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Si l’Antiquité est toujours une reconstitution en partie imaginaire
– et pas seulement l’objet d’un savoir positif –, il faut aussi étudier
la liberté avec laquelle chaque époque a traduit et transformé
en une réalité contemporaine des mythes anciens.
L’ Antiquité ne cesse d’être une figure du contemporain1.

L’Occident n’a cessé de se référer, depuis le Moyen Âge, à l’Antiquité grecque et romaine, de se construire par rapport à elle au point même de rêver de la ressusciter, comme ce fut exemplairement le cas à la Renaissance et, d’une autre façon, à l’époque néoclassique. La marque de l’Antiquité se retrouve pour ainsi dire dans presque tous les domaines, qu’ils soient politique, juridique, ou bien encore littéraire. Mais c’est incontestablement dans le champ artistique que l’« antique » a le plus durablement fait figure de modèle vers lequel on ne pouvait manquer de se tourner, soit pour y trouver des sujets historiques ou mythologiques, soit pour y découvrir des formes idéales et canoniques2. Aujourd’hui, et quand bien même on semble loin des préceptes académiques, force est de reconnaître que l’histoire continue.

En effet, depuis les années 1980, la référence à l’Antiquité grecque et romaine se fait très présente dans la création des artistes plasticiens. Pensons à Pierre et Gilles qui, à partir de 1988, débutent une série de photographies peintes représentant des dieux, des déesses et autres héros de la mythologie, dont leur Mercure (Enzo Junior), réalisé en 2001, offre un exemple particulièrement représentatif (fig. 1). Entre 2009 et 2015, Jeff Koons produit les séries Antiquity et Gazing Ball : la première associe en les superposant diverses figurations de sculptures de l’époque classique à d’autres créations majeures de la culture occidentale sur de grandes toiles peintes à l’huile, tandis que la seconde consiste en des copies d’antiques en plâtre à l’échelle 1, sur lesquelles sont diversement placées des sphères en verre bleu. Léo Caillard, quant à lui, rhabille littéralement les statues antiques dès 2012 : Jean’s, T-shirt, casquette et lunettes de soleil font partie des nouveaux accessoires de l’Apollon du Belvédère et de l’Hercule Farnèse, alors que Xu Zhen crée des œuvres hybrides composées de sculptures majeures de l’Antiquité sur lesquelles sont emmanchés des fragments de statues de Bouddha renversés, dans la série Eternity. Et ces artistes ne sont pas les seuls : le recensement que nous avions mené comptabilisait plus d’un millier d’œuvres d’art contemporain produites par plus de cent cinquante artistes entre 1980 et 20173.

Pierre et Gilles, Mercure (Enzo Junior), 2001, photographie et acrylique, 
226,6 x 163 cm, Collection particulière. Avec l’aimable autorisation des artistes.
Fig. 1. Pierre et Gilles, Mercure (Enzo Junior), 2001, photographie et acrylique, 226,6 x 163 cm, Collection particulière.
Avec l’aimable autorisation des artistes.

Ces créations formellement et stylistiquement très diverses montrent que la référence à l’Antiquité peut se faire de multiples manières et à travers des médiums variés. Véronique Gély nomme ceci, à juste titre, la « matière antique4 ». Elle définit ainsi une substance malléable, tantôt fluide et discrète, – le nom d’une divinité inscrit sur une toile, comme dans les œuvres de Cy Twombly5 –, tantôt solide et explicite – l’œuvre reprend une sculpture très connue ou encore le choix de son titre ne laisse aucune place au doute, comme en témoigne, par exemple, la Venus de Milo (after Alexandros) de Yinka Shonibare6. Entre ces deux extrêmes se déploie tout un éventail de possibilités de reprises, allant de la figuration sur papier du mythique cheval de Troie par Mimmo Paladino7 à la photographie prise par Vera Lutter d’un torse d’Éros conservé au Metropolitan Museum8, en passant par l’autoportrait de Meekyoung Shin en Vénus accroupie sculpté dans du savon (fig. 2).

Meekyoung Shin, Crouching Venus (série : Translation), 2002, savon, vernis parfum, 
112 x 38 x 60 cm, collection de l'artiste. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fig. 2. Meekyoung Shin, Crouching Venus (série : Translation), 2002, savon, vernis parfum, 112 x 38 x 60 cm, collection de l’artiste.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Ces quelques exemples montrent que le phénomène n’est plus seulement européen comme pourrait a priori le laisser penser une longue tradition culturelle : il concerne aussi bon nombre d’artistes américains et extrême-orientaux. Toutefois, un glissement semble s’être opéré au fil du temps : la référence (ici antique) reprise par les artistes actuels n’a plus exclusivement vocation d’enseignement. Il s’agit pour eux de jouer avec une Antiquité devenue « iconique » et identifiable de tous. Assurément, l’Antiquité constitue aujourd’hui un univers référentiel riche et stimulant dans lequel les artistes viennent avec grande liberté puiser, avec plus ou moins de considération. En effet, tandis que certaines œuvres se révèlent sérieuses – l’installation Odyssey d’Ai Weiwei (fig. 28) dénonce la crise des réfugiés en Méditerranée –, d’autres adoptent une apparence parodique – Pedicure de Francesco Vezzoli présente un fragment de pied en marbre daté du Ier-IIe siècle apr. J.-C. dont les orteils ont été recouverts de vernis à ongles9.

L’intérêt pour l’Antiquité que nous observons dans l’art contemporain post 1980 s’inscrit dans un phénomène plus général, puisque nous le retrouvons dans l’ensemble des secteurs de la création visuelle. Les auteurs de bandes dessinées et les mangakas situent volontiers leurs histoires dans l’Antiquité et démontrent, si tant est qu’il faille encore le prouver, que la référence antique voyage10. Il en va de même pour les concepteurs de jeux vidéo11. Ces dernières années ont également vu un regain certain du genre péplum, dont la rigueur et l’exactitude historiques ne sont pas toujours de mise12. Un glissement s’opère même du grand écran au simple spot publicitaire télévisuel et de l’alimentaire au cosmétique : les dieux de l’Olympe servent à la promotion des rochers au chocolat comme à celle de parfums13. Évoquons en outre l’univers de la haute couture qui se révèle également concerné : la maison Chanel, pour sa collection Cruise 2018 intitulée La Modernité de l’Antiquité, a fait défiler des mannequins semblables à des prêtresses et des déesses sous la nef du Grand Palais, transformée pour l’occasion en un décor qui rappelle le Cap Sounion14. Mais c’était sans compter sur la maison Dolce & Gabbana qui renchérit en 2019, en présentant directement sa collection dans le temple de la Concorde à Agrigente15.

