Peu de projets s’inscrivent sans doute aussi bien dans le cadre de ce congrès de la Société Française d’Histoire urbaine que celui des Atlas topographiques des villes de Gaule méridionale1. Le sous-titre du congrès évoque effectivement les “ambitions” pour “mettre la ville en atlas” ; je pense que notre projet répond parfaitement à ce critère d’une ambition, parfois considérée comme démesurée, si ce n’est déjà par le format de nos publications, car il s’agit de produire des livres en format A3. Le but de cette contribution est de présenter assez succinctement l’origine et les principes de ce programme2.
Origine et méthodes
L’origine du projet Atlas topographiques des villes de Gaule méridionale s’inscrit dans l’émergence de l’intérêt pour l’archéologie urbaine dans les décennies d’après-guerre et la reconstruction, parfois radicale, des centres historiques. C’est ainsi qu’a eu lieu, en Provence, l’un des premiers importants chantiers de fouille “de sauvetage” urbains de l’après-guerre, à Marseille (Centre Bourse), réalisé de 1967 à 1977 sous la responsabilité de l’Institut d’archéologie méditerranéenne, prédécesseur du Centre Camille Jullian (Aix-en-Provence) ; ce qui n’a pas empêché que, dans les mêmes années, de vastes secteurs de ces mêmes centres urbains en cours de rénovation ont été sacrifiés, comme à Avignon, où le quartier de la Balance ou le secteur de la place de l’Horloge, avec les vestiges de la curie romaine, n’ont pas résisté à la pelle mécanique3. Les “Trente Glorieuses” peut-être, mais pas forcément pour le patrimoine des centres anciens…
Cette période aboutit, après la création en 1973 de l’Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (AFAN) et la mutation de l’archéologie de sauvetage vers une archéologie dite “préventive”, à un certain nombre d’initiatives concomitantes, comme l’organisation en 1980 du premier grand colloque consacré à l’archéologie urbaine, réuni à Tours4, où a été créé, quelques années plus tard, le désormais feu Centre National d’Archéologie Urbaine (CNAU). Le CNAU a par la suite publié, entre autres, la série des Documents d’Évaluation du patrimoine archéologique des villes de France (DEPAU), un genre de cartes archéologiques diachroniques, avec des plans des villes par période chronologique, mais également une évaluation de l’état de destruction, et donc du potentiel archéologique, du sous-sol. Cette série, dont le dernier volume est paru en 2013, a toujours été très appréciée par les chercheurs, les services instructeurs et les aménageurs.
La même année 1980 est paru, sous la direction de Georges Duby, le premier volume de la collection Histoire de la France urbaine, rédigé en très grande partie par des chercheurs aixois, Christian Goudineau pour la ville du Haut-Empire, Paul-Albert Février pour l’Antiquité tardive et Michel Fixot pour le début du Moyen Âge5. Il y avait effectivement, dans les années 1970-1980, un groupe de chercheurs au Centre Camille Jullian, travaillant sur la topographie des villes de la Narbonnaise et qui avaient besoin de disposer pour leur étude d’un outil qui présente de façon homogène l’ensemble de la documentation archéologique livrée par les fouilles anciennes ou récentes. C’est donc à l’initiative de Paul-Albert Février6, Christian Goudineau ayant été nommé au Collège de France en 1984, qu’a été initié en 1988 ce programme de recherche, intitulé “Atlas topographiques des villes de Gaule méridionale”, qui a bénéficié dès 1991 du soutien financier du ministère de la Culture par le biais d’un projet collectif de recherche (PCR), dont la coordination, d’abord confiée à Jean Guyon, est assurée depuis 2003 par moi-même, en tant que chercheurs, tous les deux, au Centre Camille Julian, où le projet est également inscrit dans la programmation scientifique. Il s’agit d’un projet triennal, régulièrement renouvelé – cas unique ou presque dans l’histoire du ministère – depuis bientôt 30 ans. La gestion administrative et le contrôle scientifique sont assurés à tour de rôle par les Services régionaux de l’archéologie (SRA) des régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes. Actuellement, le PCR est hébergé par le SRA Occitanie. Du fait de l’implication de nombreux chercheurs de l’Inrap l’équipe est également fortement soutenue par cet organisme par le biais de la dotation annuelle d’un certain nombre de jours PAS.
