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L’enseignement primaire en Bazadais sous la restauration et l’enquête secrète de 1828.
Documents : l’enquête de 1828 (fin)

Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 5, 1963, 24-33.

Canton d’Auros (Fin)

Puybarban et ses annexes de Castillon et Bassanne

Turtaut Benoît, cinquante-quatre ans, résidant à Puybarban, breveté du 29 avril 1817, 20 à 25 élèves, enseignement ancien et ordinaire, exerce depuis trente-deux ans. (Tableau.)

“Je n’ai que des choses avantageuses à vous apprendre au sujet des instituteurs primaires de ma paroisse… Le sieur Turtaut Benoît jouit de la plus grande confiance puisqu’il est adjoint à la mairie. Il est exact à remplir les devoirs de chrétien. Ses sentiments monarchiques sont connus de tout le monde et il agit avec la plus grande probité et franchise. Il a, en outre des élèves de la paroisse, des jeunes enfants des autres communes avoisinantes”. (Lettre.)

Candau Jean, cinquante ans, résidant à Bassanne, breveté à Pau le 23 octobre 1816, breveté à Cahors le 21 décembre 1824, approuvé une première fois par Mgr l’Archevêque d’Auch pour Lavardac le 4 janvier 1825, approuvé une seconde fois par Mgr l’Archevêque d’Agen le 7 novembre 1825. A reçu son exeat de l’Académie de Cahors pour celle de Bordeaux le 20 août 1826, 25 à 30 élèves, enseignement ancien et ordinaire, exerce depuis trente-cinq ans à différentes époques, établi à Bassanne depuis le 1er novembre 1827. (Tableau.)

“Quant à M. Candau Jean, demeurant à Bassanne depuis trois mois environ, il s’est acquis l’estime d’un grand nombre et il n’a tardé de se faire approuver par l’Académie de Bordeaux que parce qu’il a voulu voir s’il pourrait prendre dans le pays. Je lui ai donné une permission provisoire à vue des brevets des différentes Académies sous lesquelles il a exercé et des certificats de bonne vie et mœurs qu’il m’a exhibés, entre autres des certificats comme quoi il a satisfait tous les ans à son devoir pascal. Il m’est d’une grande ressource pour son chant car il s’en acquitte merveilleusement, mais il est fort modeste à l’église, très réservé dans la conversation, et s’il vous plaît, Monseigneur, lui envoyer votre approbation, je crois que vous pourrez faire ce que je vous propose sans aucune crainte, à moins qu’au préalable il ne se fasse examiner par qui de droit. Il a un assez grand nombre d’élèves pour la commune. Il en a de Castillon et de Barie communes voisines…” (Lettre.) (Tableaux et lettre de Eyraud, curé de Puybarban, Castillon et Bassanne du 28 janvier 1828.)

Barie

Courrèges Jean, né à Lagrisse, Hautes-Pyrénées, le 14 juillet 1762, breveté le 7 février 1817 (brevet du 3e degré délivré par M. Larrouy, inspecteur d’Académie), autorisé pour l’enseignement primaire par M. Desèze, recteur, le 29 avril 1817 ; lecture : 22 élèves, écriture : 18, calcul et écriture : 8, total : 40 ; enseignement ancien et ordinaire, exerce depuis trente ans environ. (Tableau.)

“J’éprouve la plus haute satisfaction de n’avoir à donner que des renseignements favorables sur M. Courrèges, instituteur primaire à Barie. Il concourt puissamment à former les enfants à la vertu en leur apprenant les principes fondamentaux de la religion, les obligeant à assister aux Saints Offices les dimanches et fêtes, et leur donnant lui-même l’exemple de la plus grande exactitude. Il en a fait de doux sujets pour sa Majesté, étant lui-même fortement attaché à l’auguste dynastie des Bourbons. Sa conduite publique est irréprochable ; jusqu’à ce moment, il a fait de bons élèves. Je crois qu’il le doit en partie à l’exactitude qu’il met à faire son service. La confiance dont il jouit dans la paroisse se manifeste par le nombre d’élèves qu’il a eu jusqu’ici. Si cette année le nombre n’en est pas aussi fort, on ne doit l’attribuer qu’à l’état de gêne où ont été réduits les pères de famille par suite des désastres causés par le débordement du mois de mai 1827”. (Tableau et lettre de Sens, curé de Barie, du 28 janvier 1828.)

