“Le rôle militaire des ports de l’Adriatique sous le Haut-Empire”, in :
C. Zaccharia (éd.), Strutture portuali e rotte marittime nell’Adriatico
di età romana, Antichità Altoadriatiche XLVI, 2001, p. 43-54.
Bien que la date de fondation du port de Ravenne ne soit indiquée avec précision par aucune de nos sources, il est vraisemblable que l’installation de la base navale remonte aux guerres illyriennes d’Octavien, qui disposait déjà, à cette époque, des escadres récemment constituées avec lesquelles il était venu à bout de Sextus Pompée. Il est même possible que la lagune ravennate ait servi de chantier pour la construction de ces navires, dès 39-38 (Appien, BC, 5.78).
Quoi qu’il en soit, la création d’un port militaire, au fond de l’Adriatique, ne se comprend que dans la perspective des ambitions augustéennes en direction de l’arc alpin et des régions danubiennes. Une fois les derniers restes de la piraterie illyrienne supprimés, Rome n’avait plus sur mer d’adversaire dans cette région1. Les modernes n’ont donc pas toujours bien compris la phrase dans laquelle Suétone indique qu’Auguste installa deux flottes pour protéger l’Italie, l’une dans la mer Tyrrhénienne, l’autre dans l’Adriatique2. Cette fonction de protection des eaux territoriales, propre à toute marine militaire, n’est évidente que pour l’époque des guerres civiles ou la période augustéenne précoce. Une fois cette étape franchie, la marine militaire devait avoir d’autres tâches, moins “combattantes”, mais tout aussi nécessaires et tout aussi fondamentales pour une armée de mer. Faute de l’avoir compris, des auteurs aussi sérieux que C. Courtois ou C. G. Starr ont voulu cantonner la marine romaine du Haut-Empire à un simple rôle de police3 : ne voyant pas d’adversaires sur mer, ils ne voyaient guère la nécessité de maintenir une importante force navale sur le pied de guerre.
Non pas que ces tâches de police maritime soient devenues parfaitement inutiles ou obsolètes pendant ce que nous appelons les siècles de la paix romaine : malgré son éradication par Pompée, la piraterie n’a en effet jamais complétement disparu4, notamment dans des eaux comme celles de l’Adriatique où la géographie tourmentée du littoral dalmate, avec un arrière- pays montagneux, difficile d’accès, et des populations qu’aucun pouvoir central n’a jamais pu totalement contrôler, a de tout temps favorisé ce phénomène5. Il fallait donc assurer la sécurité des mers par une présence armée, et c’est peut-être à cette politique du pavillon que fait allusion un passage de Tacite (Ann., 4.27), relatif à des troubles survenus à Brindes sous Tibère, à la suite d’une révolte servile, réprimée un peu par hasard grâce à la présence fortuite de navires de guerre dans ces eaux : “cum uelut munere deum tres biremes adpulere ad usus commeantium illo mari”. L’expression ne signifie nullement que les bâtiments dont il est question convoyaient le trafic dans le canal d’Otrante, comme le démontre S. Crogiez6, mais que des patrouilles régulières circulaient dans ces parages. On n’a d’ailleurs aucune trace d’une base navale permanente à Brindes, malgré l’importance de ce port pour les liaisons avec l’Épire et la Grèce7 ; les quelques inscriptions militaires qu’on y trouve sont datables du tout début de l’Empire8, c’est-à-dire d’un moment où la politique navale n’était pas encore définitivement fixée. Elles témoignent assurément d’escales fréquentes à Brindes, mais pas nécessairement d’une base permanente. De l’autre côté du canal d’Otrante, Dyrrachium, Apollonia, Buthrote ou Corcyre n’ont pas non plus révélé de présence militaire9.
C’est donc dans le fond de l’Adriatique qu’était concentrée la présence navale romaine sous le Haut-Empire, position qui ne s’explique à l’origine que par les nécessités de la conquête de l’Europe du nord (fig. 1). De ce point de vue, Ravenne était idéalement placé, non loin de l’embouchure du Po qui, par son réseau d’affluents, permet d’acheminer hommes et matériel jusqu’au pied des Alpes, encore insoumises au débit du règne d’Auguste. Mais le port est aussi situé à l’extrémité de la route maritime qui, par la voie endolagunaire10, conduit jusqu’à Aquilée, point de départ obligé, à cette époque, de toutes les expéditions, puis de tous les trafics, vers le Norique ou la Pannonie11. Ce n’est donc pas un hasard si Aquilée, en même temps qu’un port militaire, constitue une importante base arrière du limes où l’on rencontre de très nombreux soldats et vétérans12. Et ceci explique que, tout le long de cet axe maritime entre Ravenne et Aquilée, diverses inscriptions de matelots viennent jalonner les ports d’escales où s’arrêtent les bâtiments militaires13. Cette voie se poursuit d’ailleurs au-delà d’Aquilée, le long de la côte d’Istrie, puis jusqu’à Salone14.
