Cadre géographique
Le cadre géographique retenu délimite un territoire à cheval sur la France et l’Espagne qui s’étend sur 195 599 km². En France, l’aire d’étude est circonscrite au nord par les départements de la Charente-Maritime, la Charente et la Haute-Vienne, à l’est par la Corrèze, le Lot, le Tarn-et-Garonne, le Tarn et l’Ariège et enfin au sud et à l’ouest par les Pyrénées et la façade atlantique. En Espagne, la zone d’étude intègre la totalité des régions d’Aragon, de Navarre, de La Rioja et du Pays Basque mais aussi l’est de la région de Castilla y León (province de Soria) et le nord de la région de Castilla – La Mancha (province de Guadalajara)1 (fig. 1). Ces limites ont été définies afin de circonscrire au mieux la vaste distribution de parures similaires qui avait déjà été observée dans des travaux antérieurs2. Par commodité, l’emprise géographique suit le découpage administratif actuel des départements et des provinces dans la mesure où les études de synthèse préexistantes et les inventaires tels que les CAG, les Bulletins Scientifiques Régionaux mais aussi les publications régionales respectent ce même schéma.
Ce cadre géographique comprend une grande variété de territoires dont les cours d’eau, les reliefs ou les plaines sont autant de caractéristiques qui ont nécessairement influé sur les possibilités d’implantations de groupes humains et de contacts entre ces groupes.
Dans le sud-ouest de la France, le Bassin Aquitain est l’ensemble géographique le plus vaste et se distingue par ces plaines de faibles altitudes traversées par un réseau dense de fleuves et de cours d’eau. Il comprend au nord, le seuil du Poitou qui est délimité par le massif Armoricain et les limites méridionales du bassin parisien. Son paysage est marqué alors par des plaines et des collines douces excédant rarement 100 m d’altitude. L’aplanissement des paysages se renforce à mesure que l’on progresse vers le littoral à l’ouest et les terres au sud de la Charente. Ce paysage de plateau et de buttes calcaires se prolonge jusqu’à la rive orientale de la Garonne et dans l’Entre-Deux-Mers en Gironde où il se voit cerné par les plaines alluvionnaires de la Garonne et de la Dordogne. En remontant le cours de la Garonne vers le Sud et l’Est, le paysage rencontré forme une certaine unité à l’est de la Gironde, dans le nord du Lot-et-Garonne, dans une grande partie du Gers et à l’ouest de la Haute-Garonne. Ces territoires sont marqués par une succession de collines molassiques aux pentes douces et légèrement modelées par une faible érosion, parfois clairsemés de quelques buttes calcaires. Les versants de ces bas-plateaux vallonnés se raidissent à mesure que l’on se rapproche des bordures montagneuses du Massif central.
À l’Ouest, en direction de l’océan, apparait le plateau landais qui s’étend principalement de la moitié sud de la Gironde, à l’ouest du Lot-et-Garonne et sur la totalité du département des Landes. Il s’agit d’immenses épandages de sables éoliens remplissant la cuvette d’aquitaine de forme triangulaire. Le relief de faible altitude, accidenté par instants de dunes continentales, est disposé en pente douce ; de 150 m aux confins du Lot-et-Garonne à 30 m à l’ouest. Ces sols secs de prime abord, sont en réalité parsemés de milliers de lagunes d’eau douce peu profondes, formées par l’affaissement superficiel de cavités et remplies en surface par les nappes phréatiques.
Du sud charentais jusqu’à l’estuaire de l’Adour, s’étend le littoral aquitain et son bandeau dunaire de sable blanc rectiligne caractéristique. D’une largeur pouvant atteindre 9 km, sa mise en place est très récente sur l’échelle de temps géologique. Un premier épisode de réchauffement climatique appelé “transgression flandrienne” entre 18 000 et 6000 a.C. entraine une remontée des eaux favorisant un colmatage des zones basses. S’en suit un second mouvement qui voit une régression du niveau marin autour de 3 000 a.C. où la côte se borde de bassins ouverts sur l’océan. Enfin, de 1450 à 1850 durant le “petit âge glaciaire”, les dunes que nous connaissons actuellement se mettent en place par l’apport de sable déposé sur les dunes primaires.
Dans le prolongement des dunes aquitaines au sud de l’estuaire de l’Adour, la côte du Pays Basque est constituée d’imposantes falaises de calcaires ou de marno-calcaires soumis continuellement à l’érosion océanique.
Bien représenté sur l’ensemble de la Haute-Vienne, au nord et à l’est de la Dordogne, sur la quasi-totalité de la Corrèze, au nord du Lot et dans le Tarn, le paysage des contreforts du Massif central se définissent par ces reliefs marqués. Ces massifs, usés par l’érosion, sont fortement ravinés par un réseau hydrographique de vallées étroites qui découpent des plateaux inclinés nord-ouest/sud-est. En direction des vallées de Charente, de Garonne et de leurs affluents, forment ce que l’on nomme des causses tandis que plus au sud, à l’est de la Dordogne, le Lot-et-Garonne, ainsi qu’une partie du Lot et le Tarn-et-Garonne, il laisse place à ce que l’on appelle des Serres, soit des plateaux aux rebords abrupts et découpés en lanières effilées, séparés par de profondes vallées ou bassins.
Au sud, les Pyrénées forment une chaîne rectiligne sans interruption de près de 450 km d’est en ouest, de la Méditerranée à l’océan Atlantique et constituent une frontière naturelle entre la France et l’Espagne. Ils s’organisent à partir d’une zone axiale élevée qui marque fortement la géographie des Pyrénées centrales et dans une moindre mesure celle des Pyrénées orientales. Ces reliefs de grande altitude s’affaiblissent dans les Pyrénées occidentales jusqu’à former des massifs isolés dans le Pays Basque espagnol. Sur son versant nord, le piémont pyrénéen se matérialise par des terrasses et des collines douces en Ariège et dans le Comminges tandis qu’en Hautes-Pyrénées, cette zone de basse montagne est marquée par des coteaux coupés par la vallée de l’Adour avant de se changer en plaine et petits promontoires en direction du Bassin Aquitain. La moyenne montagne ou les pré-Pyrénées se caractérisent par ces hauteurs plus imposantes figurées par des bassins en éventail relativement isolés les uns des autres en Ariège et peu à peu remplacés, à l’ouest, par une succession de vallées surcreusées par l’érosion ou à des cônes de déjection et des plateaux comme celui de Lannemezan. Suivant un axe nord/sud, ces vallées ordonnées offrent un accès rapide entre le piémont et les cols. Cependant, leur encaissement rend la communication entre chacun d’entre-elles difficile. Plus au sud se développe sur près de 60 km de large la zone axiale des Pyrénées faite de roches cristallines et ligne de crête dépassant largement les 3000 m d’altitude ; le pic d’Aneto, situé en Pyrénées centrales espagnoles, dans l’axe du Comminges et du nord de la province de Huesca, culmine à 3404 m.
Côté espagnol, la configuration de la façade sud des Pyrénées s’oppose symétriquement à celle plus au nord par des vallées moins étroites et des cours d’eau coulant dans le sens nord-ouest/sud-est. Les massifs calcaires qui s’y constituent sont ménagés en deux alignements de sierras : les sierras intérieures, proches de la zone axiale, surtout représentées sur la partie occidentale et centrale, dépassant bien souvent les 3000 m d’altitude, et les sierras extérieures, au centre et à l’est, moins hautes et plus morcelées, faisant face à la vallée de l’Èbre. Cette configuration de deux sierras a pour conséquence d’enserrer le Canal de Berdún, vaste dépression parallèle à la zone axiale. Sur plus de 130 km, ce bassin alluvial qui s’étend du nord de la province de Huesca et se prolonge à l’ouest de la ville de Pampelune, constitue un véritable couloir de circulation intra-pyrénéen3. Enfin, vers le Pays Basque, les Pyrénées montrent un paysage de basse montagne parcouru par de petites vallées, de hautes collines aux pentes douces, arrosé par de nombreux cours d’eau. En descendant vers le sud et l’ouest, suivant le trait de côte Atlantique, les reliefs pyrénéens séparent les plaines du Pays Basque de l’arrière-pays en se mêlant à la cordillère Cantabrique dans la province d’Alava.
Plus au sud, la Vallée de l’Èbre est une entaille pratiquée dans un ensemble montagneux (constitué par les Pyrénées, la cordillère Cantabrique et le système Ibérique) qui se détache des autres paysages de la moitié nord de l’Espagne par son altitude inférieure à 500 m. Située de l’extrême sud d’Alava, au nord de La Rioja, au sud de la Navarre et au nord de Saragosse, elle prend la forme d’un long couloir de 350 km axé nord-ouest/sud-est, évasé sur la Catalogne et la Méditerranée et dont la largeur évolue d’à peine 10 km en amont de Logroño (La Rioja) pour atteindre 75 km en aval vers Lérida (Lérida). Les terres de la rive nord sont plus ouvertes grâce aux nombreuses vallées dessinées par les rivières pyrénéennes et affluents de l’Èbre, alors que celles de la rive sud sont plus étroites en raison de l’avancée du système Ibérique. Ses larges plateaux de 300 à 500 m d’altitude proches des ensembles montagneux font peu-à-peu place à des plateaux de faible superficie et aux limites escarpées dans les zones proches du centre de la dépression du fleuve. Au nord, la Vallée de l’Èbre est dominée par le système Ibérique dont les reliefs imposant de 2 000 m d’altitude en moyenne couvrent la moitié sud de la province de La Rioja et de Saragosse ainsi que la quasi-totalité des provinces de Soria, de Guadalajara et de Teruel. Son paysage est marqué par des massifs calcaires peu aérés, d’où naissent de nombreux cours d’eau (dont le Douro et le Tage), et les hauts plateaux aux pentes rocheuses abruptes. Les rivières ont entaillé de nombreuses vallées étroites, voire par endroits de véritables canyons, qui gagnent rapidement les zones basses. Au centre, le système Ibérique se confond avec les massifs de la Cordillère Centrale, qui s’étend en direction du sud-ouest, et sépare en deux le plateau central espagnol appelé Meseta. D’une altitude moyenne de 600 m, et traversé par le Douro et le Tage notamment, ce plateau de faible relief forme une pénéplaine qui se développe plus au sud sur une grande partie du centre de l’Espagne.
