Jusqu’au début du XXe siècle, l’économie alpine est de type agro-pastoral et se fonde sur l’autosuffisance ; les ressources des familles paysannes proviennent surtout de l’élevage et de la mise en valeur des terrains produisant à la fois les éléments de base pour l’alimentation des humains et la nourriture du bétail. À l’instar de toutes les sociétés montagnardes de l’espace européen1, cette économie repose sur le dos des femmes2 qui assument toutes les tâches domestiques3 tout en partageant les travaux agricoles avec les hommes4.
Des années 1930 aux années 1970, la vallée d’Hérémence comme le reste du canton, vit une période charnière durant laquelle l’activité agricole diminue inexorablement. En effet, plus de 75 % de la population active d’Hérémence se consacre encore à l’agriculture en 1941 alors que ce n’est plus que 30 % en 19705. La construction de la première Dixence entre 1929 et 1935 a donné le premier coup de boutoir qui a permis l’industrialisation de la vallée et a provoqué les premiers bouleversements sociaux. Dès lors, l’économie du Val des Dix se transforme ; les paysans deviennent temporairement des ouvriers mais la campagne reste leur première préoccupation : ils abandonnent leur poste au chantier pour faire les foins ou passer l’été à l’alpage. À la fin des travaux du barrage, les ouvriers redeviennent paysans tout en cherchant des sources de revenus dans des domaines plus lucratifs afin d’améliorer leur niveau de vie. Comme les salariés des usines de la plaine, les travailleurs de la Dixence ont accepté de nouvelles normes « sans renier ni quitter vraiment l’univers culturel où ils étaient nés6 ». Avant le début de la construction de la Grande Dixence, la majorité des hommes sont des agriculteurs, chefs de familles peu fortunées malgré la possession de bétail, de chèvres et de moutons7. Du domaine agricole, ils ne tirent que des revenus de subsistance.
C’est lors de la construction de la Grande Dixence (1950-1965) que les bouleversements les plus fondamentaux atteignent cette économie de montagne. Les paysans, devenus ouvriers, quittent le village et abandonnent leurs tâches agricoles. Face à l’absence des hommes, les femmes se chargent des exploitations agricoles et des entreprises familiales. Comme mères de famille, elles sont responsables du ménage et de l’éducation des enfants ; comme épouses de paysans de montagne, elles sont chargées de cultiver les jardins potagers, de gouverner le bétail, de travailler la vigne, de faucher, de faire les foins, de monter le bétail au mayen et d’en fixer l’époque de la descente. « Au centre du quotidien féminin se trouvent travail des champs et soin du bétail ; “élever les enfants et s’occuper du ménage, ça on faisait en plus”8. » Bien qu’étant les piliers essentiels du maintien de la paysannerie de montagne par leur participation à l’exploitation familiale, les femmes n’étant pas salariées, ne sont pas considérées comme des travailleuses ; elles deviennent invisibles dans l’analyse économique et sont victimes de la cécité statistique9. Elles permettent toutefois à leurs maris, agriculteurs, d’entreprendre la longue marche vers leur transformation en ouvriers salariés et à leurs villages de vivre la transition vers une nouvelle économie.
Présentation de l’étude
Cette étude est le fruit d’une recherche mise sur pied par la Société Patrimoine Hérémence. Elle comprend deux volets (l’un féminin et l’autre masculin) qui analysent la population de la montagne valaisanne, son organisation sociale particulière et les transformations auxquelles femmes et hommes ont dû faire face dans le courant du XXe siècle. Notre recherche se fonde sur des sources orales ; la première partie a pour objectif de faire parler des femmes restées très longtemps silencieuses, de donner la parole aux anciennes afin de leur permettre de décrire leur vie passée au moment de la construction du barrage de la Grande Dixence. Leur mémoire offre une perception féminine des changements, qui appartient au patrimoine de cette vallée au même titre que les bâtiments anciens, les photographies ou les outils agricoles du passé. En évoquant leur vie depuis leur petite enfance jusqu’à leur grand âge, les Hérémensardes mettent en lumière la vie des paysannes de montagne dans les Alpes valaisannes, confrontées aux changements économiques apportés par l’arrivée de l’industrie hydroélectrique. Leurs témoignages nous montrent le passage d’une économie agro-pastorale à une économie de marché, des activités agricoles non rémunérées au travail salarié, l’évolution des rôles féminins et masculins, la réalité des paysans-ouvriers et l’importance de la formation scolaire et professionnelle10.
L’histoire de l’édification des barrages alpins11 a produit une abondante littérature consacrée essentiellement aux hommes12, des concepteurs13 aux constructeurs14. Les femmes sont absentes des textes officiels, comme si la vie de cette vallée avait pu se construire sans elles. Désireuse de rompre avec cette histoire bancale15, nous avons jugé nécessaire de combler ces vides en commençant par donner la parole aux paysannes pour « expliquer les silences de l’histoire16 » sans oublier que « écrire l’histoire des femmes n’est pas un moyen de réparation mais le désir de compréhension, d’intelligibilité globale17 ». C’est ainsi que notre recherche se plaît à évoquer le travail des paysannes de montagnes à une époque où la vie quotidienne est synonyme de soumission à l’autorité de Dieu, puis à celle du mari, de naissances nombreuses souvent accompagnées de l’angoisse du décès en couches, de l’absence d’hygiène, d’une forte mortalité infantile, de tâches ménagères éreintantes et de travaux agricoles épuisants. L’activité des femmes ne finit jamais alors que « l’homme connaît des interruptions claires dans son activité et des phases de repos le soir, le dimanche et l’hiver18 ».
