Par-delà les héritages littéraires multiples dont il s’abreuve, El Pasajero offre une évolution vers de nouvelles formes littéraires dont le caractère innovant est plus particulièrement perceptible dans le traitement qui est fait des données spatio-temporelles mais aussi des personnages. La mobilisation par Figueroa de certaines techniques d’écriture plus modernes explique justement que des outils d’analyse tirés de la narratologie aient été utilisés. Ces techniques sont observables dans les narrations intercalées qui reposent toutes sur un minutieux système de renvois tissé par le texte figuéroen.
L’étude du traitement du cadre spatio-temporel de El Pasajero fait apparaître des différences conséquentes qui tiennent notamment à la nature très diverse des récits dont se compose l’œuvre. Une lecture rapide permet de constater une nette opposition entre le dialogue-cadre et les narrations dans lesquelles les locuteurs livrent les circonstances qui les ont conduits à quitter l’Espagne. Ces narrations sont qualifiées, dans la présente étude, d’autobiographiques bien que celles-ci relèvent de la matière fictionnalisée. En effet, malgré quelques ressemblances déjà pointées entre le passé du Docteur et du Maître et le vécu de l’auteur et de son ami Torres Rámila, ces récits ne relèvent nullement de l’autobiographie puisque d’après Philippe Lejeune, il convient de nommer ainsi un :
récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité1.
Quoi qu’il en soit, l’opposition qui a été signalée est nettement plus évidente dans le récit autobiographique du Docteur même si les récits des autres locuteurs jouissent d’une originalité certaine en termes de temporalité. Conformément à la tradition, les seuls éléments dont dispose le lecteur sont introduits à travers quelques remarques laconiques du Maître et de Don Luis. L’imprécision des données temporelles notamment se dissipe quelque peu dans certains récits brefs, émis par les différents locuteurs, même si les données fournies dans ce type de narrations restent assez nébuleuses dans l’ensemble2. La nébulosité des références temporelles est, on le sait depuis les travaux de Maxime Chevalier, caractéristique de ce type de narrations. Cette imprécision est également observable au niveau spatial3. Les indications fournies par les locuteurs participent à la création de l’atmosphère hispanique de ces récits et l’ancrent dans un temps et un espace aux accents espagnols. L’étude de la chronologie dans les récits des quatre locuteurs montre qu’ils font intervenir des éléments novateurs dans le traitement de la temporalité. Ce phénomène se vérifie en particulier dans le récit du letrado.
Le traitement de l’espace par le Maître et le Docteur
L’intérêt du traitement de l’espace provient notamment de la tension entre les lieux référentiels et les espaces fictionnels générateurs d’actions et qui mobilisent, eux aussi, un réseau intertextuel très serré. A ce propos, on peut rappeler avec Javier Huerta Calvo que :
Como F. Márquez Villanueva señalara (1969) a propósito de un entremés cervantino, las piezas menores se mueven dentro de una tensión entre la tradición folklórica – que le presta los tópicos y estereotipos principales – y cierta actualidad literaria, que los hace asentarse en el presente.4
L’espace textuel figuéroen donne à voir différents types d’espaces qui tout en partageant certains traits présentent également des spécificités comme on va le voir dès à présent.
Les espaces codifiés
Certains des espaces traités dans le récit du Docteur et du Maître sont lestés de sens déjà constitué. C’est le cas notamment de l’Université d’Alcalá mais aussi du locus amoenus que l’on retrouve aussi bien dans le récit du Docteur que dans celui de l’ermite.
À la demande de ses compagnons de route, le Maître entreprend le récit de son passé, et se remémore l’époque où il était étudiant à Alcalá. Peut être faut-il y voir une volonté de promouvoir les universités d’Alcalá et de Valladolid, où a étudié le Docteur (mais aussi Figueroa, à l’instar de bien des letrados) qui sont, toutes deux, érigées en centres de savoir dans l’espace textuel figuéroen. Dans le récit autobiographique du Maître, les accessoires tout comme les espaces sont importants pour leur pouvoir d’évocation. Ainsi, il est fait mention de la ville d’Alcalá en quatre occasions :
(…) quiso mi padre que, siguiendo sus pisadas, atendiese en Alcalá a los cursos de Artes y Filosofía, fundamentos principales de aquella facultad.5
Estos y otros avisos y documentos, dignos sólo de tan estragado Séneca, fueron los que me acompañaron en el viaje de Alcalá.6
Sabed (dijo) viene a ser Alcalá lugar de grande provocación, como albergue de hijos de tantas madres (…).7
Cuando partí a Alcalá predominaban en mi idea pensamientos armígeros, que sólo me provocaban a inquietud, a disensiones y a derramamiento de sangre; dejábame conducir (¡qué ciega guía!) de cierto furor colérico, con que inadvertidamente entraba en ocasiones y trances dificilísimos después de evadir.8
Le choix d’Alcalá n’est pas anodin mais constitue plutôt le théâtre idoine pour le récit des souvenirs d’étudiant du Maître. Le traitement de cette université illustre, à son tour, l’écriture de ‘l’entre-deux’ déployée dans l’œuvre dans la mesure où sa représentation évolue considérablement en fonction du personnage qui l’évoque. Pour le père du Maître, elle est un lieu de savoir, alors que dans l’intervention de l’étudiant, elle est plutôt consacrée dans son statut d’espace propice aux égarements de la jeunesse. La plupart des espaces qui sont abordés dans le récit sont associés à la vie étudiante comme l’atteste l’extrait ci-dessous :
Escuseme con buenas razones; guardáronme la negación, y estando una mañana en el patio de escuelas, me fueron poco a poco saludando y ciñendo.9
La cour de l’université à l’instar des gradas sous lesquelles, on le sait, se trouvaient des échoppes sont des lieux chargés d’histoire, de sens véhiculés par la littérature orale et écrite de l’époque comme dans certains entremeses par exemple ou encore dans la littérature picaresque10.
Un extrait se distingue légèrement dans la mesure où la question du retour au domicile familial y est envisagée ; ce retour est toutefois important du point de vue de l’intrigue dans la mesure où il permet au père de découvrir le manque de sérieux de son fils :
Pasáronse desta forma algunos años, en cuyos fines, habiendo venido unas Pascuas al natural albergue, no sé qué se ofreció tratar de Medicina estando a la mesa.11
Les espaces évoqués jusqu’à présent sont donc des espaces chargés de potentiel par rapport à l’action ; ils mobilisent tous un code, en l’occurrence un intertexte qui fait office de substrat commun. À noter que cette codification de l’espace va de pair avec une codification des pratiques qui s’y tiennent :
La primer rencilla que tuve nació de cierto gargajeo, a que se me atrevió uno que era como el mayoral de una escuadra de finísimos bellacones. (…) Hechos, al fin, una rueda, desenvainó el conductor sobre mi intacto manteo el escremento más horrible que salió jamás de pecho acatarrado. Al son deste tamboril comenzaron a bailar los demás, despidiendo de sí tan espeso granizo, que en grande rato fue forzoso sirviese mi limpieza y aseo de blanco de sus tiros, sin poderme valer de alguna retirada: con tan notable advertencia me tenían impedidos los pasos.12
On retrouve des épisodes analogues aussi bien chez Avellaneda que chez Quevedo13. L’extrait du Buscón, aux accents scatologiques nettement prononcés, se déroule précisément à Alcalá14.
