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L’enseignement primaire en Bazadais sous la restauration et l’enquête secrète de 1828

Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 2, 1962, 19-32.

En 1893, E. Rotgès, alors inspecteur de l’enseignement primaire, avait publié un ouvrage intitulé Histoire de l’instruction primaire dans l’arrondissement de Bazas du seizième siècle à nos jours.Aucun travail n’est venu depuis compléter ou modifier le contenu de ce livre qui demeure ainsi essentiel pour la connaissance de cette question. Il s’en faut cependant que son auteur ait utilisé ou ait eu à sa disposition tous les documents se rapportant à l’enseignement primaire durant cette période. Depuis 1893, en effet, les Archives départementales se sont enrichies du fonds dit de l’Archevêché (série II, V) dont certaines liasses concernent plus particulièrement les problèmes relatifs à l’instruction.

C’est pour l’époque de la Restauration, de 1815 à 1830, que l’on y trouve le plus grand nombre de documents, et cela se comprend fort bien si l’on songe au rôle joué à cette époque par le clergé dans le domaine de l’enseignement primaire. Au lendemain de la chute de Napoléon, cet enseignement fut réorganisé le 29 février 1816, par une ordonnance royale de Louis XVIII. Il était créé dans chaque canton un comité gratuit et de charité pour surveiller et encourager l’instruction primaire et dont le curé du chef-lieu de canton était le président. La liste de ces comités et leur composition ont été donnés par E. Rotgès dans son ouvrage (p. 81, note 1). Chaque école avait en plus comme surveillant particulier le curé et le maire de la commune. Ce comité avait pour but de veiller au maintien de l’ordre des mœurs et de l’enseignement religieux, à l’observation des règlements et à la réforme des abus dans toutes les écoles du canton. Les communes d’autre part, seules ou réunies à d’autres, devaient se pourvoir d’établissements scolaires et assurer aux indigents la gratuité de l’enseignement. Cette mesure ne fut malheureusement que très rarement suivie d’effet. Quant aux instituteurs, ils devaient quand ils étaient postulants, se présenter munis de certificats de bonne vie et mœurs du curé et du maire de leur résidence devant le recteur. Celui-ci leur remettait, s’il les en jugeait dignes, un brevet de capacité qui comportait trois degrés. Le troisième, le plus répandu, permettait d’enseigner “à lire, écrire et compter”. Le second comportait en outre la connaissance de la calligraphie, de l’orthographe et du calcul, ainsi que la possibilité d’employer la méthode simultanée. Quant au premier degré, il impliquait la connaissance de la grammaire, de l’arithmétique, de la géographie et de l’arpentage. Pour enseigner en un lieu déterminé les instituteurs devaient en outre être munis d’une autorisation du recteur agréée par le préfet. Une nouvelle loi du 2 août 1820 devait accroître et préciser les fonctions des comités de canton.

E. Rotgès avait cru que cette situation s’était perpétuée jusqu’à la célèbre loi Guizot de 1833, œuvre de la monarchie de Juillet. Or, pendant la réaction ultra-royaliste qui se situe entre 1821 et 1827, durant les dernières années du règne de Louis XVIII,mort en 1824, et les débuts de celui de Charles X, un changement considérable allait se produire. L’ordonnance du 8 avril 1824, prise à l’instigation du ministre Corbière, remettait au clergé la surveillance des instituteurs. Rien n’était changé en ce qui concerne l’octroi du brevet de capacité. Par contre l’autorisation d’enseigner, jusque-là conférée par l’Académie, l’était désormais de la façon suivante. Pour les instituteurs d’écoles dotées par des communes ou des associations et distribuant un enseignement gratuit à 50 élèves, cette autorisation était octroyée par un comité présidé par l’évêque. Dans l’autre cas, et c’est celui du Bazadais en totalité, les candidats, munis préalablement de leur brevet de capacité, devaient solliciter l’autorisation de l’évêque diocésain qui surveillait ou faisait surveiller par les curés les instituteurs et pouvait révoquer cette autorisation. Les Frères des écoles chrétiennes recevaient leur brevet du recteur au vu de la lettre d’obédience de leur Supérieur et étaient évidemment autorisés. Cette ordonnance fut notifiée à Mgr d’Aviau, archevêque de Bordeaux, par une lettre circulaire en date du 20 mai 1824. Celle-ci apporte des précisions sur les pouvoirs du recteur qui “juge de la capacité des maîtres, surveille l’enseignement classique, décerne des récompenses, peut retirer des brevets de capacité”. Elle insiste aussi sur les rapports qui doivent exister entre le recteur et l’évêque. Celui-ci ne doit pas autoriser des non capacitaires, et par contre informer le recteur quand il retire une autorisation. Le recteur peut alors maintenir ou retirer le brevet. C’est à celui-ci aussi qu’il appartient de requérir le procureur si un instituteur non autorisé continue à enseigner. Mgr d’Aviau dans une lettre du 1er octobre 1824 devait faire part au recteur de l’interprétation qu’il donnait à l’ordonnance et à la circulaire. Il semble qu’il ait systématiquement voulu remettre en cause la situation des instituteurs établis et procéder à une sorte d’épuration. Le recteur, dans sa réponse du 8 octobre, le met en garde contre une telle action qu’il considère d’ailleurs comme contraire à l’esprit et même à la lettre des actes officiels. Quoi qu’il en soit, Mgr d’Aviau demandait dans une lettre circulaire adressée aux curés de son diocèse en octobre 1824 de lui faire un rapport sur les instituteurs de leurs paroisses. Ce tableau, s’il fut fait, est aujourd’hui perdu.

