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Le recours à l’argument juridique dans la mobilisation politique biélorusse*

On entend parfois dire que la science juridique serait mal adaptée et mal équipée pour saisir les phénomènes protestataires. Limitée à une pure analyse de la norme, elle ne pourrait que constater les changements intervenus une fois que ceux-ci ont eu lieu et demeurerait impuissante à donner des éléments de compréhension d’événements en cours1. Il en irait d’autant plus lorsque ces mouvements prennent des allures révolutionnaires2. Ce constat est en partie vrai. Comment le droit, connaissance de ce qui se pose et s’impose, serait-il en mesure d’appréhender des phénomènes sociaux dont l’un des objectifs consiste précisément à remettre en cause un ordre établi, parfois radicalement ? Science abstraite de la qualification juridique, le droit est souvent à la peine lorsqu’il s’agit de réfléchir aux mouvements sociaux par définition fluides et rétifs à toute catégorisation préétablie. La mystique révolutionnaire française et russe d’une force subvertissant l’ordre politique, historique et social où seule la force brute du politique importe, ne ferait qu’abonder en ce sens. Pourtant, y compris dans ses manifestations les plus radicales, le droit n’est jamais demeuré tout à fait étranger à de tels processus. L’explosion du politique s’est toujours accompagnée, de près ou de loin, soit d’un mouvement de transformation du droit, soit d’une prise en compte ex post de ces phénomènes3, attestant par la même occasion que la matière juridique est bien une science sociale.

Perméable aux phénomènes protestataires dans leur ensemble, le droit peut en outre constituer une grille de lecture pertinente et, dans le contexte biélorusse, s’avère être un instrument d’analyse tout à fait opératoire. L’argument juridique a en effet été utilisé par les deux parties au conflit à des fins opposées révélant les ambiguïtés du droit dans ses rapports avec le politique. Historiquement d’ailleurs, le droit a pu tour à tour servir à légitimer le pouvoir comme les contestations4 ; être un instrument de l’ordre juridique et politique en place et une garantie essentielle de l’État de droit5 ; fonder les mesures prises par le régime tout en prémunissant le peuple contre son arbitraire. L’étude des protestations biélorusses à travers le prisme du droit s’avère cependant une tâche ardue. Sur un plan disciplinaire dans un premier lieu, tant il est vrai que l’analyse des usages du droit ressortit davantage à des travaux de science politique ou d’histoire6. Ce choc disciplinaire est d’autant plus saillant qu’il concerne un régime autoritaire où, dans bien des cas, la puissance du politique prend le pas sur la force du droit. Pourtant, on verra qu’il ne parait ni insensé ni impossible de réfléchir, en tant que juriste, sur le rapport au droit des régimes autoritaires.

Dans un second lieu, la richesse des arguments juridiques déployés au cours de la crise politique biélorusse constitue une autre difficulté, de nature intra-disciplinaire. Que l’on se tourne du côté du pouvoir ou de celui des opposants, la rhétorique juridique employée s’est appuyée sur le droit constitutionnel, le droit international, européen, pénal ou administratif. Parfois de manière contre-intuitive. Ainsi, après les journées noires suivant le scrutin du 9 août 2020, un Conseil de coordination visant à assurer une transition pacifique du pouvoir a été fondé le 18 août 2020, à l’occasion duquel Pavel Latouchko7 a déclaré que « pour nous, le plus important est d’obtenir un accord, un consensus et de sortir, dans le cadre de la législation en vigueur, dans le cadre de la constitution en vigueur, de cette situation de crise ». Comme si les principaux acteurs du changement de régime souhaitaient que celui-ci survienne sans changement d’institutions ni de règles fondamentales. À l’inverse, A. Loukachenko, il est vrai bien après la phase de violence politique aigüe et non sans visées stratégiques, a proposé de modifier la constitution ou, dit-il, d’adopter une « nouvelle constitution ». On serait donc dans une situation paradoxale où les opposants au régime souhaitaient d’abord et avant tout changer le régime sans changer l’ordre constitutionnel et où le pouvoir proposait de réviser la norme fondamentale du pays afin précisément de maintenir l’ordre politique. Ce paradoxe n’est en réalité qu’apparent et révèle au moins trois choses. En premier lieu, il est le signe que les questions juridiques ont, de manière continue, émaillé ce conflit. Qu’il s’agisse de l’appel aux juridictions internationales, de la saisine d’un certain nombre de juridictions nationales étrangères (Lituanie et Allemagne), de la référence aux traités internationaux auxquels la Biélorussie est partie, du débat constitutionnel en cours, de l’indépendance de la justice et des limites à imposer aux forces de police, les questions juridiques semblent tenir une place singulière dans cette quête démocratique. En deuxième lieu, l’importance des questions juridiques durant ce conflit souligne que certaines révoltes contemporaines ont changé de nature. Le temps où seuls comptaient la force de la volonté politique, la soif de justice et l’impératif du changement, est en partie révolu. À côté de ces exigences vient s’ajouter un besoin, une demande de droit comprise comme une demande politique à part entière. Cet appel à la normativité, outre qu’elle est un indice de la place que le droit a pris dans nos sociétés, démontre que les revendications politiques d’aujourd’hui ne peuvent plus faire l’économie d’une argumentation juridique. On peut voir en ce domaine un certain déclin du décisionnisme schmittien au profit, dans une certaine mesure toutefois, d’une rationalité juridico-normative y compris dans des moments d’intense conflit politique. En troisième et dernier lieu, cet appel au droit donne plus de crédit encore à la thèse de l’impérieuse nécessité d’une recherche en droit qui n’ignore plus les régimes autoritaires. Au contraire, c’est justement parce que son application est généralement dévoyée par le pouvoir, que l’appel politique au droit et à la justice se fait d’autant plus criant. On rejoint ici ce qui a été écrit par F. Ost, dans une optique certes fort différente, lorsqu’il affirme que « le droit, si éminent soit-il, reste “lettre morte”, s’il n’est réapproprié par ses destinataires, dans une démarche à caractère intrinsèquement politique »8. En somme, peut-être est-ce dans les régimes autoritaires, où le droit est souvent défaillant, qu’il est particulièrement nécessaire d’en promouvoir l’analyse.

Les réflexions qui vont suivre s’inscrivent donc dans une analyse juridique globale des protestations biélorusses et discuteront des arguments mobilisés par les deux parties. Pour y procéder, on prendra pour point de départ trois finalités du droit qui se superposent tout en s’opposant. Le droit a en effet pour objet, notamment mais non exclusivement, de déterminer ce qui est juste et régulier ; ce qui est légal et légitime ; ce qu’il faut réprimer et les valeurs à protéger. Ces finalités – normatives – du droit n’ont pas la prétention de l’exhaustivité. Sélectionnées de manière quelque peu arbitraire, elles ont pour avantage de mettre en lumière les ambiguïtés inhérentes aux usages du droit durant cette crise politique. Afin de donner une grille d’analyse opératoire de l’utilisation de l’argument juridique au cours du conflit politique biélorusse, on combinera ces triples fonctions à deux objets canoniques du droit qui portent sur son rapport aux normes et au pouvoir. On examinera ainsi dans quelle mesure le droit a pu être, à l’occasion de ces mobilisations politiques, un artisan du changement de normes et des référentiels normatifs (1) et qu’il constitue un indice opératoire des rapports que le régime en place ou les opposant entretiennent avec la question de l’institutionnalisation du pouvoir (2). Cette grille d’analyse mettra en évidence que, outre leur instrumentalisation classique à des fins de légitimation, les référentiels juridiques employés révèlent une confrontation de deux mondes. Certes, cette confrontation n’est parfois pas exempte de mauvaise foi, en particulier du côté du pouvoir. On ne peut toutefois réduire ces divergences au seul mésusage du droit ou à la mauvaise foi. Quelque chose de plus fondamental les oppose et relève d’un désaccord profond sur les valeurs promues, sur la nature du régime politique à défendre ou à combattre et du rapport à la modernité et à l’idéal de liberté.

