Le procès de Nicolas Fouquet est l’une des affaires qui a eu le plus fort retentissement sous le règne de Louis XIV. Il est le symbole de la chute d’un homme parvenu aux plus hautes charges du gouvernement du royaume, ayant amassé une fortune immense, disposant de réseaux de clientèle aux ramifications vastes. L’arrestation du surintendant des Finances le 5 septembre 1661 sonne le glas d’une carrière brillante qui avait couronné un investissement envisagé sur le long terme. Daniel Dessert, dans la biographie analytique qu’il a consacrée au ministre, souligne les appuis grâce auxquels Fouquet a pu se hisser à la surintendance des Finances et au conseil d’En-Haut pour atteindre la fonction et le titre de ministre d’État1. Accusé de péculat et de lèse-majesté, Fouquet perd alors sa liberté et sa fortune, tandis que sa réputation est entachée des crimes qui lui sont reprochés ; il entraîne dans cette déchéance son épouse et sa famille2. L’histoire de cette affaire a été maintes fois relatée et commentée3 : l’objet de notre étude n’est pas de revenir sur les accusations, le procès ou son déroulement, mais de comprendre quels en furent les effets sur la famille de Nicolas Fouquet, en premier lieu sur la personne de son épouse. Il nous importe d’observer la façon dont la disgrâce toucha, par ricochet, Marie-Madeleine de Castille. Daniel Dessert affirme que « Nicolas Fouquet est mort deux fois : juridiquement en 1664 et biologiquement en 16804 ». Par conséquent, la dame aurait connu parallèlement une forme de « veuvage civil » puisque son époux disparaît aux yeux de la société.
Le statut juridique de la femme mariée est, de prime abord, peu favorable à cette dernière : elle est considérée comme mineure, passant de l’autorité paternelle à celle de son époux5. Selon cette incapacité, la femme n’a pas d’existence juridique propre6 : elle ne peut pas signer de contrat seule ou ester en justice. De cet état de fait découle toute une série de contraintes et interdits imposés aux femmes, considérées comme inférieures, ou pour mieux dire, « subordonnées ». Cependant, certaines circonstances peuvent engager les femmes mariées à dépasser leur condition et à agir dans les domaines économiques et juridiques, afin de préserver les intérêts matériels et l’inscription sociale de la famille. La subordination au masculin n’est pas synonyme de passivité féminine. L’absence de l’époux semble être l’une de ces circonstances favorables. En effet, l’épouse adopte une position de relais lisible dans l’usage des procurations, la signature d’actes notariés ou sous la plume des contemporains.
Notre réflexion porte spécifiquement sur le fonctionnement conjugal et les conséquences de celui-ci sur l’identité et les actions entreprises par chacun des époux. L’indissolubilité du lien marital confère certaines caractéristiques au couple : il est une véritable « cellule de base sur laquelle était fondée toute la société7 ». Nous souhaitons observer la façon dont les maris et femmes œuvrent ensemble pour la défense de leur capital financier, matériel ou social et représentent chacun les deux facettes d’une même réalité, témoignant de la fusion des individus dans le couple, devenu la véritable cellule sociale de réflexion et de fonctionnement. Dans cette association conjugale, nous nous interrogerons sur la place que la femme peut occuper en cas d’absence de son mari : rôles spécifiques ou perméabilité entre sphères masculines et féminines8 ? En nous intéressant au couple Fouquet, nous rencontrons une situation singulière : celle d’un renversement de conditions juridiques, défini par l’enfermement et l’absence de l’époux. Alors que ce dernier perd sa capacité juridique, l’épouse bénéficie de libertés nouvelles grâce à des dispositions prévues par le droit : séparation de biens et procuration. Il nous importe de comprendre comment les deux époux utilisent ces possibilités offertes par le droit pour établir la capacité juridique de l’épouse, la continuité de l’action conjugale et la défense de la fortune et de la réputation de la famille.
Subir l’absence et le déshonneur :
l’épouse emportée par la disgrâce masculine
Le couple Fouquet :
de l’ascension à l’abrupte chute
Stratégies familiales et ascension sociale et du clan Fouquet
La lignée Fouquet a connu une ascension sociale rapide. En effet, l’arrière-grand-père de Nicolas, François I, est marchand drapier à Angers. Mais il permet à ses enfants d’acquérir « une solide formation en droit civil et en droit canon, éducation qui oriente pour un siècle la famille vers la magistrature9 ». Son fils, François II, achète une charge d’avocat en parlement avant de devenir conseiller au Parlement de Paris en 157810. Le basculement dans la robe de la famille Fouquet est relativement tardif, mais conforté dès la génération suivante par le mariage de François III, père de Nicolas, avec Marie de Maupeou, dont le grand-père, Pierre, a été trésorier de la maison du duc de Joyeuse, commissaire au Châtelet et auditeur des comptes. Plus intéressant encore, il a été anobli par lettres en 158611. L’achat de la seigneurie de Vaux, près de Paris, achève d’intégrer Nicolas à la noblesse : à la robe est associée la terre. La disgrâce subie en 1661 est d’autant plus abrupte qu’elle touche un homme parvenu au sommet de l’État grâce au travail de plusieurs générations et à l’élaboration patiente de stratégies familiales ; la chute de Fouquet fut aussi brutale que son ascension paraît vertigineuse.
