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L’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet : un projet radical global et un instrument de pouvoir

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L’essor de l’intérêt des historiens de la préhistoire pour les questionnements de l’histoire culturelle et de l’histoire politique1 a permis de mettre en regard depuis les années 1990 les différentes sphères d’intervention de Gabriel de Mortillet. Dans son travail sur la revue L’Homme, Nathalie Richard a eu l’occasion de montrer que tout au long de sa carrière, Gabriel de Mortillet a intimement lié ses travaux scientifiques à ses opinions politiques2. Il s’agit pour notre part de nous interroger sur l’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet, sur ses racines et son déploiement dans de multiples sphères. Nous voudrions cerner l’ombre portée de cet anticléricalisme sur sa production scientifique, sur ses relations avec ses collègues, et enfin sa postérité dans la discipline. Ce travail repose principalement sur une étude de ses archives conservées à l’université de Sarrebruck en Allemagne et des archives municipales de Saint-Germain-en-Laye. La fréquentation de ces archives permet de documenter la quasi-obsession que la figure fondatrice de la discipline nourrit à propos de la question religieuse, également clairement manifeste dans les sources imprimées. Une facette plus inattendue est apparue lors du dépouillement des correspondances privées, celle de relations parfois cordiales avec des chercheurs catholiques, allant parfois jusqu’à la collaboration ou l’échange de bons procédés. Essayons pour commencer par cerner les racines de l’engagement anticlérical zélé de Gabriel de Mortillet, qui ne s’est jamais démenti jusqu’à sa mort.

Les racines et les manifestations
de l’engagement anticlérical de Gabriel de Mortillet

Si dans la Revue Historique Salomon Reinach explique l’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet, voire sa propension à fixer des dogmes, comme une réminiscence inversée d’une “éducation cléricale3” mal vécue4, la révolution de 1848 a sans doute aussi été un événement déterminant dans cet engagement. Prenant fait et cause pour la gauche républicaine, le jeune homme de 27 ans est spectateur des événements révolutionnaires dans la Drôme où il est embauché comme sourcier5. Il rejoint Valence jusqu’à Paris en partageant la liesse populaire et publie un récit des journées de février6. En 1849, il produit une série de brochures rassemblées sous le titre Politique et socialisme à la portée de tous qu’il signe sans la particule de son nom. Il y défend le socialisme, le droit au travail, la liberté de la presse et proteste contre la peine de mort. Accusé d’un délit de presse, il est condamné à deux ans d’emprisonnement. Lors d’une séance du Conseil municipal de Saint-Germain-en-Laye, qu’il préside en tant que maire en 1884, il revient sur un autre épisode expliquant son exil de jeunesse après cette révolution : l’aide qu’il aurait apportée à Alexandre Ledru-Rollin le 13 juin 1849 en ouvrant une porte de derrière du Conservatoire des Arts et Métiers pour le mettre à l’abri après une manifestation mouvementée7. Est-ce assez pour le qualifier de “quarante-huitard”, selon le terme de Maurice Agulhon8 ? Au moins pouvons-nous dire qu’il a toujours ensuite assumé cet héritage républicain de 1848. Son exil politique en Suisse l’a mis sur la voie d’un autre réfugié politique, Karl Vogt9 et d’une discipline, la “paléoethnologie”, terme qui était utilisé pour caractériser la préhistoire.

À son retour en France en 1864, Gabriel de Mortillet fonde les Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de l’homme – la première revue de préhistoire française – dans laquelle il avertit le lecteur en préambule de son impartialité, en lettres majuscules10. Un dépouillement des Matériaux offre une image beaucoup plus nuancée. Dès 1865, il se félicite déjà des vives polémiques qui opposent Karl Vogt aux protestants genevois, et raille à son tour l’embarras des catholiques face aux incohérences entre textes bibliques et études “anté-historiques11”. Le sous-titre même donné à cette revue, “histoire positive et philosophique de l’homme”, suffit à faire entendre qu’une orientation idéologique est au final impulsée dans la revue. Comme philosophie, Gabriel de Mortillet adopte le “matérialisme scientifique” qui rejette l’existence de Dieu et de l’âme en recherchant l’explication de toute chose dans les propriétés de la matière12. Lecteur et contributeur du journal La Libre pensée, Mortillet s’inscrit résolument dans le camp des libres penseurs militants, plus attachés à combattre publiquement les dogmes qu’à la liberté d’opinion. Comme son ami pédagogue Cyprien Issaurat13, Gabriel de Mortillet n’adhère pas à l’idée de neutralité dans l’enseignement laïque14. Progrès social et dépérissement du catholicisme doivent pour eux aller de pair.

