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« Strictly Criminal » : l’engeance des scélérats en Angleterre entre la fin du XIVe et la fin du XVe siècle

« Appointment with Crime »1

Bien souvent, un Middle English romance dépeint les hauts faits de preux chevaliers protecteurs des faibles, défenseurs de l’honneur féminin et de la foi chrétienne exposés aux menaces extérieures à la société. Dans ces récits d’armes et d’amour, le reflet inversé de ces hommes au cœur noble, dont la rectitude morale n’a d’égale que la bravoure au combat, est celui qu’offre la foule bigarrée de scélérats, de bandits ou simplement d’individus malhonnêtes, qui remplissent la fonction actantielle d’opposants aux héros et héroïnes. C’est à cette seconde catégorie de personnages qui peuplent les textes moyen-anglais des XIVe et XVe siècles que je m’intéresserai, en tentant d’esquisser une typologie des criminels, ceux qui commettent de graves méfaits, de flagrants manquements à la morale ou des infractions à la loi passibles de peines infamantes. La sélection d’un corpus de lais bretons moyen-anglais (mini-romances), de bourdes (avatars anglais du fabliau), de contes aux accents satiriques, ou d’exempla tirés de sermons, permettra de tirer des constatations sur le mode de représentation des comportements vils et des pratiques illicites. Un examen des causes et des effets d’une délinquance, quel qu’en soit le degré de gravité, révèlera que le contre-monde de la fraude et de la fronde est, en réalité, une réponse à la corruption d’agents de l’autorité judiciaire et politique, à un moment où la production littéraire se fait l’écho des récriminations plébéiennes. Enfin, ce bref passage en revue des formes de criminalité médiévale au prisme de quelques textes articulera aveuglement et violence, démesure et avidité. Si les bassesses et les délits évoqués impliquent en filigrane la notion de rétribution, elles signifient la possibilité d’une réhabilitation par la repentance.

« A Very Medieval English Gangster »2 : esquisse d’une typologie

And luke thi knave hafe a knoke bot he the clothe sprede,
Bot late hym paye or he passe, and pik hym so clene
That fynd a peny in his purse and put owte his eghe.
When that es dronken and don, duell ther no lenger,
Bot teche hym owt of the townn to trotte aftir more
3.

Au cours de la dispute apparue en songe au poète-narrateur de Wynnere and Wastoure, le roi, qui préside au débat4 envenimé entre le thésauriseur et le dilapidateur, finit par séparer les deux adversaires, assignant à chacun une résidence et une fonction distinctes en accord avec leurs natures ou, plus exactement, leurs travers respectifs. À Wastoure, épicurien dénué de scrupules, le souverain impose d’écumer les quartiers mal famés de Londres. Dans les bouges, ce représentant de la « landed provincial gentry »5 continuera sans entrave de s’encanailler, de duper et d’enivrer de naïfs visiteurs pour mieux les dépouiller de leur argent. Au premier abord, il est troublant d’entendre dans la bouche du détenteur de l’autorité suprême du royaume une invitation à poursuivre des occupations répréhensibles. Le roi ainsi que les allégories de l’accumulation (Wynnere) et de la dépense (Wastoure) baignent dans un climat diffus de déchéance, où les repères éthiques sont renversés. Impuissant à apaiser l’amère querelle entre l’avaricieux et le dissipateur, le souverain juge que Wastoure, dont l’unique but est de maintenir un train de vie dispendieux par des méthodes immorales, ne peut que persister dans la débauche et le gaspillage inconsidérés. Au lendemain des ravages causés par la pestilence (le poème est daté des environs de 1352-1353), règne une atmosphère propice à la défiance et à l’hostilité. Le juge de l’altercation verbale (disputée en tenue de combat) constate qu’un mal incurable frappe aussi bien les hommes de titres et de biens (Wastoure) que les membres d’une bourgeoisie d’affaires prospère (Wynnere), sollicitée par l’aristocratie pour l’emprunt de fonds importants. Nous pouvons supposer que la raison de ces propos inattendus de la part du roi, dont le modèle historique est probablement Edward III6, est qu’il mène grand train, vit au-dessus de ses moyens, et ne rembourse pas les dettes qu’il contracte auprès de Wynnere et de ses semblables dans le but de financer de ruineux divertissements et des campagnes militaires répétées. Par conséquent, ce poème, auquel manquent les dernières strophes, suggère que l’Angleterre de la seconde moitié du XIVe siècle est rongée par une corruption endémique jusqu’à la plus haute sphère du pouvoir.

Descendons de plusieurs échelons dans la hiérarchie sociale anglaise de la période concernée. The Parlement of the Thre Ages s’ouvre sur la confession du narrateur se livrant en cachette à une chasse interdite.

And hevede all into ane hole and hidde it with ferne,
With hethe and with horemosse hilde it about,
That no fostere of the fee scholde fynde it theraftir;
Hid the hornes and the hede in ane hologhe oke,
That no hunte scholde it hent ne have it in sighte
7.

On ne tarde pas à comprendre, bien que le mot ne soit jamais employé, qu’il braconne sur des terres royales. Après avoir tué, dépecé et équarri un cerf à l’abri des regards, il s’endort et fait un songe. Ainsi, l’apparition des trois chevaliers d’âges différents, du plus jeune au plus vieux (Youthe, Medill Elde, et Elde), est ironiquement précédée d’une évocation par indirection de l’antithèse du chevalier vertueux, celle d’un commoner ou, pire, d’un noble bafouant les décrets royaux portant sur le gros gibier8. Quel que soit son rang social, sur lequel l’ambiguïté est adroitement entretenue, l’individu agit dans l’ombre, sous les radars d’une règlementation qui réserve aux aristocrates le privilège des loisirs cynégétiques, a fortiori la chasse au cerf, la plus noble des proies. C’est dans la zone grise des crimes et délits (que l’anglais désigne par outlawry) que se situe le narrateur du poème, qui s’apprête à relater la vision d’une discussion-débat après avoir pris soin de dissimuler toute trace de son acte frauduleux. La question qui vient à l’esprit concerne les motifs qui l’auraient poussé à tuer un cerf sur une terre mise en défens. Il est permis d’imaginer qu’il a subi des intimidations et des extorsions de la part de garde-forestiers ou de fonctionnaires royaux crapuleux9. Dans cette perspective, le délit commis par le braconnier est à minimiser, comparé au mésusage de l’autorité dont sont dépositaires des agents qui faillent à leur devoir de veiller au respect des lois et de défendre les victimes d’abus de pouvoir. Un renforcement du rôle de gestion, surveillance et punition conféré aux représentants de l’autorité, particulièrement au niveau local, se traduit dans les faits par une participation accrue à ces fonctions des petits propriétaires terriens (la landed gentry) mais aussi des forestiers et autres professions de la middling sort10 – ces métiers intermédiaires entre les détenteurs de biens fonciers et la paysannerie. Il arrive qu’ils prennent les armes et passent à l’action, délictueuse, dans l’espace non policé du vert (greenwood en anglais) pour exprimer leur désapprobation d’une gouvernance corrompue. Gorski parle d’« administration malpractice »11 observée chez des intendants, baillis, constables et percepteurs qui, à l’échelle du comté, usent de leurs prérogatives au détriment de ceux qu’ils dépossèdent. Menacées, volées ou brutalisées, les personnes lésées sont enclines à déroger à la justice afin d’obtenir réparation, ainsi que le rappelle Richard Gorski : « Those that were its victims felt justified in challenging it or setting it aside, and solving their problems in their own ways »12.

Face à des licensed malefactors, au sein des forestiers, artisans, ou régisseurs, la tentation est forte de verser dans la criminalité. Parmi les victimes de l’incurie d’un pouvoir politique et judiciaire dégradé et malsain, émerge une contre-violence, contre-criminalité de circonstance. De manière à peine voilée, trois bourdes du type King and Commoners dénoncent les maux et dysfonctionnements endémiques d’une société où la petite bourgeoisie des campagnes acquiert un poids économique non négligeable bien qu’ambigu. D’une part, certains passent à l’action, frauduleuse, las des subornations de commissaires des autorités ; d’autre part, lorsqu’ils servent à la cour, à leur tour, ils se mettent à rançonner et à prélever abusivement. Des voix dissidentes s’élèvent contre les turpitudes impunies des shérifs, baillis, ou délégués du seigneur, a fortiori du roi. En somme, les textes de ce corpus désignent en pointillés des pratiques condamnables à tous les niveaux. Non seulement le roi ne paie pas ses dettes, comme observé précédemment, mais les garde-chasses, par exemple, se soustraient à leurs tâches de contrôle des forêts pour réaliser de juteuses malversations. Or, ils ne sont pas les seuls à sévir dans les bois. A Late Fifteenth-Century Dominical Sermon Cycle relate l’anecdote édifiante d’un chevalier bandit de grand chemin qui fait amende honorable.