Depuis le début du projet en effet, l’équipe a été volontairement multi-institutionnelle et réunit non seulement des chercheurs de l’Université ou du CNRS, mais également des agents du ministère de la Culture, de l’Inrap, des services de collectivités, des doctorants, des chercheurs bénévoles etc. Pour la gestion financière, l’association Urbs antiqua a été créée, présidée actuellement par Jean-Marc Mignon (Service archéologique du département de Vaucluse) qui veille attentivement à recruter les membres du bureau dans les trois régions et les différents organismes de rattachement. C’est donc un véritable travail collectif. Cela s’exprime encore davantage dans la méthode de travail adoptée. Notre équipe se réunit en moyenne une fois par mois afin d’examiner les manuscrits sur les villes en cours d’étude ; durant ces séances, le texte est soumis à la critique collective, où le regard extérieur des collègues, moins influencés par les traditions historiographiques locales, peut se révéler particulièrement riche et instructif, quoique parfois, il faut bien l’avouer, un brin déconcertant. De façon unanime, cette façon de travailler, inspirée par les méthodes mises en place dans les années 1970 par Henri-Irénée Marrou à la Sorbonne pour des projets comme la Topographie chrétienne des cités de la Gaule ou le Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, est reconnue comme une excellente école de formation par laquelle est passée toute une génération de chercheurs travaillant sur les questions de l’urbanisme antique. Nos travaux ne servent évidemment pas uniquement à préparer les Atlas mais nourrissent également des articles de synthèse, comme en témoigne, par exemple, le colloque sur Fréjus et les agglomérations en Narbonnaise, où plusieurs contributions sont inspirées directement soit des Atlas en cours, soit déjà publiés7. Je rappelle d’autre part que notre collectif a été jadis à l’initiative de l’élaboration de l’Atlas des maisons de Gaule Narbonnaise, publié à l’occasion du colloque “La maison urbaine d’époque romaine”, organisé à Avignon en 19948.
Les objectifs
L’objectif de notre projet est de publier des atlas topographiques des chefs-lieux de cités de la province de Narbonnaise, à laquelle s’est jointe, pour le cas de Nice/Cimiez, la province des Alpes Maritimae. Notre champ géographique couvre donc trois régions (PACA, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes), auxquelles il faudrait théoriquement ajouter, si l’on intègre les civitates de l’Antiquité tardive, la Suisse, pour la ville de Genève. Le champ chronologique va des origines de la ville, souvent au début de l’époque romaine, mais quelques fois, comme pour Arles ou Marseille, dès le VIe siècle a.C., jusqu’à la fin de l’époque antique, en gros le milieu du VIe siècle p.C.
Les livres tels qu’on les conçoit comprennent quatre parties, dont la forme exacte et l’importance varient évidemment en fonction des particularités de chaque ville. La première partie donne une introduction copieuse, présentant, entre autres, le cadre naturel, l’histoire de la recherche archéologique, le fond cartographique, les sources antiques, les matériaux de construction, etc. Le corps de chaque ouvrage est formé par les feuilles d’atlas, dont l’objectif est de faire figurer sur des feuilles cadastrales au 1:1 000 tous les vestiges antiques cartographiables. Chaque ville est donc découpée en un certain nombre de feuilles, autant que nécessaires pour couvrir le centre urbanisé. Parfois, des chevauchements sont nécessaires pour garder des ensembles cohérents. On peut également prévoir des feuilles plus grandes, donc moins détaillées (1:2 000) pour couvrir des zones peu denses, comme, par exemple, pour l’enceinte de Nîmes (fig. 1).