Cadre chronologique
Les bornes chronologiques considérées pour cette étude s’étendent de 800 à 400 a.C. afin d’engager une discussion sur les phases de transition du début et de la fin du Premier âge du Fer. En effet, cet intervalle de quatre siècles dépasse les limites communément admises du Premier âge du Fer d’Europe occidentale puisque que sa fin, bien que toujours sujette à discussion, est généralement datée autour de 450 a.C. La nécessité d’intégrer les découvertes attribuables à la seconde moitié du Ve s. a.C. s’explique par la présence de nombreux sites dispersés sur un large territoire et soumis à des traditions de recherches différentes. Le cadre géographique étant vaste, on se heurte alors à des classifications et des phasages chronologiques régionaux discordants, dont certains prolongent le Premier âge du Fer jusqu’à la fin du Ve s. a.C.
Évolution des études de la parure
On compte peu de travaux exclusivement dédiés au mobilier de parure du Premier âge du Fer. À l’exception de quelques catégories emblématiques, comme les fibules ou les agrafes de ceintures, cette catégorie intègre bien souvent ce que l’on nomme le “petit mobilier métallique”. Dès lors, ces objets suscitent moins l’attention de la part des chercheurs que des pièces plus volumineuses comme les vases ou l’armement. Toutefois, le regard porté par les archéologues sur les parures a fortement évolué en près d’un siècle et demi de recherche et l’émerveillement devant les “beaux objets” des premiers temps a fait place à des considérations technologiques, économiques et sociétales qui participent pleinement à l’étude des populations qui les ont produites
Les érudits locaux du XIXe s. à la recherche des “beaux objets”
Dans la mouvance des recherches ayant trait à l’histoire celtique nationale, de nombreux amateurs et érudits locaux du milieu du XIXe s. vont se charger de mettre en avant le passé protohistorique régional, quand bien même leur approche doit encore beaucoup à l’esprit de collectionneur des cabinets de curiosités du siècle précédent. Cette démarche aura pour conséquence de focaliser le regard de ces premiers chercheurs sur l’aspect esthétique des objets. Cette vision superficielle et loin des considérations scientifiques qui émergent alors dans les milieux académiques, biaisera les travaux de cette période de plusieurs manières.
En premier lieu, il s’agit surtout pour chaque inventeur de présenter le fruit de ces découvertes à d’autres érudits lors de la tenue de congrès de sociétés savantes. C’est par cet intermédiaire que l’aspect esthétique devient prépondérant, puisqu’il oblige à mettre en lumière le mobilier juger spectaculaire ou pertinent, pourvu d’une belle patine, excluant de fait tout ceux qui ne répondent pas à ces critères de sélection. Cette démarche s’illustre dans le vocabulaire employé lors des descriptions de mobiliers. À propos des objets découverts dans la nécropole de La Saula (Lafrançaise, Tarn-et-Garonne), A. de Capella fait notamment état : “D’une charmante fibule ou agrafe en bronze, admirablement conservée et portant encore son ardillon, ce qui est très rare”, ou plus loin : “Deux pièce d’ornement de bronze […] d’un dessin gracieux et paraissent d’un travail fini”4. Le mobilier qui n’avait pas vocation à entrer dans le cadre d’une étude pouvait être donné aux fouilleurs lorsqu’il n’était pas tout simplement jeté. Ce biais se vérifie dans les rares planches d’illustrations que les archéologues du XIXe s. ont pu produire, laissant croire que ces érudits d’antan n’ont mis au jour que des fibules entières, des torques ou des bracelets massifs. Bien évidemment, il n’en est rien, et les techniques de fouilles rudimentaires d’alors n’expliquent pas totalement l’absence de mobilier de parure plus “modeste”. L’aspect stylistique de ces objets et la volonté de garnir les vitrines de nombreux musées régionaux constituent l’un des facteurs de cette sélection. Ces dernières mettent l’accent sur des parures conservées presque entièrement, de bonne facture, facilement reconnaissables et plutôt volumineuses (fig. 2). Ainsi, tout un pan de l’expression artisanale protohistorique, tels les boutons, les perles ou les pendeloques, se dérobe au regard de la recherche actuelle par la perte considérable d’informations réputées alors comme mineures.
Au même moment, la place accordée par les historiens et les archéologues aux populations celtiques dans le grand récit des civilisations constitue un second biais qui a pu empêcher l’émergence d’investigations détaillées sur les parures de l’âge du Fer. L’une des thèses en cours à l’époque était de considérer les peuples celtiques comme des barbares libérés de leur état par la puissance civilisatrice de la conquête romaine5. Cette idéologie a rendu impossible toute reconnaissance d’innovation ou de maîtrise technologique majeure à ces populations. Localement, cette pensée transparaît dans la conclusion d’E. Pothier à propos des fouilles menées sur les tumulus du plateau de Ger (Hautes-Pyrénées) lorsqu’il mentionne que, sans contacts avec des marchands phéniciens ou grecs : “[…] aucun progrès sensible ne parait avoir été réalisé dans les arts industriels par les populations du plateau de Ger”6. L’artisanat celtique au sens large a souffert de la comparaison avec celui du monde méditerranéen antique, lorsqu’il n’était pas vu comme une pâle imitation barbare de modèles romains ou hellénistiques7. Ainsi, certains érudits n’ont pas toujours su évaluer l’intérêt de leur découverte, restreignant leurs études sur les objets les plus remarquables et/ou déjà connus dans les civilisations antiques dites classiques.
Enfin, la combinaison de tous ces facteurs : effervescence autour des découvertes archéologiques, recherche des “beaux objets” et fascination pour le monde antique méditerranéen, ont conduit à une falsification des données archéologiques. Le besoin croissant des musées de se fournir en artéfacts archéologiques à stimuler l’activité des antiquaires. Ces derniers, voyant là un moyen aisé de faire du profit, se sont hâtés de céder les pièces remarquables au plus offrant. Il arrive que l’on retrouve la trace de ces transactions avec des antiquaires dans les livres de comptes des musées8. De plus, le développement d’un commerce des antiquités a entrainé une perte importante d’information sur l’origine de ces pièces, voire dans le pire des cas, à une falsification de celle-ci. Cette démarche a en grande partie touché des objets en provenance de Méditerranée. Des fibules étaient vendues à des musées comme issues de sites régionaux, alors qu’elles parvenaient en réalité d’Italie. Plus grave, certains antiquaires n’ont pas hésité à produire de faux artéfacts9. Dans tous les cas, les acquisitions faites sur les marchés des antiquaires durant le XIXe s. ont ralenti l’émergence d’études rationnelles sur le mobilier archéologique “remarquable”. Des objets dont on ignorait l’origine éloignée ont contribué à parasiter la reconnaissance de formes ou de styles régionaux.
Ainsi, les chercheurs régionaux de la seconde moitié du XIXe s. se sont focalisés sur la constitution d’un riche catalogue et n’ont vu dans la parure que sa valeur esthétique, suscitant au mieux un esprit de curiosité.
Première synthèse par J. Déchelette
Parallèlement à l’activité des érudits locaux, la seconde moitié du XIXe s. voit l’émergence de l’archéologie en tant que science. Cette nouvelle discipline se place comme la synthèse entre les études préhistoriques, alors en plein essor, et l’évolutionnisme, grâce à la diffusion de l’ouvrage de C. Darwin10. Tandis qu’en 1867, la France voit la création du Musée des Antiquités nationales sous l’impulsion de Napoléon III, les divers acteurs scientifiques européens (principalement allemands, français, italiens et suisses) s’organisent lors du congrès, tel que le congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques, dès 186511. Guidés dans ses méthodes et ses interprétations par la géologie et la paléontologie, ces archéologues mettent en place les premiers outils typochronologiques et proposent une étude minutieuse des cultures matérielles dans le but d’appréhender les vestiges laissés par les hommes antédiluviens. L’accent est donc mis sur la réalisation d’une chronologie comparée à l’échelle européenne. En France, G. de Mortillet tient un rôle majeur dans la naissance de l’archéologie préhistorique nationale12. Il est également, avec A. Bertrand, un acteur important dans la mutualisation des recherches européennes puisqu’il œuvre à la corrélation entre les données archéologiques issues du monde celtique et celles du monde italique. Ces liens privilégiés aboutiront, entre autres, à la publication des travaux sur les découvertes réalisées en Lombardie, dans le piémont et autour de Golasecca par O. Montélius à la fin du XIXe s.13.
C’est dans ce contexte qu’en France, apparaît la figure centrale de J. Déchelette et a qui l’on doit les premières études de synthèse sur le mobilier de l’âge du Fer au début du XXe s.14. Grâce à un sérieux réseau scientifique tissé sur tout le continent européen, J. Déchelette publiera le Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine entre 1908 et 1914. Il y rédige un important exposé riche d’exemples issus d’un très grand nombre de découvertes de l’Europe occidentale, chose exceptionnelle pour l’époque. Dans la seconde moitié de son volume consacré au Premier âge du Fer, J. Déchelette fragmente son travail selon des catégories de mobilier : armement, vases en bronze ou céramique, et consacre un chapitre entier à la parure. C’est, semble-t-il, un précurseur en la matière. Loin de se limiter à quelques types bien connus comme les fibules, il n’hésite pas à travailler sur des objets moins répandus dans la bibliographie d’alors tels que les bracelets, les épingles, les agrafes, les boutons, les boucles d’oreilles ou encore les perles et autres pendeloques15.
Au cours de ce travail, J. Déchelette subdivise chaque catégorie par type caractéristique. Bien que sommaire par moment en raison du manque de données, cette démarche est tout à fait novatrice pour les objets de parures. Ce sont également ses travaux qui fixeront les terminologies descriptives du mobilier, dont certaines sont toujours employées actuellement16. Ses écrits jettent donc les bases d’une étude raisonnée à grande échelle sur cette catégorie de mobilier. Sa documentation issue d’un vaste territoire l’autorise à proposer de nombreuses comparaisons et ainsi à reconnaitre des zones de répartition privilégiées. Enfin, on remarque que chaque type de parure est rattaché une phase chronologique bien mieux maîtrisée en ce début de XXe s.