La présence de ces espaces codifiés devient beaucoup plus massive dans l’espace textuel lorsque le Docteur entreprend de raconter les épisodes marquants de sa vie à ses compagnons de voyage. Cette étude inclut la prise en compte du traitement de l’espace dans les deux récits enchâssés de l’ermite et de l’aubergiste. Dans le cas de l’anachorète, l’espace qui fait l’objet de la description la plus précise est celui de sa rencontre avec le Docteur. Le Docteur et l’ermite proposent deux versions de description de ces lieux. Là encore, la présentation du lieu plaisant dispose d’une charge symbolique indéniable dans la mesure où elle convoque la tradition littéraire du roman pastoral, genre auquel Figueroa s’est précisément essayé dans La Constante Amarilis, réactivant une fois de plus des mécanismes intertextuels sous-jacents. Les deux exemples de locus amœnus décrits par l’ermite et par le Docteur présentent d’indéniables similitudes de caractérisation comme le laissent apparaître les extraits ci-dessous15 :
Description faite par l’ermite
Últimamente, acordándoseme de la belleza, abundancia y frescura del reino granadino, determiné aguardar en él la respiración del postrer espíritu. Con esta resolución pasé la Sierra Morena, fertilísimo collar de España, llegando a Jaén, cabeza otro tiempo de no pobre corona. Llegué desde allí a este paraje un jueves, antes de esconderse el Sol, casi en la estación presente. Deleitome su hermosa disposición y tantas emulaciones del arte y Naturaleza. Estas bien cultivadas heredades, estas bien corregidas plantas, socorridas unas y otras con el licor incesable deste arroyuelo, forman casi todo el año a los ojos una deleitosa primavera. Hallé abrigo en los moradores, que de común consentimiento me labraron una choza, situada al pie de aquella ladera. Menos son conmigo escasos del poco sustento que me basta para entretener la vida; antes llegada la ocasión de recoger, careciendo de toda posesión, entro con ellos a la parte de los frutos que con ánimo liberalísimo rinde la tierra.16
La version proposée par l’ermite est enrichie par des éléments qui tiennent à son expérience personnelle de cet espace et qui concernent plus particulièrement ses relations avec les habitants de la région. Il y a donc bien une tension entre le référentiel et l’intertextuel. De la même manière, l’expression “una choza, situada al pie de aquella ladera” renseigne le lecteur sur la localisation de son logement, facilitant ainsi la visualisation de la scène par le lecteur. La plasticité du paysage décrit dans cet extrait reste assez exceptionnelle dans le récit de l’ermite et tient probablement à l’importance que cet espace revêt dans la biographie du personnage.
L’étude de certains espaces codifiés permet d’observer encore une fois comment le texte mobilise des motifs littéraires récurrents mais s’en émancipe également en les enrichissant d’éléments nouveaux. Ce phénomène se manifeste de manière particulièrement nette dans le traitement qui est fait du locus amœnus mais aussi d’autres espaces champêtres tels que celui où se situe l’auberge de Juan et de son épouse la Meléndez. L’évocation du locus amœnus permet notamment d’établir des ponts entre l’œuvre de Figueroa et la tradition du roman pastoral. Ainsi, les personnages de Figueroa partagent-ils des caractéristiques définitoires des personnages de La Diana de Montemayor. C’est le cas de leur statut de déracinés, pour reprendre l’expression de François Géal17 puisque plusieurs personnages de La Diana, comme Selvagia, Felismena et Felis, se sont vus contraints à l’exil. Ce trait est plus particulièrement applicable au personnage du Docteur qui, à l’inverse de ses interlocuteurs, n’a plus d’attaches familiales puisqu’il a lui-même brisé ces liens. Isidro, Don Luis et le Maître seraient eux-mêmes susceptibles d’intégrer ce sous-ensemble mais à un niveau moindre. À l’instar du Docteur, ils ont opté pour l’exil mais un exil qui se veut temporaire. Au-delà de l’exemple canonique que constitue le personnage du Docteur, l’ermite qui, par définition, vit en dehors de la société, se définit par ce déracinement. Dans ce classement des personnages, le trait semble se manifester de manière plus évidente dans le cas du Docteur et de l’ermite. Or, autre élément qui n’est pas insignifiant, ces personnages proposent, tous les deux, une description d’un locus amœnus qui, dans les romans pastoraux, sert, on le sait, de cadre aux récits amoureux des bergers et des bergères. Mais la source des désagréments, dans El Pasajero, n’est pas tant de nature amoureuse que sociétale puisqu’ainsi qu’on le verra plus loin, le Docteur comme l’ermite s’éloignent de la Cour car leurs ambitions de promotion ou tout au moins de reconnaissance sociale n’ont pas été satisfaites.En réalité, l’évocation du locus amœnus se présente donc bel et bien sous différentes déclinaisons dans le texte figuéroen. Le premier de ces lieux plaisants est le lieu de la rencontre entre le Docteur et l’ermite en Andalousie, un lieu où chacun des deux personnages se réfugient après des déconvenues. De la même manière, la région de Grenade est promue au rang d’espace valorisé dans la suite du récit autobiographique du Docteur et sert précisément de cadre à un récit amoureux qui va connaître un dénouement malheureux.
Très souvent, les espaces mentionnés sont aussi envisagés comme les étapes du parcours que l’ermite avait effectué en tant que militaire avant de se retirer du monde.
Un espace structuré : les étapes de voyage
Une rapide lecture de l’extrait permet d’identifier aisément quelles sont les différentes étapes de ce périple : il s’illustre d’abord dans un conflit à Grenade, puis à Lépante mais aussi dans les Flandres avant de retourner à Madrid qu’il quitte pour l’Andalousie où il passe par la Sierra Morena avant de prendre la direction de Jaén :
Fue la facción primera de mi noviciado la alteración de Granada, empresa regida por buenos capitanes; (…) El año siguiente de haber tenido fin la rebelión, pasó la gente a la Naval, batalla tan prodigiosa como se sabe (…) Della parti a Flandes, con honroso sueldo, hallándome en cuantas batallas y tomas se ofrecieron en aquellos estados. Subiéronme mis servicios al lugar de alférez, en medio de la expedición; mas para el de capitán di vuelta a España.18
L’utilisation des verbes pasar et partir tout comme celle de la locution verbale dar vuelta témoignent de la dimension itinérante de sa carrière militaire. Les lieux évoqués par l’ermite tendent, une fois de plus, à ancrer son récit dans un cadre référentiel précis. Ils assurent, par la même occasion, la caractérisation du personnage puisque son passé militaire est centré autour de Grenade, de Lépante et des Flandres . Ce sont les espaces symboliques des victoires espagnoles et de la grandeur passée et regrettée par plusieurs personnages de El Pasajero. Cette insistance sur la valeur symbolique de ces espaces est aisément perceptible : ainsi, aux expressions “la alteración de Granada”, “la Naval” et “Flandes” correspondent les propositions “empresa regida por buenos capitanes”, “batalla tan prodigiosa como se sabe”, “en cuantas batallas y tomas se ofrecieron en aquellos estados”. Au sein de ces groupes nominaux, l’incise “tan prodigiosa como se sabe” de même que l’indéfini de quantité “cuantas” donnent un ton emphatique à l’évocation de ces événements.On observe un phénomène sensiblement comparable dans le cas de Juan même si chez l’aubergiste, les tableaux se font plus précis. À titre d’exemple, on citera la description que celui-ci fait de l’une des maisons où il croit trouver refuge peu de temps après son arrivée à Toulon :
Participaba, como es uso allá, la sala primera de chimenea y lumbre, y en ella toda la prevención conveniente para la cena. Tendí la vista por su juridición y reconocí, en dos asadores, un cuarto de cabrito, un capón y un gran pedazo de carnero, sin lo que prometían en su concavidad dos ollas que, a más y mejor, porfiaban sobre cuál era más diestra en hervir. A un lado estaba una mujer no de mal talle, que me comenzó a preguntar quién era, de dónde venía y cómo estaba de aquella suerte. Mostró, habiendo dicho verdad en todo, sentimiento de mi desastre, y más cuando supo de qué nación era.19
Ces quelques lignes sont remarquables par la profusion de détails fournis au lecteur tant sur l’agencement de la salle (“Participaba la sala primera de chimenea y lumbre” // “dos asadores”) que sur la nature des ustensiles de cuisine et des mets qui y ont été préparés (“toda la prevención conveniente para la cena”// “un cuarto de cabrito”// “un capón”// “un gran pedazo de carnero”// “dos ollas”). On peut également noter, à ce propos, les indications de quantité et de taille des différents objets. Enfin, le narrateur précise aussi la zone que l’un des convives occupe dans la salle (“a un lado”).