Mobilisation politique, droit et référentiels normatifs

Les rapports entre fait et droit9, entre ordre social et ordre juridique10, sont loin d’être un impensé de la science juridique. L’étude de leurs relations et de leur interdépendance est traversée par la question de la fixité, du mouvement et de la conformité d’un comportement à un ensemble de normes. Penser ces rapports normatifs de manière dynamique suppose au préalable de repérer les référentiels en présence et, dans le contexte biélorusse, il est possible d’en identifier trois. Les trois référentiels que l’on propose se rapportent au légalisme, au constitutionnalisme et à l’internationalisme. Une fois ces référentiels posés, on ne pourra que constater, à l’aune de ces derniers, combien les positions du pouvoir et des opposants sont inconciliables.

Légalisme, constitutionnalisme et internationalisme :
les référentiels en présence

Le légalisme, le constitutionnalisme et l’internationalisme sont trois mouvements de nature différente, nés à des moments distincts de l’histoire mais qui tendent à converger aujourd’hui. Tâchons de les identifier brièvement.

Premièrement, lorsque l’on parle de légalisme, nous faisons référence à l’État légal tel qu’il résulte des acquis de la Révolution française et de la pensée juridique française. On pense notamment à l’idée – ou plutôt à la mystique11 – selon laquelle la loi serait l’expression de la volonté générale qui a peu à peu accrédité l’idée de la souveraineté de la loi et, à travers elle, du parlement. Cette souveraineté de la loi et du parlement, si elle fait depuis longtemps l’objet de critiques12, porte encore en elle une image politique forte. Considérée, au moins symboliquement, comme un présupposé fondamental elle se rattache à une tradition légicentriste encore très présente en France, comme elle le fut en Union soviétique et l’est encore en Biélorussie13. Point n’est question, ici, de se prononcer sur la nature démocratique de la loi, mais simplement de constater que, ne serait-ce le terme de « loi » incarne encore une image démocratique, celle de l’expression de la souveraineté d’un peuple ou de la nation.

Deuxièmement, s’agissant du constitutionnalisme, celui-ci peut être qualifié d’idée politico-juridique défendant une conception libérale de l’État en vertu de laquelle la garantie des libertés de l’individu doit être assurée politiquement par la séparation des pouvoirs et juridictionnellement par une institution judiciaire indépendante14. Cette idée fondatrice s’est progressivement traduite par l’émergence d’un juge constitutionnel en charge d’assurer la prééminence de la constitution et de procéder, s’il y a lieu, à un contrôle de conformité de la loi à l’égard de la constitution. Le mouvement constitutionnaliste, qui s’est principalement développé dans un premier temps aux États-Unis au XVIII et XIXe siècle15, place la constitution au cœur du système juridique national et s’est imposé comme une réaction à la toute-puissance du parlement et au règne de la loi. Le souverain ne serait plus le seul législateur, mais le constituant qui, pour assurer l’effectivité de la constitution, en a confié le contrôle et la garantie à un juge, spécialisé ou non. Si l’on devait synthétiser les apports concrets du constitutionnalisme à la construction de l’État, on dirait qu’il a eu pour conséquence la promotion de la séparation des pouvoirs, l’instauration d’une suprématie effective de la constitution et l’imposition d’une défense des libertés garantie par un juge indépendant. Ce constitutionnalisme a été quelque peu renouvelé par la science du droit à travers le développement de la démocratie constitutionnelle16, promu notamment P. Häberle17, amenant peu à peu aujourd’hui à s’interroger sur l’existence d’un constitutionnalisme global18.

Troisièmement, ce que nous avons appelé « internationalisme » se réfère aux fondements du développement du droit international du début du XXe siècle. Si le droit international est depuis longtemps un droit qui, outre le commerce et les espaces, s’est attaché à réglementer et encadrer la guerre, ce dernier objet du droit international s’est particulièrement développé au cours d’un XXe siècle émaillé par deux guerres mondiales. L’histoire du droit international n’est en effet pas une histoire neutre. Ce droit n’a eu de cesse de promouvoir un idéal de paix et de liberté qui continue aujourd’hui d’en être le moteur. Ces deux valeurs font corps avec le droit international et en constituent ses finalités premières19. Il partage cela avec d’autres droits comme le droit constitutionnel, et B Mirkine-Guetzévitch ne s’y était guère trompé lorsque, dans l’entre-deux guerres, il rédigea son Droit constitutionnel international20. Dès lors, s’il existe un principe de neutralité du droit international à l’égard des régimes politiques nationaux21, celui-ci ne signifie pas qu’il soit en lui-même consubstantiellement neutre. Ce sont ces deux valeurs – la paix et la liberté – qui demeurent au cœur ce que nous avons qualifié d’internationalisme. Celles-ci se retrouvent à l’heure actuelle promues par le constitutionnalisme international, né d’une interdépendance croissante entre les nations au XXIe siècle, tout particulièrement en Europe et grâce à l’Union européenne. Ce constitutionnalisme international est un peu le pendant internationaliste du constitutionnalisme global ci-dessus évoqué et qui officie parfois dans un bain idéologique assez proche22. Dans les deux cas, il est le signe que la prétendue neutralité axiologique du droit, encore défendue par une partie de la doctrine, n’est plus en capacité d’éclairer les mouvements profonds du droit en ce début de XXIe siècle. Le droit international tend en effet à devenir un droit international démocratique qui promeut des valeurs de moins en moins compatibles avec des régimes autoritaires23. Si ce mouvement n’est pas à l’abri d’un risque d’homogénéisation des systèmes24, c’est une tendance qu’il est difficile de nier et qui correspond à l’idéal internationaliste promu dès le début du XXe siècle. Le droit international oscille donc encore entre neutralité et promotion de valeurs, ambiguïté propice à des arguments juridiques âprement disputés par le pouvoir et les opposants.

Légalisme, constitutionnalisme et internationalisme :
des approches inconciliables

Ces trois référentiels sont autant de ressources conceptuelles et normatives qui ont été mobilisées par le pouvoir et les opposants afin de justifier leurs actions. On remarquera que les lectures de ces différentes théories par les parties au conflit, s’opposent assez radicalement, consciemment ou inconsciemment : le pouvoir procède à une lecture formaliste, les opposants optent pour une lecture substantialiste.

Le formalisme du pouvoir

On ne s’étonnera guère de l’attachement du pouvoir à un formalisme de ce qu’il y a de plus classique. Les régimes autoritaires – plus que totalitaires25 – se satisfont aisément d’une conception prétendument positiviste du droit26. Un positivisme toutefois dévoyé en raison, notamment, d’une absence d’indépendance de la justice. Ce positivisme et ce formalisme se vérifient par un attachement viscéral à la loi bien plus qu’à la constitution ou au droit international. En somme, il semble que le pouvoir biélorusse soit très légaliste, peu constitutionnaliste et, pour ainsi dire, guère internationaliste. Le légalisme des autorités biélorusses est perceptible à de nombreux égards. Si l’on se réfère uniquement au droit de manifester, on ne peut que constater que les règles procédurales applicables ont été dans leur ensemble respectées par le pouvoir. La loi du 31 décembre 1997 sur les manifestations de masse prévoit en effet un régime d’autorisation, et non de déclaration comme en France. Toute manifestation sera qualifiée de manifestation de masse, y compris de simples « réunions » de quelques personnes dans l’espace public, si cette même réunion a pour objet de « discuter de questions touchant à leurs intérêts »27. Une loi du 24 mai 202128 limite davantage encore ce droit de manifester en interdisant par exemple la diffusion en direct sur internet des manifestations non autorisées, y compris pour les journalistes (art. 11 révisé). Les poursuites à l’encontre de ceux qui ont participé aux manifestations disposent donc d’un incontestable fondement légal. Ce légalisme n’est cependant pas un héritage d’un légicentrisme comparable à celui de la France. Il s’agit d’un légalisme ultra formaliste qui fait de la loi un instrument de l’État, tout à fait éloignée de la philosophie révolutionnaire française où la loi serait l’expression de la volonté générale. En somme, le légalisme biélorusse, cet attachement viscéral au respect des formes législatives, contribue par ricochet à une dégradation de la valeur de la loi, de la valeur du parlement et de l’État en tant qu’institution. L’État n’est plus une institution, il n’est qu’un pouvoir.