Dans le champ politique, Gabriel de Mortillet s’engage du côté des radicaux dont le programme, porté par Léon Gambetta, contient l’idée de séparation des Églises et de l’État. Cet engagement s’incarne publiquement lorsqu’il accède à plusieurs mandats électoraux. De 1882 à 1888, il est élu maire radical de Saint-Germain-en-Laye et entre 1885 et 1889, il est élu député de la gauche radicale de Seine-et-Oise. Se revendiquant des Lumières, il fréquente la maçonnerie. Pour un banquet réunissant 500 personnes à la “fête maçonnique solsticiale des Loges de Seine-et-Oise” en 1879, Gabriel de Mortillet, signalé comme invité, offre à la Loge de la Bonne foi un exemplaire d’une édition originale de La Henriade de Voltaire15. Il en profite pour faire l’éloge de la Franc-maçonnerie qui s’est “toujours montrée à la tête du progrès et qui a fait de tous temps œuvre de philanthropie et de tolérance16”. Plus tard, en 1886, il est reçu à la “Loge des Amis de la Tolérance”, rite français de la Franc-Maçonnerie17. Cette loge basée à Paris a été fondée par des ouvriers communards, puis décimée par la répression18. Elle a été renouvelée dans les années 1880 par des publicistes et des universitaires d’extrême-gauche, comme le journaliste et homme politique Louis Asseline et Abel Hovelacque, professeur d’anthropologie linguistique, théoricien du racisme appliqué à l’étude des langues. Dans le cadre d’une rencontre maçonnique au théâtre de Beauvais, en mars 1886, Mortillet donne une conférence sur “l’homme préhistorique19”. Un observateur mandaté pour le journal Le Monde maçonnique, désigne l’orateur sous l’appellation “frère G. de Mortillet” ou “F de Mortillet”. Peu de références à la préhistoire dans le compte rendu, seulement la conclusion retranscrite ainsi : “il démontre que l’étude servile des textes sacrés engendre, malgré sa stérilité, des habitudes d’esprit néfastes à la science, en tout cas absolument hostiles à la direction générale des méthodes d’investigation scientifique20”. Cette conférence suscite un certain émoi dans la presse catholique locale qui reproche au principal du collège de Beauvais d’avoir emmené ses élèves21.

Dans la sphère intime, l’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet se traduit par une attention journalière à la question religieuse qui le pousse à sélectionner et archiver des coupures de presse qui pourraient nourrir ses arguments. Rassemblées en fiches, ces coupures annotées proviennent de journaux comme Le Bien Public, L’Éclair, La Lanterne, Le Matin, Le Radical, Le Temps, Le Voltaire, Le XIXe siècle et portent sur des faits associés au catholicisme. Une série de fiches intitulées “Le doigt de Dieu22” constitue une sorte de revue de presse qui contredirait la justice divine : les coupures relatent des catastrophes ayant causé la mort de fidèles, des incendies causés par des cierges d’églises, des maladies mortelles contractées lors de pèlerinages, des ouvriers accidentés lors de rénovations d’églises…

Servir la mise en scène du conflit entre science et foi

Comme Karl Vogt en Suisse, qui alimente de franches polémiques face aux protestants de Genève, Gabriel de Mortillet suit l’exemple de son confrère. En 1865, il décide d’interroger pour les Matériaux l’abbé François Moigno23, jésuite et ancien professeur de mathématiques, fondateur des revues de vulgarisation scientifique à vocation apologétique Cosmos puis Les Mondes, afin que celui-ci lui explique sa vision des origines, son “système”. Mortillet relate l’échange avec ironie : comment accorder l’état sauvage qui semble caractériser les origines de l’Homme avec le fait que les deux premiers fils d’Adam, Caïn et Abel, soient respectivement agriculteur et pasteur ? Caïn, fondateur de villes, a comme fils Jubal (musicien de harpe et d’orgue) et Tubulcaïn (qui travaille l’airain et le fer) : “Où donc placer l’âge de la pierre, l’âge du bronze, l’usage des pirogues ?24” La réponse de l’abbé Moigno, retranscrite par Mortillet, n’est pas éloignée des vues de Boucher de Perthes25. Soulignons que Mortillet choisit là un interlocuteur concordiste, qui sert de manière nette son scénario. Le concordisme est un système d’exégèse défensif, qui vise à établir des concordances pour faire tenir ensemble la Bible et les développements récents des sciences – principalement la géologie et la paléontologie, puis la préhistoire. L’objectif premier est de prouver la véracité des épisodes de l’histoire sainte en revendiquant l’utilisation de données scientifiques. En 1865, un certain nombre de chercheurs catholiques se sont déjà positionnés contre cette démarche globale, en souhaitant faire primer les faits archéologiques. Citons l’abbé Louis Bourgeois, qui met au jour des vestiges réputés “tertiaires26” à Thenay. Gabriel de Mortillet collabore avec lui, heureux de voir des artéfacts aller dans le sens de son hypothèse d’un chaînon manquant très ancien entre le singe et l’Homme.

