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Fields of fire : la nécropole de l’âge du Bronze de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) dans un contexte archéologique renouvelé

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Introduction

La nécropole de Bussy-Saint-Georges, découverte en avril 1991 lors d’un diagnostic mené par Nathalie Buchez dans le cadre du projet d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, demeure l’un des ensembles funéraires les plus significatifs de la région Île-de-France1. Les fouilles et études qui ont suivi cette découverte, réalisées en collaboration avec Hélène Guillot et Isabelle Le Goff, ont mis en lumière des crémations d’apparence modeste, souvent dépourvues de mobilier. Face au manque d’informations fournies par l’étude archéologique des structures et du mobilier, l’attention s’est naturellement portée sur les résultats de l’approche anthropologique des sépultures et des bûchers funéraires. Cette étude a contribué à valoriser l’approche anthropologique des crémations, enrichissant ainsi la compréhension des pratiques funéraires du Bronze moyen. En 1991, Bussy-Saint-Georges était l’une des premières nécropoles de tradition atlantique – Manche-Mer du Nord découvertes dans la région. Depuis, le contexte funéraire du Bronze moyen s’est considérablement enrichi grâce aux fouilles préventives menées au cours des trois dernières décennies. Cet article propose un bilan des occupations funéraires de cette période en Île-de-France, en intégrant ces nouvelles données pour mieux comprendre les pratiques liées au traitement des morts et les influences culturelles qui les ont modelées.

Un tour d’horizon des occupations funéraires en Île-de-France

L’Île-de-France compte environ soixante nécropoles et plus de mille sépultures attribuées à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer, sur une période du XXIIIe au VIIe siècle a.C.2. Les nécropoles se concentrent majoritairement dans l’est de la région et pour la plupart le long de la vallée de la Seine. Toutefois, des découvertes ponctuelles témoignent de la présence de sépultures dans d’autres secteurs. Cette répartition géographique inégale s’explique par des recherches plus intensives dans des zones telles que la vallée de la Haute Seine, la basse vallée de la Marne, le Val d’Oise et les Yvelines. Des disparités chronologiques sont également observées. Durant le Bronze ancien (XXIII-XVIIIe siècles a.C.), environ 40 sépultures ont été identifiées sur 24 sites, l’inhumation individuelle étant alors la pratique funéraire dominante. Bien que rare, la crémation apparaît pourtant dès cette période, comme en témoignent des sépultures dans la vallée de la Haute Seine (Mouy-sur-Seine, Marolles-sur-Seine) et dans la vallée de la Marne (Chelles). Entre les XVIIe et XVe siècles a.C., la crémation devient progressivement majoritaire avec l’émergence de grands ensembles funéraires, notamment dans le nord et le nord-est de la région, cette tendance se poursuit jusqu’aux XIIe-XIe siècles. Des sites comme Gonesse, Saint-Germain-en-Laye, Changis-sur-Marne et Bussy-Saint-Georges regroupent chacun plus d’une centaine de sépultures à crémation. La nécropole de Cesson, avec ses 198 sépultures, est le plus grand ensemble découvert à ce jour. Le sud-est de l’Île-de-France présente plus de diversité dans les pratiques funéraires. Par exemple, à Varennes-sur-Seine et Jaulnes, des inhumations et des crémations coexistent, illustrant la complexité culturelle et la variabilité des pratiques dans cette zone. À partir du XIVe siècle a.C., le nombre de sépultures augmente, surtout dans la vallée de la Seine. Durant le Bronze final, la région compte 39 sites et environ 400 sépultures. Une distinction géographique apparaît alors : au nord-ouest, la crémation domine, tandis que l’inhumation reste majoritaire au sud-est. Ce contraste perdure jusqu’au milieu du XIIIe siècle a.C., moment où la crémation finit par s’imposer dans toute la région, marquant une homogénéisation des pratiques funéraires.

Concernant le Bronze moyen (XVIIe-XIVe siècles a.C.), les sépultures sont principalement situées dans des nécropoles fondées anciennement et occupées sur une longue durée jusqu’à la fin de l’âge du Bronze. L’Île-de-France compte 378 sépultures datant du Bronze moyen, réparties dans 13 nécropoles (fig. 1, tab. 1). Cependant, le nombre de sépultures identifiées reste relativement faible. En effet, en raison de la rareté du mobilier archéologique associé, leur datation repose principalement sur des dates 14C, une méthode qui n’a pas été appliquée à toutes les sépultures potentiellement attribuables à cette période.