Le traitement de l’espace dans la narration du Docteur offre une synthèse des caractéristiques qui viennent d’être étudiées dans les récits de Juan et de l’ermite mais déploie aussi des éléments qui lui sont propres.
L’espace dans le récit du Docteur : entre codification, émotivité et expérience personnelle
Le contenu codifié des descriptions, évoqué plus haut, est perceptible dans l’évocation qui est faite de Grenade ; cette ville est abordée en diverses occasions dans la narration autobiographique du Docteur mais aussi dans le récit de Juan et dans une des compositions poétiques intercalées dans El Pasajero20. La caractérisation élogieuse de Grenade proposée chez Figueroa, dont le récit de l’ermite donnait déjà un avant-goût, coïncide évidemment avec les topiques littéraires :
Últimamente, acordándoseme de la belleza, abundancia y frescura del reino granadino, determiné aguardar en él la respiración del postrer espíritu.21
Les sèmes de la profusion et de la fraîcheur (citations n°1et n°2) ainsi que celui de la sécurité qui est aussi bien applicable au lieu qu’à ses habitants (citation n°4) sont légion dans les pages du texte figuéroen. On retrouve également l’association de cette ville aux deux fleuves, Génil et Darro, élément traditionnellement signalé dans les textes de l’époque (citation n°3) :
Citation n°1 :
En este ínter se me vino a la memoria Granada, ínclita ciudad, de las más cómodas y regaladas del mundo, particularmente de verano.22
Citation n°2 :
Fue forzoso obedecer la orden dada, y así, haciendo almoneda de lo más embarazoso, subí a la Meléndez en un carro, dando con ella y mis bienes en Granada, lugar muy de mi gusto, por fresco y abundante.23
Citation n°3 :
Doctor. En poco tíempo adquirí tantos amigos, que Granada era ya para mi un Madrid segundo. Osaba frecuentar las iglesias de más concurso y las salidas de más recreación. Una tarde, bien cerca de donde Genil y Dauro traban perpetua amistad y alianza, vi un serafín que con su hermosura y asistencia hacia cielo resplandeciente un coche en que paseaba.24
Citation n°4 :
Es Granada lugar quietísimo, de sincero y amoroso proceder sus moradores, y así, con poca prevención puede cualquiera andar a todos tiempos seguro por sus calles.25
Mais la caractérisation topique de Grenade se voit enrichie dans El Pasajero par des éléments qui vont donner lieu à une création originale. Ainsi, le Docteur évoque-t-il l’histoire de la ville (“poseída tantos años de moros”) et le carmen, nom donné aux jardins par les habitants de Grenade. La démarche dans laquelle s’inscrivent ces éléments rappelle celle appliquée dans la description des paysages italiens. De la même façon, le Darro devient le lieu de création d’une composition poétique (“sentado sobre alguna peña, decía a su corriente amorosas locuras”). Le narrateur, par une série de détails, rend compte d’une expérience qui passe pour personnelle :
Llegué a Granada otro día, algo antes de anochecer, descubriendo con deleite de los ojos la frescura de su vega, retrato al natural del más curioso país. Agradome la traza de la ciudad, aunque, como poseída tantos años de moros, dispuesta con altibajos. Fueron los africanos amigos siempre de poblar en cuestas, pareciéndoles tales sitios más acomodados a la salud, y cúpole desta costumbre no poca parte a esta población.26
Dans le récit du Docteur, les espaces décrits sont associés à une forme d’émotivité. Certains décors dans lesquels se déroulent ces scènes suscitent chez lui des émois. Là encore, le cas de Grenade est assez symptomatique. Le texte renseigne le lecteur non seulement sur les sentiments qu’éveille ce paysage chez le personnage mais aussi sur les liens qu’il y tisse. Les sensations décrites par le personnage sont elles-mêmes soumises aux expériences qu’il y vit : ainsi, sa perception de Grenade évolue considérablement après le décès de l’être aimé qu’il a rencontré dans cette ville comme l’atteste la citation ci-après :
Doctor. La ciudad que por mil causas juzgaba un terrestre paraíso me pareció sin la difunta adorada un centro de todas miserias y desdichas. En vez de alegrarme, eran para mí sus recreaciones ocasión de mayores tristezas. Las aguas de los dos provechosos ríos Dauro y Genil asimilaban a las negras ondas de Cocito. En fin, todo se mostraba a la vista desabrido; todo penoso. Determiné, pues, divertirme con apartarme del sitio tan feliz un tiempo para mí, y otro tan desdichado, y así, propuse de ver a Sevilla.27
La construction de l’extrait qui repose sur une série d’antithèses est particulièrement révélatrice de ce changement de perception dont la cause est clairement identifiable textuellement à travers le groupe nominal “sin la difunta adorada”. La place centrale qu’occupe cet élément dans la phrase reflète le rôle de charnière dont dispose cet événement dans la vie et le ressenti du personnage. C’est autour de cette charnière que vont s’organiser les quatre couples d’antonymes employés dans ce passage fortement marqués du point de vue axiologique comme l’attestent les verbes de jugement “juzgar” et “parecer” ainsi que la double occurrence de “para mí” :
“un terrestre paraíso” VS “un centro de todas miserias y desdichas”
“alegrarme sus recreaciones” VS “ocasión de mayores tristezas”
“las aguas de los dos provechosos ríos Dauro y Genil” VS “las negras ondas de Cocito”
“el sitio tan feliz un tiempo para mí” VS “y otro tan desdichado”
Au sein de ce système d’oppositions, le sémantisme des expressions à connotation négative est accentué par la construction même de l’extrait. Le climax de ce procédé se situe dans la quatrième phrase qui se caractérise par la disparition des éléments positifs. Ceux-ci se voient supplantés par des expressions exclusivement négatives associées à deux occurrences de “todo” : textuellement et sémantiquement, cette quatrième phrase est donc dominée par la négativité.