Il nous reste par contre un tableau légèrement postérieur qui date des premiers mois de 1828, et qui, lui, est complet. Il fut exécuté en vertu d’une circulaire ministérielle en date du 22 décembre 1827 adressée à l’archevêque de Bordeaux Mgr de Cheverus. Le ministre chargé des cultes et de l’instruction publique explique qu’il désire faire, lors de la prochaine session de la Chambre, un tableau des activités de ses services et défendre en même temps l’action des évêques chargés de surveiller l’enseignement primaire, et qui sont l’objet de multiples attaques. Le 12 janvier 1828 l’archevêque adressait aux curés de son diocèse une lettre reproduite ci-dessous ainsi qu’un tableau. Les curés du Bazadais adressèrent, outre les renseignements demandés dans ce tableau, une lettre confidentielle qui fait l’intérêt essentiel de la publication qui suit. Les curés des chefs-lieux de canton dressèrent d’autre part un tableau général et firent des propositions pour les fonctions d’inspecteurs cantonaux. La statistique d’ensemble fit ressortir pour l’arrondissement de Bazas la présence de 31 instituteurs catholiques dûment autorisés, dont deux Frères des écoles chrétiennes ayant 157 élèves, et les 29 autres 812 élèves. Il y avait en plus 12 instituteurs non brevetés ayant 249 élèves. Il est à noter que le canton de Captieux ne comptait aucun instituteur et que ceux du canton de Grignols n’étaient pas brevetés. L’âge et le recrutement social de ces instituteurs sont très variables. Certains, comme celui de Bernos qui est en même temps maire, ou celui de Préchac, qui est aussi percepteur et secrétaire de mairie, sont des notabilités locales. Une seconde catégorie est constituée par les infirmes, tel celui de Saint-Pierre-de-Mons “estropié d’une jambe”, ou celui de Saint-Pardon, “né avec les pieds en dedans”. Il y a aussi ceux qui, pour échapper à la conscription, s’engagent à servir dix ans dans l’enseignement et ne font pas ainsi de service militaire, comme Clignac, fils du régisseur de la comtesse de Salusse et postulant pour Balizac. Il faut signaler enfin les instituteurs itinérants originaires de Béarn et Bigorre. C’est le cas des maîtres d’école de Fargues, Léogeats, Barie, Le Nizan. Si la plupart sont des catholiques et des royalistes plus ou moins zélés, il y a cependant, entre eux, de notables différences. On trouve ainsi un instituteur d’Hostens, dévoué “au gouvernement paternel des Bourbons” et remplissant ses devoirs religieux avec exactitude. Celui de Bernos, pour avoir de bons principes religieux n’en suit pas les conséquences et “paraît dévoué à la dynastie régnante tant qu’elle régnera !” Ceux de Castets vont jusqu’à refuser de s’approcher des sacrements, et celui de Brouqueyran “tient jeu de billard et reçoit pour jouer quelques jeunes gens même la nuit !”Et il y a aussi cet extraordinaire personnage que constitue aux yeux de son curé, l’instituteur de Léogeats, marié trois fois, un peu trop porté vers “la liqueur bachique”, ce qui ne manque pas de provoquer des perturbations dans l’exercice de ses fonctions de chantre. L’enseignement dispensé par ces maitres n’étant jamais gratuit à cause du désintéressement des communes pour les questions d’enseignement, les localités pauvres n’ont pas d’instituteur. Le niveau de tous ces maîtres étant celui du troisième degré, on n’apprenait guère dans leurs écoles qu’à lire, écrire et compter, par la méthode ordinaire qui consistait à faire travailler chaque élève individuellement. Seuls Champetié, instituteur à Langon, et les Frères de Bazas, utilisaient la méthode mutuelle qui consiste à instruire les élèves les uns par les autres à l’aide de moniteurs. Plus que toutes considérations, la lecture des lettres secrètes des curés vaut par sa valeur de témoignage, même si parfois il est partiel. Elles sont d’ailleurs souvent aussi révélatrices de leurs auteurs que de ceux dont ils parlent.