Le contrat de mariage est signé à Paris le 4 février 1651 ; Marie-Madeleine est une très jeune femme de quinze ans12. L’épouse dispose de propres d’une importante valeur13. Ceux-ci seront l’enjeu de multiples démarches entreprises par la jeune femme à la suite de l’arrestation de son époux afin de les préserver des créanciers et des scellés apposés par ordre du roi sur tous les biens de Fouquet. Les appuis de la parentèle de l’épouse dans la haute robe s’avèrent très utiles à son mari : « il s’agit d’une famille influente, dont les alliances ne peuvent que favoriser l’ascension de Nicolas14 », analyse Daniel Dessert. Signent au contrat de mariage Henri de Castille, oncle de la fiancée, Nicolas de Neufville, Jacques Bailly et Charles Bernard ses cousins maternels, Jean de Castille et Nicolas Jeannin de Castille cousins paternels. Chacun de ces parents exerce de hautes charges dans les cours souveraines ou dans le service domestique des princes15. Mais l’étendue et la puissance de ce tissu familial ne peuvent empêcher la chute de Nicolas Fouquet et de sa seconde épouse.
Marie-Madeleine de Castille : épouse fière et incapable ?
Jean-Christian Petitfils, appuyant ses propos sur la thèse de Betty T. Uzman consacrée au fonctionnement des réseaux de clientèles bâtis par Fouquet16, affirme que « Marie-Madeleine de Castille est absente des actions à mener et placée sous tutelle17 » durant les dix premières années de son mariage. Les Mémoires de M. d’Artagnan, rédigés a posteriori par Gatien Courtilz de Sandras, mousquetaire sous le commandement du dit d’Artagnan, font état de l’incapacité et des ambitions de la jeune femme. Selon Courtilz de Sandras, Mme Fouquet était à l’origine des passions et démesures de son époux.
Sa femme était encore bien moins que lui, mais cela ne l’empêchait pas qu’elle ne le surpassât encore en vanité. Elle était insupportable là-dessus […] ; l’on dit même qu’elle avait mis en tête à son mari d’acheter une souveraineté quelque part et de s’y en aller achever ses jours avec elle18.
S’il est nécessaire de prendre avec toute la mesure nécessaire ce témoignage apocryphe, il est intéressant de noter quelle était l’image accordée à Mme Fouquet par ses contemporains, transmise aux archivistes, chercheurs et historiens. Elle aurait donc été pendant les dix premières années de son mariage une épouse fière mais incapable, laissée dans la minorité supposée par sa condition de femme mariée. L’arrestation de Nicolas Fouquet représente en ce sens un bouleversement dans le fonctionnement conjugal.
L’épouse confrontée à l’absence :
les rigueurs de l’exil
Marie-Madeleine de Castille fut contrainte à un exil long à Limoges, Saintes puis Montluçon, entre 1661 et 1664, soit toute la durée du procès de son mari. Les conditions du séjour de Mme Fouquet à Limoges ont été décrites par Émile Fage en 187919 ; il n’est pas question ici de revenir sur les mêmes questions, mais de nous interroger sur le cadre contraignant que constitue cet éloignement forcé.
Les premières difficultés supportées par la dame sont inhérentes à sa position d’exilée : elle est surveillée par l’intendant du Limousin, Claude Pellot, qui rend compte à Colbert de son attitude. Par exemple, alors qu’elle n’a pas encore rejoint Limoges, le 12 septembre 1661, Pellot écrit à Colbert l’avoir rencontrée en chemin dans la ville de Fontenay20. L’intendant rapporte à Colbert quel est l’état d’esprit de Mme Fouquet et quel est son parcours.
J’ai trouvé en cette ville, en chemin faisant, Madame la Surintendante, qui prend la route de Limoges […]. Elle séjourna hier ici, elle en est partie ce matin, elle fait fort petites journées et va lentement dans quelque espérance où elle est que l’on pourra changer son ordre pour aller à Limoges21.
L’épisode limousin de 1661 constitue une réelle assignation à résidence qui prouve combien l’épouse est heurtée de plein fouet par les accusations qui pèsent sur son mari et est emportée avec lui dans la disgrâce22. Ainsi, la privation de liberté concerne autant l’époux, accusé, que sa femme. En effet, le mari transmet son rang par le mariage et le statut marital implique pour l’épouse d’adopter, voire, d’assumer, la situation sociale et matérielle de son mari23. Par conséquent, nous pouvons repérer dans l’exil de Marie-Madeleine de Castille une caractéristique fondamentale du fonctionnement conjugal qui agit sur l’identité sociale de l’épouse : celle-ci, du fait de sa minorité juridique, est toujours considérée à l’aune du couple et non pas selon son individualité. Mme Fouquet est confrontée à l’absence durable d’un époux emprisonné, tout en étant frappée de plein fouet par le déshonneur de la disgrâce et ses corollaires. L’absence de l’époux ne signifie donc pas dans un premier l’effacement de la minorité féminine ou l’octroi d’une part de liberté, mais bien la perte d’une protection économique et le désagrégement de l’estime sociale.
Marie-Madeleine de Castille subit l’absence d’un mari qu’elle ne peut voir durant de longues années. Dès le mois de novembre 1661 elle est libérée de son exil limousin ; elle reçoit cependant à deux reprises un refus catégorique pour rejoindre son mari et vivre à ses côtés24. Toujours mariée, l’épouse se trouve dans une situation précaire : elle ne peut envisager un remariage, mais ne dispose d’aucun soutien matériel de la part de son mari. Cela justifie l’idée de « mort juridique » utilisée par Daniel Dessert évoquée plus tôt, ainsi que celle de « veuvage civil » appliquée à Marie-Madeleine de Castille. En effet, Fouquet, dès son arrestation et davantage encore après sa condamnation, n’a plus d’existence juridique ; par conséquent le couple qu’il forme avec Marie-Madeleine est comme suspendu, à l’agonie, et les possibilités pour les deux époux de maintenir leur lien conjugal leur sont interdites année après année. Au mois de mai 1679 l’épouse reçoit enfin l’autorisation de voir son mari dans sa cellule de Pignerol et de vivre avec lui25. Nicolas Fouquet meurt moins d’un an après ces retrouvailles26.
