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Les vulnérabilités à l’université

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Notre équipe de recherche Fragilité et Institutions co-dirigée par Séverine Parayre, Fabienne Serina-Karsky et Anne-Laure Poujol de l’Institut catholique de Paris, a engagé un travail pour trois ans, de septembre 2022 à septembre 2025, sur les parcours institutionnels et les traitements des vulnérabilités. Cette équipe regroupe trente-et-un chercheurs issus de l’Institut catholique de Paris et associés à l’unité de recherche Religion, culture et société (EA 7403)1. Elle est organisée en trois axes principaux : éducation-école, soin-hôpital et histoire.

C’est dans le cadre du premier axe, éducation-école, co-dirigé par Séverine Parayre, Thibaud Pombet et Anne Olivier, que ce chapitre d’ouvrage a été rédigé, car il s’agit pour nous d’étudier les vulnérabilités, leurs réceptions et conséquences au sein des institutions éducatives, ainsi que la manière dont les personnes considérées comme vulnérables réussissent à développer des ressources pour surpasser leur état dit de vulnérabilité. Ce chapitre concerne plus particulièrement l’entrée et le vécu à l’université pour des étudiants en situation de maladie chronique et invalidante. Avant de détailler la recherche menée à l’université auprès d’étudiants déclarés en situation de handicap, nous revenons sur le concept de vulnérabilité, mis en lien avec le domaine de la santé dans une institution scolaire et universitaire.

Les vulnérabilités dans l’institution universitaire

Que sont les vulnérabilités ?

Il est toujours délicat de travailler sur les vulnérabilités et il est important d’en définir les contours, car comme l’a signalé le professeur de sociologie de l’université de Fribourg Marc-Henry Soulet, ce terme « est une notion fourre-tout » (Soulet, 2022 : 26). L’historienne Axelle Brodiez-Dolino, avec plusieurs autres collègues, rappelle que le terme de vulnérabilité a commencé à remplacer celui d’exclusion dans les recherches en sciences sociales au cours des années 2000 (Brodiez-Dolino et al., 2014 : 11-13). Ainsi, en sociologie et en ethnologie, les références à l’ordre, aux stratifications sociales et aux rapports de pouvoirs se retrouvent moins mises en évidence, les travaux se penchant sur l’étude des facteurs de blessures et de fragilités et la manière d’agir et d’y remédier. Car la notion de vulnérabilité est reliée à celle de fragilité et de blessure. Dans les recherches en sciences sociales, différentes situations de vulnérabilités peuvent être mises en évidence : physique, psychologique, sociale, économique, climatique ou environnementale même, se rapportant à tout état ou processus pouvant conduire à mettre l’humain en situation à risque (Le Blanc, 2011). Pour Marc-Henry Soulet, la vulnérabilité est à considérer en référence à l’action publique, elle est éminemment politique, et constitue une grille de lecture des problèmes sociaux (Soulet, 2005 : 49). Elle a, dira le sociologue, une « dimension structurelle » et est interdépendante des systèmes sociopolitiques (Soulet, 2022 : 19). En conséquence, Soulet précise que pour agir sur les vulnérabilités, un travail sur la seule volonté des acteurs n’est pas suffisant. Une intervention sur les structures est également nécessaire pour permettre par la suite aux individus de développer leur pouvoir d’agir2 et pour leur donner la possibilité de reprendre le « contrôle de leur vie » (Vallerie et Le Bossé, 2006 : 88).

De ce point de vue, la philosophe américaine Judith Butler nous invite à comprendre la vulnérabilité en tant que relation sociale. Elle a notamment déclaré dans une conférence à Madrid en 2014 : « La vulnérabilité ne nous implique-t-elle pas en tant que créatures sociales vulnérables les unes par rapport aux autres et vulnérables aussi en vertu des structures et institutions sociales, des réseaux écologiques et des régulations biopolitiques dont nous dépendons pour notre persistance et notre bien-être ? »3 (Butler, 2014). Cet élément rejoint les qualités de la vulnérabilité présentées par Marc-Henry Soulet, qu’il décrit comme étant « relationnée », c’est-à-dire situé dans la relation et toujours située et relative à un contexte (Soulet, 2022 : 18). Certains moments dans la vie d’un individu peuvent être plus sujets que d’autres à des situations de vulnérabilité.

Ces premiers éléments sont fondamentaux pour notre équipe de recherche : la vulnérabilité peut être à la fois un état et un processus ; elle se crée dans la relation sociale et donne à lire les interactions en contexte d’une société sur des risques et incertitudes donnés à un moment précis ; elle peut induire des changements de structure et des potentialités d’action.

Les vulnérabilités en santé

Un grand nombre de recherches en sciences sociales concernait dans un premier temps les vulnérabilités en santé et le rapport direct entre ces deux notions, la santé étant perçue comme altérée ou exposée à un risque élevé d’atteinte (Zarowsky et al., 2013). Selon le type de maladies ou d’empêchements, les manières de vivre avec un nouvel état de santé peuvent être à l’origine d’enquêtes montrant combien l’individu se trouve fortement assimilé à une identité unique de « malade », compliquant parfois les prises en charge et les capabilités (Pombet, 2021). Nous pouvons d’ores et déjà nous demander si le fait de considérer une vulnérabilité comme étant liée à un état de santé, donc touchant l’individu dans sa propre évolution et parfois en lui demandant des capacités surhumaines d’adaptabilité, ne complique pas grandement les interactions sociales et les dynamiques en jeu. Dans pareils cas, c’est peut-être la complexité de ces relations qui pousse les chercheurs à se préoccuper davantage des vulnérabilités en santé, car les individus passent par des états différents et variables selon l’évolution de la santé. Les chercheurs en santé publique Christina Zarowsky, Slim Haddad et Vinh-Kim Nguyen concluent en ce sens que « la dynamique, la complexité et le rôle central du contexte » sont importants à mettre en évidence pour mieux comprendre ce que peut être une vulnérabilité en santé (Zarowsky, Haddad et Nguyen, 2013 : 86). Nous pouvons dire que dans notre étude, nous ne dérogeons certes pas à la règle de l’intérêt des vulnérabilités en santé, mais nous l’associons à l’éducation gardant toujours un ancrage dans le champ des sciences de l’éducation. Nous étudions donc l’éducation comme un élément impliqué, pouvant à la fois être constitutif de la vulnérabilité et porteur d’action.

La transition à l’université constitue-t-elle une vulnérabilité ?