L’émotivité codifiée, passe également par le réemploi de marqueurs affectifs pour évoquer des espaces différents : ainsi la structure “en poco tiempo adquirí amigos” employée à propos de Grenade avait-elle été déjà utilisée quasiment à l’identique au sujet de la ville de Cuéllar :
En Viloria, aldea distante un cuarto de legua del Henar, me detuve un mes, frecuentando, en tanto, el ir y venir a Cuéllar, donde en poco tiempo adquirí muchos amigos.28
L’évocation des liens tissés par le Docteur à Cuéllar n’est pas seulement intéressante du point de vue de sa codification. En effet, cet extrait est également et surtout représentatif de la précision presque mathématique qui caractérise le récit du périple du letrado. Outre les indications toponymiques de rigueur (Viloria, Henar, Cuéllar), ce passage fournit des informations de taille et de distance, autant d’éléments qui contribuent à la crédibilité du locuteur. Le lecteur retrace aisément le périple effectué par le personnage. Un relevé exhaustif des marqueurs spatiaux utilisés dans le récit du personnage depuis sa naissance à Valladolid jusqu’à son arrivée à Cuéllar permet de compléter ce tour d’horizon des données spatiales. Cette portion narrative se prête bien à l’examen puisqu’elle offre un échantillon représentatif des caractéristiques essentielles du récit du personnage. Un recensement des marqueurs temporels mobilisés dans l’ensemble de sa narration n’est ni nécessaire ni pertinent et sa lecture se révèlerait rapidement fastidieuse aux yeux du lecteur. Dès les premières lignes du témoignage autobiographique du Docteur, l’allusion à Valladolid, son lieu de naissance, donne lieu à une énumération des multiples atouts de cette ville en totale adéquation avec le topique du laus urbis natalis29 :
No hay para qué me detenga en pintaros despacio a Valladolid, la forma de sus edificios y templos, la suntuosidad de sus plazas, la recreación de sus salidas, la fertilidad de sus contornos, la felicidad de su clima, puesto que, siendo los tres cortesanos, será forzoso haberla visto cuando la honró nuestro Monarca con la asistencia de cinco años.30
La plasticité de cet extrait est suggérée par le texte lui-même à travers l’emploi du verbe “pintar”. On en retrouve également des indices dans les substantifs “edificios y templos” mais la référence à la forme de ces bâtiments y contribue également. La stratégie rhétorique topique qui nie la nécessité de procéder à une telle description tend à mettre ces éléments en valeur tout en réaffirmant le statut de narrateur du Docteur qui multiplie les substantifs à connotation laudative “recreación”, “fertilidad”, “felicidad” ou encore “suntuosidad”31.
De la même manière, la suite du récit rend compte des multiples étapes traversées qui ancrent son itinérance dans un cadre référentiel authentique italien et/ ou hispanique. Le resserrement de ces données géographiques dans l’espace textuel est évident :
Fácilmente se halla compañía en largos viajes; y así, entonces no me faltó la de gente principal hasta Barcelona. Allí, casi recién llegado, me embarqué en una de deciseis galeras que llevaban a Civitavieja cierta señora cuyo consorte ejercía en aquella sazón en Roma la embajada de España. Desembarqué en Génova. Pasé a Milán, donde me hallé en los principios como en alta mar bajel sin gobernalle.32
Apresuraba el menoscabo del dinero mi tarda y ambigua resolución, por cuya falta traté de continuar mis estudios en Bolonia o Pavía.33
(…) fui despachado en plaza de auditor de cantidad de gente que por orden de Su Majestad sirvió en Piemonte contra Francia.34
Con todo, venció el amor de la patria, y puesto en camino para visitarla, llegué a Valladolid a tres años de calificada con título de Corte.35
La toponymie est extrêmement précise (citations n°1 et n°3), le narrateur allant jusqu’à indiquer les routes et les chemins empruntés (citation n°1) :
Citation n°1 :
En esta forma, por la puerta de San Esteban, cogí un jueves, al amanecer, el camino de Tudela, rodeo ocasionado de querer verme primero una tía, residente en cierta aldea junto a Segovia. Apenas me hallé en el real, cuando los pies se me volvieron torpes, como de plomo, molidísimo a menos de cien pasos.36
Citation n°2 :
Despabiló las tres legüezuelas en los vivos aires, y yo, agradecido a su velocidad, hice que para consuelo de su estómago moliese un cuartillo de buena cebada.37
Citation n°3 :
En tanto, el dueño cortó también la cólera, y antes que del todo entrase el resistero (que era por mediado Agosto), partimos mi burro y yo, tomando la derrota de Cuéllar, noble villa, y lejos de allí seis leguas. Pensé aquel día entrar en ella; mas llegando a otro lugar montante de la distancia, resolví dilatar para la mañana siguiente las tres que faltaban por andar, hallándome fatigado, tanto respeto del calor como del cansancio.38
De la même manière, les indications de distance (citations n°2 et n°3) peuvent s’accompagner de remarques sur les changements de décisions du voyageur. La vraisemblance de l’expérience racontée est ainsi assurée. De plus, ces éléments la situent dans un décor clairement défini dont la force tient au fait que le lecteur y avait jusque là été peu habitué. Cette accumulation de données spatiales va de pair avec une utilisation massive de verbes de déplacement qui augure elle aussi de l’évolution vers le héros – au sens de protagoniste – que porte en germe le personnage du Docteur.
A l’issue de cet ‘état des lieux’, il apparaît que la présentation des différents espaces à travers l’espace textuel figuéroen est en tout point conforme avec les topiques littéraires et que ces espaces s’avèrent importants pour leur pouvoir d’évocation. L’espace peut aussi devenir étape au cours d’un voyage dans les récits des personnages itinérants que sont l’ermite, Juan et le Docteur même si dans le cas des deux premiers, ces lieux ne débouchent pas systématiquement sur une description. Il en va autrement pour le Docteur qui, quant à lui, évoque les espaces qu’il a traversés par le passé dans des extraits qui associent expérience personnelle et émotivité. Dans cette étude, un espace doit néanmoins recevoir un traitement particulier au regard du statut spécifique dont il jouit dans l’œuvre : il s’agit de l’Italie, en tant qu’Ailleurs idéalisé.
L’expérience italienne : un cas à part
Le rôle que joue l’Italie dans la construction de El Pasajero est déterminant ; la précision des données spatio-temporelles employées dans l’exposé que le Docteur consacre à l’Italie dans l’alivio I s’oppose à la dématérialisation du voyage-cadre. Ces descriptions sont distillées par un Docteur soucieux d’informer ses compagnons de la destination vers laquelle ils se dirigent. La nature même de la source dont sont tirées les descriptions italiennes – un ouvrage de cosmographie39 – explique la grande précision des données. Pour ces mêmes raisons, la présentation de l’information suit un schéma qui ne varie guère en fonction des espaces évoqués. Ainsi, la présentation réunit-elle généralement les éléments suivants :
- Diverses considérations géographiques (relief, vents, coordonnées, fleuves…)
- Agriculture (et principales productions)
- Population (approche pseudo anthropologique). La présentation de l’Italie est jalonnée de divers commentaires sur le tempérament des habitants40, qui ne sont pas sans rappeler ceux que l’on trouve au sujet des villes du Levant dans les récits de voyageurs de l’époque. Ces commentaires n’ont rien d’étonnant, puisqu’au Siècle d’Or, la description de tout espace va souvent de pair avec des remarques sur ceux qui l’habitent.
