Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 1, 1961, 8-16.
Je n’ai pas l’intention de refaire dans ces quelques lignes l’histoire de la ville de Bazas, je n’en aurai ni la place ni la possibilité car il n’existe jusqu’à ce jour aucune histoire complète de Bazas et moins encore du Bazadais. Ce que je voudrais c’est seulement évoquer les très grandes lignes de l’histoire de cette ville en dégageant les fonctions qu’elle a autrefois remplies et celles qu’elle peut encore exercer aujourd’hui.
C’est avec la conquête romaine en 56 avant notre ère que Bazas est entré dans l’histoire. Déjà le site de la ville actuelle qui portait alors le nom de Cossio était occupé par une tribu aquitaine. Peut-être les tumuli de Cudos et de Marimbault et les découvertes qu’on y a faites sont-ils les plus anciens documents que nous possédions sur ce peuple ; il aurait ainsi participé à la civilisation du Fer dite de l’Hallstattien prolongé qui a recouvert le Sud-Ouest de la Gaule du Ve au Ier siècle avant notre ère. Si Crassus le lieutenant de César fit perdre aux Vasates de Cossio leur indépendance, du moins Rome fit-elle de leur oppidum la capitale d’une cité aux limites mal connues mais englobant sans doute le territoire le plus vaste qu’ait jamais recouvert le nom de Bazadais. Devenue ensuite une des neuf cités de la Novempopulanie, Cossio connut alors un essor urbain dont il ne nous reste malheureusement aucun monument. Du moins gardons-nous le souvenir de quelques hommes illustres nés dans cette ville et en particulier du père du poète Ausone. Au IIIe au IVe siècle, nous ignorons quand, devant les invasions barbares et les troubles politiques qu’elles provoquèrent, Bazas (c’est alors qu’eut lieu sans doute la disparition du nom de Cossio), s’enferma dans ses murailles. Désormais et jusqu’au XVIIIe siècle il ne devait plus guère en sortir et conserva ainsi jusqu’à la Révolution l’allure d’une forteresse. À cette coupure dans l’histoire de son évolution urbaine en correspond une autre aussi importante sinon davantage et à peu près contemporaine, son érection en évêché puis en seigneurie ecclésiastique. Ce fait lui aussi devait durer jusqu’en 1792.
S’il fallait chercher un symbole à la première de ces transformations c’est dans le siège de Bazas par les Goths au Ve siècle que nous le trouverions. Paulin de Pella nous en a laissé le récit dans son ouvrage autobiographique L’Eucharisticon. Paulin qui avait fui Bordeaux se vit enfermé dans Bazas par les soldats du roi wisigoth Ataulph en 412 ou 414. Aux prises en outre, ainsi que les autres notables, avec une révolte servile ou populaire il réussit à sauver la ville de l’assaut en poussant à la trahison Goar, roi des Alains, allié des Wisigoths. Bazas ne fut pas pris. Ce n’était sans doute pas le premier siège que la ville subissait, ce n’était pas non plus le dernier.
Bazas par son site fut en effet longtemps pour son possesseur une place forte sûre, une base de départ et une position de repli pour d’éventuelles campagnes. On comprend ainsi l’acharnement avec lequel la ville fut assiégée ou défendue au cours des conflits que connut notre région jusqu’au début de l’époque moderne. Le site de Bazas se présente sous la forme d’un éperon triangulaire dont la pointe est dirigée vers l’est. Sur les deux faces nord et sud on trouve des abrupts. Celui du nord domine le ruisseau de Saint-Vincent et l’hôpital, celui du sud le vallon du Beuve. Il existe du côté de l’est où les deux rivières se réunissent une coupure qui isole du reste de la ville un quartier dit des Capucins et qui fut sans doute avant le XVIIe siècle un fort détaché, puis un cimetière, celui de Saint-Vital. Du côté de l’Ouest le promontoire se rattache au plateau. C’est là que la main de l’homme est surtout intervenue pour créer des défenses artificielles. On ignore où s’arrêtait l’oppidum de Cossio mais il était certainement plus réduit que la ville romaine des deux premiers siècles de notre ère. La limite du Ve siècle qui jusqu’en 1789 est sans doute restée la même est actuellement occupée par la ligne des Cours. Pendant tout le Moyen Âge il a existé d’ailleurs des quartiers hors les murs ; celui de Saint-Martial ou de la Targue (actuellement du palais de Justice) fut sans doute le plus ancien au sud-ouest, puis la ville se développa à l’époque moderne dans les quartiers de l’Eyre vieille au nord-ouest et de Saint-Antoine au nord.