Pour tout étudiant et étudiante, et a fortiori pour les enfants issus des milieux populaires (Dubet, 2019), le simple fait de passer de l’enseignement secondaire au supérieur constitue un moment de vulnérabilité dans son parcours d’études. L’université n’a plus rien à voir avec ce que la personne a vécu auparavant. Elle doit faire preuve d’adaptabilité pour comprendre les nouveaux codes universitaires, s’en emparer dans son parcours, réussir son intégration et sa prise d’autonomie. Les obstacles à la réussite sont nombreux, telles les tentations au laisser-aller, la perte de sens et même la peur de l’avenir professionnel. Parfois l’étudiant se retrouve seul face à de nombreuses difficultés qu’il a du mal à surmonter. La création de certains services au sein de l’université, dénommés cellules psychologiques, et qui accueillent toute vulnérabilité psychologique, atteste du mal-être psychologique de certains étudiants, concernés par des risques psychosociaux, voire des maladies psychologiques plus importantes, comme la dépression par exemple. L’environnement universitaire non étayant peut donc favoriser un état de vulnérabilité chez l’étudiant. Il conviendrait donc de définir ce qu’est un environnement étayant à l’université, qui plus est quand la personne a un état de santé affaibli, ou qui vient perturber ses études. Si nous suivons les recherches de Soulet, il convient dès lors de repenser les moments de transition et de chercher à « agir sur les caractéristiques de ces moments et non sur les propriétés des individus » (Soulet, 2022 : 22). Ce ne seraient donc pas tant les personnes qui sont vulnérables, mais surtout des moments particuliers qui sont source de vulnérabilités. Cette perspective dans notre étude nous paraît très intéressante : chercher ce qui peut être facteur de vulnérabilité pour des étudiants dont l’état de santé est plus fragile que celui de leurs camarades de promotion. Il s’agirait également et surtout d’essayer de comprendre ce qui, dans ces transitions, peut faciliter le passage du moment qui vulnérabilise à celui qui accompagne les vulnérabilités, pour permettre à la personne de les dépasser et faire face aux incertitudes dans son parcours personnel.

L’université et le handicap

Comme d’autres institutions, l’université s’inscrit dans le cadre législatif et réglementaire de l’inclusion. Ainsi, dès 2006, les établissements d’enseignement supérieur ont dû mettre en place des aménagements pour les étudiants en situation de handicap. L’article 20 de la Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit en effet que : « Les établissements d’enseignement supérieur inscrivent les étudiants handicapés ou présentant un trouble de santé invalidant dans le cadre des dispositions réglementant leur accès au même titre que les autres étudiants, et assurent leur formation en mettant en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l’organisation, le déroulement et l’accompagnement de leurs études »4. Le nombre d’étudiants en situation de handicap n’a cessé d’augmenter, pour être aujourd’hui quasiment cinq fois supérieur à celui de 2006 : ils étaient 8763 en 2006-2007 (Ebersold, 2008 : 243), puis 12 373 en 2011-2012 (Martel, 2015 : 96) ; pour atteindre 39 786 (35 079 pour l’université)5 à la rentrée de 2020. En 2020-2021, le nombre d’étudiants en situation de handicap constitue 2,1 % du nombre total des étudiants en France6. Pour ces étudiants en situation de handicap qui arrivent de plus en plus nombreux chaque année à l’université, et en dépit du fait que l’accès au supérieur apparaît ancré maintenant dans les politiques et pratiques d’établissements7 et que les conditions d’aménagements suivent progressivement en fonction des moyens dont peut disposer l’université française, un certain nombre d’inaccessibilités demeurent pourtant, ne permettant pas à tous ces étudiants de poursuivre leurs études. Quelques données en attestent : une fois à l’université, les étudiants en situation de handicap sont bien plus nombreux en licence que dans les cycles universitaires plus élevés. Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour l’année 2020-20218, alors que 71,8 % des étudiants en situation de handicap sont inscrits en licence, ils ne sont plus que 21,5 % en master (quand sur la population totale, 57,6 % des titulaires d’une Licence générale poursuivent en master), et 0,7 % en doctorat. Alors qu’il est couramment admis qu’un master reste souvent nécessaire pour accéder à bon nombre d’emplois qualifiés, la transition de l’orientation professionnelle apparaît constituer une vulnérabilité pour des étudiants sortant majoritairement avec un niveau de licence. Malgré tout, parmi les établissements du supérieur, l’université demeure l’institution qui accueille le plus d’étudiants en situation de handicap, avec 35 079 étudiants en situation de handicap en 2020, soit 88,2 % des étudiants en situation de handicap qui se retrouvent à l’université, contre 5 % en classes préparatoires ou encore 1,8 % en écoles d’ingénieurs publiques. L’université doit donc penser à gérer plusieurs transitions permettant à chacun de réussir son parcours : la transition entre le lycée et le supérieur, la transition entre les cycles universitaires, la transition vers la voie professionnelle.

Une enquête auprès des étudiants en situation de handicap

En 2018, quatre chercheurs de la Faculté d’éducation et de formation de l’Institut Catholique de Paris, Séverine Parayre, Laurence Zigliara, Anne Olivier et Augustin Mutuale, associés à la philosophe Alicia Garcia, ont procédé à une enquête auprès des étudiants en situation de handicap de l’ICP en questionnant la pédagogie universitaire inclusive. La pédagogie universitaire inclusive consiste à mettre en œuvre à l’université une pédagogie ouverte à chaque personne, et à instaurer les conditions d’apprentissage pour permettre à chacun une réussite au sein de son parcours universitaire. Il ne s’agit pas d’enseignement, mais bien de pédagogie à l’université, dans le sens de conduite de l’autre vers le savoir et d’un développement du sens de la relation9. Cela va donc bien au-delà d’un enseignant qui vient faire un cours à l’université. Notre enquête visait à interroger les étudiants qui s’étaient déclarés auprès des services handicap de l’université comme ayant besoin d’aménagements pédagogiques spécifiques pour poursuivre correctement leurs études. Elle a consisté à suivre les étudiants sur plusieurs années de 2014 à aujourd’hui10, avec des entretiens conduits à différents moments de leur parcours universitaire de la licence au master 2. Des entretiens ont également été menés avec les référents handicap, les enseignants et responsables de formation, ainsi qu’avec d’autres étudiants n’étant pas déclarés en situation de handicap. Nous avons pu suivre par immersions et observations régulières de 2014 à aujourd’hui des séances de la commission handicap et certains cours et réunions pédagogiques.

Il est à noter que le nombre d’étudiants déclarés en situation de handicap est bien plus faible que celui recouvrant la réalité universitaire, puisque bon nombre d’étudiants ne se déclarent pas pour plusieurs raisons ; parmi lesquelles nous retrouvons ceux qui ne veulent pas être identifiés et étiquetés comme « étudiant en situation de handicap », ceux qui pensent s’en sortir seuls, ceux qui ne sont pas prêts à effectuer les démarches, ceux qui ne veulent pas bénéficier de faveurs ou du moins d’aménagements qui pourraient être considérés comme tels aux yeux de leurs camarades de promotion ou des enseignants, et qui ne manqueraient pas de faire des remarques dépréciatives concernant les aménagements dont ils disposent. Au cours de cette enquête, nous avons également rencontré des étudiants qui auraient eu besoin d’aménagements et d’adaptations pédagogiques, mais qui finissent par se débrouiller seuls, et développent leurs propres « stratégies de survie » à l’université, leur permettant parfois de passer à travers les mailles du filet en restant des étudiants moyens. Les risques pour ces étudiants sont de voir leurs difficultés s’accroître au fil des années passées à l’université. Lors de cette première enquête11, nous avons non seulement enquêté sur les incidences des problèmes de santé à l’université, mais aussi sur les pédagogies proposées et les dispositifs favorisant une inclusion dans le supérieur.