Le rôle d’Aquilée comme base navale pour l’appui logistique de la conquête dans les pays du moyen Danube s’arrête toutefois vers la fin de l’époque julio-claudienne, comme l’a bien compris S. Panciera, qui a étudié les inscriptions des matelots morts sur place15. Une fois passée la moitié du Ier siècle de notre ère, il semble bien que ce soit Salone qui ait pris la place d’Aquilée : les inscriptions de ce port, qui mentionnent toutes, en effet, le titre “praetoria” des flottes italiennes, ne sont pas antérieures à l’époque flavienne16. Il convient en outre de s’interroger sur la présence à Salone de l’escadre misénate, apparemment hors de sa zone habituelle de patrouille.
Plusieurs études bien documentées ont fait observer, ces dernières années, l’importance de la présence d’Africains dans les corps du limes danubien, phénomène que l’on explique assez souvent par l’envoi, en Maurétanie, sous Antonin, d’unités pannoniennes dont on aurait comblé localement les pertes avant de réexpédier les troupes dans leur région d’origine. Dans le sens inverse, on explique volontiers cette présence d’Africains en Europe centrale par les renforts expédiés sur le Danube lors des guerres marcomaniques de Marc-Aurèle17. De fait, M. P. Speidel puis M. Christol ont montré que la plupart des ailes des deux Pannonies ont participé à la répression des révoltes Maures sous Antonin le Pieux18. Des vexillations de la II Adiutrix et d’autres corps de troupes du Rhin et du Danube ont aussi été envoyées en Afrique vers cette époque19.
Au sujet des renforts militaires envoyés depuis l’Afrique vers le front danubien, G. Di Vita-Evrard a fort justement souligné que l’on a probablement eu tort d’attribuer tous les mouvements de troupes à l’époque de MarcAurèle, car ceux-ci sont évidents dès le règne de Trajan20. On voit en effet des Africains enrôlés alors dans la II Adiutrix21, mais on sait surtout que des cavaliers Maures ont participéaux combats pendant les guerres daciques, d’après la scène LXIV de la colonne trajane22. Deux diplômes, daté l’un de 158, l’autre entre 138 et 161, attestent la présence en Pannonie de Mauri Gentiles et de Mauri equites et pedites23. Évidemment, les guerres marcomaniques constituent un épisode majeur de ces transferts de front à front à travers la Méditerranée. On en a un bon témoignage avec le célèbre cursus de M. Valerius Maximianus qui, après ses milices équestres, fut chargé d’une mission exceptionnelle de ravitaillement des armées de Pannonie le long du Danube, à la tête de vexillations des deux flottes prétoriennes, de la classis Britannica et de cavaliers Maures et Africains24, selon une formule militaire qui apparaît déjà dans le pseudo-Hygin25. On est un peu surpris, à cette occasion, de voir H.-G. Pflaum parler de l’”inutilité” des escadres méditerranéennes, dont on perçoit bien là, au contraire, tout l’intérêt stratégique ! Quoi qu’il en soit, la présence de troupes africaines ne se limite pas à cette expédition : ainsi un praepositus de la III Augusta (CIL VIII, 619) gagne les dona militaria aput Marcommanos (sic) en 18026 ; vers la fin du IIe siècle, deux cohortes de Maures sont présentes en Pannonie et l’une d’elles marque des tuiles au sud d’Aquincum (CIL III, 10673) ; dans deux inscriptions de cette même région, on voit en outre un soldat de la III Augusta transféré dans la II Adiutrix27.