Fig. 1. Carte des ensembles funéraires de l’âge du Bronze Moyen en Île-de-France : 1. Bussy-Saint-Georges, “Les Champs fleuris” ; 2. Mareuil-les-Meaux, “Les Vignolles” ; 3. Changis-sur-Marne, “Les Pétreaux” ; 4. Vignely, “La Grande Pièce des Hayettes” ; 5. Brie-Comte-Robert, “Les Prés le Roi” ; 6. Cesson, “Plaine du Moulin à Vent” ; 7. Le Plessis-Pâté, “ZAC de Val Vert - Croix Blanche” ; 8. Saint Germain-en-Laye, “Fort Saint-Sébastien” ; 9. Gonesse, “ZAC des Tulipes Nord” ; 10. Varennes-sur-Seine, “Le Marais du Pont” ; 11. Marolles-sur-Seine, “La Croix de la Mission” ; 12. Égligny, “la Pecherie” ; 13. Jaulnes, “Le Bas des Hauts Champs” (Le Goff & Guillot 2005 ; Cotteaux et al. 2008 ; Lafage et al. 2007 ; Delattre & Lanchon 1995 ; Peake et al. 2016 ; Legriel et al. 2011 ; Hurard & De Kepper 2015 ; Prouin et al. 2025 ; Gouge & Peake 2005 ; Peake & Delattre 1999 ; Gouge & Peake 2005 ; Peake et al. 2011).
Fig. 1. Carte des ensembles funéraires de l’âge du Bronze Moyen en Île-de-France : 1. Bussy-Saint-Georges, “Les Champs fleuris” ; 2. Mareuil-les-Meaux, “Les Vignolles” ; 3. Changis-sur-Marne, “Les Pétreaux” ; 4. Vignely, “La Grande Pièce des Hayettes” ; 5. Brie-Comte-Robert, “Les Prés le Roi” ; 6. Cesson, “Plaine du Moulin à Vent” ; 7. Le Plessis-Pâté, “ZAC de Val Vert – Croix Blanche” ; 8. Saint Germain-en-Laye, “Fort Saint-Sébastien” ; 9. Gonesse, “ZAC des Tulipes Nord” ; 10. Varennes-sur-Seine, “Le Marais du Pont” ; 11. Marolles-sur-Seine, “La Croix de la Mission” ; 12. Égligny, “la Pecherie” ; 13. Jaulnes, “Le Bas des Hauts Champs” (Le Goff & Guillot 2005 ; Cotteaux et al. 2008 ; Lafage et al. 2007 ; Delattre & Lanchon 1995 ; Peake et al. 2016 ; Legriel et al. 2011 ; Hurard & De Kepper 2015 ; Prouin et al. 2025 ; Gouge & Peake 2005 ; Peake & Delattre 1999 ; Gouge & Peake 2005 ; Peake et al. 2011).
 
carte
CommuneLieu-ditDéptChrono
nécropole
MonumentsSépultures âge du Bronze (BM et BF)Bûchern° sép du BMRéf. Biblio
 crem urnecrem pericrem terrindét.inhtotal inhcrém 
secteur vallée de la Marne (est francilien) 1Bussy-Saint-GeorgesLes Champs fleuris77BM 071722350819090Le Goff & Guillot 2005
2Mareuil-les-MeauxLes Vignolles77BMBF0015491291128Cotteaux et al. 2008
3Changis-sur-MarneLes Pétreaux77BM 084449730174 09Lafage et al. 2007
4Vignelyla Grande Pièce des Hayettes77BM 127913132 032Delattre & Lanchon 1995
secteur Senart (est francilien) 5Brie-Comte-RobertLes Prés le Roi77BMBF037400050 03Peake et al. 2016
6CessonPlaine du Moulin à Vent77BMBF1591323501198 173Legriel et al. 2011
nord et ouest francilien 8Saint Germain-en-LayeFort Saint-Sébastien78BMBF27215300162 09Hurard & De Kepper 2015
9GonesseZac des Tulipes Nord95BMBF000590059059inédit
sud et sud-est francilien 7Le Plessis-PâtéZAC de Val Vert- Croix Blanche91BM 03222300451045Prouin et al. 2025
10Varennes-sur-SeineLe Marais du Pont77BA/M 1300014 13Gouge & Peake 2005
11Marolles-sur-SeineLa Croix de la Mission77BA/MBF9131620940 40Peake & Delattre 1999
12Eglignyla Pecherie77BA/M 5005027 20Gouge & Peake 2005
13JaulnesLe Bas des Hauts Champs77BMBF215800329 117Peake et al. 2011
       3570270401130189101110368 
Tab. 1.

Trois nécropoles contenant des tombes du Bronze moyen sont situées autour de Bussy-Saint-Georges. À une vingtaine de kilomètres au nord-est, dans la vallée de la Marne, se trouvent les nécropoles de Changis-sur-Marne, Vignely et Mareuil-les-Meaux (Seine-et-Marne). Au sud, les ensembles de Brie-Comte-Robert, Cesson (Seine-et-Marne) et du Plessis-Pâté (Essonne) sont localisés dans un rayon d’une vingtaine à une cinquantaine de kilomètres de Bussy-Saint Georges. Trente kilomètres au nord-ouest, les nécropoles de Gonesse (Val-d’Oise) et Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines ont aussi livré des sépultures de cette période. Enfin, cette liste s’enrichit des nécropoles de Varennes-sur-Seine, Marolles-sur-Seine, Egligny et Jaulnes, situées à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bussy-Saint-Georges dans la vallée de la Haute Seine en limite sud-est du département de Seine-et-Marne et de la région Île-de-France.

Les ensembles funéraires franciliens datés du Bronze moyen

Bussy-Saint-Georges, le Champ Fleuri (Seine-et-Marne)

La nécropole de Bussy-Saint-Georges est localisée au sud de la commune au sein de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée3. Les opérations de diagnostic et de fouille conduites sur le site ont permis de mettre au jour un ensemble de 90 structures funéraires, dont neuf structures de combustion attribuées au Bronze moyen. L’ensemble s’étend sur une surface de 3500 m2. Parmi les crémations, sept sont contenues dans des urnes céramiques de style atlantique et leur morphologie permet de les attribuer au Bronze moyen. Cette datation a été confirmée par une date 14C calibrée de 1880-1540 cal. BC4. Les autres crémations sont des dépôts en contenant périssable (17 dépôts) ou en pleine terre (22 dépôts), parfois recouverts d’une dalle calcaire ou aménagés avec des pierres calcaires disposées dans la fosse. Ces dépôts sont localisés sur l’aire interne de cercles de pierres ou autour de ceux-ci. Il faut aussi noter une trentaine de petites fosses contenant de probables rejets de bûcher : du charbon de bois, des nodules de terre cuite, des éclats de pierres chauffées et une faible quantité d’esquilles osseuses.

