À propos de :
Marquette J. B. (2016) : “Jules Dubernet ou la vie d’un soldat ordinaire de la Grande Guerre”,
Les Cahiers du Bazadais, 192-193, 9-22.
Dans l’œuvre de Jean Bernard Marquette, la publication du témoignage d’un soldat de 1914-1918 constitue un cas original. Par le thème, mais non par la méthode, celle d’un historien scrupuleux, dominant son sujet quelle que soit la période considérée.
La documentation collectée trente-cinq ans auparavant dans la famille du sabotier de Lucmau avait d’abord intéressé l’historien parce qu’elle fournissait une série quantitative, le nombre de sabots vendus chaque jour entre 1923 et 1957 avec leur prix. Le temps passant, la période du centenaire de la Première Guerre mondiale fut jugée le bon moment pour faire connaitre un autre volet de la vie de Jules Dubernet d’après ses carnets de route et sa correspondance, autant de témoignages fort prisés aujourd’hui car ils émanent d’un “soldat ordinaire”.
En effet, dans le premier ouvrage d’analyse des témoignages de combattants publiés, le Témoins de Jean Norton Cru, paru en 1929, les auteurs appartenaient à 78 % aux classes dirigeantes et intellectuelles, et 22 % étaient des étudiants destinés à les rejoindre. Un combattant issu des classes populaires, même s’il avait rédigé un texte très fort, ne pouvait avoir l’idée de le présenter à un éditeur. Ce fut le cas du tonnelier audois Louis Barthas dont les Carnets de guerre furent seulement publiés en 1978, à la génération de ses petits-fils. Depuis, bien d’autres témoignages populaires ont trouvé une maison d’édition. Dans l’ouvrage collectif faisant suite à celui de Jean Norton Cru, 500 témoins de la Grande Guerre, paru en 2013, 50 % des auteurs étaient paysans, artisans, ouvriers, petits commerçants, instituteurs ruraux. Jules Dubernet aurait eu sa place dans ce livre. Porté à la connaissance du public seulement en 2016, il figure dans le dictionnaire des témoins en ligne sur le site du Collectif de Recherche Internationale et de Débat sur l’histoire de la Première Guerre mondiale (https://www.crid1418.org).
Le numéro double des Cahiers du Bazadais ressemble à un livre : il est entièrement consacré au sabotier. Jean Bernard Marquette expose d’abord sa démarche (“Sur les traces de Jules Dubernet”) ; puis il donne la transcription intégrale du témoignage, texte illustré par les cartes postales envoyées par le soldat à sa famille ; enfin l’historien en donne une analyse tout à fait pertinente (“À la rencontre d’un caporal de la Territoriale”). Lorsque nous faisions partie, ensemble, du comité de rédaction des Annales du Midi, nous avions composé deux numéros à thème 1914-1918 placés sous ma direction puisqu’il s’agissait de mon domaine de recherche. Jean Bernard Marquette m’a fait confiance pour la rédaction d’une sorte de préface ou d’entrée en matière de l’ouvrage, situant Dubernet dans l’ensemble des témoins connus de la Grande Guerre.