Ces déplacements de troupes à longue distance entre la frontière méridionale de l’Empire et le bassin danubien se sont faits nécessairement par voie maritime et très vraisemblablement par les ports de l’Adriatique. Le même phénomène se reproduit, à mon sens, entre l’Europe centrale et le front parthique et j’ai tenté de démontrer ailleurs l’existence d’une route maritime militaire dont le point d’arrivée est le port de Séleucie de Piérie, à l’embouchure de l’Oronte28. On connaît l’existence à cet endroit de nombreuses inscriptions de matelots des deux flottes prétoriennes à partir du règne de Vespasien et D. van Berchem a bien montré la relation entre leur présence et les nécessités logistiques des guerres parthiques29. À l’autre extrémité de l’Asie Mineure, c’est le port d’Éphèse qui accueille les vexillations des flottes prétoriennes30 et la découverte récente de l’inscription d’un marin Ravennate sur les côtes de Cilicie est venue confirmer l’existence de cette route maritime31. Plus vers l’ouest, on connaît l’importance d’Athènes comme escale des deux flottes prétoriennes32. Reste à savoir, naturellement, si cette route rejoignait le fond de l’Adriatique, ou si, comme on l’affirme d’ordinaire, les soldats qui gagnaient le front parthique suivaient vers l’est la grande voie du Danube, avant de traverser la Mésie en direction des détroits.
Cette question mériterait assurément une longue étude et l’examen minutieux de toutes les inscriptions militaires entre le Rhin supérieur et l’Euphrate, tâche qui dépasse notre propos. Nous nous limiterons ici à un seul exemple, celui de la VIII Augusta, sans nous dissimuler pourtant la fragilité des conclusions qu’on en peut tirer.
La VIIIe légion, qui tint normalement garnison en Germanie supérieure à partir des Flaviens33, a laissé plusieurs traces de sa présence en Orient, sans doute à l’occasion des guerres parthiques: en témoigne une inscription de Lambèse qui évoque la participation des quatre légions de Germanie à la seconde expédition de Septime Sévère, en 197-19934 ; mais on connaît aussi à Séleucie de Piérie, dont on a dit le rôle dans la logistique des guerres parthiques, un certain Ulpius Verecundus (AE 1939, 218), tandis qu’à Cyrrhus apparaît un autre soldat, sans doute dans la première moitié du IIIe siècle35. Enfin le musée d’Istanbul possède une pierre funéraire, d’origine malheureusement indéterminée, mais nécessairement micrasiatique, qui mentionne un certain Severius Acceptus (AE 1935, 125).
La route suivie par ces soldats venus de Germanie supérieure passe-t-elle par l’Adriatique ? On connaît certes au nord de Salone, dans les environs du camp légionnaire de Burnum, un certain nombre de traces du passage de la VIIIe légion, notamment des tuiles estampillées, mais celles-ci ont généralement été mises au compte du passage de la troupe dans cette région lors des événements de 70 : la légion, alors en garnison à Novae, est en effet remontée de Mésie en Italie du nord pour participer aux batailles victorieuses des Flaviens36. Cette datation est possible, mais tout-à-fait hypothétique, en l’absence de tout contexte archéologique. Toutefois, des traces postérieures de la présence de la VIIIe légion sont perceptibles: J.J. Wilkes37 a rappelé la présence à Burnum d’une épitaphe funéraire d’un militaire Viennois de la VIIIe légion38, dont E. Ritterling considérait qu’il ne pouvait être antérieur au séjour en Gaule de la troupe39. À Salone même on connaît un militaire du nom d’Aurelius, qui ne saurait être antérieur au milieu du IIe siècle, et qui pourrait même être attribué à l’époque sévérienne, car la légion porte le titre de Pia Fidelis qui n’apparaît pas, semble-t-il, avant 18540. Enfin, une inscription récemment publiée par I. Bojanowski et attribuée par lui au Ier siècle41, a été en revanche relue par G. Alföldy qui suggère pour sa part une datation au troisième, hypothèse qui nous paraît plus vraisemblable42. Nous souhaiterions relier cetteprésence sporadique de la VIIIe légion à Salone, où elle n’avait normalement que faire, à celle des flottes prétoriennes dans ce mêmeport, et à sa participation, que nous avons rappelée, aux diverses expéditions parthiques. Bien que l’hypothèse repose sur peu d’éléments, elle pourrait être confortée par la découverte, à Corinthe, c’est-à-dire sur le trajet maritime normal entre Salone et Séleucie de Piérie, d’une inscription d’un même soldat de cette VIIIe légion, dont l’éditeur ne savait pas expliquer la présence dans ces parages43.