Nous avons voulu permettre à ces femmes de se dévoiler « dans leur vérité toute simple, parfois même dans leur banalité et quelquefois comme pour n’importe quelle vallée des Alpes, dans leur qualité exceptionnelle19 ». Nous avons opté pour l’entretien semi-structuré pour donner la parole directement à trente-sept femmes de cette vallée, nées entre 1909 et 1936. Dans le cadre de notre projet, il s’agissait d’obtenir des informations sur leur vécu personnel dans un monde rural en transformation. Pour échapper aux préjugés et aux stéréotypes liés à la représentation des gens de la montagne, les entretiens ont été conduits par des habitantes d’Hérémence, au domicile des personnes interrogées. Nous avons exploré leur vie quotidienne de l’enfance à la vie adulte avec pour objectif de mettre en exergue les principaux thèmes qui permettent de comprendre la société agro-pastorale hérémensarde face aux transformations apportées par le développement économique du XXe siècle. Les femmes d’Hérémence se représentent le monde qui les entoure « au travers des filtres que constituent la famille, le milieu socioprofessionnel, l’intégration sociale, la région de provenance20 ». Au travers des entretiens, elles lèvent le voile sur la manière dont la modernité s’est peu à peu insinuée dans leur vie quotidienne : la diminution du nombre des naissances, l’allongement de la scolarité des filles, leur insertion professionnelle, leur rôle au sein de la famille, leurs difficultés et leurs repères dans une vallée que la modernité a touchée profondément, remodelant brutalement la nature, les villages et les modes de vie. Elles nous disent leur perception de leur vie de femmes comme paysannes, épouses et mères dans leur communauté montagnarde placée sous l’égide du catholicisme. Elles retracent leur vie à la lumière de leurs expériences quotidiennes et des stratégies qu’elles échafaudent dans la solitude pour se situer dans l’espace familial et redéfinir leur insertion sociale21. Les dimensions qui ont été explorées concernent notamment la vie familiale comprenant la contraception, la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, les rôles parentaux et les relations entre époux, puis, la vie active incluant le travail ménager, éducatif, agricole, professionnel, salarié ou non et enfin, les conditions concrètes de la vie quotidienne dans le logement, les transports, l’alimentation, l’habillement, l’hygiène et la santé.
Le travail des hommes au chantier
de la Grande Dixence
Les observateurs de cette société montagnarde relèvent combien, dans l’économie agricole alpine, peu de tâches reviennent réellement aux hommes en regard de celles qu’accomplissent les femmes22. Contrairement à ces dernières qui travaillent au moins douze heures par jour pendant la morte saison, les hommes de la vallée profitent du déséquilibre saisonnier du travail de la campagne pour s’octroyer durant l’hiver, une période de « demi-repos, surtout dans les vallées où la coutume confie aux fermières le souci des animaux23 » ; ils apprécient alors de se retrouver entre eux « à l’extérieur : c’est une vieille habitude du pays, une habitude latine24 » ; ils discutent sur le parvis de l’église et, au bistrot, ils s’entretiennent de la politique locale, de la gestion communale et de la répartition des travaux communautaires dans les consortages25. Durant l’été, ils sont astreints à réaliser un certain nombre de tâches en commun avec les femmes (épierrer les champs, faucher, moissonner, piocher et tailler les vignes, faire les foins, porter les charges et labourer les jardins) en plus de celles qui leur sont réservées parce que considérées comme lourdes ou dangereuses telles que le bûcheronnage, la remise en état des chemins, la rentrée des fourrages, le travail à l’alpage et la construction des habitations26.
Dès les années 1930, les hommes se voient obligés de travailler avec une certaine régularité mais le plus souvent en étant éloignés de la maison : corvées des bisses, travail des vignes, gardiennage du bétail aux alpages. Fils de paysans, ils ne peuvent plus vivre complètement de la terre. Sans qualification professionnelle, ils « font les chantiers » et participent à la construction des barrages de la Dixence puis de la Grande Dixence qui leur permettent de trouver de nouvelles sources de revenus. Leurs principales préoccupations se tournent désormais vers leurs activités salariées au chantier. Ils deviennent des ouvriers-paysans et conservent un train de campagne dont ils abandonnent la responsabilité à leurs épouses.
Tout le monde faisait le même travail partout, dans les prés et dans les champs, on faisait tout en commun. Quand mon mari était à la maison, il participait aux activités de jardinage mais ce n’était pas souvent puisqu’il travaillait au chantier de la Dixence.
Le barrage de la Grande Dixence est le plus haut barrage poids d’Europe, une sorte de colosse de béton enserré entre deux chaînes montagnes. Il ferme la vallée comme une sorte de verrou. Construit sur la commune d’Hérémence, il se situe à deux mille trois cent soixante-quatre mètres d’altitude, occupe une superficie de quatre cent quatre hectares et son mur mesure deux cent quatre-vingt-cinq mètres de haut. Le lac d’accumulation mesure cinq kilomètres et retient quatre cents millions de mètres cubes d’eau. Ce géant alpin a nécessité un travail extraordinaire de la part des travailleurs occupés à sa construction27. Dans ce contexte, les hommes n’hésitent pas à travailler onze heures par jour, sept jours sur sept et à réaliser de nombreuses heures supplémentaires sans se soucier ni des dangers ni de leur santé.