En toute logique, le rapport au constitutionnalisme des autorités biélorusses est plus distendu. Les références à la constitution durant la mobilisation n’avaient que peu de chose à voir avec ce que porte en lui le constitutionnalisme. En ce qui concerne le rôle de la Cour constitutionnelle, celle-ci n’exerce pas de fonctions comparables à celle qu’assurent généralement de telles cours. Elle n’a pas été instituée pour protéger la constitution, mais pour protéger le régime. Ce constat s’illustre on ne peut mieux dans sa prise de position du 25 août 202029. S’appuyant sur l’article 6 du code sur le système judiciaire et le statut des juges en application duquel la Cour constitutionnelle a pour mission de défendre « l’ordre constitutionnel », « la primauté de la Constitution » et de garantir les droits de l’Homme, elle a estimé, après s’être autosaisie, que les élections du 9 août 2020 avaient consacré la réélection d’A. Loukachenko. Dans cette même décision, elle condamne la prise du pouvoir par la violence et affirme que « la création du Conseil de coordination, qui a pour objet de réviser les résultats des élections présidentielles (…) est inconstitutionnelle ». Enfin, elle ajoute que « le respect de la légalité constitutionnelle » est indispensable « pour contrecarrer toute action destructrice de la stabilité et de la souveraineté de l’État, de la paix civile et de la concorde sociale, de la stabilité de l’ordre constitutionnel ». L’argumentaire juridique auquel recourt le juge constitutionnel biélorusse ne s’appesantit pas sur la défense des droits fondamentaux qui, dans cette décision n’ont qu’une fonction ornementale. En somme, cette prise de position, adoptée sans habilitation constitutionnelle30, a pour unique objet de légitimer la réélection d’A. Loukachenko et de décrédibiliser la création du Conseil de coordination. On est loin, très loin, de l’idée constitutionnaliste.

Enfin, l’idéal véhiculé par l’internationalisme reste lui aussi un horizon lointain pour le pouvoir. Certes, l’importance du droit international est soulignée par la constitution, notamment en son article 8. Qui plus est, la Cour constitutionnelle est compétente pour vérifier la conformité du droit interne à l’ensemble des règles de droit international, prérogative que l’on ne retrouve pas partout, et notamment pas en France31. Celle-ci n’hésite d’ailleurs pas à faire référence explicitement au droit international dans ses décisions, qu’il s’agisse de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou du Pacte international relatif aux droits civils et politiques32, ces deux dernières sources étant très régulièrement citées par la Cour33. Pourtant, la réalité est celle d’un refus assez systématique de l’acceptation de toute forme de responsabilité juridique internationale par les autorités. Certes, la contestation de l’engagement de sa responsabilité n’est pas propre à la Biélorussie. La différence, notamment avec un certain nombre de pays occidentaux, est toutefois perceptible dans la rhétorique déployée. La Biélorussie ne se contente pas de rejeter l’engagement de sa responsabilité en contestant les faits, les fondements juridiques ou le raisonnement juridique avancé. Elle considère que tout rappel à ses obligations internationales constitue une ingérence dans ses affaires intérieures34. Non seulement, dans l’immense majorité des cas cette affirmation est juridiquement erronée, mais surtout elle signifie que le pouvoir biélorusse tend à rejeter, sur un plan rhétorique, l’existence même des obligations internationales concernées en mettant en avant le principe de souveraineté et sa liberté de choisir son régime politique35.

L’examen de la pratique biélorusse du droit international fait ressortir que l’idéal internationaliste qui tend à distiller un contenu matériel au sein des normes de droit international est assez éloigné du discours officiel. En somme, pour les autorités, le droit international n’est pas un vecteur de liberté et de démocratie, il n’est qu’un procédé comme un autre, visant à assurer exclusivement de manière parfaitement neutre des relations pacifiées avec les tiers.

Le substantialisme des opposants

À rebours du pouvoir, les opposants conçoivent le droit d’abord et avant tout par sa substance et ses finalités. Le droit est compris tel qu’il devrait être dans un ordre libéral, à savoir comme un moyen de protéger les individus contre l’arbitraire. L’importance de la place prise par les arguments juridiques durant ce conflit est aussi la conséquence du pacifisme des opposants. Ne pouvant s’appuyer sur la force pour s’imposer, ils se devaient de convaincre, d’élargir la mobilisation et d’avancer des arguments rationnels au rang desquels le droit figure en bonne position. La fréquence des références à la règle de droit augmente ainsi avec la nature pacifiste du mouvement et souligne, s’il en était besoin, que le droit demeure un procédé indispensable à la pacification des relations sociales.

Cette différence fondamentale dans l’approche du droit a des conséquences assez nettes sur la place qu’ils accordent au légalisme, au constitutionnalisme et à l’internationalisme. Du point de vue du rapport à l’État légal, on doit distinguer deux périodes. D’une part, la période électorale, durant laquelle Svetlana Tikhanovskaïa s’est efforcée, autant que faire se peut, de respecter le formalisme législatif. On pense notamment à sa déclaration du 6 août 2020, par laquelle elle a décidé d’annuler son dernier meeting de campagne qui promettait d’être massif, en raison d’un refus d’autorisation administrative ; ceci afin, nous disait-elle, de « ne pas provoquer les gens ». Cet attachement à l’État légal n’est cependant pas de même nature que celui du pouvoir. Il doit être compris comme un formalisme visant à se prémunir de poursuites pénales bien plus qu’à respecter des normes adoptées par le pouvoir législatif. D’autre part, depuis que la répression s’est étendue et que les opposants connus sont soit exilés, soit emprisonnés, ceux-ci n’hésitent plus à critiquer ouvertement la nature liberticide de nombre de lois adoptées. On pense notamment à la loi limitant la responsabilité des forces de l’ordre en cas de répression des manifestations36, à la loi sur la limitation de l’accès des médias aux manifestations37, sur l’inadmissibilité de la réhabilitation du nazisme38, à l’interdiction des drapeaux « blanc-rouge-blanc »39, ou encore à l’inclusion de médias et de journalistes dans des listes terroristes40. L’opposition en appelle bien plus à la symbolique d’une loi issue de la volonté générale qu’à la loi issue d’une procédure législative en application d’une politique d’État41.

Peu légaliste, bien plus constitutionnaliste, tel pourrait être le crédo des opposants au régime. Ils partagent l’idée selon laquelle la constitution ne doit pas être comprise du seul point de vue formel mais comme une norme protectrice des libertés et une garantie d’un fonctionnement libéral des institutions politiques. On se souvient combien, dans les rangs des manifestants, les références à la constitution étaient nombreuses. De façon presque paradoxale, ces derniers n’exigeaient en rien la révision de la constitution. Au contraire, ils demandaient son exacte application et le respect de l’esprit d’une constitution protectrice des libertés. La constitution biélorusse coche d’ailleurs toutes les cases de la « bonne constitution » : une séparation des pouvoirs affirmée, un catalogue de droits fondamentaux, une justice indépendante, un régime démocratique. La trilogie, que l’on entend à l’envie ces derniers temps, « droits de l’Homme / démocratie / État de droit » a été parfaitement intégrée par la Biélorussie en 1994 et les révisions suivantes n’ont – formellement – pas altéré ce bel édifice qui serait un archétype de la « gouvernance démocratique », si rassurante pour les investisseurs42. Pour autant, et bien évidemment, ces prescriptions constitutionnelles n’existent bien souvent que sur le papier. La stratégie des opposants aura donc été de solliciter du pouvoir qu’il applique sincèrement et honnêtement ces normes constitutionnelles. En d’autres termes, les protestataires étaient en demande d’effectivité constitutionnelle et en ce sens, ils étaient révolutionnaires43. Les opposants au régime embrassent la théorie constitutionnaliste, par définition substantialiste : une constitution n’est pas seulement une norme particulière, un acte formel, elle a aussi une signification et un contenu dont la réalité n’a de sens que si elle est effective.