On retiendra, en tout état de cause, que les nombreux déplacements de troupes depuis le Danube moyen ou en direction de celui-ci passaient au moins en partie par Salone, dès lors qu’ils nécessitaient un trajet maritime, notamment pour relier non seulement l’Europe centrale et l’Afrique, mais peut-être aussi les côtes micrasiatique et syrienne. De ce point de vue, Salone semble avoir remplacé Aquilée dans son rôle de port militaire dès la seconde moitié du Ier siècle et ce n’est qu’au moment des invasions que la grande colonie du fond de l’Adriatique retrouvera son rôle initial.
On pense trop souvent que ces transports de troupes s’effectuaient normalement à bord des navires de commerce et non des vaisseaux longs des escadres militaires. On sait naturellement par différents textes que les bâtiments de commerce pouvaient embarquer de nombreux passagers44. En cas de nécessité, des réquisitions pouvaient avoir lieu, comme celle que fit César à Brindes au début de la campagne de Pharsale45. Mais ce n’était sans doute qu’un expédient, dû aux circonstances et au fait que César n’avait pas alors de véritable flotte de guerre à sa disposition. Plus tard, pour la campagne d’Alexandrie, il embarqua en revanche ses légions sur des bâtiments de guerre legionibus collectis sex et equitibus duobus millibus, ut quaeque prima legio uenerat, in naues longas imponebatur, equites autem in onerarias (B.Af II, l). Les marines grecques classiques connaissaient d’ailleurs l’existence de transports spécialisés, vaisseaux longs à équipage réduit qui pouvaient emporter chacun environ 85 hommes46. Les scènes XXXIII et XXIV de la colonne Trajane montrent que les troupes de l’expédition dacique furent, au moins en partie, convoyées sur des vaisseaux de guerre47. C’est probablement aussi un tel rôle logistique qui fut confié à la flotte de Ravenne lors des expéditions à long rayon d’action sur les côtes de Crimée, sous Néron ou Vespasien : l’escadre adriatique est en effet présente à Charax où elle a estampillé des tuiles48, à un moment où les flottes provinciales n’étaient pas suffisamment puissantes pour mener à bien ce genre d’entreprise49.
Le rôle militaire des ports de l’Adriatique a donc varié avec le temps, même si on se contente de considérer la période qui va des guerres civiles au milieu du IIIe siècle. À une phase “offensive”, qui est celle de la conquête de l’Arc Alpin et des pays du Danube Moyen et qui explique que les deux grands ports du fond de l’Adriatique, Ravenne et Aquilée, aient joué alors un rôle militaire clef, succède une longue période où l’escadre de l’Adriatique fut cantonnée dans un rôle obscur, mais capital, d’appui et de transport des troupes terrestres, notamment entre le limes danubien et le limes africain, mais peut-être aussi vers le front parthique. Dans tous les cas de figure, la marine assurait, par sa présence même, la sécurité de cette mer intérieure qu’était l’Adriatique, sans pourtant devoir escorter les convois commerciaux ou le trafic passager dans le canal d’Otrante, dont les ports n’avaient pas de rôle militaire important. On voit ainsi se dessiner une hiérarchie des ports de guerre, dont le plus important était assurément Ravenne, avec des bases secondaires qui furent d’abord Aquilée, puis Salone, et un réseau d’escales, notamment entre Ravenne et Salone. Malgré son apparence de cul de sac, l’Adriatique romaine a joué un rôle fondamental dans les relations intérieures de l’Empire, unissant les provinces, au lieu de les séparer, grâce à la présence de cette marine militaire, bien moins inutile que ne veulent généralement le dire les historiens.
Notes
- S. Tramonti, “La pirateria in età imperiale romana. Fenomenologia di una struttura”, Ravenna. Studi e ricerche, 1, 1994, p. 137-175.
- Suétone, Aug., 49.1 : Classem Miseni et alteram Rauennae ad tutelam superi et inferi maris conlocauit.
- C. Courtois, “Les politiques navales de l’Empire romain”, Revue Historique, 1939, p. 17-47 et 225-259 ; C. G. Starr, The Roman imperial Navy, 31 BC-AD 324, Cambridge, 1941.
- M. Reddé, “La piraterie sous l’Empire romain”, in : Histoire et criminalité de l’Antiquité au XXe siècle. Nouvelles approches, Actes du Colloque de Dijon Chenôves 1991, EUD, p. 333-336 (= n°3).
- De ce point de vue, la situation de la côte dalmate ressemble fortement à celle de la Cilicie, où les mêmes causes ont longtemps produit les mêmes effets.