Mon mari était lignard à la Grande Dixence quand il a eu l’accident. Il faisait le graissage dans les pylônes quand quelqu’un a mis en marche le moteur des roues où il travaillait. Il était en haut quand l’appareil s’est mis en marche. Sa jambe a été prise dans le câble. Il ne s’agissait pas de couper les câbles… alors ils lui ont coupé la jambe.
Les travaux se poursuivent pendant toutes les saisons et les ouvriers traversent des hivers impitoyables, comme celui de 1953 dont ils disent : « Quand on sortait les mains des poches, les clous restaient collés à la peau ». Le travail au barrage est une affaire d’hommes.
Les femmes restées au village
L’absence des hommes pour la durée des travaux du barrage produit des fêlures dans la répartition des rôles féminin et masculin dans la communauté villageoise. Pendant que les hommes partent travailler au chantier, les femmes demeurent au village où elles continuent de se charger du ménage, de l’éducation des enfants et du train de campagne de l’entreprise familiale. Ce qui change fondamentalement pour elles, c’est qu’elles portent seules l’entière responsabilité de la famille, de l’organisation des travaux de la campagne et de la gestion de l’argent du ménage. « Elle [la paysanne] travaille sans relâche à la terre et à la maison, du matin au soir et souvent la nuit et tous les jours de l’année. Le travail incessant constitue réellement la donnée fondamentale28 ». Par leur éloignement dans les chantiers, les hommes abandonnent la responsabilité de l’exploitation agricole et de l’éducation des enfants aux mains de leurs épouses. Les femmes disent l’absence des pères pour les enfants.
Mon mari avait une très bonne relation avec ses enfants ; quand il était à la maison, je les envoyais toujours vers lui pour qu’ils lui montrent leurs carnets ou lui demandent de corriger leurs devoirs. Il a toujours eu un très bon contact avec les enfants. Oui, il a toujours été très présent pour eux, quand il était là.
Elles assurent la vie quotidienne au sein de la famille et du village. Elles soulignent le surplus de travail que le chantier occasionne par ricochet pour elles dans l’exploitation familiale.
Mon mari était mineur, il a travaillé dans les tunnels. Quand il travaillait à la Grande Dixence, il descendait une fois par mois. Et moi, j’étais seule avec les enfants, le bétail et tout. On avait aussi les vaches, alors l’été, je devais m’occuper du foin, des mayens, de tout ; le soir, on n’avait pas tellement le temps d’avoir des soucis, pas besoin de pastilles pour dormir !
Restées au village pour garantir les bases arrière des travailleurs, les femmes sont placées sous la surveillance du curé, du président et des conseillers communaux. Ces derniers, dépositaires du pouvoir religieux et politique, s’érigent en gardiens de l’ordre social afin d’éviter toute velléité émancipatrice des femmes éloignées de l’autorité maritale ; ils veillent à l’entretien de la fidélité conjugale, à la garantie de la foi religieuse et à la réaffirmation du pouvoir masculin. Pourtant les Hérémensardes n’ont le temps ni de s’amuser, ni de réclamer des droits politiques29 car leurs nombreuses occupations quotidiennes ne leur laissent pas de répit.
Il fallait se lever vers les trois heures du matin ; je marchais une heure pour me rendre sur le pré ; ensuite, je fauchais, j’étendais mes andains et je revenais à la maison. Je réveillais les enfants, leur donnais à déjeuner, faisais les lits, le ménage, puis j’allais tourner ce que j’avais fauché le jour avant, je revenais pour préparer le repas de midi et je retournais pour ramasser le sec. Tout ce travail, je le faisais toujours seule ou avec les enfants. C’était comme ça pour toutes les femmes du village pendant la Grande Dixence. On aurait dit qu’il n’y avait que le travail qui comptait.
Les activités maternelles et ménagères
En l’absence des hommes partis travailler au barrage, les femmes assument leurs devoirs maternels et leurs tâches éducatives auprès de leurs enfants qu’elles ont encore en grand nombre : des familles de cinq à douze enfants ne sont pas rares30. Pendant leurs grossesses, elles continuent le travail de la campagne, elles descendent travailler les vignes en plaine et s’occupent des jardins. Conscientes de l’importance de la formation scolaire et professionnelle, les mères décident seules d’investir l’argent qu’elles gagnent à la vigne ou à l’usine31 pour que, leurs enfants, filles et garçons puissent entreprendre des études ou des apprentissages.
Quand le mari était là, c’était très bien ; mais comme la plupart du temps il n’était pas là, toute l’éducation reposait sur mes épaules ; quand les enfants étaient petits, ça allait mais quand ils sont devenus grands, c’était assez dur d’être toujours seule. Quand il a fallu que les enfants partent pour étudier ou pour faire des apprentissages, c’est toujours moi qui devais me débrouiller pour téléphoner et faire les affaires. C’est que j’ai tellement souffert d’avoir tout à ma charge, toutes les choses, les gamins, les papiers qu’il fallait remplir. Il fallait se prendre en charge beaucoup et seule.