Les contraintes épistolaires
et le double éloignement des époux
Les conjoints doivent en réalité accepter un double éloignement : une séparation physique et une séparation symbolique et mentale, puisqu’il leur est formellement interdit de s’écrire et communiquer entre 1661 et 1672. Les contacts entre les époux, qui bâtissent la relation conjugale, sont au cœur des préoccupations27.
L’intendant Claude Pellot explique le 5 octobre 1661 que Marie-Madeleine de Castille a pris des dispositions pour tenter de réduire la distance qui la sépare de son mari. Il renseigne Colbert sur la mise en place d’un système de coursiers qui permettent aux deux époux de communiquer de façon régulière et continue28. La liberté de parole et de communication laissée au prisonnier va à l’encontre des effets voulus par le roi lors de son emprisonnement. Selon l’intendant, la dame a eu l’initiative de ce système : cela prouve sa détermination à ne pas subir passivement la disgrâce de son mari et à endosser pleinement son rôle d’épouse et de compagne. Deux jours seulement après le renseignement donné par l’intendant du Limousin29, la sentence tombe : les époux sont de façon égale frappés par l’interdiction d’échanger quelque courrier que soit. La dame est perçue comme un être dangereux qui pourrait organiser la défense de son mari, peut-être avec l’aide de ses anciens commis et amis. Par conséquent, l’épouse est ici loin d’être considérée comme un être faible et incapable. Au contraire, elle se révèle en filigrane de ces lettres un agent potentiel au service de son mari et de son couple, agissant pour leur défense.
Ce n’est qu’en 1672 que les époux Fouquet obtiennent le moyen de renouer les fils de leur mariage, si maltraités et distendus. En effet, à cette date, le souverain autorise le couple à échanger des courriers, mais seulement deux fois par an et sous une étroite surveillance. En effet, une lettre de Louvois, secrétaire d’État de la Guerre, à Saint-Mars, geôlier de Fouquet à Pignerol, datée du 10 avril 1674, explique ces nouvelles dispositions : « Le roi a eu la bonté d’accorder à Madame Fouquet la liberté de pouvoir écrire deux fois l’année à Monsieur son mari et d’en recevoir autant de lettres […]30 ». Par conséquent, Marie-Madeleine de Castille voit à de multiples reprises sa relation conjugale niée ou tronquée. Cependant, nous devons noter la ténacité avec laquelle cette femme a assumé son rôle d’épouse, ne renonçant jamais à accompagner son mari.
L’épouse avocate :
quand l’absence permet la transfiguration
Endosser de nouvelles responsabilités :
les requêtes de Mme Fouquet
Lors du procès, Mme Fouquet a organisé la diffusion de documents imprimés récapitulant les arguments en faveur de l’innocence du Surintendant déchu : Marie-Madeleine fait installer une imprimerie dans le domaine familial de Montreuil pour y faire publier ces Défenses et demande l’autorisation de les produire31. Ces feuillets avaient pour vocation de distiller parmi les officiers et parlementaires français un argumentaire favorable à l’accusé ; afin de compléter cette stratégie, la dame choisit également de s’adresser directement au souverain pour demander sa clémence. Dix requêtes ont été adressées à Louis XIV entre l’automne 1661 et l’été 1664. Leur régularité est frappante : nous pouvons estimer que Mme Fouquet adresse au moins trois requêtes par an au souverain. L’épouse a assumé un rôle défensif de premier ordre, adressant directement au roi ses réclamations. Il est important de s’interroger sur la forme de ces requêtes : les arguments qu’elles contiennent, autant que les conditions de leur rédaction.
Les demandes formulées par l’épouse auprès du roi se transforment au gré de la construction du procès : les requêtes envoyées sont donc parfaitement intégrées à la stratégie de défense. À la fin de l’année 1661, il s’agit pour Mme Fouquet de voir les contraintes de l’emprisonnement de son époux adoucies. En 1662, aux premiers instants de la procédure, elle plaide pour un exercice honnête de la justice. Les requêtes du 13 juin32 et du 30 juillet33 constituent le cœur de l’argumentation juridique du clan Fouquet portée ici par l’épouse. La Chambre de justice composée et convoquée pour le procès a été officiellement appelée le 15 novembre 166134. La composition de cette Chambre est favorable à Jean-Baptiste Colbert, alors intendant des Finances et conseiller du roi : le président de Nesmond est l’un de ses alliés, tandis que le conseiller de la Chambre des comptes Pussort est son oncle ; enfin, le procureur général, Denis Talon, est choisi sur les conseils de Colbert35. Il s’agit de récuser la Chambre de justice, de dénoncer son incompétence, sa partialité et d’obtenir sa dissolution, comme l’exprime la requête du 13 juin 1662.
Mais Sire, puisque VM veut tout savoir, que toute la terre l’en loue et l’en admire, il lui faut dire hardiment les choses. J’avais demandé créance à VM, je ne demande plus qu’audience et qu’un examen sévère et rigoureux de ce que je lui dirai. […] Que VM se fasse informer par elle, non pas du devoir d’un grand roi, VM le peut enseigner à tous les rois, non de ce qu’il faut ou ne faut pas faire, mais de ce qui est, de ce qui a passé, de ce qui a été […]32.
