à Pascual Benedito qui n’était encore que simple alcalde. L’entrée en charge de ce dernier sonne comme un coup d’État royal contre la ville. Le noble Guido Veintemilia est remis à caplieuta, et pas moins de sept garants s’engagent à payer la somme de 5 000 florins au roi s’il venait à leur échapper45.
Pascual assigne à son prédécesseur, pour prison et limites à ne pas franchir (por carcel et estangues), la ville et ses faubourgs, ainsi que les “traditionnelles limites des armes” définies par la coutume (antigament acostumbrado). Le territoire octroyé ici est sans doute celui sur lequel s’étend l’autorité du juez. La “limite des armes”, formulation difficile à rendre en français, semble correspondre au territoire au sein duquel le juez est habilité à conduire la milice urbaine. Il s’étend depuis les murs de la ville jusqu’aux frontières juridictionnelles des premières bourgades composant la communauté d’aldeas de Teruel46. Tout au long du registre, des mesures de détention sont régulièrement énoncées à l’encontre d’autres individus plus ordinaires et pas nécessairement en conflit avec le roi. Chaque élargissement comporte des indications précises sur les limites imposées à la liberté physique des prévenus libérés sous caution. Là aussi, les serments de les respecter contiennent la promesse jurée par les prévenus de ne pas en sortir sur leurs pieds ni sur aucun autre pied.
Des concessions similaires sont également consignées dans d’autres registres de justice, tels que le libro de la corte del justicia de Jaca de l’année 1450, le seul conservé pour ce siècle et ce tribunal. Des prévenus arrêtés et incarcérés requièrent de pouvoir sortir de prison en attendant le règlement de leur affaire. Lorsque le juge de Jaca accède à leur demande, selon des modalités procédurales pas toujours mises en évidence, il leur assigne pour prison tout le territoire de sa juridiction (assignavit in carcerem et pro carcere dictis captis totium territorium eius jurisdictionis)47. Ils promettent en échange de ne pas en sortir sauf sur son ordre (absque judiciali mandato).
Ce rapide tour d’horizon de quelques juridictions avait pour but de démontrer que la “prison ouverte” occupe une part importante dans la gestion des affaires de justice en Aragon. On ignore en général le crime ou le délit commis par les individus concernés et l’issue finale des jugements. Mais il nous semblait juste de redonner de l’importance à ces formes d’incarcérations comme étapes intermédiaires dans nombre de procédures. Chaque officier de justice assigne l’espace qui fait sens au regard de sa juridiction ou de celle correspondant à l’aire d’action de l’accusé incriminé, lorsque ce dernier exerce une charge publique. C’est le cas des collecteurs d’impôts de Teruel. Remarquons toutefois, à ce stade de l’enquête, que les prisonniers élargis et autorisés à se déplacer en dehors des murs d’un édifice sont tous des hommes, bénéficiant d’une liberté provisoire de mouvement à l’intérieur d’une zone définie par des limites territoriales plus ou moins tangibles. La question se pose alors de savoir si les femmes apparaissent dans cette gestion spatiale de l’enfermement “ouvert”, dans quelles configurations et sous l’action de quelles autorités.
Les espaces d’enfermement ouverts :
pour des hommes et des femmes ?
Il arrive que des espaces extérieurs, correspondant à des espaces d’incarcération ou d’enfermement, soient définis par des protagonistes qui n’agissent pas en tant que détenteurs institutionnels du pouvoir judiciaire. Nous voulons parler ici des arbitres et de leurs jugements, mais aussi des particuliers comme les maris trompés dont le pardon est accordé sous conditions aux épouses infidèles. Sentences arbitrales et sentences domestiques sont autant de jugements qui se côtoient pour le plus grand bonheur de l’historien au cœur des registres notariés aragonais du Moyen Âge48. Certaines ont pour but de repousser et d’enfermer des hommes et des femmes, reconnus comme auteurs de crimes et de délits, à l’intérieur de territoires particuliers. Or ces espaces en question sont délimités avec des objectifs similaires à ceux auxquels obéissent les logiques de l’emprisonnement : prévention, coercition, punition.