And to þis we haue a glorious exsampyll in þe Miraclys of our blessid Lady, þat þere was some tyme a knyȝte þat in his childhodde and also in his manhod lyvyd a contrarius lyffe to þe plesure of God. […] And so our blessid Lady preservyd hym. And þer þis notabil clerke commawndyd þe fende by þe powere of almyȝti God to passe to þe peynes of hell. And so þe devil departyd in his owne lykenes and bare þat one ende of þe place awey with hym. And þen þe knyȝte becam a good man ever after, and lyvid and dyed in Godis servyce, and so came to þe ioyes of heven. To þe whiche, et cetera, Amen13.

Figure immortalisée en littérature par Robin des Bois, le bandit des bois n’est pas un chevalier. C’est un yeoman14, auteur d’exactions répétées pour (soi-disant) redresser des torts, reprendre possession de biens dérobés. Cependant, au passage, il assassine. Dans Robin Hode and the Munke, la réputation de Robin le précède : « For Robyn Hode hase many a wilde fellow, / I tell you in certen; / If thei wist ye rode this way, / In feith ye shulde be slayn »15. En apparence anodine, cette remarque suggère en quelques vers l’ambivalence du personnage loué hâtivement en termes de good outlaw – par contraste avec le shérif et ses hommes malveillants et nuisibles16. Les trois bourdes que sont King Edward and the Shepherd, John the Reeve, et The King and the Hermit relèvent de la littérature de la plainte. Elles mettent en présence un braconnier (comme The Parlement of the Thre Ages) et un souverain qui tait son identité. Une lecture attentive soulève une interrogation : quel regard moral portent les auteurs anonymes de ces portraits de filous ? Où se situe leur jugement entre les extrêmes que sont la condamnation virulente et l’indulgence teintée d’admiration (dans le cas des ballades relatives à Robyn Hode) ? John the Reeve et King Edward and the Shepherd s’achèvent sur le pardon accordé par un roi clément aux trafiquants de gibiers abattus sur ses terres. Les délinquants, un régisseur et un berger, régulièrement pris pour cible par des officiers royaux cupides et mal intentionnés, se voient à la fin généreusement récompensés et promus à un statut enviable. Le dénouement indiquerait donc qu’ils rentrent dans le rang, que leur propension à enfreindre la loi est ainsi neutralisée. Or, de telles marques de magnanimité royale constituent un prisme déformant de la réalité17. En aucun cas, le souverain n’élève des malfaiteurs repentis à un rang social supérieur en les plaçant à son service. Les poètes de ces bourdes, pourrait-on conclure, manifestent implicitement une conscience aiguë de l’étendue des pratiques délictueuses, par force ou par choix, et de la lourdeur des sanctions. The King and the Hermit met en scène un religieux retiré dans la forêt utilisant son arc et ses flèches pour tuer des bêtes. Au roi, qui passe incognito, l’ermite confie qu’il a pleinement conscience des peines encourues pour ses infractions à la loi.

For iff I wer take with sych a dede,
To the courte thei wold me lede
And to preson me bryng;
Bot if I myght my raunson gete,
Be bond in prison and sorow grete
And in perell to hyng
18.

Pour ainsi dire contemporaines à « the matter of the greenwood » centrée sur Robyn Hode, les contes comiques que sont les bourdes tendent un miroir aux préoccupations sociétales et politiques de leur temps (entre la fin du XIVe et la fin du XVe siècle). Le cadre de l’action est non seulement la forêt mais aussi le monde liminal qui borde la ville. Sémantiquement, liminalité et criminalité se rejoignent. Ce petit théâtre de la fraude donne à voir des fripouilles, dont la ruse entre en résonance avec le terme moyen-anglais gyn19. Gyn désigne un lance-pierre, arme du braconnier, et par ailleurs un mode d’action visant à tirer profit des failles du système légal fragilisé par les rétorsions et les détournements de biens et d’argent auxquels se livrent, entre autres, les constables les moins scrupuleux. The King and the Shepherd, John the Reeve, et The King and the Hermit laissent entrevoir une contre-économie opérant aux marges de la société, puisque les bois ou terres insuffisamment surveillés par un personnel peu zélé constituent un espace de gibiers traqués et troqués ou vendus sous le manteau. Ces activités défendues par la loi doivent rester tues, passer inaperçues. Adam le berger fait promettre au roi, qu’il manque de reconnaître, de ne rien révéler de ses combines. « I pray thee telle it no man / In what maner that I hit wan; / I myght have blame therfore »20. De plus, on remarque que l’incivisme des transgresseurs des décrets royaux relatifs à la chasse se double d’un dévoiement du langage dans John the Reeve. À la cour, moqué et méprisé, le régisseur rétorque par une insulte : « John bade them kisse the devilles arse »21. La rudesse de l’expression verbale est un prolongement ou redoublement de sa conduite délinquante. De même, les malfaiteurs endurcis du Pardoner’s Tale, qui se mettent en tête de se débarrasser du mystérieux Trépas, blasphèment comme ils respirent : « Her othes been so grete and so dampnable That is grisly for to heere hem swere. / Oure blissed Lordes body they totere– / Hem thoughte that Jewes rente hym noght ynough– / And ech of hem at otheres synne lough »22. L’heure est à la violence, verbale et/ou physique, laquelle peut être l’expression de griefs populaires.

« An age of complaint »23 est une formule idoine pour décrire une époque où se multiplient incivilités et forfaitures. Une gouvernance défaillante, dénaturée par des fonctionnaires indélicats, est vivement déplorée en arrière-plan des trois bourdes. Le doigt est mis sur la capacité réduite du pouvoir à maintenir l’ordre, la paix et la justice face aux « abusers of secular and ecclesiastical authority »24. Le manque de probité à la cour alimente une critique sans concession, qui teinte au vitriol les portraits de forestiers et de baillis félons, entre autres. Les infractions du régisseur John font pâle figure au regard des tricheries, des manigances et des manipulations quotidiennes du Régisseur des Canterbury Tales de Chaucer. Il n’est pas fortuit que ce dernier soit redouté comme la peste, et qu’il « habite une belle propriété, / Isolée, à l’ombre d’arbres touffus »25, autre référence à la liminalité-marginalité criminelle. Être de la marge, urbaine, sociale et légale, il s’enrichit sur le dos de son propre maître à qui il prête de l’argent, moyennant récompense. Ses compétences en intendance servent, en fait, à blanchir des malversations fort lucratives. Bilieux et décharné, il a la tonsure d’un prêtre et des jambes ridiculement longues et maigres26. Son allure rebutante et austère de frère mendiant est un signe extérieur d’une éthique professionnelle douteuse. La criminalité n’est donc pas le seul fait d’une racaille puisque, telle la pestilence, elle contamine tous les individus, gangrène tous les milieux, de l’homme du peuple au noble.

(Greenwood) Outlawry, « A Dangerous Profession »27 : causes et effets

Un tableau de l’engeance crapuleuse croquée dans les textes examinés serait incomplet si l’on omettait les « sacred outlaws »28, ces religieux dont les vices sont pointés avec ironie, par Chaucer notamment. Ces hommes jouissent d’un droit avantageux, le bénéfice, qui leur permet d’échapper à toute sentence punitive prononcée par un tribunal séculier lorsqu’ils sont en faute. L’unification et la standardisation de l’appareil judiciaire anglais à la fin du Moyen Âge se heurtent à l’indépendance du système des cours de justice ecclésiastique29. Aussi bien dans le récit-cadre du General Prologue qu’au niveau intradiégétique des performances narratives des pèlerins, The Canterbury Tales fournit plusieurs vignettes éloquentes de religieux fort peu soucieux de leurs vœux de chasteté et d’humilité. Le Moine du Prologue est friand de chasse et de bonne chère, n’a cure des vœux de pauvreté et de tempérance qu’il a prononcés, et affiche un comportement en complète contradiction avec sa mission pastorale et l’ascèse spirituelle qu’il est censé incarner. Hubert, le Frère du Prologue, n’a pas son pareil pour conter fleurette, courir les tavernes, fuir les lépreux et les mendiants pour ne fréquenter que les nantis dont il peut tirer profit. Il possède même des armes. Ses faits et gestes trahissent un mépris des préceptes de conduite dictés par son ordre mendiant. Dans The Friar’s Tale, l’huissier de justice ecclésiastique est dépeint sous les traits d’un voleur, maquereau et maître-chanteur, qui manipule jusqu’à l’influent archidiacre qui l’emploie. Un jour, lorsque son compagnon de route, un démon ayant pris l’apparence d’un élégant yeoman, lui révèle son identité, au lieu d’ouvrir les yeux sur sa propre vilénie, l’huissier s’obstine à soutirer quelques pièces à la vieille aux maigres revenus chez qui il se rend. Il se réjouit d’exercer le même métier que le suppôt de Satan, « ramasser peu importe comment »30, dénicher une proie coûte que coûte dans le seul but de la déposséder sans une once de remords. Au moment où la pauvre victime émet le souhait qu’il aille au diable, ce dernier la prend au mot et aussitôt entraîne l’impénitent avec lui aux enfers. Sans l’avoir prévu, l’infâme huissier d’église emprunte un raccourci vers la fosse infernale, « a short cut to hell »31.