Les tournures rhétoriques utilisées par la dame visent à rappeler le respect dû à la personne royale et confèrent une force supplémentaire aux demandes formulées : en indiquant nettement ce que ne sont pas ses ambitions, Marie-Madeleine met en valeur ses réclamations. En tant que roi de France, Louis XIV a le droit et le devoir de rendre la justice, il s’agit d’une prérogative régalienne qui fonde sa souveraineté. Ainsi, Marie-Madeleine n’ignore pas cette responsabilité royale : elle en use comme d’un argument d’autorité afin de faire valoir le bien-fondé de son action. Peut-être est-elle suffisamment bien conseillée pour user de tels arguments. Les textes des requêtes en eux-mêmes ne permettent pas de savoir si Marie-Madeleine de Castille en est l’unique auteure, ou bien si elle a reçu les indications juridiques nécessaires à leur rédaction. Cependant, la proximité du couple Fouquet avec d’anciens commis restés fidèles après l’arrestation, à l’image de Bruant des Carrières36, et l’amitié qui les liait avec des membres éminents de la cour, comme Hugues de Lionne, permettent d’envisager que Marie-Madeleine a peut-être été encouragée voire soutenue par des hommes suffisamment savants en rhétorique et en droit pour la conseiller dans l’argumentation à mobiliser. L’adéquation des sujets des requêtes au déroulement de l’enquête puis du procès est un indice précieux pour envisager que Marie-Madeleine de Castille, certainement peu amatrice jusqu’ici de détails juridiques et judiciaires, ait été entourée pour mener à bien cette action de défense. Cela n’amenuise en rien le rôle de l’épouse dans cette entreprise ; au contraire, le fait qu’elle signe seule ces documents témoigne du poids symbolique du couple dans les mentalités d’Ancien Régime. Ainsi, le rejet de la Chambre est également présent dans les requêtes rédigées par Nicolas Fouquet à la même période : mari et femme abreuvent le souverain des mêmes demandes et mêmes arguments37. Viennent ensuite les suppliques des années 1663 et 1664 qui envisagent davantage l’issue du procès : Marie-Madeleine de Castille s’efforce alors d’obtenir pour son mari la peine la moins lourde possible pour lui épargner la peine de mort.
Entre leçon et prière :
les stratégies discursives de Mme Fouquet
Les fêtes du calendrier civil et religieux sont autant de prétextes pour la rédaction des placets. Mme Fouquet prend la plume le 25 août 1662, jour de la saint Louis ; le 5 septembre de la même année, pour l’anniversaire de du roi ; le 2 février 1663, correspondant à la fête de la Chandeleur.
Les deux placets du 25 août38 et du 5 septembre39 sont à nouveau l’occasion pour Marie-Madeleine de Castille de rappeler au roi ses responsabilités : il est un roi de justice et doit se comporter comme tel. Pour ce faire, la dame use habilement d’images et de modèles historiques à valeur d’exempla. Ainsi, la fête de la saint Louis permet de tracer un parallèle aisé entre Louis IX, évoqué par l’expression « grand seigneur et très grand roi, qui compta la clémence et la bonté entre les vertus38 », et Louis XIV. Saint Louis est proposé comme modèle de roi justicier, exerçant ses responsabilités avec ténacité et patience40. Puis, le 5 septembre, la dame use de modèles antiques comme source d’inspiration : « Ces héros de Rome […] solennisaient magnifiquement tous les ans le jour qu’ils étaient venus au monde. Mais pour le solenniser ils ne faisaient en ce jour que donner, que pardonner, qu’abolir des crimes, que rompre des chaînes, qu’affranchir des esclaves39 ».
Le sens de cet extrait est clair : le roi doit agir en suivant l’exemple des empereurs romains faisant de leur anniversaire un jour de grâce. Marie-Madeleine de Castille ne réclame pas que soit reconnue l’innocence de son époux : elle tente seulement d’attirer la clémence du roi. Ce dernier placet constitue donc une véritable supplique : Mme Fouquet use de la rhétorique de la prière afin d’amener Louis XIV à considérer ses arguments.
Le placet daté de la Chandeleur 1663 participe de cette argumentation singulière. La Chandeleur célèbre les relevailles de la Vierge Marie si bien que la requête est rédigée sous la forme d’une prière adressée à la fois au roi et à la Vierge. L’épouse use d’une rhétorique très personnelle, évoquant le désespoir de sa famille. Elle prie pour que la vie de son époux soit épargnée au profit d’un exil, « une grâce indigne de lui et un bienfait extrême pour [elle]21 ». Cette demande est à nouveau formulée dans une requête également rédigée lors d’une autre fête religieuse : l’année n’est pas précisée, mais se trouve sur le document un indice chronologique : « requête donnée le vendredi saint41 ». Ce jour singulier correspond à la crucifixion du Christ. Marie-Madeleine y voit une occasion nouvelle d’en appeler à la bonté du roi pour la grâce de son époux. La Chambre de justice condamne finalement Fouquet au bannissement perpétuel hors du royaume, le 22 décembre 1664, peine commuée par le souverain en emprisonnement à vie.