Nos résultats ont corroboré d’autres résultats de recherches similaires, notamment ceux présentés dans le cadre des travaux de thèse de Jean-Yves Anjard (2022) et de Lucas Sivilotti (2022). Ces résultats soulignent par exemple que si les universités françaises s’efforcent de suivre les règles d’aménagements des principaux dispositifs inclusifs, il n’en demeure pas moins que les conditions vécues par les étudiants concernés sont encore difficiles et parfois rédhibitoires à la poursuite d’études. La plupart de ceux qui sont déclarés en situation de handicap reçoivent des aménagements que nous pourrions qualifier de basiques : le tiers-temps, une salle particulière, du matériel pédagogique adapté. Il est à noter que ces aménagements sont la plupart du temps relatifs aux examens et contrôles continus. Certains peuvent s’appliquer durant les cours comme lors des temps de pause, ou concernent la confection de documents adaptés. L’aménagement le plus courant reste les « tiers-temps », auxquels 83,8 % des étudiants en situation de handicap ont pu recourir selon les résultats d’enquête produits par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour l’année 2020-202112. Dans l’ensemble des aménagements proposés, il n’est ainsi pas question de pédagogie adaptée ni de la façon de rendre l’enseignement le plus accessible possible. Ce sont ces deux perspectives qui nous ont alors particulièrement intéressées dans le cadre de notre enquête.

Une pédagogie universitaire qui doit s’ouvrir à la diversité des étudiants

Notre enquête par immersion à l’université nous a permis de suivre les trajectoires de vie des étudiants en situation de handicap, ainsi que les pratiques des services handicap et des référents handicap. Nous avons découvert que l’université ne pouvait plus s’en tenir seulement à des aménagements matériels et d’examens, qui parfois stigmatisent l’étudiant concerné. Par exemple, lors d’une séance de la commission handicap, il a été discuté que le fait de mettre dans un amphithéâtre une table spécifique à disposition de l’étudiant déclaré en situation de handicap pourrait accroître son malaise, en ne lui permettant pas de pouvoir être avec ses camarades ni d’avoir la liberté de se positionner ailleurs. La question même des aménagements des locaux et du mobilier peut donc être bien plus compliquée qu’il n’y paraît et mobilise plusieurs services à l’université.

Dans cette institution de l’enseignement supérieur, la pédagogie fait encore peu l’objet de recherche, surtout pour les étudiants en difficulté. Pour autant nous avons découvert qu’elle est un point d’ancrage essentiel, et ce pour tous les étudiants. Notre enquête a relevé des pédagogies qui peuvent être adaptées ou qui s’adaptent à la diversité des étudiants pour favoriser leurs apprentissages. Des dispositifs dits de pédagogie inclusive expérimentale ont montré leur efficacité13. Ils sont difficiles à mettre en place, car ils demandent du temps, davantage de personnel et de suivi personnalisé de l’étudiant. Par exemple, un enseignant ou un formateur spécialisé en pédagogie inclusive peut effectuer un bilan de positionnement avec les étudiants en difficulté pour leur permettre d’identifier certains obstacles, de les comprendre pour travailler avec et les transformer. Aujourd’hui, tout aménagement ne peut s’engager qu’au moment où un étudiant se déclare aux services handicap de l’établissement, or, l’ouverture d’une pédagogie à la diversité des apprenants n’attend pas de déclaration, elle s’adapte et propose des alternatives sans baisser le niveau attendu. Autrement dit, nous pourrions dire qu’une pédagogie universitaire peut tout à fait s’ouvrir aux vulnérabilités et permettre que chacun trouve ainsi sa voie14. Cette pédagogie fait partie d’une inclusion idéalisée et la réalité en est encore assez éloignée, pour autant nous verrons quelles peuvent être les ouvertures dans l’enquête que nous avons poursuivie.

La suite de l’enquête : suivre les trajectoires des étudiants de l’entrée à la sortie de l’université

Il est courant que les recherches ne questionnent les étudiants qu’à un moment précis, qui peut ne pas être toujours le plus approprié de leur vie, et qui ne révèle pas l’ensemble de leur parcours. Aussi nous avons préféré concentrer notre propre enquête sur certaines trajectoires de vie d’étudiants, depuis leur entrée à l’université jusqu’à celle dans la vie professionnelle. Si nous avons commencé par des étudiants présentant une maladie chronique et invalidante, cette enquête ambitionne de s’étendre à d’autres situations de vulnérabilité vécues par les étudiants, par exemple la vulnérabilité sociale, ou culturelle quand des étudiants s’intègrent avec difficultés au milieu social universitaire. Dans le cadre de cette enquête longitudinale s’étendant sur plusieurs années, il s’agit pour nous de suivre les étudiants pendant tout leur cursus universitaire, de garder des liens avec eux plusieurs années après leur sortie de l’université pour recueillir leur vécu et le retour qu’ils peuvent faire sur leurs trajectoires. Nous considérons également que les étudiants pourraient avoir tout intérêt à être impliqués comme co-chercheurs dans ce type de recherche, ce qui favoriserait leur apprentissage, leur montrant ce que la recherche peut apporter à leur propre parcours et évolution. Ils ne se positionneraient plus ainsi comme exécutants recevant un certain nombre d’aménagements, mais comme partie prenante et réflexive sur les aménagements dédiés. Sur ce point, la question suivante a tout son sens : est-ce qu’un étudiant qui est intégré à la recherche pourra réussir à comprendre ses propres vulnérabilités et participer à se transformer lui-même pour avancer ? Il s’agit donc de penser avec eux à la mise en œuvre des aménagements, plutôt que ceux-ci leur soient donnés et parfois imposés par l’institution ; autrement dit nous pouvons émettre l’hypothèse que les impliquer davantage dans la recherche conduit à leur redonner du pouvoir d’agir.

Avant de passer à une recherche-action collaborative15 impliquant davantage les étudiants et consistant à faire une recherche « avec eux » et non seulement « sur eux », ce qui nous semblerait la suite logique de notre enquête, l’étape intermédiaire pour nous a été de suivre leurs trajectoires. Par ailleurs, les deux méthodes ne sont pas incompatibles, bien au contraire, et elles enrichissent à leur manière la recherche. Nous avons donc suivi en particulier des étudiants qui, étant passés dès le début de leur cursus par le service handicap, ont suivi toute leur scolarité universitaire dans la même université sous l’étiquette d’ « étudiant en situation de handicap », et qui, entrés en L1, sont allés jusqu’en M2, et sont ensuite directement entrés dans la vie professionnelle16 ou se sont dirigés vers d’autres cursus pour une poursuite d’études. Il y a également celles et ceux qui ne sont jamais passés par le service handicap de leur université, n’ont jamais eu l’étiquette d’ « étudiant en situation de handicap », mais qui pour les autres (leurs camarades et leurs enseignants) ont toujours été perçus comme « étudiant à problème », ou « étudiant en difficulté » et même pour certains enseignants, et selon leurs dires, comme « étudiant n’ayant rien à faire à l’université », car « n’ayant pas le niveau requis ». Bien que notre enquête ne se restreigne pas à la maladie, nous rappelons que pour le présent chapitre, nous nous sommes focalisés sur les étudiants déclarés et ayant une maladie chronique et invalidante, ainsi que sur les transitions au cours de leur parcours universitaire avec le postulat que ces transitions auraient pu induire davantage de vulnérabilités chez eux.