Savignac et Pondaurat

Plaisance, soixante-six ans, il est ménestrier approuvé par M. Lopès, une quinzaine d’élèves, enseignement très ordinaire, exempté de service militaire pour son âge, exerce depuis un peu plus d’un an.

Andraut, vingt et un ans, approuvé provisoirement, postulant au brevet de 2e classe, 30 élèves, enseignement ordinaire et ancien, sera exempté de service s’il obtient un brevet, enseigne depuis environ cinq ans.

Il existe aussi un dossier mentionnant Jean Mothes, instituteur de troisième classe à Pondaurat, qui obtient son exemption de service militaire (18 janvier-4 mars 1828). (Tableau général de Dulau, curé d’Auros, du 5 février 1828.)

Coimères et son annexe de Brouqueyran

Tarride Jean, trente et un ans, résidant à Coimères, possédant un brevet de capacité du 6 février 1819 délivré à Bordeaux sous le n° 369, instruction primaire troisième degré, autorisé pour l’enseignement primaire le 23 mars 1819 par la même Académie sous le n° 663, 26 élèves, enseignement ancien et ordinaire, exempté par réforme et libre de tout engagement, enseigne depuis onze ans. (Tableau.)

“J’ai deux instituteurs qui n’ont d’autre autorisation que celle que porte le tableau… Tarride est natif de la paroisse de Coimères où il exerce depuis longtemps la profession d’instituteur. Il est frère du maire, il tient à une famille respectable et qui a de l’influence. Il n’a ni dévotion ni inclination ni goût pour son état, ni zèle pour la Religion. Entièrement indépendant de moi, il m’est utile dans l’église. Voulant exercer l’état d’expert géomètre, il connaît un peu le calcul, mais en dépit de son brevet, il ne sait réellement pas lire. Il tient jeu de billard, il reçoit pour jouer quelques jeunes gens, même la nuit. Je n’ai pas encore obtenu qu’il m’envoyât les enfans à la messe tous les jours et je crains qu’il ne tienne auberge dans quelques mois.”

Clément Bertrand, vingt-trois ans, résidant à Brouqueyran, titulaire du brevet d’instruction primaire du troisième degré délivré à Pau le 19 mars 1824, autorisé par écrit après examen devant l’inspecteur de l’Académie de Bordeaux le 17 juillet 1826, 30 élèves, enseignement ancien et ordinaire, exempté par réforme et libre de tout engagement depuis trois ans. (Tableau.)

“Clément Bertrand est un jeune béarnais qui, étant venu dans ce pays par des raisons légitimes et muni de certificats honorables, a été accueilli par moi, il y aura bientôt deux ans. J’ai toujours eu lieu d’être content de lui. Connaissant les principes et le dogme, il pratique sa religion et l’enseigne. La récitation de la prière et du catéchisme sont les principales matières de ses leçons classiques. Très exact à tous ses devoirs, il ne s’absente jamais sans ma permission. Il forme des jeunes chantres dans son école et procure un édifiant agrément à l’église. Doux de caractère, mais ferme et ingénieux dans sa manière d’enseigner, il fait faire des progrès à ses élèves et se procure une réputation déjà établie”. (Lettre de Vidalenc, curé de Coimères et Brouqueyran, du 28 janvier 1828.)

Canton de Grignols

Ce canton était divisé au point de vue religieux en quatre paroisses principales :

1° Grignols et ses annexes de Sillas et Maseilles, dont le curé était l’abbé Cassagnes.
2° Auzac et son annexe de Cours, dont le desservant était l’abbé Cavarra.
3° Sendets et son annexe de Cauvignac, sans desservant en 1828, provisoirement administrés par le curé de Grignols.
Il semble que Campin, dans la commune de Grignols, dépendait aussi de Sendets.
4° Lavazan et ses annexes de Marions et Musset desservis par l’abbé Seguès.
5° Lerm et son annexe de Goualade dans le canton de Captieux.

1° Grignols et ses annexes de Sillas et Masseilles

Pargade, âgé de vingt-deux ans, 40 élèves, enseignement ordinaire, exempté de service par défaut de taille. (Tableau cantonal de Cassagnes, curé de Grignols, du 1er février 1828.)

“Il n’y a, dans le canton de Grignols, aucun instituteur qui soit breveté que le fameux Peyré ; aucun n’a l’approbation de l’archevêché. Je n’ai porté sur le tableau que le nouvel instituteur de Grignols et celui de Lerm quoi qu’il y ait eu une foule qui exercent les fonctions d’instituteur primaire, attendu qu’aucun d’eux-ci ne peut être approuvé ni breveté par votre Grandeur.