- Histoire
- Itinéraire et villes par lesquelles il faut passer pour y arriver
- Atouts et points négatifs
La présentation des destinations futures des locuteurs semble s’inspirer directement du topique rhétorique de la laus urbis, largement exploité dans le Viaje de Turquía. Cet éloge semble d’autant plus nécessaire au regard du peu d’enthousiasme que manifestent les compagnons du Docteur en partance pour Italie. L’exposé de l’alivio I n’en est pas moins jalonné d’ajouts qui participent de la vraisemblance de l’ensemble susceptible de donner au lecteur l’illusion d’une expérience authentique. Le Docteur évoque le fruit des observations auxquelles il s’est livré lors de son séjour à Milan :
¡Cuántos días gastará Isidro en considerar la riqueza, la variedad, el trato, la armería, y todo lo demás singular y excelente de que es dueño esta notabilísima ciudad! Un año asistí en ella, y apenas pude percebir de diez partes una de su exterioridad.41
On peut signaler la présence de marqueurs temporels et spatiaux mais aussi le recours à la première personne et à des verbes d’action, de perception et de jugement qui confèrent à ces énoncés une tonalité personnelle.
L’importance des descriptions proposées dans le chapitre initial est réaffirmée à travers le récit autobiographique du Docteur, lorsque celui-ci se remémore une conversation qu’il a eue avec le Duc d’Alburquerque et dont le contenu entre indiscutablement en résonance avec le texte de Botero reproduit dans l’alivio I :
No hubo cosa particular de Italia que no se desmenuzase: razón de estado, de guerra, gobierno eclesiástico y seglar, administración de justicia y hacienda. Pintáronse las inclinaciones y disinios de estranjeros, su aversión o afición a España; las inteligencias y manejos de los grandes negocios en Roma, en Venecia, en Nápoles, en Sicilia y Milán. Tras esto, y tras haberme enseñado su armería, dignísima, por cierto, de ser vista, me despedí, con aviso de que le volviese a ver antes de partirme.42
Les villes évoquées dans la conversation avec le Duc avaient déjà fait l’objet d’un développement dans le premier alivio. Bien qu’elle ne fasse pas partie des destinations vers lesquelles s’orientent les personnages, Venise figure néanmoins parmi les espaces italiens évoqués dans l’exposé du Docteur :
Entre las repúblicas, obtiene sin duda el primer lugar Venecia; el segundo, Génova.43
Les descriptions des villes italiennes empruntées aux Relazioni Universali de Botero présentent donc d’indéniables ressemblances avec cet échange qui offre en quelque sorte une mise en abyme des éléments traités au chapitre I. Par celle-ci, l’Italie est consacrée dans son statut d’espace symbolique ou tout au moins idéalisé qui se voit confirmé par un autre élément du récit auquel se livre le Docteur dans les chapitres VI à VIII. En effet, en dépit de la prééminence de la thématique italienne dans le chapitre I, les épisodes vécus par le personnage du Docteur en Italie sont presque totalement absents de l’œuvre. Les développements les plus longs concernent des épisodes de sa vie qui ne se déroulent pas en Italie mais bien en Espagne comme a permis de le voir l’étude des données spatiales incluses dans son récit. Dès lors, le texte semble s’inscrire encore dans une logique de ‘l’entre-deux’ qui repose sur l’absence-présence permanente de l’Italie. L’insertion de données spatiales ne suffit pas à reconstituer l’ensemble du parcours du personnage du Docteur. Pour ce faire, le lecteur doit mobiliser d’autres éléments comme la temporalité qui vont lui permettre de reconstruire l’histoire du Docteur mais aussi celles des autres personnages, dans une démarche littéraire résolument novatrice.
Temporalité et création d’un parcours personnel
Le contraste signalé entre le laconisme du cadre spatial dans lequel se déroule l’interaction et la profusion de détails inclus notamment dans les récits est également perceptible au niveau de la temporalité. Ce décalage est plus accentué encore dans le traitement du temps que dans celui de l’espace. En effet, on a vu que l’interaction se déroule au cours d’un voyage entre Madrid et Barcelone sans que ce cadre soit décrit. Les indications temporelles, quant à elles, certes plus présentes dans les récits autobiographiques des personnages, apparaissent également dans les digressions à caractère moral. De ce fait, bien que le texte ne comporte aucune date précise, l’interlocution est aisément situable sous le règne de Philippe III, présenté comme une époque de décadence en opposition totale avec les années de grandeur qu’ont constituées, pour l’Espagne, du moins dans l’imaginaire collectif, les règnes de Charles Quint et de Philippe II44.
En revanche, les éléments de temporalité bénéficient d’une présence plus massive dans les récits autobiographiques des locuteurs. Ceux-ci y exposent les circonstances qui les conduisent à quitter l’Espagne et retracent leurs parcours respectifs jusqu’à leur rencontre à l’occasion du voyage. Ces analepses prennent une forme aisément identifiable à travers les récits entrepris par les différents locuteurs qui s’étalent sur plusieurs pages et même sur plusieurs chapitres.
Les analepses : entre création d’un passé et pratique intertextuelle
Dans les récits autobiographiques des différents personnages, une attention toute particulière est portée aux indications de durée. Le récit de Don Luis est le moins précis de tous sur ce point. Celui du Maître se définit par une présence importante de marqueurs de temporalité mais la plupart d’entre eux restent encore assez flous (“algunos días”, “en diversas conclusiones”, “llegose ocasión”, “tres o cuatro años”, “en tanto”, “ha poco”)45. Malgré leur précision toute relative, ces compléments circonstantiels de temps et ces indications de durée contribuent indubitablement à identifier différentes étapes dans le récit du personnage. L’absence, dans toutes ces narrations, d’un point de départ clairement spécifié ne permet certes pas de retracer une chronologie circonstanciée. Néanmoins, il s’agit bel et bien d’une chronologie qui constitue, en ce sens, un facteur d’épaisseur. Le récit de l’orfèvre Isidro, nettement plus court que celui des autres locuteurs, n’est pas pour autant dénué d’intérêt sur ces questions de temporalité puisque celui-ci comporte plusieurs marqueurs précis. C’est là un trait assez paradoxal au regard du statut très secondaire dont celui-ci dispose dans l’interlocution, les informations sur les occupations du personnage y sont, en revanche, assez peu développées. L’incise “desde los doce a diecisiete años” en est un exemple révélateur. Il s’agit de l’une des indications d’âge les plus précises au sujet des quatre personnages46. L’emploi de l’imparfait de l’indicatif dans la première partie du récit de l’orfèvre lui confère une dimension descriptive et durative apte à conférer une épaisseur temporelle certaine :
Atiendo, como signifiqué, al arte orificia, (…). Desde los doce a decisiete años, ya pasados los de la primera enseñanza de leer y escribir, gasté inútilmente, sin estar ocupado en cosa de que me pudiese resultar utilidad. Acudía algunas veces a gozar las recreaciones del campo, que llaman salidas, donde es costumbre concurrir diversas gentes. Frecuentaba otros días las comedias, juzgando por no malgastadas aquellas tres horas, ya de suspensión, ya de regocijo. Daba al juego pocos ratos, por no hallar deleite mi cólera en su ciega distribución; todo a uno y nada a los demás. Entreteníanme grandemente las domésticas conversaciones de los con quien me había criado y vivido. Deste modo se pasaban los días, meses y años, ocupadísimo siempre en hacer nada. Una tarde recogiose mi padre conmigo en un aposento, (…) me dijo las palabras siguientes: (…).47
Dans la deuxième partie du récit d’Isidro, en revanche, le passé simple est utilisé de sorte à retranscrire la succession des actions effectuées par le personnage. Au niveau fictionnel, la chronologie des faits est ainsi recréée et traduit une certaine accélération dans le rythme des événements. Toutefois, dans ce deuxième mouvement de la narration, la tendance semble s’inverser au niveau des compléments circonstanciels de temps. En effet, l’expression “en este ínter” est le seul connecteur temporel qui y figure, empêchant ainsi le lecteur de situer son récit dans le temps historiquement daté48.