Cet idéal constitutionnaliste rejoint en partie celui de l’internationalisme. Le mouvement internationaliste, tel que nous l’avons défini, consiste en la conviction que le droit international n’est pas consubstantiellement neutre mais qu’il promeut, avec les difficultés que l’on connaît, un certain nombre de valeurs et en premier lieu, la paix et la liberté. Peu à peu, s’établit un droit international démocratique vecteur de normes substantielles. Si l’on examine les revendications des protestataires, force est de constater que celles-ci se recoupent largement avec ce droit international démocratique. On pense par exemple aux demandes insistantes de la diaspora biélorusse pour inciter l’Union européenne à adopter les sanctions les plus sévères qui soient au nom des droits de l’Homme ou à l’engagement de S. Tikhanovskaïa à signer et ratifier le statut de Rome sur la CPI si elle parvenait au pouvoir. Cette volonté d’internationaliser la lutte contre le régime d’A. Loukachenko est d’abord la conséquence des répressions et de l’exil forcé de ses principaux protagonistes. Elle est aussi liée au fait que le droit international demeure encore, à bien des égards, un droit de l’ultime recours, un droit du désespoir parfois malheureusement défaillant. L’opposition a ainsi échafaudé une stratégie de pression sur le régime en recourant à divers leviers issus du droit international. Outre les sanctions, on fait référence à l’argumentaire construit autour de la compétence universelle de certaines juridictions nationales en matière de crime contre l’humanité en raison de torture auprès des juridictions lituaniennes qui, d’après l’article 100 du code pénal, sont effectivement compétentes pour poursuivre de telles infractions. La difficulté essentielle pour ces juridictions lituaniennes étant la question du seuil de la violence. Cet argument est sans doute très difficile à entendre pour les victimes des répressions biélorusses, mais de telles poursuites n’ont jusqu’à présent été réalisées que dans des situations autrement plus graves, comme en ex-Yougoslavie, au Rwanda ou au Cambodge. Le code pénal lituanien ne s’y est pas trompé et exige d’ailleurs, en conformité avec la pratique internationale, que ces crimes aient été perpétrés « on a large scale or in a systematic way » (art. 100). Or, si l’intensité des violences était indiscutable au cours de la semaine suivant le résultat des élections, celles-ci ont été drastiquement limitées par la suite. Il n’est cependant pas impossible que les tribunaux lituaniens se reconnaissent compétents compte tenu de l’implication de la société lituanienne dans la crise politique en Biélorussie. Mais ce serait inédit eu égard à la pratique internationale.

On terminera ce tour d’horizon des marqueurs de l’adhésion des protestataires à la philosophie internationaliste en relevant deux risques pour ceux-ci. D’une part, celui des faux-espoirs. On a le sentiment que les protestataires placent des attentes démesurées dans le rôle des sanctions, un peu comme si leur adoption aurait un effet magique, celui de freiner A. Loukachenko dans son entreprise d’élimination progressive de toute forme d’opposition44. Point n’est question d’affirmer ici que les sanctions seraient par principe inutiles. Considérer que l’absence de sanctions à l’égard de la Biélorussie serait politiquement plus avisée que leur adoption relèverait sinon du non-sens, du moins serait malaisé à démontrer. En revanche, les sanctions ne peuvent pas générer, par le seul effet de leur adoption, un changement de régime. D’autre part, le choix des contre-mesures est un exercice difficile si l’on souhaite affaiblir le régime sans s’aliéner la population. Les mesures restrictives adoptées suite à l’incident aérien impliquant Ryanair illustrent on ne peut mieux cette ambiguïté : comment sanctionner le régime en interdisant la flotte de Belavia de se poser sur les aéroports européens sans faire de la Biélorussie une prison qui serait davantage encore dépendante de la Russie ? En ce domaine tout est complexité et les mesures radicales ne sont peut-être pas les plus opportunes à moyen ou à long terme. Si changement il doit y avoir, celui-ci devra venir de l’intérieur, par la démocratisation du régime et l’institutionnalisation du pouvoir, son corollaire.

Mobilisation politique, droit
et institutionnalisation du pouvoir

La désinstitutionalisation du pouvoir est l’un des traits caractéristiques des régimes autoritaires. Cette désinstitutionalisation représente un travail de longue haleine, qui s’appuie sur la formation d’une culture politique qui ne confère au droit qu’une pure fonction instrumentale de relais technique d’une domination. La place laissée au droit dans de tels gouvernements s’avère, dès lors, être un bon indicateur de la nature du régime en particulier lorsque celui-ci est confronté à d’intenses contestations, comme c’est le cas en Biélorussie. Deux questions semblent être assez révélatrices du rapport que le pouvoir et les opposants entretiennent à l’égard de l’institutionnalisation : celle de la légitimité et celle de la révision constitutionnelle.

L’institutionnalisation de légitimités parallèles

S’il est évident que la construction d’une légitimité ne repose pas exclusivement sur le droit, il est tout aussi clair qu’il y contribue. À l’étude, on s’aperçoit que les protestataires ont échafaudé une rhétorique juridique visant à se construire une légitimité tant à l’égard des Biélorusses qu’à l’égard des États occidentaux et des organisations internationales. En revanche, et l’on ne saurait être surpris, le pouvoir n’a pas été réellement en mesure de s’institutionnaliser, malgré ses vaines tentatives.

En premier lieu, la quête de légitimité de l’opposition est d’abord passée par un travail d’enquête et de vérification du scrutin présidentiel. Très rapidement, ce sont diverses plateformes qui ont vu le jour telles que Zubr (Bison)45, Golos (Voix)46, ou encore Tchestnye Lioudi (Les honnêtes gens)47. À l’issue d’un travail minutieux, ce sont des milliers de fraudes ou de (grosses) suspicions de fraudes qui ont été documentées48. Après avoir collecté des informations en provenance de 1 310 bureaux de vote sur les 5 767, ces plateformes estiment, par extrapolation statistique, que la victoire aurait dû revenir à S. Tikhanovskaïa. Dans le même temps, les Biélorusses heurtés par les répressions ont recouru à leur droit de révocation des élus. On rappellera que ce droit de révocation, héritage soviétique, demeure encore formellement en vigueur en Biélorussie49. La procédure de révocation des élus, d’une complexité et d’une longueur extrême (200 jours)50, n’a jamais véritablement abouti et n’avait été déclenchée auparavant qu’à l’occasion de protestations locales. Les fraudes électorales d’août 2020 ont ainsi été l’occasion, pour les Biélorusses, de prendre le pouvoir au mot et de retourner le formalisme de ses pratiques juridico-politiques contre lui. Sans surprise, les autorisations demandées aux soviets locaux pour organiser une réunion afin de lancer la procédure révocatoire n’ont pas été délivrées et la loyauté des élus à l’égard du pouvoir n’a pas été ébranlée. Cette initiative témoigne toutefois de la mobilisation, par les électeurs, de l’ensemble des instruments à leur disposition, y compris les instruments relevant de la contestation institutionnalisée51.