Les murailles là où elles subsistent, ne sont guère plus anciennes que le XIIIe siècle. Les portes ont toutes disparu, au XIXe siècle seulement, sauf une porte fort restaurée, celle du Gisquet, et une poterne dénaturée par les usages qu’on en fait celle de la Brèche. Ailleurs il ne reste plus que des trous ouvrant sur des rues qui aboutissent toutes sur la place de la cathédrale.
Tel fut pendant des siècles le cadre urbain de Bazas qui est encore celui d’aujourd’hui, et le souvenir de la vieille forteresse est ainsi toujours présent. Sans vouloir en faire revivre ici tous les grands jours, évoquons seulement les principaux sièges qu’elle a subis suivis la plupart du temps par un changement de maître. Après les Vandales viennent les Wisigoths vers 412, les Vascons au VIe siècle, sans doute les Arabes vers 750, puis les Normands en 853. Au XIIe siècle Bazas dut résister aux évêques d’Agen puis aux sires d’Albret ; au XIIIe siècle il fut aux prises avec Simon de Montfort. Il entre ensuite dans le grand cycle de la guerre de Cent Ans passant tantôt aux mains des Anglais tantôt dans celles des Français. En 1343 c’est Derby qui s’en empare, mais trente ans plus tard le duc d’Anjou et Bertrand du Guesclin le reprennent jusqu’au jour de 1423 où le comte de Longueville et John Radcliff le ramènent du côté anglais. Soulevé en 1442 Bazas devait désormais rester français mais au prix de combien de ruines qui n’étaient pas les dernières. Ce furent en effet les guerres de religion qui portèrent le plus grand coup à Bazas. Prise la nuit de Noël 1561 par les réformés la ville repasse aux mains des catholiques au début de l’année suivante pour retomber la veille de l’Ascension aux mains des protestants. Ceux-ci enfin chassés, Bazas respira. De 1576 à 1583 il subit cependant une nouvelle fois l’occupation protestante qui se solda par la destruction systématique de tous les édifices religieux. Désormais, mis à part une faible participation à la Fronde, Bazas ne devait plus connaître de guerre. Son rôle de ville frontière était achevé depuis 1453. Le développement de l’autorité monarchique ne laissait plus de place aux guerres civiles et de toute façon ses murailles auraient été désuètes pour résister à l’artillerie. Depuis le XVIe siècle ses remparts n’ont ainsi cessé de crouler sous le lierre.
Heureusement Bazas possédait pour vivre d’autres fonctions plus pacifiques, plus durables aussi, et en particulier celles qu’il tirait de son titre épiscopal.
Le christianisme selon une légende locale serait apparu de bonne heure à Bazas. D’après une tradition recueillie au VIe siècle par Grégoire de Tours dans le Liber in Gloria Martyrum une matrone bazadaise se serait trouvée en Palestine au moment de l’exécution du Précurseur. Elle aurait obtenu la faveur de recueillir son sang dans une conque d’argent et aurait ensuite regagné Bazas pour y élever un oratoire abritant la précieuse relique et placé sous le vocable de Saint-Jean. Pour être parvenu à Grégoire de Tours le récit était déjà fort ancien au VIe siècle. Certains se sont efforcés d’authentifier cette tradition. Quoi qu’il en soit elle a laissé ses traces dans le blason du chapitre et dans les armes de Bazas et elle explique le titre de Saint-Jean-Baptiste donné à la cathédrale. Il est peu probable cependant qu’il y ait eu un évêque à Bazas avant le Ve siècle même si le christianisme est arrivé plus tôt. Le premier connu est Sextilius qui participe au concile d’Agde en 506. Il eut plus de soixante successeurs jusqu’à Mgr de Saint-Sauveur qui mourut en 1792.