Balayant le spectre d’une société « dans tous ses états », ces portraits de médiévaux dévoyés, clergé compris, frappent par une efficace condensation de détails accablants, voire effroyables, comme l’indique cet extrait du lai breton moyen-anglais Sir Gowther :

Now is he Duke of greyt renown,
And men of holy kyrke dynggus down
Wher he myght hom mete.
Masse ne matens wold he non here
Nor ne prechyng of no frere,
That dar I heyly hette
32.

Les tableaux de scélérats sont le fruit d’un habile dosage de prosopographie (description de l’apparence extérieure) et d’éthopée (description des mœurs, en l’occurrence des vices)33. Par assimilation négative, les contrevenants à la justice des hommes ou à celle de Dieu prennent vie dans l’imagination du lecteur grâce à l’habileté du poète à manier la comparaison, la métaphore, ou le détail révélateur d’un vice, comme on peut le constater à la lecture de Sir Gowther. Surnaturelle, la croissance accélérée de Gowther enfant, qui tarit toutes ses nourrices de leur lait et les tue d’épuisement, est un indice de sa paternité démoniaque et de sa criminalité en devenir :

He sowkyd hom so thei lost ther lyvys,
Sone had he sleyne three!
Tho chyld yong and fast he wex—
The Duke gard prycke aftur sex—
Hende karkons yee:
Be twelfe moneythys was gon
Nine norsus had he slon
Of ladys feyr and fre
34.

Les canailles s’avèrent dépourvues d’humanité, du souci de l’autre et de la communauté. La carence morale et civique qui les caractérise fait parfois l’objet d’un aparté du narrateur. Le poète de The Erle of Tolous annonce que le félon Trylabas, au service du tyran Dyoclysyan, va attenter à la vie du Comte de Toulouse qui l’a pourtant libéré de sa rançon envers lui après qu’il l’a fait prisonnier : « Syr Trylabas home can wende, / There evell mote he thee! / A traytory he thoght to doo / Yf he myght come thertoo; / So schrewde in herte was hee! »35. Lorsque le narrateur du récit rapporte des scélératesses de Trylabas, il ouvre une parenthèse, prend l’auditoire à témoin en glissant un bref commentaire incisif sur l’immoralité du gredin. Mû par un intérêt purement matériel, le criminel scandalise (cause la chute, étymologiquement dans le péché36), son discours impie outrage (constitue une offense cruelle, une insulte à la décence, une atteinte violente et odieuse, qui peut être une profanation37). De même, un catalogue d’actes honteux sert à noircir le tableau. Le berger de King Edward and the Shepherd déplore amèrement les exactions perpétrées par des hommes du roi (the kyngis men38) qui volent impunément ses poules, ses oies, ses moutons, et abusent sa fille. Cette horde indistincte, véritable plaie qui ronge le pays, exerce un pouvoir de nuisance qui décourage toute tentative d’autodéfense chez les victimes : « Thei ar worse then sich ten »39. La liste de leurs méfaits court sur plus de trois strophes40, dont voici un extrait :

Yet ar ther of theim nyne moo,
For at my hows thei were also
Certis yisturday.
Thei toke my hennes and my geese
And my schepe with all the fleese,
And ladde theim forth away.
Be my doghtur thei lay al nyght;
To come agayne thei have me hyght;
Of helpe I wolde yow pray
41.

« Wicked as they come »42, les fripouilles commettent des félonies. Ce faisant, elles concentrent les traits définitoires des brigands, thugs, desperadoes, racketeers43. Il est fait allusion à la pègre des bas-fonds londoniens dans The Cook’s Tale. Apprenti fêtard qui pique dans la caisse de son patron, le jeune Perkyn perd sa place, et s’installe avec un compère vivant d’expédients chez une prostituée. Prenant la voix du Cuisinier conteur de l’histoire, Chaucer le dépeint en ces termes : « Anon he sente his bed and his array / Unto a comper of his owene sort, / That lovede dys, and revel, and disport, / And hadde a wyf that heeld for contenance / A shoppe, and swyved for hir sustenance »44. Antimonde des lieux de perdition, rebut de la société, la racaille réapparaît au premier plan de The Pardoner’s Tale. Cette fable glaçante met en scène trois vauriens englués dans le vice. Affichant un comportement pour le moins juridiquement indigne et civiquement inadéquat, ils appartiennent à une fange métaphorique, la frange peu recommandable de la population à l’écart des normes sociales et éthiques ; ils boivent, jouent aux dés, blasphèment, agressent, et assassinent. L’ironie veut qu’à la fin, ils s’entretuent par appât du gain. Leur conduite correspond à la définition que propose Siegfried Christoph d’un acte violent, « a violation against something sanctioned by rule, custom, or law. Hence, we often find the characteristic cause-and-effect relationship between lawlessnes and violence in the Middle Ages »45.

Les productions littéraires examinées dans cet article s’ancrent dans un moment de l’histoire anglaise entaché par deux catastrophes concomitantes : la Peste Noire effroyablement dévastatrice (dont la première vague survient en 1348 en Angleterre, et loin d’être résorbée à la fin du XIVe siècle) et la guerre de Cent Ans (de 1337 à 1453), interminable et terriblement meurtrière. La population est lourdement éprouvée. En d’autres termes, trois fléaux nécrosent l’Angleterre : une criminalité grimpante, aggravée par la pestilence et par des affrontements armés qui perdurent. Cette fin de Moyen Âge est plongée dans une réalité mortifère, doublée d’une atrophie du sentiment religieux et d’une déconsidération des autorités séculière et cléricale. L’érosion de la foi, du sens du sacré, du devoir, et de l’obéissance au Seigneur/seigneur sont propices à un délitement des valeurs chrétiennes, favorisent une propension à s’affranchir des lois, à défier l’ordre harmonieux de la nation, de la communauté, du groupe. Dans Dives and Pauper, long commentaire de chacun des Dix Commandements sous la forme d’un dialogue entre un prêcheur pauvre et un laïc prospère, Dives impute l’alarmant déclin de l’adhésion à la nation anglaise et à l’institution ecclésiale à un effritement de la confiance dans l’élite. La conduite des puissants, religieux en particulier, perd en crédibilité en raison des manquements à leurs missions politiques et spirituelles46. Un terme générique de la langue anglaise renvoie au large éventail d’actes de forfaiture : felony. Une définition légale de la notion de felony, remontant au début du XIIIe siècle47, englobe l’homicide, le vol, le viol, la mutilation, tout type de larcin. Qui dit félonie, comportements faisant intervenir duplicité et/ou brutalité, dit rétribution sous le coup de la justice. Entre faute légale et pénalité, un lien de cause à effet paraît évident.