Les neuf structures de combustion sont interprétées comme des bûchers (fig. 2). Il s’agit de fosses ovales ou circulaires d’environ 0,8 m par 0,5 m et conservées sur une quinzaine de centimètres de profondeur. Certaines présentent des parois rubéfiées sur quelques centimètres d’épaisseur et toutes sont comblées par du sédiment riche en charbons de bois, nodules de terre cuite et fragments osseux. Trois de ces structures particulièrement bien conservées permettent de restituer la disposition anatomique des restes osseux. Ce travail a validé l’hypothèse de la crémation du corps en position fléchie directement au-dessus de la fosse.

Fig. 2. Évocation des structures funéraires (sépultures et bûchers) de Bussy-Saint-Georges (dessins : I. Le Goff, Inrap ; photos : N. Buchez, Inrap).
Fig. 2. Évocation des structures funéraires (sépultures et bûchers) de Bussy-Saint-Georges (dessins : I. Le Goff, Inrap ; photos : N. Buchez, Inrap).

Mareuil-les-Meaux, les Vignolles (Seine-et-Marne)

À une vingtaine de kilomètres au nord-est de l’ensemble de Bussy-Saint-Georges, le site de Mareuil-les-Meaux livre 29 sépultures, dont 28 crémations et une inhumation réparties en deux groupes : 27 crémations s’organisent sur une surface d’environ 3000 m2 ; à 75 m au sud de ce groupe, se retrouvent une crémation et une inhumation5. L’attribution chronologique de cet ensemble repose uniquement sur des dates 14C, les sépultures s’étant révélées dépourvues de mobilier associé à l’exception de deux perles en ambre mal conservées. Trois sépultures, l’inhumation et deux crémations, ont fait l’objet de datations 14C, entre les XVIIIe et XIVe siècles a.C., (calibrations à deux sigma), les deux crémations étant chacune datée du plein Bronze moyen. Deux modes de dépôt sont recensés : en contenant périssable (15 dépôts) ou en pleine terre, les esquilles osseuses étant parfois associées à des restes charbonneux provenant du bûcher. Certaines sépultures bénéficient d’aménagements ou de “mises en scène” avec des blocs de meulière installées au fond de la fosse ou des pierres plates posées sur les dépôts. Une grande fosse ovale, de 0,6 m par 0,4 m, se distingue par ses parois rubéfiées et un sédiment mêlant esquilles, charbons de bois, pierres brûlées et nodules de terre cuite que ne sont pas sans rappeler les fosses bûchers de Bussy-Saint Georges. Cependant, les dimensions de la fosse de Mareuil semblent trop réduites pour contenir le corps d’un adulte.

Changis-sur-Marne, les Pétreaux (Seine-et-Marne)

Localisée dans la vallée de la Marne à une trentaine de kilomètres au nord-est de Bussy-Saint-Georges, la nécropole de Changis-sur-Marne, “Les Pétreaux”, se divise en deux ensembles distincts6. Au nord, un premier regroupe 59 crémations, tandis qu’à 300 mètres au sud, le second plus vaste rassemble 130 structures funéraires. Ce dernier est localisé à environ 100 mètres de deux enclos funéraires. Les datations 14C effectuées sur les crémations révèlent une fréquentation répartie entre le XVIe et le VIIIe siècles a.C., du Bronze moyen à la fin du Bronze final, avec une interruption notable pendant l’étape initiale du Bronze final. Parmi les sépultures, neuf sont attribuées au Bronze moyen, tandis que les autres appartiennent aux étapes moyenne et finale du Bronze final. Les pratiques funéraires présentent une grande variabilité, mais les dépôts en pleine terre et dans des contenants périssables prédominent (fig. 3). En effet, quatre dépôts seulement, datés de l’étape moyenne du Bronze final, possèdent une urne en céramique. Ils sont disposés dans des fosses simples ou dans des cavités aménagées avec des pierres, certaines étant scellées par une dalle. Le rare mobilier funéraire concerne exclusivement des sépultures du Bronze final. Il comprend notamment 22 hair rings, une dizaine de perles en verre bleu, ainsi que des objets en alliage cuivreux ayant été exposés aux flammes du bûcher funéraire. Bien que les crémations soient majoritairement individuelles, six sépultures doubles ont été identifiées, associant deux adultes ou un adulte et un individu immature.

Fig. 3. Deux exemples de crémations à Changis-sur-Marne, “Les Pétreaux” : A. Crémation en contenant périssable ; B. Crémation en pleine terre (photos : V. Delattre, Inrap).
Fig. 3. Deux exemples de crémations à Changis-sur-Marne, “Les Pétreaux” : A. Crémation en contenant périssable ; B. Crémation en pleine terre
(photos : V. Delattre, Inrap).