Quatre instituteurs suffiraient pour le canton de Grignols, savoir un à Grignols, un second à Lerm, un troisième à Lavazan et un quatrième à Sendets. Si celui de Grignols était trop surchargé on pourrait lui adjoindre un second pour les petits enfants. Un plus grand nombre d’instituteurs ne saurait gagner leur subsistance dans ce canton. Le nombre des enfants fréquentant les écoles n’est pas en proportion de la population ; la raison en est que les habitants sont pauvres, pour la plupart, et très insoucieux pour l’éducation de leurs enfants. Cette insouciance a été occasionnée en partie par la mauvaise conduite et par l’ignorance des instituteurs qui ont été en place jusqu’ici.

La paroisse de Cours n’a jamais eu d’instituteur ni celle de Campin. Les enfants des deux paroisses fréquentant les écoles sont en très petit nombre. Ils se rendent à l’école de Grignols ou à des écoles limitrophes qui sont dans le département d’Agen.

N’ayant que trois desservants dans le canton, je ne puis guère choisir pour désigner à votre Grandeur les prêtres que je crois les plus propres à partager les fonctions d’inspecteur des écoles primaires, néanmoins MM. les Curés de Lerm et de Lavazan sont ceux que je vous propose attendu que leur paroisse est un poste suffisant pour un instituteur et qu’ils seront à portée pour les surveiller. Si cependant votre Grandeur trouvait à propos de mettre au nombre de ces prêtres M. de Cours, je suis bien loin de m’y opposer. M. le Curé de Lerm ne m’ayant envoyé aucune lettre cachetée, il m’est impossible de vous en transmettre”. (Lettre de Cassagnes, curé de Grignols, du 1er février 1828.)

Le même dossier contient une correspondance relative aux deux instituteurs de Grignols, l’un Peyré, en très mauvais rapports avec le curé de Grignols, l’autre Pargade, son protégé, dont il est question dans la lettre précédente. Bien que nous n’en ayons pas jusqu’ici retrouvé les premiers éléments, il semble que le conflit qui opposait Peyré au curé de Grignols était à l’époque déjà ancien. La lettre suivante nous renseigne sur l’état de leurs rapports au mois de janvier 1828.

“Je réponds à la lettre de Votre Grandeur du 18 décembre dernier concernant le sieur Peyré par laquelle vous m’avez informé que vous lui aviez renouvelé la défense d’exercer ses fonctions dans ma paroisse. Le sieur Peyré reçut la lettre de Votre Grandeur le 24 décembre ; le 26, il m’écrivit une lettre tout à fait inconvenante dans laquelle il me disait, après beaucoup de sottises, qu’il allait continuer de tenir école à Grignols. Il réunit en effet, le 28 et le 29, un certain nombre d’écoliers. M. le Maire étant instruit de sa révolte contre Votre Grandeur le chassa de la chambre commune où il tenait son école. Depuis cette époque, il a réuni quelques enfants dans une maison particulière et il continue d’aller donner des leçons d’écriture à la classe des institutrices. J’ai eu beau lui faire des représentations, ayant méprisé la défense de Votre Grandeur, il ne fait aucun cas de tout ce que je puis lui dire. Il est évident qu’il ne cessera entièrement ses fonctions que lorsque M. le Procureur du roi le menacera de l’amende et de la prison. D’après la connaissance que j’ai du sieur Peyré, sa conduite ne me surprend pas. Je crois avoir prédit à Votre Grandeur qu’il mépriserait votre défense comme la mienne. Je prie Votre Grandeur de prendre les moyens qu’elle jugera convenables pour que le sieur Peyré cesse entièrement d’exercer dans ma paroisse les fonctions d’instituteur. La conduite de cet individu excite l’indignation de tous les gens de bien”. (Lettre du 25 janvier 1828 de Cassagnes.)