Ce tableau devait être le dernier du genre. Le 5 janvier 1828, à la suite de nouvelles élections et de la chute des ultras, Martignac, un libéral, devenait principal ministre. Pour donner des gages à la gauche il fit promulguer, le 21 avril 1828, une ordonnance qui détruisait l’autorité exclusive donnée au clergé sur les écoles primaires par l’ordonnance de 1824. Peu de choses étaient changées en ce qui concerne l’octroi des brevets de capacité par le recteur. L’autorisation d’enseigner n’était par contre plus délivrée par l’évêque, mais par un Conseil d’arrondissement qui émettait un avis motivé sur les demandes qui lui étaient faites tandis que la décision finale revenait au recteur. L’Université reprenait ainsi en main l’enseignement primaire. Le recteur ne pouvait plus d’ailleurs de sa propre autorité retirer un brevet. Un statut des instituteurs apparaissait. Le Conseil d’arrondissement pour être présidé par l’évêque ou son représentant comportait d’ailleurs des laïcs. Voici la composition de celui de Bazas en 1828. Président : curé de Bazas, curé de Captieux puis de Préchac, de Langon puis de Grignols, nommés par l’évêque, Bagot président du tribunal civil et de Casmont membre du Conseil d’arrondissement nommés par le préfet, Castéra-Larrière et Saige avocats nommés par le recteur. Malgré le retour d’un gouvernement ultra au pouvoir au début de 1830 cette situation ne devait pas être modifiée.

Trois ans après la Révolution de juillet 1830, la loi Guizot allait réformer profondément l’enseignement primaire.

Rotgès (E.). ‒ Op. cit.
Archives départementales de la Gironde, liasses I T I et II V 252.

Documents : l’enquête de 1828

(Archives départementales de la Gironde, II V 252)

Lettre adressée par Mgr de Cheverus aux curés de son diocèse

Bordeaux le 12 janvier 1828

Monsieur le Curé,

Un travail important sur les écoles primaires catholiques du diocèse m’est demandé pour être présenté aux Chambres dans leur prochaine session. Ne pouvant et ne voulant le faire que de concert avec vous, je vous envoie un modèle de tableau renfermant les diverses indications qui me sont nécessaires.
Votre paroisse est peut-être composée de plusieurs communes ayant chacune une école primaire ; vous voudrez bien classer les écoles par communes, ces communes ne fussent elles-mêmes que de simples annexes.
S’il est quelque paroisse veuve dont le service vous soit confié, je vous prie de comprendre les écoles de cette paroisse dans votre même tableau. Il vous sera facile de vous procurer les renseignements locaux que ce tableau demande.
Il est essentiel de bien noter l’âge des instituteurs. La vérification du brevet universitaire vous justifiera s’ils sont en règle sous ce rapport. Mon approbation vous apparaîtra des lettres que je vous ai écrites à ce sujet ou que vous avez pu recevoir de mon vénérable prédécesseur.
Il n’a été délivré aucune approbation définitive en forme de brevet. Je vous serai obligé de me faire connaître votre opinion sur chaque instituteur, en portant sur une feuille séparée et cachetée vos observations sur ses principes religieux et monarchiques, sa conduite publique, ses moyens d’enseignement, l’exactitude de son service et la confiance dont il jouit dans la paroisse. Le nombre des élèves doit être exactement porté d’après un tableau de revue que vous ferez dresser et certifier par chaque instituteur. Si ce nombre n’est pas en rapport avec la population de la paroisse, vous voudrez bien m’en faire connaître les causes dans votre lettre close et secrète.
L’âge des instituteurs déterminera les renseignements que vous aurez à prendre pour remplir les colonnes 8 et 9.
Je vous prie, mon cher Collaborateur, de vous occuper de ce travail sans perdre un seul instant, et pour en simplifier l’envoi et le classement dans mes bureaux, vous voudrez bien transmettre votre lettre close et votre tableau rempli à M. le Curé du canton chargé d’en former un tableau général et de m’envoyer avec ce tableau cantonal vos lettres et les tableaux partiels des paroisses. Agréez, monsieur le Curé, l’assurance de tous mes sentiments dévoués et affectueux.