Certes à cette époque dans l’Église, les acteurs accueillants vis-à-vis des bouleversements induits par les découvertes préhistoriques sont minoritaires. Plus nombreux sont ceux qui jettent le discrédit sur l’ensemble du nouveau champ d’étude, ce qui a des répercussions sur les conditions d’exercice parfois entravées des chercheurs. Gabriel de Mortillet cherche quant à lui à renforcer la rhétorique du conflit entre science et foi. S’il avait voulu débattre avec un scientifique catholique beaucoup plus au fait de la préhistoire que l’abbé Moigno, Mortillet aurait eu l’embarras du choix : outre l’abbé Louis Bourgeois avec qui il collabore sur la question de la période tertiaire, citons Ernest d’Acy, fouilleur de sites de la Somme, de la Picardie et de la Seine-et-Marne (Chelles, Saint-Acheul) ou Adrien Arcelin, fouilleur de Solutré, qui a partagé avec lui le résultat de ses fouilles, contribuant à la définition de la période solutréenne27. Gabriel de Mortillet préfère choisir un auteur concordiste aux propos attendus, qu’il peut facilement tourner en dérision. Jacqueline Lalouette souligne que le “rire anticlérical28” est souvent utilisé comme une arme pour ridiculiser le clergé, les dogmes et les croyances. Cette démonstration orchestrée du conflit entre science et foi, récurrente dans l’idéologie libre penseuse29, s’exprime encore dans la leçon inaugurale de préhistoire que Gabriel de Mortillet donne en 1895 à l’École d’Anthropologie de Paris30. Encore une fois, il passe sous silence la présence de catholiques parmi les acteurs de sa discipline pour ne citer que les auteurs concordistes éloignés de toute pratique de terrain31. Vouant à l’échec les tentatives de conciliation, le manichéisme de Gabriel de Mortillet cherche à encenser l’acuité du chercheur dégagé de toute croyance.

La mise en œuvre d’une politique globale de laïcisation

Gabriel de Mortillet s’est senti redevable d’une mission globale : œuvrer à une politique de laïcisation pour restreindre le rôle de l’Église et de la foi dans les structures de la société. Autant dans son action politique, que dans son activité de scientifique, il a voulu laïciser les origines, le temps, les symboles et même la mort.

Laïcisation des origines, du temps et des périodisations

La préhistoire, contredisant le récit créationniste, constitue pour Gabriel de Mortillet une sphère d’intervention privilégiée. Désirant laïciser les origines, il considère les préhistoriens comme les seuls interprètes crédibles pour les donner à connaître, toute considération spiritualiste étant à bannir. Quitte à tordre parfois la réalité des faits archéologiques, il s’agit de diffuser l’idée d’une évolution générale et linéaire de l’humanité à partir de l’animalité. Avec Ernest Haeckel ou Karl Vogt, il contribue à façonner une nouvelle vision des origines, transformiste, à distance des dogmes – contrairement à un Boucher de Perthes qui les prenait à sa manière en compte32. Dans une brochure (non datée) qui s’intitule Réforme des livres d’enseignement, Gabriel de Mortillet appelle de ses vœux une réforme des manuels d’enseignement pour exclure le créationnisme des programmes scolaires au profit du transformisme33. En 1893, devant l’École d’Anthropologie de Paris, Mortillet exprime le souhait de voir s’accomplir une réforme de la chronologie qui évacuerait toute référence au christianisme, notamment le point de départ associé à Jésus, en prenant pour modèle l’expérience du calendrier républicain à l’époque de la Révolution qui avait remplacé le calendrier grégorien de 1793 à 180634. Sa conception linéaire du temps, orientée vers le progrès, se retrouve en politique avec l’installation des idées républicaines et laïques qui constituent un horizon à construire et affermir. Ainsi, dans son discours d’investiture de maire de Saint-Germain-Laye en 1882, il déclare : “Comme le progrès est la loi de l’humanité et l’essence d’un gouvernement républicain, nous marcherons de l’avant d’une manière d’autant plus sûre que nous nous appuierons sur l’opinion des électeurs si franchement libéraux de la ville de Saint-Germain-en-Laye35”. Évolution biologique et histoire politique semblent se croiser dans cette association entre “progrès – loi de l’humanité” et république.