Vignely, les Hayettes (Seine-et-Marne)

La nécropole de Vignely “les Hayettes” est localisée dans la vallée de la Marne à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Bussy-Saint-Georges7. Fouillé en 1995, cet ensemble comprend un enclos fossoyé de plan ovalaire de 26 m par 24 m, 28 crémations en urne céramique, en contenant périssable ou en pleine terre et une inhumation. L’ensemble s’organise en deux pôles : à l’est, l’enclos fossoyé abrite sur son aire interne une des crémations en urne céramique et six autres sont installées autour du monument ; à une soixantaine de mètres à l’ouest, 21 crémations se dispersent sur une surface de 1000 m2. La datation de la nécropole n’a pas pu être déterminée avec certitude. Les deux crémations en urne céramique, malheureusement arasées (il ne subsiste que le fond du récipient) sont les seules sépultures ayant livré du mobilier, mais qui ne permet pas de les attribuer chronologiquement. Par ailleurs, aucune sépulture n’a fait l’objet d’une datation 14C. La position de l’ensemble entre le Bronze moyen et le Bronze final est fragile car elle repose uniquement sur la comparaison avec les autres nécropoles proches rattachées à cette période. Certains dépôts comportent un aménagement d’une/de pierre(s) posées sur le fond de la fosse ou en partie sommitale de l’ensemble.

Brie-Comte-Robert, les Près le Roi (Seine-et-Marne)

La nécropole de Brie-Comte-Robert, localisée sur le plateau briard à 25 km au sud de Bussy-Saint-Georges et à quelques kilomètres au nord de Melun, comprend deux zones funéraires utilisées pendant une période relativement courte, entre la deuxième étape du Bronze moyen et le début du Bronze final8. Le premier secteur, au nord-ouest du site, regroupe six crémations et une structure de combustion avec une sole rubéfiée. Parmi ces sépultures, trois correspondent à des dépôts en urnes céramiques de la fin du Bronze moyen et du début du Bronze final, datation confirmée par des dates 14C (XVIIe-Xe siècles a.C.) (fig. 4). Le deuxième secteur funéraire, à environ 200 mètres au sud-est, s’étend sur une surface de 1000 m² et il comprend 44 crémations, certaines en pleine terre, d’autres dans des contenants périssables. Trois de ces sépultures sont protégées par des coffrages en bois, stabilisés par des pierres calcaires et des meulières. Six autres sépultures comportent des aménagements en pierres, principalement des moellons de calcaire et quelques blocs de grès, destinés à protéger, signaler, valoriser les tombes (fig. 5). Le rare mobilier funéraire se limite aux urnes céramiques du secteur nord et à quelques tessons dispersés retrouvés dans le remblai des structures. Toutes les sépultures sont individuelles, à l’exception d’une crémation contenant un adulte et un très jeune sujet périnatal.

Fig. 4. Brie-Comte-Robert, “Les Près-le-Roi” : A. Crémation en urne céramique ; B. Tomographie de l’urne (photos : A : N. Ameye, Inrap ; B : Inrap/image_et.).
Fig. 4. Brie-Comte-Robert, “Les Près-le-Roi” : A. Crémation en urne céramique ; B. Tomographie de l’urne (photos : A : N. Ameye, Inrap ; B : Inrap/image_et.).
Fig. 5. La “mise en scène” spectaculaire d’un dépôt en contenant périssable de forme rectangulaire (coffre) entouré d’une couronne de pierres calcaires à Brie-Comte-Robert (photo : N. Ameye, Inrap).
Fig. 5. La “mise en scène” spectaculaire d’un dépôt en contenant périssable de forme rectangulaire (coffre) entouré d’une couronne de pierres calcaires à Brie-Comte-Robert (photo : N. Ameye, Inrap).

La nécropole de Cesson, Plaine du Moulin à Vent (Seine-et-Marne)

Cette nécropole, située à environ 40 km au sud de Bussy-Saint-Georges, se trouve à la limite sud de la ville nouvelle de Sénart, en bordure occidentale du plateau briard. Elle a été explorée lors de trois campagnes de fouille entre 2008 et 20169. Le site a livré un total de 198 crémations et une inhumation, associées à 20 monuments circulaires qui présentent une grande diversité architecturale. Certains possèdent une couronne de pierres, tandis qu’un unique enclos circulaire fossoyé a été identifié (fig. 6). Chaque monument accueille au moins une sépulture dans son aire interne. Les datations 14C révèlent une utilisation prolongée et probablement continue de la nécropole, durant environ 500 ans, du début du Bronze moyen au début du Bronze final, soit entre le XVIIᵉ et le XIIIᵉ siècles a.C., selon la fourchette statistique la plus large. Les modalités de dépôt montrent une grande diversité. La majorité des crémations sont déposées en pleine terre ou dans des contenants périssables, tandis que seuls 11 des 198 dépôts funéraires ont été retrouvés dans des urnes en céramique, qui constituent le seul mobilier conservé de la nécropole. Les crémations sont généralement placées dans de simples fosses circulaires ou ovales, certaines étant scellées par une dalle de calcaire ou de grès. Dans certains cas, des aménagements plus complexes ont été observés : les amas osseux étaient délimités par des blocs de calcaire ou de grès au sein de la fosse.

Fig. 6. Plan de la nécropole de Cesson, “Plaine du Moulin à Vent” (d’après Legriel et al. 2011, fig. 1).
Fig. 6. Plan de la nécropole de Cesson, “Plaine du Moulin à Vent” (d’après Legriel et al. 2011, fig. 1).