Quand le couple use de dispositions juridiques à son profit :
absence, agentivité féminine et stratégies conjugales
La séparation des biens : une stratégie nobiliaire
L’un des crimes dont est accusé Nicolas Fouquet, le péculat, fait douter de l’honnêteté de l’acquisition des biens par le surintendant : ceux-ci sont saisis dès son arrestation. Cette privation des biens met en péril la famille conjugale : elle fait peser la menace de la ruine matérielle et avec elle, de la dérogeance. Le 1er octobre 1661, Marie-Madeleine de Castille choisit de protéger ses biens propres et présente donc au Châtelet de Paris une demande en séparation de biens42. Les époux Fouquet avaient en effet formé par leur mariage une communauté, leur contrat de mariage définissant le type et la valeur des biens entrant dans la dite communauté et lesquels restaient la propriété de chacun des époux43, ainsi que le définit la Coutume de Paris44. Comme le propose traditionnellement la démarche de séparation de biens45, l’épouse revendique la restitution de ses conventions matrimoniales. Les demandes et renonciations effectuées, l’épouse est déclarée séparée de biens le 23 décembre 1661. Cette stratégie économique vise à pouvoir vivre décemment des revenus de ses propres mais également d’en rester la propriétaire. L’enjeu est de taille, puisque cela signifie qu’elle peut à l’avenir transmettre à ses héritiers les biens récupérés et protégés. Or, la noblesse au XVIIe siècle cherche à concentrer son patrimoine et à éviter sa dispersion entre les héritiers. La dot apportée par l’épouse sert essentiellement trois buts : nouer des alliances prestigieuses, apporter un revenu au nouveau couple (pour la part qui entre dans la communauté des biens) et assurer la transmission des biens ou de leur valeur aux héritiers afin de permettre leur établissement. Ainsi, la matrilinéarité vient renforcer les fondations du lignage46. C’est pourquoi la dot est entourée de protections juridiques importantes et « doit rester intacte même si l’ensemble des biens a été dilapidé47 » ; elle est à la fois la garantie apportée à l’épouse de poursuivre une vie convenable en cas de séparation ou de veuvage et la possibilité de transmettre des biens en ligne matrilinéaire.
La question du train de vie en l’absence de l’époux est particulièrement vive à l’époque moderne, car la femme et ses enfants peuvent se trouver dans une position difficile. En cas de veuvage, une clause appelée « gain de survie » peut s’appliquer afin de permettre au survivant de « continuer à vivre dans les meilleures conditions possibles48 » : le douaire. En effet, la femme seule, veuve ou séparée de biens, ne peut compter sur les revenus de son époux pour assurer son train de vie. Le douaire représente une rente versée à l’épouse sur les biens de son défunt mari. Marie-Madeleine de Castille se trouve désormais dans une situation singulière. En effet, comme une veuve, elle peut gérer elle-même ses biens et acquiert une capacité juridique. Mais à l’inverse de la veuve, elle est toujours mariée : le douaire ne peut avoir lieu et lui être versé. Afin de compenser cette situation défavorable, le Châtelet accorde « la somme de 6 000 livres tournois de pension alimentaire, en attendant que le douaire ait lieu49 ». Le nom donné à cette provision, « pension alimentaire », rappelle le but qu’elle poursuit : l’épouse séparée de biens doit pourvoir vivre correctement et noblement, tout en prenant soin des enfants nés du couple.
Un basculement est opéré dans le couple Fouquet au moment de l’arrestation de Nicolas : dans cette situation singulière, le mari est placé en position de minorité et d’incapacité, tandis que l’épouse peut dépasser les contraintes qui lui sont imposées pour agir au service de son couple et de ses enfants. Privée du soutien matériel de son époux, Marie-Madeleine de Castille connaît à partir de 1661 une situation paradoxale, qui s’exprime en réalité doublement. Tout d’abord, la dame est confrontée aux effets bien trop présents des fautes d’un époux absent. Ensuite, le couple séparé trouve dans l’absence une expérience de coopération et de transmission à l’épouse de capacités masculines.
Une gestion pragmatique :
de l’absence naît la procuratrice
L’action gestionnaire de Marie-Madeleine de Castille ne fut cependant pas limitée à ses biens propres. En effet, le 19 octobre 1662, Fouquet signe une procuration en faveur de son épouse. L’acte n’est pas original ou rare à l’époque moderne : Benoît Grenier et Catherine Ferland ont pu formuler une étude systématique du recours à la procuration en faveur de femmes en Nouvelle-France grâce à l’analyse de plus de mille actes répertoriés. La procuration est une délégation d’autorité juridique ; cette autorité est entière et la totalité des biens sans réserve est concernée : meubles, immeubles et argent comptant. L’époux détaille les missions habituelles du gestionnaire : veiller au paiement des rentes déjà constituées, racheter des rentes lorsque cela est intéressant, bailler ou vendre des biens immobiliers, emprunter de l’argent sous forme de constitutions de rente. Ce document est la preuve de l’union des époux qui perdure malgré leur éloignement et leur nécessité d’obtenir une séparation de biens, puisque la procuration sous-tend la confiance entre le mandant et son procureur50. La sentence de séparation et cette procuration doivent être comprises ensemble comme les deux fondations de la stratégie économique du couple Fouquet afin de préserver les reliquats de leur fortune.
Cette procuration ne reste pas lettre morte : Marie-Madeleine de Castille en use par exemple pour assurer la vente, en avril 1677, de la châtellenie de la Guerche, située dans l’évêché de Nantes et achetée par le couple Fouquet en 1658. Cette vente représente un moyen de se délester d’un domaine à entretenir et de devoirs seigneuriaux à réaliser. Elle est aussi la solution trouvée par l’épouse afin d’honorer une dette vieille de presque vingt années, puisqu’il est indiqué dans le document qu’une partie du prix de la vente sera versée à Marie Lyonne, laquelle a racheté une rente possédée par le couple Fouquet.