Les transitions à l’université traversées par des situations de vulnérabilités

Pour ce chapitre, nous nous focaliserons sur deux étudiantes, deux femmes, que nous appellerons Pauline et Mathilde par souci d’anonymisation. Le choix de ces enquêtées s’est opéré sur la base de trois critères principaux : la maladie chronique et invalidante qu’elles endurent, leurs cinq années d’études à l’université et leur réussite dans l’entrée professionnelle malgré un parcours universitaire semé de difficultés. Notre méthode a consisté à suivre ces étudiantes durant les cinq années de leur parcours universitaire, jusqu’à leur installation dans la vie professionnelle. Durant ces cinq années, les entretiens avec les enseignants, les responsables de formation, les membres de la commission handicap et les camarades de promotion ont constitué un apport important, afin de comprendre le contexte dans lequel elles évoluaient. La correspondance que les référents handicap ont bien voulu nous fournir constitue également un apport crucial pour la compréhension de certaines situations.

Toutes deux ont été suivies par un référent handicap dans la même université et pour le même cursus, à trois ans d’intervalle. Pauline et Mathilde ont toutes deux des maladies neurologiques chroniques17 qui les fatiguent et nécessitent des aménagements spécifiques liés à leur état de santé affaibli. Pauline est suivie régulièrement à l’hôpital, s’absente pour des examens médicaux, et est sujette à des crises d’épilepsie ; en 2018 sa maladie lui fait subir un accident vasculaire cérébral. Mathilde, quant à elle, a une maladie neurologique qui lui provoque des tremblements réguliers des mains, l’obligeant à recourir à un ordinateur pour prendre ses notes, afin de stabiliser ses gestes. Pauline et Mathilde sont restées dans la même université durant tout leur cursus de la licence 1 au master 2 ; Pauline est arrivée en L1 en 2017 et Mathilde en 2014. Nous verrons que l’année de leur arrivée a toute son importance dans ces trajectoires, car l’année 2014-2015 constituait un moment de transition institutionnelle : une commission handicap allait ouvrir à l’université pour permettre un meilleur accompagnement des étudiants en situation de handicap, conduisant à bousculer certaines postures et pratiques universitaires. Étant donné un nombre d’étudiants en situation de handicap près de cinq fois moins important qu’en 2017-2018, les aménagements n’étaient pas encore bien organisés et se résumaient surtout à la mise en place du tiers-temps.

Si ces formes de maladies invalidantes peuvent paraître « invisibles », elles ne le sont pas tout à fait en définitive. Pauline va être traumatisée par ses crises d’épilepsies, dont une subit en plein cours lors de sa première année, accompagnée par une responsable pédagogique démunie. Mathilde se voit être l’objet de remarques ouvertement faites en plein cours par ses enseignants et responsables pédagogiques, certaines parfois désobligeantes, comparant sa maladie à un « parkinson précoce ». Malgré une première transition très difficile pour son entrée à l’université, un parcours irrégulier avec des aménagements complexes à instaurer, ces deux étudiantes ont réussi à leur sortie de M2 à exercer le métier qu’elles souhaitaient : Mathilde est devenue professeure des écoles et Pauline est devenue coordinatrice éducative pour les sixièmes dans un collège.

L’entrée à l’université : une transition fragile à durée aléatoire

Dans son travail de recherche portant sur les étudiants malades, Lucas Sivilotti présente l’entrée dans l’enseignement supérieur comme une « vraie bataille » (Sivilotti, 2022 : 87). Les témoignages qu’il rapporte présentent les combats de cette première transition entre le secondaire et le supérieur. Pour nos deux étudiantes, les mots employés sont extrêmement forts, Pauline parle d’un « moment horrible ». L’enseignement secondaire, même avec ses freins et difficultés, peut être perçu comme un cocon, et cela a été le cas pour cette étudiante. Les CPE, les assistants scolaires, les effectifs de classe plus réduits, peuvent faciliter l’inclusion de la personne malade. Or, l’arrivée à l’université, déjà déstabilisante pour tout étudiant, est parfois vécue comme insurmontable pour un étudiant avec une maladie chronique. Pauline dira que « la pression était horrible », et son début à l’université s’est avéré très compliqué, au point qu’elle a failli abandonner. Quand il entre à l’université, l’étudiant malade repart de zéro et doit refaire toutes les démarches, ses repères ne sont plus les mêmes, les journées deviennent plus chargées et plus longues, il devient un anonyme parmi tant d’autres. Dans l’enseignement supérieur, l’université demeure l’institution qui accueille le plus d’étudiants en situation de handicap, mais en restant celle qui a le moins de moyens financiers et humains pour pouvoir mettre en place un accompagnement adapté. La vulnérabilité institutionnelle liée à des choix politiques est un réel défi pour tous les acteurs de l’université. En 2017, la « procédure handicap » commence à se mettre en place dans cette université de manière un peu plus institutionnalisée, le référent handicap ne dispose que de quelques heures à consacrer aux étudiants et ne fait pas encore de liens avec les enseignants et responsables de formations. La responsable pédagogique doute de la gravité de l’état de santé de Pauline et de son caractère invalidant pour ses études. Quand elle comprend que Pauline est de plus en plus empêchée par sa maladie, elle pense que l’étudiante ferait mieux de rester chez elle en précisant que « le malade doit d’abord se faire soigner ». Pour autant cette même responsable se croit selon ses dires « bienveillante », continuant à penser que la personne malade n’a pas sa place à l’université et qu’elle aurait tout intérêt à rester chez elle pour son propre bien-être.

Durant ses années de Licence, Pauline va devoir vivre avec cette question récurrente : « peut-on être malade et faire des études à l’université ? ». À cette époque, Pauline est une jeune femme de 18 ans qui, certainement comme beaucoup de jeunes femmes de son âge, veut étudier comme les autres ; elle veut apprendre, se faire des amis, exister non pas par rapport à sa maladie, mais bien par rapport à elle ; autrement dit, elle ne souhaite pas voir son identité se résumer à sa maladie. À l’université, elle n’est donc pas Pauline, « la fille en souffrance et vulnérable » : elle est Pauline l’étudiante. « La fac c’était mon évasion », dira-t-elle lors d’un entretien18, ce qui lui permet d’oublier son état de santé et de pouvoir vivre pour autre chose que la maladie. Permettre que cette identité d’étudiant puisse s’exprimer est un élément fondamental qui constitue l’accessibilité aux savoirs de tous. Les aménagements pour un handicap mis en place sont aidants, mais la pression des évaluations et des examens s’avère horrible pour elle. Face à cette pression, elle s’aperçoit que le tiers-temps va s’avérer être une vraie aide, ce qui la conduit à prendre contact avec la référente handicap. Elle lui écrit ces mots dès la rentrée de 2017 :

« Bonjour Madame, je m’appelle Pauline A., je suis en première année de licence en sciences de l’éducation. J’aurais besoin d’un tiers-temps pour les examens et Madame X m’a dirigée vers vous. Je voudrais savoir comment cela se passe pour l’obtenir. J’ai un gros contrôle jeudi et j’aurais aimé avoir mon tiers-temps, je voulais m’en passer, mais au vu de ma santé fragile c’est compliqué… merci bonne journée. Cordialement ».