† Jean, archevêque de Bordeaux.

Le tableau qui était joint comportait les indications suivantes : paroisses, communes qui en dépendent, noms des instituteurs et leur âge, date de leur brevet universitaire, de leur approbation par l’archevêque, nombre des élèves qui fréquentent leurs écoles, mode d’enseignement, les instituteurs ont-ils été exemptés du service militaire en s’engageant à servir dix années dans l’enseignement.

Nous avons reproduit les indications fournies dans cet ordre en tenant compte uniquement des circonscriptions ecclésiastiques. Lorsqu’elles existaient nous avons transcrit à la suite les lettres des curés. Nous commençons par présenter les cantons landais, ensuite viendront ceux du versant garonnais.

Canton de Captieux

Captieux et ses annexes de Saint-Michel, Giscos et Lartigue

“Il n’y a pas d’instituteur ni moyen d’en avoir et il serait bien à souhaiter qu’il y en eut”. (Tableau). (Ferran, curé de Captieux).

Canton de Bazas

Bazas

  • Les Frères des écoles chrétiennes, 180 élèves.
  • Gauthier Jean, quarante et un an, marié, breveté par l’université le 20 juillet 1820, 26 élèves, enseignement ancien et ordinaire, en plus langue latine. (Tableau).
    “Ses principes religieux et monarchiques me sont assez connus”. (Lettre de Chiniac, curé de Bazas, du 4 février 1828).
  • Dupeyron Noël, quarante-cinq ans, marié, breveté le 28 avril 1819, 30 élèves, enseignement ancien et ordinaire. (Tableau.)
    “Sa grande occupation est de montrer à lire, c’est à peu près là que se bornent tous ses soins. Ses opinions je ne les connais pas trop”.(Lettre).

Bernos et son annexe de Marimbault

Boudey Pierre, quarante-neuf ans, marié, autorisé provisoirement par le recteur de l’Académie le 17 décembre 1814, non autorisé par l’archevêché, 25 à 30 élèves, enseignement ancien et ordinaire. (Tableau.)

L’instituteur de la commune de Bernos a aussi la charge de maire. D’une conduite publique à l’abri de tout reproche, doué de moyens suffisants d’enseignement pour un village, mais manquant un peu de mode et de talent à gouverner les enfants, exact à son service, M. Pierre Boudey a je crois de bons principes religieux mais comme beaucoup d’autres il n’en suit pas les conséquences. Le torrent l’entraîne. D’ailleurs, très assidu aux offices il néglige le devoir pascal et ne veille pas assez sur la conduite religieuse des enfants. Quant à ses principes monarchiques je le crois dévoué à la dynastie régnante tant qu’elle régnera. (Lettre d’Avil, curé de Bernos, du 2 février 1828).

Point d’instituteur à Marimbault. (Tableau.)

Cudos

Arnaud Jean-Julien, vingt-huit ans révolus, muni de certificats provisoires à la date du 4 juillet 1825, 25 élèves, enseignement ordinaire. Exempté de service militaire par défaut de constitution depuis 1819. (Tableau.)

Je ne crois pas avoir d’observations particulières à faire sur les principes religieux et monarchiques de l’instituteur de la commune de Cudos. Il m’a produit plusieurs certificats où je n’ai rien trouvé qui ne tournait à sa louange. Toutefois, il a été accusé dans l’endroit de mettre un peu de négligence dans l’accomplissement de ses fonctions, mais il paraît aujourd’hui posséder et même mériter la confiance du public par son exactitude à les remplir. Il a aussi profité des avis que j’ai cru être de mon devoir de lui donner. Il ne laisse pourtant pas que d’être répréhensible en ce qu’il n’a exercé pendant environ trois ans que sur quelques permissions et certificats provisoires. Quoiqu’ayant subi les examens d’usage il serait infiniment obligé à Votre Grandeur si elle daignait lui donner son approbation. (Lettre de Biga, curé de Cudos du 28 janvier 1828).

