Dans un bilan sur les opérations archéologiques opérées dans le cadre de travaux sur des Monuments classés, réalisées de février 1996 à mars 1997, M.-N. Nacfer fait état du transfert de sépultures de périnatals trouvées sur le site de Montcaret par P.-M. Tauziac vers le laboratoire d’anthropologie de Bordeaux 1 pour étude1.
Elle joint à cette occasion la reproduction d’un croquis in situ, effectué le 24 septembre 1936, à l’issue de la mise au jour (Fig. 1), par Pierre Auguste Conil2
Dans les commentaires qui accompagnent son croquis, P.-A. Conil situe la découverte au pied du contrefort ouest de la tour de l’église qui date du XIIe siècle. Il dénombre 7 tombes et en reproduit 4 par le dessin en deux niveaux de tuiles canal couvertes et superposées. Le rang inférieur est constitué de trois réceptacles sépulcraux parallèles et disposés dans le prolongement du contrefort. Le rang supérieur constitué d’un seul réceptacle est disposé perpendiculairement aux précédents. P.-A. Conil indique une profondeur de gisement à 0,60 m. Il avance une datation relative postérieure à l’édification du contrefort (XIIe siècle) sans plus d’arguments. Il donne des mensurations : longueur 0,44 m, concavité : 0,17 m. Il évoque la tombe n°1 “décortiquée” sur place.
Les sépultures sont constituées par des tuiles canal qui ont servi de “berceau” pour des inhumations de périnatals ; une tuile de couvert faisant office de couvercle. Les deux extrémités des tuiles ne sont pas obturées ; le volume ainsi délimité est entièrement obstrué par des sédiments.
Dimensions des tuiles de deux sépultures
Le couvert n°1 brisé et incomplet est percé d’un trou à son extrémité la plus large. L’horizon des tuiles de courant comme celui de couvert accuse un dénivelé de 25 à 35 mm La stabilité de leurs dimensions relève d’une production normalisée.
Étude anthropologique
L’analyse du dépôt funéraire permet de reconstituer les derniers gestes d’accompagnement. On constate que le pariétal droit se présente par sa face endo-crânienne et repose en fond de tuile. La tête était orientée du côté droit. La cage thoracique présente une asymétrie, le corps n’était pas dans l’axe médian de la tuile mais déporté sur sa gauche. Les membres supérieurs furent alignés le long du corps, les membres inférieurs positionnés en flexion pour les conformer à la longueur de la tuile plus petite que celle du corps. Des éléments osseux (pariétal gauche, os de la base du crâne, humérus gauche, carpes et métacarpes) ont opéré une translation vers l’extrémité la plus étroite de la tuile sans doute sous l’effet du pendage et d’une plausible infiltration d’eau de pluie le long du contrefort ouest. La migration des pièces osseuses dans le volume initial du corps sous l’effet d’un cercueil en berceau nous incite à penser que le contenant sépulcral fut simplement recouvert de son pendant de tuile canal. Le maintien en abduction des fémurs est en faveur d’une séquence de remplissage postérieure à la décomposition. Les tibias et fibulas ayant été sectionnés au tiers distal pour le droit, à la moitié pour le gauche, les os des pieds sont absents, dommages à mettre sans doute au compte des conditions de prélèvements.
C’est à partir d’une population de référence de 138 individus âgés de 3 à 10 mois lunaires et de sexes connus qu’il a été possible de définir un âge statural pour les périnatals ; c’est à dire entre 4 mois lunaires et 1 mois calendaire3.
Pour le sujet qui nous intéresse nous sommes entre 9 mois et demi et 10 mois lunaires c’est-à-dire à terme avec une taille qui se situe entre 48 et 51,5 cm. En ce qui concerne le sexe, la détermination est difficile voire impossible sur des sujets immatures à partir des méthodes morpho-métriques usuelles.
Datation
P. Massan a mis au jour le long du mur nord de la nef de l’église de Sadillac (Dordogne), datée du Moyen Âge classique (XI-XIIe s), un niveau d’inhumations en pleine terre qui succédaient vers le milieu du XIIIe siècle à des structures rupestres4. Ce sont des inhumations d’enfants en bas âge (27 sépultures) dont 5 tombes d’immatures en fosse recouvertes d’une unique tuile canal. La datation relative proposée à partir d’éléments de terre cuite ne dépasse pas le début du XVe siècle.
Faute d’éléments datants pour les sépultures de Montcaret, nous proposons par comparaison avec Sadillac une datation comprise entre le XIIe et le XVe siècle.
Bibliographie
- Bello, S., A. Thomann, Rabino Massa, E. et Dutour, O. (2003) : “Quantification de l’état de conservation des collections ostéoarchéologiques et ses champs d’application en anthropologie”, Anthropo, 5, 21-37.
- Duday, H., Courtaud, P., Crubézy, E. et Tillier, A.-M. (1990) : “L’anthropologie de terrain : reconnaissance et interprétation des gestes funéraires”, Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 2, n° 3-4, 29-50.
- Duday, H, F. Laubenheimer et A.-M. Tillier (1995) : Nouveau-nés et nourrissons : sépultures gallo-romaines chez les potiers de Sallèles-d’Aude, Centre de Recherche d’Histoire Ancienne, Université de Besançon.
- Fazekas, I. G. et Kosa, F. (1978) : Forensic Fetal Osteology, Budapest Akadémiai Kiadó.
- Massan, P., Scuiller, C. et Fondeville, C. (1996/1997) : L’église de Sadillac, Dordogne, Document Final de Synthèse, SRA Aquitaine, Bordeaux.
- Nacfer, M.-N. (1997) : Bilan des opérations archéologiques liées aux travaux de la Conservation régionale des Monuments historiques (Février 1996-Mars 1997), AFAN, SRA Aquitaine, Bordeaux.
- Sachau, G., (s.d.) : La place des immatures au sein des nécropoles de l’époque romaine : étude de la série ostéologique de la nécropole de Montlouis, Saintes, Charente maritime (Ier-IIIe siècle ap. J.-C.), Master 2, UFR 03, Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne.
- Tiller, A.-M. et Duday, H. (1990) : “Les enfants morts en période périnatale”, Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 2, n° 3-4, 89-98.
Notes