Le soulèvement en Biélorussie a surpris par son imprévisibilité et son ampleur. Des secteurs très variés de la société sont impliqués dans la contestation. Dès les semaines qui précèdent le scrutin du 9 août 2020, des rassemblements de protestation de quelques milliers de personnes sont observés en Biélorussie, à Minsk et en province. Les participants profitent de l’autorisation accordée pour les réunions de recueil des signatures que les candidats organisent dans la perspective des élections présidentielles à venir. S’y retrouvent des personnes d’âges variés, des entrepreneurs en difficulté, mais aussi des employés du public1. Au mois de juin, des manifestations se répètent rassemblant, « jeunes, vieux, politisés ou non »2. Le mouvement s’étend après les résultats falsifiés du scrutin du 9 août. Dès l’annonce des résultats préliminaires, des groupes se forment, composés de milliers de jeunes, dans 33 villes du pays dont Gomel, Pinsk et Grodno, défiant les forces anti-émeutes3. La répression, extrêmement brutale, se poursuit les 10 et 11 août4. Les mercredi 12 août et jeudi 13 août des femmes vêtues de blanc constituent des chaînes humaines, en soutien aux manifestants, dans au moins six villes du pays, comme Minsk, Grodno, Lida, Baranovitchi, Jodino. Des médecins défilent à Minsk pour réclamer la fin des violences policières. Des débrayages se multiplient dans plusieurs entreprises d’État. Des usines se mettent en grève. Les travailleurs du métro arrêtent la circulation des transports et rejoignent les manifestants. Des soldats de l’armée font de discrets « V » de la victoire depuis les fenêtres de leurs camions, tandis que certains policiers se filment en jetant ou brûlant leurs uniformes ou rendent leurs insignes pour se désolidariser de la répression. Le dimanche 16 août, une grande manifestation est organisée dans la capitale, mais également dans de nombreuses autres villes du pays. À Minsk, des médias indépendants estiment que 80 000 à 250 000 personnes battent le pavé5. Les rassemblements se multiplient aussi en province, comme à Pinsk, Brest, Molodetcheno, Grodno, Moguilev, Gomel. En suivront d’autres, rituellement, le dimanche, en août, septembre et octobre, rassemblant jusqu’à 100 000 personnes scandant le slogan « Nous sommes le pouvoir ! »6. Dans les semaines qui suivent les élections, des actions localisées se multiplient, et sont aussi sujettes à la répression. Ainsi, le vendredi 4 septembre après-midi, les étudiants de l’université linguistique de Minsk ont chanté une version anglaise de la Marseillaise, arborant le drapeau blanc-rouge-blanc. Ils ont subi des coups et certains ont été arrêtés par des membres des forces antiémeutes7.
Ce sommaire rappel du déroulement de la contestation de masse montre que des secteurs variés de la population se mobilisent : jeunes, étudiants, femmes, professions intellectuelles (journalistes, universitaires), milieux artistiques (vedettes, célébrités, présentateurs TV), médecins, membres d’ONG, ouvriers, représentants des Églises chrétienne orthodoxe, catholique et protestante, sportifs8. La mobilisation touche des segments hétérogènes de la société biélorusse, quand pourtant la répression, d’une extrême violence dès l’annonce des résultats, se poursuit sous différentes formes dans les jours, semaines et mois qui suivent : arrestations, tortures, tabassages, pressions, intimidations, licenciements, expulsions d’université, perquisitions, confiscation de matériel, censure de sites d’information et blocages de sites Web, coupures temporaires d’Internet, freins à l’impression et à la distribution de journaux indépendants9. Au terme de plusieurs mois d’intense mobilisation de groupes sociaux variés, dont une partie n’avait jusqu’ici jamais pris part à des actions politiques, la mobilisation s’essouffle10.
Ce chapitre propose de dessiner les contours de quatre groupes sociaux qui présentent des caractéristiques différentes. Les employés du secteur des IT et les ouvriers se sont illustrés par une mobilisation sans précédent. Le monde rural est quant à lui resté davantage en retrait, voire a manifesté des formes de soutien au régime, tandis que l’appareil d’État, comprenant les forces de police et de la sécurité d’État ont affiché une grande loyauté envers le régime du président contesté. L’analyse repose sur une analyse d’articles de la presse francophone publiés entre mars et octobre 2020. Elle s’appuie également sur les résultats des recherches internationales consacrées au pays et publiés dans la littérature académique.
Le secteur des technologies de l’information à l’avant-garde du mouvement
Un secteur économique dynamique
Le High-Tech Park a été fondé en 2005 dans la banlieue de Minsk par Valery Tsepkalo. Ancien diplomate, ambassadeur de Biélorussie aux États-Unis de 1997 à 2002, il est devenu conseiller de Loukachenko pour les questions scientifiques et technologiques avant de créer ce parc. Concurrent de Loukachenko lors de la campagne électorale de 2020, il a dû fuir le pays et retirer sa candidature. La « Silicon Valley biélorusse » est une structure d’État qui rassemble la quasi-totalité des entreprises de nouvelles technologies. À l’époque soviétique, on fabriquait et assemblait déjà en Biélorussie des ordinateurs, des satellites et des équipements électroniques. Les établissements d’enseignement supérieur proposaient des cursus pour former mathématiciens, ingénieurs, mécaniciens et techniciens. Le High-Tech Park s’est développé rapidement dans les années 2000, en bénéficiant d’avantages fiscaux importants, soutenu par une législation favorable à son dynamisme. Ce secteur d’activité est pourtant largement indépendant de l’État, lequel représente à lui seul près de 70 % du PIB du fait d’une économie largement nationalisée. Cet environnement favorable se confirme au cours de la décennie 2010. Ainsi, fin 2017, le décret numéro 8 de développement de l’économie numérique, appelé parfois « décret 2.0 », favorise la création d’un écosystème plus avantageux pour les firmes transnationales, et maintient le soutien aux start-up locales11. Le secteur des IT connaît alors une croissance fulgurante dans la décennie 2010. Il voit notamment naître l’application de messagerie chiffrée Viber et le jeu vidéo World of Tanks12. En 2020, le secteur compte environ 1 000 sociétés de technologie, 58 000 salariés, réalise environ 1,5 milliard d’exportations et représente 6,1 % du PIB biélorusse – soit l’équivalent du secteur agricole qui compte presque 10 % de la population active du pays13.