Laïcisation des symboles

Outre les origines, Gabriel de Mortillet s’attaque à une autre pierre angulaire des représentations religieuses, les symboles. Son premier ouvrage, publié en 1866, s’intitule Le signe de la croix avant le christianisme. Dans celui-ci, il souhaite démontrer que la croix a été utilisée comme emblème religieux depuis une très haute antiquité, récusant toute primauté au christianisme : “Dès la plus tendre enfance, on nous apprend que le signe de la Croix est le signe du chrétien. […] Pourtant ce critérium n’a aucune valeur. La Croix, la vraie Croix, se trouve sur de nombreux objets bien antérieurs à la venue de Jésus-Christ36”. Cette réappropriation des symboles est significative de l’idéologie libre-penseuse : le christianisme n’a rien inventé puisque les dogmes, les rites et les sacrements, se retrouvent dans les religions et les philosophies précédentes. Lorsque Gabriel de Mortillet présente son ouvrage dans les Matériaux, il se défend de “faire de la polémique religieuse”, affirmant “discuter un important principe d’archéologie37”. Notons cependant qu’il publie en parallèle dans le journal La Libre Pensée les principaux enseignements de son étude38.

Dans son action ultérieure de maire, la croix reste un point de cristallisation. En 1885, après avoir lancé une pétition pour passer outre les oppositions, Gabriel de Mortillet fait enlever la croix placée au-dessus de la porte d’entrée du cimetière39. Elle est remplacée par une pancarte “Propriété communale”, et certains administrés décident à ce moment-là d’aller se faire enterrer ailleurs. Cette politique de laïcisation ne laisse en effet pas indifférents les opposants et Gabriel de Mortillet subit des quolibets. La presse locale d’opposition le regarde comme celui “qui prétend que l’homme descend du singe40”, et donc deux fois ennemi de la foi et de la moralité, comme laïcisateur et préhistorien. Les caricatures le montrent d’ailleurs en homme préhistorique. Celle du Journal de Saint-Germain (voir ci-dessous) le singe en homme préhistorique guidé par son ego, brandissant les révocations des acteurs de la ville en disgrâce, posant à côté d’un dolmen et de la mâchoire de la Naulette, piétinant le blason de la ville et un crucifix. Certains administrés le traitent de “Néron, Vieil antiquaire, hibou du Château, grand abatteur de croix, pourfandeur de frocs et de cornettes, cruciphobe41”. Il reçoit même un coup de feu sur l’une des fenêtres de son appartement au Château, faisant classer l’affaire comme un simple accident42.

Caricature publiée dans le Journal de Saint-Germain en septembre 1886, Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
Caricature publiée dans le Journal de Saint-Germain en septembre 1886, Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.

Laïcisation de l’espace public et de la charge d’âme

La laïcisation des écoles, des hôpitaux et des orphelinats constitue le chantier principal de la mandature Gabriel de Mortillet à Saint-Germain-en-Laye. Avant d’être nommé maire, il rédige un rapport sur l’état des écoles congréganistes en dénonçant la saleté, le manque de matériel, l’absence de brevets de capacités des sœurs, la médiocrité des études et des résultats au concours cantonal. Le vocabulaire anticlérical d’usage est de mise lorsqu’il parle des “pauvres ignorantins43”, pour dénoncer l’obscurantisme clérical. Gabriel de Mortillet engage sans attendre les démarches de remplacement des Frères des écoles chrétiennes par une école communale laïque gérée par une institutrice. Ceci relève d’une application très rapide de la loi puisque beaucoup de communes continuent à avoir recours aux clercs pour l’enseignement après 1882. Ce n’est que la loi Goblet en 1886, qui oblige les municipalités à ne plus avoir recours aux clercs et encore, dans un temps de latence de 5 ans. Gabriel de Mortillet bouscule ainsi le régime concordataire et la politique de laïcisation à petit pas des républicains modérés.

En 1882, il s’oppose aux religieuses de Saint-Vincent-de-Paul qui souhaitent créer une école à destination des orphelines, dans l’hôpital dont elles ont la gestion. Gabriel de Mortillet refuse et “demande que les jeunes orphelines soient envoyées aux écoles communales44”. Il se déplace en personne pour en aviser la Supérieure de la congrégation, ce qui est vu comme un abus de pouvoir de la part de certains membres du Conseil municipal qui en appellent au Préfet45. Il décrédibilise alors la Supérieure devant le Conseil en la présentant comme une “personne ayant complètement renoncé au monde et à ses usages46”, ce qui est symptomatique de la manière dont les libres penseurs considéraient les membres du clergé régulier, comme une entité sécessionniste. Gabriel de Mortillet réplique en 1884 en engageant la création d’un orphelinat laïque, justifiant cette décision par l’influence “antipatriotique” que représente l’orphelinat congréganiste, dont les élèves ne fréquentent pas les bataillons scolaires. Gabriel de Mortillet porte une attention particulière à ces bataillons qui se réunissent trois fois par semaine sur l’esplanade du Château, et qu’il passe parfois en revue47.