Pauline, prise dans l’urgence de sa maladie et des difficultés de santé que celle-ci lui procure, dans la panique des examens et de la surcharge de travail, n’a pas suivi la procédure de handicap officielle. Son tiers-temps lui a été accordé malgré tout, car la référente handicap suit les procédures officielles, mais reste attentive à la gestion du quotidien et au mal-être des étudiants. Elle rappelle cependant à Pauline qu’il va lui falloir se résoudre à suivre la procédure, et lui répond :

« Il faut venir me voir, car nous devons discuter de vos aménagements. Le tiers-temps ne peut pas s’obtenir sans passer par un rendez-vous avec moi, puis avec l’infirmier. Pour demain, nous avons trouvé une solution comme nous avons pu. Mais pour le reste de votre scolarité, il faut l’organiser bien avant. Donnez-moi vos disponibilités pour la rentrée de novembre ».

Mathilde, quant à elle, est arrivée trois ans avant Pauline, au moment d’une période de transition institutionnelle de gouvernance dans sa faculté, couplée à une transition dans l’acceptation par l’institution du statut d’étudiant en situation de handicap et dans la mise en place d’un accompagnement. Dans sa licence en 2014, elle se retrouve à être la seule en situation de handicap. Le poste de référence handicap est en cours de construction et c’est davantage avec les enseignants et sa responsable pédagogique qu’elle reste en contact pour la gestion de ses aménagements. Comme pour Pauline, les examens génèrent chez elle un stress perpétuel et réitéré, elle s’accroche à son tiers-temps comme à une bouée de sauvetage, seul aménagement dont elle dispose à cette époque. Les enseignants sont novices dans le domaine, les règles peu existantes, non encore homogénéisées et une enseignante croit bien faire en laissant le tiers-temps pour tous les autres étudiants. Mathilde se voit alors défendue par ses amies, qui n’hésitent pas à interpeler l’enseignante à ce sujet : « Madame, à quoi peut servir le tiers-temps pour Mathilde si tout le monde peut en bénéficier, ce n’est pas respectueux pour Mathilde ! ». L’enseignante nous témoignera par la suite ne pas avoir pensé mal faire. Le tiers-temps, qui est aussi la forme d’aménagement la plus courante, a été sacralisé. Aujourd’hui, il présente une véritable codification et une forme très institutionnalisée, plus personne ne se permettrait de faire une expérimentation différente de cette norme d’aménagement. Mais si la vie universitaire n’a pas été facile, Mathilde s’est battue également au sujet du matériel pour pouvoir répondre à ses propres besoins.

Les usages du matériel informatique et du numérique : entre vulnérabilité et ressource pour la réussite universitaire

Durant la troisième année de licence de Mathilde, une nouvelle référente handicap est arrivée. Celle-ci se rappelle avoir rencontré Mathilde venant lui expliquer son désir d’avoir un ordinateur pour ses partiels, l’ordinateur lui permettant de mieux écrire. Elle nous explique lui avoir répondu : « C’est tout ? Vous avez juste besoin d’un ordinateur, cela ne va pas être compliqué à avoir ». Et pourtant la seule acquisition d’un ordinateur fourni par l’université pour les partiels s’est avérée être un véritable parcours du combattant. Aujourd’hui la procédure est ancrée dans les mœurs universitaires et est complètement organisée, à tel point que ce témoignage paraît d’un autre âge (nous sommes alors en 2017), pour autant il ne date que de quelques années. Il semblerait qu’en matière d’usage du numérique, la pandémie de SARS-CoV-2, le confinement et les usages en quelque sorte nous aient libérés d’un carcan institutionnel et aient permis de meilleurs accès pour du matériel et l’acceptation de nouveaux usages. La référente handicap se rappelle qu’à l’époque, excédée par autant d’inertie, elle a même voulu donner du matériel qu’elle n’utilisait plus :

« Allons-nous réussir à avoir un ordinateur pour la semaine des partiels ? Sinon j’en ai un ancien, marche encore suffisamment pour ouvrir un Word et que je n’utilise plus, je peux voir pour le vider complètement. D’ailleurs, franchement, cela pourrait servir à d’autres étudiants ».

Nous sommes alors typiquement dans un blocage institutionnel, il faut d’abord un changement structurel pour que d’autres pratiques inclusives puissent apparaître. La volonté des seuls acteurs ne suffit pas toujours à l’organisation et à la mise en place de nouveaux aménagements, qui doivent trouver leur institutionnalisation pour être reconnus et appliqués à d’autres.

Une conversation entre l’infirmier et la référente handicap va faire état de la lourdeur de la procédure à suivre chaque année pour les étudiants ayant déclaré une maladie chronique ou invalidante, ou en situation de handicap, la référente handicap précisant:

« J’ai revu Mathilde. Effectivement, elle est un peu agacée, la procédure lui est lourde chaque année, alors que sa santé ne change pas ».

Pauline quant à elle, une fois en master et l’expérience de la pandémie de SARS-CoV-2 passée, se retrouva avec des facilités d’accessibilité numérique, plusieurs enseignants et sa responsable de formation lui proposant de suivre les cours en simultané en visioconférence y compris lors de travaux de groupe. Cela signifie que le numérique, par son manque, a pu constituer une vulnérabilité, mais que, par ses usages diversifiés et plus ouverts, il a pu en revanche être une ressource pour des étudiants ne pouvant se déplacer ou étant empêchés dans leurs études. Assurément, alors qu’avoir accès à un ordinateur pour ses partiels a été un combat pour Mathilde trois ans plus tôt, Pauline a eu un suivi accompagné et facilité avec les outils numériques, lui permettant de continuer à suivre une scolarité presque normale, sans trop de coupures (visioconférence, cours hybride, enseignants plus disponibles à distance, ressources déposées sur une plateforme, etc.).

Poursuivre à l’université par la découverte du « care » et de la sollicitude

Malgré les difficultés de leur première transition, Pauline et Mathilde sont restées inscrites pendant leurs trois années de licence et jusqu’au master 2. Leurs parcours à l’université ont fini par être une réussite. Et nous avons voulu en savoir plus sur les éléments aidants de leur parcours. Au-delà de tous les dispositifs et aménagements, après une entrée difficile, l’élément le plus important dans leur parcours a été l’aide humaine. Les relations sociales ont trop tendance à être occultées parmi les éléments importants dans la construction de l’identité, et encore aujourd’hui quand il s’agit de problèmes de santé et de maladies. Ces aides humaines, relations sociales et éducatives ont été de plusieurs sortes et se sont exprimées de différentes manières.

Dans l’entourage des étudiantes, la famille a d’abord été un support et un soutien humain important. Au-delà du milieu socio-économique et du capital culturel non négligeable de ces familles, c’est l’engagement parental et le soutien moral qui ont surtout été déterminants.