Les travaux de J. Déchelette auront une grande influence sur la recherche archéologique européenne. Grâce à lui notamment, l’étude des parures a pu s’extirper d’une vision purement esthétique ou, dans le meilleur des cas, d’une simple reconnaissance de proximité des morphologies. Il est l’un des premiers à intégrer les parures dans le processus de détermination chronologique ainsi que dans l’identification de productions régionales qui seront diffusées par commercialisation ou, pense-t-il, par migration des populations.
L’essor des typologies au XXe s.
À la suite des résultats publiés par J. Déchelette, les investigations postérieures concernant les objets de parure se focaliseront essentiellement sur les fibules.
Au cours de la première moitié du XXe s., les travaux des archéologues danois C. Blinkerberg sur les fibules grecques, puis ceux du finlandais J. Sundwall à propos des fibules italiennes, renouvellent nos connaissances sur cette catégorie de parure en apportant, notamment, un cadre chronologique bien plus précis que précédemment en raison de leur rattachement à des phénomènes historiques antiques exprimés, parfois, en dates calendaires17. Ces nouvelles chronologies auront un grand impact sur l’archéologie européenne continentale dans la mesure où, par l’identification de modèles proches ou similaires, elles ont permis d’esquisser un schéma évolutif global des fibules et d’ébaucher un canevas de leur diffusion ou de leur imitation sur le continent. Peu à peu, l’on tente alors de faire des fibules un objet caractéristique d’un faciès ou d’une période à même de dater précisément les couches ou les structures de futures excavations. En d’autres termes, l’on s’emploie à faire des fibules un “fossile directeur”.
Ce sont les archéologues espagnols qui, dans le cadre géographique, réemploieront les premiers les résultats de ces travaux. En 1954, M. Almagro Basch propose une datation plus fine pour les fibules dites “hispaniques” – il s’agit du nom donné alors aux fibules annulaires – à partir de celles mises au jour dans des contextes funéraires du port antique d’Ampurias, fondé par les colons phocéens à l’Escala (Gérone). Il pense identifier une origine orientale de ce type et date leur diffusion dans toute l’Espagne à partir du Ve s. a.C.18. Entre la fin des années 1950 et les années 1960, E. Cuadrado s’intéresse également aux fibules de la péninsule Ibérique et plus particulièrement aux fibules annulaires19. Son approche se focalise sur des observations morphologiques en comparant les modèles hispaniques à ceux de Méditerranée. Bien que proposant des datations, sa démarche consiste surtout à déceler les évolutions dans la forme des fibules afin d’identifier l’origine de chacun des types. Ses recherches le mèneront à s’opposer aux hypothèses émises précédemment par Almagro Basch sur le mode de diffusion et d’apparition des fibules dans la péninsule. Pour E. Cuadrado, ces fibules annulaires ont bien une origine espagnole, et trouvent leurs influences dans d’autres modèles de fibules européennes20. L’archéologue W. Schüle, quant à lui, propose une première étude faisant le point sur les fibules à pied droit et à ressort bilatéral découvertes en Espagne, qu’il n’hésite pas à comparer avec celles découvertes en Italie21. Il complète ses hypothèses dans une synthèse sur le Premier âge du Fer espagnol publiée en 196922. Son étude sur les fibules sert son propos sur le phasage chronologique et la détermination de l’origine de ces objets. Enfin, à la même période, on peut citer les recherches plus modestes de J. Fariña sur les fibules du Pays Basque et de Navarre23 qui s’attache surtout à proposer des datations pour celles issues des sites régionaux.
In fine, ce qui ressort de ces travaux des années 1950 à la fin des années 1960, c’est surtout l’attention portée par les archéologues sur les détails morphologiques des fibules et la recherche de leur lignée évolutive au gré du temps et de leur répartition. Plus que de proposer des datations serrées, ces chercheurs semblent vouloir décrire un arbre généalogique des fibules à travers l’Europe de l’ouest. Ce travail précis sur la morphologie se retrouve également dans quelques travaux français à la même période, bien que concentré sur une échelle géographique moindre, comme l’attestent entre autres les articles publiés par D. Bretz-Malher sur les fibules à faux ressort ou ceux de R. Joffroy à propos des fibules à fausse corde à bouclette et à tablette24.
Ce n’est vraiment qu’avec les travaux de G. Mansfeld sur les fibules découvertes sur l’habitat hallstattien de La Heuneburg (Herbertingen, Bade-Wurtemberg) publiés au début des années 1970, que vont débuter des recherches précises sur la chronologie25. Découverte majeure de l’archéologie du Premier âge du Fer, l’habitat fortifié de La Heuneburg constitue un jalon important dans la caractérisation de la culture hallstattienne. L’étude de G. Mansfeld a donc activement participé au séquençage chronologique de cette culture en Europe et à faire des fibules de réels “fossiles directeurs” de cette période. Ces résultats ont eu un impact non négligeable sur les travaux réalisés sur les sites répartis en périphérie de cette culture, comme dans le sud-ouest de la France ou le nord-ouest de l’Espagne. Les chercheurs régionaux ont alors fait appel à une méthode de travail similaire, c’est-à-dire : la constitution d’un catalogue riche, le plus souvent à partir de découvertes anciennes et contemporaines, soutenu par une étude typologie systématique et raisonnée, permettant de dégager des propositions chronologiques plus claires que les hypothèses énoncées par leurs aînés.
Dans cette optique, J.-P. Mohen réalise ces premières recherches sur les fibules pyrénéennes, qu’il élargira par la suite aux fibules antérieures au VIe s. a.C. et à l’ensemble de l’Aquitaine26. Il synthétise ses données lors de la publication de sa thèse d’état dans laquelle les fibules tiennent un rôle de premier ordre dans la caractérisation du phasage chronologique aquitain mais aussi dans l’identification de groupes culturels et de leurs liens avec d’autres plus éloignés27. Signalons également l’étude des fibules de la région nîmoise (Gard) réalisée par C. Tendille28. Plus modeste, son examen des collections déposées au Musée archéologique de Nîmes apporte un éclairage sur les productions de l’arrière-pays languedocien. De l’autre côté des Pyrénées, un travail similaire est conduit par J.‑L. Argente Oliver sur les fibules de la nécropole d’El Altillo (Aguilar de Anguita, Guadalajara) provenant des collections du Marquis de Cerralbo29, qu’il prolonge dans une thèse présentée à la fin des années 198030. Consacré aux fibules de la Meseta orientale (provinces de Soria et de Guadalajara), Argente Oliver parvient à proposer une chronologie resserrée au regard des travaux antérieurs et identifie des zones de répartitions privilégiées pouvant être attribuées à de possibles groupes culturels. Dans la lignée de ces prédécesseurs, il réévalue également l’origine de certaines fibules présentes sur le territoire ibérique.
Les résultats de ces recherches ont eu le mérite de donner un cadre d’abord chronologique, puis culturel, aux fibules régionales tout en assumant pleinement la volonté d’en faire des “fossiles directeurs”, comme en témoigne la réutilisation actuelle de ces travaux31.
À la suite des fibules, ce sont les agrafes de ceinture qui jouissent d’une relative exposition dans les travaux scientifiques portant sur la parure. Après J. Déchelette, c’est à J. Cabré Aguiló que l’on doit les premières recherches sur ce type de mobilier en Espagne à la fin des années 193032. Cependant, il faut attendre le début des années 1960 et les travaux de E. Cuadrado sur les agrafes de ceinture de la péninsule, puis plus spécifiquement sur la culture tartessienne, pour que les archéologues s’intéressent à nouveau à ce type de mobilier33. Ces recherches lui permettent de dégager des marqueurs chronologiques larges à partir de regroupements typologiques sommaires. Cependant, les études de E. Cuadrado se sont surtout concentrées sur les questions de l’origine et de la diffusion de ce mobilier, dans une démarche analogue à celle conduite pour les fibules à la même période. Ces résultats seront repris et complétés par le travail d’inventaire de W. Schüle34. Les problématiques liées à l’identification de types précis et leur datation sont présentés plus en détail dans la thèse de M.-L. Cerdeño dans lequel elle reprend les hypothèses émises par ses prédécesseurs et conclut à une origine celtique, inspirée des modèles centre-européens, pour les agrafes espagnoles35. Les résultats de son étude serviront longtemps comme travail de référence de part et d’autre des Pyrénées et seront en partie repris par J.-P. Mohen pour étudier les agrafes des collections aquitaines36. Ce discours sur l’origine des agrafes de ceinture espagnoles fait l’objet d’une révision à la fin des années 1980 par H. Parzinger et R. Sanz, qui déplacent leur apparition du monde celtique à la Grèce37.
Le bilan concernant les parures annulaires est en revanche plus mitigé. Si, en France, l’on note quelques recherches très localisées sur les bracelets au début de la seconde moitié du XXe s., ce n’est pas avant les années 1980 que sont tentées des approches synthétiques plus complètes38. Ces travaux sont là encore incarnés dans la moitié sud par J.-P. Mohen et C. Tendille39. Le premier ne propose qu’une typologie sommaire, afin d’associer chaque type à une phase chronologique déjà établie en amont. La seconde identifie davantage de modèles différents et leur associe des datations larges, par comparaison avec des individus de la culture hallstattienne notamment. De l’autre côté des Pyrénées, il n’existe à ce jour aucune étude détaillée sur les bracelets. Seuls quelques exemples sont rapidement évoqués dans les travaux de J.-J. Enriquez Navascués et de P. Caprile sur les parures des provinces de Navarre et d’Alava40, mais ces recherches ne reposent sur aucune typologie précise.
Enfin, en France comme en Espagne, on ne compte que quelques rares publications très ciblées portant sur le reste du mobilier de parure. En dehors des quelques synthèses régionales citées précédemment41, on peut notamment mentionner l’article de A. Galan et A. Soutou à propos des boucles d’oreilles rubanées du Midi de la France, dans lequel les auteurs émettent l’hypothèse d’une origine centre-européenne de ce type d’objet42. Pour finir, signalons les travaux de F. Audouze et J.-C. Courtois sur les épingles de l’âge du Bronze, qui concernent également le début du Premier âge du Fer, et la publication de J.-C. Labeaga Mendiola à propos des pendeloques de l’habitat protohistorique de La Custodia (Viana, Navarre)43.