Les ambitions nobiliaires de Marie-Madeleine de Castille :
défendre son rang et sa fortune pour affirmer sa noblesse
La volonté de Marie-Madeleine de Castille, face aux difficultés financières et à la déchéance de l’estime sociale familiale, rappelle ses responsabilités de mère. Le couple Fouquet a donné naissance à cinq enfants, dont l’un est mort en 1658 ; la dame a donc la responsabilité de quatre enfants vivants, âgés de onze, huit, sept et trois ans. Selon Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet, les missions essentielles de la mère sont au nombre de trois : nourrir, élever et établir51. Il est intéressant de se rendre compte des conséquences de la disgrâce de leur père sur leur propre situation : la dame cherche à préserver les quatre enfants de cette disgrâce. En effet, les alliances maritales conclues montrent que les graves difficultés rencontrées par le couple Fouquet ont peu ou prou épargné leurs enfants au moment de les établir. Le fils aîné, Louis Nicolas épouse le 25 août 1689 Jeanne Marie Guyon, fille de Jacques Guyon et de Jeanne Bouvier de la Motte, mieux connue sous son nom d’épouse, Mme Guyon. Ce mariage permet au jeune Louis Nicolas d’atteindre une certaine aisance financière. Sa mère lui fait donation de 100 000 livres, dont 30 000 entrent dans la communauté52. Sa jeune épouse est orpheline de père depuis 1676 et héritière de ce dernier. La fille cadette, Marie-Madeleine est mariée en 1683 à Emmanuel de Crussol d’Uzès, marquis de Montsalès. La famille de Crussol appartient aux plus anciens lignages de la noblesse ; « les Crussol remontent aux croisades. Le titre de duc d’Uzès leur a été octroyé en 1573. Leur statut de premiers pairs laïcs de France en fait les premiers d’entre les ducs à n’être ni d’Église ni de sang royal53 » rappelle Luc-Normand Tellier. Emmanuel de Crussol de Montsalès appartient à une branche cadette des ducs d’Uzès mais le prestige de son nom est une victoire pour le clan Fouquet. Le dernier enfant du couple Fouquet, Louis, épouse en 1686 Catherine Agnès de Lévis, fille de Charles Antoine comte de Charlus. Les origines de la famille de Lévis sont très anciennes puisque le fondateur de la branche, Philippe Ier de Lévis, meurt vers 1204. Mais cette union répugne à la famille de la jeune mariée et n’apporte aucun bienfait au clan Fouquet : « la belle-famille, devant ce mariage forcé, a rejeté le jeune couple, qui va endurer avec patience pendant de longues années un pénible ostracisme54 » indique Daniel Dessert.
Les prétentions matérielles et financières de Marie-Madeleine de Castille sont également motivées par la nécessité de préserver son rang. Une requête en contredits envoyée par le Parlement afin de répondre à certaines de des prétentions financières de Marie-Madeleine en 1664 évoque « les nourritures et gages des domestiques du dit Fouquet55 ». Or le Procureur général rappelle dans ce document que « tous les domestiques ont été colloqués de leurs gages jusqu’à la fin de l’année 1661 seulement, en quoi il a été jugé que depuis le temps ils n’étaient plus et de devaient plus être à son service55 ». Par conséquent, le service de la dame Fouquet n’est pas envisagé ; or sa demande montre qu’elle y est attachée. En effet, nous l’avons évoqué plus tôt, les motivations matérielles de Marie-Madeleine de Castille ne peuvent masquer des ambitions nobiliaires évidentes. Entretenir des serviteurs fait partie du mode de vie noble que la dame s’évertue à poursuivre56. La dame cherche à rendre immédiatement lisible son rang par des marqueurs sociaux tels que l’habitat et l’entourage domestique. La défense de la fortune est donc également une défense du rang, tandis que l’estime sociale de la famille est entachée57.
Conclusion
Marie-Madeleine de Castille aurait été pendant les dix premières années de son mariage une épouse fière mais incapable17, laissée dans la minorité supposée par sa condition de femme mariée. L’arrestation de Nicolas Fouquet représente un bouleversement dans le fonctionnement conjugal : l’absence de l’époux peut représenter une condition favorable à l’expression et à l’action féminine. Un renversement est alors opéré : dans cette situation singulière, le mari est placé en position de faiblesse et d’incapacité, tandis que l’épouse dépasse les contraintes qui lui sont imposées pour agir au service de son couple et de sa famille. La situation juridique entre les époux est renversée et demande à Marie-Madeleine de Castille de se saisir de ces possibilités d’action nouvelles. Elle les endosse avec force et ténacité pour devenir l’avocate de son époux et le pilier de sa famille.
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- Courtilz de Sandras G. de, Mémoires de Monsieur d’Artagnan, t. III, Cologne, Pierre Marteau, 1700.
- Dessert D., Fouquet, Paris, Fayard, 2010.
- Fage É., « Une page sur la famille Fouquet, à propos de l’exil de Mme Fouquet à Limoges et de l’abbé Fouquet à Tulle », Bulletin de la société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, octobre 1879.
- Ferrier-Viaud P., Épouses de ministres. Une histoire sociale du pouvoir féminin au temps de Louis XIV, Ceyzérieu, Champvallon, 2022.
- Figeac M., Les noblesses en France : du XVIe au milieu du XIXe siècle, Paris, A. Colin, 2013.
- Grassi M.-C., Correspondances intimes (1700-1860). Étude littéraire, stylistique et historique, Doctorat d’État, Université de Nice, 1985.
- Grenier B., « “Sans exceptions ni réserve quelconques”. Absence des hommes et pouvoir des femmes à Québec au XVIIIe siècle », dans Charpentier E. et Grenier B., Femmes face à l’absence, Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Québec, CIEQ, 2015.