Nous pouvons nous étonner d’un tel engouement pour l’Antiquité qui semble aller à l’encontre du désintérêt actuel pour l’étude des langues et cultures anciennes16. Sur le plan plus spécifique de l’histoire de l’art, n’est-il pas à l’opposé de l’exigence d’originalité qui définit, pour bien des auteurs, l’art contemporain lui-même17 ? Car nous nous situons bien loin du rejet de la tradition et du désir de faire tabula rasa qui ont caractérisé les mouvements des avant-gardes et qui ont engagé les artistes dans la recherche constante du nouveau, au mépris des canons académiques et des renvois à la tradition. S’agirait-il alors de penser le retour à l’antique comme le témoignage du rejet d’une « parenthèse moderne » ? En effet, l’ensemble du phénomène semble bien le signe d’une inscription dans un nouvel âge de la référence à l’Antiquité, au sens d’un nouveau temps fort, dont l’origine semble remonter aux années 1980 et qui s’est fortement développé durant ces vingt dernières années. Le recensement réalisé permet d’observer que l’intérêt des artistes ne cesse de s’accroître.

L’Antiquité grecque et romaine appartient désormais à un imaginaire mondial, de sorte que l’on peut considérer sa présence dans les productions artistiques comme un marqueur de la globalisation culturelle. Il s’avère donc intéressant et nécessaire d’étudier ce phénomène éminemment actuel, en ce que d’un côté, l’Antiquité semble en termes d’érudition « dévitalisée », mais de l’autre, en termes de force symbolique, elle paraît « survitalisée ». Cette « survitalisation » manifeste est rendue visible par l’utilisation récente des réseaux sociaux (sites Internet, Facebook, Twitter18 et Instagram) par les artistes, les galeristes et les institutions muséales. Ces outils de communication contribuent grandement à la diffusion de toutes les œuvres contemporaines.

Partant de l’idée que la représentation de l’Antiquité est toujours en partie une reconstitution imaginaire, quel est aujourd’hui le rêve contemporain d’antique et quels sont les contours de cette « figure du contemporain19 », pour reprendre l’expression employée par Alexandre Farnoux, Philippe Hoffmann et Paul-Louis Rinuy ? Pourquoi les artistes ressentent-ils le besoin de se référer à l’Antiquité et comment ce besoin se manifeste-t-il ? Que révèle ce phénomène de reprise et que dit-il de nous20 ?

Dans un article intitulé « Recyclage : terminologie et opérations », le philosophe et historien de l’art Georges Roque tient le discours suivant :

Il est intéressant de signaler [à cet égard] qu’un spécialiste des « spolia », celui-là même qui a ouvert ce champ de recherche, Arnold Esch, notait que pour l’archéologue, le « spolium » est un morceau qui a été retiré de l’Antiquité, tandis que pour l’historien ou l’historien de l’art, le même morceau a été reçu de l’Antiquité. D’où des méthodes différentes. Tandis que l’archéologue cherche à replacer le spolium dans son lieu d’origine, l’historien d’art tendrait à s’intéresser au nouveau contexte et à se demander en quel sens le spolium est une appropriation ou un recyclage de l’Antiquité21.

L’auteur rappelle ici un élément important qui guidera notre recherche. L’historien de l’art s’intéresse au « morceau » « reçu » de l’Antiquité. Et c’est justement dans cette visée que s’inscrivent les études portant sur la réception de l’Antiquité. En effet, ce travail de recherche relève du champ de ce que les Anglo-Saxons nomment les Reception Studies22. Nous reprendrons ici la caractérisation de Pascal Payen, qui indique que le terme de réception désigne :

[…] par différence avec celui, terne, de présence ou d’influence, un opérateur historique par lequel on s’efforce de ressaisir les modalités d’appropriation d’une culture – ici l’Antiquité – dans ses prolongements et ses résonances, en fonction des contextes qui l’accueillent et la transmettent23.

Comme le remarque à juste titre l’auteur, il s’agit d’analyser les processus de reprise, mais aussi de les comprendre. Ainsi, nous n’entendons pas simplement recenser les œuvres d’art contemporain qui réinvestissent des réalisations antiques ou font simplement allusion à une ambiance ou un décor « à l’antique ». S’il convient de saisir les modalités de transformations et traductions qu’elles mettent en œuvre, il sera aussi question d’analyser les milieux dans lesquelles sont produites les œuvres et la manière dont elles sont reçues par le spectateur. Plus encore, il s’agira d’expliciter la survivance, le nachleben warburgien, de la référence antique. En définitive, il s’agira non pas de penser la réception, mais les réceptions de l’Antiquité grecque et romaine dans l’art contemporain de 1980 à nos jours.

Les études portant sur la réception de l’Antiquité à l’époque contemporaine se sont d’abord développées outre-Manche avant de susciter un intérêt certain chez les chercheurs français, principalement les spécialistes d’histoire, de littérature et d’archéologie de l’Antiquité grecque ou romaine24. En d’autres termes, ce sont avant tout les « antiquisants » qui s’y sont intéressés. Mais, alors qu’ils se sont emparés de l’étude de l’« Antiquité après l’Antiquité25 », il faut admettre qu’à l’inverse les « contemporanéistes », singulièrement dans le champ de l’histoire de l’art en France, ne semblent pas avoir été attirés par l’étude du phénomène. Alors que les références à l’Antiquité dans le passé ont été amplement étudiées, ce n’est pas le cas pour l’actualité artistique.

De fait, les ouvrages de langue française consacrés à l’art contemporain – qu’ils soient scientifiques ou de vulgarisation –, n’évoquent que très rarement la question. Seuls quelques artistes semblent avoir la faveur des chercheurs, en raison, peut-être, de leur notoriété26. Par ailleurs, lorsque des exemples d’œuvres sont choisis pour illustrer le phénomène de reprises d’antiques, les auteurs ciblent généralement les expérimentations autour de la Vénus de Milo les plus connues du grand public : pensons aux productions anciennes d’artistes tels que René Magritte et Salvador Dalí ou, pour les plus récentes, de Jim Dine, qui remontent aux années 198027. Les œuvres qui présentent des références à l’Antiquité seraient-elles jugées rétrogrades ou insignifiantes pour être si peu examinées ? Plus encore, les étudier relèverait-il du non-conformisme (voire de l’hérésie) pour l’historien de l’art contemporain ?