Sur chaque feuille au 1:1 000 sont ensuite dessinés, autant que possible, les vestiges antiques, l’échelle permettant une assez grande précision dans leur présentation, avec des normes identiques pour chaque ouvrage (fig. 2). Des numéros renvoient aux notices qui commentent chaque point. Dans le cas de vestiges mal localisés, le numéro figure en italique pour indiquer l’emplacement présumé de la découverte. Les vestiges sont dessinés sur le plan cadastral actuel, sauf dans quelques rares cas, comme à Marseille, où les modifications récentes ont été tellement importantes qu’il a paru plus opportun de présenter le cadastre du XIXe siècle.
Ces feuilles ont une approche topographique, ce qui veut dire que les découvertes de mobilier ou des éléments hors contexte, comme des remplois, ne sont pas prises en compte, sauf si leur présence permet de restituer à proximité un édifice antique. Sur ce point, les atlas se distinguent donc fondamentalement de la plupart des inventaires archéologiques, dont les Cartes archéologiques de la Gaule (CAG). Contrairement à ce qui a été longtemps prétendu, les deux projets ne sont pas concurrents mais complémentaires et, le plus souvent, ils sont confiés aux mêmes équipes.
Une autre différence importante avec ces Cartes archéologiques traditionnelles est que les points qui figurent sur les feuilles ne désignent pas, comme c’est le cas généralement, un chantier archéologique ou un point de découverte, mais un élément de l’urbanisme antique, ce qui veut dire qu’un seul chantier de fouille, dans le sens administratif du terme, peut comporter plusieurs numéros (rue, monument public, maison, etc.), ce qui oblige à scruter un site pour distinguer les entités archéologiques qui forment la base du raisonnement (fig. 3). Les points sont numérotés de “1” à “x” dans un ordre uniforme (enceinte, voirie et urbanisme, monuments publics, habitations, artisanat, nécropole ; une inévitable rubrique “divers”, à laquelle on a recours le moins possible, regroupe des éléments non classables).
Chaque point fait, par la suite, l’objet d’une notice qui présente, par ordre chronologique, les interventions et les interprétations archéologiques dont cet élément a fait l’objet, avec, autant que possible, un retour aux sources primaires, ce qui permet de suivre l’évolution de la recherche à son propos et de corriger parfois des interprétations généralement acceptées mais, en fait, basées sur une mauvaise lecture des premières attestations.
Je prends un exemple, emprunté à l’Atlas d’Arles, dont j’ai la charge : en 1936, dans la Forma Orbi Romani, premier projet de carte archéologique sous les auspices de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Fernand Benoit signale par rapport à l’aqueduc antique et le château d’eau, d’un côté, sous le point 85 (fig. 4a) : “Castellum divisorium, sous l’anc. Maison Boqui ; salle de 5,50 larg., couv. de dalles soutenues par des piliers ; auj. cave fermée”, et de l’autre côté, sous le point 86 : “Dérivation : radier à 4 m. sous la rue, en dir. du 85, dans le puits de la maison Mestre, impasse Faure, à gauche”9. Pour le premier point, il reprend une observation de Léopold-Albert Constans, qui semble avoir été le premier à noter que ces vestiges se trouvaient dans une cave ; il observe en effet : “Ce canal aboutissait, à l’ouest de l’amphithéâtre, à un castellum divisorium, bassin de distribution dont il existe des vestiges dans les caves de la maison qui porte les nos 12 et 14 du rond-point des Arènes. Il est très difficile de les étudier aujourd’hui”10. Tout le monde semble donc avoir été convaincu que ces vestiges n’étaient plus accessibles et ainsi, en 1954, Jean-Maurice Rouquette, futur conservateur des Musées d’Arles, notait simplement dans son étude sur l’aqueduc d’Arles : “L’existence d’un château d’eau à cet endroit-là est indiquée par P. Véran qui a pu en déceler les vestiges dans la cave de “l’ancienne maison Boqui”, à la cote de 15 m d’altitude environ”11.