La critique de la personnalisation du pouvoir et les preuves de ses défaillances ne pouvait suffire à rendre l’opposition crédible. Encore fallait-il que celle-ci démontre sa capacité à s’institutionnaliser, non seulement car elle est un indice du libéralisme politique mais en outre, parce qu’elle est un gage de sérieux à l’égard de la communauté internationale et du peuple biélorusse. Conscient qu’une légitimation passe par une institutionnalisation, les opposants ont très rapidement mis en place une série d’institutions venant compenser les manquements du pouvoir. La création du Conseil de coordination, le 18 août 2020, en fut la première. Ce conseil avait pour objectif d’assurer la transition du régime vers un régime démocratique et entendait strictement respecter l’ordre légal et constitutionnel biélorusse en devenant un lieu de dialogue avec le pouvoir. Le 27 août 2020, le Conseil de coordination déclarait qu’il n’avait pas « pour but de prendre le pouvoir, de changer l’ordre constitutionnel et le cours de la politique étrangère, il exprime sa position et mène ses travaux dans le cadre de la loi. Toutes les accusations selon lesquelles le Conseil de coordination utiliserait des moyens et des instruments inconstitutionnels non prévus par la loi sont fausses »52. Il avait ceci de paradoxal que, tout en ne pouvant qu’être informel eu égard à la nature du régime, il constituait un moyen de contraindre le pouvoir à respecter la loi positive et formelle. La légalité et l’institutionnalisation informelles devenant par là une source de légitimité politique. Ce besoin de légalité et de conformité au droit s’est d’ailleurs ensuite amplifié par un besoin de justice. On le sait, c’est d’abord ce sentiment d’injustice qui a conduit S. Tikhanovskaïa à remplacer son mari en tant que candidate. La violence de la répression post-électorale n’a fait que renforcer ce sentiment d’injustice et a conduit les membres de l’opposition à institutionnaliser informellement ce besoin en développant des institutions judiciaires parallèles, comme la création d’un tribunal populaire en ligne53. Ce tribunal populaire, malheureusement mais inévitablement, n’échappe toutefois pas à certains écueils d’une justice vengeresse54.

Sans doute conscient de son déficit d’institutionnalisation, A. Loukachenko a essayé, mais sans résultats convaincants, d’inverser la tendance. Il a eu recours, pour ce faire, à de nombreux leviers. Dans un premier temps, ce fut celui de la décrédibilisation de l’opposition. Suite aux manifestations de masse, le pouvoir n’a pas hésité à faire le parallèle avec les « révolutions de couleur », à présenter les opposants comme des fomenteurs de coups d’État, voire à des terroristes. L’institution et la légalité seraient du côté du pouvoir et ce serait précisément à l’encontre de ceci que les manifestants se dresseraient. Dans un second temps, une fois que la répression a su, patiemment, éliminer à peu près toute forme de protestation visible, l’heure était venue de se reconstruire en tant que pouvoir institutionnel. A. Loukachenko s’est appuyé à cette fin sur une institution curieuse : l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie. Ces assemblées ont cours depuis 1996 et ressemblent à s’y méprendre aux congrès du parti communiste de l’URSS. Organisée sur décision présidentielle55, elle est censée représenter le peuple dans son entièreté, directement et en s’extirpant de la représentation parlementaire. Cette dernière assemblée, composée de 2 700 personnes choisies selon des critères géographiques, politiques et socio-professionnels56, s’est tenue les 11 et 12 février et a été accompagnée d’une couverture médiatique massive57. Il a notamment été avancé que la création de cette assemblée, qui n’a formellement aucune existence constitutionnelle, était la conséquence directe de l’article 3 de la constitution en vertu duquel « le peuple est l’unique source du pouvoir dans l’État et le dépositaire de la souveraineté de la République de Biélorussie ». En somme, l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie serait, selon le pouvoir, une institution visant à incarner, formaliser et institutionnaliser le peuple. Ce dernier deviendrait symboliquement un acteur du pouvoir qui serait l’organe le plus légitime qui soit.

En réalité, loin d’apparaître comme une forme d’institutionnalisation du pouvoir, cette Assemblée en est l’exacte contraire. D’une part, il est étonnant de constater combien une institution dont l’existence ne repose sur aucune base constitutionnelle solide ait été présentée dans les médias biélorusses comme un organe plus représentatif que le parlement lui-même qui, en revanche, dispose d’un réel fondement constitutionnel. L’exposition de cette assemblée en lieu et place des autres lieux traditionnels de représentativité constitue un aveu de l’absence de représentativité des autres institutions et, tout simplement, de l’antiparlementarisme classique des régimes autoritaires58. Le pouvoir est par ailleurs conscient de ce manque patent d’institutionnalisation et il est prévu que cette assemblée soit constitutionnalisée par le projet de révision constitutionnelle en préparation59. D’autre part, la rhétorique employée par A. Loukachenko lors de son discours devant cette assemblée est en elle-même « désinstitutionnalisante », par sa méfiance à l’égard des partis politiques, son côté paternaliste qui n’hésite même plus, depuis août 2020, à recourir au champ lexical de l’amant / mari / protecteur de sa bien-aimée, la Biélorussie60. Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il ne fait guère de doute que le pouvoir biélorusse, eu égard à son histoire et à ses pratiques récentes ou anciennes, n’est pas capable de s’institutionnaliser. Sa légitimation passe par d’autres voies, celles de la pure politique et d’un volontarisme faisant fi du droit et des institutions.

Révision constitutionnelle et institutionnalisation du pouvoir

Le thème de la révision de la constitution en Biélorussie est loin d’être une nouveauté. Ces dernières années, il a été régulièrement mis au goût du jour par A. Loukachenko, souvent sous couvert de modernisation des institutions. Le projet qui a abouti à la révision de 2022 était toutefois de nature différente. Il a été proposé par A. Loukachenko – sans en donner les détails – dans le seul but de prendre de court les opposants et de se présenter comme un artisan de la concorde civile. Lors de son discours devant l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie, le 11 février 2021, il s’est prononcé en faveur d’une révision qui ne remettrait pas en cause le système présidentialiste mais où les pouvoirs du président seraient réduits, non pas tant pour rééquilibrer les pouvoirs, mais parce que, selon lui, ils seraient si lourds qu’il n’est pas certain que le prochain président de Biélorussie parvienne à les assumer61.

Sans savoir, à l’heure où ces lignes ont été écrites, quel serait le contenu précis de cette réforme, il est intéressant d’en examiner le processus et ce qu’il révèle de l’institutionnalisation du pouvoir62. Si les révisions constitutionnelles peuvent être plus ou moins démocratiques, la tendance générale consiste à ne plus réserver le soin de sa confection à un cercle restreint d’experts mais à favoriser le débat public, surtout lorsqu’elle est présentée par les autorités comme étant d’importance. Or, il est manifeste que, dans le cas biélorusse, la rédaction du projet de révision s’est faite dans l’opacité la plus absolue. On a simplement été informé, de temps à autre, lorsque le pouvoir le décidait et dictait son agenda, que telle ou telle question était abordée par A. Loukachenko au cours d’une réunion avec une commission constitutionnelle qui devrait rendre ses travaux d’ici le 1er août 2021. Composée de 36 personnes, cette commission était présidée par Piotr Miklachévitch, actuel président de la Cour constitutionnelle et ancien procureur général de Biélorussie. Parmi les membres de cette commission, on trouvait le premier ministre, le chef de l’administration présidentielle, les présidents des deux chambres du parlement, des représentants de différentes professions et de la « société civile » biélorusse. Selon son président, quatre questions devaient être abordées à titre principal : le statut de l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie, une clarification de la répartition des pouvoirs, des changements du point de vue du système électoral et du rôle des partis63 et enfin des droits économiques et sociaux. Cette réforme constitutionnelle, qu’A. Loukachenko qualifiait de « nouvelle constitution », cristallise l’incapacité du pouvoir à véritablement s’institutionnaliser : processus opaque, pas de débat dans l’espace public, parlementaires inexistants, constitutionnalisation de l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie comme une troisième chambre qui ne peut que rappeler l’Union soviétique, diminution des pouvoirs présidentiels de façade et sans rapport avec la réalité du pouvoir. Cette incapacité ne surprend qu’à moitié mais, après le choc des protestations, on aurait pu croire que des efforts auraient pu être entrepris pour limiter cette personnalisation. Peut-être doit-on déduire de cette attitude que le pouvoir estime être sorti vainqueur de la confrontation politique et qu’il considère avoir le champ libre pour agir.