Le développement de ce secteur d’activité s’est accompagné de la constitution d’un groupe social qui présente des spécificités importantes. L’importance grandissante de ce groupe est reflétée dans les transformations de la morphologie urbaine de la capitale, Minsk. Le nouveau quartier de Novaïa Borovaïa compte de nombreux membres de ce secteur. Très européanisé, il se distingue par ses immeubles modernes, ses cours intérieures sous vidéosurveillance, l’existence de cafés, de deux librairies, de pistes cyclables, de locaux à vélo, de bacs de tri sélectif, de l’accès à la Wi-Fi. Les habitants du quartier se distinguent également par des modes de vie spécifiques. Ils appartiennent à une génération née entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990. Les entreprises qui les emploient ne sont pas gérées directement par l’État, ce qui leur assure une certaine indépendance financière. Les revenus y sont plus élevés que dans les autres secteurs d’activité. Ainsi, fin 2020, alors que le salaire moyen en Biélorussie atteint environ 450 euros, le salaire à l’embauche dans le secteur des IT est d’environ 2 000 euros14. Ils se distinguent par des formes de gestion collective de leurs environnements de vie, qui s’appuient en particulier sur l’usage du numérique. Par exemple, dans les premiers mois de la pandémie, des logiciels ont vu le jour pour pallier aux carences de l’État15. Ce groupe social connecté est aussi probablement celui qui voyage plus que le reste de la population, même si la tendance à un accroissement de la circulation en dehors des frontières touche l’ensemble de la société. En effet, comme le rappelle l’opposant Alexandre Milinkevitch, le peuple biélorusse « est l’un de ceux qui reçoivent le plus de visas Schengen, grâce avant tout à la Pologne. Nos concitoyens voyagent, ils comparent et veulent vivre mieux »16. Les habitants du quartier ont conscience d’appartenir à un groupe social différent des autres, très éloigné dans ses aspirations, ses valeurs et ses modes de vie de l’électorat traditionnel de Loukachenko. La sociologue Ioulia Shukan, qui a enquêté dans ce quartier, rapporte ce témoignage significatif : « Nous avons l’habitude de gérer nous-mêmes nos habitations et les espaces collectifs, explique Vladimir, 35 ans, employé d’une grande société IT, qui marche avec sa femme et ses deux enfants à travers Novaïa Borovaïa. Ici, les gens se font confiance. Je n’ai rien vu de pareil ailleurs. »17.
Une mobilisation intense contre le régime
Pour contourner les pratiques frauduleuses connues et documentées à partir des scrutins précédents, l’opposition invite les électeurs à ne voter que le dimanche 9 août pour diminuer le nombre de malversations liées au vote anticipé18, mais aussi à prendre en photo leur bulletin de vote et à l’enregistrer sur une plateforme indépendante, en guise de preuve, et afin d’opérer un décompte parallèle des suffrages lors de l’élection. Cette plateforme d’observation électoral en ligne se nomme Golos. En deux semaines, un million de personnes (sur 9,5 millions d’habitants) ont téléchargé l’application. Selon Pavel Liber, 36 ans, créateur de Golos et vice-président d’une multinationale spécialisée dans la création de produits numériques, « au moins 50 % des votes avaient été falsifiés »19. Le dimanche 9 août, des files d’attente impressionnantes se sont formées devant de nombreux bureaux de vote. Dans le district de Novaïa Borovaïa, qui sera dans les semaines à venir un foyer de contestation particulièrement actif, plusieurs heures d’attente, sous la pluie, étaient nécessaires pour pouvoir déposer son bulletin dans l’urne. Svetlana Tikhanovskaïa y a remporté plus de 80 % des voix20.
Le rôle de ce groupe social se poursuit dans les semaines qui suivent le scrutin contesté. Face à la volonté des autorités de créer un « vide informationnel »21, l’organisation de la mobilisation passe par le numérique. La chaîne Telegram Nexta (« Quelqu’un » en langue biélorusse) compte alors plus de deux millions d’abonnés. Elle permet la coordination des actions et le partage de nombreuses informations, photos et vidéos faisant état de la mobilisation22. Son rôle est majeur dans ce mouvement largement horizontal et acéphale. Le 12 août, le directeur de PandaDoc, qui produit des logiciels, propose d’aider financièrement tout membre des forces de sécurité qui ferait défection. Leurs actions sont particulièrement visées par les forces de sécurité biélorusse. Quatre employés de l’entreprise PandaDoc sont alors arrêtés – trois seront libérés mi-octobre. Les photos de ces quatre collègues sont affichées dans le quartier. Cela aurait déclenché le mouvement des cyberpartisans, qui parvient notamment, à l’automne, à pirater des sites gouvernementaux ou à partager des informations personnelles sur des policiers ayant directement participé à la répression du mouvement23. Un an plus tard, les cyberpartisans piratent les données personnelles de hauts fonctionnaires et des proches de Loukachenko24. Face à cette situation, Loukachenko pratique une « stratégie de la terre brûlée »25. Dès la mi-août 2020, les arrestations de cadres et d’ingénieurs, ainsi que les coupures d’Internet, fragilisent le secteur d’un point de vue économique. Plusieurs entreprises du secteur des hautes technologies commencent, au moins temporairement, à délocaliser une partie de leur production.