« So Dark the (K)night », « Murder Is My Beat »48. Criminalité et violence, offenses à l’ordre du monde

La violence est consubstantielle au crime : « The exercise of physical force so as to inflict injury on, or cause damage to, persons or property; action or conduct characterized by this; treatment or usage tending to cause bodily injury or forcibly interfering with personal freedom »49. The Erle of Tolous débute par un acte de banditisme seigneurial50, commis sans justification par un puissant empereur, Syr Dyoclysyan, contre le comte Syr Barnard, qu’il dépouille de ses tenures. Sourd aux paroles de sa femme, heurtée par son hostilité envers un vassal innocent, le tyran se montre virulent jusque dans ses propos haineux, expression de sa cupidité et d’un tempérament irascible. Cette représentation d’un souverain qui attaque et pille sans vergogne projette l’image désolante, mais avérée, d’une élite prédatrice51. The Erle of Tolous illustre un mépris du civisme nécessaire au fonctionnement harmonieux de la société. Ce récit d’une injustice faite à un homme loyal rend compte de l’inquiétante transition du law state au war state, que Gorski date du règne d’Edward III52. La dépossession des terres de Syr Barnard of Tolous par les assauts barbares de l’empereur qui le déclare son ennemi prend la tournure d’une guerre féroce, qui provoque immanquablement une riposte décuplée. Recourant à son tour au même degré de cruauté, Syr Barnard reproduit les injustices dont il a été la cible : « He ordeyned hym for batayle / Into the Emperours londe, saun fayle; / And there he began to brenne and sloo »53. Il semblerait qu’il n’existe pas d’alternative à ce cercle vicieux d’une violence qui en entraîne une autre54.

Giacomo Todeschini interprète le concept de cruauté en considérant attentivement ses racines latines55. Les délinquants font partie des gens de mauvaise vie qui, d’après Saint Augustin, négligent l’état de leur conscience. Ils se départissent de leur humanité et sombrent dans la crudelitas, la sauvagerie. Au cours de la première moitié du XIIIe siècle, Albert de Gandino pointe l’animalité de celui qui menace le groupe social en transgressant les règles de vie56. Les écarts à la loi témoignent, en réalité, de l’incapacité à saisir et recevoir la vérité chrétienne – comme le montre la curiosité irrépressible des secrets de l’enfer fatale à l’huissier d’église du Friar’s Tale. Probablement la pire forme de vilénie est la cruauté exercée sur des innocents. Dans Sir Orfeo, il est brièvement question des traitements odieux57, inexpliqués, réservés aux captifs du Roi Fée. Image réfractée du bon gouvernant incarné par le monarque qui donne son titre au poème, le mystérieux king of fairy, maître d’un inquiétant Underworld58, met en péril la paix et l’équilibre du royaume d’Orfeo en enlevant son épouse Heurodis. Les traitements inhumains infligés par le Roi Fée à ses prisonniers, dans le contre-espace (et contrescarpe) d’un outre-monde hors des murs de la cour officielle du monde d’en haut, contrastent singulièrement avec la sophistication des ornements de son palais et sa délectation pour les arts, en particulier la musique, dont le régale Orfeo se faisant passer pour un simple ménestrel. En imaginant un Roi des Fées esthète, d’une grande beauté, et de noble allure mais capable de comportements effroyables, l’auteur anonyme de Sir Orfeo emprunte à la tradition poétique courtoise cette propension à estomper la violence du comportement chevaleresque pour en exalter uniquement la délicatesse, le raffinement ainsi que la noblesse des idéaux. Il s’avère que la plupart des romances et lais bretons moyen-anglais témoignent d’un goût prononcé des affrontements armés « scénographiés », glorifiés en événements spectacles. À l’occasion de joutes ou de batailles, les échanges de coups sanglants se traduisent par le fracas des armes et le craquement des boîtes crâniennes broyées. L’âpreté des combats est rendue quasiment audible au moyen de l’allitération : « They leyde on faste as they were wode, / Wyth swerdys and axes that were gode; / Full hedeous hyt was to here. / There were schyldys and schaftys schakydde, / Hedys thorogh helmys crakydde, / And hawberkys all totore »59. Les faits sont présentés comme héroïques, en termes d’exploits admirables, de sport (au sens anglais de divertissement) remarquable : « The Erle hymselfe an axe drowe; / An hundred men that day he slowe, / So wyght he was yn were! »60. Le jeu du combat est, en fait, un jeu du crime. Les mises à mort effectuées dans ce cadre ritualisé du tournoi ou de la rencontre militaire dressent comme une scène sur laquelle sont perpétrés des assassinats cautionnés par les us et coutumes de la classe privilégiée. Parées des luxueux atours de l’aristocratie, ces tueries sont légitimées, deviennent des motifs propres à l’horizon d’attentes du public des Middle English romances. Ils sont constitutifs du genre, dont ils pimentent le paysage sonore des cris déchirants des victimes, des cliquetis des lames, de l’acharnement destructeur des assaillants. L’interrogation sous-jacente est la suivante : comment concilier la grandeur de la chevalerie dépeinte dans ces textes avec l’ignominie des méfaits perpétrés par (certains de) ses représentants ?

L’exemple le plus terrifiant de cette discordance entre un habitus de classe et la brutalité de ses distractions est celui, historiquement avéré, du serial killer du XVe siècle Gilles de Rais. On retrouve le goût immodéré du carnage caractéristique du seigneur-boucher français dans la sinistre évocation des exactions de Sir Gowther, protagoniste du lai breton éponyme. Gowther et Gilles de Rais sont des barbares du passé, symboles d’une férocité féodale, celle de la caste improductive et nuisible de seigneurs influents s’adonnant aux excès guerriers et sexuels, aux beuveries, aux tueries incontrôlées et gratuites61. En comparaison, Syr Dyoclysyan dans The Erle of Tolous partage, avec Pichrocole, figure rabelaisienne de la démesure et de l’aveuglement62, l’orgueil et la soif de conquête en vue d’accroître ses aises : « He dysheryted many a man, / And falsely ther londys wan »63. Toutefois, ce tyran, qui manifeste dans son attitude un penchant naturel pour le pillage et la dévastation64, n’atteint pas la monstruosité de Gowther, « so wekyd in all kyn wyse »65, progéniture d’une mortelle et d’un incube.

Avant son repentir qui le conduira à la sainteté, le criminel forcené personnifie la dépravation, dédaignant les lois de la société et les préceptes bibliques. Il étale l’insolence du puissant, la superbe féodale, cette démesure qui éloigne de la raison et de la tempérance66. Assoiffé de chasse et de violence, il terrorise le pays, méprisant la mesure éthique qui devrait dicter son comportement après que le duc, son père, l’a adoubé – dans le vain espoir de christianiser son âme. Étymologiquement, la mesure est apparentée à la modération, ainsi qu’à medicus dont le sens premier est « prendre soin ». Gowther ne prend soin ni des autres, qu’il tue, viole et brûle, ni de son âme immodeste, puisqu’il a outrepassé les bornes de la morale. Pour employer une métaphore agreste, les bornes évoquent les jalons d’un champ cultivé, espace maîtrisé par la main de l’homme, donc celui de la culture en opposition à l’espace sauvage (selva) d’une nature indomptée67. Entièrement guidé par l’hybris, Gowther méconnaît les limites et, partant, trouble l’ordre public. Selon Empédocle68, parce qu’il a heurté la décence, le criminel est souillé. C’est pourquoi le pape inflige à Gowther une humiliante pénitence : endurer une vie de chien, aux sens propre et figuré. Le jeune délinquant s’égare, car il est privé d’esprit, de l’Esprit, et a sombré dans la bestialité. Il croit en une fausse vérité, celle de sa vigueur exceptionnelle d’origine diabolique, donc fatale à son entourage. Mètis, allégorie antique, symbolise l’ingéniosité, la cautèle, l’inventivité en vue de tromper, d’abuser. Elle a pour antithèse Thémis, le droit, la stabilité, la juste mesure à observer. En cette fin de Moyen Âge, les valeurs du travail, de l’économie, du calcul profitable, de l’intelligence des proportions et de la décence d’une conduite appropriée semblent démenties par le dérèglement de comportements, tels ceux de Gowther qui nient les principes éthiques d’une structure sociale dite civilisée annonçant les prémices de l’humanisme.

Le dernier film en date de Ridley Scott, The Last Duel, tiré de l’ouvrage de l’historien médiéviste Eric Jager, The Last Duel: A True Story of Trial by Combat in Medieval France, publié en 200469, plonge le spectateur dans la France de 1386 sous le règne de Charles VI. L’intrigue renvoie à l’âpre réalité des chevaliers violeurs. Le Normand Jean de Carrouges réclame expressément auprès du parlement de Paris le droit de disputer un combat jusqu’à ce que mort s’en suive70 (l’ultime71, suggère le titre du film) contre Jacques Le Gris, qui non seulement l’humilie, le dépouille de ses terres et de privilèges militaires depuis des années, mais viole aussi son épouse :

Because rape was viewed less as an act of sexual violence than a property crime against the victim’s husband or guardian, rapists often avoided harsh penalties by paying a fine to the man in question. The burden of proof lay almost entirely on victims, who had to prove they’d resisted the rapist’s advances while recounting their testimony in precise detail72.