En 1883, c’est avec le curé de Saint-Germain-en-Laye que Gabriel de Mortillet entre en confrontation. Il lui écrit pour lui demander de “pavoiser et illuminer l’église48” pour le 14 juillet. Comme le prêtre refuse, le Conseil municipal décide d’autorité que “l’église serait pavoisée et illuminée aux frais de la ville comme tous les autres bâtiments communaux49”. Les noms des rues retiennent également l’attention du maire. Gabriel de Mortillet fait rebaptiser les noms de plusieurs rues à Saint-Germain-en-Laye : la rue de Versailles devient la rue Alexandre Dumas, la rue des Ursulines : la rue Voltaire, la rue Saint-Louis : la rue Diderot et la rue Saint-Thomas, la rue de la République50. Des processions laïques ont lieu pour inaugurer ces noms de rues. En revanche, il fait interdire les processions religieuses, comme celle de la “Fête-Dieu51.

Laïciser le rapport à la mort

La mort, pour les savants matérialistes comme Gabriel de Mortillet, est vidée de toute implication spiritualiste. Elle devient une question politique. Au sein de la Société d’autopsie mutuelle (fondée en 1876) à laquelle il adhère, médecins et anthropologues matérialistes s’engagent, à leur mort, à abandonner leurs dépouilles aux scalpels de leurs collègues52. La seule loi que Gabriel de Mortillet fit voter à l’Assemblée nationale concerne la liberté des funérailles. Par la Loi du 15 novembre 1887, tout un chacun peut fixer par testament le caractère civil ou religieux de ses funérailles. Cette loi possède un amendement qui autorise le testateur à disposer de son corps dans l’intérêt de la science. Nous lui devons donc la possibilité de “donner notre corps à la science”, ce qui pouvait encore heurter la morale traditionnelle à cette époque. Comme maire, Gabriel de Mortillet engage très tôt une démarche de laïcisation des pompes funèbres, mais en vain puisque le Préfet de Seine-et-Oise tranche en faveur des pompes funèbres (les fabriques) de l’église de Saint-Germain-en-Laye53. Là aussi, Gabriel de Mortillet anticipe puisque le retrait du monopole des pompes funèbres aux fabriques et aux consistoires pour l’attribuer aux communes ne se fait que par la Loi du 28 décembre 190454. En mars 1887, le Conseil municipal rejoue enfin les luttes qui opposent cléricaux et anticléricaux au sujet des mourants et de leur extrême-onction. Gabriel de Mortillet lance un rapport d’enquête et saisi la presse suite à un décès survenu à l’hôpital. Selon lui, la mort précipitée par “sueur froide55” d’un soldat hospitalisé serait imputable à un sacrement qui aurait été administré par un prêtre au soldat sans son consentement.

Cette laïcisation du rapport à la mort, que souhaite encourager Mortillet pour ses contemporains en tant qu’homme politique, se révèle au final plus simple à effectuer vis-à-vis des hommes préhistoriques qui peuvent difficilement revenir pour faire entendre leur opinion. La découverte de l’abri Cro-Magnon en Dordogne en 1868 inaugure un long débat sur l’intentionnalité des sépultures préhistoriques que Gabriel de Mortillet refuse de valider tout au long de sa carrière. Ce refus de reconnaître les vestiges funéraires paléolithique permet de justifier une absence de religiosité en ces temps. Gabriel de Mortillet écrit dans son manuel Le Préhistorique :

“Le mort n’était plus rien pour l’homme de ces temps lointains. Il n’y avait donc pas croyance à l’existence d’une âme. Il n’y avait pas non plus croyance en un dieu protégeant ou punissant ses créatures. La conception d’un être spirituel n’existait pas. Tout semble indiquer que l’homme paléolithique était totalement dépourvu du sentiment de la religiosité. […] Le mort était semblable au gibier qu’il venait d’abattre. Pourtant il mangeait le gibier et ne mangeait pas l’homme mort. C’est là un sentiment qu’on retrouve généralement dans toute l’animalité, sentiment qu’a pu développer l’instinct de conservation de l’espèce56”.

L’anticléricalisme comme instrument de pouvoir
dans le champ scientifique

L’usage par Gabriel de Mortillet du “rire anticlérical”, testé à des fins de délégitimation de ses adversaires dans les conseils municipaux, trouve également à s’exprimer dans le champ scientifique, notamment en 1894, lors des débats suscités par la découverte par un prêtre de l’Ain d’une sépulture attribuée au magdalénien dans la grotte des Hoteaux. L’inventeur, l’abbé Joseph Tournier vient à Paris devant la Société d’Anthropologie de Paris pour exposer ses découvertes – une sépulture associée à un bâton percé décoré d’un cerf, typique du magdalénien. La discussion devient rapidement assez vive car Mortillet refuse de reconnaitre l’éventualité d’une sépulture. L’abbé Tournier témoigne a posteriori de la réaction de Mortillet qui se livre, selon son souvenir, à “une exécution en règle, il critiqua tout, depuis la coupe des foyers, qu’il accusa d’être schématique jusqu’à la sépulture57”. L’anticléricalisme vient renforcer la démonstration : “il me semble l’entendre dans cette séance, où il s’efforçait de créer la méfiance et le doute, dire de sa voix flûtée, à propos de la sépulture : ‘Ce sont des curés du séminaire qui ont fait la levée du corps’58”. La réalité de ces paroles se vérifie dans le compte rendu de la Société d’Anthropologie de Paris. Lorsqu’il manque d’arguments, Gabriel de Mortillet privilégie le recours à l’argument d’autorité et au soupçon de cléricalisme pour entacher la probité scientifique du chercheur incriminé, lorsqu’il est catholique. Les contradicteurs catholiques de Gabriel de Mortillet sont en effet souvent renvoyés à un agenda inavoué correspondant à la défense des dogmes. Adrien Arcelin, avec qui il a pourtant travaillé et collaboré, en fait les frais en 1885, lorsqu’il refuse l’hypothèse d’une humanité tertiaire. Arcelin décide de répliquer en renvoyant l’argument de partialité :