En effet, ressortent de prime abord de ces créations un certain « classicisme » qui va indéniablement à l’encontre de ce que la critique attend de l’art contemporain. Il s’agit aussi, dans la plupart des cas, de productions dans lesquelles l’aspect visuel est primordial. Souvent « esthétisées », elles s’inscrivent plus encore dans ce que Umberto Eco nomme une « beauté de consommation28 », contribuant, par là même parfois, à ce que les œuvres soient qualifiées de « kitsch29 ». En définitive, les artistes adoptent les signes de la culture populaire dans un monde de l’image où les œuvres sont accessibles au plus grand nombre. Pour ne citer qu’un exemple, retenons les multiples collaborations entre l’artiste Damien Hirst et la chanteuse Rihanna en vue de la réalisation de photographies et de sculptures, entre 2013 et 2015. Ainsi, sans doute parce que les œuvres sont également de culture populaire, les historiens de l’art n’y ont guère prêté d’attention. François de Callataÿ est revenu sur le désintérêt des chercheurs vis-à-vis de la culture populaire, qu’elle s’exprime dans le champ de l’art contemporain ou dans celui des jeux vidéo, de la musique ou des mangas, « des catégories de support qui franchissent rarement les portes de l’Université30 ». Et de poursuivre : « Et moins encore les portes de l’Université en France. Il y a à cela une raison structurelle majeure : le mariage beaucoup plus abouti dans le monde anglo-saxon des sciences humaines avec les sciences sociales […]. À contrario, l’Université française maintient des murs plus étanches31 ».

De fait, les études de cas ayant pour sujet l’Antiquité dans l’art contemporain (post 1980) et de l’extrême contemporain (post 2010) sont rares. Nous retiendrons la thèse de doctorat de Polyxeni Kosmadaki, soutenue en 2003, qui peut faire écho à notre objet de recherche. Toutefois, son étude est circonscrite aux seuls artistes grecs de la deuxième moitié du vingtième siècle32. Aussi nous devons nous tourner vers les travaux des chercheurs britanniques, parmi lesquels nous pouvons citer Brooke Holmes, Karen Marta, Michael Squire, James Cahill et Caroline Vout, mais dont les textes datent seulement de 2017 et 2018. Parallèlement, Brooke Holmes et Karen Marta ont dirigé l’ouvrage Liquid Antiquity, paru aux éditions Deste (2017). Comme son titre le suggère, il vise à explorer la notion d’Antiquité liquide. Cette expression, développée dans une longue introduction par Brooke Holmes, doit être prise comme métaphore : celle d’un liquide dont les propriétés seraient d’effacer et de diluer l’original antique en diffusant, de facto à travers le temps, des représentations déformées de ce que fut l’Antiquité. Cet ouvrage, pensé en collaboration avec DESTE (fondation d’art contemporain athénienne), est véritablement le premier à proposer le dialogue entre antiquisants et contemporanéistes33. Parmi les contributeurs à l’ouvrage, nous retrouvons Polyxeni Kosmadaki mais aussi Michael Squire, à l’initiative et organisateur d’un workshop qui s’est tenu à King’s College en novembre 2017, intitulé : Modern Classicisms: Classical Art and Contemporary Artists in Dialogue. Cet événement a même donné lieu au début de l’année 2018 à l’exposition The Classical Now, dont le commissariat a été assuré par Michael Squire, Ruth Allen et James Cahill, dans une collaboration pensée avec le Musée d’Art Classique de Mougins (MACM). Le catalogue34 de cette exposition universitaire édité pour l’occasion est, à ce jour, la synthèse la plus complète existant sur le sujet car elle intègre à la fois des articles scientifiques et des entretiens avec des artistes35. Toutefois, l’ouvrage renferme davantage des études de cas, qu’une analyse globale du phénomène. C’est aussi la remarque qui pourrait être adressée aux publications de James Cahill et Caroline Vout, Flying too close to the Sun. Myths in Art from Classical to Contemporary et Classical Art. A Life History from Antiquity to the Present, toutes deux parues en 2018 et qui témoignent de l’actualité de notre sujet36.

L’absence générale d’études portant sur la réception de l’Antiquité dans l’art contemporain et de l’extrême contemporain est d’autant plus surprenante que de nombreuses expositions soulignent l’existence et l’importance du phénomène, tout en y contribuant. Des œuvres de nature très différente ont été présentées ces dernières années : en 2016, les sculptures en bronze d’Alexey Morosov et d’Igor Mitoraj ont été présentées respectivement au Musée national archéologique de Naples (Pontifex Maximus) et dans le site de Pompéi (Igor Mitoraj a Pompeii). En 2017, Damien Hirst a dévoilé le trésor de l’épave l’Incroyable (Treasures from the Wreck of the Unbelievable) à Venise, composé de sculptures parfois monumentales, à sujets mythologiques. L’année suivante, les marbres ornementés de tatouages de l’artiste Fabio Viale ont été montrés à la Glyptothèque de Munich (In Stein gemeißelt). Même les galeries d’art contemporain présentent en leurs murs des œuvres faisant explicitement référence à l’Antiquité. Pour ne citer qu’un exemple très récent, évoquons la galerie Perrotin qui a organisé au début de l’année 2020 l’exposition Paris, 3020 :Daniel Arsham a exposé une nouvelle série d’œuvres composée en majorité de répliques à l’échelle 1 de sculptures de l’Antiquité, incrustées de pierres précieuses. Dans une perspective se voulant plus globale en 2019, le Palazzo Massimo et la Crypta Balbi à Rome et le Musée Saint Raymond à Toulouse, ont mesuré la place de la référence à l’Antiquité grecque et romaine dans la culture populaire : Il classico si fa pop. Di scavi, copie e altri pasticci pour la première, Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop pour la seconde.

Ce premier état des connaissances sur le phénomène de reprises de l’Antiquité grecque et romaine dans l’art contemporain témoigne d’une littérature sur le sujet peu abondante. L’absence d’analyse portant tant sur les œuvres artistiques produites ces quarante dernières années que sur les artistes qui les façonnent et les publics qui les reçoivent, justifie pleinement l’entreprise de cette recherche sur le temps long. Nous avons remarqué que les reprises de l’Antiquité par les artistes contemporains et de l’extrême contemporain sont protéiformes, allant de l’identification explicite de ce que nous nommons l’« œuvre-source » – le Discobole dans une peinture de Pascal Lièvre par exemple –, jusqu’à l’« image antiquisante » – des éléments d’architecture ou des accessoires vestimentaires dans une photographie de mise en scène d’Eleanor Antin. En ce sens, la relation qui unit l’œuvre contemporaine et la ou les œuvres antiques dont elle s’inspire mérite d’être analysée en détail afin de saisir la diversité des modalités de traduction, de transformation et d’appropriation des pratiques hyperartistiques.