À Barcelone, les usatges autorisaient les maris à emmurer littéralement leurs épouses adultères49. En Aragon, une telle pratique n’est attestée ni dans les sources juridiques du royaume ni dans les statuts urbains. En revanche, les actes de pardons octroyés devant notaire par les maris trompés sont régulièrement assortis d’une expulsion des épouses, définitive ou temporaire, hors de la ville ou du royaume. Des clauses complémentaires s’ajoutent parfois à ce qui prend la forme d’une sentence domestique d’exil, et ce en prévision du retour de la femme. Il s’agit d’empêcher que les époux séparés puissent vivre ou se croiser au sein d’un territoire commun, et d’éviter les occasions de contacts dans l’espace public, qui rappelleraient autant qu’elles reproduiraient les effets de l’infamie initiale. Le 10 mai 1503, Miguel de Villanueva fait coucher par écrit, dans l’acte de pardon enregistré devant notaire, que sa femme ne doit plus à l’avenir être à Saragosse ou à Tudela en même temps que lui. Dans le cas contraire, elle disposera d’un délai de deux jours pour quitter les lieux dès qu’elle sera informée de sa présence50. C’est donc à l’épouse de faire en sorte de ne pas se retrouver au même endroit que le mari dont elle vit désormais séparée. Les conditions imposées sont parfois plus sévères. Ainsi Francès de Sunyen, en 1429, épargne la vie de sa femme infidèle en l’obligeant à quitter la ville. Il lui conseille de ne jamais se retrouver au même endroit que lui, que ce soit dans la ville même de Saragosse ou dans le royaume d’Aragon. On ignore comment ces formes de bannissement s’organisaient dans les faits, surtout lorsqu’elles vont au-delà des frontières du royaume. Mais les conséquences sont lourdes pour les femmes qui doivent se débrouiller pour survivre ou vivre loin de leur mari. Cet exemple de pardon marital est le texte le plus radical lu à ce jour sur ce thème. En effet, l’accord est explicite. Francès avertit que s’il vient à croiser celle qui l’a déshonoré dans le périmètre qu’il lui a défendu, elle sera mise à mort. Il ne précise cependant pas s’il lui administrera le châtiment lui-même, en guise de vengeance différée, ou par la voie du procès51. Il apparaît donc que les espaces d’incarcération abordés dans le point précédent de notre contribution relevaient d’une prison élargie, tandis que les derniers cas évoqués au féminin traduisent un espace paradoxal de liberté restreinte, dans une dynamique d’enfermement inversé.
Lorsqu’il concerne les hommes, ce type de mise à l’écart relevant de la proscription de certains espaces se fait pour d’autres motifs que l’adultère. En 1394, le notaire Pedro Martinez de Camacurta est condamné, par voie de sentence arbitrale, à quatre mois d’exil hors de la ville de Saragosse, pour avoir eu des échanges violents, en actes et en paroles avec un écuyer. L’un des arbitres, Pedro Galceran de Castro, est le maître de l’écuyer et l’on sent le poids de sa condition sociale dans la façon de régler le litige en dehors, ici, de la voie judiciaire. En effet, une fois la peine d’exil formulée, les arbitres font détailler dans l’acte l’aire à l’intérieur de laquelle l’agresseur ne doit plus pénétrer pendant un an après son retour. La notion de limites à ne pas franchir est cette fois clairement exprimée par le terme estanquas qui désigne des limites physiques52. Pedro Martinez se voit interdire pour une durée d’un an l’accès au quartier de l’église Sainte-Croix, depuis l’angle de la rue jusqu’au palais (casas) de la famille Castro situé dans la même paroisse. Il lui est même défendu de passer devant les portes de l’édifice53. Il en va de même pour les rues où se situent les maisons de Johan Mercer et Rodrigo Sant Salbador jusqu’aux boutiques et, de là, jusqu’au secteur où réside un troisième individu, Jayme Cavila. On ne connaît pas les liens entre ces trois protagonistes avec le litige initial. Il ressort de la sentence arbitrale que la zone interdite s’ajoute à l’exil et définit un espace protégé, fermé, au profit de l’écuyer et surtout du clan familial qu’il sert.
