Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 8, 1965, 1-7.
Canton de Langon (suite)
Langon (fin)
Époque indéterminée
Découvertes de l’église Saint-Gervais
Me Lafargue a consacré différents articles aux découvertes faites aux alentours de l’église Saint-Gervais. Il en parle d’abord au tome IV de ses Notes intitulé : “Établissements publics”, dans le chapitre III où il traite de l’église Saint-Gervais :
a) – “Lorsqu’en Juin 1821, on fit les fondations d’un nouveau porche, on trouva les traces d’un gros mur, large de quatre pieds et complètement bâti en grandes pierres de taille oblongues, bien unies sur leur parement. Ne serait-ce pas un ancien bâtiment atterri ? La direction est sous terre depuis le centre de la porte d’entrée allant directement au couchant. Il existe encore”.
b) –Il ajoute plus loin :
“En creusant les fondements de la maison curiale (qui plongent jusqu’à 16 pieds), on trouva dans le terrain qui fut cimetière autrefois un four à chaux dont la voûte était vers les 14 pieds et le fond vers les 20 pieds de profondeur. Ces 20 pieds de terre ont donc été superposés en quel temps ?… alors, l’église actuelle, si elle existait, était élevée de 20 pieds au-dessus de la place qu’elle avait à l’Ouest. Cependant, le cimetière qui était anciennement au midi et où est la grande route, était de niveau avec le sol. Qui expliquera la profondeur de ce four ? Ce doit être postérieurement à quelque siège pendant lequel on cuisit des briques pour réparer les brèches des murs de clôture et des portes”.
Me Lafargue a repris ces notes à la fin du même chapitre en les accompagnant d’un croquis :
c) – “Au levant de l’église et au centre du bâtiment passant sous la porte d’entrée, se trouve, environ à 10 pieds de profondeur, un mur très épais allant de l’Est à l’Ouest. On en a perdu forcément la trace à l’entrée de l’église ; mais, au couchant du bâtiment, en suivant la ligne qui fait le centre du sanctuaire, là même où a été creusé le puits de la maison curiale, s’est trouvé un autre mur fortement bâti dont l’épaisseur n’a pu être déterminée et dans une ligne oblique du bâtiment. Il doit aboutir à l’arc-boutant nord du sanctuaire, mais ne doit pas s’étendre beaucoup au midi, attendu qu’on ne l’a pas trouvé en creusant le fondement où est la maison curiale, au-dessous de laquelle on ne peut pas présumer qu’il passe, puisqu’ils plongent dans cette partie au-dessous de 16 pieds.
Nous noterons que la plupart des pierres qu’on a extraites de ce mur souterrain paraissent avoir été la proie d’un incendie et que, non loin de ces murs, dans leur direction, était un four à brique, vers le lever du soleil en été, et en tout perpendiculaire à la façade de l’église de Saint-Macaire qu’on peut rapporter au IXe siècle. La brique du four était plus épaisse que l’actuelle. À 20 pieds de profondeur, on a trouvé des traces d’un battant et notamment de portes en fer ; les bandes et les gonds ne diffèrent pas des actuels”.
Au tome V, qui constitue la suite de la rubrique des “Établissements publics”, Me Lafargue a encore complété ces notes au chapitre des “Antiquités locales” (p. 55) :
d) – “Ainsi, sous l’église et à plus de 15 pieds de profondeur, sont des fondements qui décèlent un édifice plus vaste, plus fort en épaisseur de murailles, plus loin des fours à chaux et à brique, sous la chaussée qui longe l’église actuelle et à 9 pieds des tombes nombreuses, de formes étranges. L’église elle-même, si excavée jadis, parait avoir été autrefois de plain-pied. Les ruines se sont amoncelées avec les sièges et les démolitions, fruits des siècles et des saccages. Pareille chose se remarque aux pourtours tous plus élevés que les maisons qui y aboutissent ; tout décèle que le sol nu sur lequel on marchait autrefois est bien inférieur au pavé moderne de nos rues et de nos places”.
