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Richesses archéologiques du Bazadais
(9e partie)

Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, n° 11, 1966, 1-12.

Canton de Bazas

Plan hors-texte.

Aubiac

Préhistoire

Station du Moulin de Picard

Cette station fut prospectée en 1886 par l’abbé Letu, professeur au collège de Bazas. Il nous a laissé une étude fort détaillée des découvertes qu’il y fit, publiée dans les Actes de la Société Linéenne de Bordeaux. E. J. Ferrier, dans son ouvrage sur La Préhistoire en Gironde a consacré quelques lignes à cette station, mais depuis, elle ne semble pas avoir suscité un grand intérêt. Les trouvailles que nous y avons faites, il y a quelques années, celles que des chercheurs ou des curieux font occasionnellement, devraient pourtant attirer l’attention des spécialistes. L’article que M. J. P. Mohen lui consacrera dans le prochain numéro des Cahiers essaiera de faire le point sur l’état de la question (plan cadastral, section A2, nos 401, 402, 130 et 132).

Abbé Letu : “La station préhistorique d’Aubiac” dans Bulletin de la Société Linéenne de Bordeaux, t. XL, p. 117-135.
E. J. Ferrier : La Préhistoire en Gironde, 1938, p. 51.
J. B. Marquette : “Le peuplement du Bazadais méridional de la Préhistoire à la conquête romaine” dans Revue historique de Bordeaux, t. IX, avril-septembre 1960, p. 108 et carte hors-texte et dans Actes du Xllle congrès d’études régionales, Bazas et le Bazadais, 1960, p. 18.

Grotte de Cuilleron

Cette grotte se trouve située en contrebas des ruines de la chapelle de Saint-Pierre-de-Cuilleron, jadis chef-lieu d’un archiprêtré du diocèse de Bazas. Ainsi qu’on peut le voir sur le plan ci-joint, l’accès à ces ruines est tout à fait facile. À droite de l’ancienne chapelle, à quelques mètres d’un pan de mur, un sentier permet de descendre jusqu’à la grotte ouverte dans la falaise dominant la petite vallée où coule le ruisseau de Lagarde (plan cadastral section A1, nos 92-93). Si son origine naturelle n’est pas douteuse elle a été profondément remaniée par la main de l’homme et l’on y voit même une pile de soutènement. Aucune fouille méthodique n’y ayant jamais été faite, nous la signalons seulement, ainsi que l’avaient déjà fait E. Féret et L. Cadis, à titre d’inventaire et sous réserve d’exploration ultérieure.

E. Féret : Essai sur l’arrondissement de Bazas…, 1893, p. 7. (Cet auteur situe, par erreur, la grotte dans la commune du Nizan).
L. Cadis : “Le Bazadais préhistorique, celtique, gallo-romain et mérovingien” dans Bull. de la Soc. préhist. franc., t. LI, fasc. 9-10, nov. 1954, p. 396 (carte).
L. Cadis : carte : Le Bazadais et le pays de Sauternes.
J. B. Marquette : Art. cit., p. 108 et carte hors-texte ; op. cit. p. 18.

Bazas

Préhistoire

Les découvertes de pièces datant de la Préhistoire ne paraissent pas avoir été très nombreuses en Bazadais ; peut-­être faut-il en rendre responsable l’absence de chercheurs plus que la pauvreté des sites. Sur le territoire de la commune de Bazas nous ne connaissions, jusqu’à ce jour, que les trouvailles mentionnées par E. Féret. Un chercheur girondin, M. Mellira aurait cependant trouvé, dans les déblais des travaux nécessités par l’aménagement du lotissement Saint-Vincent, un outillage datant vraisemblablement de l’époque moustérienne. Nous espérons que, dans de prochains articles des spécialistes nous éclaireront sur ces problèmes. Voici l’état des découvertes actuellement recensées :

Grattoir

Il est mentionné par E. Féret qui le décrit comme “un grand grattoir paléolithique en silex” sans autre précision ni sur ses dimensions, ni sur le lieu de la découverte. À l’époque de la rédaction de son ouvrage, il se trouvait conservé au musée de Bordeaux.