D’autres arbitres se montrent encore plus minutieux en indiquant les modalités à suivre si les adversaires venaient à se croiser dans un lieu public. Le 23 janvier 1395, Galacián de Tarba et Domingo Marcuellos, dans l’affaire opposant Fernando Bailo et Juan de Cuenca, infligent au second un exil d’un mois hors de la ville et de ses terminos. Ils stipulent également que, pour garantir la paix entre les deux hommes, il leur faut éviter toute rencontre fortuite en extérieur. Johan, qui a déjà blessé physiquement l’autre partie, ne doit pas se trouver ni s’arrêter en quelque lieu que ce soit où serait présent ledit Fernando Bailo. S’ils sont amenés à se croiser dans une rue, c’est à Johan de s’effacer et veiller à ce que le contact n’ait pas lieu. Il devra esquiver la confrontation en entrant dans une maison, en retournant chez lui ou en changeant de rue54. De telles proscriptions spatiales évoquent la logique des peines d’exil que prononcerait un juge. Mais il est délicat de les assimiler. D’ailleurs elles sont activées à la fin de l’exil et sont effectives au retour du banni. Elles proposent une forme de transition territoriale dans le processus de réintégration de l’exilé à l’espace et au groupe dont il a été expulsé provisoirement. Elles suggèrent une forme d’enfermement par une dynamique de rejet à l’extérieur d’un périmètre défini. Cela tient au fait que celui qui le décide envisage le rejet comme une restriction à la liberté de l’autre (femme adultère, ancien ennemi). Inversement, ce même espace autorisé dans lequel le mari trompé ou la victime de l’agression s’enferme est perçu, paradoxalement, comme la garantie de sa sécurité et de sa liberté de mouvement.
R. Jacob rappelait déjà les sens et l’impact du bannissement qui interrompt les cycles de vengeance. Il expliquait comment cette peine serait la voie par laquelle se développerait un “art de punir sans surveiller” et un mode de réclusion pratiqué “comme une sorte de système pénitentiaire inversé où la société s’enferme tandis que court le délinquant”55. Dans les exemples aragonais choisis ici, la mise en sécurité à l’intérieur d’un espace tandis que l’autre est rejeté à ses marges, avec interdiction d’y pénétrer, relève de décisions qui ne sont pas des jugements au sens procédural du terme. Pour autant le résultat semble identique aux effets du bannissement par la voie judiciaire étudiés par R. Jacob.
Mais comment lier deux phénomènes (l’incarcération et l’expulsion) qui n’usent pas de l’espace de la même manière ? La différence avec les espaces d’incarcération traditionnels où l’on “enferme dedans” réside ici dans le fait que c’est l’honneur et la paix qui sont la clef de la définition de ces micro-territoires de réclusion ouverte. La pratique de l’honneur s’inscrit dans un support spatial pour le territorialiser en jouant des mobilités physiques interpersonnelles. Cette inscription diffère selon que l’offensé cherche à faire enfermer l’offenseur dehors, en s’enfermant lui-même dans une zone préservée, ou que la justice veille à retenir à l’intérieur celui ou celle qui doit régler son dû ou subir un châtiment. Dans tous les exemples abordés, le souci de maintenir la paix en empêchant des agressions violentes ou mortelles ainsi qu’un certain rapport de force, flagrant entre les époux, sont le moteur de la territorialisation du lien social, restauré ou préservé par le jeu des frontières (intérieures/extérieures). Nous voulions évoquer ces aspects car, au-delà d’une lecture genrée, ils interrogent vraiment la capacité des espaces d’incarcération à faire sens de manière autonome ou en étant articulés à d’autres lieux et d’autres temps d’actions judiciaires ou extra-judiciaires. En effet, comment relier leur performance à la pratique et aux dynamiques spatiales de la justice publique ?
Conclusion
N’étant pas spécialiste de la prison médiévale ni même de l’enfermement, nous souhaitions formuler quelques remarques à propos des espaces d’incarcérations, en particulier les espaces dits “ouverts”, c’est-à-dire hors des murs d’une geôle. En Aragon, le lexique n’évoque pas la prison ouverte ou fermée comme en France. Et pourtant, les magistrats et les officiers urbains assignent régulièrement des portions de territoire en guise de prison à des justiciables, à l’intérieur desquels des garants externes au personnel judiciaire assurent la surveillance. On est incarcéré ou mis en prison (pro carcerem, in carcere, encarcelar) aussi bien dedans que dehors, pourrait-on dire, dès lors que certaines limites sont signifiées, avec parfois des repères topographiques, et indépendamment de leur degré de matérialité. Cet enfermement se déploie en usant de la réversibilité des limites imposées, laquelle (se) joue des sens de circulation autorisés ou interdits selon les protagonistes impliqués. On l’a vu avec les périmètres interdits d’accès à des hommes et des femmes dont l’enfermement “hors de” recouvrait pourtant les mêmes enjeux de prévention, de coercition voire de punition, que ceux afférents aux pratiques d’enfermement “à l’intérieur de”, mais dans des contextes décisionnels extra-judiciaires.