Ainsi, les recherches sur la parure durant une grande partie du XXe s. se sont employées à mettre en place des typologies usant d’un langage descriptif toujours plus élaboré à partir de la technique, de la fonction, de la morphologie ou du décor des parures. Cette démarche a permis de dégager des cadres chronologiques mais aussi de retracer les évolutions et les modèles de diffusions sur un large espace géographique. Toutefois, ces approches ont concerné prioritairement, voire quasi exclusivement, les fibules et, dans une moindre mesure, les agrafes de ceintures. L’on constate que les parures annulaires, les épingles, les boutons, les pendeloques ou les perles n’ont pas fait l’objet de la même attention par les archéologues du sud de la France et du nord de l’Espagne.
Orientation de la recherche ces vingt dernières années
La construction de typologies tient toujours une place importante dans les recherches sur la parure au cours des années 1990. Plusieurs travaux français et espagnols témoignent de cette dynamique : en plus de la synthèse proposée par M. Feugère, B. Dedet, S. Leconte et G. Rancoule à propos des parures de France méridionale44, on compte plusieurs thèses qui ont trait au mobilier de parure, comme celle d’A. Lorrio qui offre une place importante aux fibules et aux agrafes de ceinture dans la définition du phénomène celtibère45, celle de K. Mansel sur les pièces du Golfe du Lion et d’Ampurdan46 et enfin celle au début des années 2000 de P.-Y. Milcent sur le Premier âge du Fer en France centrale qui propose une typo-chronologie détaillée des parures annulaires47. Sans répertorier tous les travaux de recherche régionaux touchant de près ou de loin au mobilier de parure48, on relèvera que tous ceux mentionnés ont comme points communs de dépasser le strict cadre d’une étude exclusivement typo-chronologique et font écho à des axes de recherche engagés plus largement en Europe depuis quelques années. L’on peut diviser ces nouveaux axes en trois grandes thématiques.
1. Production, diffusion, importation et imitation
L’étude sur les parures permet de discuter des facteurs de production locale, de diffusion, d’imitation et d’importation de ces pièces d’artisanats.
Ces thématiques de recherche ne sont pas nouvelles. Dans une certaine mesure, on peut y voir la continuité des recherches sur les “origines” des fibules développées notamment par les archéologues espagnols dans la seconde moitié du XXe s. Cependant, la méthode employée ces dernières années a grandement évolué. Elle se fonde sur des typologies beaucoup plus précises et convoque des outils cartographiques afin de mettre en lumière des répartitions préférentielles, conjuguées parfois à des analyses statistiques. Cette méthode a notamment été utilisée par H. Parzinger à la fin des années 1980 pour identifier la zone d’invention des fibules de La Certosa puis situer l’apparition de variantes issues d’imitations locales49. Discerner des productions régionales d’imitations locales ou d’importation directes seront au cœur de nombreuses problématiques de ces dernières décennies.
Dans le sud-est de la France, la thèse de A. Rivalan sur le mobilier métallique du Bronze final et du Premier âge du Fer ou l’exposition de 2013 du musée archéologique Henri Prades à Lattes consacrée aux parures de femmes questionnent la circulation des parures entres les populations celtiques du midi de la France et celles de Méditerranée au travers des grands réseaux maritime50. Le mobilier de parure comme marqueur de relations politiques, culturelles ou commerciales est également au cœur des travaux récents de V. Ciconali qui portent sur la nature des échanges entre les populations nord italiennes de Golasecca et celles installées dans le domaine nord-alpin51.
Ainsi, les études sur les parures de ces vingt dernières années participent pleinement à l’identification de marqueurs culturels régionaux ou locaux par l’apport de méthodes liant l’outil cartographique aux analyses typo-chronologiques plus classiques. Le corollaire de ces résultats est la mise en évidence de possibles contacts entre les populations, sous la forme d’échanges commerciaux ou d’affinités culturelles marquées.
2. Les panoplies dans les tombes
Les récents résultats sur la typo-chronologie des parures ont offert l’opportunité de défricher de nouveaux champs d’étude portant sur les assemblages de mobilier en contexte funéraire. Cherchant à s’approcher de l’individu, cette démarche questionne les notions de statuts sociaux, d’identité individuelle ou d’identité collective en archéologie protohistorique, en se référant à d’autres sciences sociales.
Cette approche s’est nourrie des avancées réalisées dans le nouveau champ de recherche qu’est l’archéologie funéraire, apparue au début des années 1980. Il est notamment incarné par les travaux de F. R. Hodson sur les sépultures du site éponyme de Hallstatt52. Sa méthode fait intervenir des traitements statistiques afin de dégager des regroupements d’assemblages funéraires cohérents. Les parures y tiennent une grande place, aussi bien dans l’analyse quantitative que lors de l’interprétation des phénomènes observés. Rapidement adoptée, cette méthode a permis de développer les réflexions actuelles sur le “costume funéraire”.
Le terme de “costume funéraire” définit l’ensemble des objets portés par le défunt, ce qui exclut de fait les vases d’accompagnement. Cette notion est très souvent liée à l’étude des parures, dans la mesure où on les trouve en abondance dans de nombreuses sépultures féminines. Ces travaux sur le costume funéraire nourrissent alors un discours où, régis par des règles communautaires, la présence ou l’absence de parures exposent le statut du défunt aux yeux des vivants. À la croisée entre l’archéologie et l’anthropologie, les recherches sur le costume funéraire tentent de faire le lien entre le monde des morts et de celui des vivants. Elles permettent de formuler de nouvelles hypothèses sur l’organisation des sociétés protohistoriques. Dans le sud-est de la France, l’attribution d’un genre aux sépultures, grâce aux analyses anthropologiques et à la caractérisation de panoplies funéraires permet de développer des interprétations sur le recrutement funéraire des nécropoles régionales selon la place supposée du défunt dans la hiérarchie sociale et de mesurer son évolution dans le temps53. Entre France et Allemagne, de part et d’autre du Rhin, l’analyse de la place des parures dans les panoplies funéraires semble révéler des identités collectives et individuelles chez les populations locales et permet de proposer des découpages culturels plus précis que ceux obtenus par la simple répartition de mobiliers similaires54.
Le concept “d’identités” doit être compris comme des signatures sociales perceptibles au sein des populations protohistoriques. Il a notamment été théorisé au début des années 1980 par T. Turner55. T. Turner utilise l’expression “social skin” (“peau sociale” en français) pour désigner tout artifice servant à signaler un individu au sein d’une communauté. Les modes d’expression de ce signalement peuvent recouvrir les tatouages, les vêtements ou bien tout élément de parure. Leurs usages sont définis par les règles sociales, politiques ou culturelles connues et comprises par un groupe d’individu. Le caractère de la “peau sociale” se situe donc à la frontière entre une identité biologique et une identité sociale. Cette signalisation n’est pas fixe et peut être amenée à changer selon les circonstances. En somme, la “peau sociale” est un ensemble de marqueurs témoignant de l’identité, de la fonction ou de la position sociale d’un individu au sein du groupe56.
Rapportées à l’archéologie protohistorique, les parures peuvent prendre le rôle de “peau sociale”, définissant des identités individuelles ou collectives de leur porteur. Toutefois, pour les protohistoriens, la difficulté réside dans la reconnaissance de ces marqueurs clés. Partant du postulat que les objets déposés dans la tombe sont le reflet d’une identité du défunt de son vivant, les efforts des chercheurs se sont concentrés pour le moment sur le mobilier d’armement et les parures. L’application d’une lecture sociale et “identitaire” des ensembles funéraires demeure encore rare dans la mesure où la “peau sociale” n’est visible que par la répétitivité de caractères similaires à l’intérieur d’un groupe d’individus. L’identification de la position sociale du défunt ne s’appréhende qu’en combinant l’étude sur le mobilier porté, telle la parure, et une étude sur le mobilier déposé en accompagnement comme les vases céramiques. Elle nécessite donc la fouille de la quasi-totalité des sépultures qui composent la nécropole, ce qui est rare, et mêle les données archéologiques et anthropologiques.
À mi-chemin entre l’archéologie, l’archéologie funéraire et l’anthropologie, la détermination de l’identité sociale à partir, entre autres, du mobilier de parure déposé dans la tombe, offre une grille d’étude innovante. Cependant, le caractère exclusivement funéraire des données peut constituer une limite pour la formulation d’interprétations solides. Derrière les objets retrouvés dans les sépultures, se cachent des “geste funéraires” liés à tout un ensemble de croyances, de rites et de règles sociales d’un groupe. La présence d’un type précis de parure est-elle liée au statut réel du défunt ou à la façon dont il a rencontré la mort ? En d’autres termes, existe-il une “peau sociale” spécifiquement attribuée au défunt comme il en existait une de son vivant ? Certains auteurs ont eu l’occasion de relever les problèmes soulevés par ces travaux sur les concepts d’identités57. Dans ce cadre, l’identification des marqueurs clés peut se dérober aux regards des archéologues et révèle toute la complexité que suggère une telle approche.
3. La femme celte à l’ombre des guerriers
L’émergence de ces nouvelles approches de l’étude des parures ou celles menées par l’archéologie funéraire, invitent à une redéfinition de la place des femmes dans les sociétés celtiques. Jusqu’à il y a peu, les sciences archéologiques étaient majoritairement conduites par des hommes qui ont imprimé sur leurs modèles interprétatifs des a priori culturels de leur époque. Les travaux sur l’organisation des sociétés protohistoriques et sur les objets déposés dans les sépultures se sont surtout concentrés sur l’armement. Ainsi, se dessinait un monde celtique dans lequel le pouvoir était détenu par les hommes et largement dominé par la figure guerrière de ces derniers. Même la découverte de la tombe de la “princesse” de Vix, au début des années 1950, et son identification comme défunte a suscité plusieurs débats au sein de la communauté scientifique. Puisque la richesse exceptionnelle du mobilier déposé dans la tombe témoigne sans nul doute de la place majeure qu’occupait le défunt dans la hiérarchie sociale, il semblait inconcevable alors pour certain qu’il s’agisse réellement d’une femme58 ? Il a fallu attendre la récente caractérisation du sexe par analyse ADN pour clore définitivement le débat. Ainsi, à l’exception de cette découverte hors-norme, les femmes étaient quasi absentes de la littérature scientifique. L’image de la femme celte était celle d’une femme vouée prioritairement à sa charge maternelle et accaparée le reste du temps par les tâches quotidiennes. Le pouvoir politique était sous domination masculine. Au mieux, les quelques indices de richesse dans les sépultures devaient témoigner de charges honorifiques ou, dans le pire des cas, d’une frivolité entretenue par les richesses de son époux. Les femmes ne jouaient donc qu’un rôle mineur.