Ensuite au sein de l’université, et dans le quotidien universitaire, les camarades de leur promotion se sont révélées des soutiens primordiaux, celles – essentiellement des filles19 – qui prenaient la défense de leurs droits et qui les ont épaulées dans les moments difficiles, comme ce fut le cas pour Mathilde. Pour Pauline, si certains autres étudiants ne comprenaient pas qu’elle puisse avoir le droit de quitter plus tôt les cours en raison de son extrême fatigue, d’autres ont constitué à ses yeux un groupe d’amies, et ce depuis la licence. Ces amies, dont certaines l’ont suivie jusqu’en master, lui apportaient des notes de cours et se sont soutenues mutuellement dans leur parcours universitaire. Pauline dira : « Ils ne faisaient pas le travail à ma place, mais ils me réexpliquaient les choses », l’intégrant donc pleinement au travail et lui permettant d’avoir sa place. Cette sollicitude est extrêmement importante, car Pauline est devenue cette étudiante qui « arrivait à suivre », et qui a développé de la motivation à apprendre. La transition entre la licence et le master a été plus facile grâce aux amies qui les ont suivies et les ont soutenues. Un directeur de campus en province20 nous a témoigné avoir remarqué cette entraide forte et une vraie sollicitude des camarades de promotion amenant les étudiants en situation de maladie à « venir étudier parce qu’ils sont portés par leurs camarades », avec des « camarades [qui] s’inquiètent vraiment pour eux ». Il semblerait que l’ambiance générale développée par les équipes éducatives ne soit pas non plus étrangère au maintien d’un climat accueillant. Pauline a en cela témoigné avoir reçu l’aide d’une enseignante en particulier en licence, qui l’a soutenue et grâce à laquelle elle a continué son parcours. A posteriori, sans l’aide de cette enseignante qui selon elle a compris sa maladie et ses problèmes de santé, elle ne pense pas qu’elle aurait réussi à continuer son parcours universitaire. L’enseignant est l’adulte qui, au sein de l’institution, est en mesure de provoquer des changements dans l’acceptation de la maladie et dans les modifications au sein de la structure universitaire. Il a surtout suffi d’une enseignante particulièrement engagée. Par la suite, les responsables de formation s’avèrent également être des aides non négligeables. Ainsi chaque année, une personne faisant preuve de suffisamment d’empathie et d’attention à l’autre permet de délimiter un environnement sécurisant créant des conditions de réussite de la personne malade. Pauline témoigne de cet environnement en master, avec une responsable en lien avec les enseignants lui facilitant la tâche et lui ôtant la charge mentale accrue procurée par son état de santé. Au-delà de tout dispositif, de toute prise en charge officielle et d’aménagements, l’aide humaine a consisté à créer des conditions favorables à l’apprentissage. Pauline a pu d’abord être écoutée et comprise, ne pas être prise en pitié, et exister en tant qu’étudiante. Elle a reçu un soutien moral, une parole bienveillante, elle a pu se référer à quelqu’un et trouver des solutions avec cette personne, elle a donc participé activement à faire évoluer son apprentissage. Elle dira au sujet de sa responsable de master : « la responsable me retirait mon stress, en me disant tout simplement : “ne vous inquiétez pas, on va trouver une solution“ ».

Nous pourrions donc rapprocher ces différentes attitudes à des pratiques de care à l’université, à la manière dont l’a présenté la philosophe américaine Joan Tronto (Tronto, 2009). D’abord parce que des personnes se soucient des étudiants (caring about), ensuite parce qu’elles se chargent de les comprendre et de faciliter leur quotidien (caring of), puis parce qu’elles prennent soin des étudiants en instaurant un climat serein propice aux apprentissages (care giving), et enfin parce qu’elles prennent soin avec les étudiants malades et leurs camarades en les impliquant davantage (caring with). Or, parler de care à l’université est parfois étranger et éloigné des pratiques, et il ne s’agit pas de l’imposer, mais de l’intégrer à la réflexion à l’université, de mettre ce concept en dialogue et en résonance, comme a pu le proposer Zoé Rollin pour l’éducation inclusive en milieu scolaire (Rollin, 2019). Certains enseignants du supérieur ne voient que l’excellence et ne comprennent pas que le care au contraire pourrait contribuer à cette excellence, ils ne parviennent pas à envisager concrètement que s’ouvrir à la diversité à l’université ne rabaisse aucunement le niveau universitaire. Ces réflexions sont partagées dans d’autres universités en France et dans le monde. Au Canada, plusieurs chercheurs d’universités différentes comme Stéphanie Gaudet, Isabelle Marchand, Ivy Bourgeault et Merridee Bujakila ont aussi fait ces constats en précisant combien la « vulnérabilité et les dimensions du care demeurent des réalités souvent ignorées dans les milieux universitaires, à la fois dans les hautes sphères décisionnelles et dans le travail professoral » (Gaudet et al., 2020 : 204).

Dans notre enquête, les personnes qui ont fait preuve de care à l’université ont été des femmes, la pratique du care leur a été directement dévolue, même si elles ont eu l’appui de leur hiérarchie masculine, soulignant par là le rapport genré du care à l’université. Et s’il est indéniable que ces personnes – camarades, enseignantes et responsables – ont fait preuve d’attitudes relevant du care, nous pouvons nous demander dans quelle mesure elles ont pu faire preuve de sollicitude. La notion de care permet effectivement de repenser le rapport à l’autre et de repenser le rapport à sa propre vulnérabilité et à celle des autres. Car nous vivrons tous à un moment de notre vie des épisodes de vulnérabilité, qui nous conduiront à une dépendance et qui peuvent nous faire bénéficier de l’approche du care pour nous conduire vers une nouvelle forme d’autonomie. Le care n’est donc pas à voir comme positif ou négatif, il est un moyen d’accompagnement et d’interaction entre les individus où la personne et son identité, son évolution et son devenir sont centraux (Winance, 2018). Un principe de partage et de développement des potentialités traverse le care : un jour je l’utilise pour un de mes proches et un autre jour, cette fois, j’en serai bénéficiaire. Le care a des similitudes avec la sollicitude, car comme définie par Augustin Mutuale, l’expérience de sollicitude consiste aussi bien à « répondre à l’autre que répondre de l’autre » (Mutuale, 2017 : 322). Augustin Mutuale ajoute que la sollicitude n’est pas de laisser faire l’autre, ou de tout lui pardonner, la sollicitude bouscule l’autre pour le faire évoluer, et ce toujours dans un souci de l’autre. De même pour la docteure en philosophie et infirmière Cécile Furstenberg, « une passerelle solide réunit les deux univers du care et de la sollicitude, celle de la vulnérabilité. Elle offre des perspectives parallèles qui s’orientent dans un horizon commun, celui du souci des personnes vulnérables ». (Furstenberg, 2021 : 17).