L’imposition par le pouvoir du thème de la révision constitutionnelle a probablement pris l’opposition par surprise. Celle-ci a rapidement réagi par des contre-propositions qui, tant par leur contenu que par leur méthode, tranchent avec la révision officielle. Marginalisés, exilés et affaiblis, ils n’avaient d’autre choix que de proposer un modèle de révision participatif. Trois contre-projets ont ainsi été lancés et tous furent bien plus conformes à l’idéal constitutionnaliste que le projet officiel de révision. Tout d’abord, celui de S. Tikhanovskaïa propose une véritable nouvelle constitution et partant, mobilise le pouvoir constituant originaire et non le seul pouvoir constituant dérivé. Il a été intégralement rédigé et il est possible pour tout un chacun de commenter les propositions sur un site dédié64. Ce projet proposait une constitution fleuve de 189 articles, aujourd’hui 173, qui établit un régime parlementaire à dominante présidentielle, composé d’un parlement monocaméral élu pour quatre années65 et d’un chef de l’État élu au suffrage universel direct pour cinq ans66. Ensuite, P. Latouchko, de son côté et avec son mouvement « Gouvernement populaire anticrise » (Народное Антикризисное Управление) se préoccupe plus de la transition du pouvoir et des questions opérationnelles que du cadre juridique dans lequel celui-ci devrait avoir lieu67. Dans son programme d’action, il y était notamment exigé le départ du « président autoproclamé », la nomination de S. Tikhanovskaïa comme premier ministre, la démission de tous les fonctionnaires impliqués dans des crimes et une refonte de la commission électorale centrale. Après quoi, une nouvelle campagne électorale serait lancée et ce n’est qu’à l’issue de cette campagne qu’une nouvelle constitution pourrait être débattue. Outre que ce scénario semblait peu réaliste, la façon de procéder de l’équipe de P. Latouchko est bien moins institutionnelle que celle de l’équipe de S. Tikhanovskaïa et, paradoxalement, s’inscrit encore dans le primat de la décision politique68. Enfin, l’un des projets les plus abouti était celui mené par un autre candidat malheureux à la présidentielle, Valéry Tsepkalo. Ce projet, lui aussi collaboratif via son site69, proposait un texte de taille plus modeste que celui de S. Tikhanovskaïa, même s’il comportait toutefois 150 articles. Le pouvoir législatif – la Rada nationale – serait lui aussi monocaméral et les députés seraient élus pour quatre années. Le chef de l’État serait toujours un président élu au suffrage universel direct, pour cinq ans, entérinant ainsi un système parlementaire à dominante présidentielle qui, formellement, est celui qui a cours aujourd’hui en Biélorussie. Il n’existe, aujourd’hui, plus qu’un seul véritable projet de nouvelle constitution, celui centralisé par l’équipe de Svetlana Tikhanovskaïa.

Les projets de l’opposition, du moins ceux portés par S. Tikhanovskaïa et V. Tsepkalo, se sont donc saisis du thème de la révision constitutionnelle pour l’intégrer dans leur projet de changement de régime ; un régime plus vertueux, respectueux de la séparation des pouvoirs et protecteur des libertés. Ils ont démontré combien la philosophie constitutionnaliste était inscrite dans leur rapport au pouvoir et à son institutionnalisation. Ils ont surtout fait preuve d’une modernité saisissante en ne considérant plus les questions juridiques comme de frustes techniques réservées à un cercle restreint de spécialistes, mais comme un élément constitutif d’une citoyenneté qui n’est plus seulement politique et sociale, mais aussi juridique. Il faut voir en cette modernité, malgré le contexte, un message d’espoir.

Notes

* Cette contribution a été terminée en janvier 2022. L’irruption de la guerre en Ukraine et les bouleversements qui s’en sont suivis ne remettent pas en cause, nous semble-t-il, les réflexions qui ont été faites à cette date et n’ont donc quasiment pas été retouchées.