Nous recourons aux expressions de « pratiques hyperartistiques » et de « reprises » dans la mesure où elles se révèlent plus englobantes que le terme couramment utilisé de citation, qui fait d’ailleurs débat car il est en premier lieu utilisé dans le champ littéraire. La citation, c’est l’« action de citer un passage d’auteur, de reproduire exactement ce qu’il a dit ou écrit, oralement ou dans un texte37 ». Mais contrairement à la phrase qui, mise entre guillemets, conserve sa forme et son sens à l’identique, comme nous le rappelle Antoine Compagnon dans La Seconde main ou le Travail de la citation38, l’œuvre contemporaine, qui fait dans notre cas référence à l’Antiquité, présente des modifications. De la sorte, elle ne peut donc plus, à proprement parler, être citation. Ce terme est donc employé en dépit de sa relative inadéquation, comme le rappelle Lynn Bannon, dans une thèse qu’elle lui a justement consacrée, et intitulée La Citation dans l’imagerie contemporaine : le cas du transfert de médium39. Nous employons donc ici le terme de « reprise » à bon escient puisqu’il est utile à plus d’un titre. Il est englobant, c’est-à-dire qu’il permet de recouvrir la très grande variété des productions artistiques faisant référence à l’Antiquité grecque et romaine. Par là même, repriser est aussi l’action de reprendre ce qui avait été laissé, voire délaissé. Quant à l’expression de « pratiques hyperartistiques » nous l’empruntons à Gérard Genette, dans l’ouvrage Palimpsestes. La Littérature au second degré, lorsqu’il écrit :

Tout objet peut être transformé, toute façon peut être imitée, il n’est donc pas d’art qui échappe par nature à ces deux modes de dérivation qui, en littérature, définissent l’hypertextualité, et qui, d’une manière plus générale, définissent toutes les pratiques d’art au second degré, ou hyperartistiques […]40.

Cette transposition de l’hypertextualité dans le domaine artistique nous paraît intéressante à exploiter dans un premier temps. En effet, il est possible de faire nôtre la pensée de Gérard Genette, a fortiori lorsqu’il précise que : « J’entends par là [l’hypertextualité] toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte)41 » en affirmant dès lors que : « Nous entendons par pratique hyperartistique toute relation unissant une production artistique contemporaine B (que nous appellerons œuvre-cible) à une production antérieure A (que nous appellerons, bien sûr, œuvre-source) ».

Parmi les visées de ce travail, il y a également la volonté d’identifier, de distinguer et de rapprocher des catégories de création car, comme le remarque Georges Roque, exemples à l’appui, le vocabulaire utilisé pour caractériser les œuvres qui en reprennent d’autres n’est pas fixé :

Force est de constater qu’il n’existe pas d’unification du vocabulaire, et qu’au gré des auteurs, voire chez un même auteur, nous trouvons un grand nombre de termes utilisés de façon plus ou moins équivalente : « citation », « emprunt », « influence », « imitation » (dans une de ses acceptations : « action de prendre l’œuvre d’un autre modèle et s’en inspirer » [Le Petit Robert]), « détournement », « plagiat », « appropriation », etc. Il va de soi que la liste n’est pas exhaustive42.

Mais notre recherche ne saurait se limiter à catégoriser et à effectuer des typologies des œuvres artistiques. Nous souhaitons aussi analyser le phénomène de reprise de l’Antiquité en prenant en considération l’ensemble des acteurs : nous entendons accorder autant d’importance à l’étude des œuvres, qu’aux artistes et aux spectateurs. En d’autres termes, nous faisons le choix de produire une étude globale de ce qui s’apparente in fine non plus à « la réception », mais « aux réceptions » de l’Antiquité grecque et romaine dans l’art contemporain et de l’extrême contemporain. En effet, il serait réducteur de ne s’intéresser qu’aux œuvres. Les choix opérés par les artistes, tout comme les ressentis des spectateurs doivent être pris en considération, car ils permettront de penser l’histoire du goût – succès d’un médium plus qu’un autre pour produire une œuvre – ou bien encore les transferts culturels – œuvres produites en Asie extrême-orientale par exemple. La réflexion autour des transferts culturels sera d’ailleurs déterminante pour saisir le phénomène de reprises dans son entièreté, puisque comme le remarque l’historien Michel Espagne :

Transférer, ce n’est pas transporter, mais plutôt métamorphoser, et le terme ne se réduit en aucun cas à la question mal circonscrite et très banale des échanges culturels. C’est moins la circulation des biens culturels que leur réinterprétation qui est en jeu43.

Nous avons fait le choix de limiter notre étude aux quarante dernières années, en la faisant débuter au tournant des années 1980, car c’est à partir de cette période que le phénomène de reprise s’est développé avec ce que certains nomment la « post-modernité44 ». Afin de saisir et de tenter de comprendre l’intérêt pour l’Antiquité porté par les artistes, un large panel d’œuvres artistiques, des médiums variés constituent notre corpus iconographique. Il se compose en effet de sculptures, d’arts graphiques, de peintures et de photographies.

Comme notre travail concerne l’histoire immédiate, nous sommes amenée à nous tourner vers d’autres sciences sociales. En ce sens, nous reprenons le discours de l’historien Jean-François Soulet lorsqu’il affirme que :

Étudier le passé proche obéit aux mêmes objectifs et aux mêmes démarches que ceux et celles qui guident l’étude du passé lointain. Toutefois, un certain nombre de facteurs, de diverses natures, confèrent à l’histoire immédiate une spécificité : l’existence de témoins des événements décrits, les conditions d’accès à certaines sources, la particularité de plusieurs d’entre elles, la nécessaire collaboration avec les autres sciences sociales […]45.