L’absence des hommes n’a pas d’incidence directe sur l’accomplissement des tâches ménagères qui restent exclusivement du ressort des femmes ; ainsi en est-il de la lessive, travail pénible car il se fait entièrement à la main : le linge est d’abord dégrossi à la fontaine, puis cuit dans la couleuse et enfin rincé au bassin. Ces diverses opérations nécessitent de la force et du temps.
Mon mari faisait les travaux les plus pénibles quand il était à la maison mais il ne touchait pas le ménage, pas la lessive, non pas ça. On lavait au bassin, en hiver, c’était la mode comme ça, on n’avait pas l’eau à la maison, alors on n’avait pas le choix. Je n’ai eu la machine à laver qu’en 1965 ; jusqu’alors, j’ai toujours lavé à la fontaine.
Dans les travaux réalisés à domicile par les femmes « en plus de tout le reste », filer et tisser occupent une place importante. Ces connaissances appartiennent encore au bagage obligatoire de la jeune mariée des années 1950 : elle file le lin pour les toiles fines destinées à la création du linge de corps et tisse le chanvre pour confectionner les grands draps utilisés pour les travaux agricoles. À côté de ces savoir-faire, toutes les jeunes femmes apprennent, durant leur enfance, à coudre, à tricoter et à raccommoder. Ces apprentissages sont fondamentaux car, une fois mariées, elles sont obligées de confectionner elles-mêmes les vêtements de toute la famille.
Pendant longtemps, j’ai fait les habits de toute la maisonnée. J’ai appris à faire les pantalons avec la couturière et le tricot avec ma maman. Je cousais toutes sortes d’habits pour les enfants, surtout pour les filles. Pour les garçons, je commandais à la couturière parce que c’était moins facile.
Le travail de la campagne
Les femmes confrontées au départ des hommes vers les chantiers, reprennent seules toutes les tâches qu’elles partageaient jusqu’alors avec leurs conjoints. À Hérémence, être ménagère ne correspond pas à l’image bourgeoise de la femme au foyer distillée par les ouvrages scolaires. « [L’enseignement ménager] ne pouvait faire autrement que de se référer à l’image ancestrale, voire originelle, de la femme au foyer […]32. » En effet, dans les vallées alpines, les paysannes se préoccupent moins du ménage et du foyer que des activités agricoles « pour des raisons tenant à la survie de l’unité familiale et économique33 » ; si, comme le souligne Michelle Perrot34, l’espace légitime des femmes a tendance à s’élargir au cours des XIXe et XXe siècles, pour les paysannes de notre étude, il s’étend par obligation de remplacer les hommes, hors du foyer, du lavoir et de l’église, aux terrains dévolus à l’agriculture et à l’élevage aussi bien dans les environs immédiats du village que sur l’ensemble du territoire agricole communal. « Quand le mari était loin, il fallait faire la campagne, s’occuper du bétail, élever la famille. C’était beaucoup de travail pour les femmes. Il fallait s’organiser et aucune ne se plaignait. » Le village d’Hérémence est accroché à la montagne et les champs qui l’entourent sont tellement raides et pentus qu’au printemps, c’est avec l’aide des enfants qu’elles doivent ramener la terre du bas vers le haut des parcelles. Elles plantent les pommes de terre, nettoient les prés, et font tout à la main, avec la pioche.
Elles épandent le fumier, labourent les parcelles avec les mulets, sèment et plantent les pommes de terre avec les enfants.
Mon mari était lignard à la Grande Dixence. On avait du bétail, c’est moi qui m’en occupais ; lui, il ne faisait rien dans la campagne ou pour le bétail. C’était la même chose pour les jardins et les champs qu’il fallait défoncer pour planter les pommes de terre. Il ne venait jamais m’aider.
En outre, toutes les femmes d’Hérémence savent faucher ; dès les années 1950, elles abandonnent la faucille qu’elles remplacent par la faux, un outil masculin qui permet à son utilisateur de travailler debout35. Pour faucher une parcelle, les femmes prennent plus de temps que les hommes mais elles ne s’arrêtent qu’une fois le travail terminé. Elles se chargent seules des foins et de la moisson pendant la construction de la Grande Dixence.
Quand les maris restaient au chantier, les femmes fauchaient, étendaient les andains et rentraient le foin en portant les charges sur le dos. C’était comme ça pour toutes les femmes du village pendant la construction de la Grande Dixence.
Au printemps et en automne, les femmes montent au mayen avec les enfants et le bétail36 ; elles profitent de ce temps pour garder les chèvres dont le lait, rarement transformé en fromage, est destiné à la seule consommation familiale. Les enfants peuvent courir sans surveillance ce qui décharge les mères. Elles gouvernent le bétail au mayen et ne perdent jamais une minute. « Que ce soit sur le chemin à la montagne, durant la garde du bétail ou pendant les bavardages du soir, le tricot était toujours là37. »
En haut au mayen, je gouvernais le bétail toute seule. Personne ne venait m’aider. Mais les enfants ont appris de bonne heure à travailler. Pendant la construction de la Dixence, les hommes partaient travailler au chantier et il fallait quand même faire la campagne et tout quand les hommes n’étaient pas là. Mais je faisais cet effort parce que le mari apportait sa paie et avec cet argent, on pouvait améliorer notre ménage, avoir du confort.
Quand les hommes partent travailler au barrage, commence pour les femmes restées au village une nouvelle forme de responsabilité familiale ; en effet, en plus du travail effectif dans le ménage et à la campagne, elles assument complètement la charge mentale de la famille et décident elles-mêmes de la formation de leurs enfants.