- S. Crogiez, “Itinéraires en Adriatique : le cas du cursus publicus”, in : C. Zaccaria (éd.), Strutture portuali e rotte marittime nell’ Adriatico di età romana, Trieste-Roma, 2001, p. 101-106.
- Voir E. Deniaux, “La traversée de l’Adriatique à la fin de la République : dangers de la mer et affrontements politiques”, in : Zaccharia 2001 (note 6), p. 89-100
- CIL IX, 41: Iulia Cleo/patra, quae et / Lezbia C(aii) Iuli(i) Men/oetis f(ilia) Antiochensis / Syriae ad Daphnem, / uxor Malchionis / Caesaris trierarchi de / triere Triptolemo ; CIL IX, 42: Scaeva Licccai(us), / mil(es) de lib(urna) Triton(e), / (centuria) M(arci) Vetti uixit an(nis) / (triginta quinque), mil(itauit) an(nis) [—] / h(ic) s(itus) ; CIL IX, 43: [—] ilo Pinthsi / f(ilius), de triere / Quadrig(a), uixit / an(nis) (triginta quinque), h(ic) s(itus), / symphonia/cus ; AE 1966, 97: Marcinus, / centurio de/ Triptolemo. Sur ces inscriptions très précoces, voir le commentaire de S. Panciera, “Gli schiavi nelle flotte augustee”, in : Atti del Convegno internazionale di studi sulle antichità di Classe, Ravenne, 313-330 ; M. Reddé, Mare Nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’Empire romain, BEFAR 260, Rome, 1986, p. 474-486.
- La via Egnatia a naturellement joué un rôle militaire important lors des crises extérieures de l’Empire, notamment sous Marc-Aurèle, servant de rocade arrière du limes pour la protection de la Macédoine et de la Grèce. On verra à ce propos R. Sherk, “Roman Troops in Macedonia and Achaia”, AJPh, 78, 1957, p. 52-62, ainsi que la célèbre inscription de L. Iulius Vehilius Gratus, praepositus uexillationis per Achaiam et Macedoniam sous Marc-Aurèle (CIL VI, 31856). On peut supposer qu’à cette occasion les deux têtes de pont de la via Egnatia ont joué un rôle naval accru.
- Cf. G. Uggeri, “Vie di terra e vie d’acqua tra Aquileia e Ravenna in età romana”, AAAd, 13, 1978, p. 45-79 ; W. Dorigo, “In flumina et fossas. La navigazione endolitoranea fra Chioggia e Aquileia in età romana e medioevale”, AN, 65, 1994, p. 81-140.
- J. Šašel, “Aquileia, Ravenna e Poetovio: contatti e rapporti”, AAAd, 13, 1978, p. 135-145.
- Cf. M. Pavan, “Aquileia, Città di frontiera”, AAAd, 29, p. 17-55 ; M. Pavan, “Presenze di militari nel territorio di Aquileia”, AAAd, 15, 1987, p. 460-513 ; D.B. Saddington, “Two unpublished Inscriptions of auxiliaries in Aquileia and the Presence of the military there in Early Imperial Period”, AN, 59, 1988, p. 67-76.
- À Altinum : CIL V, 8819 ; à Caorle: CIL V, 1956. Il ne s’agit sans doute là que de simples escales et non de ports permanents ; selon Tacite (Hist., 3.6), Antonius Primus en 69 laisse une garnison à Altinum pour éviter un mouvement de la flotte de Ravenne sur ses arrières, ce qui suppose qu’il n’y a pas làde base navale permanente.
- On trouve des inscriptions à Trieste (CIL V, 54 1), à Parentium (CIL V, 328), dans l’île de Creš (AE 1980, 689). Les inscriptions de Salone sont plus nombreuses : CIL III, 2020 : D(is) M(anibus), / M(arcus) Diony/sius Firmu(s), / ueteranu(s) ex cl(asse) pr(aetoria) Ra/uenn(atium), M(arcus) Dionysius Firmus / fil(ius) patri piissimo. CIL III, 2034 : Idiopantus, A[l]elxandri f(ilius), / d(e) liburna Mur/ena, uixit anno/s (octo et triginta), militaui/t an(n)os (sedecim), / h(ic) s(it us). CIL III, 14691 : D(is) M(anibus ), / C(aio) Aelio Censorin(o), / optioni cl(assis) pr(aetoriae) Ra(uennatium), / natione Panno(nico), / uix(it) an(nis) (uno et quadraginta), / militau(it) an(nis) (uno et uiginti) I [—]. CIL III, 2036 : D(is) M(anibus) s(acrum), / Iul(iae) Crescentin(a)e / coniugi, ann(orum) / (triginta), et Iuliae Ma/rciae filiae / pientissimae ann(orum) / (octo) a Iulio Marciano / milite class(is) / praet(oriae) Misena/tium d(atum) ded(icatum). CIL III, 2051 : D(is) M(anibus), / L(ucio) Sextilio uet(erano) ex class(e) / praetoria Misenatium, et Pa/piriae Helpidi parentibus, et/ Sextiliae Valeriae filia / Rufina fecit. CIL III, 1469.