Deux symboles de la contestation et de la répression
Roman Protassevitch incarne cette jeune génération investie à la fois dans le monde des nouvelles technologies et qui s’oppose au régime. Il a 17 ans lorsqu’il est arrêté pour la première fois, en septembre 2012, par des policiers en civil. Il dirigeait alors deux sites sur le réseau social Vkontakte, dont l’un, intitulé « Nous sommes fatigués de Loukachenko », appelait à boycotter les législatives. Il est relâché et frappé au foie et aux reins au terme de plusieurs heures d’interrogatoire. Quelques années plus tard, il devient photographe pour des médias indépendants. En 2019, il commence à travailler pour la chaîne Telegram Nexta et quitte la Biélorussie. Il devient rédacteur en chef de cette chaîne qui compte jusqu’à 1,2 million d’abonnés. En novembre 2020, il est accusé à ce titre par les services de sécurité d’être « impliqué dans une activité terroriste ». Il embarque pour un vol Athènes-Vilnius le 23 mai 2021. Initiative encore inédite qui a choqué toute l’Europe, un avion militaire biélorusse force l’avion à atterrir à Minsk et Roman Protassevitch est arrêté26.
La mort de Roman Bondarenko fait figure de symbole dans la dynamique révolutionnaire. Roman Bondarenko avait 31 ans, était peintre, avait servi dans les forces spéciales et habitait « Place des changements », dans le quartier de Novaïa Borovaïa. Le soir du 11 novembre, il cherche à empêcher des hommes sans uniforme d’arracher les rubans rouges et blancs dans la cour de son immeuble. Dimitri Shakuto, kickboxeur plusieurs fois champion du monde en muay-thaï et formateur des forces spéciales biélorusses et Dimitri Baskov, chef de la Fédération de hockey sur glace et entraîneur du fils de Loukachenko, sont soupçonnés d’avoir porté les coups à Bondarenko27. Tabassé, il est emmené dans un van banalisé au poste de police. Au commissariat Tsentralny du nord-ouest de Minsk, dans la soirée, il est battu à mort deux heures durant. Les policiers l’emmènent ensuite à l’hôpital, tandis qu’il est recouvert de vomissures28. Au service d’urgence en neurochirurgie, le diagnostic est terrible : hémorragie cérébrale et lésions cranio-cérébrales, puis il plonge dans le coma. Vers 20 heures, sa famille annonce sa mort. Le 12 novembre, des habitants du quartiers se rassemblent sur la « Place des changements » pour crier, ensemble, les mots : « les héros ne meurent pas ». La version officielle indique que Roman Bondarenko était ivre et agressif29 ; aucune enquête criminelle n’a été ouverte.
La mobilisation gagne ainsi un groupe social émergent, connecté, globalisé, indépendant de l’État et qui, même s’il est minoritaire, possède une puissance d’agir décuplé par ses compétences dans les technologies de l’information. Largement investi dans le mouvement, il est aussi sujet à une intense répression, condamnant une partie de ses membres à l’exil, comme l’illustre le cas de Stepan Poutilo, fondateur de Nexta30. C’est le cas aussi du monde ouvrier, bastion traditionnel du régime, qui a largement pris part au mouvement politique et social en 2020.
Le défi avorté du monde ouvrier
L’héritage de l’industrie soviétique
La République socialiste soviétique de Biélorussie est sortie exsangue de la Grande Guerre patriotique. Elle connaît dès les années 1950 une industrialisation accélérée et la Biélorussie se transforme en atelier de montage de l’Union soviétique. En 1987, la production industrielle a été multipliée par 35 par rapport à celle de 194031. Les secteurs concernent en particulier la métallurgie, les constructions mécaniques, l’industrie chimique, le raffinage de pétrole (comme à Novopolotsk et Mozyr) et l’exploitation d’engrais potassique (comme à Soligorsk). L’industrie reste très largement nationalisée après l’effondrement de l’URSS. En 2001, 95 % de la production industrielle provient d’entreprises publiques ou contrôlées par l’État. La production industrielle atteint en 2002 113 % de son niveau de 199132. Les ouvriers représentent aujourd’hui environ un quart de la population active en Biélorussie. Minsk reste une ville marquée par l’industrie et abrite par exemple l’usine de tracteurs MTZ et l’usine de véhicules automobiles MAZ, qui emploient chacune plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers33. Le géographe Yann Richard les qualifie, au début des années 2000, de « fleurons de l’industrie de l’ex-URSS »34.
Le contrôle sur la main d’œuvre est très fort. La Fédération des syndicats de Biélorussie est l’héritière du « Conseil des syndicats de Biélorussie », syndicat unique de l’époque soviétique. Reprise en main entre 2002 et 2003, elle joue le rôle de courroie de transmission des directives du régime. Ainsi, la grande majorité des employés du secteur d’État sont syndiqués et les comités d’entreprises sont strictement contrôlés par l’administration35. Les syndicats indépendants comme le Syndicat libre de Biélorussie, ne sont pas tolérés par le régime. En outre, depuis juin 1999, la répression des « grèves illégales » possède une base juridique qui restreint fortement le droit de grève des salariés36. Les règles d’embauche et de licenciement participent également au contrôle étroit de la main-d’œuvre. Depuis l’année 2000 et selon le décret présidentiel no 180, l’employeur n’est pas obligé de divulguer le motif du licenciement à l’employé. En outre, le 5 juillet 2002, un décret présidentiel met fin à l’existence des contrats à durée indéterminée au profit des contrats à durée déterminée et variable entre 1 an au minimum et 5 ans au maximum. Depuis la mise en place du système, près de 90 % des travailleurs du secteur public sont embauchés par CDD. Cette règle d’inspiration néolibérale en rupture avec l’héritage soviétique permet de soumettre les salariés à une logique productiviste imposée par la direction. Elle permet aussi de s’assurer la loyauté politique des employés37.
Une mobilisation historique
L’année 1991 avait été marquée par des mobilisations ouvrières importantes, en particulier dans les usines automobiles (MAZ), de tracteurs (MTZ) et d’équipements radio-électroniques. Loukachenko a également réprimé, durant l’été 1994, la grève des ouvriers du métro de Minsk et réduit au silence les protestations des ouvriers des mines de sel de potasse de Soligorsk. Il avait fait aussi licencier les syndicalistes membres du Syndicat libres de Biélorussie qui avaient pris part aux grèves ouvrières de Minsk et Gomel38. Mais le caractère massif de la mobilisation ouvrière en 2020 est unique dans l’histoire de la Biélorussie.