Il nous semble intéressant de souligner une grande malléabilité de la perception des espaces et des pratiques de justice, telle qu’elles apparaissent dans les logiques carcérales médiévales en Aragon à la fin du Moyen Âge. Cette contribution laisse nombre de questions sans réponse, notamment à propos des espaces attribués en guise de prison élargie. On ne connaît pas précisément la condition socio-économique des hommes et des femmes susceptibles d’en bénéficier. On ignore également, dans la plupart des cas, si les élargis résident chez eux, rentrent dormir à la prison chaque soir ou au domicile de leurs garants. De même, il serait pertinent d’établir une typologie, en droit et dans la pratique judiciaire, des délits et des crimes pour lesquels juges et plaignants octroient un régime de prison élargie à certains accusés. Enfin, les sources juridiques aragonaises n’édictent pas non plus de normes explicites destinées à réguler l’usage spatial de l’élargissement des prisonniers. Il en va de même pour les périmètres interdits d’accès aux individus autorisés à revenir vivre dans un lieu dont ils ont été temporairement chassés. A priori, c’est bien l’arbitraire des juges et des individus chargés de rendre la justice, ou de veiller à la pacification des conflits, qui commande cette double pratique spatiale de l’incarcération ouverte dans les villes aragonaises des XIVe-XVe s.
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Notes •••
- Narbona Vizcaíno 1990 ; Bázan Díaz 1995 ; Córdoba de la LLave 2007 ; Sabaté 2019.
- Deux articles déjà anciens sont consacrés à la prison en Aragon au Moyen Âge, principalement à partir des sources juridiques. Le premier est sur le thème de la prison pour dettes et en comparaison avec la Castille (Tomas y Valiente 1960) ; le second s’intéresse aux modalités d’emprisonnement et aux moyens légaux de se protéger des incarcérations arbitraires en usant des “libertés” garanties par le droit du royaume (Lasala Navarro 1968-1969). Pour un bilan historiographique de l’histoire des prisons et de l’incarcération au Moyen Âge en Espagne, voir Bázan Díaz 2005.
- Les registres d’actes municipaux de Huesca, Saragosse et Teruel ont été sondés pour les besoins de l’enquête.
- Les quelques livres de justice que nous avons pu consulter sont tous conservés de façon isolée pour le XVe s. et pour chaque juridiction concernée (Teruel, Borja, Jaca, Cuevas de Cañart). Mais l’élargissement y apparaît toutefois comme une pratique répandue et ces registres fournissent des données intéressantes à ce sujet.
- Il est théoriquement interdit en Aragon d’emprisonner qui que ce soit dans un château ou une forteresse (Lasala Navarro 1968, 13). Bien entendu, cette interdiction ne vaut pas pour les otages dont le statut ne se confond pas avec celui des prisonniers accusés de crime ou de délit.
- Archivo Municipal Huesca (AHM), Libro Actas Concejo-18 (1490-1491), fol. 20r. : […] et los presos favlan con qui les plaze et el dito carcelero tiene en las ditas casas studiantes et a manera dostal […].
- Le terme aldeas désigne les localités, bourgades et villages formant, sur un territoire donné, une communauté liée à une ville tête que les sources qualifient de “ciudat”. Ces communautés sont au nombre de quatre en Aragon, désignées par le nom de leur ciudat : Daroca, Calatayud, Albarracín et Teruel. Nées des besoins d’assurer la domination des rois d’Aragon pendant et après la Reconquista, face au rival castillan et aux musulmans, elles sont localisées sur les frontières, à l’ouest et au sud du royaume. Ces communautés se sont dotées d’institutions représentatives communes, distinctes de celles de chaque aldea et de celles de la ciudat.
- Gargallo Moya 1984.
- Vinyoles i Vidal 1997.