Or, en réalité, si la visite des caves de la maison, 12 et 14, rond-point des Arènes, n’a rien donné, j’ai pu accéder, il y a quelques années, à ce puits de l’impasse Faure et descendre avec une corde à nœuds pour atteindre des vestiges qui manifestement correspondent à ceux que Fernand Benoit a signalés sous le point 85, mais qui se trouvent à l’emplacement du point 86. La reprise de la documentation, dont la première source remonte au XVIIe siècle12, montre clairement que le nom de la famille Boqui, qui était propriétaire de la maison au moment de la découverte au XVIIe siècle, est resté attaché à la partie principale de la maison, alors que les vestiges se trouvaient dans la partie arrière, devenue une autre propriété, d’où la confusion. Pourtant, un texte de 1822, qui semble avoir échappé aux chercheurs, donne une description précise de la maison à ce moment-là : “Cette maison, reconnaissable à son long corridor à ciel ouvert, possède, sur le derrière, près de l’impasse des Ursulines, une citerne fort curieuse. On voit, du haut du puits, deux colonnes de pierre qui soutiennent une maçonnerie antique à trois cannes de profondeur”13. Il est donc évident que les deux points 85 et 86 de Fernand Benoit, l’un connu par une tradition littéraire, l’autre par une observation directe, concernent en fait les mêmes vestiges. D’autre part, il ne s’agit manifestement pas d’un château d’eau, mais au mieux d’une citerne, dont l’architecture reste cependant assez énigmatique (fig. 4b).
Cet exemple, volontairement assez simple, montre deux aspects significatifs de notre projet, qui expliquent en partie la lenteur qu’on nous a souvent reprochée : l’exploitation exhaustive de la documentation ancienne, qu’elle soit textuelle ou iconographique, et, autant que possible, la vérification sur place car l’expérience montre, et cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres, que des vestiges réputés inaccessibles ou détruits ne le sont pas toujours du moment qu’on se donne la peine d’aller voir sur place. En plus, dans les centres urbains où les possibilités de fouiller sont réduites, la prospection des caves, comme à Arles ou à Orange, a considérablement enrichi la connaissance de la topographique antique14.
Enfin, dernière particularité de ces feuilles : à priori, tous les éléments dessinés sont, à peu de choses près, contemporains et illustrent ce qui peut être considéré comme l’apogée de l’urbanisme, souvent, mais pas toujours, le courant du IIe siècle. Des vignettes détaillées permettent dans le cas de l’évolution d’une domus par exemple, d’en présenter les différents états. En cas d’évolutions importantes de l’urbanisme, il est possible d’éditer autant de feuilles que nécessaire : Protohistoire, Haut-Empire mais surtout Antiquité tardive. On est donc, de ce côté-là, plus proche des DEPAU, mais avec une cartographie et une présentation bien plus détaillées. Évidemment, il y a un côté aléatoire car la datation, surtout pour les découvertes anciennes, n’est pas toujours assurée.
Après les notices des points, suit pour chaque feuille une interprétation synthétique des éléments qu’elle comporte, selon le même ordre uniforme : enceinte, voirie et urbanisme, monuments publics, etc. ; il s’agit donc de proposer une interprétation à l’échelle de la feuille. Cette interprétation permet aussi d’expliquer pourquoi, le cas échéant, on n’a pas retenu un point de découverte pourtant connu et accepté. Je prends encore un exemple arlésien : on connaît, depuis le XVIIe siècle sur la rive gauche du Rhône, les restes d’une construction en grand appareil, réputée être la culée d’une arcade du pont antique, franchissant le fleuve. Or, j’avais déjà rédigé toute la notice quand des travaux récents dans le cadre de la réfection des quais du Rhône ont clairement montré que cette construction est médiévale ; on ne peut donc pas le faire figurer sur la feuille et il faut supprimer la notice, mais on ne peut pas non plus passer entièrement sous silence cet élément bien mis en valeur lors de la réfection des quais au risque d’être accusé d’un oubli. L’interprétation, soit ici au niveau de la feuille, soit dans la 3e partie de l’ouvrage, permet donc d’éclairer ce point et d’expliquer pourquoi on ne l’a pas retenu. En effet, ces mêmes rubriques se retrouvent à la fin du volume dans une synthèse générale à l’échelle, cette fois-ci de la ville (fig. 5). C’est donc l’occasion de reprendre l’ensemble des données de sa topographie, de mettre en avant leurs spécificités et de les comparer à celles d’autres villes. Il est évident, et c’est aussi l’une des difficultés de l’exercice, qu’il faut établir un équilibre entre les différentes parties de l’ouvrage, qui doivent chacune pouvoir se lire indépendamment.