Dès les mercredi 12 août et jeudi 13 août, des débrayages se multiplient dans plusieurs entreprises d’État. Les travailleurs du métro arrêtent la circulation des transports et rejoignent les manifestants. Dans les usines, la contestation s’organise et s’intensifie. C’est par exemple le cas à BelAZ, (premier producteur mondial de camions à benne basculante), à l’usine de tracteurs de Minsk (avec ses 15 000 employés, sa clinique, son palais de la culture, son sanatorium), à l’usine métallurgique de Biélorussie, à la raffinerie Nafta, dans l’entreprise Grodno Azot. Les revendications convergent : l’arrêt des violences policières, le départ du président, la libération des prisonniers politiques, l’organisation de nouvelles élections, libres et transparentes39.
Lundi 17 août, Loukachenko se rend à l’usine de véhicules lourds MZKT. L’usine produit des tracteurs et des véhicules de l’armée ; elle dégage des bénéfices. Les ouvriers sont censés être redevables envers le président qui a défendu ce type de bastion industriel depuis son accession au pouvoir. Pourtant, ce jour-là, il subit un camouflet. Il est venu en hélicoptère. La scène a été filmée d’un téléphone depuis la foule rassemblée des ouvriers et l’image est saisissante. Il s’apprête à prononcer un discours mais il est hué par les ouvriers rassemblés. « Pars, pars ! », scandent-ils. « Nous n’oublierons pas, nous ne pardonnerons pas ! ». Il essaie de faire face, de tenir tête. « Je vous réponds sur ce point, vous pouvez continuer à crier. (…) Tant que vous ne m’aurez pas tué, il n’y aura pas de nouvelles élections. (…) Si on le faisait, cette grande usine et d’autres disparaîtraient en l’espace de six mois »40. Il menace directement : « Si vous me provoquez, je gérerai la situation cruellement »41. Le même jour, les ouvriers de Belaruskali, géant de la potasse, se mettent en grève. Belaruskali est le 2e exportateur de potasse au monde et représente 20 % de l’offre mondiale du minerai. Les exportations de ce minerai rapportent environ 3 milliards de dollars chaque année42.
Loukachenko exige la mise au pas des usines. Benoît Vitkine rapporte les propos d’un ouvrier de l’usine MAZ (autobus et camions), quelques jours après la manifestation du 16 août. « Les punitions ont commencé : huit des nôtres ont été licenciés parce qu’ils étaient grévistes. Les forces antiémeutes viennent jusqu’aux entrées des sites. Un de nos camarades a tout simplement disparu…. Résultat, le nombre de grévistes diminue, environ 2 000 sur 16 000 »43. Mercredi 19 août, les brigades antiémeutes de l’Omon sont présentes à MTZ. L’usine ne débraye pas, plusieurs manifestants postés devant l’usine pour encourager les ouvriers sont arrêtés44. Samedi 22 août, Loukachenko ordonne la fermeture des usines qui poursuivraient la grève et menace : « Je vous donne le week-end pour réfléchir »45. Des leaders des mouvements de grève sont arrêtés, comme Alexandre Lavrinovitch (MZTK) et Anatoli Bokoun (Belaruskali)46. Mercredi 19 août, Loukachenko exige la reprise en main du pays. Le 21 août, il promet de « régler le problème ». La pression sur les grévistes s’intensifie. Lundi 24 août, Sergueï Dilevski (meneur de la grève au sein de MTZ) et Olga Kovalkova (représentante de l’ancienne candidate Svetlana Tikhanovskaïa) sont interpellés à l’entrée de MTZ, l’usine de tracteurs, alors qu’ils échangeaient avec des ouvriers. Le 26 août, Iouri Rovovoï, qui présidait jusque-là le comité de grève de Grodno Azot (producteur d’engrais) annonce avoir fui en Pologne par crainte d’être arrêté. Dans le bras de fer qui l’oppose au régime, Svetlana Tikhanovskaïa appelle à la grève générale le 25 octobre. C’est la dernière mobilisation importante du monde ouvrier, en particulier à Grodno Azot, MTZ, Belorusneft, Belomo47. Au total, entre août et octobre, la mobilisation ouvrière a été très intense et a touché des territoires variés. Le sociologue Volodymyr Artiukh a recensé, entre le 10 août et le 31 septembre, 168 actions menées dans 88 unités économiques différentes48.
Une mobilisation plus citoyenne que professionnelle
Cette mobilisation n’a toutefois pas pu perdurer dans la durée, du fait de la répression qui s’est abattue sur ce groupe social. Dans les usines, la pression est intense. Les ouvriers sont menacés de licenciement et de sanctions administratives, et sont sujets à un chantage concernant leurs primes, l’octroi de prêts, ou l’attribution d’un logement49. Leurs primes, qui peuvent atteindre 40 % de leurs salaires, risquent d’être supprimées50. Dans un système économique dont l’industrie est quasiment entièrement nationalisée, les ouvriers n’ont aucune chance d’être réembauchés dans une autre usine. De nombreux employés, notamment parmi les cadres, n’ont pas besoin d’être licenciés pour être écartés. Leurs contrats doivent être renouvelés chaque année. Enfin, les collectifs sont infiltrés. Des membres des services de sécurité se déguisent en ouvriers et cherchent à repérer les meneurs51.