Le lendemain, le nouvel instituteur Pargade, protégé de l’abbé Cassagnes, se présentait à l’archevêché muni de la lettre de recommandation suivante :

“M. Pargade, porteur de cette lettre, se propose d’exercer les fonctions d’instituteur primaire à Grignols après avoir reçu l’autorisation de Votre Grandeur.
Ce jeune homme mérite ma confiance et a obtenu celle des pères de famille de ma paroisse ; il n’a suspendu les études de la théologie que pour éprouver sa vocation. Depuis sa sortie du séminaire, c’est-à-dire depuis cet été, il a demeuré chez un particulier de ma paroisse pour soigner trois enfants. Il a mené une conduite édifiante et à l’abri de tout reproche. Cette considération m’a engagé à lui offrir le poste d’instituteur primaire dans ma paroisse jusqu’à ce qu’il se décide à revenir au séminaire si Dieu l’appelle à l’état ecclésiastique. Les principes que M. Pargade a reçus au séminaire de Dax et la conduite édifiante qu’il a menée depuis qu’il est dans ma paroisse me font espérer qu’il sera un bon instituteur et que j’aurai lieu d’être satisfait de lui. Par conséquent, je supplie Votre Grandeur de vouloir bien l’autoriser pour exercer seul les fonctions d’instituteur primaire dans ma paroisse. Je l’ai engagé à obtenir préalablement le brevet de capacité auprès de M. le Recteur. Je pense qu’il n’aura aucune difficulté à cet égard, néanmoins, en cas de besoin, je prie Votre Grandeur de lui donner une lettre de recommandation auprès de M. le Recteur”. (Lettre de Cassagnes, curé de Grignols, du 26 janvier 1828.)

Quelques jours plus tard, c’était le maire de la commune qui intervenait à son tour :

“Les soussignés après avoir déposé aux pieds de Votre Grandeur l’hommage de leur très profond respect ont l’honneur de lui exposer que l’éducation de la jeunesse de la paroisse de Grignols et des environs réclame impérieusement que M. Pargade, futur instituteur, soit autorisé à exercer ses fonctions, et que le sieur Peyré soit contraint à cesser entièrement les siennes et que tout espoir lui soit ôté d’obtenir de nouveau dans la paroisse un poste qu’il a démérité à tant de titres.

Tel est, Monseigneur, le vœu bien exprimé des fonctionnaires publics de Grignols et des environs, ainsi que de la presque totalité des pères de famille, qui ne cessent de faire des réclamations auprès de nous à cette fin. Jusqu’ici, nous les avons engagés à patienter, leur faisant espérer que Votre Grandeur prendrait des mesures qui satisferaient à leurs désirs. Mais aujourd’hui, voyant qu’un plus long retard serait préjudiciable aux enfants qui sont depuis longtemps sans instituteur, nous nous joignons à M. le Curé pour supplier Votre Grandeur de prendre les mesures qu’elle jugera convenables. Quoique tout le monde repousse le sieur Peyré en sa qualité d’instituteur, néanmoins il se flatte d’obtenir le poste de Grignols, disant que l’instruction publique ayant changé de mains, les curés et les évêques n’auront plus tant de pouvoirs et qu’alors il sera sûr de réussir auprès de M. le Recteur par le moyen des recommandations qu’il obtiendra à Bazas et à Bordeaux. Nous ignorons si ses prétentions sont fondées ou non, mais nous croyons qu’il serait prudent dans cette incertitude de faire autoriser le nouvel instituteur, attendu qu’étant une fois en place, il y serait maintenu quoi qu’il arrivât.

Nous allons adresser une lettre à M. le Recteur de l’Académie de Bordeaux qui a approuvé le brevet que le sieur Peyré avait obtenu de l’Académie de Pau, afin de l’instruire de l’impossibilité où se trouve le sieur Peyré de remplir le poste de Grignols et de le prier d’accorder un brevet au nouvel instituteur.

Le sieur Peyré a entièrement perdu la confiance publique, il a outragé la religion, il s’est révolté contre Votre Grandeur et contre son pasteur, il a porté l’audace jusqu’à assigner la fabrique devant M. le Juge de paix, à l’occasion d’une prétendue obligation qu’elle n’avait jamais contractée. D’après ces considérations et plusieurs autres que nous pourrions alléguer, nous regarderions comme un malheur pour la paroisse que le sieur Peyré fût maintenu à Grignols en qualité d’instituteur”. (Lettre du 20 février 1828 adressée à l’archevêque par le maire Dufour, l’adjoint Lartigue et le curé Cassagnes.)

À la suite de ces trois lettres, l’archevêché informait le curé de Grignols le 29 février qu’elle accordait volontiers à Pargade l’autorisation d’enseigner pourvu qu’il fût muni d’un brevet de capacité délivré ou visé par l’Académie de Bordeaux. Elle signalait, en outre, qu’il n’y avait pas lieu d’engager des poursuites contre Peyré dans la mesure où il se contentait de donner des leçons dans diverses maisons de la paroisse.