Enfin, est proposée en guise de conclusion une évolution de la ville par grande période, plus ou moins riche et détaillée en fonction des informations. Puisqu’il s’agit avant tout d’un atlas, avec une attention particulière à l’iconographie (plans et dessins anciens ; feuilles cadastrales au 1:1 000), nous avons fait le choix d’adopter pour la collection un grand format (A3), qui présente le double avantage de réduire le nombre de feuilles nécessaires pour couvrir une ville, avec des ensembles cohérents, et de permettre d’illustrer les notices par des plans de fouille à échelles “rondes”, 1:100 ou 1:200.
Les résultats
Trois volumes ont déjà été publiés comme supplément de la Revue archéologique de Narbonnaise, concernant les villes d’Aix-en-Provence15, de Fréjus16 et de Saint-Paul-Trois-Châteaux17. L’Atlas d’Alba/Viviers, dirigé par Joëlle Dupraz, est en voie d’achèvement. D’autres volumes sont en préparation, dont ceux concernant Nîmes, Orange, Arles ou Valence sont les plus avancés (fig. 6). Afin de ne pas retarder la parution des feuilles déjà rédigées, il a été décidé dans quelques cas de scinder la publication en plusieurs volumes, échelonnés dans le temps. Ainsi, pour Nîmes, un premier volume devrait concerner les feuilles, alors que les synthèses suivront dans un deuxième temps. L’équipe arlésienne en revanche se concentre d’abord sur les feuilles de la rive gauche du Rhône, alors qu’on peut imaginer que pour l’Atlas de Vienne, on privilégie d’abord la rive droite (Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe).
Ce projet a manifestement suscité des intérêts en dehors de la Narbonnaise ; c’est ainsi qu’un projet comparable est né à Lyon, dont le premier volume, concernant la colline de Fourvière, est paru en 2018, en suivant de près les normes telles qu’on les avait définies18. Pour Clermont, Hélène Dartevelle (SRA Auvergne) a conçu un concept à l’origine proche du nôtre mais qui a pris une évolution un peu différente, encore plus ambitieuse. Ce projet est encore en cours. Mais on voit également apparaître des projets qui portent certes le titre de “Atlas topographique”, mais qui en fait en sont très éloignés ; je prends comme exemple, l’Atlas topographique de la ville de Boulogne-sur-Mer, que j’ai eu à traiter en tant que membre de la CIRA Centre-Nord, et dont le concept et la philosophie étaient très différents de notre projet, malgré l’apparence19 ; car il s’agit dans ce cas, et dans la majorité d’autres cas comparables, d’abord d’une base de données, gérée par un SIG et destinée en grande partie à la gestion du sous-sol. C’est aussi le cas d’un autre projet, très riche par ailleurs, que j’ai suivi pendant 10 ans au sein de la CIRA/CTRA Centre-Nord, le PCR “Meaux, archéologies d’un patrimoine”, porté par le SRA Île-de-France et qui, après avoir envisagé une publication selon les normes de l’Atlas, semble s’orienter vers un ouvrage plus classique. Ce n’est peut-être pas un hasard d’ailleurs que beaucoup de ces projets aient été lancés et pilotés par des agents des SRA ou des collectivités territoriales.