À l’inverse, le récit du Docteur se caractérise par l’abondance de données temporelles de natures très diverses et par une tendance à l’accumulation. Dès le début de sa narration, les expressions de durée “en poco más de dieciocho años” (p.533), “dentro de dos o tres años” (p.536), les indications de date ou de moment de la journée, “un jueves, al amanecer” (p.534), “por mediado Agosto”, (p.535) “a tiempo que muchos de sus vecinos salían a la plaza con ocasión de gozar el fresco” (p.535) attestent de la concentration dans l’espace textuel des marqueurs temporels.
La narration du Docteur se distingue par son extension et comporte des références à des événements qui inscrivent son histoire dans un contexte plus précis. La bataille de Cavour (p.553), l’époque où Valladolid était la capitale de l’Espagne (“a tres años de calificada con título de Corte”, p.534 ; “el último año de Corte en Valladolid”) sont autant de références qui tendent indéniablement à ancrer le récit du personnage dans une temporalité historique.
L’effort d’élaboration du passé franchit un pas de plus dans un autre commentaire fait par le letrado lorsque celui-ci livre à ses compagnons un souvenir qui remonte à son enfance, su niñez, or c’est l’une des rares occurrences de ce terme dans El Pasajero où lui sont généralement préférés “mocedad” ou “juventud” :
Acuérdome en mi niñez asombraba a un lugar entero ver entrar por él un hábito de las tres órdenes, Santiago, Alcántara y Calatrava. Los aldeanos, en particular, casi se daban golpes en los pechos en viendo pasar al señor comendador. Ya cesa admiración semejante, por haber muchos, y no pocos, pobres.49
En toute logique, les premières années de vie des personnages sont traitées très rapidement dans les récits des quatre locuteurs. Certes, dans l’intervention du Docteur, l’évocation de cette période fonctionne comme un prétexte et vient alimenter l’opposition passé (âge d’or) VS présent (déclin). Néanmoins, l’allusion à son enfance renvoie indéniablement à une tranche de vie.
L’expression “en mi niñez” rappelle la formule “en mis verdes años” dont elle se distingue cependant. Le recours à cette formule reste assez conventionnel mais la plupart des occurrences viennent s’insérer dans un discours généralisant sur le comportement de à la jeunesse :
Parece no puede rendir árbol tan novel sazonado fruto; causa de no dársele crédito ni de ser escuchado. Sin esto, los años verdes obran de contino diferente que hablan; y así, desacreditan con lo primero lo que con lo último pudieran granjear.50
Le texte offre à travers le cas du Docteur et d’Isidro deux exemples où cette expression participe au travail qui est mené pour doter les personnages d’un passé. Dans une de ses interventions, le letrado avoue s’être lui-même intéressé à la Poésie dans sa jeunesse :
Doctor. (…) quiero, las veces (…) comunicaros también algunos de los versos que como primicias de mi corto ingenio ofrecí a las Musas en mis verdes años.51
Dans le cas d’Isidro, elle donne lieu à l’évocation d’un souvenir spécifique, en l’occurrence, la pratique de l’escrime et tend donc à retranscrire une expérience individuelle et personnelle :
Isidro. (…) Más fáciles eran los modos que en la esgrima se frecuentaban cuando yo, en mis verdes años, acudía a ella. En boca de mi maestro, sólo se oía amagar, desmuñecar, embeber, vaciar, escurrir, cambiar, envión, remesar, cornada, quiebro, tropezón, tropezón, tormenta, punta, contrapunta, toque, respuesta y cosas así. Con esto nos entendíamos, sin meternos en más honduras.52
L’évocation de ces souvenirs corrobore l’importance des pratiques intertextuelles et leurs liens avec la construction d’un passé pour les personnages. Ce phénomène réaffirme l’importance du motif du passage dans la structuration de l’œuvre dans la mesure où il pose à nouveau la question des limites entre fiction et non-fiction dans El Pasajero. L’introduction d’écrits passés de Figueroa permet de glisser vers le domaine du non-fictionnel dans le sens où elle induit un rapport spécifique entre l’auteur et son lecteur, à même d’identifier l’hypotexte figuéroen. La confrontation entre l’intervention d’Isidro dans El Pasajero et le texte de Plaza Universal laisse, de fait, apparaître d’évidentes similitudes :
Los más comunes de que usan, aunque groseramente, los Maestros de España, son amagar, desmuñecar, embeber, vaciar, escurrir la espada, combatir, envión, remesar la espada, cornada, quiebro, tropezón, culebrar la espada, tormenta, punta, contrapunta, toque, respuesta, contratiempo, botonazo, garatusa, ganancia, reganancia, remesón, boleo, mandoble, hocicar la espada, tiento, contratiento, tajo largo, tajo hendido, tajo bolado, reparo largo, reparo, redondo, puerta de hierro, redoblar, trastocar, y así otros.53
En réalité, l’intertextualité ne se restreint pas à ce phénomène d’autocitation. Cet extrait de El Pasajero se situe donc doublement dans une zone poreuse entre la fiction et la non-fiction dans la mesure où le lectorat modèle dessiné, dans cet extrait, est susceptible d’être un lecteur de Figueroa mais aussi un lecteur de Pacheco de Narváez. Implicitement, cet extrait fait basculer le texte vers l’expérience de lecture et fait sortir le lecteur de la fiction. Pacheco de Narváez a consacré plusieurs ouvrages à un célèbre courant d’escrime espagnol appelé la Verdadera Destreza qui tire vraisemblablement son titre de l’ouvrage, Cien conclusiones o formas de saber la verdadera destreza fundada en ciencia (1608). Il existe bel et bien, sur ce point, une proximité idéologique et sémantique entre El Pasajero et le contenu de différents tratados de destreza. Cette parenté est, de fait, suggérée par le texte de Figueroa par la reprise de “verdadera destreza” :
En fin, la verdadera destreza debe ser (como dije otra vez entre otros amigos) abrazada de todo género de hombres, por enderezar sus preceptos a la cosa más importante del mundo, que es a la defensa y conservación de honor, vida y hacienda.54
L’incise“como dije otra vez entre otros amigos” constitue une invitation à chercher dans un autre ouvrage de Figueroa une citation analogue qui se situe dans Plaza Universal :
Mas por tener certeza de que aunque debidas, y justas, no las llevara bien, será forzoso detener el raudal de las que se venían a la boca, y pluma, para ser escritas; concluyendo, debe no poco España a este insigne varón hijo suyo, pues le abrió los ojos en cosa tan importante, como es defensa, honor, vida, y hacienda, advirtiéndola de infinitos evidentes errores y engaños, tocantes a la verdadera destreza.55
Les passages mis en relief dans les deux citations sont parfaitement éloquents et se passent de commentaires. Si les similitudes entre les deux textes sont évidentes, il convient certainement de nuancer quelque peu l’analyse de Mauricio Jalón qui insiste, à plusieurs reprises56, dans son édition commentée de Plaza Universal sur l’importance des apports figuéroens par rapport au texte original de Garzoni. Tout porte à croire, en effet, que l’ajout qui vient d’être commenté a pour source un hypotexte hispanique publié en 1612 chez Luis Sánchez, Compendio de la filosofía y destreza de las armas :
Compendio :
(…) sabemos que el noble, honroso y no menos necesario arte de la destreza de las armas (defensa de la fe, muro de la patria, amparo del honor, vida y hacienda haya tenido en algun tiempo ni en nación alguna, por firmes fundamentos de su certeza, los radicales principios de la naturaleza, los probables discursos, y resoluciones de la Filosofia, fundados en el alto conocimiento de la cosa por su causa ; y la cierta y demostrable verdad de las Matemáticas.57
Figueroa met en pratique une cascade intertextuelle qui donne lieu à chaque fois à une forme renouvelée de création tout en renvoyant à des événements antérieurs à l’interlocution. Les hypotextes qui fournissent un passé aux personnages semblent traverser plusieurs de ses œuvres mais sans se restreindre à une réutilisation servile puisque le schéma est enrichi systématiquement par une touche d’originalité. Dans le cas qui nous occupe, le transfert s’opère depuis un ouvrage théorique consacré exclusivement à l’escrime (le Compendio) vers une œuvre qui tend vers un savoir encyclopédique (la Plaza) jusqu’à s’intégrer dans un ouvrage qui associe des éléments didactiques et narratifs.