Les conséquences de la construction
des barrages
Le cadre de vie des habitants des hautes vallées alpines se trouve profondément transformé par la construction des barrages. Grâce au travail des ouvriers sur les chantiers de la Dixence et de la Grande Dixence, les revenus des familles augmentent considérablement ; l’argent gagné par les hommes permet de rembourser les dettes et de moderniser les maisons. Ces bouleversements transforment la vie des femmes dans quatre domaines particuliers : l’habitation, la formation, le travail salarié et la vie personnelle.
L’amélioration des habitations
La transformation des habitations se décline selon trois périodes dont la première concerne l’arrivée de l’électricité dans les maisons grâce à l’intervention des autorités politiques. En effet, en 1932, en contrepartie de la concession des eaux de la Dixence, le conseil communal obtient l’installation gratuite de l’électricité aussi bien dans les rues des villages que dans toutes les habitations de la commune. La deuxième période conjugue l’arrivée de l’eau froide directement dans les maisons, dans les années 1950, avec les premières rentrées d’argent provenant des travaux sur les chantiers. Pour que l’eau chaude pénètre dans les maisons, il faut attendre la fin des travaux du barrage au début de la décennie 1960 et l’installation du chauffage central qui ouvre la troisième période, celle de l’ère du confort.
En une trentaine d’années, le logement subit des transformations irréversibles en diminuant le nombre des corvées qui étaient du ressort des femmes. Ces dernières mettent à profit les paies rapportées par leurs maris pour améliorer les conditions de logement ainsi qu’en attestent les travaux de Berthoud sur l’aménagement des habitations des communes du Val d’Hérens38. Les tâches ménagères se trouvent simplifiées par l’abandon de l’âtre dans la cuisine, la fermeture de la cheminée sur le toit et l’installation de la cuisinière électrique.
Chez moi, j’ai eu la crémaillère longtemps après mon mariage. Dans le village, les gens commençaient à avoir des cuisinières électriques mais mon mari ne voulait pas en entendre parler. Il me disait que sa mère avait utilisé cette installation toute sa vie et que je devais m’en contenter.
L’hygiène personnelle subit également des transformations importantes ; l’arrivée de l’eau courante dans les habitations, permet le remplacement des toilettes à sec par des toilettes à eau ; elles supposent la création d’un réseau d’égout dans les villages et l’abandon progressif de l’épandage du contenu des fosses sur les champs ou dans les bisses contribuant ainsi à la disparition des épidémies de fièvre typhoïde, maladie fréquente dans les Alpes39. Le confort des habitations est complété par la création de salles de bains contenant une baignoire et un lavabo avec l’eau chaude au robinet ; l’augmentation du nombre de pièces habitables et l’installation du chauffage central datent de la fin des travaux de la Grande Dixence.
La maison a beaucoup changé après la Grande Dixence parce que les hommes ont gagné de l’argent. Ils ont commencé de faire des réparations dans le village puis dans les maisons ; ils ont refait les cuisines, chacun a amélioré l’intérieur de sa maison. Avant, cela n’aurait pas été possible parce que l’agriculture ne permettait pas des rentrées d’argent.
Pour les femmes de cette vallée alpine, ces améliorations impliquent l’adoption rapide de la modernisation et une certaine aptitude au changement ainsi que le souligne Marie Métrailler d’Evolène : « Imagine, pour les gens de ma génération, quelles facultés d’adaptation nous ont été nécessaires depuis cinquante ans. De la lampe à huile au néon, de l’âtre à la cuisinière électrique…40 ».
La formation des filles
La scolarisation des enfants et particulièrement la formation des filles évoluent avec l’arrivée des redevances qui permettent à la commune de construire de nouveaux bâtiments scolaires. L’école ménagère41 qui ouvre ses portes en 1934, offre aux filles la possibilité de bénéficier pour la première fois, d’une formation après l’école primaire ; elle apporte de nouvelles connaissances dans la fabrication des repas, permet la diversification de l’alimentation, donne des notions d’hygiène de base et enseigne les principes de la puériculture. La formation professionnelle par l’apprentissage42 entre progressivement dans les mœurs au début des années 1960 et se trouve facilitée par la mise en service de transports publics réguliers vers la plaine ; jusqu’alors, apprendre un métier était exclusivement réservé aux jeunes gens parce que les familles devaient disposer des fonds suffisants pour payer les déplacements ou trouver des arrangements pour loger les apprentis pendant la semaine.
Ce n’était pas du tout courant la formation des filles ; il y en avait de temps en temps une qui devenait infirmière ou bien institutrice. Il y en avait très peu dans notre commune. Les filles devaient savoir faire le ménage, la cuisine, la couture et le tricot, voilà tout.
Il faut attendre 1968 et l’application de la loi sur l’instruction publique, pour que des classes mixtes ouvrent leurs portes dans la commune et que les filles puissent suivre l’école secondaire. C’est l’ouverture du cycle d’orientation en 1978 qui permet aux filles d’entreprendre des études supérieures mettant un terme à la profonde injustice du système scolaire valaisan qui jalonne le XXe siècle43.