Le Plessis-Pâté ZAC de Val Vert (Essonne)

Le site funéraire du Plessis-Pâté localisé sur un plateau entre les vallées de l’Orge et de l’Essonne à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Bussy-Saint-Georges, comprend 61 structures funéraires réparties en deux pôles distincts, séparés de 500 m10. Le site compte 45 crémations, 15 fosses de rejet de bûcher et un bûcher funéraire. Grâce à six dates 14C, il a été possible de caler l’occupation de la fin du XVIIIᵉ siècle à la fin du XVᵉ siècle a.C., soit au cours du Bronze moyen. Les crémations sont majoritairement des dépôts en pleine terre ou en contenants périssables, placés dans de petites fosses. Certaines sont aménagées avec des pierres de meulière servant de couverture ou disposées contre les parois pour former un coffrage. Seules trois crémations sont contenues dans des urnes en céramique, ces dernières faisant partie des sept dépôts ayant livré du mobilier funéraire dont une tôle en or repliée mise au jour dans l’un des dépôts. Les fosses de rejet se distinguent des dépôts crématoires par un comblement riche en charbons de bois, nodules de terre rubéfiés et esquilles osseuses brûlées. Si la majorité des sépultures sont individuelles, cinq tombes doubles ont été identifiées, associant deux adultes, ou un adulte et un immature. Le site se singularise par la présence d’une fosse bûcher, comparable à celle mise au jour sur la nécropole de Bussy-Saint-Georges. Cette structure rectangulaire, mesurant 0,75 m sur 0,68 m, présente des parois rubéfiées sur une épaisseur de 2 à 3 cm. Le sédiment charbonneux contenu renfermait 290 g d’esquilles osseuses appartenant aux restes d’un adulte et d’un jeune immature.

Saint Germain-en-Laye, Fort Saint Sébastien (Yvelines)

La nécropole de Saint Germain-en-Laye s’étend sur une surface d’un peu moins d’un hectare sur la plaine d’Achères. Cet ensemble compte 187 structures funéraires, dont deux monuments circulaires fossoyés, 162 crémations et 23 structures dont la fonction n’a pas pu être déterminée11. L’occupation semble se développer autour d’un des monuments fossoyés, un enclos circulaire d’onze mètres de diamètre. Le deuxième monument, de dimensions plus modestes se trouve en limite sud de l’espace funéraire. Les crémations en pleine terre sont largement majoritaires (153 dépôts), seuls deux dépôts sont en contenants périssables et sept autres sont contenus dans des urnes céramiques de style atlantique attribuables chronologiquement au Bronze moyen ou au début du Bronze final. Cette datation a été confirmée par une série de 26 dates 14C qui ont permis de définir la période de fréquentation de la nécropole sur un millénaire entre le XVIIe et le VIe siècle a.C. en prenant les fourchettes statistiques les plus larges. Les datations de cinq sépultures correspondent pleinement au Bronze moyen, entre le XVIIe et le XIVe siècle a.C. Dix-sept des sépultures ont livré du mobilier, dont des fragments d’épingles et de poinçon en os, un fragment de bracelet ou d’anneau et un ciseau en alliage cuivreux, ainsi que quatre hair rings en or.

Gonesse, Zac des Tulipes Nord (Val-d’Oise)

Le site de Gonesse, localisé dans la plaine de France à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Bussy-Saint-Georges, comprend 59 crémations en pleine terre associées à un monument circulaire fossoyé creusé en limite sud de l’occupation12. Les sépultures se répartissent sur une période longue entre le XVe et le Xe siècle a.C. sur la base des datations 14C ; elles ne contiennent pas de mobilier funéraire conservé.

Varennes-sur-Seine, le Marais du Pont (Seine-et-Marne)

À quelques kilomètres en aval de la confluence Seine/Yonne dans la vallée de la Seine, la nécropole de Varennes-sur-Seine comprend quatre sépultures localisées sur l’aire interne et au sud d’un monument circulaire à double fossé d’une quinzaine de mètres de diamètre13. Il s’agit de trois crémations en urne céramique de style atlantique, en “pot de fleur” et d’une inhumation d’un immature en position fléchie sans mobilier conservé. Les quatre sépultures datées par 14C livrent des dates incluses dans une fourchette large entre le XVIIe et le XVe a.C. pour trois d’entre elles. La crémation au sud du monument a livré une date plus récente entre le XIIIe et le Xe siècle a.C.

Marolles-sur-Seine, La Croix de la Mission (Seine-et-Marne)

La nécropole de la “Croix de la Mission” se situe dans la vallée de la Seine à quelques kilomètres en amont de sa confluence avec l’Yonne. Le site a révélé 13 monuments circulaires fossoyés, associés à 9 inhumations et 32 crémations14. Les dates 14C ont permis de caler l’origine de cette nécropole au Bronze ancien (XXIe siècle a.C.) et d’en suivre l’utilisation sur une période de plus de mille ans, du Bronze ancien au Bronze final (Xe siècle a.C.). Quatre sépultures sans mobilier funéraire ont été attribuées, grâce à ces analyses, à la fin du Bronze ancien et au Bronze moyen (entre le milieu du XVIIIe au XVe siècle a.C.) (fig. 7). Ces sépultures consistent en quatre inhumations en position fléchie ou allongée : l’une est située au centre d’un enclos circulaire, tandis que les deux autres sont placées à proximité immédiate de deux autres monuments.

Fig. 7. Les sépultures datant de l’âge du Bronze moyen de la nécropole de Marolles-sur-Seine, “la Croix de la Mission” ont été identifiées grâce aux analyses radiocarbones. Il s’agit de sépultures sans mobilier conservé limitant ainsi l’interprétation des résultats (infographie : P. Pihuit, photos : N. Ameye, Inrap).
Fig. 7. Les sépultures datant de l’âge du Bronze moyen de la nécropole de Marolles-sur-Seine, “la Croix de la Mission” ont été identifiées grâce aux analyses radiocarbones. Il s’agit de sépultures sans mobilier conservé limitant ainsi l’interprétation des résultats (infographie : P. Pihuit, photos : N. Ameye, Inrap).