C’est pour éviter qu’émergent des projets qui se revendiquent comme étant des “Atlas topographiques”, mais qui ne répondent pas au niveau d’exigence et aux normes éditoriales telles que notre équipe les a formulées et qui en ont fait la réputation, que j’avais plaidé, lors d’une réunion au CNRA, pour une coordination au niveau national des atlas topographiques, peut-être sous l’égide du CNRA, avec l’idée d’une collection nationale. Malheureusement, cette idée n’a pas été retenue et le volume de Lyon a été publié comme supplément à la Revue archéologique de l’Est, Lyon n’étant pas en Narbonnaise.
Au bout de ces 30 ans de travaux, se pose évidemment la question de la suite. À l’ère du numérique, doit-on encore publier de grands volumes en papier, qui, de par leur format et leur iconographie, coûtent évidemment assez cher à la fabrication ? D’autre part, l’archéologie urbaine est en perpétuel mouvement et les feuilles rédigées sont souvent déjà dépassées au moment de la publication de l’ensemble. À la fin de son introduction à l’Histoire de la France urbaine, Christian Goudineau s’excusait de ne pas avoir pu tenir compte des découvertes récentes, intervenues entre l’achèvement du manuscrit en 1978 et sa publication en 1980, car, “tel est le risque que court tout essai de synthèse devant l’accélération des découvertes”20. C’est là que se trouve la spécificité de nos Atlas. Un atlas n’est pas une base de données, un atlas n’est pas un SIG ou un simple document de gestion du sous-sol, mais il est avant tout un document de recherche et d’analyse de la morphologie urbaine, qui donne, comme chaque ouvrage de synthèse, l’état de la question à un moment donné. À notre avis, et c’était aussi celui de l’Inspection à propos de notre PCR il y a quelques années, une édition “papier” pour l’ensemble (introductions, notices et synthèses) est indispensable. À nous de relever ce défi pour que le projet Atlas topographique des Villes de Gaule méridionale reste incontournable pour toute étude sur l’urbanisme antique.
Bibliographie
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Fixot, dir. 2004, 125-136. - Rivet, L., Brentchaloff, D., Roucoule, S. et Saulnier, S. (2001) : Atlas topographique des villes de Gaule Méridionale. 2. Fréjus, Revue archéologique de Narbonnaise Suppl. 32, Montpellier.
- Rouquette, J.-M. (1954) : L’adduction en eau des colonies d’Arles et d’Aix, DES, Université d’Aix-en-Provence.
Notes
- Je voudrais remercier mon collègue Xavier Lafon, membre de notre collectif de recherche, de m’avoir signalé ce congrès de la Société Française d’Histoire urbaine, ainsi que ses organisateurs d’avoir accepté ma proposition de présenter dans ce cadre notre projet.
- Cf. Rivet 2004 ; Guyon & Heijmans 2010 ; Blanc-Bijon 2013.
- Voir par exemple les images dans Février et al. 1980, 60-61, fig. 20-21.
- Archéologie urbaine 1982.
- Février et al. 1980.
- Cf. sur le rôle de P.-A. Février, voir Rivet 2004, 125-136.
- Pasqualini, éd. 2011.
- Borgard, dir. 1996, 2 vol.
- Benoit 1936, 85 et 86, 145.
- Constans 1921, 394-395.
- Rouquette 1954, 108.
- Guis 1665, 25-26 : “Ce Réservoir fut trouvé environ au commencement de ce siècle, en faisant une citerne, dans la maison de Mr Boquy, qui est située entre les R.P. Cordeliers, & l’entrée des Arenes qui regarde le Septentrion”.
- Jacques-Didier Véran, cité par Fassin 1916.
- Voir pour Orange par exemple une enquête comparable sur des thermes signalés anciennement et retrouvés dans des caves : Doray & Mignon 2011 ; pour Arles : Heijmans & Brémond 1994.
- Guyon et al. 1998 (313 p., 546 ill., 14 feuilles, dont deux dédoublées).
- Rivet et al. 2001 (512 p., 866 fig., 16 feuilles).
- Lert et al. 2009 (212 p. ; 292 ill., 7 feuilles).
- Lenoble, dir. 2018.
- Cf. Blamangin et al. 2014.
- Christian Goudineau, in : Février et al. 1980, 69.