Le travail salarié des femmes
Dès le début des années 1960, les autorités communales sont conscientes des changements intervenus dans la vie des paysans-ouvriers et du non-retour des salariés vers la paysannerie à la fin des travaux du barrage de la Grande Dixence. Soucieuses d’éviter l’exode de la population, elles implantent deux usines dans la commune : en 1961, une fabrique d’appareils électriques (EAB) et, en 1963, une fabrique de compteurs électromécaniques (SODECO) ; leur installation a pour but de donner du travail aux hommes quand ils redescendront du barrage. Toutefois, l’établissement de ces industries dans la commune profite d’abord aux femmes qui, en l’absence de leurs époux, s’engagent comme ouvrières pour gagner, elles aussi, une certaine reconnaissance du travail accompli par la rémunération. Bien que sans qualification, elles sont embauchées pour réaliser des travaux de bobinage qui demandent de la dextérité ; aucune d’entre elles « ne se retrouve parmi les contremaîtres ou les chefs d’équipe responsables dans les divers ateliers44 ». Elles remarquent très rapidement l’avantage qu’il y a à travailler à l’usine : les horaires sont réguliers, le travail quotidien a une fin et elles sont rémunérées. Elles convainquent donc leurs maris de la nécessité de vendre le bétail participant ainsi à la disparition progressive de l’agriculture de montagne et à la fin de l’économie agro-pastorale de cette vallée. Elles profitent également de leurs salaires pour permettre à leurs enfants et particulièrement à leurs filles de suivre des apprentissages ou d’entreprendre des études supérieures comme une revanche sur l’impossibilité pour elles d’obtenir une formation professionnelle dans leur jeunesse au contraire de leurs frères.
C’était surtout les garçons qui faisaient les apprentissages ; les filles devaient rester à la maison pour aider la maman parce qu’au fond c’était le garçon qui devait apporter l’argent à la famille ; la fille était plutôt destinée à s’occuper du ménage, du bétail et de la campagne.
La vie personnelle
Les femmes sont partie prenante, au même titre que les hommes, de l’industrialisation à marche forcée de cette vallée abandonnant peu à peu l’agriculture de montagne. Les conséquences les plus marquantes se révèlent dans la vie personnelle des femmes. La diminution de la mortalité infantile, la connaissance des principes de puériculture et des moyens contraceptifs artificiels participent à la diminution du nombre d’enfants dans les familles45. Les femmes qui accouchent dans des conditions de sécurité optimales, ont moins d’enfants que la génération de leurs mères46. Elles abandonnent le port du costume traditionnel et acceptent que leurs filles portent le pantalon pour lutter contre le froid et la neige durant l’hiver. Elles bénéficient également de la mise en service des transports publics vers la plaine qui leur permettent de connaître aussi bien le prêt à porter dans l’habillement que les nouveaux produits alimentaires de luxe que sont les macaronis ou le riz. Enfin, par leur nouvelle insertion professionnelle, elles découvrent les bienfaits de la pause.
Conclusion
Les femmes du Val des Dix dirigent seules l’exploitation familiale et acquièrent une certaine indépendance par la gestion du train de campagne. Elles assument la part de paysan du titre paysan-ouvrier fallacieusement attribué aux hommes ce qui induit une nouvelle répartition des rôles, révélatrice d’une nouvelle organisation sociale dans laquelle les rôles féminins et masculins tendent à se différencier. Toutefois, c’est la découverte du travail salarié par les femmes et la valorisation de leurs activités professionnelles qui ancrent le processus irréversible du déclin de la famille paysanne considérée comme une entité dans laquelle chacun travaille au bien commun, au profit de l’individualisation et de la réalisation de soi de chacun de ses membres.
Au-delà de leurs activités rémunérées, les femmes acquièrent les compétences nécessaires à leur émancipation personnelle grâce à la formation scolaire et professionnelle ; la connaissance des méthodes contraceptives et l’accès aux nouvelles technologies leur permettent de parvenir à la maîtrise de leur temps et de leur corps, d’effectuer des choix de vie et d’accéder ainsi à une autonomie inaccessible pour elles jusqu’alors.
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- Le Goff J., « L’histoire nouvelle », dans Le Goff J., La Nouvelle histoire, Paris, Complexes, 1975, p. 35-75.
- Logean E., Du berger au mineur. La construction du barrage de la Grande Dixence (1951-1962) entre paix sociale et crise d’identité, Sierre, Monographic, 1999.
- Loup J., Pasteurs et agriculteurs valaisans. Contribution à l’étude des problèmes montagnards, Grenoble, Allier, 1965.
- Métrailler M. et Brumagne M.-M., La Poudre de sourire, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1991.
- Papilloud J.-H., L’Épopée des barrages : de la Dixence à Cleuson-Dixence, Lausanne, Energie Ouest-Suisse ; Sion, Grande Dixence, 1999.
- Perrot M., Femmes publiques, Paris, Textuel, 1997.
- Perrot M., Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998.
- Perrot M., Mon Histoire des femmes, Paris Seuil, 2006.
- Pralong A., Mes années valaisannes, Pully, 1999.
- Richard M.-C., Le barrage de la Dixence sur la commune d’Hérémence : étude des principales retombées économiques et sociales de la construction d’un barrage sur une commune de montagne et ses habitants, Genève, Université de Genève, Faculté des sciences économiques et sociales, 1975.
- Rusterholz C., Deux enfants c’est déjà pas mal. Famille et fécondité en Suisse (1955-1970), Lausanne, Antipodes, 2017.