E. Féret : op. cit., p. 7.-
J. B. Marquette : art. cit., p. 108 ; op. cit., p. 18 (carte hors­-texte.)

Silex de Tontoulon

E. Féret signale encore de “nombreux silex taillés trouvés à Tontoulon dans une métairie, près de la Motte”. Parmi ceux-­ci s’en trouvait un datant de “l’âge de la pierre polie” conservé à la fin du XIXe siècle dans la collection du Dr Dubacquié. Il y a peu de commentaires à faire sur ces notices dont on doit, une fois encore, regretter la brièveté. Il est probable, cependant, que la pièce de la collection du Dr Dubacquié était une hache en pierre polie. Quant au site sur lequel furent faites ces trouvailles, nous y reviendrons à propos des mottes qui s’y trouvent. Précisons seulement que le lieu de Tontoulon se trouve situé à l’ouest de la ville de Bazas et que la ferme dont il est question est certainement celle de Capitaine.

E. Féret : op. cit., p. 7.
J. B. Marquette : art. cit., p. 108, 111 ; op. cit., p. 18, 21 (carte hors-texte).

Protohistoire, Époque Gallo-Romaine, Époque Mérovingienne

“Cossio ou Cossium, chef-lieu des Basates dont il prit le nom au IIIe siècle, n’a livré ni ruines ni inscriptions importantes, la ville a dû cependant, comme on peut en juger par le siège de 414 renfermer une muraille d’importance… Bazas a dû également être une ville de premier ordre, au moins jusque vers le milieu du Ve siècle. De sa splendeur il ne reste rien. On ne saurait imaginer dans toute la Gaule du Sud-Ouest un si complet effondrement du passé de toute une ville”. Ces lignes, écrites en 1890 par C. Jullian dans ses Inscriptions romaines demeurent, encore aujourd’hui, entièrement valables. Depuis trois quarts de siècle, en effet, aucune découverte ou presque n’est venue modifier sensiblement la connaissance que l’on avait, à son époque, des antiquités bazadaises. Celle-ci reposait alors essentiellement sur l’introduction à la Chronique bazadaise rédigée au début du XVIIe siècle par le chanoine Géraud Dupuy. Il s’en faut d’ailleurs qu’au XIXe siècle les historiens du Bazadais l’aient toujours utilisée judicieusement. Trop souvent, nous le verrons, P. J. O’Reilly, A. Ducourneau ou même E. Piganeau ont déformé le texte quand ils n’ont pas hésité à en rajouter. La préface au Chronicon Vazatense1 n’en reste pas moins, aujourd’hui encore, malgré tous les problèmes qu’elle soulève, un élément essentiel pour la connaissance du passé de Bazas. Une autre source était constituée, vers 1890, par les découvertes faites au cours du XIXe siècle mais, on ne sait trop pourquoi, on ne leur accordait alors que peu d’intérêt. Il ne nous en reste d’ailleurs aujourd’hui que de rares mentions sans aucun rapport. Il semble pourtant que vers les années 1850-1890, les découvertes aient été nombreuses si l’on en croit les témoignages de C. Jullian et de Léo Drouyn. “On ne bâtit pas une maison sans trouver dans les fondations des briques à rebords, des monnaies, des tessons, des vases ou d’autres objets” déclare Léo Drouyn en 1863. Trente ans plus tard, C. Jullian ajoutait : “Cela demeure entièrement vrai aujourd’hui… Que l’on surveille toutes les fouilles et on trouvera peu à peu les traces de l’antique splendeur de Bazas”. Or, depuis la dernière décade du XIXe siècle, non seulement on n’aurait rien conservé d’éventuelles découvertes, mais si l’on excepte celles de la nécropole de l’ancienne église Saint-Martin, faites de 1935 à 1951, le sous-sol de Bazas n’aurait plus rien livré en trois quarts de siècle. Peut-être est-ce en partie vrai si l’on considère que le nombre des découvertes est, en zone urbaine, en étroite relation avec les périodes d’ouverture de chantiers de construction et, dans le cas de Bazas, il ne semble pas que l’on ait beaucoup construit durant la première moitié du XXe siècle. Depuis quelques années il n’en est cependant plus de même. Certes, l’aire des constructions s’est déplacée dans un secteur archéologiquement plus neutre mais il est impossible que, dans une ville comme Bazas, on n’ait, durant les vingt dernières années, extrait le moindre tesson, la moindre brique à rebord ou le moindre sarcophage. Le hasard a voulu d’ailleurs qu’un jour nous ayons eu l’occasion d’apercevoir, en bordure des remparts ouest, l’extrémité d’une nécropole. Dans ces conditions c’est, semble-t-il, par la négligence des inventeurs, la crainte des complications administratives ou l’attachement secret aux découvertes que l’on a faites que l’on doit expliquer la pauvreté apparente des trouvailles récentes. Un tel comportement ne paraît pas propre à notre époque ; il existait certainement déjà au temps de Léo Drouyn ou de C. Jullian, et sans doute bien avant, au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. S’il explique la médiocrité de l’inventaire qui suit, cet état de choses est tout à fait regrettable car il rend impossible, sinon très difficile, toute tentative pour ressusciter le passé d’une ville auquel pourtant ses habitants sont très attachés.