La construction du passé des personnages semble s’inscrire, elle aussi dans la stratégie de ‘l’entre-deux’ : il offre la synthèse d’apports extérieurs et de créations personnelles de l’auteur. L’intertextualité vient enrichir le traitement de la temporalité dans la mesure où elle vient alimenter le passé des personnages.
Au-delà de la parenté avec Pacheco de Narváez, Figueroa propose une réécriture de sa version du texte de Garzoni comme il l’a fait plus tôt grâce aux incises à caractère personnel du Docteur dans sa présentation de l’Italie. Les hypotextes sont enrichis d’éléments nouveaux : les texte non fictionnels de Botero et de Pacheco alimentent la biographie du personnage de fiction qu’est le Docteur.
Les récits des locuteurs constituent des blocs analeptiques que viennent compléter d’autres éléments introduits de façon plus discrète au cours de l’échange et qui permettent de reconstruire le parcours personnel des personnages. Mais si la mémoire et le souvenir jouent indéniablement un rôle décisif, il convient également de prêter attention aux éléments lacunaires ou passés sous silence. Eux-aussi nous éclairent sur la biographie des personnages mais aussi sur les stratégies d’écriture mises en place dans le texte. Ces dernières configurent un lecteur type actif et à même de saisir les indices qui sont distillés dans le texte.
Souvenirs et reconstruction d’un itinéraire personnel
L’évocation du passé des personnages confère immanquablement une place de choix à des thématiques telles que le souvenir et la mémoire58 à travers l’insertion des narrations autobiographiques. Ces récits analeptiques viennent aussi parfois se doubler d’une autre analepse pour déboucher sur le souvenir d’épisodes antérieurs. Ce phénomène est plus particulièrement observable au niveau des récits enchâssés au récit du Docteur que sont les narrations de l’ermite et de Juan. Ainsi, le Docteur fait-il le récit de deux rencontres avec des personnages qui vont eux-aussi lui raconter leur passé.
Pour des raisons évidentes d’extension du récit et de dimensions de l’œuvre (à un niveau plus pragmatique), tous les souvenirs et tous les événements ne sauraient être traités in extenso. De fait, ces vides ont eux aussi leur importance et se manifestent par la présence de formules qui rendent compte d’un phénomène de sélection de l’information. Ce phénomène est, à notre sens, facilité par l’absence de dates qui ne permet pas de situer avec précision sur l’axe temporel les événements qui sont racontés par le personnage, et qui attestent du caractère encore balbutiant du traitement de la chronologie :
Una tarde recogiose mi padre conmigo en un aposento, y entre otros saludables documentos que no son deste propósito, me dijo las palabras siguientes.59
En fin, tras muchos documentos santos, de que ahora me acuerdo poco, insistió manifestase mi culpa y me sometiese a saludable penitencia.60
On ne peut certes pas identifier ces commentaires comme de véritables ellipses temporelles mais ces éléments passés sous silence constituent autant de brèches que l’on peut également rapprocher de la formule employée par le Docteur à la fin de son récit :
Finalmente, estas y otras cosas casi deste metal me dejaban hecho un venino.61
Il convient de souligner l’efficacité du jeu d’opposition entre “estas” et “otras” où “estas” fait référence à ce qui vient d’être raconté alors que “otras” renvoie à des anecdotes similaires mais qui ne sont pas racontées. C’est donc explicitement que certains moments de leurs histoires respectives sont évincés dans le traitement de la temporalité.
Dans une démarche voisine, grâce à un procédé également présent dans les nouvelles de l’époque, les narrateurs glissent des commentaires sur ce qui va se dérouler par la suite au cours de leur récit. C’est le cas notamment chez Don Luis. Après avoir décrit les difficultés qu’il a rencontrées au service d’un majordome, le jeune homme déclare :
(…) mas cualquier mal puede ser endulzado con otro mayor.62
Ce commentaire, à première vue à valeur générale, constitue un effet d’annonce relatif aux faits qui vont suivre, à savoir sa rencontre avec une duègne.
Il est un cas encore plus évident de l’utilisation de ce procédé. On le trouve dans l’alivio III lorsque le Maître fait état de ses aventures de jeunesse :
Uno que se preciaba de más taimado comenzó a darme liciones de nueva vida, para que, divertido de las que me importaban, abrazase las que fueron ocasión de su despeñamiento, y lo habían de ser del mío.63
Ces références visent à instaurer une sorte de connivence entre le narrateur et son narrataire et pose un rapport autre au lecteur qui devient le complice de ce narrateur puissant, figure d’omniscience qui connaît tous les détails de son histoire et qui joue sur les effets d’attente.