- S. Panciera, “Aquileia, Ravenna e la flotta militare”, AAAd, 13, 1978, p. 107-134. Cf. CIL V, 774 : Domnab(us) /sacrum/ Sextus Baebius / Bai(bi) f(ilius) uet(eranus) ex classe/ uestiarius / u(otum) s(oluens) l(aetus) m(erito) ; CIL V, 910 : L(ucio) Decimio / Scaeuae / Dercelonis / f(ilio) / missicius ex/ classe/ Monus (?) ; CIL V, 938 (1ère colonne) : L(ucius) Trebius T(iti) f(ilius) / pater. (2e colonne) : L(ucius) Trebius L(uci) f(ilius) Ruso / fieri iussit. / Natus sum summa in pauperie, merui post classicus miles/ ad latus Augusti annos septemque decemque / nullo odio sine offensa, missus quoq(ue) honeste. / L(ocus) p(edum) q(uadratorum) XVI ; CIL V, 8569 : Terentius / Duplarius / nauclerus ; AE 1972, 196 : Daza Pane/tis f(ilius) an(n)o(s) / uix(it) XXX, millit(auit) XVI, (trireme) / Corcodi/lo. F(ecit) Plusia / lib(erta) patro(no) / suo et sibi. / In fron(te) p(edes) IV ; AE 1972, 197 : Liccaeus / Verzonis f(ilius), (centurio), / testament(o) / fieri iussit ; AE 1972, 198 : Cleo Lucce[ius] / trierarchus / Didymo Lucc[eio] / fratri (centurioni) / sibi et suis. / L(ocus) m(onumenti) q(uo)q(uo)u(ersus) p(edes) X[Vl?] ; AE 1972, 199: M(arcus) Mevius / Praxiai filius) Telephus / (centurio) classicus. L(ocus) q(uadratorum) p(edum) XVI
- Voir Reddé 1986 (note 8), p. 515-520.
- Cf. M. Pavan, “Presenze africane fra Adriatico e Danubio”, in : L’Africa Romana, 6, Sassari, 1989, p. 719-733 (= Dall’Adriatico al Danubio, Padoue, 1991, p. 643-657).
- M. Speidel, “Pannonian Troops in the Moorish War of Antoninus Pius„, XI. Limeskongress, Szekesfehervar, 1976, p. 129-135 donne le tableau suivant :
Pannonie supérieure Pannonie inférieure CIL XVI, 96 (9/10/148) CIL XVI, 179 et 180 (9/10/148) I Ulpia contariorum milliaria* I Flauia Britannica milliaria* I Tracum Victrix I Thracum ueterana* I Hispanorum Aruacorum* I Brittonum c.R. I Cannanefatium c.R.* I Praetoria c.R. III Augusta Thracum* I Augusta Ituraeorum* * désigne les ailes envoyées en Afrique (CIL XVI, 99 et inscriptions de Tipasa L’étude s’appuie pour l’essentiel sur le diplôme 99 de Brigetio. Voir aussi M. Christol, “L’armée des provinces pannoniennes et la pacification des révoltes Maures sous Antonin le Pieux”, AntAfr, 17, 1981, p. 133-141, qui date l’envoi de ces renforts vers 149. On trouvera dans ces deux articles la bibliographie antérieure, trop abondante pour être citée ici, sur la question si débattue des révoltes Maures.
- CIL VIII, 9653 et 9660 à Cartenna et Tenes.
- G. Di Vita, “Légionnaires africains en Pannonie au IIe siècle après J.-C.”, in : La Pannonia e l’Impero Romano, Rome, 1994, p. 97-114.
- CIL III, 6706 = IGLS 148.
- Ps. Hygin 30 signale la présence de ces cavaliers. Bien que le texte soit attribué à l’époque de Trajan par M. Lenoir (Les Belles Lettres), nous conservons ici la datation traditionnelle, généralement admise par tous.