L’accès à la voie professionnelle : le prolongement d’une bonne prise en charge universitaire

Pauline et Mathilde ont réussi à aller au bout de leur cursus universitaire, toutes les deux ont même eu de très bons résultats avec un mémoire de master 2 soutenu brillamment. Ce n’est pas le cas de tous les étudiants ayant une maladie chronique invalidante ou un handicap. Certains ont été en échec et n’ont jamais pu aller en master, ou ont abandonné pendant leur année de master. Ce sont précisément les réussites de ces étudiantes qui nous ont intéressés, alors qu’au départ rien n’aurait pu les assurer. Mais elles ont su faire preuve de persévérance et ont réussi à saisir les opportunités qui s’offraient à elles. Après leur master, elles ont toutes deux eu accès aux emplois qu’elles avaient toujours voulu faire, professeur des écoles pour Mathilde et coordinatrice éducative pour Pauline. Même si l’université n’a pas toujours été tendre avec elles, elles gardent de leurs parcours d’étudiantes un très bon souvenir. Ces expériences universitaires leur ont permis de s’adapter également au monde du travail qu’elles allaient intégrer. Pauline témoigne qu’aujourd’hui encore elle ne souhaite pas recevoir d’aménagements particuliers dans son emploi. Comme ce fut le cas pour l’université, son emploi est son « évasion », lui permettant d’avoir le sentiment de rester vivante et d’exister. Elle dira : « Le jour je suis Pauline au travail et la fin d’après-midi je fais mes examens médicaux, je m’occupe de ma santé ». La faculté ne lui a pas qu’appris à être étudiante, elle lui a appris à travailler seule et en groupe, à partager avec ses pairs, à se surpasser et à faire face, à ne pas se plaindre en permanence, à s’adapter aux horaires. Elle a pris du recul par rapport à ses mauvaises expériences de première année universitaire, comprenant les appréhensions ou peurs de sa responsable pédagogique, de ses autres camarades. Elle est capable aujourd’hui d’exprimer son ressenti sans honte ni rancune et avec une lucidité sur ses propres capacités. En définitive, nous pourrions dire que depuis sa première transition très difficile du secondaire au supérieur, puis son adaptation au monde universitaire où elle a pu apprécier d’être une étudiante, ces expériences plus ou moins faciles lui ont permis de rentrer avec plus d’assurance dans le monde professionnel, d’être en mesure de gérer son stress et de savoir aller chercher ses propres ressources et des aides possibles.

Cependant Pauline et Mathilde ne représentent qu’une minorité à l’université, car combien d’étudiants ayant une maladie ou un handicap ont pu finalement intégrer les emplois envisagés initialement et correspondants à leurs études ? Par exemple, pour un autre étudiant appelé ici Paul, son état de santé physiquement plus handicapant ne lui a pas permis de finir ses études de licence, en raison de trop nombreuses absences, et l’accès au milieu professionnel n’est pas possible pour l’instant. Se sentant bien à l’université, il y reste en auditeur libre, mais l’université ne sait pas quel avenir lui offrir. Au-delà des chiffres qui montrent que les étudiants en situation de handicap sont cinq fois plus nombreux depuis 200521, il existe de nombreuses histoires de vie différentes nécessitant d’autres conditions d’aménagements à penser, et un humanisme à intégrer à l’université.

Conclusion

Nous avons pu montrer l’existence de vulnérabilités dans les transitions, même de transitions rendant plus vulnérables encore les individus. Marc-Henry Soulet a sur ce point précisé qu’il fallait agir sur les structures, de fait nous pouvons voir qu’entre les périodes de scolarisation de Mathilde et Pauline, les conditions structurelles se sont modifiées, la procédure de la commission handicap a évolué, les aménagements se font dans de meilleures conditions. Cependant, l’action sur les structures n’est pas suffisante, et c’est par la suite aux mentalités qu’il faut s’attaquer et au pouvoir d’agir des individus. Ainsi les personnes peuvent réussir à vivre avec leurs vulnérabilités, et ce de différentes manières, pour finir par développer leurs capabilités leur permettant de passer de nouvelles transitions de manière plus sereine. Malgré tout, l’une des plus difficiles transitions, partagée par un grand nombre d’étudiants en situation de handicap, demeure l’entrée à l’université. Les aménagements mis en place, même s’ils restent encore basiques, n’en sont pas moins aidants. Mais nous avons montré qu’ils n’étaient certainement pas suffisants et que le care et la sollicitude qui s’expriment de différentes manières à l’université, et par des acteurs différents, ont toute leur importance pour aider la personne malade à surmonter ses propres difficultés de santé et de construction du parcours d’étudiant. Dans ce cas nous pourrions dire que la vulnérabilité doit pouvoir s’entendre et se partager à l’université sans une crainte d’être considérée comme une institution soignante. D’autant plus qu’il est difficile pour les personnes concernées d’accepter de se retrouver avec l’étiquette de personne malade, et non d’étudiant, comme a pu l’exprimer Pauline. Passer par les services handicap de l’université, c’est aussi devoir accepter cette étiquette. Il existe ainsi encore de nombreux étudiants en situation de maladie ou de handicap qui n’osent pas se déclarer pour ne pas être stigmatisés, et considérés d’abord comme l’étudiant malade avant d’être perçu comme l’étudiant qui veut apprendre. D’ailleurs Pauline a signalé que « la fac a été épanouissante pour [elle] » : à la faculté elle était une étudiante qui ne pensait qu’à ses apprentissages. Ses enseignants ne la regardaient pas comme une personne fragile, mais une personne dont on prenait en compte les compétences et les capacités tout en étant conscients qu’il faudrait trouver des solutions avec elle. Ce dernier point est important : la personne malade doit pouvoir participer à la recherche des solutions institutionnelles envisagées et ses ajustements. Autrement dit, elle fait partie de la communauté éducative universitaire et à ce titre, elle participe à sa propre évolution. C’est certainement l’un des éléments les plus probants de la réussite universitaire et professionnelle de ces étudiantes, qui leur a permis de passer le cap de la transition compliquée de l’entrée à l’université et de pouvoir poursuivre leur cursus universitaire.

Mais les cas exceptionnels de Pauline et Mathilde ne sont pas à généraliser, et chaque personne a son propre état de santé et sa propre histoire de vie, sa manière de gérer sa santé. Pour une autre étudiante qui n’a jamais voulu se déclarer en situation de handicap, la situation a été toute autre, elle a exaspéré ses responsables de formations avec des demandes de plus en plus importantes, considérant « qu’ils devaient absolument [l]’aider », et que « l’institution devait tout mettre en place pour [s]a réussite », allant jusqu’à faire des reproches répétés quant à la connexion défectueuse à l’environnement numérique de travail depuis son domicile, l’empêchant de suivre les cours à distance, mais pour laquelle la solution ne pouvait venir du côté de l’université, le problème technique venant de son domicile. Si l’éducation inclusive prône une adaptation de l’institution, cette étudiante a mis précisément l’institution dans une situation de vulnérabilité avec des acteurs ne sachant comment faire pour l’aider et se sentant impuissants pour le faire. L’ouverture à l’université doit aussi se réaliser avec chaque personne concernée, parfois elle peut réussir à mettre en place certaines conditions favorables et parfois elle ne pourra pas y réussir. L’ouverture à la diversité sociale et culturelle à l’université doit être pensée avec le concept de l’inclusion, ainsi qu’avec les critères socio-économiques qui peuvent avoir une incidence non négligeable sur le rapport à la santé et au corps, à la stigmatisation, aux institutions et aux codes universitaires. Au-delà des chiffres, de la volonté d’accueillir tout le monde, la réflexion sur ce que l’université peut apporter et sur la façon dont elle peut le faire a toute son importance, et il convient également de développer une réflexivité chez les étudiants leur permettant de participer davantage à leur propre parcours et à leur évolution, y compris pour ceux en situation de maladie et de handicap.