Pour bien comprendre le rôle qu’ont joué les évêques dans leur ville pendant plus de mille ans, il suffit d’évoquer leur titre, Episcopus et Dominus vazatensis, évêque et seigneur de Bazas qu’ils portèrent jusqu’en 1789. Évêques ceux de Bazas le furent. Même si pour beaucoup d’entre eux nous ne connaissons guère que leur nom, ils nous ont laissé un témoignage collectif de leur foi, la cathédrale. Cela suffit à leur gloire. Cette cathédrale détruite par les Normands d’après la chronique fut reconstruite au XIe siècle et consacrée par le pape Urbain II. L’ensemble devait être remanié au XIIe siècle et entièrement repris au début du XIIIe siècle par l’évêque Arnaud de Pins qui en 1233 fit poser la première pierre du nouvel édifice. Le chevet ne fut terminé qu’au début du XIVe siècle grâce aux générosités du pape Clément V, le reste de l’édifice aux XVe et XVIe siècles mais il ne s’agissait plus là que de retouches ou de compléments de détail. Cette œuvre menée à bien à travers plusieurs siècles au prix sans doute de nombreux sacrifices devait être anéantie en 1576 par le vandalisme protestant. Seuls restaient encore debout le chevet, les murs extérieurs et la façade pour lesquels les Bazadais payèrent une rançon considérable. Il appartint à celui qui fut sans doute le plus grand des évêques de Bazas, Arnaud de Pontac, de relever son église. Il ne vit pas l’achèvement des travaux qui furent terminés par son oncle et son neveu, mais on peut affirmer que sans lui la cathédrale n’existerait plus. Arnaud de Pontac fut en son temps célèbre à d’autres titres, par ses connaissances en particulier, qui lui valurent le nom de docteur gallican, par sa charité, par le soin qu’il apporta à l’administration de son diocèse. Il continuait en cela une tradition qui devait se poursuivre jusqu’à la Révolution. La place nous manque ici pour évoquer les noms de tous ceux qui, au cours des siècles, se rendirent célèbres. Signalons cependant Gaillard de La Motte qui accompagna Richard Cœur de Lion à la IIIe Croisade ; au XVIe siècle le cardinal Amanieu d’Albret et Foucauld de Bonneval qui accueillit l’imprimeur Claude Garnier ; Jaubert de Barrault qui vécut au XVIIe siècle et fut plus tard archevêque d’Arles ; auteur de nombreux ouvrages contre les protestants, il établit les capucins à Bazas ; Nicolas de Grillié, Benn Lifolfi-Maroni le janséniste, célèbre par son esprit de pauvreté, qui créa un séminaire à Gans et qui fut évêque de 1634 à 1645 ; Joseph de Gourgues qui régna de 1693 à 1724, et qui fit construire le séminaire de Bazas ; Edme Mongin avant-dernier des évêques, membre de l’Académie française ; Grégoire de Saint-Sauveur enfin qui mourut après quarante-six ans de règne en simple citoyen et fut enseveli dans le cimetière de l’Hôpital.
Ces évêques furent aussi des seigneurs. Le château attenant à leur cathédrale était en quelque sorte la citadelle de Bazas. Mais leurs fonctions temporelles s’exerçaient en réalité dans des domaines plus pacifiques : la justice et l’administration. Ces pouvoirs les évêques les avaient sans doute acquis au IXe siècle dans la déliquescence politique de l’époque où ils constituaient le seul corps encore organisé. En fait ces pouvoirs ne cessèrent de s’amoindrir et l’histoire de Bazas est à certains égards celle de la disparition progressive des pouvoirs de l’évêque.