- CIL XVI, 106 et 114.
- Pflaum 1960 : M(arco) Valerio Maximiano M(arci) Valeri Maximiani quinq(uennalis) s[ac(erdotalis)] / f(ilio), pont(ifici) col(oniae) Poetouionens(ium), equo p(ublico), praef(ecto) coh(ortis) (primae) Thrac(um), trib(uno) coh(ortis) (primae) (H)am(iorum) I ciuium R(omanorum), praep(osito) orae gentium PontiPolemoniani, don(is) don(ato) bello Phart(ico), allecto ab Imp(eratore) M(arco) Antonino Aug(usto) et misso in procinctu / Germanic(ae) exped(itionis) addeducend(a) per Danuuium quae in annonam Panno(niae) / utriusq(ue) exercit(uum) denauigarent, praepos(ito) uexillation(um) clas(sium) praetor(iarum) /Misenatis item Rauennatis item clas(sis) Brittanic(ae) item equit(um) Afror(um) et Mauror(um) / elector(um) ad curam explorationis Pannoniae …
- Supra n. 22.
- H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain, Paris, 1960, p. 476-494 (= Libyca III, 1955, p. 135-154), n. 198 et supp. p. 53 = H. Devijver, Prosopographia militarum equestrium quae fuerunt ab Augusto ad Gallienum, 1-IV, Louvain 1976-87, p. 644-645 et supp. I, p. 1681. La date est celle que propose Di Vita 1994 (note 20), p. 102.
- CIL III, 10419 (année 211): I(oui) O(ptimo) M(aximo) C(aius) Iulius Rogatus m(iles) leg(ionis) III Aug(ustae), uet(eranus) leg(ionis) II Ad(iutricis) ex uoto aram posuit libens Gentiano et Bassa co(n)s(ulibus) ; voir aussi AE 1938, 44: D(is) M(anibus) S(acrum) / T(itus) Flauius Rog[atus], uet(eranus) probatus in [[leg(ione) / III Aug(usta)]], tralatus in/ II Ad(iutrice) pia fi(deli) / in Pannonia infe/riore uixit / annis LXXXVII / se uiuo fecit / ex (sestertium) mille/ nummis
- Reddé 1986 (note 8), p. 386 sqq.
- H. Seyrig, “Le cimetière des marins à Séleucie de Piérie”, in : Mélanges Dussaud, BAH 30, 1939, p. 451-459, n. 14-16. D. Van Berchem, “Le port de Séleucie de Piérie et l’infrastructure navale des guerres parthiques”, BJ, 1985, 185, p. 47-87.
- J. Keil, “Ephesos und der Etappendienst zwischen der Nord-und Ostfront des Imperium Romanum”, Anzeiger der österreichischen Akademie der Wissenschaften zu Wien, Phil. hist. Klasse, 1955, p. 159-170 ; H.-G. Pflaum, “Vibius Seneca, Dux vexillationum classis praetoriae Misenatium et Ravennatium”, Studi Romagnoli, 18, p. 255-257 ; Dessau 9221: C. Iulius Alexander est praepositus reliquationi classium praetoriarum Misenatium et Rauennatium piarum uindicum expeditioni orientali, sans doute sous Sévère Alexandre. Le sens du mot reliquatio a été bien expliqué à la suite de la découverte d’une inscription qui montre qu’il s’agit de la troupe qui reste au dépôt pendant une expédition (cf. Rivista di archeologia cristiana 1981, n°18 ; Reddé 1986 (note 8), p. 375-376).
- AE 1990, 992.
- Reddé 1986 (note 8), p. 228 (CIL III, 556a ; 558 (= 7291) ; 6109 ; 7289 ; 7290 ; 1420318 ; Hesperia 1941, p. 249 ; AE 1968, 471 ; 472.
- Sur ses déplacements à l’époque flavienne, R. Goguey, M. Reddé (dir.), Le camp légionnaire de Mirebeau, Mayence, 1995. Sur l’histoire de la légion en général, B. Pferdehirt, “Die Geschichte der Legio VIII Augusta”, Jahrb. RGZM, 31, p. 397-433 ; M. Reddé, Legio VIII Augusta, in : Y. Le Bohec, C. Wolff (éd.), Les légions de Rome sous le Haut-Empire, 119-126 (= n°24).
- AE 1957, 123.