Bibliographie

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  • Notes

    1. L’ensemble de l’équipe de recherche, [en ligne] https://www.icp.fr/recherche/unite-de-recherche/fragilite-et-institutions.
    2. Séverine Demoustier reprend la définition du pouvoir d’agir selon Rappaport (1987) et qui prend ses références dans la notion américaine d’empowerment. Le terme « empowerment » se réfère à « la possibilité pour les personnes ou les communautés de mieux contrôler leur vie », selon Rappaport (1987). Pour l’historique de la notion de pouvoir d’agir nous renvoyons à l’article de Demoustier (2021).
    3. Traduction de la conférence « Vulnerability and Resistance » : « Does vulnerability not implicate us as social creatures who are vulnerable in relation to one another and vulnerable also by virtue of the social structures and institutions, ecological networks, and biopolitical regulations on which we depend for our persistence and well-being? ».
    4. Rapport n° 2006-050, La politique d’accueil des étudiants handicapés, Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, juillet 2006, p. 21.
    5. Recensement dans les établissements d’enseignement supérieur publics sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et dans les formations d’enseignement supérieur des lycées publics et privés sous contrat, cf. État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France n° 15, Enseignement supérieur, [en ligne] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T243/les_etudiants_en_situation_de_handicap_dans_l_enseignement_superieur/.
    6. À la rentrée de 2020-2021, le nombre d’étudiants a été de 1,65 million, [en ligne] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/les-etudiants-inscrits-dans-les-universites-francaises-en-2020-2021-82342.
    7. Voir à ce sujet les différentes chartes « Université-Handicap » de 2007 et 2012, et les différents guides de l’étudiant.
    8. État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France n° 15, Enseignement supérieur, [en ligne] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T243/les_etudiants_en_situation_de_handicap_dans_l_enseignement_superieur/#ILL_EESR15_ES_14_01.
    9. La pédagogie telle que nous l’entendons à l’université est bien loin d’être appliquée. Pour cela, les enseignants d’université doivent être impliqués dans la relation éducative à l’université, nous y reviendrons par la suite (voir Mutuale, 2017).
    10. En 2014, nous avons commencé avec un suivi de trois étudiants, car à cette époque le dispositif se mettait en place, pour atteindre un chiffre beaucoup plus élevé aujourd’hui avec 340 étudiants déclarés en situation de handicap pour l’ensemble de l’université. Nous ne suivons pas l’ensemble des étudiants, mais avons choisi de suivre la trajectoire d’étudiants présentant des maladies chroniques. Il est à noter que notre principe d’enquête est de suivre les étudiants de leur première année d’université à leur entrée dans la vie professionnelle. L’intérêt de l’enquête se situe donc dans sa durée sur plusieurs années, avec plusieurs moments de transitions dans la vie de l’étudiant et dans sa vie professionnelle.
    11. Cette recherche a été présentée lors du colloque d’EMELCARA organisé par Éric Dugas qui s’est déroulé à Bordeaux des 26 au 28 août 2019, puis le 26 septembre 2019 à Limoges lors de la journée d’étude organisée par Maryan Lemoine, avant d’être publiée en 2020 dans l’ouvrage dirigé par Éric Dugas et Lucas Sivilotti Inclure dans et hors l’école ? Accessibilité, Accompagnement et Altérités (Garcia et al., 2020). Nous avons également poursuivi le travail avec l’ouvrage De la pédagogie universitaire inclusive, l’université et le handicap, publié aux éditions l’Harmattan en 2020 (Parayre et al., 2020).
    12. État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France n° 15, Enseignement supérieur, [en ligne] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T243/les_etudiants_en_situation_de_handicap_dans_l_enseignement_superieur/.
    13. La Faculté d’éducation et de formation de l’ICP est l’un des rares endroits où la pédagogie fait partie de la recherche, où l’expérimentation pédagogique existe et où certains enseignants se déclarent comme « pédagogues chercheurs » et non enseignants chercheurs, signifiant que la pédagogie est un élément important de leur métier et de leurs activités de recherche. Depuis la rentrée 2022, la création du « Centre d’études et d’innovation – Communauté éducative inclusive » est porteur de cette pédagogie à l’université.
    14. Nous ne développons pas davantage et renvoyons à un autre article en cours intitulé La relation éducative au cœur de la communauté éducative inclusive, paru en 2024 dans l’ouvrage De la Communauté Éducative Inclusive. Penser et construire des institutions inclusives (Pombet, Serina-Karsky et Mutuale, 2024).
    15. Pour plus d’éléments sur ce qu’est une RAC (recherche-action collaborative) nous renvoyons au numéro de la revue Phronesis coordonné par Joëlle Morissette, Maria Pagoni, Matthias Pepin (2017).
    16. Si certains des étudiants par la suite peuvent se déclarer comme travailleurs en situation de handicap, ce n’est pas du tout le cas de Pauline et Mathilde, qui n’ont pas voulu présenter leur problématique de santé dans leur milieu professionnel. Étant au contact des jeunes et des familles, elles ont préféré selon leurs dires : « être considérées comme tout autre salarié dans leur établissement », préférant se « consacrer à leur métier, et non que leurs collègues viennent s’épancher sur leur santé » ou que leur santé « prenne trop d’importance dans leur métier ».
    17. Le choix est fait de ne pas donner les noms des maladies pour garder l’anonymat des étudiantes et le secret médical.
    18. Cet entretien se déroula en novembre 2022, au moment où Pauline a réussi son M2 et est depuis quelques mois en poste en établissement scolaire. C’est un entretien important, qui se déroule cinq ans après les difficultés qu’elle a pu vivre, parce qu’elle porte un regard réflexif sur son parcours.
    19. Les cursus de Pauline et Mathilde sont essentiellement composés de filles, mais le peu de garçons présent a pris position également pour elles, pour défendre leurs droits.
    20. La recherche se poursuit dans le cadre de notre équipe de recherche Fragilité et Institutions et d’un projet engagé de septembre 2022 à septembre 2025, permettant d’inclure deux nouveaux campus de la Faculté ouverts à Reims en 2021 et à Rouen en 2023.
    21. Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [en ligne] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T243/les_etudiants_en_situation_de_handicap_dans_l_enseignement_superieur/#ILL_EESR15_ES_14_01.
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    EAN html : 9791030010817
    ISBN html : 979-10-300-1081-7
    Volume : 4
    ISBN pdf : 979-10-300-1080-0
    ISSN : 2823-8680
    Code CLIL : 3318

    Comment citer

    Séverine Parayre, Thibaud Pombet, Anne Olivier, « Les vulnérabilités à l’université », dans Émilie Boujut, Damien Ridremont, Zoé Rollin, (dir.), Transitions et maladie : adolescents et jeunes adultes concernés par une maladie chronique et invalidante, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection S@nté en contextes 4, 2024, [en ligne] https://una-editions.fr/les-vulnerabilites-a-luniversite/ [consulté le 01/09/2024].
    10.46608/santencontextes4.9791030010817.8

    Au téléchargement

    Contenu(s) additionnel(s) :

    couverture du livre Transitions et maladie
    Illustration de couverture • Illustrateur : Damien Ridremont, 2024. Montage : Nicolas Ruault.
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