Le mouvement de circulation des textes de savoir de l’Italie vers la France est également soumis à l’adaptation de formes particulières que les translateurs vont privilégier. Que les articles de cette partie abordent les ouvrages de vulgarisation « scientifique ou technique » (Violaine Giacomotto), les recueils d’apophtegmes (Bérengère Basset) ou de nouvelles (Enrica Zanin), tous mettent en lumière le souci commun de la pédagogie dans ces traductions du XVIe ou du XVIIe siècle. Les trois articles suivent une progression qui nous conduit des textes exposant explicitement un savoir (sur la notion physique d’ « élément »), jusqu’à ceux qui, bien que n’étant pas conçus à cette fin (les récits fictifs de Boccace), en transmettent implicitement un ou plusieurs, en passant par le didactisme des œuvres morales. L’enjeu pour les traducteurs de la modernité est d’adapter ces textes aux intérêts et aux goûts des lecteurs français. La réflexion, la connaissance, la formation humaine que l’on recherche évidemment dans les travaux de Cardan, dans les pensées d’Érasme et même dans les fictions narratives n’occultent en rien le plaisir esthétique que doit en procurer la lecture. Le « beau latin » cicéronien comme le vernaculaire français « illustré », le calibrage parfait des maximes et des proverbes, les nuances du discours, tous contribuent à l’élaboration d’un matériau linguistique et littéraire qui formera un socle culturel commun. Les trois auteurs nous démontrent ainsi comment, en sus de la formation intellectuelle, éthique et morale qu’ils véhiculent et qui entend façonner « l’honnête humaniste », ces textes lus, traduits, translatés, accommodés à ce goût français que le XVIIe siècle élèvera à son point de perfection, constituent peu à peu une littérature de civilité et de sociabilité à la française et parviennent à faire éclater les cadres trop formels de l’ancienne scolastique.