Pourquoi les ouvriers se sont-ils mobilisés massivement ? La thèse du contrat social, largement relayée par les analyses académiques52, indique qu’une partie de la population accepterait un régime liberticide en échange d’une forme de protection sociale et d’un emploi assuré. Cette thèse est aussi mobilisée implicitement par différents analystes du mouvement comme l’opposant historique Milinkevitch : « Dans cette élection, une majorité a émergé. En 2006 et en 2010, Loukachenko en disposait sûrement, il avait réellement gagné, même si la marge affichée était fictive, en raison des fraudes. Il assurait une stabilité des retraites et des salaires dans la fonction publique, à condition qu’on ne se mêle pas de politique. Il y a dix ans, le salaire moyen était de 500 dollars. Il avait alors promis qu’il s’élèverait aujourd’hui à 1 000 dollars, soit deux fois plus. Or il est au contraire descendu à 450. Le capitalisme soviétique ne marche pas ».53 Le contrat social serait rompu, puisque le niveau de vie est affecté par les problèmes provoqués structurellement par une économie collectivisée. Cette thèse est nuancée par l’analyse, certes fragmentaire, des évolutions en cours. Ainsi, Volodomyr Artiukh soutient l’hypothèse que la mobilisation était moins professionnelle que citoyenne. Si certaines revendications économiques ont pu être repérées par le chercheur, c’est surtout la dénonciation de la violence qui a constitué le moteur de la mobilisation ouvrière, activant une opposition morale entre le « nous » des travailleurs et le « eux » des chefs corrompus54.
La loyauté morose du monde rural
La perpétuation de la campagne collectivisée
La population rurale représente environ le quart de la population totale et presque un membre de la population active sur dix travaille aujourd’hui dans le secteur agricole55. D’un point de vue économique, après une chute de la production au début des années 1990, le secteur agricole a progressivement renoué avec des résultats dont se vantent les autorités : augmentation de la production, ralentissement de l’exode rural, amélioration des conditions de vie. Ces objectifs ont été atteints en s’appuyant sur le modèle soviétique de la campagne collectivisée, ce qui fait du cas biélorusse une particularité notable dans les évolutions agricoles et rurales postcommunistes en Europe. Ces politiques reposent en effet d’abord sur le principe collectiviste. En 2014, 76,4 % de la production agricole est assurée par les différentes entreprises agricoles publiques (que l’on continue encore de nommer « kolkhozes » dans le langage courant), 1,5 % par les fermiers et 22,1 % proviennent des potagers des particuliers. Ces politiques reposent ensuite sur un schéma productiviste où le gigantisme des exploitations doit permettre la réalisation d’économies d’échelle : en 2014, on compte 1 462 entreprises agricoles et chaque entreprise cultive alors en moyenne 5 134 hectares. Ces politiques sont rendues possibles par le subventionnement très important provenant de l’État. Si l’agriculture collectivisée a pu se redresser depuis le milieu des années 1990, c’est en partie grâce aux investissements publics élevés. Dans les années 2010, les autorités consacrent en effet autour de 12 % du budget de l’État au développement des campagnes.
L’intervention de l’État dans les campagnes ne se réduit pas à ces dimensions économiques. Le gouvernement des campagnes est également disciplinaire. Pour A. Loukachenko, afin d’assurer le fonctionnement de ce système, il faut contrôler, surveiller, menacer les travailleurs et ceux qui les encadrent. La modernisation du pays dépendrait de la capacité du président à maintenir une « pression administrative » suffisante. Si les résultats de leur exploitation sont décevants, les directeurs en sont rendus personnellement responsables. Pour les impliquer, les autorités les menacent. Ils risquent d’être nommés à des postes difficiles. Ils sont publiquement dénoncés comme inefficaces. Enfin, ils peuvent aussi être poursuivis.
Le troisième volet, social, du gouvernement des campagne concerne la production de biens et services publics et l’amélioration des conditions de vie. La politique d’agrovilles, qui avait été initiée à son époque par Nikita Khrouchtchev, a été remise à l’ordre du jour par Loukachenko. L’État a fixé 43 standards sociaux censés garantir pour les communes rurales une qualité de vie proche de celle observée en ville. Les logements neufs construits dans le cadre de cette politique doivent ainsi tous être dotés de conduites de gaz, d’eau et d’un chauffage central. Les standards portent aussi notamment, sur l’état des routes, le service des transports en commun et les liaisons assurées quotidiennement avec les centres urbains les plus proches, la présence de commerces, l’accès à la médecine, les crèches et écoles, l’installation d’une poste avec un bureau de communication téléphonique ou l’existence de services bancaires. L’engagement de l’État est conséquent. Ainsi, entre 2005 et 2010, 1 481 agrovilles sont mises en place et près de 16 milliards de dollars sont investis.
Un soutien traditionnel au régime
Comment les habitants des campagnes réagissent-ils face à ces formes de gouvernement ? Comment jugent-ils le système collectiviste ? Différentes enquêtes statistiques menées dans les mondes ruraux par des chercheurs biélorusses pointent l’attachement aux kolkhozes et le refus du marché ou encore les fortes réserves à propos des bénéfices attendus d’une privatisation des terres. En 2009, 61,6 % des habitants des campagnes seraient contre la propriété privée de la terre. Des enquêtes indépendantes indiquent qu’en 2001 le président bénéficie de 41,6 % de soutien à Minsk et de 72,4 % dans les campagnes ; en 2010, ces chiffres atteignent respectivement 32,1 % et 50 %.
L’enquête ethnographique que j’ai mené dans les campagnes entre 2006 et 2013, interrogeant plusieurs dizaines d’habitants de villages et de bourgades, indique toutefois que les formes assumées ou plus distantes de soutien au régime ne s’expliquent pas seulement par le contrôle exercé par l’administration et la police, ni par la seule satisfaction des besoins matériels. Au-delà du fonctionnement « par le haut » évoqué précédemment, l’enquête sociologique « par le bas », montre que les personnes rencontrées se construisent des univers de vie qui font sens à leurs yeux. L’enquête ethnographique montre qu’il existe de nombreuses ressources disséminées sur le territoire. Certaines sont autorisées (le lopin personnel, la vente de légumes sur des marchés locaux, les échanges avec les citadins en séjour à la campagne, les jeux avec les taux de change, les activités frontalières, l’aide humanitaire et les mariages transnationaux) ; d’autres relèvent d’illégalismes (comme l’usage privatif des ressources collectives, la distillation et la distribution de vodka artisanale, le braconnage). La description minutieuse de ces ressources disparates et éclatées montre que si les marges de manœuvre sont réduites, elles existent et permettent une dilatation des possibles. Les habitants des campagnes mettent en œuvre des pratiques (entraide souvent, illégalismes parfois) visant à s’accommoder des contraintes venant d’en haut (règles, injonctions, contrôles), afin de se constituer des mondes à leurs yeux acceptables voire désirables. C’est un monde moral, porteur de solidarité et de dignité, en somme doté de sens, qui apparaît aux yeux du sociologue. Ces pratiques engendrent ainsi des sentiments de justice (la solidarité, l’égalité et la dignité) qui font ainsi directement écho à l’idéologie officielle, sans en être le produit mécanique.
