Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 7, 1964, 22-23.
Bien qu’elle ne soit pas inédite, puisque publiée il y aura bientôt quatre siècles, la description du Bazadais que nous reproduisons ici, est certainement inconnue des lecteurs des Cahiers. C’est à la sagacité de M. P. Roudié, un des collaborateurs de notre revue que nous en devons la découverte. Elle figure dans La Cosmographie universelle de tout le monde1, par Munster et François de Belle-Forest, publiée en 1575, à Paris, chez Nicolas Chesneau, au chapitre intitulé “Des pays, contrées, seneschaucées, villes, cités et seigneuries qui sont sous la souveraineté du Parlement estably en la cité de Bourdeaux. Si son intérêt est inégal, il est cependant curieux de remarquer que, dès cette époque, l’élevage était la principale richesse du Bazadais. Peut-être cela explique-t-il en partie l’existence de manifestations tauromachiques, attestées par la suite, mais dont on a là une des plus anciennes mentions. Nous avons fait précéder la description du Bazadais de celles du Pays de Buch et des Landes, car le genre de vie de leurs habitants ne devait guère différer de celui des Landes bazadaises.
“… et est ce pays (de Buch) abondant en pins resineux : d’où advient que la chandelle qu’on fait de cette matière est apellée par gausserie a Bourdeaux Candele de Buchs, de laquelle se seruent les pauures gents par tout ce pays, et en Armaignac, Bearn et Bigorre, tellement que leurs maisons en sont toutes noires pour la fumée que rend ce luminaire, a quoy je pense qu’a pris allusion Paulin escriuant a Ausone lors qu’il dit Nigrantisque casas, et Texta magralia culmo. Veu que cette fumée noircit estrangement, et qu’il n’y a cabane, ny maison villageoise, qui nen soit tout noircie, voire les personnes mesmes sentent ce musc Medonquin, qui les rend tous haues, et d’un regard tenebreux, auec ce que ny les Medonquins, ny les Lanusquets ne sont guerre belles gents d’ordinaire. Mais, c’est assez arresté ci dessus, voyons un peu le reste de la Guienne, qui sont les Landes, où vous voyez un long trait de chemin plein de sablons et bruieres, chemin fort fascheux durant les chaleurs pour y estre ces sablons ardents, et le pays si sec qu’on n’y treuue une seule goute d’eau, et cependant est-il habité ayant ses villages aux exarts, et son peuple fort industrieux, tous les hommes y estants petits ordinairement, secs, et haues, mal vestus et eschars en leur viure, au reste riches pour la trafic qu’ils font de liege, poix, resine et bestail abondant, tout cecy en leur terre. (Il est ensuite question de la Seigneurie d’Albret de la Chalosse, puis du Bazadais.)
Après s’offre le pays de Bazadois, sous lequel sont comprises la cité capitale nommée Basaz, et iadis Vassaté, et les villes de Mont de Marsan, Castet, Geloux, Aire Euesché, le Max d’Aire, et autres ayant un pays presque semblable a celui des Landes : ce que Paulin escriuant à Ausone (les parents duquel estoyent de Bazadois) semble toucher, lorsqu’il dit :
Quique superba urbis contemnis mœnia Romae.
Consul, arenosas non dedignare Vasatas. (Ausone aux Ep.)
Et le semblable fait le docte et St Euesque des Auuergnas Sidonie Apollinaire escriuant a Trigretie, exprime fort proprement, et descrit l’aridité du terroir qu’il dit estre sablonneux, et les mots latins duquel, cemesemble auront meilleure grace que si ie les proposois en nostre langue : or voicy comme il parle : ‘Tantumme te Vasatum ciuitas non cespiti imposita sed pulueri, tantum Systicus ager, ac vagum solum, et volatiles ventis altercantibus arenae sibi possunt, ut te magnis flagitatum precibus paruisse paratum spaciis, multum expectatum diebus attrahere Burdegalam, non potestates, non amicitiae, non optimata viuariis ostrea queant ?’ (Sid. Ap. Li. 8, Epist. 12.) Vous voyez qu’il se plaint que Trigretie se plaise tant à Bazas, où les sablons voletent en l’air, lorsque les vents semblent s’entrebattre, et où le Terroir est vague, et presque en solitude, qu’il dédaigne devenir à Bourdeaux pour iouir des bonnes compagnies, et de la délicatesse des viandes qui y abondent. Au reste la cite de Bazas est très ancienne, laquelle Ptolomee nomme Cossium, mais depuis elle a pris le nom du peuple qui y habite, posee comme vous entendez au milieu des sablons, mais non de tous costez, car vers le septentrion elle iouit d’un bon terroir, et d’abondance de toute choses, soit bleds, vins, fruits, ou bestail qui est sa propre richesse. Bazas est des plus anciennes Eueschez de Gascoigne, et comprise entre les peuples Ausciens, ayant son Eglise Cathedrale dediee à St Jean Baptiste, le iour de la feste duquel on fait de grans triomphes, et y souloit on faire courir un toureau eschaufé, avec pris pour celuy qui le pourroit arrester : mais ie ne scay si les troubles ont aboly ces ceremonies. Bazas est siege de Seneschal s’estendant et decà et delà la Garonne.”