Dès 1140, l’évêque Forton appelle les chanoines du chapitre à s’associer à lui. En 1283, les deux co-seigneurs concluent un contrat de paréage avec Édouard Ier, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine qui reçut la moitié de la juridiction de la ville et de la banlieue de Bazas. Déjà cependant une commune était apparue : dès 1242 elle obtenait des privilèges du roi et en 1340, par convention passée avec l’évêque, elle contribuait à l’administration de la ville. Sauf quelques modifications de détail, ce partage entre le corps religieux et les Bazadais dura jusqu’en 1789 dans les domaines administratif et judiciaire.
Dans le premier c’est la jurade qui devait occuper la place la plus importante jusqu’au XVIIe siècle, époque où elle se heurta au pouvoir royal. Louis XIV créa, en effet, des jurats perpétuels qui ne furent remplacés à nouveau qu’en 1746 par un corps de ville élu comprenant un maire, quatre jurats et un procureur syndic ; mais à ce moment-là la jurade trouva face à elle le subdélégué de l’intendant, poste occupé par les membres de la famille Bourriot.
Dans le domaine judiciaire c’est la monarchie qui devait très tôt se tailler la part du lion. Au plus bas degré, en effet, l’évêque et le chapitre ne possédaient plus au XVIe siècle que la justice seigneuriale qu’ils partageaient avec le juge royal en vertu du paréage de 1283. La jurade ne disposait d’autre part que de droits assez limités. En fait à ce niveau l’essentiel appartenait au prévôt royal. Au-dessus, la justice du sénéchal qui connaissait en appel des sanctions, était jumelée depuis 1553 avec celle du présidial créée par Henri II et confiée à un lieutenant civil, à un lieutenant criminel et à des conseillers. Ces magistrats devaient fournir à Bazas quelques hommes de grande valeur au même titre que la jurade. Ils ont largement contribué à la naissance du Bazas monumental et de nos jours il reste encore plusieurs maisons qu’ils firent élever comme celle d’Andrault sur la Grand-Place, ainsi que le siège du tribunal en avant de la mairie.
La révolution fut pour Bazas une catastrophe. La disparition de l’évêché ne fut pas seulement une décadence dans la hiérarchie religieuse. Jointe à la suppression du sénéchal et présidial qui était né de la fonction épiscopale, ce fut pour la ville une terrible perte de prestige. On créa par la suite un archiprêtré, mais sans commune mesure avec l’évêché et qui a connu ces derniers temps une nouvelle réduction de son ressort. On remplaça le tribunal du présidial et sénéchal par un tribunal civil et correctionnel qui est devenu une simple justice d’instance après avoir risqué disparaître définitivement. On mit en lieu et place de l’ancien subdélégué un sous-préfet qui a été emporté avec la réduction du nombre des sous-préfectures durant l’entre-deux-guerres.
Déchue dans son rôle religieux judiciaire et administratif, Bazas n’est plus qu’une commune. Cette fonction municipale apparue dès le XIIIe siècle et qui est encore bien vivante c’est le cœur de la cité et ce cœur bat encore, car Bazas n’est pas une ville morte et ne semble pas du tout condamné à le devenir.