Toutefois, à mesure que les découvertes bien documentées progressaient, il a fallu réévaluer ces postulats. Ces dernières années, l’attention portée sur les parures a pleinement participé à cette remise en question du statut de la femme au sein des populations celtiques. Cette relecture s’illustre parfaitement par les recherches de P.-Y. Milcent qui consacre un chapitre entier dans sa thèse aux femmes et à leurs parures59. En France centrale, les tombes du Ha D1-2 accordent une place plus importante aux femmes qui se traduit par une augmentation significative du nombre de parure dans les tombes. De plus, cette richesse et l’originalité du mobilier à cette période supposent la mise en place de réseaux d’échanges à grande distance. Enfin, la découverte de tumulus collectifs dans lesquels les femmes ont une position centrale autour desquelles les autres sépultures s’agglutinent laisse penser qu’elles ont pu jouer le rôle d’ancêtre fondateur. Si l’on accepte l’idée que ce traitement funéraire reflète un statut égal de leur vivant, alors on peut penser que ces femmes ont joué un rôle diplomatique sous forme d’alliances exogamiques. À la source de lignages, elles ont pu modifier le système de parenté élitaire par la mise en place de filiations matrilinéaires60.
Cette nouvelle appréciation du rôle tenu par les femmes celtes commence lentement à se manifester dans les thématiques de recherches récentes61. Peu à peu se dessine une société protohistorique plus variée qu’on ne le pensait jusqu’alors, dans laquelle les femmes tenaient également une place prépondérante, notamment dans la production de biens ou de denrées, comme l’ont révélé les fouilles récentes de l’atelier salicole de Marsal (Moselle)62.
L’attention portée aux parures durant ces vingt dernières années s’est grandement améliorée. Leur étude a pu bénéficier d’une meilleure appréciation de leur place au sein de l’ensemble du mobilier archéologique. Dorénavant, les parures participent pleinement à la formulation d’hypothèses concernant la reconnaissance de l’organisation sociale des populations celtiques et des statuts sociaux des individus qui les composent. Ces nouvelles approches ont permis de mettre en lumière la place des femmes dans ces sociétés, sujet qui était jusqu’alors ignoré des archéologues. Les problématiques qui s’en dégagent, tout à fait récentes, font appel à des disciplines multiples telles que l’archéologie, l’archéologie funéraire, l’anthropologie et les statistiques.
Un siècle et demi d’archéologie de terrain
Les données concernant les parures du Premier âge du Fer régional sont le fruit de près d’un siècle et demi de recherches de terrain qui ont été mus par des volontés, des problématiques et des méthodes d’excavation mouvantes. La variabilité de ces traditions de recherches a nécessairement eu une influence sur la formation des collections archéologiques que l’on connait aujourd’hui et définit donc les limites de l’étude. L’analyse de ces collections ne peut se soustraire à une présentation des cadres pratiques et théoriques dans lesquels elles ont été constituées dans la mesure où leur analyse permet de juger de la valeur sur laquelle repose le discours.
Bien que s’appuyant essentiellement sur les sites du Premier âge du Fer ayant livré du mobilier de parure, le nombre de gisements découverts au fil du temps permet de dégager les grands moments de la recherche qui ont animé les acteurs de l’archéologie protohistorique de part et d’autre des Pyrénées (fig. 3).
Les rythmes de découverte souffrent d’une légère asymétrie entre la recherche française et espagnole. Toutefois, plusieurs paliers majeurs, communs aux deux pays, semblent se détacher. Une première grande période, s’étendant de la seconde moitié du XIXe s. jusqu’à la fin des années 1940, voit l’émergence de la discipline et les tentatives de constructions des jalons chronologiques et culturels. De 1950 à 1980, la nette augmentation de sites renouvelle l’appréhension de l’occupation du sol au Premier âge du Fer et permet la mise en place de phasages chronologiques plus précis. Enfin, la dernière période de 1980 à nos jours comprend de nombreux sites découverts lors de fouilles préventives ou de sauvetages.
Les fouilles du milieu de XIXe s. à 1949
En France, les premières découvertes de mobilier de parure de la zone d’étude remontent au moins, pour peu que l’on puisse les dater, aux années 1830. Elles sont le fait de J.-A. Delpon dans les environs de Gramat (Lot)63. Dans les décennies suivantes, de nouvelles découvertes émergent à la faveur de travaux d’exploitation des sols selon un schéma similaire : un amateur d’antiquité et d’histoire locale récupère des vestiges exhumés par des ouvriers lors de travaux et partage ses maigres observations de terrain avec d’autres érudits lors de la tenue des premiers Congrès Archéologique de France notamment. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les découvertes des nécropoles de Lacam et Mons (Roquecourbe, Tarn) en 185564 ou de Lavène (Puygouzon, Tarn) à partir de 184465.
Dans le sillage de la politique nationale visant à mettre au jour le passé celtique français, de nombreuses prospections de terrain sont réalisées partout dans le pays66. Le sud-ouest de la France ne fait pas exception puisque l’on constate une nette augmentation des vestiges exhumés à partir de cette période (fig. 3). Ces travaux sont le fruit de bénévoles appartenant à la catégorie de notables locaux. Ces médecins, juristes ou religieux sont mus par la volonté de réaliser un inventaire des connaissances historiques à l’échelle départementale ou communale. De nombreuses sociétés savantes sont alors constituées et donnent naissance à plusieurs revues locales telles que la Société archéologique de Bordeaux en 1873, la Société Historique et Archéologique du Périgord en 1874, ou encore la Société de Borda, fondée à Dax en 1876. Afin d’enrichir leur propos, les chercheurs vont entreprendre plusieurs investigations dans leur environnement proche.
Les prospections de terrain se portent naturellement en premier lieu sur les structures les plus visibles, et notamment sur les nécropoles tumulaires. Les quelques nécropoles de tombes plates mises au jour sont à mettre au crédit de la présence de structures périlithiques repérable en surface, ce qui semble être le cas de la nécropole de Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin (Haute-Garonne)67, ou de découvertes fortuites lors de labours telle que celle de la nécropole de Lucet à Borde-de-Rivière (Haute-Garonne)68. C’est dans cette dynamique que E. Pothier fouille les grands ensembles de tumulus sur le plateau de Ger69, que L. Testut et J.-E. Dufourcet réalisent un inventaire des tumulus du sud des Landes70 ou que E. Piette et J. Sacaze explorent les tertres pyrénéens d’Avezac-Prat-Lahitte (Hautes-Pyrénées) ou ceux de la Montagne d’Espiau (Haute-Garonne)71. Malheureusement, cette fièvre de découverte ne s’accompagne pas toujours de rigueur dans les méthodes de fouilles. Les structures funéraires ont été bien souvent éventrées dans le seul but de récupérer le matériel (fig. 4). Aucune information n’est enregistrée sur la reconnaissance de contexte. Les publications de ces fouilles – que l’on peut nommer plutôt des “commentaires” – sont peu disertes sur les données observées. Seules quelques publications se démarquent par la présence de plans, d’illustrations et de planches de mobilier, comme pour la nécropole d’Avezac-Prat-Lahitte fouillée par E. Piette et J. Sacaze et les travaux du Général E. Pothier sur le plateau de Ger. Toutefois, dans la majorité des cas, les données issues de ces travaux de la seconde moitié du XIXe s. demeurent difficilement exploitables dans le cadre de recherche moderne, dans la mesure où il est impossible d’en rattacher le mobilier à des contextes précis.
Au début du XXe s., une nouvelle génération d’érudits poursuit les recherches entamées précédemment. Ces nouveaux travaux permettent de mettre au jour les premières données issues de zones d’habitat comme au Puy-du-Tour à Argentat (Corrèze)72 ou au Cluzel à Toulouse (Haute-Garonne)73, tous deux prospectés et fouillés dès les années 1906 et 1907. Parallèlement, les investigations sur les structures funéraires ne faiblissent pas. Dans les environs de Mont-de-Marsan (Landes), P.-E. Dubalen met au jour de nombreux tumulus dont la nécropole de la Lande Dupouy à Arboucave (Landes)74. Dans la région d’Arcachon, le Docteur B. Peyneau fouille plusieurs ensembles de tumulus et de tombes plates à Mios (Gironde) qu’il publiera en 192675. Dans le département du Lot, A. Viré76, A. Lémozi77 et Niederlender78 mettent au jour un grand nombre de tumulus, alors que L. Joulin se concentre sur les découvertes funéraires des départements de Haute-Garonne et du Tarn79. Les publications qui en résultent, un peu plus rigoureuses, permettent une reprise, dans une certaine mesure, des données par l’archéologie moderne. Durant la période recouvrant les deux guerres mondiales, le nombre de découvertes diminue drastiquement. Seuls quelques sites sont explorés, notamment le tertre du Lac de Grésillé-La Forge à Souillac (Lot) par A. Viré80 ou la nécropole de Noutary à Carennac (Lot) fouillée par H. Derville et R. Pierron81. C’est dans ce contexte que se referme le premier chapitre de l’exploration du Premier âge du Fer dans le sud-ouest de la France.
En Espagne, la lecture des textes antiques et les cités qui s’y trouvent mentionnées incitent les premiers érudits à entreprendre des fouilles de terrain dès le XIXe s. C’est dans cette optique que commencent les premières excavations sur l’habitat de Numance (Soria)82. À la même période, comme d’autres pays européens, l’Espagne se dote d’institutions favorisant les recherches sur son passé comme en témoigne la fondation du Museo Arqueológico Nacional en 1867 par la Reine Isabel II. Les investigations sont alors le fruit de notables travaillant de manière isolée et qui rapportent leurs découvertes uniquement dans des carnets de notes personnel.
Ce n’est réellement qu’à partir de 1900 que les investigations des sites de l’âge du Fer et du peuple des Celtibère vont prendre leur essor. De 1900 à 1919, ce ne sont pas moins de 24 sites ayant livré du mobilier de parure qui sont mis au jour et fouillés (fig. 3). Ces découvertes se concentrent en premier lieu sur les vestiges visibles dans le paysage, comme les nécropoles de tombes plates, reconnaissables en surface par la présence de structures d’entourages en pierre et de stèles de signalisation, mais aussi les habitats de hauteur identifiables par leurs fortifications et les fondations de murs en pierre partiellement conservées en élévation.