Or, il semble bien que ce dernier ne s’en soit pas tenu à cela et, au contraire, ait ouvert une école. C’est ce que laisse penser une nouvelle lettre de l’archevêché du 19 avril adressée au curé de Grignols. Celui-ci, dans une lettre du 12 avril, qui est malheureusement perdue, avait averti l’archevêque de cette ouverture d’école. Dans sa réponse, l’archevêché fait savoir qu’elle a notifié au sieur Peyré de fermer son école et elle demande au curé de l’informer si l’injonction a été suivie. Dans le cas contraire, elle engagera des poursuites. Nous avons conservé le brouillon de la lettre envoyée à Peyré, dont celui-ci ne tint aucun compte, comme le prouve une nouvelle lettre du curé de Grignols en date du 3 mai.

“Le sieur Peyré a méprisé l’ordre que vous lui avez transmis de fermer sa nouvelle école. Il reçut votre lettre le 26 du mois dernier et cependant il a continué à réunir dans une salle de bal public une douzaine d’enfants. Bien loin de fermer sa nouvelle école, il a manifesté audacieusement le désir de persévérer dans la révolte. Des personnes dignes de foi m’ont rapporté qu’il avait dit hautement qu’il se moquait de tout et qu’il ne cesserait de faire école que lorsqu’on le mènerait en prison. Dimanche dernier, je fis après vêpres la procession de Saint-Marc. Le sieur Peyré profita de cette occasion pour la braver. Il affecta de se placer tantôt à côté de moi, tantôt de me devancer et d’être le premier immédiatement après la croix.

M. le Maire de Grignols m’a rapporté aujourd’hui que cet étourdi se berçait d’une folle espérance dans sa révolte, qu’il avait dit que d’après une ordonnance récente du roi qu’il devait y avoir un comité par canton ou par arrondissement qui serait composé d’une majorité laïque et qu’alors il ferait agir tous les ressorts pour gagner cette majorité et se maintenir malgré tout le clergé.

Les personnes respectables telles que M. Descures et M. Léon, son fils, ainsi que M. le Président du Tribunal de Bazas, qui s’étaient intéressés pour le sieur Peyré, ont reconnu qu’ils avaient été induits en erreur ; ils désavouèrent la conduite de cet individu et ne savent assez le blâmer.

Je vous supplie, Monsieur Barrès, de vouloir diriger contre cet audacieux des poursuites promptes qui sont devenues indispensablement nécessaires”. (Lettre de Cassagnes, curé de Grignols, du 3 mai 1828.)

Dans une lettre du 9 mai, l’archevêché demandait au recteur de bien vouloir engager des poursuites contre Peyré. Dans sa réponse du 19 mai, l’inspecteur d’Académie faisait savoir qu’il allait faire prendre toutes les mesures nécessaires pour faire fermer l’école de Peyré et le curé de Grignols en était avisé le 30 mai par l’archevêché. 

Nous ignorons comment se termina cette querelle dont les motifs paraissent surtout d’ordre financier. Ce dont le maire fait, en effet, le plus grief à Peyré c’est d’avoir assigné la fabrique devant le juge de paix. Peyré, d’ailleurs, paraît dans ce conflit plus habile que ses adversaires, car l’ordonnance royale dont il se vante de se servir et que l’abbé Cassagnes évoque avec scepticisme dans sa lettre du 3 mai existait bien. C’est celle du 21 avril 1828 dont nous avons parlé dans notre introduction et qui enlevait à l’évêque le droit de conférer l’autorisation d’enseigner pour la confier à un conseil d’arrondissement. Il est donc très possible que Peyré ait gagné dans cette affaire.

2° Auzac et son annexe de Cours

“15 élèves qui fréquentent les écoles voisines.” (Tableau de Cavarra, curé d’Auzac, du 1er février 1828.)

10 à 12 seulement d’après le tableau cantonal du curé de Grignols.

3° Sendets et son annexe de Cauvignac 

Néant. (Tableau de Cassagnes, curé de Grignols, du 1er février 1828.)

15 à 20 élèves d’après le tableau cantonal du même.

4° Lavazan et ses annexes de Marions et Musset

Tableau : néant. 

“La paroisse de Lavazan n’a jamais eu pour elle aucun instituteur et cependant sa position centrale pourrait en mériter un. Les maires de ces communes ainsi que les principaux propriétaires m’ont manifesté en certains moments un désir vrai d’en avoir un ; le nombre des élèves serait toujours de 25 à 30. Le logement serait à la charge de l’instituteur, tant qu’il n’y aura pas décision voulue par le gouvernement. Un propriétaire tout près de cette église offrirait une salle suffisamment grande pour l’école.