Les difficultés que nous avons rencontrées pour attribuer à une période déterminée nombre de découvertes nous ont obligé à les regrouper sous une rubrique dont les limites chronologiques vont du Ve siècle A.C., au Xe siècle A.D. Nous avons d’autre part préféré une présentation topographique à une liste chronologique des découvertes.

I.        Données naturelles et cadastre
L’oppidum de Cossio

Bien qu’il ne nous reste aucun témoignage écrit ou archéologique de l’implantation de l’oppidum de Cossio, il n’est pas douteux cependant que la ville romaine et médiévale ne lui aient succédé sur le terrain. Léo Drouyn, suivi par C. Jullian, a le premier souligné l’originalité du site et les modifications qui y avaient été apportées par ses premiers habitants : “Un promontoire rocheux, de forme triangulaire, resserré à sa base où avait été creusée une coupure, protégé des deux côtés par des pentes rapides, l’une descendant vers le sud jusqu’au ruisseau du Beuve, qui coule au fond du vallon, et l’autre vers le nord jusqu’à un de ses affluents”. C’est bien là un oppidum caractéristique du type cap-barré mais nous voudrions faire ici deux remarques. Tout d’abord, et ainsi que l’avait suggéré déjà Léo Drouyn, nous pensons que le quartier où fut bâti, au XVIIIe siècle le couvent des Capucins, à la pointe même de l’éperon, a dû rester hors les murs non seulement de la ville du Bas-Empire puis de la ville médiévale, mais aussi de l’oppidum primitif, à cause de la profonde coupure dans le roc que l’on note à cet endroit et qui semble en partie naturelle. En second lieu, rien ne permet de dire où se trouvait la coupure formant la base du triangle que constituait l’oppidum primitif. On peut envisager trois emplacements : soit sensiblement à l’ouest du mur occidental de la cathédrale, qui domine une zone naturellement déprimée, soit à l’endroit où s’élevèrent, au Moyen Âge, les murs occidentaux, soit, plus à l’ouest encore, sur l’emplacement d’une ligne allant de l’ancienne fontaine de Fondespan au collège. Personnellement et pour des raisons de topographie et de superficie, nous pencherions pour la première hypothèse ce qui reviendrait à faire de Cossio, comme nous allons le voir, un oppidum bien proche de la ville du Bas-­Empire (cf. carte hors-texte).

L. Drouyn : La Guienne militaire, 1865, t. II, p. 204, 205.
C. Jullian : “Notes gallo-romaines : l’enceinte gallo-romaine de Bazas”, dans Revue des études anciennes, 1925, t. XXVII, p. 119- 121, carte hors-texte ; id., dans Rev. hist. de Bordeaux, t. XIX, 1926, p. 28, 29.