Me Lafargue, qui tenait d’autre part une sorte de journal, a consigné enfin au tome VIII de ses Notes, ces découvertes à l’époque où elles eurent lieu :
e) – “Avril 1823 : En creusant les fondements de la maison curiale, dans l’ancien cimetière, le terrain se trouvant peu solide, on a été obligé de plonger jusqu’à 16 à 18 pieds ; à 16 pieds, on a trouvé la voûte d’un four à chaux dont le sol doit être à 21-22 pieds du niveau de l’église. Il fut donc fait autrefois un remblai de main d’homme ou par alluvions. L’église dominait donc le sol environnant, à l’Est notamment”.
f) – “1829 : En fouillant pour la construction du pont ; la partie ouest de la terrasse, presque vis-à-vis la porte d’entrée de l’église, on a retrouvé ce mur épais que nous avons signalé à l’Est, à la porte de l’église et dans le puits de la maison curiale”.
g) – “1845, 15 juin : On creuse en ce moment un canal pour le dégorgement des eaux pluviales de la route royale en Espagne, et, comme nous l’avons conjecturé et tracé ci-contre, entre la tête du pont et l’église, parallèlement à sa direction centrale et perpendiculairement à la tête du pont, on retrouve ce mur large de 1,50 m. À côté de lui, étaient enfouies deux pierres oblongues, d’un mètre, sculptées de deux rangs d’oves portant des traces d’incendie”.
h) – Il ne semble pas que ces découvertes aient donné lieu à des publications particulières. Dans le Musée d’Aquitaine de 1823, il est bien question de découvertes de tombes, celles dont il est fait mention aux rubriques précédentes d et e, mais nous les écartons de cette étude, car elles nous paraissent assez récentes.
i) – Dans les Comptes Rendus de la Commission des Monuments historiques, on ne trouve d’autre part que des renseignements très vagues :
“Des fondations antiques, des tuiles parementées, un assez grand nombre de médailles trouvées sur le bord de la Garonne, entre l’église paroissiale Saint-Gervais et l’Hôtel de France, sont les seules traces qu’a laissées peut-être la villa de Saint-Paulin mentionnée dans les lettres de Sidoine Apollinaire”.
j) – L’abbé Lacave est le seul auteur qui ait fait allusion à ces découvertes :
“Dans les caves des maisons environnantes, nous dit-il, et tout près de l’église, on a déterré des débris considérables de tuiles et de briques romaines, avec des vestiges de fours à chaux, et des tombes aux formes les plus étranges”.
Si nous avons, pour la commodité de l’exposé, présenté d’abord tous les documents se rapportant aux découvertes faites aux environs de l’église Saint-Gervais, il importe maintenant d’y apporter un peu de lumière.
Ce mur fut découvert en juin 1821, lors du creusement des fondations d’un nouveau porche aujourd’hui disparu (a). On le rencontra encore à deux reprises, en 1829, en faisant les fouilles pour la construction du pont (f), et le 15 juin 1845, en aménageant un canal pour l’évacuation des eaux de la route royale (g). Me Lafargue nous précise ailleurs son emplacement exact : “au levant de l’église et au centre du bâtiment (le porche), passant sous la porte d’entrée” (c), “dans la partie ouest de la terrasse, presque vis-à-vis la porte d’entrée de l’église” (f), “entre la tête du pont et l’église” (g).
Le mur se trouvait à une profondeur de “10 pieds environ” (c), soit un peu plus de trois mètres. Il était orienté suivant l’axe de la nef de l’église, dans le sens Est-Ouest (a, c, g). Me Lafargue précise encore qu’il s’agissait “d’un gros mur, large de 4 pieds” (a) “très épais” (c, f,) “large de 1,50 m” (g). Il était “complètement bâti en grandes pierres de taille oblongues, bien unies sur leur parement” (a).
Pierres sculptées
Ces deux pierres “oblongues, d’un mètre, sculptées de deux rangs d’oves, portant des traces d’incendie”, furent découvertes en juin 1845, à proximité du mur.
Peut-être provenaient-elles de la partie supérieure de cette construction dont elles constituaient une frise ou une corniche.
Mur de la façade est de l’église (B du plan)
C’est au cours du creusement des fondations et du puits de la maison curiale que cette découverte et celles qui suivent eurent lieu. Le nouveau bâtiment étant implanté sur l’ancien cimetière, dont le sol était trop meuble, on fut obligé de descendre les fondations “jusqu’à 16 à 18 pieds”, soit 5 à 6 mètres (b, d, e).
Ce mur se trouvait “là même où a été creusé le puits de la maison curiale” (c), comme l’indique d’ailleurs le plan de Me Lafargue, qui commet toutefois une petite erreur d’orientation lorsqu’il dit “au couchant” pour “au levant” (c). Le mur était disposé de façon oblique par rapport à l’axe de la nef et donc par rapport au mur précédent (c), et devait aboutir à l’arc-boutant nord de l’église (c). Vers le sud, par contre, on ne le retrouva pas lors du creusement des fondations de la cure bien qu’on fut descendu à 16 pieds (c).
Fait important à signaler, les pierres du mur étaient sinon calcinées, du moins portaient-elles des traces d’incendie.