La foisonnante poésie narrative anglaise du Moyen Âge fait mention de chevaliers violeurs. Sir Degaré relate la rencontre entre un chevalier de féerie « vêtu d’une robe écarlate, / Beau de visage, beau de corps, / À la mine des plus courtoises »73 et la fille, noble et belle, d’un puissant roi de Petite Bretagne. Dans les bois, la pucelle perd son chemin et ne tarde pas à être abordée par le séduisant gentilhomme qui déclare l’aimer depuis longtemps mais la saisit de force74. The Wife of Bath’s Tale décrit brièvement la même offense tenue pour irrémissible. À l’occasion d’une chasse, un jeune chevalier de la cour d’Arthur75 voit une jeune fille à qui il ravit sa virginité. L’agression soulève un tollé au point que le chevalier est condamné à mort – à moins qu’il ne trouve la réponse à l’énigme concernant ce que désirent véritablement les femmes : « That dampned was this knyght for to be deed, / By cours of lawe, and sholde han lost his heed – / Paradventure swich was the statut tho »76. Faisant référence à un système judiciaire prévoyant de lourdes peines, la Bourgeoise de Bath justifie, au passage, la légalité de la sanction réservée à ce crime – sanction à laquelle l’agresseur dans The Wife of Bath’s Tale échappe, au final, après avoir racheté sa conduite.

Le viol fait partie des innombrables forfaitures dont Gowther s’est rendu coupable dans sa jeunesse fougueuse. Implicitement, le poète signifie que le débordement d’une énergie néfaste, toxique pour l’ordre social, demande à être contenu; en réalité, qui a fauté aux sens religieux et juridique doit payer. Au terme du repentir de Gowther à la cour de l’empereur d’Allemagne où, tel un chien, il a dû se contenter de restes de repas et coucher sous la table de banquet, il abandonne toute inclination scélérate, se transforme en héros exemplaire, défenseur de la foi chrétienne contre l’envahisseur païen, et fait bâtir une abbaye pour expier les atrocités qu’il fit subir au clergé. Jadis un monstre de démesure, il s’est métamorphosé en saint. Les massacres en série ont cédé la place à de louables actions en série, récompensées par une union avec la princesse, le rétablissement de la paix du royaume grâce à ses prouesses martiales, et sa promotion au statut suprême d’empereur après le décès de son beau-père. Gowther se rédime en fondant une abbaye sur sa terre natale et un couvent à la mémoire des nonnes qu’il a déshonorées et brûlées vives lorsque son âme était noire. Dans l’épilogue, le poète souligne que le criminel impie du passé soutient à présent les pauvres, protège ses sujets et le clergé. À la mort de cette fleur de la chevalerie chrétienne, terreur des Sarrasins77, Dieu fait de lui un thaumaturge, dont la dépouille repose dans une châsse d’or. Les exactions du chevalier maudit (cursod knyght78) sont suivies de miracles. « Bien qu’engendré par un démon velu »79, « il fut inspiré par l’Esprit Saint »80. Ainsi, le sens de ce conte est celui du rachat divin d’un être initialement inique. Poème « aussi profitable que beau, / Tiré d’un lai de Bretagne »81, Sir Gowther offre un happy end conforme à la tradition du romance médiéval hagiographique.

« I Confess »82 : conclusion

Au vu du parcours des différentes formes que revêt le crime dans cette sélection de textes, la faute contre la communauté, la paix civile et les commandements de l’Église est présentée comme un égarement, dont le remède serait le dessillement moral grâce à une inspiration ou direction spirituelle. Dans le cas de Gowther, les forfaits déclenchent une prise de conscience de la culpabilité, et partant de l’urgence d’une salutaire expiation. Une fois désintoxiqué de son addiction à un mode d’existence ignominieux, le hors-la-loi peut regagner la voie de la raison, de la sociabilité, de la légalité, du comportement mesuré. Le renoncement définitif à des outrages aux personnes et aux institutions participe, en somme, d’un processus cathartique, celui d’une cure de l’âme. Dans la perspective chrétienne du pardon accordé (à condition que la contrition et la pénitence soient sincères), une guérison spirituelle assurerait non seulement un retour à la vie en société dans le respect des codes de conduite, mais surtout l’accès aux joies célestes, ainsi que le rappelle un sermon anglais de la fin du XVe siècle : « for and ƿu wylt opteyne ƿe ioyes celestiall, ƿen muste ƿu do penaunce withe contriscion of hert and confescion of mowƿe »83. Gowther dresse le bilan de ses fautes graves et fait œuvre pie. Il sauve son âme de la damnation à laquelle le destinait sa paternité démoniaque, acquiert véritablement l’aura de chevalier, le nom de Gowther précédé du titre Sir, en sauvant un royaume chrétien des assauts de l’ennemi sarrasin, et entre en odeur de sainteté. Dans une moindre mesure, Syr Dyoclysyan cesse de dépouiller son vassal, revient à de meilleurs sentiments, une fois que le Comte a lavé l’honneur bafoué de son épouse l’impératrice Beulybon. Dès lors, il le nomme régisseur de ses terres, et retourne à messire Bernard de Toulouse tous les biens fonciers dont il s’était emparé par la force.

Portés à la rapine, au vandalisme, au viol ou au meurtre, ces personnages, cédant à la colère, la cupidité ou la luxure, se comportent comme le brigand de l’exemplum d’un sermon dominical pour le mercredi des Cendres84 : un empereur miséricordieux y gracie un voleur récidiviste (« an owtelaw that had kept wodis and hyȝe weyes and had spoyled and robbyd many a man and woman »85) qui fait preuve de bonne foi en se repentant. Le prêcheur explique que le pardon de l’empereur doit se lire comme un écho à celui du Christ à l’égard d’une humanité pécheresse. Les auditeurs de prêches, comme les lecteurs de manuels catéchistiques et dévotionnels, apprécient Sir Orfeo au même titre que les sermons dominicaux, The Erle of Tolous autant que Dives and Pauper. Le public anglais, imprégné de religiosité, est friand de gentilesse, moralitee et hoolynesse86, sans oublier les contes à rire. Son imagination se nourrit de fables autant que de la prose sérieuse et édifiante de la pastoralia, qui dissémine une théologie normative parmi le clergé et les laïcs qu’il s’agit de préparer à un examen de conscience87. Si ces récits renvoient en creux à la bonne voie à suivre, the goode wey, la préoccupation du salut éternel prônée par le Prêtre des Canterbury Tales, ils donnent à voir la réalité prosaïque de l’ici-bas. Cet ici et maintenant balaie le spectre de la société tardomédiévale, composée de vertueux mais aussi de criminels, impénitents pour certains, rémissibles pour d’autres.