La Ville Gallo-Romaine : de Cossio à Bazas

Comme toutes les cités de la Gaule, Cossio, devenue Bazas sans doute au IVe siècle de notre ère, a connu dans son histoire urbaine deux grandes périodes séparées par les invasions du dernier tiers du IIIe siècle. Jusque vers 270 environ, Cossio fut vraisemblablement une ville ouverte ; après 300 elle fut enfermée dans des remparts dont elle ne devait plus sortir, sinon en élargissant leur périmètre, jusqu’au XVIIIe siècle. Dans le domaine archéologique où nous nous plaçons ici, deux problèmes se posent, celui de l’étendue de la ville ouverte, celui des limites de la ville close.

L’extension de Cossio 

Elle reste encore du domaine de la conjecture et sans doute le demeurera-t-elle pour très longtemps. Nous pensons cependant que la cité occupait, entre le premier et le troisième siècle, au moins toute la partie qui, plus tard, fut close par les remparts médiévaux. Nous y ajouterons, en nous fondant sur les découvertes qui y ont été faites : une partie du faubourg Saint­-Antoine et les quartiers de l’Eyre vieille et de La Targue. Signalons, à ce propos, qu’au cours des travaux de construction du bloc d’internat du lycée, l’entrepreneur qui en était chargé nous a déclaré n’avoir rencontré aucune substruction lors des terrassements (cf. carte hors-texte).

La première enceinte de Bazas 

À la fin du troisième siècle, les habitants de Bazas s’enfermèrent à l’intérieur de murailles dont il ne nous reste plus rien aujourd’hui sinon le contour et le plan de la ville qu’elles ceignaient. Mais laissons la parole à C. Jullian qui, le premier, a su les retrouver à travers le cadastre moderne : “Il est… possible de reconstituer assez exactement le tracé de l’enceinte romaine, c’est-à-dire de retrouver une des physionomies les plus antiques de Bazas. Il suffit pour cela d’examiner avec soin la structure de ses rues, d’analyser, si je peux dire, les lignes de son plan… Regardez le plan du vieux Bazas, celui qui étale de son aire dominatrice au-dessus du fameux promontoire, et qu’enserra si longtemps le rempart médiéval. On y distingue deux types, ou si l’on préfère, deux zones de voiries :

  1. Une zone extérieure, entourée de boulevards modernes et où les îlots (j’entends par là les groupes de maisons isolées et encadrées de rues) se présentent en rectangles ou polygones plus ou moins réguliers et sont d’assez vastes dimensions. C’est la zone postérieure à l’enceinte romaine.
  2. Une zone intérieure au nord et à droite de l’église Saint-Jean (la cathédrale), entre la rue des Clercs et la rue des Bancs-Vieux (aujourd’hui de Pontac), où les îlots, en rectangles plus ou moins allongés, sont d’étendue plus restreinte, et se présentent de façon plus régulière, encadrés d’une part par les trois longues rues parallèles (des Clercs, de Taillade, des Bancs-Vieux) et de l’autre par de petites ruelles transversales. C’est cette dernière zone qui représente la ville gallo­-romaine du Bas-Empire, et c’est le cadre de cet espace qui fournit l’enceinte bâtie vers 300. Cela donne à Bazas une périphérie de 800 m environ et d’un aspect ovale très allongé, coupé dans sa longueur par une grande rue (rue Taillade)”. C. Jullian note enfin que ce type de ville et ces dimensions se retrouvent à Lectoure, Lescar ou Oloron et que la cathédrale, comme cela est fréquent, se trouve adossée à un angle des remparts. La démonstration de C. Jullian, admise en 1948 par F. Lot, n’est pas contredite par la topographie du reste de la ville médiévale. La partie ouest de la ville close par les remparts médiévaux, évoque en effet par son plan et ses toponymes l’essor urbain du XIIe siècle et la naissance d’un bourg marchand adossé à la cité épiscopale : une place à cornières dominée par une église nouvelle au nom combien évocateur, Notre-Dame-du­-Mercadilh, une rue Neuve longeant les nouveaux remparts. L’existence de cimetières mérovingiens ou antérieurs à Notre-­Dame-du-Mercadilh et à Saint-Martin laisse d’ailleurs supposer que ces quartiers furent longtemps hors les murs et ce n’est sans doute que progressivement que se fit leur rattachement au noyau primitif. Il est un point cependant sur lequel la délimitation faite par C. Jullian de la première enceinte de Bazas puisse prêter à controverse. Il s’agit de la muraille ouest. Il n’est pas du tout certain, en effet, qu’elle longeait le mur occidental de la cathédrale actuelle qui ne date que du XIIIe siècle. Deux cathédrales au moins l’avaient précédée sur un emplacement certes peu différent mais qui a pu varier. D’autre part, le palais épiscopal, ancien château des évêques, bien que communiquant avec la cathédrale actuelle était situé à l’ouest de celle-ci et son implantation est sans aucun doute plus ancienne. Dans ces conditions nous nous demandons s’il ne faudrait pas déplacer l’emplacement du mur occidental de la première enceinte légèrement vers l’ouest, à hauteur de la rue Bragoux et de celle de la Brèche. Seules des fouilles ou des découvertes fortuites pourraient nous le préciser, mais il est une autre source qui pourrait nous donner une indication, la limite des paroisses Saint-Jean et Notre-Dame (cf. carte hors-texte). Quant à l’hypothèse émise en 1846 par M. Ardusset d’après laquelle la première enceinte de Bazas aurait même inclus le quartier occupé par le couvent des Cordeliers, nous ne la citons que pour mémoire et nous nous rangeons à l’avis de F. Lot qui déclare qu’elle ne relève que de l’imagination. S’il n’est pas contestable, en effet, qu’il y avait au XVIIIe siècle dans ce quartier les restes d’un ancien mur de ville, il est non moins certain qu’il datait tout au plus du XVe siècle. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question lorsque nous ferons l’inventaire monumental de Bazas.