Saint-Côme, Birac et Gajac

La paroisse de Saint-Côme est composée de deux communes, celles de Saint-Côme et de Birac, mais ces deux communes étant si rapprochées de la ville de Bazas, les enfants de ses paroissiens vont à l’école chrétienne et aux secondaires de la ville, de sorte qu’il n’y a point d’instituteurs dans ces communes, et je le crois même absolument inutile d’en établir. Quant à la paroisse de Gajac, qui est veuve et dont le service m’est confié, elle se trouve précisément dans le même cas que celle de Saint-Côme. Les enfants fréquentent les écoles de la ville et il serait même inutile de porter cette paroisse sur le tableau général pour une école parce qu’il n’y a pas assez d’enfants pour qu’un instituteur pût y avoir une existence honnête. (Lettre de l’abbé O’Reilly, curé de Saint-Côme, du 24 janvier 1828).

Sauviac et Cazats

Néant. (Tableau.)

Le Nizan

Saret François, né le 20 février 1809, breveté à Pau le 3 septembre 1827, 34 élèves, enseignement ordinaire et ancien. (Tableau.)

Canton de Préchac

Préchac et ses annexes de Cazalis et de Pompéjac :
renseignements sur Bourideys et Lucmau

  • Laforgue Jean-Baptiste, né le 9 mai 1780, quarante-huit ans, breveté le 22 mars 1820 et par une lettre de l’archevêché, 30 élèves, enseignement ancien et ordinaire. (Tableau.)

J’ai dans ma paroisse un seul instituteur et un autre dans la succursale vacante de Cazalis qui est une des sections de la commune de Préchac. Quant au premier qui s’appelle Laforgue, natif de Préchac et dans le bourg même propriétaire très aisé, marié depuis longtemps avec une bien digne femme ayant deux filles déjà grandes, très estimé dans la paroisse, les autorités civiles même, tant supérieures qu’inférieures, l’estiment et l’aiment au point qu’ils lui ont confié la perception et M. le Maire la secrétairerie de la commune. Cela seul doit servir de preuve de ses principes monarchiques. Il est assez religieux et passablement attaché à son pasteur. Je pense qu’il en résulterait des grands inconvénients et des pénibles obstacles de lui enlever la charge d’instituteur. Vu la localité de Préchac et la disposition de ses habitants, il me paraît impossible qu’un autre instituteur peut y vivre. (Lettre de Courau, curé de Préchac, du 31 janvier 1828).

  • Maisset Jean-Baptiste, né le 16 janvier 1790, trente-huit ans, breveté le 3 février 1817 et autorisé “par une réponse de feu Mgr d’Aviau au sieur curé actuel de Préchac quand le soin des écoles primaires fut donné par sa majesté aux seigneurs évêques”, 20 élèvesdont 2 de Lucmau et 2 de Bourideys. (Tableau.)

“Quant au second instituteur qui s’appelle Massiet et qui réside dans la section de Cazalis et dans le bourg même et qui en est le sacristain, il n’a presque d’autres ressources pour subsister et faire vivre sa famille que l’état d’instituteur. Sa femme a un petit bien. Sa famille se compose de trois enfants. Il se rend aussi utile à l’église qu’il lui est possible. Il est aussi exact à ses devoirs religieux. Tous les habitants paraissent l’aimer et l’honorer de leur confiance en lui confiant leurs enfants. Ceux du voisinage en donnent de mêmes preuves. Je veux dire ceux de Bourideys et de Lucmau où il n’y a point eu jamais d’instituteur soit parce que le premier est trop petit et que le second, il n’y a presque que des métayers et des brassiers. Ce furent ces puissantes considérations qui décidèrent le comité cantonal dans son temps de n’y point établir d’instituteur, mais seulement à Préchac et à Cazalis, qui se trouve environnée de Préchac de tous les côtés, et c’est de là qu’on prétend qu’il prend son étymologie, c’est-à-dire fermé comme un jardin qu’en gascon s’appelle casaou, aussi annexe n’eut jamais ni nulle part mieux convenu à Préchac que Cazalis”. (Lettre).