Notes

  1. Appointment with Crime est une allusion à un thriller criminel britannique réalisé par John Harlow en 1946. Strictly Criminal, les premiers mots du titre de cet article, sont en fait un clin d’œil à une production américaine de 2015, réalisée par Scott Cooper. Le protagoniste principal est un gangster notoire. Les titres des parties de cette présente étude des scélérats anglais de la fin du Moyen Âge empruntent à des films noirs ou à des thrillers mettant en scène des malfaiteurs, des bandits, des hors-la-loi de tout acabit des XXe et XXIe siècles. Bien qu’aucun lien direct ne puisse être établi entre les personnages de ces films et ceux des textes moyen-anglais examinés, les formulations des titres de films en question entrent en résonance avec les thèmes traités et les portraits de criminels dressés dans l’étude de ce corpus.
  2. A Very English Gangster est un docu-fiction consacré à un gangster anglais, personnage réel. Réalisé par Donald McIntyre, le film est sorti en 2007.
  3. Warren Ginsberg (éd.), Wynnere and Wastoure and The Parlement of the Thre Ages, TEAMS Middle English Texts Series, Kalamazoo, Michigan, Medieval Institute Publications, Western Michigan University, 1992, p. 28, vers 485-489. https://metseditions.org/read/DMvVpjzefzAMriN44U7m2mIxPMLjzbly « Et assure-toi que ton valet soit corrigé s’il manque de couvrir la table d’une nappe, / Mais laisse-le [l’homme ivre que tu vas dépouiller] payer le repas, et déleste-le de son argent / Au point que soit maudit quiconque viendrait à trouver un liard dans sa bourse. / Lorsque ta proie est ivre et repue, déguerpis de la taverne, / Puis montre-lui comment quitter la ville, et poursuivre son chemin. » [Notre traduction].
  4. Ibid., p. 13. Le titre du poème est suivi d’une approximative précision générique : « Here begynnes a tretys and god schorte refreyte bytwixe Wynnere and Wastoure », que l’on peut traduire par « Ici débute un traité et bref débat efficace opposant Wynnere à Wastoure ».
  5. John Scattergood, « The Tale of Gamelyn: The Noble Robber as Provincial Hero », dans Carole Meale (dir.), Readings in Medieval English Romance, Cambridge, D.S. Brewer, 1994, p. 187.
  6. Warren Ginsberg (dir.), Wynnere and Wastoure, Introduction, p. 2-3. « Wynnere contains elements of topical satire; Gollancz in fact thought that it was aimed specifically at Edward III and the Black Prince and their handling of events, both foreign and domestic, during the winter of 1352-1353. The poem does indeed seem to comment on economic and political conditions in the wake of the Black Death, which struck England in 1348-1349 ».
  7. Ibid., p. 46, v. 92-97, « Et déposai toute la viande découpée dans un trou et la cachai sous des fougères, / Je recouvrai ces morceaux de bruyère et de mousse, / Pour qu’ils ne fussent pas découverts plus tard par un garde-chasse du domaine seigneurial ; / Je dissimulai les bois et la tête dans un chêne creux, / Afin que nul chasseur ne les trouvât ni ne les vît » [Notre traduction].
  8. Bronislaw Geremek, « Le marginal », dans Jacques Legoff (dir.), L’Homme médiéval, titre original L’Uomo medievale, 1987, Paris, Seuil, 1989, p. 397. L’auteur de l’article parle de « gangsterisme chevaleresque » qu’il impute au fléau de la guerre de Cent Ans qui a entraîné un relâchement des mœurs et une instabilité croissante dans la répartition des rôles sociaux. À la page 390, Geremek rappelle que la plèbe n’est pas le seul terreau de la criminalité, puisque les gens d’Église et la noblesse se livrent aussi à de lucratives activités frauduleuses.
  9. Richard Gorski, « Justices and Injustice? England’s Local Officials in the Later Middle Ages », dans John C. Appleby et Paul Dalton (dir.), Outlaws in Medieval and Early Modern England. Crime, Government and Society, c. 1066-c. 1600, London, Routledge, [2009] 2016, p. 60. Gorski classe le Franklin du récit-cadre des Canterbury Tales parmi les « royal office-holders », position dont le personnage au double visage tire parti avec habileté. À propos du Franklin voici ce que dit Chaucer, dans son rôle de chroniqueur du pèlerinage, avant le départ pour Canterbury : Larry D. Benson (gen. éd.), The Riverside Chaucer, Third Edition, The General Prologue, dans The Canterbury Tales, Oxford, Oxford University Press, [1987] 1988, p. 29, v. 359-360. « A shirreve hadde he been, and a contour. / Was nowher swich a worthy vavasour ». André Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer. Les Contes de Canterbury et autres œuvres, Paris, Robert Laffont, [2000] 2010, p. 65, vers 359-360. « Il avait été shérif et contrôleur. / Jamais on ne vit aussi digne hobereau ». Le portrait est donc celui d’un noble campagnard, précise André Crépin en note de bas de page 4. Quelques vers plus haut (343-344) laissent entendre que les viandes et poissons servis en abondance à la table du Franklin pourraient lui avoir été procurés par des braconniers, alors qu’il est un représentant local de la loi.
  10. J. C. Appleby et P. Dalton (éd.), Outlaws in Medieval…, p. 4. https://doi.org/10.1111/j.1468-229X.2010.00496_16.x
  11. R. Gorski, « Justices and Injustice?… », p. 56.
  12. J. Scattergood, « The Tale of Gamelyn… », p. 169.
  13. Stephen Morrison (éd.), A Late Fifteenth-Century Dominical Sermon Cycle, Oxford, OUP, 2012, vol. 1, Sermon 9 (Dominica Prima Post Octavam Epiphanie), p. 48-50, l. 82-125. « Un glorieux exemple nous est fourni par ce Miracle de la Vierge au sujet d’un chevalier qui, depuis l’enfance, n’avait cessé de mener une existence contraire à la volonté de Dieu. […] Ainsi, la Vierge Marie, bénie soit-elle, le protégea. Le vénérable prêtre, avec l’aide du Tout-Puissant, commanda au démon de retourner en enfer et son lot d’effroyables tourments. Alors le diable se défit de son apparence trompeuse [celle d’un chambellan] et emporta avec lui son horrible demeure. À partir de cet instant le chevalier devint bon, vécut et mourut en servant le Seigneur et, partant, accéda aux joies du paradis. Et cetera, Amen » [Notre traduction].
  14. A. J. Pollard, « Political ideology in the Early Stories of Robin Hood », dans J. C. Appleby et P. Dalton éd.), Outlaws in Medieval…, p. 115. Le yeoman, rappelle Pollard, appartient à un entre-deux dans l’échelle sociale, entre la petite noblesse rurale et l’homme du peuple. Les foresters relèvent de la catégorie des yeomen. Voir aussi André Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 47. En note de bas de page 1, il précise que le yeoman, homme libre, occupe un statut « juste au-dessous de celui d’écuyer, parfois même de la petite noblesse, éventuellement au service d’un seigneur ».
  15. Stephen Knight et Thomas Ohlgren (éd.), Robin Hood and the Monk, dans Robin Hood and Other Outlaw Tales, Kalamazoo, Michigan, Western Michigan University, Medieval Institute Publications. Published for TEAMS, 2000, p. 42, vers 179-182. « Car Robin a de nombreux compagnons sans pitié, / Je puis vous l’assurer ; / S’ils apprenaient que vous chevauchiez dans les parages, / Ma foi, vous seriez assassiné » [Notre traduction]. https://metseditions.org/read/MGdq66daI8NqfLkrC8VjQuGRyZR1QkR
  16. A. J. Pollard, « Political ideology in the Early Stories of Robin Hood », p. 117.
  17. Ibid., p. 122. Pollard spécifie que la réalité est fort éloignée de l’univers fictionnel des récits de « sympathiques » hors-la-loi.
  18. Melissa Furrow (éd.), The King and the Hermit, dans Ten Bourdes (TEAMS, Middle English Texts Series, 2013. A Robins Library Digital Project), 256-261. https://metseditions.org/read/3lpyb0B3C4eAzTRQEzSMWd7IMy7ekv13W. « Car si j’étais pris en flagrant délit, / À la cour je serais conduit / Et en prison serais jeté ; / À moins d’obtenir une caution, / Je serais mis aux fers à ma plus grande peine / Et risquerais la pendaison » [Notre traduction].
  19. Le Middle English Compendium indique que le terme gyn renvoie à la cautèle, à l’ingéniosité et la duplicité ainsi qu’aux moyens concrets (militaires) employés pour parvenir à ses fins. https://quod.lib.umich.edu/m/middle-english-dictionary/dictionary/MED18603/track?counter=1&search_id=19179164