“Les enceintes de Bazas” dans Compte rendu des travaux de la commission des monuments historiques du département de la Gironde pendant l’année 1845-1846, 1846, p. 45-48.
C. Jullian : art. cit., Rev. des études anciennes, p. 120-121, carte hors-texte ; id. Rev. hist. de Bordeaux, p. 28-29.
F. Lot : Recherches sur la population et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine, troisième partie : la Novempopulanie, 1953, p. 276-278. Cet ouvrage contient un bref aperçu sur le problème des enceintes bazadaises.

NOTE. ‒ Il existe aux archives départementales de la Gironde deux plans anciens de Bazas : l’un proche de celui utilisé par C. Jullian, sans doute celui adressé à la commission des Monuments historiques par M. Ardusset qui en était le correspondant à Bazas, l’autre dressé en 1849 par le sieur Vignolles, conducteur des Ponts-et-chaussées, qui est censé représenter la ville en 1789, mais il s’agit plus d’une restitution que d’un plan (162 T 4). Le plan utilisé par C. Jullian est celui qui fut dressé en 1819 par J. P. Lafargue, géomètre, pour la mairie de Bazas et dont une copie fut faite en 1925 par M. Monicart secrétaire de mairie. Nous nous en sommes servis pour indiquer l’emplacement des différentes découvertes.

II.       Vestiges archéologiques
a.) La première enceinte

Les conclusions de C. Jullian, auxquelles nous nous sommes rangés, nous amènent à rejeter de cet inventaire tous les vestiges de murailles prétendus romains mentionnés par divers auteurs et signalés sur le périmètre de remparts allant de la porte Bragoux à la Brèche en passant par les cours, en particulier à la tour de la Corne verte (non loin de la porte Pallas) et à la porte Saint-Martin. Aucun de ces auteurs n’apporte d’ailleurs la moindre preuve archéologique à ses assertions et ne donne en particulier aucune précision sur l’appareil de ces murs.