Dans ce moment, un nommé Boisset, résidant au bourg de Grignols, va exercer et exerce l’art d’enseigner en certaines maisons comme chez le maire de Marions et autres propriétaires de cette annexe sans être muni d’aucune approbation ; cet individu possède une très mauvaise réputation du côté des mœurs religieuses. Les jurements et les blasphèmes sortent familièrement de sa bouche, même en présence de ses élèves, et dans le même moment qu’ils lisent, tant la vivacité le pousse… Ces renseignements, je les tiens d’un jeune homme, frère d’un élève, qui m’a assuré que son père, irrité d’entendre cet instituteur proférer des jurements et autres paroles obscènes devant son enfant, va lui défendre de revenir. Cet instituteur est néanmoins appuyé par le maire de mon annexe. Votre Grandeur voudra bien faire cesser cet individu vraiment dangereux à l’innocence”. (Lettre de Seguès, curé de Lavazan, du 29 janvier 1828.)

Nous ignorons quelle décision fut prise par l’archevêché à l’encontre de cet irrégulier, mais quelques mois plus tard un instituteur qui possédait son brevet sollicitait l’autorisation d’enseigner à Lavazan en vertu de l’ordonnance du 8 avril 1824.

“Le nommé Pierre Borda, natif de la paroisse de Lamayou, arrondissement de Pau, département des Basses-Pyrénées, muni d’un certificat de bonne conduite du 15 avril 1828, lequel lui a été délivré par M. Claverie, supérieur du Séminaire de Larressore, où il étudiait depuis trois ans, muni également d’un brevet de capacité de l’Académie de Pau et d’un exeat pour les Académies dans lesquelles il voudra exercer en date du 22 avril 1828, voudrait se fixer dans la succursale de Lavazan, et Marions, en qualité d’instituteur primaire. Il a tiré le sort et est muni d’une déclaration du maire de sa commune de Lamayou et légalisée par M. le Préfet de son département qui atteste qu’il n’a point fait partie du contingent que son canton devait remplir. Il a déjà parlé aux authorités et à plusieurs particuliers qui tous désirent l’avoir ici pour instituteur. Moi-même depuis le dimanche de la Trinité, j’ai reconnu en lui les qualités nécessaires et suffisantes pour exercer l’art d’enseigner, à lire, écrire, chiffrer et même le latin. En conséquence, m’a-t-il prié d’écrire à Monseigneur ou à ses vicaires généraux pour en obtenir l’authorisation”. (Lettre de Seguès, curé de Lavazan et Marions, du 12 juin 1828.)

Lorsque l’abbé Seguès écrivit cette lettre, il ignorait que la loi de 1824 venait d’être modifiée par l’ordonnance du 21 avril 1828 qui retirait à l’archevêché, pour le donner à un conseil d’arrondissement, le droit d’autoriser à enseigner ; ainsi s’explique la réponse suivante.

– Réponse de l’archevêque du 23 juin :

“L’ordonnance royale du 21 avril dernier ayant confié la surveillance des écoles à des comités de surveillance, il sera nécessaire d’attendre que celui de Bazas soit formé pour procurer au sieur Borda l’autorisation réclamée en sa faveur”.

5° Lerm et son annexe de Goualade

Albinet Pierre, vingt-six ans, “n’a encore ni son brevet ni son approbation, mais ayant subi son examen, et ses pièces se trouvant entre les mains de l’Académie, il a espoir de les recevoir bientôt”, enseignement ordinaire, 24 élèves, exempté de service militaire par son numéro, en 1821.

“La conduite et les mœurs de M. l’Instituteur ne sont que dignes d’éloges”. (Tableau du curé de Lerm, du 29 janvier 1828.)

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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356136572
ISBN html : 978-2-35613-657-2
ISBN pdf : 978-2-35613-658-9
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
8 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, Jean Bernard, “L’enseignement primaire en Bazadais sous la restauration et l’enquête secrète de 1828. Documents : l’enquête de 1828 (fin)”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 2, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, xxxx. [URL] https://una-editions.fr/lenseignement-primaire-en-bazadais-sous-la-restauration-4
Illustration de couverture • D’après Villandraut : ruine de la tour située à l’angle sud-est de l’ancienne collégiale
(dessin, 1re moitié du XIXe siècle. Arch. dép. Gironde 162 T 4).
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