Egligny, la Pêcherie (Seine-et-Marne)

Cette nécropole, localisée dans la vallée de la Seine, à 10 km en amont du site de Marolles-sur-Seine, présente cinq monuments fossoyés circulaires et sept sépultures, dont cinq inhumations et deux crémations en pleine terre15. Une crémation et trois inhumations sont localisées sur les aires internes de trois des monuments, deux autres sépultures sont implantées à une centaine de mètres à l’est des monuments. Parmi les sépultures, seule une inhumation (sép. 5) a livré du mobilier, dont un ensemble d’objets divers organisés en collier (coquillage, dents, vertèbre de poisson, fragment de bracelet en schiste et ambre) et une jambière à jonc torique et extrémités spiralées en alliage cuivreux de tradition orientale, semblable à celle retrouvées à Haguenau au Bz B16. Ces parures datent du tout début de la première étape du Bronze moyen. Les dates 14C de trois sépultures bornent l’occupation de cet espace funéraire entre le XXIIe et le XIIIe siècles a.C. en considérant la fourchette statistique la plus large.

Jaulnes, le Bas des Hauts Champs (Seine-et-Marne)

La nécropole de Jaulnes, située dans la vallée de la Seine à quelques kilomètres en amont d’Égligny, a livré 17 monuments fossoyés et 84 sépultures, datées entre le Bronze moyen et l’Antiquité17. Au nord du site, l’occupation du Bronze moyen (XVIIe-XVe siècle a.C.) est caractérisée par deux enclos circulaires fossoyés qui se recoupent, ainsi que par 17 sépultures. Parmi celles-ci, on compte une inhumation d’un individu immature et 16 crémations en contenants périssables. Une de ces crémations est placée au centre d’un des monuments circulaires, tandis que les autres dépôts sont situés à une dizaine de mètres au sud (fig. 8). Ces sépultures ne contiennent pas de mobilier, à l’exception d’une d’entre elles, qui a livré un petit ensemble de perles en verre bleu. De plus, au niveau de l’intersection orientale des deux fossés, au sommet d’une couche charbonneuse, un crâne de jeune bovidé, déposé à plat a été daté par 14C également au Bronze moyen.

Fig. 8. Jaulnes, “Le Bas des Haut Champs” : A. Vue aérienne du monument fossoyé abritant dans sans aire interne une crémation en contenant périssable et une inhumation d’immature datées de l’âge du Bronze moyen (monument sur la droite de l’image) ; B. Crémation en contenant périssable au centre du monument (photos : F. Canon, Vertical Photo et N. Ameye, Inrap).
Fig. 8. Jaulnes, “Le Bas des Haut Champs” : A. Vue aérienne du monument fossoyé abritant dans sans aire interne une crémation en contenant périssable et une inhumation d’immature datées de l’âge du Bronze moyen (monument sur la droite de l’image) ; B. Crémation en contenant périssable au centre du monument (photos : F. Canon, Vertical Photo et N. Ameye, Inrap).

Les pratiques funéraires du Bronze moyen en Île-de-France 

Ce rapide bilan des contextes funéraires du Bronze moyen en Île-de-France met en lumière l’homogénéité des pratiques sur une bonne partie de la région, qu’il s’agisse du traitement du corps, des modalités des dépôts crématoires ou encore des dispositifs d’aménagement de l’organisation de la sépulture et l’organisation des espaces funéraires.

Inhumation versus crémation

Dans le choix entre les deux modes de traitement du corps, la crémation l’emporte largement, avec 368 cas sur les 378 sépultures recensées pour le Bronze moyen. Dans le nord et à l’est de la région, seules deux nécropoles, Cesson et Mareuil-les-Meaux, ont livré des inhumations. En revanche, plus au sud, dans la vallée de la Haute Seine, l’inhumation est présente dans tous les ensembles étudiés et constitue même le seul mode de traitement du corps dans les deux nécropoles de Marolles-sur-Seine et d’Égligny (fig. 7). Les inhumations suivent un dispositif uniforme, reprenant les pratiques funéraires déjà observées au Bronze ancien : le corps est déposé majoritairement en position fléchie dans une fosse simple, sans aménagement particulier. Le mobilier funéraire est rare, à l’exception notable de la sépulture 5 d’Égligny, qui contient de fait un ensemble de parures exceptionnelles. Le lien entre les sépultures et les monuments reste préservé, comme en témoignent plusieurs inhumations découvertes à l’intérieur ou à proximité immédiate de monuments fossoyés.

Les crémations : modalités de dépôt

Quatre catégories principales de dépôt des esquilles osseuses ont été définies : en urne céramique, en contenant périssable, en pleine terre, c’est-à-dire directement déversées dans une fosse sans aménagement spécifique et une catégorie “indéterminée” regroupant les sépultures dont l’état de conservation ne permet pas de déterminer le mode de dépôt (tab. 1). Le recensement par type inclut toutes les crémations des différents ensembles, qu’elles soient datées avec certitude du Bronze moyen et du début du Bronze final, ou qu’elles n’aient pas reçu d’attribution chronologique précise. Cette approche élargie sur le plan chronologique permet d’identifier plus clairement les grandes tendances. Le dépôt en pleine terre représente le cas le plus fréquent, surpassant largement les crémations contenues dans des contenants, qu’ils soient en céramique ou en matériau périssable. Les crémations en urne céramique restent minoritaires, avec seulement 70 cas recensés, dont plus d’un tiers provient des nécropoles situées dans la vallée de la Seine. Bien que des crémations en urne céramique soient également identifiées dans les ensembles funéraires plus au nord de la région, elles y restent peu nombreuses par rapport aux dépôts en contenant périssable ou en pleine terre, représentant moins de 10 % des crémations pour chaque nécropole. Les urnes céramiques en “pot de fleur” sont caractéristiques du domaine atlantique Manche-Mer du Nord et les trois urnes cinéraires bien conservés de Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne), de la toute fin du Bronze ancien-début du Bronze moyen soulignent même l’avancée méridionale des urnes à décors plastique de type Eramécourt jusqu’au sud de l’Île-de-France. En revanche, les dépôts en contenant périssable, présents pour l’ensemble des sites étudiés, constituent le mode majoritaire à Cesson. Les études anthropologiques suggèrent l’utilisation de divers types de contenants périssables, souples (comme des sacs ou de la vannerie) ou rigides (comme des coffrets en bois) (fig. 3, 5 et 8).