Une faible mobilisation
La vague de contestation qui traverse le pays touche-t-elle aussi les campagnes, soutien traditionnel du régime ? Les journalistes pointent certaines mobilisations dans le monde rural. Olivier Tallès raconte ainsi que « le village de Motorovo a placé Alexandre Loukachenko au coude à coude avec sa rivale, exemple parmi d’autres de l’usure du régime dans ses bastions traditionnels »56. Benoît Vitkine et Paul Gogo soulignent que le dimanche 16 août, jour de la manifestation historique dans de nombreuses villes du pays, Le Monde a reçu une vidéo montrant quelques dizaines de manifestants mobilisés dans la rue principale d’un village de 700 habitants du nord-ouest de Minsk. Chanteur folklorique qui participe au rassemblement, Sergueï Chkourdze y déclare : « Ici, la plupart des habitants sont des fermiers, mais nous sommes nombreux à avoir voulu participer à cet événement important. Les élections ont été falsifiées et ça se comprend même dans les coins les plus reculés du pays »57. À propos de la manifestation du dimanche 16 août, Benoît Vitkine indique qu’elle a rassemblé de nombreuses personnes à Minsk, dans de grandes villes de province comme Brest, Grodno, Gomel Moguilev et Vitebsk, et il ajoute que des personnes sont aussi sorties « dans des villages isolés »58. Piotr Smolar écrit à propos du mouvement de contestation qu’il « puise son inspiration et ses ressources à la base, de façon déconcentrée, au travers de réseaux sociaux, chez les jeunes comme chez les ouvriers, dans les milieux urbains et ruraux »59. Certains témoignages recueillis auprès d’interlocuteurs biélorusses par Skype, pendant l’été 2020, montrent que les campagnes sont hétérogènes et que des formes de contestation ont été constatées.
Toutefois, les médias insistent davantage sur les formes de soutien au régime, recueillies dans les campagnes biélorusses. Dans son article consacré à « timide mobilisation des partisans du régime biélorusse », Olivier Tallès dresse le portrait d’un personnage archétypal. « Le 25 août, Julia Orekhovskaïa a quitté son travail et son village, à 30 km de Minsk, et retrouvé des sympathisants d’Alexandre Loukachenko qui se rassemblent ici et là à l’appel des autorités. […] Julia Orekhovskaïa habite l’agroville de Zazerka, un de ces regroupements d’habitations agricoles que le régime a modernisés à coups de milliards d’euros, avant de devoir rogner sur les crédits, une fois que le robinet d’aide de la Russie s’est tari. À Zazerka, on trouve encore une banque, un centre équestre, une école de musique, une discothèque, un collège… Des villas proprettes sont louées à des tarifs modérés aux fonctionnaires et aux agriculteurs du kolkhoze (exploitation agricole collective). “Chez nous, il n’y a pas de riches et de pauvres”, assure cette vétérinaire qui aspire au retour de “l’ordre” »60.
Thomas d’Istria a enquêté dans le village de Berezino, 200 habitants, dans la région de Vitebsk. Il rencontre un jeune ouvrier d’une entreprise publique du secteur du bâtiment, qui critique la corruption qu’il observe dans son entreprise. Il a rejoint 500 manifestants à la fin du mois d’août, dans la bourgade de Dokshysty, 7 000 habitants. Dans son entourage, seul son oncle a soutenu Luka [Loukachenko] aux élections. « “Dans les grandes et moyennes villes, on sent qu’il y a un mouvement. Mais dans les petits villages comme le mien, tu ne peux pas le sentir. Rien n’a changé depuis le 9 août”, déclare-t-il, souriant, en savourant une cigarette près d’une cabane de pêcheur, le long de la Berezina »61.
Ania Nowak a enquêté à Mariïna Gorka, petite ville située à environ 60 kilomètres de Minsk. « Dans le parc du centre-ville, Alexandra, 68 ans, promène sa petite-fille. Cette ouvrière à la retraite apprécie “la vie paisible que l’on a en Biélorussie. Bien sûr, nous avons de petites retraites, mais nous nous en sortons : nous faisons notre jardin, nous allons aux champignons, ramassons des baies… Je ne veux pas de changement, je ne soutiens pas les manifestations, ce que les gens de mon âge veulent, c’est la paix et la stabilité.” Et sur ce point, on peut compter sur Loukachenko : “Il ne va pas privatiser nos entreprises. Sans lui, nous serions les esclaves des Polonais !” »62.
Il est certain que les contestations ont touché des petites villes et des bourgades et n’ont pas concerné que la capitale ou les villes majeures du pays. Il est probable que la distanciation envers le président, ou même la défiance voire le rejet, aient aussi touché une partie des kolkhoziens et villageois, comme elle a touché une partie des ouvriers. Il est difficile d’en saisir l’ampleur et son degré d’extension dans la campagne collectivisée. Cela dépend probablement de facteurs divers : la santé économique du kolkhoze, l’appartenance générationnelle, la personnalité du directeur, la proximité avec des centres urbains conséquents. Il est enfin raisonnable de penser que les modalités de « loyauté morose »63 et/ou de soutien documentées dans l’enquête de terrain menée entre 2006 et 2013 dans les campagnes biélorusses perdurent aujourd’hui64.