“Théologien, je ne le suis pas. Mais si vous voulez faire allusion à mes croyances philosophiques et religieuses, ne craignez-vous pas qu’on puisse vous répondre par un argument ad hominem et prétendre que l’anthropopithèque a été imaginé dans l’intérêt de vos propres idées philosophiques et de ce que vous estimez vous-même être la ‘bonne cause’ ?59

Les clercs ou catholiques déclarés ne sont pas les seuls à subir ce type d’accusation d’inféodation. Salomon Reinach relève que dans les années 1870, Alexandre Bertrand, directeur du musée des Antiquités nationales, est traité de “clérical” par l’entourage de Mortillet dans le journal République française et plus tard auprès de Jules Ferry. Reinach y voit une cabale ourdie en sous-main par Mortillet (qui est attaché de conservation) dans l’objectif d’obtenir la direction de l’institution60.

Travailler en bonne entente avec Gabriel de Mortillet semble devoir impliquer une certaine adhésion à ses opinions anticléricales. En 1886, lorsqu’il part en excursion avec ses élèves le jour d’un “vendredi saint”, il déploie des efforts particuliers pour se faire servir de la viande à midi chez des restaurateurs61. “Manger gras” est un lieu commun de la sociabilité libre penseuse à cette période, de nombreux banquets du vendredi saint sont organisés dans les grandes villes de France62. Gabriel de Mortillet prend également part aux dîners Lamarck63, qui réunissent des scientifiques matérialistes pour la plupart, et qui prennent pour modèle les banquets civiques des cercles radicaux célébrant l’action héroïque des “pères64” républicains. Pour Gabriel de Mortillet, le père fondateur de la discipline est résolument Jean-Baptiste Lamarck, figure exempte de précautions vis-à-vis des dogmes religieux, plutôt que Jacques Boucher de Perthes, trop métaphysique à son goût.

Le préhistorien Émile Cartailhac65 est confronté à des difficultés lorsque ses actions viennent heurter les orientations impulsées par Gabriel de Mortillet. Lorsqu’il prend sa suite à la tête de la revue Les Matériaux, il bannit autant qu’il peut l’anticléricalisme des colonnes, les ouvrant même à des auteurs spiritualistes, comme le géologue protestant Paul Cazalis de Fondouce et subit les critiques de son aîné, à qui il répond dans une lettre avec ironie : “Je me casse la tête pour savoir si, quand et comment les Matériaux ont penché vers le cléricalisme. J’affirme avoir soigneusement évité cela. Permettez-moi d’ailleurs d’être enchanté d’avoir fait des Matériaux une tribune libre, quoi qu’on puisse dire66”. La décision de Cartailhac de changer de maison d’édition pour les Matériaux suscite également la colère de Mortillet. Cartailhac oriente son choix vers l’éditeur toulousain Privat, assimilé au camp clérical, pour remplacer l’éditeur originel Reinwald, lié à la révolution de 1848 et éditeur des scientifiques matérialistes67. Cartailhac essaye de faire entendre qu’opter pour un éditeur qui gagne de l’argent avec des livres catholiques ne constitue pas un problème si la qualité des ouvrages est avérée et la pluralité des contributeurs respectée68, mais il cède finalement au mécontentement de l’ancien directeur de la revue en conservant l’ancien éditeur Reinwald.