- Haddad É., « Rôles et place des femmes dans les maisons nobles XVIe-XVIIIe siècles », Séminaire Société et pouvoir de l’EHESS, 2014.
- Hufton O., « Le travail et la famille », dans Duby G. et Perrot M., Histoire des femmes en Occident : XVIe-XVIIIe siècles, vol. 3 dirigé par Farge A. et Zemon-Davis N., Paris, Plon, 1991.
- Hurtig M.-C., Kail M. et Rouch H., Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, CNRS Éditions, 2002.
- Kniebiehler Y. et Marand-Fouquet C., L’Histoire des mères du Moyen Âge à nos jours, Paris, Montalba, 1980.
- Lair J., Nicolas Fouquet, procureur général, surintendant des Finances, ministre d’État de Louis XIV, Paris, Plon, Nourrit et compagnie, 1890.
- Le Goff J., Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996.
- Lottin A., La Désunion du couple sous l’Ancien Régime. L’exemple du Nord, Lille, Éditions universitaires de Lille III, 1975.
- Mousnier R., Problèmes de stratification sociale, Paris, Presses universitaires de France, 1965.
- Olivier-Martin F., Histoire de la coutume de la prévôté et vicomté de Paris, Paris, Éditions Cujas, 1972.
- Petitfils J.-C., Fouquet, Paris, Perrin, 2006.
- Plessix-Buisset C., Ordre et désordres dans les familles : études d’histoire du droit, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.
- Ravaisson F., Les Archives de la Bastille, t. II, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866.
- Revue rétrospective ou Bibliothèque historique, section 1, 1834-1838.
- Segalen M., Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980.
- Tassin G., Mariages, ménages au XVIIIe siècle. Alliances et parentés à Haveluy, Paris, L’Harmattan, 2001.
- Tellier L.-N., Face aux Colbert, Québec, Presses de l’université du Québec, 1987.
- Uzman B. T., Kinship, Frienship and Gratitude: Nicolas Fouquet’s patronage network, 1650-1661, Thèse dactylographiée, The John Hopkins University, UMI, 1989.
- Vidal-Naquet C., Couples dans la Grande Guerre : le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
Notes
- Dessert D., Fouquet, Paris, Fayard, 2010, p. 17-85.
- Bertière S., Le procès Fouquet, Paris, Éditions de Fallois, 2013. Voir aussi Ferrier-Viaud P., Épouses de ministres. Une histoire sociale du pouvoir féminin au temps de Louis XIV, Ceyzérieu, Champvallon, 2022.
- Outre les titres déjà cités de Simone Bertière et Daniel Dessert, voir Lair J., Nicolas Fouquet, procureur général, surintendant des Finances, ministre d’État de Louis XIV, Paris, Plon, Nourrit et compagnie, 1890. Plus récemment est paru Petitfils J.-C., Fouquet, Paris, Perrin, 2006.
- Dessert D., op. cit., 2010, p. 303.
- Beauvalet-Boutouyrie S., Les femmes à l’époque moderne, Paris, Belin, 2003, p. 32.
- Hurtig M.-C., Kail M. et Rouch H., Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, CNRS Éditions, 2002, p. 11-20.
- Hufton O., « Le travail et la famille », dans Duby G. et Perrot M., Histoire des femmes en Occident : XVIe-XVIIIe siècles, vol. 3 dirigé par Farge A. et Zemon-Davis N., Paris, Plon, 1991, p. 43.
- La notion de complémentarité conjugale a été présentée et définie dans plusieurs travaux en histoire et en sociologie, particulièrement par l’observation de couples de travailleurs (paysans, artisans, marins). À ce sujet, voir les études de Segalen M., Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980 ; Tassin G., Mariages, ménages au XVIIIe siècle. Alliances et parentés à Haveluy, Paris, L’Harmattan, 2001 ; Charpentier E., Le peuple du rivage : le littoral nord de la Bretagne au XVIIIesiècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013. Pour une définition plus générale de la notion de « co-dépendance » des époux : Bailey J., Unquiet lives: marriage and marriage breakdown in England, 1660-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Nous souhaitons montrer que ce fonctionnement conjugal est valable également dans les couples dits « oisifs » de la noblesse. Cependant, plus qu’une simple complémentarité, nous lisons dans les comportements des couples étudiés, notamment dans le cas du couple Fouquet, une véritable association par la fusion des intérêts individuels dans une perspective lignagère.
- Dessert D., Fouquet, p. 19.
- Ibid., p. 25.
- Ibid., p. 32.
- La cérémonie de mariage proprement dite eut certainement lieu quelques jours après la rédaction de ce contrat.
- Archives nationales (AN), MC/ET/XIX/443, 4 février 1641, contrat de mariage de Nicolas Fouquet et Marie-Madeleine de Castille ; rentes, argent et don immobilier entre vifs constituent les propres de la jeune mariée.
- Dessert D., op. cit., p. 77.
- Henri de Castille fut intendant des maisons et domaines du duc d’Orléans tandis que Nicolas de Neufville, marquis de Villeroy, fut gouverneur de la personne du roi.
- Uzman B. T., Kinship, Frienship and Gratitude: Nicolas Fouquet’s patronage network, 1650-1661, Thèse dactylographiée, The John Hopkins University, UMI, 1989.
- Petitfils J.-C., op. cit., p. 208.
- Courtilz de Sandras G. de, Mémoires de Monsieur d’Artagnan, t. III, Cologne, Pierre Marteau, 1700, p. 433.
- Fage É., « Une page sur la famille Fouquet, à propos de l’exil de Mme Fouquet à Limoges et de l’abbé Fouquet à Tulle », Bulletin de la société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, octobre 1879, p. 7.