- Archivo Municipal de Calatayud (AHC), Libro del regimento, 1449, fol. 29r et 29v.
- Floriano 1926, 792.
- Vispe 2015, doc. 84.
- Lasala Navarro 1968.
- Gomez Valenzuela 2019 ; Planas Rossello 2019.
- Archivo Historico Provincial de Teruel (AHPTE), Concejo, Manual de Acuerdos, 1453, fol. 14v.
- Idem, fol. 16r. On ignore pourquoi cet homme est élargi pour une durée d’un mois seulement.
- La variété des situations impliquant des garants en justice (en fonction de la procédure, du délit commis ou du statut des accusés) nous emmènerait trop loin du thème de l’ouvrage pour en faire un tableau détaillé ici ; d’autant qu’il n’existe pas d’études de synthèse à ce propos, ni en droit ni en histoire, pour le royaume d’Aragon.
- Bázan Daz 1995, 516.
- Cruces 1995, 143 : à Malaga, Esther Cruces a montré combien l’élargissement au XVe s. est fréquent, soit sous caution, soit contre l’engagement de servir dans les galères royales..
- Córdoba de la LLave 2012, 85-104.
- Idem, 96.
- Alonso Romero 1982. Les trois régimes fonctionnent selon les modalités suivantes : si le garant ne remet pas le prévenu en prison à la demande du juge, il paiera la peine encourue par l’accusé (fianza de la haz) ; une amende supplémentaire et arbitraire le frappe si le prévenu s’est enfui (fianza de la cárcel) ; enfin estar a derecho implique l’obligation de payer tout ce qui serait infligé à l’accusé mais sans obligation de ramener ce dernier en prison.
- Ortego Gil 2014.
- Alors que c’est ce que J. Claustre a pu observer à propos des prisonniers pour dettes à Paris à la même période (Claustre 2007).
- Bazán Díaz 2005.
- Prétou 2010, 185.
- Ibid.
- Claustre 2007.
- Breistchneider 2017 ; Heullant-Donat et al., dir., 2011 ; Laurenson-Rosaz 2011.
- Archivo Historico Municipal de Zaragoza, Libro de actas 1495-1496, fol. 52r : […] dando por carcel y en lugar de carcel al dicho Diego Dargança preso por la ciudat de Çaragoça sus terminos et barrios et diez leguas alderredor de aquella et aquellos assi et en tal manera que el dicho Diego Dargança en sus pies ni en ajenos directament ni indirecta etc no pueda sallir ni salga de la dicha ciudat sus terminos et barrios dius pena de perjurio et pena de crebantador de carcel / et pena arbitraria.
- On notera ici que le bris d’élargissement ne s’exprime pas autrement qu’avec la même formule qui désigne le bris de prison, contrairement à ce que fait observer L. de Carbonnières pour le Parlement de Paris (Carbonnières 2011).
- AHMZ, Libro de actas 1495-1496, fol. 52r.
- Fuero de Teruel, 211, concernant les débiteurs, cité dans Ramos Vazquez 2006.
- Tomas y Valiente 1960.
- Ramos Vazquez 2006.
- Fuero de Teruel, 203 (Tiempo de Derecho foral en el sur aragonés 2007, 2, 175) : Mas a ninguno non le valla diga : “preso (so) de otro deudor”, demostra(n)do sennyal de fierro en monnyeca o en piet ; qual el fuero manda que ningun omne non puede deffender debdor defuera de su casa de los otros encreyedores, diçiendo : “Mi preso es” ma- :||: -guera que él demuestre sennyal de presón, si non quando yxca a la requerida natura (et) con el preso siempre vaya el guardador que aquel curie et defienda de los otros crededores. Mas por otra ocasion ningun omne non pueed defender preso defuera de su casa.
- Gargallo Moya 1996 ; Muñoz Garrido 2000, 212.
- Les regidores et les procureurs de la ville sont plus particulièrement chargés au sein du conseil urbain de l’administration des biens municipaux ; voir Floriano 1926, 791.
- AHPTE Concejo, Manual de Acuerdos, 1453, fol. 3v : Et de continent el dito honorable juez venido a la puerta de la preson comun de la dita ciudat puso a los ditos sindicos dentro las puertas de aquella assi como apresos et por reverencia dela santa pascua saquo los de alli de continent Et assigno les por carcel toda la ciudat e ravales de aquella con media legua alderedor dela dita ciudat requerient seyer fecha carta publica ; Testes qui supra.