Murailles près de la Tour de Roux

Elles se trouvent mentionnées dans la Préface de la Chronique de Bazas  ① :

Extant ruinae veterum aedificiorum ut muri, ex quadris lapillis lateribus intertexti, cujusmodi sunt, Burdigalae, amphitheatrum Gallieni, etc. Tales sunt muri civitatis juxta turrim appellatam de Roux”. (Il reste des ruines d’anciens édifices tels que des murs de pierres carrées intercalées de rangs de briques, comme on en trouve à l’amphithéâtre Gallien à Bordeaux. C’est le cas du mur de la cité à côté de la tour appelée de Roux). F. Jouannet ou l’auteur du Compte rendu adressé à la Commission des Monuments historiques qui mentionnent ce texte ont préféré ne pas identifier la tour de Roux, que le premier qualifie d’ailleurs de “porte”. L’abbé P. J. O’Reilly déclare, par contre, que l’on voit à l’entrée de la rue Bragoux “un pan des vieux murs de la ville”, mais il ne faut accepter qu’avec la plus extrême prudence les déclarations de cet historien. Il est en particulier étonnant qu’il ait été le seul auteur à relever ce fragment d’un ancien mur. De toute façon, il n’établit aucun rapport entre cette découverte et la description faite par le chanoine Dupuy. L’identification de la tour de Roux reste donc à faire. Même en rejetant toute assimilation entre les toponymes Bragoux et de Roux, il n’est pas impossible, cependant, que la tour de Roux ait protégé l’angle du castrum aux environs de la porte Bragoux.

G. Dupuy : In Chronicon Vazatense Praefatio, dans A. H. G., t. XV, p. 4.
F. Jouannet : Statistique du département de la Gironde, 1837, t. I, p. 234, 235.
Abbé P. J. O’Reilly : Essai sur… Bazas, 1840, p. 30 note I.
“Les enceintes de Bazas» dans Comptes rendus de la Commission des Monuments historiques…, 1846, p. 44-48.

Muraille nord ② ③
Dessin de la muraille est ② relevé, en 1846, par Léo Drouyn.

Il existait encore, en 1846, des restes de murailles antérieures au moins au Xe siècle dont Léo Drouyn et C. Desmoulins nous ont laissé une description et plusieurs dessins que nous avons reproduits. Ils constituent le seul témoignage que nous ayons, avec celui du chanoine Dupuy, sur l’enceinte primitive. “En avançant de quelques dizaines de mètres (depuis la porte du Gisquet en allant vers l’est) lorsque les maisons ont cessé de couronner le mur qui surmonte le talus on voit parfaitement quelques parties de mur disposées en “opus spicatum” grossier entremêlé de cordons de briques et c’est là certainement du roman primitif, postérieur à la période gallo-romaine, antérieur au Xe siècle. Nous avons cru devoir donner un spécimen de ces vénérables restes, qui nous le craignons ne subsisteront pas longtemps, car un simple mur de terrassement comme celui-là cède bien facilement, une fois ébranlé, à l’effort des terres après les pluies et les dégels ; et c’est ainsi que, réparé après chaque éboulement partiel, ce long mur en est venu à ne plus offrir que quelques plaques de sa maçonnerie primitive. Les briques de cordon ne sont pas en général beaucoup plus épaisses que nos briques modernes”. Les précisions apportées par les deux auteurs nous permettent de situer tout d’abord cette muraille qui étayait autrefois le jardin qui prolonge la maison des héritiers de Mme L. Sauteyron (Plan cadastral, section A3, n° 401) ② . Léo Drouyn devait revenir sur cette question dans la Guyenne militaire en 1863, mais il le fait en des termes légèrement différents : “Plus loin, vers l’est, (après la porte du Gisquet) le mur est bâti en petit appareil, mêlé de pierres disposées en arêtes de poisson, mais d’une construction extrêmement grossière. Le bas du mur, qui est en talus, a été démoli en partie. On y remarque un large contrefort, ou plutôt une légère saillie faisant l’office de tour. Ce mur peut être fort ancien, mais il est difficile de lui assigner une date, parce que ses caractères ne sont pas assez tranchés. Plus loin encore, le rempart présente des caractères analogues ; on y voit quelques rangs de briques, mais il a été recrépi et rasé jusqu’au niveau du sol intérieur de la ville, afin de donner de l’air à un jardin qu’il fermait”. Si nous avons reproduit cette description, c’est que Léo Drouyn fait ici mention non plus d’un seul mais de deux secteurs de murailles anciennes. Le second semble bien correspondre à celui décrit en 1846, à l’endroit où les maisons cessent de couronner le talus ②. On aurait donc, entre 1846 et 1863, rasé et recrépi le mur. Depuis, à une époque non précisée, on a procédé à une réfection totale et il ne reste plus rien de la muraille primitive. Quant au premier secteur de muraille dont parle Léo Drouyn, il pourrait correspondre à celui qui constitue le mur des maisons situées à l’endroit où cesse le second rempart que l’on voit à l’est de la porte du Gisquet ③ (Plan cadastral, section AB n° 390). C’est ce qui découle d’ailleurs de l’ensemble de la description de Léo Drouyn. Fort endommagé en 1863, le bas du mur en talus a complètement disparu et les murailles, presqu’en porte à faux, reposent seulement sur un blocage de moellons. On n’aperçoit plus rien non plus de l’appareil en arêtes de poisson que Léa Drouyn avait aperçu au-dessus. Depuis 1863 d’ailleurs, aucun auteur n’a jamais plus fait mention, sinon de mémoire, de ces parties anciennes de l’enceinte primitive. Signalons enfin la difficulté que l’on éprouve à rapprocher la description de 1846 des dessins qui l’accompagnent. “L’opus spicatum” ne nous paraît pas particulièrement caractéristique ; quant aux briques des cordons, elles ressemblent plutôt à des pierres plates. Nous ne pensons pas, d’autre part, comme le suggère C. Desmoulins, que le chanoine Dupuy ait parlé du même mur que lui. Les différences dans l’appareil sont trop évidentes pour cela.