Nous ne pouvons qu’aller dans son sens pour comprendre ce qui relève d’une véritable Odyssée des références antiques. Si les ouvrages d’histoire de l’art et d’esthétique ont été fondamentaux pour mener à bien notre étude46, il nous faut admettre qu’ils n’ont pas été les seuls. Nous nous sommes intéressée tant aux théories littéraires d’Antoine Compagnon et Gérard Genette – afin de caractériser les pratiques hyperartistiques et saisir au mieux les registres perçus par le récepteur (humoristique, tragique, merveilleux, etc.) – qu’aux recherches menées dans les domaines de l’anthropologie par Marc Abélès et Arjun Appadurai – pour ce qui a trait aux transferts culturels et au phénomène de globalisation. Marc Abélès, dans l’avant-propos à l’Anthropologie de la globalisation, dessine ses contours :

L’emploi du concept de global apparaît adéquat pour rendre compte du niveau d’intégration et d’interconnexion qui est désormais atteint et qui se traduit par la perception empirique chez les individus, par-delà leurs attaches territoriales et leurs identités culturelles, d’une appartenance à un monde global47.

Le vocabulaire utilisé par l’auteur retient notre attention tout particulièrement. En effet, les termes d’« intégration », d’« interconnexion » et d’« appartenance » font indéniablement écho aux enjeux sous-jacents de notre objet d’étude. L’Antiquité semble servir de faire-valoir pour les artistes qui recourent à elle. Ils s’inscrivent dans une tradition et un héritage culturel, ils s’y confrontent, tentent aussi parfois de les dépasser au-delà même des frontières géographiques. Ce sentiment d’appartenance et de filiation à un passé souvent fantasmé s’étend à des aires géographiques qui, de prime abord, ne pouvait le laisser supposer. En ce sens, de nouvelles connexions se font jour, et ces dernières se doivent d’être analysées. C’est pourquoi, dans le cadre de notre recherche, nous privilégierons les termes de « global » et de « globalisation » à celui de « mondialisation », puisqu’ils paraissent mieux caractériser tous les échanges de la référence antique aujourd’hui, faits de combinaisons et de convergences, par-delà même les identités et les nationalités si diverses des artistes.

Étudier et écrire sur le passé proche et le temps présent suppose aussi de nous tourner vers des sources habituellement négligées par le chercheur. Les monographies et les catalogues d’expositions (lorsqu’ils existent) se révèlent précieux au même titre que les propos des artistes recueillis directement auprès d’eux, à la suite de rencontres ou d’échanges de courriels. Les articles de presse ou de magazines spécialisés, tout comme les réseaux sociaux, font également partie des sources consultées.

Afin de comprendre le phénomène global des reprises de l’Antiquité grecque et romaine dans l’art contemporain de 1980 à nos jours, nous avons fait le choix de recourir à une base de données. Ce parti pris trouvera certainement des détracteurs : « l’approche quantitative a mauvaise presse en histoire de l’art. Au mieux on l’ignore, et plus généralement on lui reproche de vouloir mettre la beauté en équations ; d’y échouer bien sûr, lamentablement48 », rappelle l’historienne de l’art Béatrice Joyeux-Prunel. La marginalisation, voire l’absence d’analyses quantitatives dans le domaine de l’histoire de l’art, ont été soulevées dans le colloque « Art et Mesure » qui s’est tenu en décembre 2008 à l’École Normale Supérieure. Dans les actes qui ont suivi, Béatrice Joyeux-Prunel plaide pour intégrer ces analyses dans le champ de l’histoire de l’art :

Affirmons-le, au risque de susciter l’incompréhension : il est temps que les historiens de l’art se mettent aux statistiques, si modestes soient-elles, il est temps qu’ils regardent l’art plus souvent de manière globale. […] Le mépris (ou la peur) du chiffre, en effet, a eu jusqu’ici beaucoup d’inconvénients, voire des effets négatifs sur la recherche en histoire de l’art : d’un côté, comme des avares sur un tas d’or, les historiens de l’art sont assis sur des gisements de sources qu’ils ne savent pas valoriser, quand de l’autre ils acceptent souvent sans discussion les résultats douteux d’études quantitatives réalisées sans connaissance de l’histoire de l’art49.

L’utilisation d’une base de données pour mener à bien notre étude peut être justifiée de plusieurs manières. La base de données50 permet d’enregistrer aisément chaque œuvre recensée et, par là même, de la retrouver rapidement dans la mesure où ce sont au final 1 143 références qui ont été saisies entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2017. Mais au-delà du gain de temps certain pour retrouver un artiste ou une œuvre, recourir à une base de données offre la possibilité d’analyser cette dernière pour en extraire des données quantitatives. Les données obtenues révèlent des tendances qu’un simple inventaire n’aurait pas livré (nationalité des artistes, références antiques les plus mobilisées, supports et techniques employés, etc.). Les résultats peuvent prendre plusieurs formes : graphiques, diagrammes, cartographies, ou bien encore nuages de mots. Car les résultats obtenus ne sont qu’un reflet des enregistrements préalablement effectués, ils seront parfois à nuancer. En statistique, nous parlerons de « biais de sélection » puisqu’il n’est jamais possible de vérifier totalement la représentativité d’un échantillon.

Afin d’appréhender les différents niveaux d’exploration de notre objet d’étude, nous souhaitons également combiner deux approches, en premier lieu utilisées dans le champ de la sociologie : la compréhension analytique et la compréhension empathique. La première consiste à analyser les œuvres sous un angle formel et quantitatif. La seconde se veut plus subjective : elle concerne le ressenti de l’artiste, mais aussi et surtout celui du spectateur. Car il y a autant de ressentis que de spectateurs, il s’agira ici d’envisager l’éventail des réactions qui peuvent être perçues, en prenant appui sur les expériences vécues par l’auteur de ce présent travail. En ce sens, à la méthode objective se combinera une méthode davantage impressive. Ce double regard porté sur les œuvres permettra ainsi d’embrasser l’étude des réceptions, et ainsi de qualifier plus finement les œuvres de notre corpus.

Cette méthodologie singulière, que nous explicitons dans un schéma heuristique, pourra être utile à de futurs chercheurs (fig. 3). En effet, elle se veut transposable pour les études liées aux réceptions de l’Antiquité dans le champ de l’art contemporain, mais aussi pour l’ensemble des arts visuels. Par extension, elle pourra trouver une utilité pour l’analyse des pratiques hyperartistiques en général.

Schéma heuristique explicitant la méthode utilisée pour l’analyse d’œuvres 
faisant référence à l’Antiquité grecque et romaine. ©TAB.
Fig. 3. Schéma heuristique explicitant la méthode utilisée pour l’analyse d’œuvres
faisant référence à l’Antiquité grecque et romaine. ©TAB.