- Idem : fol. 61v. L. de Carbonnières a déjà montré que l’élargissement pouvait évoluer graduellement à propos des prisonniers du Parlement au Châtelet et pour ceux de la Conciergerie (Carbonnières 2011).
- Bonet Navarro 2007.
- Aucune sentence ni déposition de témoins n’y apparaissent. Ces actes alimentent les procédures diverses en cours d’instruction et assemblées sous la forme de petits cahiers. Ils sont généralement conservés à part, rejoignant à Jaca comme à Huesca par exemple, le fond des papeles de justicia ou la série des procesos ante los jurados à Saragosse.
- Navarro Espinach 2002.
- Caruana Gomez de Barreda 1959. Le juge avait été exécuté dans sa salle d’audience et son cadavre fut jeté par la fenêtre pour être ensuite exposé sur la place de la collégiale.
- Il sera transféré et incarcéré ensuite de longs mois à Barcelone puis à Lérida.
- Gargallo Moya 1984. Cette explication est tirée d’un échange avec notre collègue Germán Navarro Espinach, de l’université de Saragosse, sachant que l’expression en soi n’apparaît pas dans les autres sources consultées. C’est l’argument le plus plausible pour donner sens à cette limitation exprimée en des termes assez elliptiques.
- Archivo Municipal de Jaca, Libro de la cort del justicia, 1450, fol. 5r.
- Charageat 2019.
- Lopez Amo 1956. Les usatges de Barcelone prévoyaient pour les femmes infidèles un régime punitif relevant d’un véritable emmurement. Une fois l’adultère prouvé, les maris pouvaient enfermer leur épouse dans une pièce dont la superficie était parfaitement délimitée : 12 palmes de long sur 6 de large, sans porte ni fenêtre, avec une seule ouverture par où faire passer la nourriture (18 onces de pain a minima) et de l’eau à volonté.
- Gomez de Valenzuela 2016, 117. […] con esto que de oy adelant no pueda la dicha mi muller star en Çaragoça yo stando en ella et si yo voy para habitar en la dicha ciudat de Tudela, que dentro dos dias empues que mi stacha le sera intimada, aya de sallir de la dicha ciudad y mientre yo alli stubiere ella no puede star en la dicha ciudat etc..
- García Herrero 1990, 2, 149. Eadem die in dita civitate. Como yo Francès de Sunyen, sastre, vecino de Caragoça, atorgo e reconozco a vos, Johanya Borraz, muller mia, que vos siades yda de mi casa contra mi voluntat e vos siades yda latitando por la sennyorya del Sennyor rey por tiempo de siet meses, e por justicia devriades prender muert. Por reverencia de Dios, que perdono ad aquellos qui lo mataron, perdono a vos todos los peccados por vos feytos, dius tal condicion que vos vayades fuera de la ciudat de Caragoça e del Regno, e aqui // non vengades por tal que non me fagades pecar. Et si por ventura a la dita ciudat veniredes, que siades confesa a los crimenes e delictos por vos comesos e feytos. Et vos non veniendo en la dita ciudat e en Aragon ni en lugar do yo sia, prometo e me obligo no fazer vos mal ni danyo en vuestra persona e bienes, lo qual vos seguro de dito, feyto, dius pena de traycion etc. E a tener e complir obligo mi persona e bienes etc.
- Vispe Martínez, 190-192.
- Idem : […] no entre dentro del canton de la iglesia de Santa Cruz enta nuestra cassa ni delant la puerta de nuestras casas sitiadas en la dita parroquia de Santa Cruç […].
- Vispe Martínez 2015, 204 : Item dezimos et mandamos que consideradas el dito Fernando haver seydo por el dito Johan de Cuenqua injuriado et ferido, que el dito Johan non se pare en partida alguna ni se encuentre en presencia del dito Ferrando Vaylo, et esto por evitar los periglos que subvenir et subseguir s’end porian, antes si el dito Johan vera o pora veyer en una carera (sic) venir al dito Ferrando, que la ora el dito Johan sia tenido escrimar et se escrime del encuentro, s’end entre en alguna casa o se torne a casa et vaya por otra carrera.
- Jacob 2000, 1039.