Four à chaux (C du plan)
Découvert dans les mêmes conditions que le mur, il se trouvait situé entre le clocher et la cure actuelle. La voûte était à 14 (b) ou 16 pieds (e) de profondeur, le sol à 20 (b) ou 21-22 pieds de profondeur (e). Ce qui donne respectivement 4,62-5,28 m et 6,60-7,26 m. L’ouvrage avait donc environ deux mètres de haut. Ce four était construit en brique “plus épaisse que l’actuelle” (c). Me Lafargue s’interroge sur l’origine de ce four, pense qu’il servait à la cuisson des briques (b, c), à la fabrication de la chaux (e) ou aux deux (d), mais n’apporte aucune autre précision, pas plus, d’ailleurs, que l’abbé Lacave (h).
Traces d’ouverture
Il s’agit de “traces d’un battant et notamment de portes en fer” dont les bandes et les gonds ne diffèrent pas des actuels. Nous ignorons à quel mur elles se rapportent. Elles se trouvaient à 20 pieds de profondeur, soit 6,60 m environ (c).
Débris divers
Me Lafargue n’en fait pas mention, mais il est probable que c’est au cours des travaux précédents qu’on dut découvrir ces “débris considérables de tuiles et de briques romaines” dont parle l’abbé Lacave (h).
Il est difficile, sinon impossible de donner à ces vestiges une attribution chronologique précise, mais il est un fait qui nous permet de les faire remonter, sinon à l’époque gallo-romaine, du moins au haut Moyen Âge : c’est leur degré d’enfouissement. Me Lafargue avait été très sensible à ce phénomène et nous apporte d’intéressantes précisions. Si la partie arasée du mur ouest se trouvait à 10 pieds de profondeur (3,30 m), c’est à 20 pieds que se trouvait à l’Est de l’église, le sol du four (6,60 m).
Archives Municipales de Langon : Me LAFARGUE, Notes manuscrites, t. IV, chap. III, t. V, p. 55, t. VIII.
Musée d’Aquitaine : t. II, 1823, p. 277-278.
Comptes Rendus de la Commission des Monuments historiques, 1846, p. 53.
Lacave (Abbé) : Histoire de Langon, 1903, p. 9.
Découvertes aux alentours de la tour de Mons
C’est incidemment que Me Lafargue rapporte ces découvertes.
C’est ainsi que, dans son article consacré aux monnaies carolingiennes, il déclare : “On vient de trouver, non loin de là (de la tour de Mons), un vase antique sur la forme et l’âge duquel nous pourrons peut-être revenir” (t. V, p. 91).
Plus loin, au chapitre concernant la Tour de Mons, il ajoute : “Sous les murs de la porte Neuve, en dessous des premières pierres de la fondation et dans la ligne de la Tour de Mons, ont été trouvés d’autres fondements allant de l’Est à l’Ouest et parmi des pierres peintes en façon d’arabesque noir et jaune” (t. V, p. 246).
Il est difficile de se prononcer sur l’âge de ces vestiges, mais les arabesques noires et jaunes pourraient bien être un fragment de fresque gallo-romaine. Remarquons d’ailleurs que ces découvertes voisinaient avec les trésors de cette même époque.
Archives Municipales de Langon : Me Lafargue, Notes manuscrites, t. V, p. 91 et 246.
Découverte de monnaies et d’armes dans la Garonne en 1841
Le 19 août 1841, M. Jacquemet, correspondant de la Commission des monuments historiques à Langon, lui adressait des notes sur “des médailles et armes trouvées dans la Garonne”.
Le 13 septembre, le secrétaire de la commission informait que ses notices feraient l’objet d’un rapport spécial et que, peut-être, elle désirerait voir les objets (158 T1 N° 157). C’est ce qui fut décidé lors de la séance du 10 novembre. Aussi, M. Jacquemet fut-il informé, le 18, de bien vouloir communiquer les armes et les médailles, (158 T1 N° 189 et 159 T1). Le 5 janvier 1842, la commission écoutait les rapports de MM. Jouannet et Durance, sans doute accompagnés de la présentation des objets, et elle décidait que les rapports seraient consignés dans ses registres (158 T1 N° 217). M. Jacquemet en fut informé le 13 et ces rapports lui furent, sur sa demande, adressés le 10 février, mais il ne dut pas, ainsi qu’on le lui avait demandé, les renvoyer à la commission. Ceci explique sans doute que, malgré la décision prise lors de la séance du 5 janvier, ces rapports ne se retrouvent pas dans les registres de la commission (158 T2 N° 3). Nous ignorons de ce fait pratiquement tout de ces découvertes auxquelles il est bien difficile d’attribuer une date.
Archives Départementales de la Gironde : 158 T1 (N° 157, 189, 217), 158 T2 (N° 3), 159 T1.
(À suivre)