  1. Pour une évaluation du positivisme kelsénien à ce propos, cf, Th. Hochmann, « Retour en Rhodésie : Kelsen, la norme fondamentale et l’efficacité », RFDC, 2016, p. 37 et s. [en ligne] doi.org/10.3917/rfdc.105.0037 [consulté 05/02/2024] ; V. Kumar, « International law, Kelsen and the aberrant revolution: excavating the politics and practices of revolutionary legality in Rhodesia and beyond », in N.M. Rajkovic, T.E. Aalberts, Th. Gammeltoft-Hansen (dir.), The Power of Legality. Practices of International Law and their Politics, Cambridge, CUP, 2016, p. 157 et s. [en ligne] doi.org/10.1017/CBO9781316535134.007 [consulté le 05/02/2024].
  2. Cf., Dans cet ouvrage, la contribution de Carolina Cerda-Guzman. Sur la Biélorussie, cf., A. Goujon, Révolutions politiques et identitaires en Ukraine et en Biélorussie, 1988-2008, Paris, Belin, 2009. De façon générale, pour une réflexion politique ou sociologique sur la Biélorussie : R. Hervouet, A. Kurilo, I. Shukan, « Socialisme de Marché et Gouvernement des Campagnes en Biélorussie », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2017/1-2, p. 85 et s ; R. Hervouet, Le Goût des tyrans. Une ethnographie politique du quotidien en Biélorussie, Lormont, Le Bord de L’eau, 2020 ; O. Belova, « L’instrumentalisation des élections dans les régimes autoritaires : le cas du Bélarus », in F. Savonitto, « Dictatures » et consultations électorales en Europe et aux Amériques, Paris, L’Harmattan, coll. Droit comparé, 2021, p. 79 et s.
  3. Outre la déclaration des droits de l’Homme de 1789, on pense à l’article 46 de la constitution du Pérou de 1993 et à l’article 136 de l’actuelle constitution mexicaine.
  4. Sur le rapport entre droit et désobéissance, cf., F. Ost, À quoi sert le droit ?, Bruxelles, Bruylant, 2016.
  5. Cf., parmi les nombreux travaux sur l’État de droit : E. Carpano, « La définition du standard européen de l’État de droit », RTD Eur, 2019 p. 255 et s. ; G. Halmai, « Illiberal Constitutional Theories », Jus Politicum, n° 25, [en ligne] http://juspoliticum.com/article/Illiberal-Constitutional-Theories-1350.html [consulté le 05/02/2024] ; O. Jouanjan, « L’État de droit démocratique », Jus Politicum, n° 22, http://juspoliticum.com/article/L-Etat-de-droit-democratique-1284.html [consulté le 05/02/2024] ; E. Millard, « L’État de droit : Idéologie contemporaine de la démocratie », in J.M. Février & P. Cabanel (dir.), Question de démocratie, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 415 et s. [en ligne] https://shs.hal.science/halshs-00126251 [consulté le 05/02/2024].
  6. S. Dahlke et M. Tissier (dir.), Pratiques du droit et de la justice en Russie (XVIIIe-XXe siècles), Cahiers du monde russe, 2012, [en ligne] doi.org/10.4000/monderusse.7558 [consulté le 05/02/2024] ; J. Gans-Morse, Property Rights in Post-Soviet Russia: Violence, Corruption, and the Demand for Law, Cambridge, CUP, 2016, [en ligne] doi.org/10.1017/9781316650110 [consulté le 05/02/2024] ; M. Rendle, « Revolutionary tribunals and the origins of terror in early Soviet Russia », 2011, Historical Research, 84(226), 693 [en ligne] doi.org/10.1111/j.1468-2281.2010.00566.x [consulté le 05/02/2024] ; A.B. Retish, « Controlling Revolution: Understandings of Violence through the Rural Soviet Courts, 1917–1923 », Europe-Asia Studies, 2013, [en ligne] doi.org/10.1080/09668136.2013.842363 [consulté le 05/02/2024].
  7. Ancien ministre de la culture, ancien ambassadeur biélorusse, notamment en Pologne et en France, il était encore, au moment des protestations, le directeur du Théâtre national Ianka Koupala.
  8. Sur les usages du droit du point de vue de la théorie du droit : Cf., F. Ost, À quoi sert le droit ?, préc., spé. p. 76
  9. À ce propos, cf., F.-V. Guiot, La Distinction du fait et du droit par la Cour de justice de l’Union européenne, Bayonne, Institut universitaire de Varenne, 2016.
  10. On pense évidemment aux travaux de L. Duguit ou de G. Scelle.
  11. R. Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale, Paris, 1984 (Rééd. 1931).
  12. Ibid. De même, L. Duguit estimait que « la souveraineté nationale, c’est tout simplement l’assujettissement de la minorité à la majorité » (Leçons de droit public général, Paris, La mémoire du droit, 2000 (rééd. 1926) p. 132. Pour Duguit, cette conception de la souveraineté se rattache à une conception impérialiste du droit public (cf., Les transformations du droit public, Paris, La mémoire du droit, 1999 (rééd. 1913)).
  13. Le légicentrisme soviétique, et biélorusse actuellement, est aussi un positivisme dévoyé, fort commode en situation autoritaire. Cf., infra sur le « positivisme » normatif biélorusse.
  14. Ph. Raynaud, « Constitutionnalisme », in D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy-Puf, coll. Quadrige, 2003. Pour une réflexion générale, on ne saurait que trop recommander la lecture de l’Introduction au droit public, d’A. Duffy, I. Fassassi, G. Guglielmi et E. Zoller (Paris, Dalloz, coll. Précis, 3e éd., 2022). Ce constitutionnalisme européo-américain doit cependant être distingué du constitutionnalisme sud-américain : C. Cerda-Guzman, « La confiance dans la justice constitutionnelle face aux pratiques populistes en Amérique latine », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2020, p. 21 et s.
  15. C.J. Friedrich, La démocratie constitutionnelle, Paris, PUF, 1958 (traduction de l’ouvrage de 1950 au titre original différent : Constitutional government and democracy).
  16. L. Klein, « Démocratie constitutionnelle et constitutionnalisme démocratique : essai de classification des théories juridiques de la démocratie », RFDC, 2017/1 http://juspoliticum.com/numero/Constitutionnalisme-global-72.html.
  17. P. Häberle, L’État constitutionnel, Aix-en-Provence, PUAM, 2004.
  18. Cf., le numéro spécial de Jus Politicum : [en ligne] https://juspoliticum.com/numero/Constitutionnalisme-global-72.html [consulté le 05/02/2024]. De même, cf., Th. Hochmann, « Le constitutionnalisme global », RFDC, 2019/4, p. 885 et s. [en ligne] doi.org/10.3917/rfdc.120.0885 [consulté le 05/02/2024] ; G. Tusseau, « Un chaos conceptuel qui fait sens : le constitutionnalisme global », in J.-Y. Chérot et B. Frydman (dir.), La science du droit dans la globalisation, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 182 et s.
  19. C.M. Herrera, « La théorie du droit international de Hans Kelsen et ses évolutions », in N. Grangé & F. Ramel (dir.), Le droit international selon Hans Kelsen : Criminalités, responsabilités, normativités, Lyon, ENS Éditions [en ligne] doi.org/10.4000/books.enseditions.8716 [consulté le 05/02/2024].
  20. B. Mirkine-Guetzévitch, Droit constitutionnel international, Paris, Sirey, 1933. À ce propos, cf., H. Flavier, « Boris Mirkine-Guetzévitch : La conscience juridique des peuples, moteur de l’évolution des rapports entre droit international et droit constitutionnel », in O. Dupéré (dir.), Constitution et droit international. Regards sur un siècle de pensée juridique française, Bayonne, Institut Universitaire Varenne, 2016.
  21. O. Corten, « La rébellion et le droit international : le principe de neutralité en question », RCADI, 2015. En contrepoint, cf., R. Ben Achour, « Changements anticonstitutionnels de gouvernement et droit international », RCADI, 2016.
  22. Cf., P.-F. Laval, « Les Nations unies et l’idée de gouvernance », RGDIP, 2019-4, p. 1 et s ; P.-F. Laval et R. Prouvèze (dir.), L’ONU, entre internationalisation et constitutionnalisation, Paris, Pedone, 2015.
  23. R. Ben Achour, « Changements anticonstitutionnels de gouvernement et droit international », préc.
  24. Ce risque a été pointé du doigt à propos du constitutionnalisme global par M.-C. Ponthoreau, « “Global Constitutionalism”, un discours doctrinal homogénéisant. L’apport du comparatisme critique », Jus Politicum, n° 19, [en ligne] http://juspoliticum.com/article/Global-Constitutionalism-un-discours-doctrinal-homogeneisant-L-apport-du-comparatisme-critique-1199.html [consulté le 05/02/2024].
  25. Les régimes totalitaires, à la différence des régimes autoritaires, sont antipositiviste : O. Jouanjan, « Prendre le discours juridique nazi au sérieux ? », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 70, 2013, p. 1 et s. [en ligne] doi.org/10.3917/riej.070.0001 [consulté le 05/02/2024] ; Justifier l’injustifiable. L’ordre du discours nazi, Paris, PUF, coll. Léviathan, 2017. Dans un sens différent : D. Lochak, « La doctrine sous Vichy ou les mésaventures du positivisme », Les Usages sociaux du droit, Paris, PUF, 1989, p. 252 et s. ; M. Troper, « La doctrine et le positivisme (à propos d’un article de Danièle Lochak) », Les Usages sociaux du droit, préc., 1989, p. 286 et s.
  26. Ce formalisme est perceptible également, dans le cas de la Biélorussie, au sujet du droit de propriété : H. Flavier, « La propriété foncière en Biélorussie. Entre hybridation et ambiguïtés juridiques », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2017/1-2, p. 179 et s.