Par ailleurs, les bûchers funéraires de Bussy-Saint-Georges et du Plessis-Pâté ont enrichi la compréhension des pratiques funéraires de l’âge du Bronze et permis de reconstituer les différentes étapes du processus de crémation. Elles apportent aussi un éclairage sur les pratiques de sélection et de collecte des os avant leur dépôt dans une urne18.

Une pénurie de mobilier d’accompagnement

Les sépultures du Bronze moyen révèlent une rareté notable du mobilier funéraire, qu’il s’agisse d’objets personnels du défunt (parures, armes ou outils) ou d’offrandes (notamment alimentaires contenues dans des vases d’accompagnement) déposées par les proches lors des cérémonies funéraires. Cette absence limite beaucoup toute tentative d’interprétation sociale concernant l’individu, son origine, son statut ou sa position au sein de sa communauté. À l’exception des urnes céramiques, qui témoignent de l’intégration de la région au domaine atlantique “M.M.N.”, les quelques objets identifiés se limitent à des perles d’ambre mal conservées (Le Plessis-Pâté) ou à des fragments d’objets en alliage cuivreux, comme un bracelet et un ciseau retrouvés à Saint-Germain-en-Laye. Des découvertes encore plus rares incluent un petit lot de perles en verre bleu à Jaulnes, ainsi que le collier à amulettes et la jambière en alliage cuivreux de la sépulture 5 d’Égligny19 (fig. 9). La possibilité que des objets périssables, en bois, cuir, paille, des ornements floraux ou textiles, aient été utilisés demeure une hypothèse, que les conditions de conservation ne permettent pas de confirmer ou rejeter.

Fig. 9. Égligny, “la Pecherie” : ensemble d’objets provenant de la sépulture 5. 1. Jambière filiforme en alliage cuivreux ; 2. Coquillage ; 3. Fragment de bracelet en schiste ; 4. et 5. Dents ; 6. Vertèbre de brochet ; 7. Ambre (P. Pihuit, Inrap, d’après Gouge & Peake 2005, fig. 8).
Fig. 9. Égligny, “la Pecherie” : ensemble d’objets provenant de la sépulture 5. 1. Jambière filiforme en alliage cuivreux ; 2. Coquillage ; 3. Fragment de bracelet en schiste ; 4. et 5. Dents ; 6. Vertèbre de brochet ; 7. Ambre (P. Pihuit, Inrap, d’après Gouge & Peake 2005, fig. 8).

De l’aménagement de la sépulture à l’organisation de la nécropole

L’utilisation de pierres, de dalles ou de galets, en meulière ou calcaire, a été observée dans la plupart des ensembles funéraires étudiés. Ces matériaux sont utilisés pour aménager les tombes, les mettre en valeur ou signaler leur présence. Cela peut consister, par exemple, en une simple dalle posée sur un amas osseux ou un contenant funéraire afin d’obturer et de protéger la sépulture20. Parfois, les pierres sont disposées au fond de la fosse pour stabiliser une urne en céramique ou en matériau organique (fig. 3A). Des aménagements plus sophistiqués ont également été mis en évidence, notamment dans la sépulture 3046 de Brie-Comte-Robert, où une crémation placée dans un contenant rigide périssable a été retrouvée au centre d’un blocage de moellons calcaires21 (fig. 5). Cette structure élaborée semble avoir servi à valoriser la sépulture, à la manière d’un monument funéraire.

Les enclos circulaires fossoyés constituent une caractéristique récurrente des ensembles funéraires situés au sud de la région dans la vallée de la Seine où chaque nécropole comprend au moins un grand monument funéraire, qui abrite souvent des sépultures (inhumations ou crémations) sur leur aire interne, ou qui joue un rôle central autour duquel la nécropole s’organise progressivement. En revanche, les monuments sont plus rares dans les nécropoles situées plus au nord, autour de Sénart, ou dans la vallée de la Marne. Ici, la majorité des ensembles sont dépourvus de monuments et ne présentent que des sépultures ou de petites structures funéraires. Seules deux nécropoles sont monumentalisées. À Vignely, un enclos circulaire accueille une crémation sur son aire interne, tandis qu’à Saint-Germain-en-Laye, un grand monument fossoyé est implanté au centre de l’ensemble funéraire. La nécropole de Cesson présente une organisation spatiale singulière, articulée autour d’un grand enclos circulaire fossoyé d’environ vingt mètres de diamètre, ainsi que de 19 petits enclos circulaires mesurant entre 4 et 6 m de diamètre, délimités par des dalles de meulière inclinées vers l’intérieur du cercle (fig. 6)22. Ces pierres étaient disposées à la base de tertres aujourd’hui disparus qui recouvraient les sépultures. Des aménagements similaires, mais datés du début du Bronze final (notamment à Marolles-sur-Seine, La Croix Saint-Jacques ; La Villeneuve-au-Châtelot23 ou de la fin de cette période (La Villeneuve au Châtelot)24 sont aussi attestés dans d’autres nécropoles.