“Pompéjac, annexe de Préchac n’a point d’instituteur. Sa proximité de Préchac et de Bernos en rendit l’établissement inutile ou du moins de peu de ressource vu sa petite population, et que presque tous les habitants sont métayers ou brassiers, aussi les propriétaires de cette annexe envoyent-ils leurs enfants aux écoles de Préchac et de Bernos”. (Lettre).

État de l’enseignement

“Quant à la capacité de mes deux instituteurs je la crois très suffisante parce que à peine les enfants savent-ils lire et écrire passablement que les parents les retirent des écoles et, même pendant l’année, aux époques des grands travaux, ils leur font suspendre le cours de la lecture et de l’écriture pour profiter des secours qu’ils peuvent offrir par le travail de leurs mains, car ils sont presque tous agriculteurs. En sorte qu’après mes observations, depuis que je suis ici, j’ai remarqué que plusieurs par ce moyen ne savaient ni lire ni écrire, d’où il en résulte nécessairement une dépense inutile ou presque inutile de la part des parents. Les pères riches ou bien aisés envoyent leurs fils aux écoles des villes dès qu’ils savent tant soit peu lire. Voilà ce qui serait capable d’empêcher l’établissement stable et avantageux d’instituteur environné d’une grande capacité”. (Lettre).

Uzeste et son annexe de Lignan

Patachon Martin, quarante et un ans, breveté le 5 février 1817, non autorisé par l’archevêché “a promis de remplir ce devoir le plus tôt possible”, 28 élèves, enseignement ordinaire. (Tableau.)

“La commune de Lignan annexe d’Uzeste n’a pas d’instituteur. M. Patachon Martin est instituteur à Uzeste, il est âgé de quarante et un ans, il est en même temps marié. Il y a près de vingt ans qu’il enseigne la jeunesse quoique la date de son brevet universitaire ne soit que du 5 février 1817. Il a été instituteur dans différentes communes et tout récemment à Eysines près de Bordeaux. Il n’y a encore que quelques mois qu’il est établi à Uzeste et quoi qu’il n’eut reçu aucune approbation de l’Archevêché, je n’ai pas craint de lui permettre d’enseigner la jeunesse et même de me rendre caution pour le loyer de la maison qu’il occupe, et ce pour plusieurs raisons. 1° Parce que M. Patachon était muni de bons certificats qui lui avaient été livrés par plusieurs curés. 2° Parce que étant marié son épouse instruisait dans une chambre particulière les personnes du sexe. 3° Enfin, parce que la commune d’Uzeste est extrêmement pauvre, cette paroisse se trouvant au milieu des landes. Il en résulte que les gens y sont d’une grossièreté complète et d’une ignorance sur les principaux mystères de la foi. Plusieurs instituteurs sont venus s’établir à Uzeste, mais ils ont été obligés de se retirer au bout de quelques jours parce qu’ils ne pouvaient trouver suffisamment de quoi vivre. M. Patachon instituteur actuel possède un petit revenu et le nombre de 28 élèves que la commune de Lignan et Uzeste lui ont fourni pourront lui procurer une existence honnête. Je vous prierai donc maintenant de vouloir bien autoriser M. Patachon à enseigner à Uzeste et si je n’ai pas sollicité plutôt cette autorisation c’est parce que je désirais savoir et connaître parfaitement si M. Patachon remplissait exactement son devoir… je puis maintenant attester que M. Patachon est un homme pieux et zélé, qu’il est connu par son dévouement au roi, qu’il mène une vie régulière et enfin qu’il jouit d’une confiance bien méritée dans toute la paroisse. J’ose donc solliciter encore pour lui l’autorisation d’enseigner à Uzeste”. (Lettre de A. Chastel, curé d’Uzeste, du 10 février 1828).

Noaillan et Villandraut

Dubédat Jean, vingt-neuf ans, breveté le 5 février 1817 par l’Académie de Bordeaux, autorisé par là même à enseigner à Noaillan le 23 novembre 1821, 29 élèves, enseignement ancien et ordinaire, lecture, écriture, calcul et catéchisme plusieurs fois par semaine. (Tableau.)

“J’ai la surveillance de trois instituteurs savoir Jean Dubédat, Auguste André, Pierre Pons. Le premier connaît fort bien son état et est très soumis aux lois religieuses et civiles. Il fait assez exactement son devoir mais par nécessité”. (Lettre de Mariotte, curé de Noaillan, du 30 janvier 1828).

André Auguste, vingt-huit ans, breveté le 9 novembre 1827, attend son autorisation de l’archevêché, une lettre est restée sans réponse, 48 élèves, même enseignement que le précédent, enseigne à La Saubotte. (Tableau.)