La sélection de l’information se traduit aussi dans le texte à travers le traitement somme toute assez rapide d’une étape néanmoins présentée comme décisive à savoir l’expérience italienne du personnage du Docteur. Le seul extrait du récit du Docteur dans lequel le letrado rende compte de son expérience italienne est un passage finalement assez bref qui concerne les circonstances de son arrivée en Italie où il s’installe après avoir quitté l’Espagne pour n’y revenir qu’à la mort de ses proches. L’évocation de sa vie en Italie ne s’étend que sur deux pages. De manière générale, le traitement de la temporalité dans cet extrait est très vague comme l’atteste l’accumulation de connecteurs temporels pour le moins imprécis.64
Ce passage offre la synthèse d’événements qui se sont étalés sur plusieurs années. L’évocation du démantèlement de l’armée espagnole après la bataille de Cavour renvoie à des événements qui se sont déroulés en 1598 (“Al fin, se deshizo el ejército; y cesando el ejercicio de mi plaza, fue forzoso dar vuelta a Milán, con nombre de haber servido bien”) alors que la dernière phrase de l’extrait (“llegué a Valladolid a tres años de calificada con título de Corte”) situe l’action en 1604 puisque Valladolid, on le sait, a été capitale de 1601 à 1606. Autrement dit, en quelques lignes seulement, ce sont six années de la vie du personnage qui sont balayées alors que par ailleurs, dans le récit, d’autres épisodes bien plus courts, comme les retrouvailles avec Juan, sont développés sur plusieurs pages. En dépit de la fonction essentielle que joue l’Italie dans le discours du Docteur, l’essentiel de son récit porte sur des épisodes qui se sont déroulés en Espagne. L’évocation du retour à Valladolid est, quant à elle, accompagnée d’une référence temporelle précise (“llegué a Valladolid a tres años de calificada con título de Corte”). Le caractère synthétique de la narration du Docteur sur son expérience italienne est perceptible du point de vue de l’écriture à travers la succession des trois verbes conjugués au prétérit “desembarqué”, “pasé” et “me hallé” qui donne une sensation de rapidité dans l’enchaînement des actions. De plus, les marqueurs temporels “ya, pues” et “al fin” restent assez vagues. De toute évidence, dans ce passage, le rythme s’accélère ostensiblement. On peut sans doute y voir une stratégie d’écriture visant à rendre compte textuellement de la rapidité à laquelle la reconnaissance est obtenue. Une autre interprétation est que l’expérience italienne est en quelque sorte lisible en filigrane et suppose un effort de reconstruction de la part du lecteur qui va devoir passer d’une allusion à une autre comme sur les pierres d’un gué, interprétation d’autant plus séduisante que cette stratégie conforte le texte figuéroen dans son statut pasajero.
L’analyse du cadre spatio-temporel des narrations intercalées dans le dialogue a permis de mettre en évidence des différences de traitement selon le type de narrations. A l’imprécision du cadre dans lequel se déroule l’interaction s’oppose la minutie des éléments spatio-temporels disséminés dans les récits autobiographiques des quatre locuteurs. De manière générale, la plupart des décors évoqués dans ces récits sont importants pour leur pouvoir d’évocation et coïncident avec leur caractérisation topique dans la littérature de l’époque. Toutefois, d’autres espaces jouissent d’un traitement spécifique : c’est notamment le cas de l’Italie. Le traitement de la temporalité varie lui aussi tout au long de l’œuvre et c’est le récit du Docteur qui en offre l’exemple le plus éloquent. Le passé et les souvenirs des locuteurs sont évoqués, quant à eux, à travers des blocs analeptiques ou des éléments qu’ils distillent au cours de leur échange. Dans leurs récits respectifs, l’intertextualité est décisive : emprunts et autocitations favorisent l’identification Docteur- Figueroa brouillent les limites entre écrit et oral. Les apports en matière de temporalité et d’espace configurent des différences de traitement des personnages parmi lesquels il convient d’établir néanmoins certaines dichotomies, ne serait-ce que dans un souci de clarté. Mais la suite de cette étude montrera que le texte figuéroen tisse entre les différents types de personnages des liens étroits.
Notes
- Lejeune, 1996, p.14.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.499.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.601.
- Huerta Calvo, 1983, p.41.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.445.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.446.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.445.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.450.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.446.
- Vélez de Guevara, [1641], 2017, p.59 : “– Y aquellas gradas que están allí enfrente – prosiguió la tal Rufina María –, tan llenas de gente, ¿de qué templo son, o qué hacen allí tanta variedad de hombres vestidos de diferentes colores? – Aquellas son las gradas de San Felipe – respondió el Cojuelo, convento de San Agustín, que es el mentidero de los soldados, de adonde salen las nuevas primero que los sucesos.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.446.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.446.
- Alvárez Roblin, 2014, p.97 : “Enfin, l’une des scènes qui fait le plus explicitement allusion à l’univers des gueux est celle où Sancho raconte comment, lors de son séjour à Saragosse, il a subi les crachats d’un groupe d’étudiants.” Pour la citation de l’extrait du Quichotte apocryphe, cf. Alvárez Roblin, 2014, n.45 p.97.
- Domingo Ynduráin cite précisément pour comparaison le texte figuéroen en note de bas de page de son édition critique de El Buscón ; cf. n.99 p.142 et n.100 p.143. Quevedo, [1626], 2007, p.142-144.
- La description faite par le Docteur ayant déjà été citée dans la première partie de cette étude, seule la description proposée par l’ermite est reproduite ici.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p. 547.
- Géal, 2011, p.269.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.546.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.554.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.581 : “Genil, que, condolido/ del lamentable caso, /de aljófares sembraste tus mejillas, /el retrete escondido /olvida, y mueve el paso /hiriendo tu cristal por sus orillas.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p. 547.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.542.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.564.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p 569.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.572.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.569.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.581.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.540.
- L’éloge de Valladolid entre inexorablement en résonance avec des œuvres telles que Dialogo en alabanza de Valladolid ou Grandezas de España qu’évoque Bartolomé Bennassar dans son étude désormais classique, Valladolid au Siècle d’Or. Cf. Bennassar, [1999], 2013, t. I, n.16 et 18 du chapitre IV “II. La Cour”.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.532.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.534.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.533.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.533.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.533.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.534.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.535.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.535.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.535.
- Cf. supra, Première partie, chapitre 1, “Réflexions autour d’un titre”.
- On ne saurait séparer vision de la ville et représentation que l’on a des peuples, de leur gouvernement. Sur ce point, voir Merle, 2005, p.317 : “Ainsi, vanter l’organisation de la vie d’une cité, l’ordre qui y règne, la propreté des rues, la disposition commode des édifices, revient à exprimer une opinion favorable sur ses occupants et sur leur mode de gouvernement.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.380.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.539.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.374.
- C’est plus particulièrement le règne de Charles Quint qui était valorisé, au théâtre notamment. Charles Quint incarnait un modèle de Roi et de système politique aux côtés des Rois Catholiques. Cette aura positive rejaillissait sur Philippe II qui incarnait un modèle de manière indirecte seulement en tant que fils de Charles Quint.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.452.
- Le récit autobiographique de Don Luis comporte également une référence à l’âge qu’il avait lors de son altercation avec le majordome. Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.401: “A esta sazón tenía yo deciséis años, aunque estatura de veinte, y ciertos humillos de valentía infundida en el cuerpo.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.396.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.397.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.622.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.612.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.444.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.607.
- Suárez de Figueroa, PU, [1630], 2004b, p.607.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.607.
- Suárez de Figueroa, PU, [1630], 2004b, p.593.
- Suárez de Figueroa, PU, [1630], 2006, n.8 p.822 : “suprime mucho texto italiano SF, hasta el punto de resumirlo en dos frases ; lo compensará con sus muchos detalles posteriores”; n.21 p.824 : “Sigue todavía el largo tramo de S de F, que triplica, así, las informaciones de Guarini”; n.23 p.825 : “Hasta este punto llega el vasto aporte de SF.”
- Pacheco de Narváez, 1612, p.6.
- L’importance de la mémoire dans le Quichotte a donné lieu à plusieurs études comme celles d’Aurora Egido, La memoria y el Quijote, disponible notamment en ligne sur le centro virtual cervantes, Antología de la crítica sobre el Quijote en el siglo XX ; cf. Egido, 1991.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.396.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.561.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.591.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.402.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.445.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.533.