L’on doit à E. Aguilar y Gamboa, Marquis de Cerralbo, les tout premiers travaux exhaustifs sur les nécropoles des bassins versants supérieurs du Tage et du Jalón, dans les provinces de Soria et de Guadalajara. Aristocrate et politicien, il se consacre pleinement à l’archéologie, toutes périodes confondues, dans les dernières décennies de sa vie. En 1911, il entreprend les fouilles de l’impressionnante nécropole de El Altillo (Aguilar de Anguita, Guadalajara) et exhume environ 1 100 sépultures en fosse83. Inscrivant ses investigations dans la dynamique européenne de l’archéologie celtique84, le Marquis de Cerralbo partage les résultats de ses recherches avec de grandes figures scientifiques du moment telle que J. Déchelette85. Dans les années qui suivent, il poursuit ses travaux sur de nombreux sites funéraires et réalise, entre autres, les fouilles des nécropoles d’El Tesoro à Carabias (Sigüenza, Guadalajara), de Navafría à Clares (Maranchón, Guadalajara) ou encore d’Alpanseque (Soria) (fig. 5). Malheureusement, si le nombre de sépultures mises au jour en l’espace d’une décennie par le Marquis de Cerralbo est impressionnant86, sa démarche dénote un empressement certain à constituer rapidement de nouvelles collections. À sa mort, il ne laisse dernière lui que des carnets de notes et l’ensemble des objets mis au jour, conservés aujourd’hui au Museo Arqueológico Nacional. Ses investigations se sont faites au détriment d’une certaine rigueur scientifique, faisant fi des contextes funéraires, ce qui rend l’exploitation de ces découvertes difficile, voire impossible, de nos jours87.
À la même période, de jeunes chercheurs entreprennent l’exploration de sites d’autres régions du nord de l’Espagne. De 1902 jusqu’à 1914, J. Cabré Aguiló mène les premières fouilles sur les habitats de hauteur de San Antonio88 et de Tossal Redó (Calaceite, Teruel)89. Il publie en partie les résultats de ses travaux, notamment à l’occasion des Catálogo Monumental de l’Espagne pour lesquels il rédige les volumes concernant les provinces de Teruel90 et de Soria91. Dans la province de Teruel, J. Cabré Aguiló est épaulé par P. Bosch Gimpera qui mène également des fouilles sur des habitats ou des sites funéraires. Avec le soutien de l’Institut d’Estudis Catalans, fondé à Barcelone en 1906 et qui se dote d’une section historico-archéologique dès 1911, P. Bosch Gimpera explore notamment les habitats de Escodinas Bajas et de San Cristóbal (Mazaleón, Teruel), ainsi que le tumulus de Mas de Flandi (Calaceite, Teruel)92. Plus à l’Ouest, B. Taracena mène des prospections dès les années 1920 ce qui donne lieu aux fouilles des habitats d’El Castillejo (Renieblas/Fuensaúco, Soria), du Castro del Zarranzano (Almarza, Soria) ou de la nécropole de la Mercadera (Rioseco de Soria, Soria)93.
Il poursuivra ses investigations de terrain jusqu’au milieu des années 1940, ce qui lui offrira la possibilité de publier la Carta Arqueológica de España, Soria, ainsi que de fonder le “service de fouilles archéologie” Institut de Principe de Viana et sa revue Principe de Viana94. La mise en place de ces cadres scientifiques plus rigoureux qu’auparavant a une influence sur les recherches archéologiques du nord de l’Espagne au cours des décennies suivantes.
En résumé, en France comme en Espagne, les résultats des fouilles menées à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe s. demeurent difficiles à étudier de nos jours tant les données qui nous sont parvenues restent lacunaires, état de fait regrettable au regard de la quantité exceptionnelle d’informations qui ont été extraites du sol et qui sont à jamais perdues. Toutefois, ces travaux effectués en l’absence totale de chronologies fiables et dont la méthodologie de fouilles progressait au gré des nouvelles découvertes reflètent les aléas nécessaires d’une discipline naissante.
Les fouilles de 1950 à 1980
À la suite des deux conflits mondiaux et du quasi-abandon de l’investigation archéologique, les fouilles de terrain en France ne reprennent réellement qu’à partir des années 1950 avec quelques découvertes fortuites95, ou par l’exploration des premières grottes dans le Quercy96. Bien que peu nombreuses, ces quelques découvertes suffisent à raviver l’engouement pour l’archéologie protohistorique régionale, en témoigne l’accroissement significatif du nombre de sites fouillés lors de la décennie suivante.
Les recherches archéologiques durant les années 1950 à 1980 sont le fruit de bénévoles qui, à la manière de leurs aînés, fouillent et prospectent dans les limites de leur département. Citons notamment les travaux de R. Coquerel et J. Seigne dans les Pyrénées-Atlantiques, R. Arambourou dans les Landes, Y. Marcadal et A. Jerebzoff en Lot-et-Garonne, M. Sireix et A. Coffyn en Gironde, J. Gomez de Soto en Charente, C. Chevillot en Dordogne et en Haute-Vienne, J.-L Couchard en Corrèze, J. Clottes et M. Lorblanchet dans le Lot, J. Lautier dans le Tarn et enfin A. Müller et A. Soutou en Haute-Garonne. Cet ancrage géographique leur permet de suivre le déroulement de nombreux travaux agricoles ou urbains et par là-même, de faciliter le signalement de vestiges archéologiques. Cette période aussi voit l’apparition des fouilles de sauvetage, au cours desquelles les chercheurs tentent d’enregistrer les informations vouées à la destruction. C’est dans ces conditions que J. Seigne fouille les nombreux tertres du Pont-Long (Pyrénées-Atlantiques) menacés par le défrichement massif de la lande environnante au profit de sa mise en culture97 ou que M. Lorblanchet exhume en urgence les restes de l’habitat de plaine de La Salvate à Couzou (Lot) en cours de destruction par l’exploitation d’une carrière98. À ces fouilles de sauvetage s’ajoutent des prospections systématiques au sol à Chalucet (Saint-Jean-de-Ligoure, Haute-Vienne) par C. Chevillot99 ou sur le Plateau du Rougé à Montans (Tarn)100 notamment. Dans bien des cas, les nouvelles méthodes de reconnaissance des vestiges permettent aussi d’engager de véritables opérations de fouilles programmées durant plusieurs années, comme pour la nécropole de La pierre levée à Chenon (Charente)101, celle du Frau à Cazals (Tarn-et-Garonne)102, ou encore la nécropole d’Arihouat à Garin (Haute-Garonne)103. Les méthodes de fouilles “semi-professionnelles” et les publications détaillées de ces chercheurs locaux redessinent les contours de l’occupation du territoire au Premier âge du Fer.
En Espagne, il n’existe pas de véritable rupture dans les investigations de terrain entre les années 1940 et 1950 comme c’est le cas en France. Le début de la seconde moitié du XXe s. est marquée par la poursuite des travaux engagés les années précédentes. Sur l’habitat d’Alto de la Cruz et sa nécropole associée La Atalya (Cortes, Navarre), J. Maluquer de Motes prolonge jusque dans les années 1960 les fouilles entamées par B. Taracena quelques années plus tôt104. Il faut attendre le début des années 1960 pour que des prospections révèlent plusieurs nouveaux gisements, comme l’haMaluquer de Motes et al. 1990, 11 ; Castiella Rodrígyez 2005.bitat de hauteur de Cabezo de Chinchon (La Almunia de Doña Godina, Saragosse)105. La seconde moitié des années 1970 prolongeront ce dynamisme avec les fouilles programmées de la nécropole de Prados Redondos à Sigüenza (Guadalajara)106 ou de l’habitat de hauteur de Los Castros de Lastra à Valdegovía (Álava)107.
Les investigations de A. Llanos et A. Fariña en Álava, A. Castiella Rodríguez en Navarre, M.-L. Cerdeñó à Guadalajara, R.-I. Royo Guillén et F. Burillo Mozota à Saragosse et V. Baldellou à Huesca démontrent que les chercheurs espagnols rayonnent toujours dans le strict cadre de leur province. Si certains d’entre eux sont bénévoles, quelques-uns opèrent dans le cadre de missions officielles d’études patrimoniales. Les musées d’histoire et d’archéologie, qui sont créés alors dans plusieurs provinces tels que le Musée de Navarre à Pampelune, mandatent des chercheurs pour préserver, inventorier et mettre au jour des vestiges. Dans le même temps, les universités mettent en place des sections dédiées à l’étude de l’archéologie et c’est dans ce cadre que A. Castiella Rodríguez fouille notamment l’habitat de plaine de La Custodia (Viana, Navarre)108. En parallèle est fondée La Commission des Fouilles et de l’Archéologie par l’Institut de Principe de Viana, à laquelle participent des chercheurs du Département d’Archéologie de l’université de Navarre109. La création de cadres institutionnels de recherche et la nouvelle documentation mise au jour par cette génération de jeunes chercheurs engendrent des revues scientifiques dédiées à la publication des résultats de terrain et à leurs interprétations : Caesaraugusta en 1954, Trabajos de Prehistoria et Estudios de Arqueología Alavesa dans les années 1960, Wad-Al-Hayara, Cuadernos de Estudios Borjanos dans les années 1970 et le Boletín del Museo de Arqueológico Nacional, le Boletín del Museo de Zaragoza ainsi que Kalathos au tout début des années 1980. Si elles n’égalent pas la rédaction de rapport détaillé – pratique quasi inexistante à cette période – la publication d’une partie des données de terrain dans ces revues facilite la reprise a posteriori des travaux des années 1960 et 1970.