- CIL III, 193 = IGLS 152 (Cyrrhus): M(arcus) [Aur(elius)] Marcellus [mil(es) leg(ionis)] / VIII Aug(ustae).
- Cf. G. Alföldy, “Die Auxiliartruppen der romischen Provinz Dalmatien”, AArch. Hung, 14, 1962, p. 259-296 (= MAVORS III, 1987, p. 239-297). Voir aussiG. Alföldy, “Die Verbreitung von Militärziegeln im römischen Dalmatien”, Epigraphische Studien, 4, 1967, p. 44-51, sc. 47 et S. Zabehlicky-Scheffenegger, M. Kandler, Burnum I. Erster Bericht über die Kleinfunde der Grabungen 1973 und 1974 auf dem Forum, Vienne, 1979.
- J.J. Wilkes, Dalmatia, Londres 1969, p. 91.
- Cf. A. Betz, Untersuchungen zur Militärgeschichte der römischen Provinz Dalmatien, Vienne, 1938, n. 228.
- Ritterling, RE, art. legio 1647.
- CIL III, 14692 ; Ritterling, RE, art. legio 1660-1663.
- I. Bojanowski, GZMBH Arheologia, 25, 16-18, 1970, p. 16, n. 4 (= A. Šašel, J. Šašel, lnscriptiones Latinae quae in Iugoslavia inter annos MCMLX et MCMLXX repertae et editae sunt, Situla, 19, 1978, n. 785). (Letka) : Marti [d]eo s(acrum) Sur[(?)]/ m(iles) leg(ionis) VIII A[ug( ustae) ] / u(otum) l(ibens) p(osuit). Repris dans I. Bojanowski, “Legio VIII Augusta u Dalmaciji”, Arh.Vestnik
- G. Alföldy, “Zu den Inschriften der legio VIII Augusta in Dalmatien”, VAHD, 82, 1989, p. 201-207.
- M. Šašel Kos, “A Latin Epigraph of a Roman Legionary from Corinth”, JRS, 68, 1978, p. 22-25 : C(aius) Valerius C(ai) filius) Qui(rina) Valens Cam(unnus), / mil(es) leg(ionis) VIII Aug(ustae), (centuriae) Seneci(onis), uix(it) a[n(nos)] / XXXV, mil(itauit) an(nos) X/III. H(eres) ex testamento.
- Actes des Apôtres, 27, 37 ; Josèphe, Vie, 3 ; cf. J. Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime en Méditerranée, Paris, 1966, p. 69, qui cite la Lex Rhodia (éd. Ashburner, Oxford, 1909, II, 9), selon laquelle la surface de pont affectée à chaque passager est de 3 coudées x 1.
- BC, 3.7.
- Ces vaisseaux portaient le nom de στρατιωτίδες et d’ὁπλιταγώγοι (cf. Thucydide 6.43 ; Diodore 20.47 ; J.S. Morrison, R.T. Williams, Greek Oared Ships, Cambridge, 1968, p. 247-248 ; Reddé 1986 (note 8), p. 394).
- Le point de départ de l’expédition reste controversé. Pour les uns il s’agit d’Ancone, pour les autres de Ravenne, et chacun y va de son interprétation des scènes de la colonne trajane (Cf. S. Mazzarino, Rheinisches Museum, 1979, p. 173-184 ; Reddé 1986 (note 8), p. 219-220 ; S. Tramonti, Traiano, Ravenna e le guerre daciche, Faenza, 1989).
- CIL III, 14215,5 (Charax) = E.I. Solomonik, VDI, 96, 1966, 165 : Vex(illatio) / c(lassis) Rau(ennatis) S(inopensis ?) P(ontica) ou S(ythica) P(ontica) (fin Néron/ début Flaviens ?) (lecture de M.P. Speidel). Voir T. Sarnowski, “Das römische Heer im Norden des schwarzen Meeres”, Archeologia, 38, 1989, p. 61-98 ; O. Bounegru, M. Zahariade, Les forces navales du Bas Danube et de la Mer Noire aux Ier-VIe siècles, Exeter, 1996. Reddé 1986 (note 8),p. 379. D’autres témoignages de la présence navale romaine sont attestés à Noviodunum, en Mésie (SM V, 285 : tuiles PCRΣ = P(edatura?) C(lassis) R(auennatis ?) Σ(cythica).
- Sur la constitution tardive des flottes de Mésie et du Pont, Reddé 1986 (note 8), p. 511-522.