- Schweitzer S., Les Femmes ont toujours travaillé. Une histoire du travail des femmes aux XIXe et XXe siècles, Paris, O. Jacob, 2002.
- Stauffer H., « La Grande Dixence », Revue générale de l’électricité, 67, 1958.
- Steinauer J., « Un regard comparé sur l’industrialisation du Valais et de Fribourg », dans Van Dongen L. et Favre G., Mémoire ouvrière, Sierre, Monographic, 2011.
- Virgili F., « L’histoire des femmes et l’histoire des genres aujourd’hui », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 75, 2002, p. 5-14.
- Vouilloz Burnier M.-F.et Guntern Anthamatten B. (dir.), Valaisannes d’hier et d’aujourd’hui : la longue marche vers l’égalité, Sierre, Monographic/Viège, Rotten Verlag, 2003.
- Vouilloz Burnier M.-F., À l’ombre de la Dixence. Vie quotidienne des femmes dans l’arc alpin, Sierre, Monographic, 2009.
- Vouilloz Burnier M.-F., 1963, Épidémie à Zermatt. La fièvre typhoïde de Zermatt, Sierre, Monographic, 2010.
- Vouilloz Burnier M.-F., Histoire(s) de la santé en Valais 1815-2015, Sion, Observatoire de la santé, 2015.
- Vouilloz Burnier M.-F., Générations barrages : la place des hommes dans les sociétés alpines au XXe siècle, Sierre, Monographic, 2019.
- Zermatten M., La mission de la femme au village, Sion, [s.n.], 1941.
Notes
- Fauve-Chamoux A., « Métiers et professions : une longue voie vers l’émancipation des femmes (17e-20e siècles) », dans Valsangiacomo N. et Lorenzetti L., Donne e lavoro. Prospettive per une storia delle montagne europee xviii-xx secc, Milano, Franco Angeli, 2010, p. 189-204.
- Métrailler M. et Brumagne M.-M., La Poudre de sourire, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1991, p. 197.
- Cavallera M., « Un “motore immobile”. Emigrazioni maschili di mestiere e ruolo della donna nella montagna lombarda dell’età moderna », dans Valsangiacomo N. et Lorenzetti L., Donne e lavoro…, op. cit., p. 26-49.
- Loup J., Pasteurs et agriculteurs valaisans. Contribution à l’étude des problèmes montagnards, Grenoble, Allier, 1965, p. 185.
- Boudry C. et Debétaz C., Étude économique et sociale d’Hérémence commune de montagne, Sion, Conférence de l’économie alpine, 1968, p. 23.
- Steinauer J., « Un regard comparé sur l’industrialisation du Valais et de Fribourg », dans Van Dongen L. et Favre G., Mémoire ouvrière, Sierre, Monographic, 2011, p. 32.
- Dayer C., Hérémence. Notices d’archives et souvenirs, Sion, Valprint, 1984, p. 134.
- Antonietti T., De l’inégalité des relations hommes-femmes dans la société rurale du Valais, Sion, Musées cantonaux, 1989, p. 24.
- Schweitzer S., Les Femmes ont toujours travaillé. Une histoire du travail des femmes aux XIXe et XXe siècles, Paris, O. Jacob, 2002.
- Le deuxième volet de cette étude, consacré aux hommes, est actuellement en cours ; il se fonde également sur des sources orales provenant d’entretiens semi-directifs ; trente-cinq hommes nés entre 1922 et 1949 témoignent des changements dont ils deviennent les acteurs : le travail salarié au barrage, l’abandon progressif de l’agriculture et le passage de la pratique professionnelle informelle à l’obtention de qualifications propres à leur métier.
- Gygli F., Barrage de la Grande Dixence, Lausanne, Marguerat, 1962 ; Papilloud J.-H., L’Épopée des barrages : de la Dixence à Cleuson-Dixence, Lausanne, Energie Ouest-Suisse ; Sion, Grande Dixence, 1999.
- Logean E., Du berger au mineur. La construction du barrage de la Grande Dixence (1951-1962) entre paix sociale et crise d’identité, Sierre, Monographic, 1999.
- Bens G., « Le barrage de la Grande Dixence, Suisse », La technique des travaux, 33, 1957 ; Stauffer H., « La Grande Dixence », Revue générale de l’électricité, 67, 1958.
- Fauchère A., Les hommes du P4 : ils creusèrent les galeries de la Grande Dixence, Genève, Slatkine, 2003.
- Vouilloz Burnier M.-F. et Guntern Anthamatten B. (dir.), Valaisannes d’hier et d’aujourd’hui : la longue marche vers l’égalité, Sierre, Monographic ; Viège, Rotten Verlag, 2003.
- Allet-Zwissig D., « La condition féminine en Valais à travers la presse et les publications officielles du canton 1870-1880 : fragments pour le portrait d’une absente », Annales Valaisannes, 1987, p. 3-110 ; ibid., 1988, p. 119-237 ; ibid., 1989, p. 147-210 ; ibid., 1990, p. 82-179 ; ibid., 1991, p. 78-135 ; ibid., 1992, p. 77-158. Le Goff J., « L’histoire nouvelle », dans Le Goff J., La Nouvelle histoire, Paris, Complexes, 1975, p. 35-75. Perrot M., Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998. Virgili F., « L’histoire des femmes et l’histoire des genres aujourd’hui », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 75, 2002, p. 5-14.