L’esprit de corps de l’appareil d’État
L’organisation de l’État policier
Dans les semaines qui précèdent le scrutin du 9 août, Loukachenko réprime les manifestations, menace d’intensifier le degré de violence utilisé pour rétablir l’ordre et se porte comme garant de la stabilité du pays. Début juin, il déclare : « Vous avez oublié comment Karimov (ex-président ouzbek) a mis fin au putsch d’Andijan en tuant des centaines de personnes ? (la répression, le 13 mai 2005, avait fait des centaines de morts) […] Nous vous le rappellerons »65. Quelques jours plus tard, il affirme qu’« il n’y aura pas de Maïdan dans notre pays »66. L’accusation d’interventions étrangères qui vise à déstabiliser le pays lui permet, à ses yeux, de justifier tous les moyens mis en œuvre pour restaurer l’ordre tel qu’il l’a défini. Il prétend avoir déjoué un complot en arrêtant le 29 juillet trente-trois hommes, employés par une société de sécurité russe, désignés comme des mercenaires appartenant au groupe paramilitaire Wagner67. Ils sont accusés d’organiser des « actes de terrorisme » et de déstabiliser le pays68. À quelques jours des élections, Andreï Ravkov, secrétaire d’État au conseil de sécurité nationale, déclare : « Notre tâche est de prévenir la destruction de l’État ». Les forces de maintien de l’ordre sont mises en scène à la télévision d’État, comme l’unité spéciale « 3214 », dont les membres sont qualifiés de « zombies » par les citoyens ordinaires – n’ayant que seul objectif que de « sauver le pays et le président »69. Deux mois avant le scrutin, Roman Golovtchenko est nommé au poste de premier ministre. C’était un signe patent que la répression de troubles potentiels constitue une priorité. Roman Golovtchenko est l’ancien chef du comité d’État militaro-industriel70.
Le soir des élections, bus antiémeutes et véhicules militaires quadrillent la capitale contrôlée par l’armée. Toutes les forces de sécurité sont mobilisées : brigades antiémeutes (OMON), forces spéciales du KGB, troupes parachutistes. Les manifestions et leur répression sont d’une ampleur inégalée dans l’histoire de la République indépendante71. Dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 août, la violence se déchaîne sur les manifestants. Pourtant, non seulement la contestation se maintient, mais elle s’étend. Le 3 septembre, un nouveau directeur du KGB est nommé, Ivan Tertel. Dans les jours, semaines et mois qui suivent, Loukachenko peut s’appuyer sur des services de sécurité organisés, loyaux, qui mettent en œuvre une répression systématique, méthodique et violente des contestataires.
Cet appareil d’État a été progressivement mis en place depuis l’arrivée au pouvoir de Loukachenko en 1994. Le président a pu s’imposer à la tête de l’État grâce à l’appui des services de sécurité, qui eux-mêmes profitent du système72. La Biélorussie compte plusieurs organismes autorisés à mener des activités d’enquête et de surveillance, qui sont en concurrence. Il en existe huit : le KGB, le ministère de l’Intérieur, le parquet, le Service de Sécurité du président, le Comité du contrôle d’État, le Centre analytique et opérationnel, ainsi que des unités du ministère de la Défense et des garde-frontières. Le KGB peut contrôler différents organismes d’État comme la Direction des Affaires du Président, mais aussi les autres organes de contrôle comme par exemple le Parquet général. Aujourd’hui, il semble que le KGB occupe une place prépondérante dans ces structures. Toutefois, pour ne pas que la structure devienne un milieu fermé œuvrant pour ses intérêts propres et non pour ceux du président, Loukachenko a contraint plusieurs directeurs du KGB à la démission, car il doutait de leur loyauté. Ainsi, en dernière instance, c’est la décision du président qui prévaut sur celle des services de sécurité.
Le réseau Bypol et l’action des transfuges des services de sécurité
Dans les premières semaines du mouvement de contestation, certaines fissures sont toutefois apparues dans les rouages de l’État policier. Il y a eu quelques défections filmées et publiées sur les réseaux sociaux, comme celle de l’inspecteur de police Ivan Kolas. Dès le mercredi 12 août au soir, Ivan Kolas fuit le pays, menacé d’être arrêté. Certains experts estiment 1 000 policiers sur 40 000 auraient démissionné courant août73.
Le projet Bypol traduit certaines formes de déplacements au sein de l’appareil d’État74 comme en témoigne l’exemple d’Andreï Ostapovich, 27 ans, un ex-haut fonctionnaire spécialisé dans les affaires criminelles, auprès du comité d’enquête de Minsk, directement placé sous l’autorité du président. Marqué par les violences commises par les policiers sur les citoyens pacifiques, il décide de quitter les forces de l’ordre le 16 août 2020. Dans un long rapport destiné à sa hiérarchie, Andreï Ostapovich dénonce les modalités scandaleuses du maintien de l’ordre : « Je ne resterai pas silencieux ; je ne participerai pas à la dissimulation de crimes et n’exécuterai pas des ordres criminels », avait-il écrit à ses supérieurs. Il parvient à rejoindre la Pologne.
Il crée Bypol, réseau d’anciens membres des forces de sécurité biélorusses refusant de cautionner les exactions commises par les forces de sécurité. La structure a été lancée dans la capitale polonaise, début novembre 2020, en présence de Svetlana Tikhanovskaïa. Bypol vise un premier objectif : convaincre les fonctionnaires des organes de sécurité de quitter le système. Ceux qui rejoignent les rangs de l’organisation se voient promettre un poste au sein du futur ministère des affaires intérieures, que l’opposition prépare dans l’éventualité d’un changement de régime. Le second but de Bypol consiste à documenter les crimes du régime pour obtenir justice le jour où le régime s’effondrera. La plateforme – ekrp.org – rend compte dèes exactions commises par les autorités, documents à l’appui, et récolte des témoignages. Le réseau de transfuges affirme disposer d’informateurs au sein de la police, du KGB, de l’armée, des procureurs et des tribunaux. Il parvient ainsi à obtenir des enregistrements clandestins et des copies de données confidentielles. Bypol dispose également d’un canal d’information la chaîne Telegram et diffuse des vidéos sur YouTube. Les organes les plus touchés par cette démobilisation font partie de ce que M. Andreï Ostapovich appelle le « bloc intellectuel » du régime, constitué de membres des services qui ne sont pas mobilisés pour réprimer dans la rue : le KGB, les comités d’enquête installés dans chaque région, les gardes-frontières.