  20. M. Furrow (éd.), King Edward and the Shepherd, dans Ten Bourdes, vers 554-556. « Je vous prie de ne parler à quiconque / De la manière dont je me le [le gibier] suis procuré ; / Il pourrait m’en coûter » [Notre traduction]. https://metseditions.org/read/QD97MpbUKAGi3NqwfavqxS8mqlAbA5y
  21. M. Furrow (éd.), John the Reeve, dans Ten Bourdes, vers 673. https://metseditions.org/read/Vkbqxd6S9WexfRwqflyyvHwV9gA9gmM
  22. L. D. Benson (gen. éd.), The Pardoner’s Tale, p. 196, v. 472-476. André Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 448, v. 472-476. « Leurs jurons sont si gros, si sacrilèges / Qu’on frissonnerait rien qu’à les entendre. / Ils mettent en pièces le corps du Seigneur / Comme si les Juifs ne l’avaient pas fait assez, / Et chacun de rire du péché de l’autre ». https://chaucer.fas.harvard.edu/pages/general-prologue-0
  23. R. Gorski, « Justices and Injustice?… », p. 57. Cette période de griefs populaires inspire des « poems of social protest ». Voir Sita Steckel, « Une querelle de théologiens ? The Concept of ‘Polemic’ in the Historiography of the Secular-Mendicant Controversy », dans Bénédicte Sère (dir.), Les Régimes de polémicité au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2019, p. 92.
  24. Ibid., p. 62.
  25. L. D. Benson (gen. éd.), The General Prologue, p. 33, vers 606-607. « His wonyng was ful faire upon an heeth; / With grene trees yshadwed was his place ». André Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 85, v. 606-607. Pier Paolo Pasolini a adapté certains des Contes de Chaucer à l’écran en 1972 dans I racconti di Canterbury. Le film est accessible en ligne en langue italienne. Le début correspond au General Prologue to the Canterbury Tales (de 0:00 à 7:12) : https://www.youtube.com/watch?v=7QOvzq7FeIE.
  26. Ibid., p. 33, v. 587-592 : « The Reve was a sclendre colerik man. / His berd was shave as ny as ever he kan; / His heer was by his erys ful round yshorn; / His top was dokked lyk a preest biforn. / Ful longe were his legges, and ful lene, / Ylyk a staf; ther was no calf ysene ». A. Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 83-85, vers 587-592 : « Le Régisseur, bilieux et décharné, / Était rasé d’on ne saurait plus près, / Il était tondu autour des oreilles, / Et sur le devant du crâne, comme un prêtre. / Il avait les jambes longues et très maigres, / De vrais bâtons, sans mollet apparent ».
  27. Il s’agit du titre d’un film de gangsters de Ted Tetzlaff produit par la Warner en 1949.
  28. Candace Gregory-Abbott, « Sacred Outlaws: Outlawry and the Medieval Church », dans J. C. Appleby et P. Dalton (éd.), Outlaws in Medieval…, p. 75-89.
  29. Ibid., p. 89.
  30. Geoffrey Chaucer : Les Contes de Canterbury et autres œuvres, Paris, Robert Laffont, [2000] 2010, traduits, présentés et annotés par A. Crépin, Le Conte du Frère mendiant, vers. 1453, p. 288. Extrait du film I racconti di Canterbury de Pier Paolo Pasolini, 1972. Adaptation des Canterbury Tales de Geoffrey Chaucer (1387-1400) : The Friar’s Tale. En italien sans sous-titres : https://www.youtube.com/watch?v=tH93L0c4gT0.
  31. Short Cut to Hell est un film policier de James Cagney réalisé en 1957.
  32. Colette Stévanovitch et Anne Mathieu (dir.), Sir Gowther, traduit par Jean-Jacques Blanchot dans Les Lais bretons moyen-anglais, traduit par Jean-Jacques Blanchot, Turnhout, Brepols, 2010, p. 320-321, v. 168-174. https://www.brepolsonline.net/doi/10.1484/M.TVMA-EB.5.112562?mobileUi=0 « Mais lui, devenu duc de grand renom, / Il massacrait tous les hommes d’église / Où qu’il pût les rencontrer. / Il exécrait la messe et les matines / Autant que les sermons des Prêcheurs, / Je n’ai pas peur de le dire ». À propos de ce lai breton moyen-anglais, voir aussi le chapitre 5 de l’ouvrage d’Andrea Hopkins, The Sinful Knights: A Study of Middle English Penitential Romance, 1990. https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780198117629.003.0005
  33. Jean-Philippe Miraux, Le Portrait littéraire, Paris, Hachette Supérieur, 2003, p. 14.
  34. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), Sir Gowther…, p. 318-319, vers 113-120. « Le nourrisson les épuisa très vite, / Trois d’entre elles en périrent ! / Le jeune enfant grandit rapidement, / Le duc fit venir six autres nourrices ; / Eh bien, gentils auditeurs, / Avant que douze mois eussent passé / Cet enfant avait tué encore neuf / De ces belles nobles dames ».
  35. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), The Erle of Tolous, traduit par Marthe Mensah, p. 378-379, v. 413-417. « Messire Trylabas partit chez lui, / Qu’il soit maudit ! / Il préméditait quelque perfidie / S’il pouvait y parvenir / Tant il était malfaisant ! ».
  36. Le Littré en ligne. Définition du verbe scandaliser. https://www.littre.org/definition/scandaliser
  37. Le Littré en ligne. Définition du verbe outrager. https://www.littre.org/definition/outrager
  38. M. Furrow (éd.), King Edward and the Shepherd, in Ten Bourdes, v. 148. https://metseditions.org/read/QD97MpbUKAGi3NqwfavqxS8mqlAbA5y
  39. Ibid., v. 149, « Ils sont dix fois pires » [Notre traduction].
  40. Ibid., v. 145-183.
  41. Ibid., v. 160-168. « Pourtant il y en a neuf de plus, / Car chez moi ils se trouvaient aussi / Pas plus tard qu’hier, je vous l’assure. / Ils se sont emparés de mes poules et mes oies / Et de mes ouailles et leurs toisons, / Qu’ils ont emportées avec eux. / Auprès de ma fille ils ont passé la nuit ; / Ils m’ont juré qu’ils reviendraient : / De votre aide j’ai besoin, je vous prie » [Notre traduction]. Dans une note qui accompagne le v. 166, « Be my doghtur thei lay al nyght », M. Furrow pointe l’ambivalence de la formulation, qui peut évoquer un viol collectif ou alors une relation consentie par la fille du berger avec l’un des hommes du roi. En effet, le v. 597 mentionne « his doghtur lemman ».
  42. Wicked As They Come est un film noir britannique réalisé par Ken Hughes en 1956.
  43. Définition du cnrtl de bandit : https://www.cnrtl.fr/definition/bandit. L’ouvrage de Morand, New York (p. 80) emploie ces termes, présentés ici comme les équivalents de « bandits ; détrousseurs, pilleurs ou brutes épaisses ».
  44. L. D. Benson (gen. éd.), The Cook’s Tale, p. 86, vers 4418-4422. A. Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 206, vers 4418-4422. « Pierrot fit porter son lit, ses affaires / Chez un compère du même acabit, / Qui aimait le jeu, les fêtes, les plaisirs / Et dont la femme pour la façade tenait / Boutique mais comme putain gagnait sa vie ». Extrait du film de Pasolini, I racconti di Canterbury, adaptation du Cook’s Tale (de 41:37 à 52:26) : https://www.dailymotion.com/video/x978ata.
  45. Siegfried R. Christoph, « Violence Stylized », dans Albrecht Classen, Violence in Medieval Courtly Literature. A Casebook, New York & London, Routledge, 2004, p. 115. https://scholarworks.iu.edu/journals/index.php/tmr/article/view/16042/22160
  46. Priscilla Heath Barnum (dir.), Dives and Pauper, Vol.1, Part 1, EETS, 1976, Fourth Precept, ch. 17, p. 337, vers 29-32. Convoquant Saint Paul pour prôner une obéissance inconditionnelle au prélat comme au souverain, Pauper déclare : « Obeyyth to your prelatis & souereynys & be ye meke & soget to hem, for why, seith he, they ben wol besy & trauaylyn to sauyn your soulys, as thei that schul yeuyn answere for your soulys at the doom ». « Obéissez à vos prêtres et souverains, et soumettez-vous à leur autorité car, dit Paul, ils œuvrent au salut de vos âmes, comme s’ils devaient répondre de vos âmes le jour du Jugement ». La réponse de Dives aux v. 32-35 exprime une profonde défiance à l’égard des hommes d’église, vénaux et malhonnêtes. « Many of hem caryn wol lytil for manys soule. Thei caryn more to getyn monye & mennys good, and many of hem ben wol feble lyuerys ». « Nombre d’entre eux se soucient comme d’une guigne de l’âme du prochain. Ils accordent bien plus d’importance à l’argent et aux biens d’autrui, et beaucoup sont des êtres faibles et corrompus » [Notre traduction].
  47. S. Stewart, « Outlawry as an Instrument of Justice in the Thirteenth Century », dans J. C. Appleby et P. Dalton (éd.), Outlaws in Medieval…, p. 40.
  48. So Dark The Night est un film noir américain de 1946 de Joseph H. Lewis. Murder Is My Beat est un autre film noir américain réalisé par Edgar G. Ulmer en 1955.