Les fouilles de 1980 à nos jours
En France, entre les années 1980 et 1990, la prise de conscience des pouvoirs publics de la destruction du patrimoine archéologique par l’aménagement du territoire entraine la création d’institutions et de cadres législatifs limitant la perte d’information et le pillage des vestiges. Cette politique amène à une professionnalisation de l’archéologie qui se concentre alors sur l’enregistrement et la préservation des vestiges mis au jour lors de travaux d’aménagement. Ce phénomène se traduit par la surreprésentation des fouilles de sauvetages, que l’on nommera par la suite “fouilles préventives”, et par la réalisation de sondages ou de tranchées de vérification. Toutefois, ces nouvelles opérations ne se distribuent pas de façon équitable sur les quarante dernières années. En effet, l’on constate que les années 1990 constituent une période faste pour la découverte de nouveaux sites (fig. 3). Ce dynamisme est à mettre au crédit des grands projets autoroutiers tels que ceux de l’A89, entre Gironde et Limousin, et de l’A20 reliant le Tarn-et-Garonne à la Haute-Vienne. C’est dans ce contexte que sont fouillées notamment les nécropoles des Plaines à Cayrac et du Camp d’Alba à Réalville dans le Tarn-et-Garonne, l’habitat de Combe Fages II à Loupiac dans le Lot ou le tumulus de La Laubie à Saint-Angel en Corrèze110. La surveillance de travaux va également permettre d’appréhender des zones peu, voire jamais, fouillées jusqu’alors. C’est à cette période que l’on découvre dans les centres urbains des occupations pouvant remonter au Premier âge du Fer, comme sous le bâtiment des Services Fiscaux ou à l’Îlot Chabrefy à Angoulême (Charente), sur la place Vigan à Albi (Tarn) ou sous le Grand Hôtel à Bordeaux (Gironde)111. Les périphéries des agglomérations et l’aménagement de ZAC révèlent également de nombreuses découvertes dont la nécropole du Causse à Labruguière (Tarn) et ses 1 113 sépultures sont l’exemple le plus significatif112.
Si ces quatre dernières décennies sont marquées par la prédominance des opérations préventives, des fouilles programmées continuent d’être organisées, incarnée notamment par les opérations récentes du site habitat de plaine de l’Isle-Saint-Georges en Gironde ou de l’habitat de hauteur de Cordouls à Puylaurens dans le Tarn113.
La professionnalisation de l’archéologie en France a considérablement augmenté la qualité des données disponibles grâce à la rédaction de rapports détaillés et à la contextualisation des vestiges. Signalons cependant que si les fouilles préventives ont permis d’exhumer un grand nombre de sites non reconnus jusqu’alors, les limites de la fenêtre observable du terrain, liées à l’emprise de l’aménagement futur, offrent rarement la possibilité d’appréhender un site dans sa globalité.
Contrairement à la France, les fouilles menées sur de nouveaux gisements ont connu un certain un ralentissement ces quarante dernières années en Espagne. Ce fait est dû à un encadrement des travaux archéologiques fondamentalement proche de celui de la période précédente. En effet, malgré une nouvelle organisation territoriale et le transfert des compétences aux provinces autonomes qui s’opère au cours des années 1990, les recherches archéologiques sont toujours organisées par les universités, et dans une moindre mesure par les musées114. Les recherches universitaires et leurs projets scientifiques donneront lieu à des fouilles programmées, comme les nécropoles de Molina de Aragón à Prados Redondos et de El Molino à Herrería (Guadalajara), explorées par M.-L. Cerdeño115. Quelques-unes de ces opérations s’inscrivent également dans des programmes de mise en valeur de patrimoine qui sont fréquents durant les années 1990. Ils font l’objet de restauration en vue de leur mise à disposition au grand public, comme c’est le cas de l’habitat de hauteur d’El Ceremeño à Herreríà, lié à la nécropole de El Molino116. Les universités lancent également des programmes de reconnaissance de nouveau gisement. Si ces travaux donnent des résultats positifs, avec l’augmentation du nombre d’habitats de plaine signalés, peu d’entre eux mènent à de véritables fouilles de terrain117. Bien souvent, ils constituent en de simples prospections de surface comme sur l’habitat de La Huesera à Mélida (Navarre) ou, dans le meilleur des cas, en de petits sondages ponctuels à la manière de ceux effectués sur le site d’El Turmielo à Aragoncillo (Guadalajara)118.
Cependant, ces quatre dernières décennies voient tout de même la réalisation de fouilles de sauvetage. C’est dans cette optique qu’est mise au jour la nécropole tumulaire de Cabezo de Ballesteros à Épila (Saragosse) menacée par l’avancée de l’urbanisation dans les années 1980. Les travaux réalisés dans les centres urbains permettent également l’exploration de vestiges comme la nécropole tumulaire de l’Avenida Martínez de Velasco découverte sous les restes de la ville antique de Huesca (Huesca)119. Cette opération, effectuée avec le concours du Museo de Provincial de Huesca, montre qu’entre les années 1980 et le début des années 1990, ces fouilles d’urgences passent toujours par les canaux institutionnels classiques de l’archéologie, à savoir les universités et les musées. Ce n’est que depuis une vingtaine d’années environ que les besoins croissants de fouilles de sauvetage aient aboutit à la création d’entreprises spécialisées. Elles mènent aux premières fouilles préventives, comme celles effectuées sur l’importante nécropole de El Castillo à Castejón (Navarre) ou sur l’habitat de Cabezo de la Cruz à La Muela (Saragosse)120.
Malgré ces nouvelles méthodes exploratoires, on note une baisse d’activité de terrain, ce qui a poussé les chercheurs à entamer un travail d’inventaire des collections anciennes. Citons notamment l’étude de la documentation du Marquis de Cerralbo concernant la nécropole d’El Altillo à Aguilar de Anguita (Guadalajara), l’inventaire des sépultures de la nécropole de La Atalaya à Cortes (Navarre) fouillée par B. Taracena et reprise par Castiella Rodríguez ou la publication des carnets de fouilles de J. Cabré Aguiló sur la nécropole de Cabezo de Alcalá à Azaila (Teruel)121. Bien que confrontés aux lacunes de l’enregistrement, ces travaux ont le mérite de rééditer des informations peu accessibles ou que l’on pensait perdues.
Dans l’ensemble, les quarante dernières années de recherches de terrain en Espagne sont marquées par des méthodes de fouilles dont la qualité est à même de fournir des données aisément exploitables. Malheureusement, dans la pratique, ces opérations récentes souffrent dans bien des cas d’un déficit de publication rendant difficile un travail d’inventaire précis. À l’exception de quelques publications, notamment celles des sites de la province de Guadalajara fouillés par M.-L. Cerdeño mentionnés plus haut ou de la nécropole d’El Castejón à Arguedas (Navarre)122, la majorité des articles ne présentent que des données lacunaires. Remarquons toutefois que les publications issues des fouilles préventives réalisées depuis le début du XXIesiècle tendent à effacer ces carences123.
Bilan. Quel impact sur l’étude de la parure ?
L’analyse des méthodes de fouilles qui ont animé la recherche protohistorique durant plus d’un siècle et demi en France et en Espagne éclaire sur la constitution des collections disponibles aujourd’hui et sur la valeur des informations qu’il est possible d’en extraire. Pour autant, si les dynamiques de découverte et les méthodes de fouilles peuvent constituer des points de convergence entre la recherche des deux pays, cette étude met aussi en lumière de nettes différences dans l’accessibilité des données.
En France comme en Espagne, on constate qu’une partie non négligeable des collections provient de fouilles réalisées avant 1950. On ne reviendra pas sur les soucis évidents que posent les résultats de ces excavations trop souvent dénués de contextes fiables. Fort heureusement, on a pu constater en France l’augmentation significative des fouilles de sauvetage ou préventives ces dernières décennies, offrant la possibilité de contrebalancer les carences issues des découvertes anciennes. Les fouilles menées notamment sur les nécropoles de Loustalet à Pouydesseaux (Landes), de Grand Jean à Aiguillon (Lot-et-Garonne) ou celles du Castrais (Tarn) ont permis d’augmenter considérablement la documentation124. Ces opérations ont été suivies de publications ou de rapports détaillés rendant possible une reprise des données de fouilles. Par leur qualité, elles constituent des références sur lesquelles peut s’appuyer une analyse des phénomènes chronologiques, géographiques, économiques ou sociétaux, étendue à un plus large territoire. Malheureusement, à ce jour, on ne peut que déplorer la rareté de ces types d’opération de terrain pour le contingent espagnol. Ainsi, à l’exception des quelques fouilles de nécropoles réalisées depuis les années 1990 pourvues d’une bonne documentation, celles effectuées dans le courant des décennies 1970 et 1980 souffrent de véritables lacunes en matière de données contextualisées.
Mise en place des cadres chrono-culturels régionaux
L’augmentation des découvertes au cours du XXe s. a autorisé les archéologues à continuellement formuler des hypothèses quant aux aspects chronologiques et culturels des vestiges mis au jour. Chaque nouvelle découverte a incité à redéfinir les cadres théoriques du Premier âge du Fer régional125.
Le diffusionnisme des premières synthèses du XXe s.
Après la publication des travaux de J. Déchelette au début du siècle, on a tenté de rattacher les découvertes archéologiques de l’âge du Fer aux grandes étapes de la protohistoire européenne récente.
A. Schülten est le premier à se saisir de cette problématique. À l’occasion de ses travaux consacrés au site de Numance, l’archéologue allemand cherche à percer l’ethnogenèse du peuple celtibère par une approche essentiellement linguistique126. Il formule alors un récit dans lequel des Celtes d’Europe centrale auraient quitté leur région pour occuper le nord de la péninsule à la fin du Hallstatt, vers le VIe s. a.C. Confrontés à l’avancée des Ibères par l’est, ces Celtes auraient été contraints de se déporter à l’ouest, exportant avec eux leur culture dans le reste de la péninsule. Entre les années 1920 et 1940, P. Bosch Gimpera, tentera de donner une réalité archéologique à ces hypothèses127. Il attribue l’apparition des sépultures des “Champs d’Urnes”128 du nord-est espagnol à une première vague d’invasion celtique venue d’Europe centrale (en Lusace : nord-est de l’Allemagne, Pologne et République Tchèque), qu’il date autour de 900 a.C. (fig. 6). Entre 800 et 600 a.C., une seconde vague voit de nouvelles populations hallstattiennes de la région de Gündlingen (Bade-Wurtemberg, Allemagne), porteuses de la céramique excisée, coloniser la vallée de l’Èbre et la Meseta après avoir traversée l’Aquitaine et les Pyrénées occidentales. Leur développement culturel à partir du VIe s. a.C. marquerait le début de la période “post-hallstattienne”. Au gré des nouvelles découvertes, Bosch Gimpera modifie sensiblement son modèle chrono-culturel et ajoute deux autres vagues d’invasion. La troisième serait le fait de Germains autour du 600 a.C. alors que la dernière, située vers 550 a.C., voit l’installation des “véritables” Celtes tels qu’ils sont connus durant toute la période laténienne.