Conclusion : une région partagée entre deux zones d’influence

Ce bilan souligne une homogénéité et une stabilité apparente des pratiques funéraires durant le Bronze moyen en Île-de-France, placée sous l’influence culturelle atlantique Manche-Mer du Nord. La crémation domine largement, avec des dépôts en contenants périssables ou en fosses simples, mais aussi en urnes céramiques caractéristiques de cette tradition culturelle. L’absence de mobilier funéraire dans les sépultures, un trait marquant de cet espace, a longtemps compliqué la datation précise de ces dépôts, généralement modestes. Ce n’est qu’avec le développement des datations 14C à partir de la bio-apatite des os que ces tombes ont pu être intégrées dans un cadre chronologique pour combler ainsi les lacunes dans l’histoire des pratiques funéraires de l’âge du Bronze25. Cette sobriété se manifeste également dans l’aménagement des nécropoles, où les monuments valorisant les sépultures ou marquant l’espace funéraire dans le paysage restent rares. L’influence culturelle venant du nord de la France, où la crémation est dominante dès le début de l’âge du Bronze, ne s’applique toutefois pas uniformément à l’ensemble de l’Île-de-France. Par exemple, la vallée de la Haute Seine montre une plus grande variabilité dans les pratiques funéraires, combinant inhumations, crémations en urne céramique ou en contenant périssable, ainsi que la présence de mobilier dans certaines tombes, peut-être celles des élites. On observe également une tendance à la monumentalisation des espaces funéraires dans cette région. Cette diversité pourrait être liée au rôle de la Seine comme voie de circulation privilégiée à l’âge du Bronze, facilitant l’apport dans ce secteur d’influences et d’idées nouvelles, notamment en provenance de l’est de la France26.

La nécropole de Cesson, située à environ quarante kilomètres au sud de Bussy-Saint-Georges et à une cinquantaine de kilomètres au nord de la vallée de la Haute Seine, illustre également la variabilité des pratiques funéraires dans la région. Elle semble intégrer des influences diverses, avec une majorité d’incinérations en contenants périssables de tradition septentrionale. L’architecture des tombes et des monuments y présente cependant des similitudes frappantes avec celle reconnue dans les nécropoles de la vallée de la Haute Seine, où une influence plus marquée des traditions orientales s’observe. En revanche, Bussy-Saint-Georges s’inscrit dans un réseau de nécropoles fermement ancrées dans les traditions atlantiques Manche-Mer du Nord. Ces interactions multiples témoignent d’une dynamique d’échanges culturels et d’une circulation des préconisations funéraires à travers l’Île-de-France, véritable “terre du milieu”. Cela met en lumière le caractère à la fois hétérogène et évolutif des pratiques funéraires de l’âge du Bronze dans cette région, façonnées par des influences à la croisée de plusieurs traditions.


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Notes

  1. Buchez et al. 1994.
  2. Peake et al. 2025.
  3. Buchez et al. 1994 ; Le Goff & Guillot 2005.
  4. Le Goff & Guillot 2005.
  5. Cottiaux & Lawrence-Dubovac 2008.
  6. Lafage et al. 2007 ; Lafage, dir. 2025.
  7. Delattre & Lanchon 1998.
  8. Peake, dir. 2016.
  9. Legriel et al. 2010 et 2011.
  10. Prouin et al. 2025.
  11. De Kepper 2017 ; De Kepper à paraître.
  12. Fouille P. Granchon 2012, inédit, informations A.-G. De Kepper.
  13. Gouge & Peake 2005 ; Peake et al. 2017.
  14. Peake & Delattre 2005.
  15. Gouge & Peake 2005.
  16. Gouge & Peake 2005, fig. 8.
  17. Peake & Delattre 2010.
  18. Le Goff & Guillot 2005.
  19. Gouge & Peake 2005 ; Peake & Delattre 2010.
  20. Delattre & Peake 2005.
  21. Peake, dir. 2016.
  22. Legriel et al. 2011.
  23. Delattre & Peake 2015 ; Bocquillon 2016.
  24. Piette et al. 2020.
  25. Le Goff & Peake 2021.
  26. Mordant et al. 2021 ; Mordant 1989.
ISBN html : 978-2-35613-663-3
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Posté le 15/12/2025
EAN html : 9782356136633
ISBN html : 978-2-35613-663-3
ISBN pdf : 978-2-35613-664-0
ISSN : 2741-1508
16 p.
Code CLIL : 4117; 3494;
licence CC by SA

Comment citer

Peake, Rebecca, Delattre, Valérie, Mordant, Claude, “Fields of fire : la nécropole de l’âge du Bronze de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) dans un contexte archéologique renouvelé”, in : Bajeot, Jade, Guérin, Samuel, Minotti, Mathilde, éd. (2025), L’archéologie au-delà des frontières. Sur les pas de Nathalie Buchez, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 14, 2025, 41-56. [URL] https://una-editions.fr/la-necropole-de-lage-du-bronze-de-bussy-saint-georges
Illustration de couverture • Montage constitué d’une vue générale de Tell el-Iswid (R. El hajaoui) et d’une vue aérienne du cercle funéraire de Jaulne, Le Bas des Haut de Champs (photo : R. Peack). Création du visuel par Francesco Stefanini.
Publié le 15/12/2025
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