Sur le fond, l’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet oriente une part non négligeable de ses choix interprétatifs en préhistoire, tout comme il représente la principale boussole de son action en tant qu’élu. Fidèle à l’élaboration d’une narration des origines centrée sur l’évolutionnisme matérialiste, il est l’artisan d’un projet global de laïcisation dans les champs scientifiques et politiques, mobilisant également l’anticléricalisme comme un outil performatif. En effet, sur la forme, la rhétorique anticléricale utilisée pour ridiculiser les opposants dans les conseils municipaux se retrouve pour s’imposer dans les réunions scientifiques face aux contradicteurs catholiques, par exemple à la Société d’Anthropologie de Paris dans les années 1890. Cet anticléricalisme vise large, puisque les présomptions de cléricalisme ciblent parfois au-delà des catholiques déclarés. Si le grand apport de Gabriel de Mortillet a été d’“introduire de l’ordre dans une science naissante qui semblait vouée à la confusion69”, la grande difficulté du pionnier a été de ne pas souffrir les contradictions, ce qui l’a petit à petit isolé. Lorsque le magistère de Gabriel de Mortillet sur la discipline vacille, sous l’action d’une plus jeune génération, dont Émile Cartailhac et Marcellin Boule, la bruyante stratégie de confrontation vis-à-vis du monde catholique est désormais jugée caduque et dangereuse. Mortillet est désormais critiqué pour ses outrances, on lui reproche d’avoir d’exercé une emprise philosophique et politique sur la discipline qui a affecté les capacités de normalisation de cette science dans la société, retardant notamment la professionnalisation de la discipline70.