  49. The Oxford English Dictionary, second edition. C’est la définition que l’on y trouve du mot violence https://www.oed.com/oed2/00277885.
  50. R. Gorski, « Justices and Injustice?… », p. 68. Gorski signale le phénomène qu’il qualifie de « bastard feudalism ».
  51. La réalité de l’Angleterre tardomédiévale est celle de monarques constatant les effets regrettables de la dévolution de leur autorité à des seigneurs locaux, dont ils ne maîtrisent pas ou n’ont pas connaissance des forfaitures.
  52. R. Gorski, « Justices and Injustice?… », p. 55.
  53. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), The Erle of Tolous…, p. 35-36, vers 34-36. « Se prépara à livrer bataille, / Et les terres de l’empereur à envahir ; / Commença à brûler et à détruire ».
  54. Toutefois, une lecture attentive du poème révèle que les talents de diplomate de l’impératrice Beulybon, et surtout son exceptionnelle beauté qui gagne le cœur du Comte, ont raison de l’inimitié que nourrit son mari à l’encontre de Syr Barnard – qu’elle épousera trois ans plus tard, à la mort de l’empereur.
  55. Giacomo Todeschini, Au pays des sans-nom. Gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen Âge à l’époque moderne, traduit de l’italien par Nathalie Gailius (2007), Paris, Verdier, 2015, p. 29. https://www.fabula.org/actualites/67380/g-todeschini-au-pays-des-sans-nom-gens-de-mauvaise-vie-personnes-suspectes-ou-ordinaires-du-moyen.html
  56. Ibid., p. 30-31.
  57. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), Sir Orfeo, traduit par Claire Vial, 2010, p. 103, vers 388-407.
  58. Underworld est un film muet américain de 1927 réalisé par Josef von Sternberg.
  59. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), The Erle of Tolous.., p. 363, vers 87-93. « Tels des insensés, frappaient vigoureusement / Avec haches de guerre et bonnes épées : / Dieu, c’était horrible pour qui l’entendait ; / Boucliers et hampes s’entrechoquaient, / À travers les heaumes, des têtes étaient brisées, / Et aussi des hauberts tout déchirés ».
  60. Ibid., p. 363, vers 94-96. « Le comte lui-même maniait la hache. / Une centaine d’hommes tua ce jour-là, / Tant il était brave au combat ! ».
  61. Georges Bataille, Le Procès de Gilles de Rais, dans Œuvres complètes X. L’érotisme. Le procès de Gilles de Rais. Les larmes d’Éros, Paris, Gallimard, 1965, p. 302-308.
  62. Christophe Cervellon, Mesure et démesure, Paris, Presses Universitaires de France, 2003, p. 68.
  63. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), The Erle of Tolous.., p. 358-359, « Nombreux ceux qu’il avait dépouillés / Et perfidement de leurs terres dépossédés ».
  64. Ibid., p. 363. Aux v. 77-81, hargneux, ignorant le discours irénique de son épouse, Dyoclysyan exhorte ses troupes à écraser l’ennemi sans concession. « Go ye and bete them downe ryght / And leveth non on lyve; / Loke that none raunsonyd bee / Othyr for golde ne for fee, / But sle them wyth swerde and knyfe! ». « Allez et écrasez-les pleinement, / N’en laissez aucun vivant ; / Veillez à ce qu’aucun ne soit racheté / Ni pour de l’or ni pour des biens, / Mais tuez-les par le poignard et l’épée ! ».
  65. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), Sir Gowther, p. 318, v. 148. Le vers complet est « He was so wekyd in all kyn wyse ». La traduction est « Il excellait tant en méchanceté ».
  66. C. Cervellon, Mesure et démesure. À la page 104, l’auteur de l’ouvrage fait référence au texte de Georges Bataille consacré au procès de Gilles de Rais.
  67. Ibid., p. 4.
  68. Ibid., p. 32.
  69. Peter Bradshaw, « The Last Duel review – storytelling with gusto in Ridley Scott’s medieval epic », The Guardian, 14 October 2021. https://www.theguardian.com/film/2021/oct/14/the-last-duel-review-storytelling-with-gusto-in-ridley-scotts-medieval-epic. La critique du film débute par une remarque qui fait écho au point soulevé plus haut dans cet article concernant le décalage patent entre la cruauté des comportements et la finesse et la distinction associées à l’éthos chevaleresque : « based on a true story and set in a 14th-century society of bluebloods infatuated with their own reputation for gallantry, nobility and courtly love ».
  70. Meilan Solly, « The True History Behind ‘The Last Duel’ », Smithsonian Magazine, 14 October 2021. https://www.smithsonianmag.com/history/the-true-history-behind-the-last-duel-180978860/. L’autrice de l’article, historienne et co-éditrice, écrit : « French law stipulated that noblemen appealing their cause to the king could challenge the accused to a judicial duel, or trial by combat. Known as the “judgment of God,” these ordeals were thought to have a divinely ordained outcome, with the loser proving his guilt by the very act of defeat ».
  71. Ibid., https://www.smithsonianmag.com/history/the-true-history-behind-the-last-duel-180978860/. « Though Scott’s film and its source text afford the fight the weighty title of the last duel, Le Gris’ trial by combat was far from the last duel to ever take place. Rather, it was the last judicial duel sanctioned by the Parlement of Paris – a decision possibly motivated by the decidedly unchivalrous nature of the event. Duels of honor, as well as judicial duels authorized by other governing bodies, continued to take place centuries after Carrouges’ triumph ».
  72. Ibid.
  73. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), Sir Degaré, traduit par Guy Bourquin, p. 126-127, v. 92-94, « A robe of scarlet he hadde upon; / His visage was feir, his bodi ech weies; / Of countenaunce right curteis ».
  74. Ibid., p. 126-127, v. 105-114.
  75. Larry D. Benson (gen. éd.), The Wife of Bath’s Tale, p. 117, v. 882-888.
  76. Ibid., p. 117, v. 891-893. André Crépin, introduction générale et traduction, Geoffrey Chaucer, p. 272, v. 891-893. « Que le chevalier fut condamné à mort / Très légalement. Sa tête serait tombée— / C’était sans doute le statut en vigueur ».
  77. C. Stévanovitch et A. Mathieu (dir.), Sir Gowther, traduit par Jean-Jacques Blanchot, p. 348-349, v. 713-714. « Of all Cryston knyghttus tho flowre, / And with tho Sarsyns dredde ».
  78. Ibid., p. 350, v. 738.
  79. Ibid., v. 748, « And geyton with a felteryd feynd ».
  80. Ibid., v. 737, « For he is inspyryd with tho Holy Gost ».
  81. Ibid., v. 752-753, « A story bothe gud and fyn / Owt off a law of Breteyn ».
  82. I Confess est un film noir d’Alfred Hitchcock de 1953.
  83. Stephen Morrison (éd.), A Late Fifteenth-Century Dominical Sermon Cycle, vol. 2, Sermon 22 (Dominica iiij Quadragesime), p. 141, l. 134-135, « car si tu désires atteinde aux joies célestes, tu dois faire pénitence d’un coeur contrit et confesser tes fautes de ta bouche » [Notre traduction].
  84. Ibid., vol. 2, Sermon 18 (In Die Cinerum), p. 108-109, l. 146-165.
  85. Ibid., p. 108, l. 150-152, « un hors-la-loi des bois et grands chemins, qui en avait dépouillé et volé plus d’un, hommes et femmes » [Notre traduction].
  86. David Raybin et Linda Tarte Holley (dir.), Closure in The Canterbury Tales. The Role of The Parson’s Tale, Kalamazoo, Michigan, Studies in Medieval Culture XLI, Medieval Institute Publications, 2000, Introduction, p. xv.
  87. Richard Newhauser, « The Parson’s Tale and Its Generic Affiliations », ibid, 2000, p. 46-47.
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EAN html : 9791030011364
ISBN html : 979-10-300-1136-4
ISBN pdf : 979-10-300-1137-1
Volume : 5
ISSN : 2743-7639
Posté le 23/05/2025
18 p.
Code CLIL : 3387; 4024 ; 3345
licence CC by SA

Comment citer

Blandeau, Agnès, « « Strictly Criminal » : l’engeance des scélérats en Angleterre entre la fin du XIVe et la fin du XVe siècle », in : Darnis, Pierre, Drouet, Pascale, dir., Rogues & pícaros. Polygénèse de la picaresque dans l’Espagne et l’Angleterre médiévales et renaissantes, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, collection S@voirs humanistes 5, 2025, 81-98 [en ligne] https://una-editions.fr/strictly-criminal-engeance-des-scelerats-en-angleterre [consulté le 23/05/2025].
Illustration de couverture • Détail de La diseuse de bonne aventure, George de la Tour, probablement années 1630, © Metropolitan Museum of Art.
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