- François Ravaisson publia, sous le titre Archives de la Bastille, les documents inédits qui concernaient le procès Fouquet ; s’y trouvent mêlées les lettres qui ont été adressées à Marie-Madeleine de Castille et d’autres qui évoquent la façon dont elle est traitée. Ravaisson F., Les Archives de la Bastille, t. II, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866, p. 360-361.
- Ibid.
- Dessert D., op. cit., p. 242.
- Cosandey F., Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’École des hautes études en sciences sociales, 2005, p. 29 et Id., « Honneur aux dames. Préséances au féminin et prééminence sociale dans la monarchie d’Ancien Régime (XVIe-XVIIe siècle) », dans Moving Elites: Women and Cultural Transfers in the European Court System. Proceedings of an international workshop, Florence, EUI Working papers HEC, 2008, p. 65-76.
- Ravaisson F., op. cit., p. 392.
- AN, K/120/A, document 273, 29 mai 1679.
- Nicolas Fouquet est mort le 23 mars 1680.
- L’importance d’une correspondance entretenue entre des époux éloignés pour bâtir la relation conjugale a été démontrée par Grassi M.-C., Correspondances intimes (1700-1860). Étude littéraire, stylistique et historique, Doctorat d’État, Université de Nice, 1985 autant que par Vidal-Naquet C., Couples dans la Grande Guerre : le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
- Ravaisson F., op. cit., p. 379.
- La lettre de Claude Pellot à Jean-Baptiste Colbert est datée du 5 octobre 1661 ; celle que Michel Le Tellier adresse à d’Artagnan a été rédigée le 7.
- AN, K/120/A, document 154, 10 avril 1674.
- Bibliothèque nationale de France (BNF), Français 18423, fol. 67 : « Placet pour obtenir permission de faire imprimer les défenses de son mari ».
- « Requête donnée par Madame Fouquet le 13 juin 1662 à Paris, au roi, deux heures avant son départ pour Saint-Germain-en-Laye », Revue rétrospective ou Bibliothèque historique, section 1, 1834-1838, t. III, p. 112.
- BNF, Clairambault 44, fol. 141 : « Requête de Madame Fouquet présentée au roi le 30 juillet 1662 ».
- Sur la pratique judiciaire consistant à réunir un tribunal spécifique pour le jugement d’une affaire, appelé Chambre de justice, voir Bayard F., « Les Chambres de justice de la première moitié du XVIIe siècle », Cahiers d’Histoire, t. XIX, n° 2, 1974, p. 121-140.
- Colbert, op. cit., 1861, t. VII, p. 174.
- Daniel Dessert précise à ce sujet que Bruant des Carrières est parvenu à prendre la fuite et n’a pas été emprisonné, Dessert D., op. cit., p. 303.
- BNF, Français 18423, fol. 41.
- BNF, Clairambault 444, fol. 143.
- BNF, Français 10958, fol. 239.
- Le Goff J., Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996.
- BNF, Clairambault 444, fol. 145.
- « Demanderesse en séparation de biens suivant la requête par elle à nous présentée le premier jour d’octobre 1661 » ; Arsenal, Ms-7168/19O, p. 116.
- AN, MC/ET/XIX/443, 4 février 1651, contrat de mariage de Nicolas Fouquet et Marie-Madeleine de Castille.
- Olivier-Martin F., Histoire de la coutume de la prévôté et vicomté de Paris, Paris, Éditions Cujas, 1972.
- Sur la question spécifique des séparations de biens, plusieurs travaux insistent sur le rôle moteur des épouses dans la formulation des demandes, moyen pour ces dernières de s’extirper quelque peu d’un statut juridique peu favorable en ce qui concerne la gestion patrimoniale. À ce sujet, voir pour la France Lottin A., La Désunion du couple sous l’Ancien Régime. L’exemple du Nord, Lille, Éditions universitaires de Lille III, 1975 ; Plessix-Buisset C., Ordre et désordres dans les familles : études d’histoire du droit, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.
- Haddad É., « Rôles et place des femmes dans les maisons nobles XVIe-XVIIIe siècles », Séminaire Société et pouvoir de l’EHESS, 2014.
- Beauvalet-Boutouyrie S., op. cit., p. 194.
- Ibid., p. 198.
- Arsenal, Ms-7168/19O, p. 116, sentence du 23 décembre 1661.
- Grenier B., « “Sans exceptions ni réserve quelconques”. Absence des hommes et pouvoir des femmes à Québec au XVIIIe siècle », dans Charpentier E. et Grenier B., Femmes face à l’absence, Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Québec, CIEQ, 2015, p. 33.
- Kniebiehler Y. et Marand-Fouquet C., L’Histoire des mères du Moyen Âge à nos jours, Paris, Montalba, 1980, p. 83.
- Dessert D., op. cit., p. 325.
- Tellier L.-N., Face aux Colbert, Québec, Presses de l’université du Québec, 1987, p. 443.
- Dessert D., op. cit., p. 324-325.
- BNF, Français 18423, fol. 74.
- Figeac M., Les noblesses en France : du XVIe au milieu du XIXe siècle, Paris, A. Colin, 2013, p. 265.
- La notion d’estime sociale constitutive de l’identité noble a été utilisée et mise en valeur par Roland Mousnier, notamment dans Mousnier R., Problèmes de stratification sociale, Paris, Presses universitaires de France, 1965, p. 14. ; des études plus récentes ont défini que la société d’Ancien Régime était ordonnée plus que classée, en insistant également sur la pluralité des critères de distinction parmi lesquels la réputation tient une place essentielle : Cosandey F., op. cit.