Bibliographie

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Notes

  1. Blanckaert 2001.
  2. Richard 1989.
  3. Reinach 1899, 68.
  4. Sur décision de sa mère, Gabriel de Mortillet a été placé dans son enfance à l’âge de neuf ans chez les jésuites de Chambéry, pour une durée de quatre ans, puis ensuite au Petit Séminaire de Grenoble. Il a consigné ses souvenirs à ce sujet dans une brochure publiée en 1848. Mortillet 1849, n° 6.
  5. Mortillet 1849, 34-35.
  6. La brochure s’intitule Histoire de la chute de la monarchie et de l’établissement de la République. Journées des 22, 23 et 24 février. Reinach 1899, 72.
  7. Séance du 13 juin 1884, Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, volume 43, Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye, 395.
  8. Agulhon 1992.
  9. Diplômé de médecine en 1839, Karl Vogt (1817-1895) travaille comme biologiste à Neuchâtel sous la direction de Louis Agassiz, avec qui il rompt sa collaboration en 1844. Il vit ensuite deux ans à Paris, écrivant pour des journaux allemands et fréquentant des scientifiques ainsi que Joseph Proudhon, Karl Marx et Bakounine. Nommé en 1846 professeur de zoologie à l’Université de Giessen, il s’engage dans la révolution de 1848. Élu député, il siège à l’extrême gauche. Condamné à mort pour raisons politiques en 1849, il se réfugie à Berne et se fait naturaliser suisse. Karl Vogt accède en 1852 à la chaire de géologie et d’histoire naturelle de l’Université de Genève, puis prend en 1872 la direction de l’Institut de zoologie. Actif propagandiste du darwinisme et du matérialisme, il publie en 1863 Leçons sur l’homme où il défend l’origine simienne de l’homme. Tort 1996, 4485-4488.
  10. “Notre titre indique très clairement que nous publions un recueil de Matériaux, et notre programme porte comme premier engagement l’IMPARTIALITÉ […] donner asile à toutes les opinions”. Mortillet 1865c, 7.
  11. Mortillet 1865a, 381.
  12. Fauvelle 1885, 738.
  13. Cyprien Issaurat (1825-1899) est instituteur d’école primaire lors du coup d’État du 2 décembre 1851. Ses liens avec le mouvement républicain l’obligent à s’exiler jusqu’à l’amnistie de 1859. Il devient président de la Société d’Anthropologie de Paris en 1895. Dans une conférence donnée à la loge “le matérialisme scientifique” en 1890, Cyprien Issaurat décrit le peuple comme un Gargantua moderne auquel il faudrait fournir une éducation selon le programme de Rabelais afin de lutter contre les superstitions et les préjugés. Il est persuadé que si le peuple est bien éduqué, la République et la science n’en seront que plus fortes. Issaurat 1890, 52.
  14. Issaurat 1887, 523-524.
  15. Fobain 2018, 105.
  16. La chaine d’union de Paris, Journal de la maçonnerie universelle, 21e année, août-sept. 1885, 331-332. Archives du Grand Orient de France.
  17. Boulet 2006, 211.
  18. Combes 1977, 17-26.
  19. Anonyme 1886, 14.
  20. Idem.
  21. Idem.
  22. Fiches rassemblées dans le carton bordeaux 49, deuxième étagère. Archives Mortillet, Saarbrücken.
  23. François Moigno, (1804-1884) entre en 1822 dans la Compagnie de Jésus où il devient professeur de mathématiques et de physique. Chanoine de Saint-Denis, l’abbé Moigno est le fondateur des revues de vulgarisation scientifique à vocation apologétique Cosmos puis Les Mondes. Comblé d’honneurs, il est promu chanoine de St.-Denis. Demoment 1982, 462.
  24. Mortillet 1865b, 350.
  25. Selon l’abbé Moigno, l’état sauvage ne peut être à l’origine du monde, il prend place après le déluge et l’épisode de la tour de Babel. Ayant oublié jusqu’à leur langue maternelle, les hommes se sont alors dispersés, et ont dû reconquérir leur “civilisation” pièce par pièce, passant par les âges successifs de la pierre, du bronze et du fer.
  26. Mortillet 1885, 139.
  27. Defrance-Jublot 2011, 278-311.
  28. Lalouette 2020, 88.
  29. Lalouette 1989, 21-54.
  30. Mortillet 1896.
  31. Il cite l’abbé Jean-Claude Gainet, l’abbé Edmond Lambert et Mgr Maurice Meignan.
  32. Defrance-Jublot 2021, 23-43.
  33. Mortillet (s.d.).
  34. Reclus (s.d.), BNF Microfiche 8°Z 19951, 2.
  35. Mortillet 1882, 2.
  36. Mortillet 1866a, 1-2.
  37. Mortillet 1866b, 451.
  38. Mortillet 1866c, 53.
  39. Séance du 15 avril 1885, Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, volume 44. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  40. La liberté de Saint-Germain et de Rueil, Journal politique et littéraire, n° 16, mercredi 26 mai 1886.
  41. Boulet 2006, 211.
  42. Millard 2002, 33.
  43. Millard 2002, 30.
  44. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, Séance du 11 novembre 1882, volume 43, 74. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  45. Idem, p. 95.
  46. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, 1882, volume 43, 95. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  47. Boulet 2006, 212.
  48. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, Séance du 16 juillet 1883, volume 43, 212. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  49. Idem.
  50. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, séance du 19 mai 1886, volume 44, 180. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  51. Boulet 2006, 211.
  52. Dias 1991, 27-36.
  53. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, Séance du 15 septembre 1882, 66. Archives municipale de Saint-Germain-en-Laye.
  54. Baudot 2007, 391.
  55. Registre de délibération du Conseil Municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye, 9 mars 1887, volume 44, 292. Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye.
  56. Mortillet 1900, 336.
  57. Tournier 1898, 150.
  58. Idem.
  59. Arcelin 1885, 307.
  60. Salomon Reinach évoque un article du 20 octobre 1874. Reinach 1899, 80.
  61. Mortillet 1886.
  62. Lalouette 1994.
  63. Richard 1997.
  64. Ihl 1994.
  65. Issu d’une famille calviniste, Émile Cartailhac (1845-1921) s’initie aux sciences naturelles après ses études de droit. Sa carrière de préhistorien débute sous l’égide de Gabriel de Mortillet. Il co-fonde avec lui les Congrès Internationaux d’Anthropologie et de Préhistoire en 1867puis est attaché à partir de 1884 au Musée Saint-Raymond de Toulouse dont il devient le directeur en 1912. Il a en charge le volet préhistoire de la revue L’Anthropologie de 1890 à 1894, donnant un cours libre d’archéologie préhistorique à la Faculté des sciences de Toulouse à partir de 1889. Coye (s.d.).
  66. 1879, 21 mars. Toulouse. – Émile Cartailhac à Gabriel de Mortillet. Archives Mortillet, université de la Sarre, carton K-C-III.
  67. “La fondation C. Reinwald, le 1er janvier 1849, en pleine tourmente, fut un acte de foi républicaine. Elle a contribué à faire rayonner la science française à l’étranger, en même temps qu’elle faisait connaître, en France, Darwin, Haeckel, Huxley, Carl Vogt, Wallace, Büchner, les travaux des savants les plus hardis”, Anonyme 1905, 1.
  68. 1874, 20 décembre. Toulouse. – Émile Cartailhac à Gabriel de Mortillet. Archives Mortillet, université de la Sarre, carton K-C-III.
  69. Reinach 1899, 95.
  70. Defrance-Jublot 2005, 78.
ISBN html : 978-2-35613-552-0
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Article de colloque
EAN html : 9782356135520
ISBN html : 978-2-35613-552-0
ISBN pdf : 978-2-35613-554-4
ISSN : 2741-1508
10 p.
Code CLIL : 4117; 3494;
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Comment citer

Defrance-Jublot, Fanny, “L’anticléricalisme de Gabriel de Mortillet : un projet radical global et un instrument de pouvoir”, in : Cicolani, Veronica, Lorre, Christine, Hurel, Arnaud, dir., Le printemps de l’archéologie préhistorique. Autour de Gabriel de Mortillet, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 11, 2024, 39-48 [en ligne] https://una-editions.fr/lanticlericalisme-de-gabriel-de-mortillet [consulté le 17/07/2024]
doi.org/10.46608/DANA11.9782356135520.6
Illustration de couverture • • Gabriel de Mortillet, excursion aux carrières de Chelles (Seine-et-Marne) en 1884 (Fonds photographique ancien, fondation Institut de paléontologie humaine, Paris)
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