La première partie se propose d’analyser les œuvres à partir de leurs créateurs. Ce travail d’identification et de caractérisation est pensé par décomposition. Il nous permettra de livrer une analyse fine du corpus constitué. Après avoir identifié les références antiques les plus reprises et les matériaux les plus fréquemment utilisés par les artistes (à l’aide de la base de données), nous nous intéresserons aux modalités de transformation effectuées sur ces dernières. Leurs intentions seront également examinées. Elles seront l’occasion d’étudier dans les détails certaines œuvres qui nous semblent jouer un rôle déterminant dans la compréhension du phénomène de réception.

La deuxième partie a pour ambition d’envisager les œuvres-cible à partir de ceux qui les reçoivent, à savoir le spectateur. L’analyse des ressentis perçus à la vue des œuvres nous semble utile à plus d’un titre. En combinant les registres perçus par le spectateur aux intentions des artistes, nous pourrons qualifier avec plus de précision les diverses pratiques hyperartistiques. En effet, si les artistes apportent une tonalité à leurs créations par la transformation qu’ils appliquent aux œuvres-source (lorsque ces dernières sont identifiées), il n’en demeure pas moins que c’est bien le spectateur qui se pose en juge des intentions. Cette partie sera aussi l’occasion de fixer et de ré-évaluer le vocabulaire. À titre d’exemple, l’usage du terme « post-moderne », s’il est souvent employé lorsqu’il s’agit d’évoquer les pratiques hyperartistiques qui se sont développées à partir des années 1980, n’est peut-être pas le plus adapté pour faire état du phénomène de reprises de l’Antiquité. En outre, comme certaines modifications apportées par les artistes sur les antiques peuvent notamment amener le jugement de kitsch, il sera aussi question de revenir sur l’usage de ce terme. La troisième et dernière partie vise à comprendre pourquoi les artistes recourent à l’Antiquité grecque et romaine, au-delà de leurs simples intentions. Il s’agira dès lors de prendre de la hauteur afin d’envisager une étude globale de la réception. En effet, l’intérêt pour le passé antique ne concerne pas seulement les artistes européens. L’analyse des facteurs culturels comme commerciaux permettra de saisir le phénomène de reprises dans un monde globalisé. L’analyse de la base de données permettra de confirmer nos impressions et sera couplée, une nouvelle fois, à des études de cas particulièrement représentatives. Nous serons amenée à considérer l’ensemble des productions contemporaines sous l’angle d’un syncrétisme entre les notions de culture élitiste et de culture populaire. Enfin, il sera question d’envisager le « futur » des productions artistiques, pour paraphraser l’historien et archéologue Salvatore Settis51.