“Le second n’est ici qu’à peu près depuis un mois et demi. Il paraît soumis et sage. Au reste, je n’ai pas encore été amené à le juger. Il a occupé la place de son frère décédé. J’ai, malgré moi, consenti à son placement dans cette paroisse (puisque je voulais un chantre) et cela par respect aux mânes de son frère et par commisération de deux orphelins qu’il a auprès de lui. Mais cette dernière cause cessant je me croirai en droit de pourvoir à mes besoins”. (Lettre).

Pons André, soixante-sept ans, breveté le 3 février 1817, autorisé à enseigner par l’archevêque le 30 avril 1827. (Tableau.)

“Le troisième, d’une conduite irréprochable, demeurant à Villandraut, connaît la moyenne d’enseignement. Toutefois, une coalition s’est formée contre lui et j’ai eu toutes les peines du monde pour parvenir à conjurer l’orage qui menaçait”. (Lettre).

Propositions pour l’inspection

“Vous connaissez le nombre des succursales de mon canton qui sont au nombre de quatre et dans le moment nous ne sommes que trois prêtres, de sorte qu’il n’y a pas bien à choisir pour deux inspecteurs pour ces écoles primaires. Je supplie Votre Grandeur de me fixer sur le choix, afin de m’épargner toute espèce de dérangement sur la nomination, surtout si un seul suffisait”. (Lettre de Courau, curé de Préchac).

Canton de Saint-Symphorien

Saint-Symphorien

Destibarde Jean, trente ans, né à Brassempouy, canton d’Amou, arrondissement de Saint-Sever, département des Landes, le 1er mai 1798, breveté par l’Académie de Pau le 20 janvier 1817 et par celle de Bordeaux le 14 décembre 1819, autorisé par cette dernière le 6 janvier 1820, 36 élèves, enseignement ancien et ordinaire. (Tableau.)

“Depuis neuf ans que le sieur Destibarde est instituteur à Saint­Symphorien, je n’ai eu qu’à me louer de sa conduite tant privée que publique. Assistant toujours avec beaucoup de modestie aux saints offices, remplissant avec la plus grande régularité soit ses devoirs religieux, soit ses devoirs scolaires, enseignant la lecture des bons livres et n’en permettant pas même de douteux à ses élèves, l’écriture et le calcul, ajoutant à cela une grande assiduité à enseigner la prière et le catéchisme et jouissant de l’estime publique, M. Destibarde a toujours manifesté le plus grand amour, la plus grande vénération et le plus grand dévouement à la Royauté”. (Lettre de Losse, curé de Saint-Symphorien, du 30 janvier 1828).

Il existe aussi une lettre adressée par Mouton, officier de Santé à Saint-Symphorien, à l’archevêché. Il y réclame le diplôme de son épouse institutrice à Saint-Symphorien, qui y avait été envoyée en mai 1827. L’archevêché avait, à cette époque, accordé à Mme Mouton une autorisation provisoire d’enseigner. (Lettre du 8 mars 1828).

Hostens

Dupin Jean, quarante-trois ans, né le 20 mai 1785, breveté le 7 février 1817, autorisé par M. Desèze recteur de l’académie le 27 mars 1817, 30 à 35 élèves, enseignement ancien et ordinaire. (Tableau.)

“Quant à mon opinion sur le sieur Dupin instituteur actuel, je n’aurai que des renseignements très avantageux à fournir … Cet instituteur remplit avec une grande exactitude ses devoirs religieux, il est très attaché au gouvernement paternel des Bourbons, sa conduite publique est généralement approuvée des gens de bien, ses moyens d’enseignement consistant à la lecture, l’écriture, l’arithmétique à quoi il joint avec beaucoup de zèle les leçons de catéchisme. Tous ces motifs lui attirent la confiance générale des paroissiens”. (Lettre de Cuttoli, curé d’Hostens, du 28 janvier 1828).

“Il y a déjà plus de vingt ans que je connais le sieur Dupin instituteur de la commune d’Hostens. J’en ai toujours ouï-dire beaucoup de bien sous tous les rapports… Vu la population et le grand éloignement des quartiers les plus conséquents de la commune d’Hostens à leur chef-lieu, il serait nécessaire d’établir une seconde école dans un de ces quartiers et celui de Louchats serait suivant moi le plus propre ; alors, sans préjudicier l’instituteur établi au bourg, les pères de famille qui se trouvent très éloignés et par conséquent privés de donner à leurs enfants l’instruction qu’ils désireraient, pourraient envoyer ceux qu’ils jugeraient à propos à cette nouvelle école”.(Lettre de Losse, curé de Saint-Symphorien, du 30 janvier 1828).