C. Desmoulins et L. Drouyn : “Quelques faits à ajouter à la description monumentale de la ville de Bazas”, dans Bulletin monumental, 1846. Il en existe un tirage à part sous forme de brochure, in 8°, 64 p., 12 pl., Caen, 1846.
L. Drouyn : op. cit., p. 207.
R. d’Anglade : Aperçu sur l’Histoire de Bazas, 1913, p. 5, n° 1.

Muraille sud : tête sculptée

Évoquant la première muraille de Bazas, C. Jullian déclarait : “Cette muraille, comme tous les remparts gallo-romains construits alors, a dû être bâtie à l’aide de débris de monuments, d’autels et de tombeaux. Murailles et débris ont disparu”. Dans son ouvrage publié en 1913, R. d’Anglade rapportait une indication qui paraissait corriger cette remarque : “On voyait encore il y a peu d’années, dans le mur qui soutient la terrasse de la Sous-préfecture, une tête nettement sculptée”. M. le Dr Soubiran, que nous tenons à remercier ici, a bien voulu nous montrer l’emplacement de cette tête que l’on voit encore recouverte par une sorte de couvercle, engagée dans le mur qui soutient le jardin de la cathédrale ④. Le visage de forme triangulaire est très grossièrement sculpté et ressemble à un masque aux oreilles très grandes, à la bouche grimaçante. Seule une photographie prise au téléobjectif permettra de lui assigner avec quelque certitude une date.

C. Jullian : Inscriptions…, t. II, p. 181.
R. d›Anglade : op. cit., p. 116, note 1.

(À suivre)

Note

  1. La Chronique de Bazas a été éditée en 1874 par les soins de E. Piganeau, dans les Archives historiques de la Gironde, t. XV. Il serait nécessaire d’en faire une nouvelle édition critique avec traduction et notes. Si la Chronique contient de nombreuses erreurs, on peut accorder une foi plus grande aux descriptions du chanoine Dupuy que l’on trouve dans la préface.
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Chapitre de livre
EAN html : 9782356136572
ISBN html : 978-2-35613-657-2
ISBN pdf : 978-2-35613-658-9
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
12 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, Jean Bernard, “Richesses archéologiques du Bazadais (9e partie)”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 2, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 1085-1096. [URL] https://una-editions.fr/richesses-archeologiques-du-bazadais-9
Illustration de couverture • D’après Villandraut : ruine de la tour située à l’angle sud-est de l’ancienne collégiale
(dessin, 1re moitié du XIXe siècle. Arch. dép. Gironde 162 T 4).
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