  27. Cette traduction est un extrait de l’article 2 des formulaires à remplir pour organiser une manifestations en Biélorussie.
  28. Loi n°108-З du mai 2021.
  29. La décision est accessible à l’adresse suivante : [en ligne] http://www.kc.gov.by/document-67563 [consulté le 05/02/2024].
  30. Tel est également le point de vue du président de la cour constitutionnelle lituanienne : [en ligne] https://www.lrkt.lt/data/public/uploads/2020/10/opinion-belaruscc.pdf [consulté le 05/02/2024].
  31. Cf., l’art. 54 de la loi biélorusse du 8 janvier 2014 n° 124-3 sur la procédure juridictionnelle devant la Cour constitutionnelle.
  32. Décision du 28 octobre 2011, n° R 630/2011, relative à la loi sur les manifestations de masse [en ligne] http://www.kc.gov.by/document-24673 [consulté le 05/02/2024].
  33. Celle-ci en devient parfois lyrique et sait se montrer sous un jour humaniste et généreux comme dans sa décision du 10 décembre 2019 relative aux étrangers et apatrides (n° R-1206/2019 [en ligne] http://www.kc.gov.by/document-65693) [consulté le 05/02/2024].
  34. Ce fut le cas par exemple, après la résolution du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le 18 septembre 2020 [en ligne] https://www.belta.by/politics/view/makej-nazval-ochen-opasnym-pretsedentom-rezoljutsiju-spch-oon-po-situatsii-v-belarusi-407373-2020/ [consulté le 05/02/2024].
  35. Cette exclusion assez générale du droit international dès qu’il conduirait à un engagement de la responsabilité de la Biélorussie s’illustre on ne peut plus clairement dans le cas du vol de Ryanair le 23 mai 2021 qui permit l’arrestation du cofondateur de la chaîne Télégram « Nexta », Roman Potrassevitch. À ce propos, cf., M. Jackson et A. Tzanakopoulos, « Aerial Incident of 23 May 2021: Belarus and the Ryanair Flight 4978 », 24 mai 2021, EJIL: Talk! [en ligne] https://www.ejiltalk.org/aerial-incident-of-23-may-2021-belarus-and-the-ryanair-flight-4978/ [consulté le 05/02/2024].
  36. Loi du 17 juillet 2007 (n° 263-3) sur les organes compétents en matière d’affaires intérieures, révisée par la loi du 17 mai 2021 (n° 106-3).
  37. Loi n° 108-З du mai 2021 précitée.
  38. Loi du 14 mai 2021 (n° 103-3).
  39. Nouveau code du 6 janvier 2021 (loi n° 91-3) sur les infractions administratives, art. 24.26.
  40. Tel est le cas de la chaîne Telegram « Nexta » : cf., [en ligne] https://meduza.io/news/2020/11/19/kgb-belarusi-vnes-sozdateley-telegram-kanala-nexta-v-spisok-terroristov [consulté le 05/02/2024].
  41. Sur les ressorts du droit comme arme de mobilisation, cf., L. Israel, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, coll. Contester, 2009 ; F. Ost, Àquoi sert ledroit ?, préc.
  42. G.H. Fox & B.R. Roth (dir.), Democratic Governance and International Law, Cambridge, CUP, 2004. De tels concepts sont d’ailleurs critiqués. Cf., le « mouvement d’humeur » de G. Hermet, « Un régime à pluralisme limité ? À propos de la gouvernance démocratique », RFSP, 2004/1, p. 159 et s.
  43. Cf., in fine la déclaration du conseil de coordination : [en ligne] https://rada.vision/zayavlenie [consulté le 05/02/2024].
  44. Un tweet de la journaliste Hannah Liubakova en date du 3 mars est assez éloquent. Elle s’insurgeait de la sorte : « The number of political prisoners is increasing literally every week. There are now 270 of them. There will be more – nearly 2000 criminal cases have been launched. I am wondering when enough is enough for the West » [en ligne] https://twitter.com/HannaLiubakova/status/1367142169027502081?s=20 [consulté le 05/02/2024].
  45. Pour une version en anglais avec carte interactive : https://zubr.in/elections/map [consulté le 05/02/2024].
  46. Il existe une version du site en anglais : https://belarus2020.org/home [consulté le 05/02/2024].
  47. Pour une version du site en anglais : https://honest-people.by/en/ [consulté le 05/02/2024].
  48. Final report on 2020 presidential elections in Belarus, Based on the data collected by the Voice platform, Zubr platform, and Honest People initiative.
  49. Cf., O. Belova, « Les paradoxes de la révocation populaire dans les sociétés post-soviétiques. Les cas de la Russie et du Bélarus », in C.-É. Sénac, La révocation populaire des élus, Paris, Mare et Martin, 2021, p. 261 et s.
  50. Ibid.
  51. Sur les mobilisations citoyennes biélorusses, cf., l’article de Tatyana Shukan, dans cet ouvrage.
  52. Déclaration du conseil de coordination du 27 août 2020, [en ligne] https://rada.vision/zayavlenie [consulté le 05/02/2024]. Cette déclaration est une réponse aux accusations de la Cour constitutionnelle (cf., supra).
  53. Version partielle en anglais : https://narodny-tribunal.info/en/ [consulté le 05/02/2024].
  54. Certaines accusations de ce tribunal populaire sont parfois un peu fantaisistes.
  55. La dernière assemblée a été convoquée par un oukase du 28 décembre 2020, n° 492.
  56. Ces délégués provenaient de toutes les régions de Biélorussie et l’assemblée était composée de 70 % d’élus (députés et conseils locaux) et de 30 % de membres d’associations, généralement pro-pouvoir.
  57. Un site internet, aujourd’hui fermé, lui a été dédié (https://vsebel.by/).
  58. Pour un classique : J.J. Linz, Régimes totalitaires et autoritaires, Paris, A. Colin, 2006.
  59. Sur la révision constitutionnelle, cf., infra.
  60. On se rappellera du hashtag « #ЛюбимуюНеОтдают » et du clip vidéo tourné en soutien à A. Loukachenko dans la chanson « Artistes pour la paix – On n’abandonne pas sa bien-aimée » : [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=BUhb-ZNsazA [consulté le 05/02/2024]. On notera la présence remarquable de plusieurs artistes russes.
  61. Le texte du discours présidentiel est accessible à l’adresse suivante : [en ligne] https://president.gov.by/ru/events/shestoe-vsebelorusskoe-narodnoe-sobranie [consulté le 05/02/2024].
  62. Le projet de révision a été finalement adopté, par la voie du référendum, au moment même l’invasion russe de l’Ukraine débutait. Le contenu même de la révision n’a pas été pris en compte dans cet article, rédigé antérieurement. Pour des détails sur les circonstances de cette révision constitutionnelle, v. l’article d’O. Belova, dans cet ouvrage, « L’opposition bélarusse et ses stratégies de légitimation à la lumière de l’agression russe contre l’Ukraine ».
  63. On rappellera qu’il n’y a quasiment pas de partis politiques en Biélorussie et qu’A. Loukachenko n’est formellement lié à aucun parti.
  64. Le projet est accessible à cette adresse : [en ligne] https://kanstytucyja.online/ [consulté le 19/02/2024].
  65. Le nom du pouvoir législatif était laissé au choix des citoyens. Plusieurs propositions ont été faites : Conseil Suprême / Rada Suprême / Soïm / Assemblée Nationale C’est le choix de « Soïm » » qui a prévalu.
  66. Ce projet devait s’inspirer de cinq principes fondateurs : contrôle du pouvoir par le peuple ; séparation des pouvoirs ; État de droit ; protection de l’État en conformité avec la loi ; auto-administration locale, https://kanstytucyja.online/ [consulté le 05/02/2024].
  67. Un programme d’action avait été préparé et était accessible à cette adresse, aujourd’hui supprimée: https://belarus-nau.org/tpost/ulj6m4hl51-virabotani-dva-stsenariya-tranzita-vlast.
  68. Il a menacé de poursuites pénales ceux qui ont participé à l’Assemblée populaire de toute la Biélorussie et de révéler leur noms [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=u8vkgntem4I [consulté le 05/02/2024].
  69. Autrefois disponible à cette adresse : https://www.belarusforum.org/t/proekt-novoj-konstituczii-respubliki-belarus-preambula/1642.
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Pessac
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EAN html : 9791030010725
ISBN html : 979-10-300-0842-5
ISBN pdf : 979-10-300-0843-2
Volume : 17
ISSN : 2741-1818
17 p.
Code CLIL : 3299; 3277
licence CC by SA

Comment citer

Flavier, Hugo, Le recours à l’argument juridique dans la mobilisation politique biélorusse, in : Belova, Olga, Flavier, Hugo, dir., Bélarus ; une douloureuse quête démocratique, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 17, 2024, 115-132, [en ligne] https://una-editions.fr/la-mobilisation-politique-bielorusse/ [consulté le 07/03/2024].
doi.org/10.46608/primaluna17.979103001072.7
Illustration de couverture • Montage R. Vinçon, à partir de :
Défilé militaire (cliché de H. Flavier, Minsk, juillet 2018). Modifié ;
La faucille et le marteau (cliché de O. Belova, Grodno, juillet 2004). Modifié ;
Belarusian protests (cliché de Homoatrox, Wikimedia Commons, 13 septembre 2020). Modifié ;
Minsk. Vid goroda s sievera, Minsk. View of the city from the north (photographie de Prokoudin-Gorski, & Mikhailovich, Phtograph collection, Library Congress, Prints and Phtographs Division, 1912). Modifié
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