Notes

  1. Alexandre Farnoux, Philippe Hoffmann, Paul-Louis Rinuy, « Avant-propos », dans Antiquités imaginaires. La référence antique dans l’art occidental de la Renaissance à nos jours, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1996, p. VIII et X.
  2. Pendant des siècles, la nécessité de se référer à l’ Antiquité s’est trouvée au cœur de l’enseignement académique, conformément aux préceptes énoncés par Johann Joachim Winckelmann dans les Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques en peinture et en sculpture : « L’unique moyen pour nous de devenir grands et, si possible, inimitables, est d’imiter les Anciens […] ». Traduction de Marianne Charrière, Paris, Éditions Jacqueline Chambon, 1991, p. 16.
  3. Le recensement avait été réuni dans une base de données réalisée sur le logiciel FileMaker. Le fichier PDF qui en résulte est consultable à la Bibliothèque de Lettres de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.
  4. Véronique Gély, « Les Anciens et nous : la littérature contemporaine et la matière antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2009, 2, p. 19-40.
  5. Cy Twombly, Nike, 1981, huile, crayons de couleurs et graphite sur papier, 99,7 x 69,22 cm, National Gallery of Art, Washington (inv. 1986.12.3). Voir [en ligne] https://www.nga.gov/collection/art-object-page.66769.html.
  6. Yinka Shonibare, Venus de Milo (after Alexandros), 2016, 138,2 x 48 x 39 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://yinkashonibare.com/artwork/venus-de-milo-after-alexandros-2016/.
  7. Mimmo Paladino, Le cheval, 2001, pastel, dimensions et lieu de conservation non renseignés.
  8. Vera Lutter, Marble Torso of Eros, Metropolitan Museum, November 5, 2012, 2012, photographie argentique, 53 x 31 cm, lieu de conservation non renseigné. Voir [en ligne] https://veralutter.net/series/the-metropolitan-museum-of-art/.
  9. Francesco Vezzoli, Antique Not Antique : Pedicure, 2012, marbre et vernis à ongle, 10 x 10 x 15,3 cm, Museion Foundation, Musée d’art moderne et contemporain, Bolzano. Voir [en ligne] https://artsandculture.google.com/asset/antique-not-antique-pedicure/FwF9jgXODoJSwg.
  10. Entre autres séries à succès, Valérie Mangin et Thierry Démarez publient Alix Senator (Casterman, depuis 2012) et Gildas Java la série Alexandre : l’épopée (Glénat) depuis 2014. En septembre 2023, Benoît Dellac, Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet dévoilent quant à eux une nouvelle série, intitulée La Voie du glaive (Le Lombard). Dans l’univers du manga, Mari Yamazaki publie Thermae Romae (Casterman, depuis 2012) et, avec Tori Miki, Pline (Casterman, depuis 2018), tandis que Mihachi Kagano, Ad Astra (Ki-oon, depuis 2014). Voir, par ailleurs, Julie Gallego (dir.), La Bande dessinée historique. Premier cycle : l’Antiquité, coll. « Archaia », Pau, Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, 2015.
  11. Citons Age of Mythology (Ensemble Studio, 2002) ou, plus récemment encore, les Assassin’s Creed Origins et Odyssey (Ubisoft, 2017 et 2019). Laury-Nuria André a consacré un ouvrage au rapport entre Antiquité et jeux vidéo : Game of Rome. L’Antiquité vidéoludique, Caen, Passage(s), 2016. Voir également Christian Rollinger, Classical Antiquity in Video Games. Playing with the Ancient World, Londres, Bloomsbury Academic, 2020.
  12. Pensons à Gladiator (Ridley Scott, 2000), Troie (Oliver Stone, 2004), ou bien encore Pompéi (Wolfgang Petersen, 2014). Il faut reconnaître que Claude Aziza met notamment en évidence les erreurs et approximations historiques du film Gladiator, dans le Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 117-121. Voir aussi Vivien Bessières, Le péplum, et après ? L’Antiquité gréco-romaine dans les récits contemporains, Paris, Classiques Garnier, 2016 ; Laury-Nuria André, Clash of the Classics. L’ Antiquité dans le cinéma contemporain, Caen, Passage(s), 2021.
  13. Nous faisons ici allusion aux confiseries de la marque Ferrero (depuis 2005), ainsi qu’aux parfums tels que Invictus et Olympéa de Paco Rabanne (2015). Concernant les parfums, voir Tiphaine A. Besnard et Fabien Bièvre-Perrin, « L’odeur du marbre : chaleur et sensualité des corps antiquisants au XXIe siècle », dans Adeline Grand-Clément et Charlotte Ribeyrol (dir.), The Smells and Senses of Antiquity in the Modern Imagination, Bloomsbury Academic, 2021.
  14. Voir notamment Tiphaine A. Besnard et Fabien Bièvre-Perrin, « La modernité de l’Antiquité – Chanel », Antiquipop, Lyon, 04/05/2017 [en ligne] https://antiquipop.hypotheses.org/2413.
  15. Voir « The Best moments from Dolce & Gabbana Alta Moda », July 2019, Youtube [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=RQQcL6SxWwM.
  16. En effet, l’enseignement des lettres classiques décline et les départements de lettres classiques dans les universités ferment peu à peu leurs portes, comme le rappelle Mary Beard dans l’introduction à l’ouvrage Confronting the Classics. Traditions, Adventures and Innovations, Londres, Profile Books, 2013. L’auteur fait référence aux universités britanniques, mais nous pouvons évidemment remarquer qu’il en va de même pour les universités françaises et, plus largement, européennes.
  17. Voir Nathalie Heinich, « Limites esthétiques », dans Le Paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique, Paris, Gallimard, 2014, p. 60-65 ou, dans une perspective plus polémique, Jean Clair, Considérations sur l’État des Beaux-Arts. Critique de la modernité, « Chapitre premier. Les relations d’incertitude », Paris, Gallimard, folio essais, 1983, p. 13-26.
  18. Le réseau social Twitter est devenu X en juillet 2023. Pour autant, nous faisons le choix ici de garder l’ancienne appellation.
  19. Alexandre Farnoux, Philippe Hoffmann, Paul-Louis Rinuy, « Avant-propos », dans Antiquités imaginaires. La référence antique dans l’art occidental de la Renaissance à nos jours, op. cit., p. VIII et X.
  20. Nous entendons par « nous » l’artiste mais aussi celui ou celle qui découvre son œuvre. Plus généralement, le « nous » définit « notre époque ».
  21. Georges Roque, « Recyclage : terminologie et opérations », dans Luciano Cheles, Georges Roque (dir.), Figures de l’art, n° 23 « L’image recyclée », Pau, Presses Universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, 2013, p. 50. Voir, par ailleurs, Vassiliki Gaggadis-Robin, Nicolas de Larquier (dir.), La sculpture et ses remplois, actes des IIe rencontres autour de la sculpture romaine, Bordeaux, Ausonius Éditions, L’Atelier du sculpteur 1, 2019.
  22. Nous renvoyons expressément à l’ouvrage de Lorna Hardwick et Christopher Stray intitulé A Companion to Classical Receptions, Oxford, Blackwell, 2008.
  23. Pascal Payen, « L’ Antiquité après l’Antiquité. Un héritage en partage », dans Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop, cat. exp., Toulouse, Musée Saint Raymond, 22 février-22 septembre 2019, Fédora, 2019, p. 21.
  24. Nous renvoyons ici aux recherches menées par l’équipe ERASME (Équipe de recherche sur la Réception de l’Antiquité : Sources, Mémoire, Enjeux) de l’Université Jean-Jaurès et à la revue internationale, transdisciplinaire et comparatiste qu’elle dirige : Anabases. Traditions et Réceptions de l’Antiquité. Citons, par ailleurs, l’association Antiquipop. L’Antiquité dans la culture populaire contemporaine, dirigée par Fabien Bièvre-Perrin et organisateur, avec Élise Pampanay et Laury-Nuria André en 2016 à l’Université Lyon 2-Lumière, du colloque du même nom. Nous penserons aussi au groupe de recherche de l’Université autonome de Madrid Marginalia : en los márgenes de la tradición clásica, de même qu’au réseau de recherche interdisciplinaire et international IMAGINES PROJECT, dont les membres et les collaborateurs s’intéressent plus spécifiquement aux représentations visuelles modernes de l’Antiquité. Une des dernières publications de ce réseau parues en 2020, sous la direction de Filippo Carlà-Uhink, est consacrée aux parcs à thèmes : Representations of Classical Greece in Theme Parks (Bloomsbury Academic, collection IMAGINES-Classical Receptions in the Visual and Performing Arts).