Balizac et son annexe d’origine

“Il n’existe point d’instituteur primaire catholique ou autre dans les communes de Balizac et d’Origne.”

Clignac Bernard : 

“Il n’existe dans la paroisse de Balizac depuis le 8 du courant que le sieur Bernard Clignac, âgé de dix-huit ans, dont le père est régisseur les domaines de Mme la comtesse de Salusse. Le sieur Clignac fils sans brevet de capacité ; il paraît bon catholique, bon royaliste d’après l’attestation de M. Firminihac, curé de Sauternes. Il paraît aussi très régulier dans sa conduite, capable d’enseigner, enseignant passablement bien, exact à son service et à ses devoirs de religion et autres. Il réunit la confiance publique dans la paroisse. Il déclare être dans l’intention de se livrer à l’enseignement public et primaire pendant dix ans et continuation selon la déclaration ci-joint. Le sieur Clignac fils réunit dix-sept élèves tous petits paysans de l’âge de six à quatorze ans ; il pourrait sans doute en réunir un plus grand nombre, mais l’état pauvre de la paroisse de Balizac ne le permet pas. Le sieur Clignac reçoit trois élèves gratis. Ses élèves sont nantis pour ceux qui en sont capables du catéchisme du diocèse de Bordeaux, de l’imitation de Jésus-Christ, des psaumes de David, du Nouveau Testament, de la Morale en action et autres de ce genre”. (Lettre de Barreau, curé d’Origne et Balizac, du 30 janvier 1828).
On trouve dans le même dossier les certificats de recommandation du maire et du curé de Sauternes ainsi que l’engagement de Bernard Clignac (2 au 15 janvier). Dans une lettre du 12 mars 1828 adressée à l’archevêché, l’abbé Baneau déclare que Bernard Clignac “a obtenu son brevet de capacité et sollicité pour lui l’autorisation d’exercer”.

Dulon Guillaume :

“Il existe depuis environ quinze jours un instituteur nommé Guillaume Dulon ayant satisfait à la loi de la Conscription, n’étant point marié, âgé de vingt-trois ans, sans brevet de capacité. Il passe pour probe et honnête, il jouit de la confiance publique et réunit 8 élèves. Il paraît assez tranquille, régulier dans sa conduite, même mode d’enseignement que le précédent. Il pourrait réunir une quinzaine d’élèves mais l’état très pauvre de la paroisse d’Origne ne le permet pas”. (Lettre).

Propositions pour l’inspection

“Je ne puis vous désigner Monseigneur, d’autres prêtres dans mon canton que M. le Curé d’Hostens, pour inspecter de concert avec moi les écoles primaires qui y existent. Je supplie en grâce Votre Grandeur de nommer M. Baneau, inspecteur de l’école de Balizac, seulement parce qu’il est possible qu’il ne soit jamais d’accord avec nous par rapport au sieur Dupin instituteur d’Hostens, à qui M. le Curé a juré une haine implacable depuis plus de deux ans, et Votre Grandeur en a eu connaissance dans le temps. Cette même haine subsiste toujours”. (Lettre de Losse, curé de Saint-Symphorien, du 30 janvier 1828).

Les rapports entre les curés de Saint-Symphorien et Balizac étaient d’ailleurs des plus tendus comme le montrent des passages de leurs lettres.

(Les tableaux concernant les cantons de Langon, Auros et Grignols paraîtront dans le prochain numéro.)

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Pessac
Article de revue
EAN html : 9782356136572
ISBN html : 978-2-35613-657-2
ISBN pdf : 978-2-35613-658-9
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
10 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, Jean Bernard, “L’enseignement primaire en Bazadais sous la restauration et l’enquête secrète de 1828”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 2, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, xxxx. [URL] https://una-editions.fr/lenseignement-primaire-en-bazadais-sous-la-restauration
Illustration de couverture • D’après Villandraut : ruine de la tour située à l’angle sud-est de l’ancienne collégiale
(dessin, 1re moitié du XIXe siècle. Arch. dép. Gironde 162 T 4).
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