La discipline de l’appareil d’État
La loyauté des services de sécurité peut d’abord s’expliquer par une socialisation professionnelle particulière, à l’écart de la population. Benoît Vitkine remarque en effet que si l’armée n’intervient pas dans la répression des manifestations, c’est qu’elle n’apparaît pas fiable. En effet, elle est composée à 40 % de conscrits. En revanche, sont mobilisées dans la répression des manifestations les deux forces antiémeutes qui relèvent du ministère de l’intérieur (les SOBR et les OMON), ainsi que l’unité Alfa du KGB, en force d’appoint. Ces différents corps comptent au total 4 000 hommes. Loukachenko a pu aussi impliquer des unités de gardes-frontières, des unités militaires et des forces de police. Ces unités reçoivent une formation particulière, à l’écart de la population. Deux principes régissent l’appartenance à ces différents corps : la vie en caserne et l’usage limité des réseaux sociaux75. Ils ne peuvent s’inscrire sur des chaînes télégrammes indépendantes et contraints de suivre des chaînes progouvernementales. Ils sont soumis à une surveillance particulière et sont l’objet d’un étroit travail idéologique. Selon le directeur de l’International Strategic Action Network for Security, « chaque subdivision du pouvoir possède son propre département idéologique, qui organise un système de lavage de cerveau sur les employés, en organisant des conférences idéologiques hebdomadaires et en montrant des films de propagande »76. On peut supposer que perdure ainsi, au-delà de l’effondrement de l’URSS, un « tchékisme en tant que culture », faite de sociabilités particulières, d’une « conception de l’action » et d’un « ensemble de valeurs comme la sincérité, l’engagement, l’ordre, la discipline militaire, la virilité, la haine de l’ennemi » ou encore d’une « philosophie politique (…) profondément antilibérale, antimoderne et antihumaniste »77. Cette forme de remise de soi serait favorisée par l’origine sociale des siloviki. Selon Joerg Forbrig, du think tank américain German Marshall Fund, les moins gradés sont composés de jeunes issus de milieux défavorisés qui voient leur appartenance à ces organes comme une mobilité économique et sociale qui leur assure un statut social valorisé78.
La fidélité et la loyauté des forces de sécurité aurait une autre explication. Selon Anna Colin-Lebedev, « les cadres du régime n’ont pas vraiment d’interlocuteurs pouvant leur apporter des garanties. Parier sur le maintien du régime leur paraît moins risqué »79. En effet, l’absence de leaders dans l’opposition freinerait les défections, puisque ceux qui pourraient envisager de changer de camp ne savent pas véritablement vers qui se tourner. L’analyste biélorusse Artiom Chraïbman montre que Loukachenko aurait répandu l’idée d’une responsabilité collective de la répression et l’idée que son renversement signifierait la chute de nombreux cadres importants et hauts responsables des forces de sécurité80. Ainsi, le 8 septembre, le chef de l’État déclarait : « Je ne vais pas partir comme ça. J’ai bâti la Biélorussie pendant un quart de siècle, je ne vais pas abandonner ». « De plus, si je pars, mes soutiens seront massacrés »81.
* * *
Pourquoi une partie importante de la population, qui jusque-là s’était largement tenue à distance du politique, s’est-elle largement mobilisée ? Quelles transformations sociales cette révolution révèle-t-elle ? Au-delà de la violence arbitraire et de la brutalité systématique, quels sont les appuis du régime ? Certains facteurs généraux peuvent être convoqués pour expliquer ce mouvement d’une ampleur inédite : les difficultés économiques plus accusées depuis plusieurs mois et la stagnation des salaires ; l’arrogance du président qui non seulement n’a pas géré la crise sanitaire du Covid mais a multiplié les commentaires humiliants pour les victimes du virus, rendues responsables de leur maladie ; et le succès inattendu de la campagne de Svetlana Tikhanovskaïa qui a été autorisée à être candidate puisqu’elle était perçue comme politiquement inoffensive. L’analyse sociologique permet de mettre en relief certaines transformations qui expliquent les postures différenciées selon les groupes sociaux : l’indépendance par rapport aux structures d’État des employés des technologies de l’information et de la communication ; les valeurs morales constitutives des collectifs de travailleurs dans les usines ; les formes de loyauté morose des villageois ; la socialisation méthodique et disciplinée des membres des services de sécurité. Ces caractéristiques propres à ces différents groupes sociaux n’épuisent pas les différents éléments à prendre en compte pour saisir la complexité des formes d’engagement contre le régime ou les modalités de soutien en sa faveur. D’autres caractéristiques sociales – le genre, l’âge, la pratique religieuse – mais aussi géographiques – la proximité des frontières de l’Union européenne – ou biographiques – relations de voisinage, configurations familiales, engagements passés – gagneraient à être étudiées pour saisir la variété des dynamiques qui ont convergé en 2020 dans un mouvement social d’une ampleur inédite, révélateur d’une société fragmentée.
Notes
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- Les développements qui suivent s’inspirent de l’ouvrage suivant : R. Hervouet, Le goût des tyrans. Une ethnographie politique du quotidien en Biélorussie, Lormont, Le Bord de l’eau, 2020.
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- Le paragraphe suivant emprunte à l’article : R. Hervouet, « “Le socialisme de marché” dans la Biélorussie de Loukachenko : égalitarisme, néopatrimonialisme et dépendance extérieure », Revue Internationale de Politique comparée, vol. 20 ; n° 3, 2013 : p. 97-113.
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