- Perrot M., Mon Histoire des femmes, Paris Seuil, 2006, Conclusion.
- Antonietti, T., op. cit, p. 24.
- Crettaz B., « Ethnologie du Val d’Anniviers par les voyageurs du 18e au 20e siècle », La Société Académique du Valais 20e anniversaire, Sion et Saint-Luc, 2008, p. 49-53.
- Vouilloz Burnier M.-F., À l’ombre de la Dixence. Vie quotidienne des femmes dans l’arc alpin, Sierre, Monographic, 2009, p. 51.
- Herzlich C., « La représentation sociale », dans Moscovici S., Introduction à la psychologie sociale, Paris, 1973, vol. 1, p. 303-323.
- Antonietti T., op. cit. ; Crettaz B., Terre de femmes, Genève, Musée d’ethnographie, 1989 ; Zermatten M., La mission de la femme au village, Sion, [s.n.], 1941.
- Loup J., op. cit., p. 342-343.
- Métrailler M. et Brumagne M.-M., op. cit., p. 197.
- Le consortage est une association qui gère les biens collectifs que sont l’eau, la forêt et les alpages. Les consorts (ou membres) ont des droits de fonds qui les autorisent à utiliser les biens communautaires et des devoirs liés à l’entretien des bisses (canaux d’irrigation), des chemins, des chottes d’alpage (abris servant à l’hébergement des bergers et du bétail) et des fours banaux (fours à pain publics).
- Richard M.-C., Le barrage de la Dixence sur la commune d’Hérémence : étude des principales retombées économiques et sociales de la construction d’un barrage sur une commune de montagne et ses habitants, Genève, Université de Genève, Faculté des sciences économiques et sociales, 1975.
- Papilloud J.-H., op. cit., 1999.
- Crettaz B., op. cit., 1989, p. 28.
- Les Valaisannes obtiennent le droit de vote en 1970.
- En 1950, le nombre moyen de personnes par ménage s’élève à 4,12 pour la commune d’Hérémence alors que la taille moyenne des ménages est de 4,07 personnes pour le canton. Office cantonal de statistique et de péréquation, L’Annuaire statistique du canton du Valais, Sion, Département des finances, 1950.
- Dans la perspective de la fin des travaux du barrage, deux usines de micromécanique se sont installées dans la commune, à la demande des autorités politiques. Genolet E., « Quand Genève délocalisait en Valais : implantation et quotidien d’une usine à la montagne dans les années 1960 », Annales Valaisannes, Sion, 2014, p. 91-141.
- Heller G., Propre en ordre. Habitation et vie domestique 1850-1930 : l’exemple vaudois, Lausanne, En Bas, 1979, p. 155.
- Antonietti T., op. cit., p. 26.
- Perrot M., Femmes publiques, Paris, Textuel, 1997.
- Pralong A., Mes années valaisannes, Pully, 1999.
- Le mayen est un pâturage d’altitude moyenne comprenant un bâtiment. Le bétail y séjourne au printemps sur le chemin de l’alpage et en automne avant de regagner le village. Il est placé sous la garde exclusive des femmes.
- Antonietti T., op. cit., p. 24.
- Berthoud G., Changements économiques et sociaux de la montagne, Vernamiège-en-Valais, Berne, Franke, 1967.
- Vouilloz Burnier M.-F., 1963, Épidémie à Zermatt. La fièvre typhoïde de Zermatt, Sierre, Monographic, 2010.
- Métrailler M. et Brumagne M.-M., op. cit., p. 154.
- À l’école ménagère, les jeunes filles apprennent les rudiments de l’économie domestique: cuisine, hygiène, lessive, repassage, comptabilité ménagère, confection de la lingerie et des vêtements usuels, alimentation des nourrissons et puériculture. L’école ménagère rurale enseigne également les bases de l’horticulture, de l’aviculture, de l’élevage des moutons, des porcs et des chèvres aux futures épouses de paysans. Bornet-Mariéthoz G., Un aspect de la politique agricole valaisanne du début du XXe siècle : l’école cantonale d’agriculture de Châteauneuf, Genève, Université de Genève, Faculté des Lettres, 1990.
- Dénommé formation duale, l’apprentissage permet l’acquisition de compétences professionnelles par la formation pratique en entreprise alliée à des cours professionnels théoriques organisés par le canton. L’apprentissage dure quatre ans et donne lieu à un diplôme appelé Certificat fédéral de capacité qui autorise de travailler dans l’activité choisie, sur l’ensemble du territoire suisse. Simone Forster S., « Histoire de la formation professionnelle », Bulletin de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, n° 12, juin 2003.
- Vouilloz Burnier M.-F., Générations barrages : la place des hommes dans les sociétés alpines au XXe siècle, Sierre, Monographic, 2019.
- Genolet E, op. cit., p. 127.
- Vouilloz Burnier M.-F., Histoire(s) de la santé en Valais 1815-2015, Sion, Observatoire de la santé, 2015.
- En 1960, le nombre moyen de personnes par ménage s’élève à 3,98 pour la commune d’Hérémence alors que la taille moyenne des ménages est de 3,72 personnes pour le canton. Office cantonal de statistique et de péréquation, L’annuaire statistique du canton du Valais, Sion, Département des finances, 1960. Rusterholz C., Deux enfants c’est déjà pas mal. Famille et fécondité en Suisse (1955-1970), Lausanne, Antipodes, 2017.