  25. Voir Pascal Payen, « L’Antiquité après l’Antiquité : parcours et détours d’un projet éditorial », Anabases. Traditions et Réceptions de l’Antiquité, 1, 2005, p. 5-13.
  26. À titre d’exemple, Anne et Patrick Poirier ont fait, pour leur part, l’objet de nombreuses publications. Nous citerons de Laure Martin, Sébastien Delot, Laurie Hurwitz et al., Anne et Patrick Poirier, Paris, Flammarion, 2017 ; Françoise Jaunin, Anne et Patrick Poirier. Dans les nervures du temps, Lausanne, La Bibliothèque des arts, 2013 ; Marc Augé et Damien Sausset, Anne et Patrick Poirier : Vertiges/Vestiges – Abîmes du temps, Paris, Gallimard, 2009 ou encore Evelyne Toussaint, Anne et Patrick Poirier : Vade-mecum, Harent, Exhibitions International, 2007.
  27. Voir, par exemple, Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus de Milo et la persistance de la mémoire antique », dans D’après l’Antique, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 16 octobre 2000-15 janvier 2001, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2000, p. 462-467 ; Dimitri Salmon, La Vénus de Milo, Paris, Gallimard/RMN, 2000.
  28. Umberto Eco (dir.), Histoire de la beauté, Traduction de l’italien par Myriem Bouzaher, Paris, Flammarion, 2010, p. 41.
  29. Pour ne citer qu’un exemple récent d’article de presse, Télérama a consacré un article à l’exposition Paris, 3020 de Daniel Arsham, dans lequel nous pouvons lire : « Une exposition de la galerie Perrotin, à Paris, héberge une réplique kitsch signée de Daniel Arsham », et de poursuivre, un peu plus loin, « À nouveau le kitsch domine ». Nous noterons aussi le titre à charge « Nom de Zeus ! La Vénus de Milo transformée en œuvre d’art pour open-space », 25/01/2020 [en ligne] https://www.telerama.fr/sortir/nom-de-zeus-la-venus-de-milo-transformee-en-oeuvre-dart-pour-open-space,n6592620.php.
  30. François de Callataÿ, « Préface. Antiquipop : entre histoire de l’art et sociologie », dans Fabien Bièvre-Perrin, Élise Pampanay (dir.), Antiquipop. La référence à l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine, Actes du colloque, 26-28 mai 2016, Université Lyon 2 et Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière, Lyon, MOM Éditions, 2018, §3 [en ligne] https://books.openedition.org/momeditions/3326.
  31. Id.
  32. Voir Polyxeni Kosmadaki, Antiquité et art grec contemporain dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Thèse de doctorat soutenue en 2003 à l’Université Paris-Sorbonne.
  33. L’ouvrage rassemble, en outre, près de quarante contributions d’universitaires, de critiques, mais aussi d’artistes internationaux. Si les chercheurs et les critiques ont mené des réflexions sur des thèmes spécifiques comme le nu, l’archaïque, l’effacement ou le sublime, les artistes, quant à eux, évoquent leur pratique dans des entretiens menés puis retranscrits par Brooke Holmes.
  34. The Classical Now, cat. exp., Londres, King’s College, 2 mars-28 avril 2018, Londres, Elephant, 2018.
  35. Citons, par exemple, les entretiens menés auprès des artistes Damien Hirst, Edward Allington et Léo Caillard.
  36. James Cahill (dir.), Flying too close to the Sun. Myths in Art from Classical to Contemporary, New York, Phaidon, 2018 ; Caroline Vout, Classical Art. A Life History from Antiquity to the Present, Princeton & Oxford, Princeton University Press, 2018. Nous remarquerons d’ailleurs que le chapitre lié à notre sujet d’étude dans l’ouvrage de Caroline Vout prend la forme interrogative, à savoir « The Death of Classical Art? » comme si nous arrivions à la fin de l’histoire, marquée par un délitement de l’Antiquité, dont les œuvres de Jeff Koons ou de Matthew Darbyshire seraient le témoignage.
  37. « Citation », dans CNRTL (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales) [en ligne] https://www.cnrtl.fr/definition/citation.
  38. Antoine Compagnon, La Seconde main ou le Travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979.
  39. Lynn Bannon, La Citation dans l’imagerie contemporaine : le cas du transfert de médium, thèse de doctorat soutenue en 2010 à l’Université du Québec à Montréal [en ligne] https://archipel.uqam.ca/3537/1/D1951.pdf. Voir également Sabine Forero Mendoza, « De la citation dans l’art et dans la peinture en particulier. Éléments pour une étude phénoménologique et historique », et Pierre Beylot, « Avant-propos. La citation, un espace de problématisation des pratiques artistiques », dans Pierre Beylot (dir.), Emprunts et citations dans le champ artistique, Paris, L’Harmattan, 2004.
  40. Gérard Genette, Palimpsestes. La Littérature au second degré, Paris, Seuil, p. 536.
  41. Ibid., p. 13.
  42. Georges Roque, « Recyclage : terminologie et opération », op. cit., p. 38.
  43. Michel Espagne, « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres, 1, 2003 [en ligne] http://journals.openedition.org/rsl/219.
  44. Voir Vivien Bessières, Antiquité et postmodernité : les intertextes gréco-latins dans les arts à récit depuis les années soixante (fiction, théâtre, cinéma, série télévisée, bande dessinée). Thèse de doctorat soutenue en 2011 à l’Université Toulouse II Le Mirail.
  45. Jean-François Soulet, L’Histoire immédiate. Historiographie, sources et méthodes, « Chapitre 2. Les caractères spécifiques de l’histoire immédiate », Paris, Armand Colin, 2012, p. 43.
  46. Voir, pour ne citer qu’eux, Francis Haskell, Nicholas Penny, Pour l’amour de l’antique. La statuaire gréco-romaine et le goût européen (1500-1900), traduit de l’anglais par François Lissarague, Paris, Hachette, 1988 ; Yves Michaud, L’Art à l’état gazeux. Essai sur le triomphe de l’esthétique, Paris, Fayard, coll. Pluriel, 2010 ; Christophe Genin, Kitsch dans l’âme, Paris, J. Vrin, 2010.
  47. Marc Abélès, « Avant-propos », dans Anthropologie de la globalisation, Paris, Pavot & Rivages, 2012, p. 8.
  48. Béatrice Joyeux-Prunel, « L’histoire de l’art et le quantitatif. Une querelle dépassée », Histoire & Mesure, XXIII-2, 2008 [en ligne] https://journals.openedition.org/histoiremesure/3543.
  49. Béatrice Joyeux-Prunel, « L’art et les chiffres : une mésentente historique ? Généalogie critique et tentatives de conciliation », dans Béatrice Joyeux-Prunel (dir.), L’Art et la Mesure. Histoire de l’art et méthodes quantitatives, Paris, Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2010, p. 33.
  50. Nous avons utilisé le logiciel FileMaker Pro Advanced développé par Apple et fonctionnant sous Mac OS X puisque contrairement à Base (OpenOffice) ou Access (Microsoft Office), il permet de moduler les champs à n’importe quelle étape du recensement sans perdre ce qui a été enregistré précédemment. Son interface est aussi bien plus agréable et facile d’utilisation que les autres logiciels.
  51. Salvatore Settis, Le Futur du classique, Paris, Éditions Liana Levi, 2005.
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EAN html : 9782353111725
ISBN html : 978-2-35311-166-4
ISBN pdf : 978-2-35311-173-4
Volume : 19
ISSN : 2741-1818
Posté le 20/05/2024
17 p.
Code CLIL : 3385; 3667;
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Besnard, Tiphaine Annabelle, “Introduction”, in : Besnard, Tiphaine Annabelle, L’odyssée de l’art néo-néo. Quand l’Antiquité grecque et romaine inspire l’art contemporain, Pessac, Presses universitaires de Pau et des pays de l’Adour, collection PrimaLun@ 19, 2024, 19-36, [en ligne] https://una-editions.fr/odyssee-neo-neo-introduction [consulté le 20/05/2024].
10.46608/primaluna19.9782353111725.5
Illustration de couverture • Idée et montage : Tiphaine Annabelle Besnard.
De la tête aux pieds de la Vénus de Milo reconstituée
- Léo Caillard
- Daniel Arsham
- Fabio Viale
- Pascal Lièvre
- Hui Cao
- Yinka Shonibare
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