D’abord cette ville a été toujours située sur une voie de passage et peut-être même est-elle née de cela. Toute son histoire en porte des témoignages nombreux et illustres. Il serait facile de signaler tous les personnages célèbres qui sont venus à Bazas, depuis Urbain II, Richard Cœur de Lion et Henri III d’Angleterre. Contentons-nous d’évoquer ici les noms de ceux qui y sont passés parce que Bazas se trouvait sur la route que tout voyageur allant de France en Espagne ou en sens inverse est plus ou moins obligé de prendre : François Ier au retour de Madrid en 1526 ou de son mariage avec Eléonore d’Autriche sœur de Charles Quint, dans une chapelle près de Captieux en 1530 ; Charles Quint lui-même allant aux Pays-Bas qui, un soir de mai 1530, remonte la rue Saint-Martin à la lueur des torches ; Louis XIV qui passe le 7 octobre 1659 pour aller signer le traité des Pyrénées, puis le 22 juin 1660 après son mariage à Saint-Jean-de-Luz avec l’infante Marie-Thérèse ; Philippe V, son petit-fils, qui y couche le jour des Rois 1701, avec ses frères Berry et Bourgogne ; Napoléon Ier, qui le 13 avril 1808, se dirige vers Bayonne, puis au mois de mai Charles IV d’Espagne et son fils Ferdinand, maintenant prisonniers ; Napoléon, à nouveau en novembre 1808 et janvier 1809. Nous n’avons cité que les rois et les empereurs. Mais il y eut aussi beaucoup d’autres personnages plus ou moins illustres et la foule anonyme des voyageurs depuis les pèlerins de Saint-Jacques jusqu’aux modernes touristes. Il arrivait autrefois à certains d’entre eux de mourir à Bazas. Ils y étaient souvent ensevelis au cimetière de Saint-Hippolyte où l’on a retrouvé de nombreuses pièces de monnaies des pays étrangers. De nos jours l’automobile a pris le relais des diligences et la route des petites Landes, puis impériale numéro 10, est par la volonté de la IVe République la route nationale numéro 132. Ce n’est pas ce changement qui a terni son passé ni amoindri son activité.
À côté de ce rôle de ville étape, Bazas n’a jamais cessé non plus de remplir deux autres fonctions, l’une universitaire, l’autre hospitalière.
La première est fort ancienne. Sans remonter ici jusqu’à l’époque gallo-romaine, on peut affirmer que dès le XIIe siècle existait à Bazas une école cathédrale. Au XVIe siècle on trouve la mention d’“escoliers” et de “maistre écrivain” dans les registres de la cathédrale et c’est à cette époque que l’imprimeur Claude Garnier vint dans notre ville pour y imprimer le Bréviaire de Bazas et le Baptista Salvatoris. Mais c’est surtout au XVIIe siècle que l’essor devait être remarquable. En 1632, l’évêque Nicolas de Grillié établissait les Ursulines là où se trouve le collège Saint-Jean. Elles y restèrent jusqu’en 1792. Il existait d’autre part, depuis 1602 au moins, un collège de garçons qui en 1681 fut confié aux Barnabites et qui resta établi lui aussi jusqu’en 1792, rue des Bancs-Vieux, là où sont installées actuellement les sœurs de la Doctrine chrétienne. En 1696 enfin, Mgr de Gourgue déplaçait le séminaire annexé au collège dans un bâtiment neuf qui est le lycée municipal actuel.
En 1792, tous ces établissements furent fermés. Après la tourmente révolutionnaire les Ursulines se rétablirent en 1807, mais dans l’ancien collège de garçons des Barnabites où les sœurs de la Doctrine chrétienne leur ont succédé aujourd’hui. L’enseignement des garçons a connu plus de vicissitudes. Ce n’est que de 1828 à 1907 qu’il y eut un collège organisé dans les locaux de l’ancien séminaire par les soins du clergé diocésain. Il fut à cette époque fermé et transformé en école supérieure laïque de jeunes filles. C’est le lycée actuel. Parallèlement au collège religieux, s’était développée depuis 1817 une école tenue par les frères des écoles chrétiennes dans l’ancien couvent des Ursulines et qui est devenue le collège Saint-Jean.
Ces trois établissements, un laïque et deux libres, joints au collège d’enseignement général, au centre d’apprentissage et aux écoles primaires donnent aujourd’hui une population scolaire qui dépasse largement le millier et qui pour une part est étrangère à Bazas.
Le rôle hospitalier de Bazas est lui aussi fort ancien. Nous savons en effet qu’en 1516, un cimetière était béni à côté de l’hôpital Saint-Antoine. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul y arrivèrent peu de temps après la mort du fondateur de l’Ordre et en 1739 de grandes fêtes eurent lieu à l’occasion de sa canonisation dans le bâtiment construit sans doute peu de temps auparavant par Mgr de Gourgues et que nous voyons encore aujourd’hui. En 1741, Mgr Edme Mongin patronnait même une compagnie des dames de la charité dont nous avons conservé les statuts. L’établissement a continué à remplir son rôle au cours des siècles, recevant en particulier les blessés de la guerre d’Espagne sous Napoléon Ier. De nos jours, agrandi sans cesse, il est devenu un véritable centre hospitalier modèle du genre alliant étroitement modernisme et tradition.
Nous ne voudrions pas enfin terminer cette rapide esquisse sur les fonctions actuelles de Bazas, sans évoquer son rôle commercial et économique. Cette petite ville rayonne en effet sur une campagne qui, malgré sa diversité lui a été toujours indissolublement liée. Deux produits faisaient autrefois la richesse de la campagne bazadaise, la culture de la vigne et l’élevage. De nos jours, seul celui-ci a gardé de l’importance et pourrait devenir la vraie richesse de la région. Autrefois la ferme de la boucherie était pour la jurade une importante source de revenu. Tous les ans, le jour de la fête de Saint-Jean-Baptiste, les jurats précédés des valets de ville et vêtus de leurs robes rouges et noires, se dirigeaient en cortège, tambour battant et cloche sonnante, vers la grande boucherie. L’un des fermiers leur offrait alors “un taureau entier de ses membres et enfermé dans une loge”. La coutume signalée en 1587, disparut en 1789. L’élevage du bétail de la race bazadaise n’en a pas moins duré jusqu’à nos jours faisant le renom des foires aux veaux de Bazas. Des ressources nouvelles sont apparues, celles de la forêt dans la partie landaise du Bazadais, celles apportées par la culture du tabac dans la partie garonnaise. Il semble malheureusement que l’on soit de nos jours à la veille d’une crise catastrophique dans ce domaine. L’agriculture bazadaise présente d’ailleurs encore des défauts certains : étendue trop restreinte de nombreuses exploitations, rendant impossible sur le plan de la rentabilité tout effort de mécanisation, anachronismes techniques tels que les joualles, maintien d’une polyculture qui est mauvaise, parce qu’elle ne sait pas choisir deux ou trois productions bien déterminées. Malgré tous ces handicaps l’agriculture bazadaise dispose cependant d’atouts majeurs dans les multiples possibilités de son sol, et la longue tradition agricole de ses habitants.
Les activités industrielles n’ont jamais fait défaut non plus à la ville de Bazas et à ses environs. Le temps n’est plus où l’on entendait les moulins de la fabrique de faïence du ruisseau Saint-Vincent, où la verrerie de la Magine produisait près de 3 000 bouteilles par jour. Disparue aussi l’époque où la bougie bazadaise était si renommée qu’il s’en exportait même en Espagne. Aujourd’hui un renouveau industriel, marqué par la naissance de deux entreprises travaillant dans la céramique et le textile, atteste des possibilités industrielles de la ville.
Il ressort de ces quelques lignes, que si Bazas a autrefois rempli les fonctions d’une place forte, d’un évêché, d’un tribunal, d’une capitale en un mot, leur disparition n’a pas entraîné la mort de la cité.
À ces activités révolues, d’autres aussi vieilles ont succédé en conservant un prolongement dans le présent, activité municipale, routière, hospitalière, universitaire, économique. Si elles sont bien vivantes il s’en faut cependant que toutes les possibilités aient été exploitées dans ces domaines. Il n’est pas de notre propos d’aborder maintenant un tel problème. Nous espérons qu’il sera un jour résolu et donnera ainsi une ample matière aux historiens de demain.