Suivant les propositions de Bosch Gimpera, G. Fabre reconnaît dans sa thèse de 1952 intitulée Les civilisations protohistoriques de l’Aquitaine, trois phases distinctes pour le Premier âge du Fer (fig. 6)129. La première, datée de la fin du VIIe et du début du VIe s. a.C., voit l’invasion des peuples des “Champs d’Urnes” venus d’outre Rhin, comme chez Bosch Gimpera. Toutefois, G. Fabre propose qu’une branche issue de ce groupe se soit installée dans la vallée de la Leyre (Gironde), évitant scrupuleusement l’Aquitaine méridionale. Entre la fin du VIe et le Ve s. a.C., les peuples celtes du Rhin s’établissent dans toute la France mais n’occupent que ponctuellement le Sud-Ouest. Enfin, le passage au Seconde âge du Fer est marqué par la remontée des populations hallstattiennes de la vallée de l’Èbre en Aquitaine par les Pyrénées centrales. Ces peuples fondent alors la période la plus flamboyante de la culture hallstattienne qui hérite du nom de “Hallstatt prolongé”. Cette période voit la subsistance du faciès hallstattien mêlé à un fond culturel local entre le Ve et le IIe s. a.C.130.
Les travaux de A. Schülten, P. Bosch Gimpera et G. Fabre ont en commun l’idée selon laquelle tout changement observé s’explique nécessairement par des causes extérieures au fait étudié. Ce schéma de pensée découle du basculement de la réflexion théorique opéré durant la seconde moitié du XIXe s. Le concept de parallélisme et de loi d’évolution convergente qui fait que chaque société connaît des stades évolutifs similaires est remplacée peu à peu par l’idée de diffusion de traits culturels entre civilisations ou groupes humains. Popularisée sous le nom de “diffusionnisme” par l’archéologue G. Childe au début du XXe s., cette théorie conduit donc à percevoir toute innovation technologique ou stylistique par l’influence d’un centre producteur. Cette influence peut s’expliquer par l’installation de nouvelles populations dans un groupe ou par des migrations guerrières sur le modèle des “invasions barbares”. Ces idées sont déjà décelables dans les travaux des archéologues régionaux antérieurs, notamment lorsque E. Piette et J. Sacaze écrivent en 1879 que les tertres d’Avezac-Prat sont des : “[…] tombeaux de la race envahissante” venue de Belgique131, ou lorsque B. Peyneau assimile les sépultures de la vallée de la Leyre à celle du peuple des Boïens de Cisalpine et de Bohême132.
Un autre fait marquant dans ces synthèses est la référence constante aux populations d’Europe continentale. Ce constat s’explique principalement par le fait que dans ses importantes publications, J. Déchelette substituait aux termes “Premier” et “Second” âge du Fer utilisés jusqu’alors les périodes de “Hallstatt” et de “La Tène”. Ce faisant, cette terminologie remplace une valeur uniquement chronologique par des notions chronologiques, typologiques et surtout culturelles. Dans ce cadre, les changements observés dans la culture matérielle régionale et les similitudes rencontrées avec les objets d’Europe continentale ne peuvent s’expliquer que par la présence effective des détenteurs de cette culture d’origine sur un territoire éloigné. Peu à peu s’opère un glissement sémantique dans lequel les vestiges archéologiques ne sont plus liés à une culture qui se partage, mais à un peuple ou une ethnie, immuable. La définition de ces ethnies se cristalliserait notamment par leurs rites funéraires. Sur la distinction entre nécropoles tumulaires et nécropoles de tombes plates ; c’est-à-dire de “Champs d’Urnes”, J. Déchelette avait déjà eu l’occasion de s’exprimer :
“L’adoption de la tombe plate fut peut-être la conséquence de l’établissement des tribus sur un territoire conquis” puis d’ajouter : “Les grandes nécropoles à tombes plates, particulièrement en Champagne, dans la Bohême du nord comme dans la Gaule Cisalpine, appartiendraient à des tribus conquérantes, originaires des divers districts à tumulus hallstattiens”133.
Le rite des “Champs d’Urnes”, lié à une ethnie, est dissocié d’un simple facteur chronologique et l’on parle ainsi de “peuple des Champs d’Urnes”. Les archéologues s’appliquent alors à retracer l’itinéraire de ce peuple à travers le territoire à l’aide de vestiges distinctifs.
Le corollaire du modèle “invasionniste” est le retard culturel permanent des zones extérieures aux cultures nord-alpines d’origines, suivant la notion de “centre-périphérie”. Dans cette optique, il faut attendre l’arrivée de nouvelles invasions pour qu’apparaissent des changements technologiques, stylistiques ou culturels. Cette notion de retard s’illustre parfaitement par la proposition de “Hallstatt prolongé” de G. Fabre qui conclut qu’en l’absence de nouvelle invasion, l’Aquitaine continue d’être imprégnée d’un faciès hallstattien jusqu’au IIe s. a.C., là où le reste de la Gaule participe à la culture de La Tène. De plus, les synthèses proposées par les auteurs de la première moitié du XXe s. sont grevées par la faiblesse documentaire de leur époque. Aux rares vestiges disponibles s’ajoute la qualité déplorable des données à leur disposition. Les contextes sont rarement connus et les ensembles funéraires auxquels ils se réfèrent ne sont compris qu’à l’échelle du site ou, au mieux, d’un tumulus. Dès lors, la documentation a constitué un frein à la compréhension des cadres chronologiques.
La redéfinition des modèles théoriques des années 1950-1980
L’augmentation significative des découvertes entre les années 1950 et 1980 met peu à peu en lumière les inadéquations entre les modèles théoriques des précédentes synthèses et les observations de terrain134. C’est également durant ces décennies que les problématiques de recherche et les modèles chrono-culturels français et espagnols empruntent des voies divergentes.
1. L’essor de la pensée évolutionniste en France
La publication des travaux de J.-P. Mohen et A. Coffyn en 1970 concernant des nécropoles de la vallée de la Leyre peut constituer un premier jalon dans le remodelage des phases chronologiques et culturelles du sud-ouest de la France135. Les auteurs abandonnent totalement la notion de “Hallstatt prolongé” de G. Fabre qu’ils rattachent à une phase finale du Premier âge du Fer. Celle-ci débuterait vers 540 a.C. et prendrait fin “à l’arrivée de guerriers de La Tène I, vers 450”136. Les rites funéraires sous tumulus et des “Champs d’Urnes” sont redéfinis chronologiquement137. Enfin, l’association idéologique entre rites funéraires et ethnies est abandonnée : le rite des “Champs d’Urnes” est associé à une population sédentaire tandis que les tumulus témoigneraient de la présence de communautés pastorales semi-nomades et guerrières138.
La redéfinition de la notion de “Champs d’Urnes” est également présente à la même période dans les travaux de J. Guilaine139. Dans sa thèse intitulée L’âge du Bronze en Languedoc occidental, Roussillon, Ariège, il substitue à la notion d’invasion la notion d’acculturation via des relations de proche en proche. De fait, lorsqu’il identifie le faciès culturel de Mailhac I correspondant au Bronze final III, il intègre l’apparition du rite des “Champs d’Urnes” à un processus interne aux populations locales sur lequel se surimposent des influences méditerranéennes. Il préconise alors de remplacer le terme de “Champs d’Urnes” par celui de “nécropoles à incinération” afin d’éliminer toute valeur ethnique et “invasionniste”140. Le travail de J. Guilaine participe activement à l’émergence d’une pensée néo-évolutionniste en archéologie protohistorique qui s’oppose à la mouvance diffusionniste précédente. Dans ce cadre théorique, les similitudes constatées entre deux régions s’expliquent principalement par des échanges culturels ou commerciaux selon un mouvement de réciprocité. Il évince le facteur de déplacements de populations comme seul modèle interprétatif et évacue également toute notion de retards technologiques ou stylistiques liés aux distances géographiques entres les populations, promouvant au contraire une forme de synchronisme culturel.
C’est dans la continuité de ces recherches que J.-P. Mohen publie son importante synthèse en 1980141. Il redessine les cadres chrono-culturels du Premier et du début du Second âge du Fer du sud-ouest français et identifie neuf groupes culturels régionaux (fig. 7). Ces groupes trouvent leurs sources dans des dynamiques internes ne faisant plus intervenir des causes exogènes. À la manière de J. Guilaine, il amoindrit les influences d’Europe continentale au profit de celles venues du Languedoc et de l’Espagne142. La reconnaissance d’évolution des faciès culturels à l’intérieur de chacun des groupes lui offre l’opportunité de construire une périodisation générale pour l’ensemble du territoire étudié. Partitionné en cinq périodes, le phasage de J.-P. Mohen court entre 750 et 200 a.C.
Cependant, la caractérisation de ces phases n’est pas sans poser problème à l’auteur dans la mesure où la fin de l’âge du Bronze final et le début du Premier âge du Fer, couvrant ses périodes 0 et I, restent mal définies, tandis que sa période IV peine toujours à identifier une phase de transition entre le Premier et le Second âge du Fer. Cette périodisation souffre encore du manque de données de terrain à l’époque pour les périodes de transition du Premier âge du Fer. Ces lacunes se retrouvent dans la caractérisation des groupes culturels puisque ces derniers sont surtout établis par l’absence de données entre les groupes. Ainsi, les groupes culturels de J.-P. Mohen reflètent autant l’activité archéologique régionale que de réels faciès culturels. Toutefois, cette synthèse servira de cadre de références pendant de nombreuses années dans la région et les travaux qui suivront dans les années 1980 réemploieront en grande partie les résultats de J.-P. Mohen. On peut mentionner les recherches de R. Boudet sur l’âge du Fer récent dans le sud de l’estuaire girondin ou celles de J.-M. Séguier portant sur l’occupation du sol au sud albigeois (Tarn) à l’âge du Bronze et au Premier âge du Fer143.
Durant le troisième quart du XXe s., la redéfinition des cadres chronologiques mise en place grâce à une documentation plus riche, est marquée par une approche évolutionniste identifiant des dynamiques exclusivement internes aux population étudiées. Débarrassée de la recherche d’ethnies et de leurs mouvements, la question du “peuple des Champs d’Urnes” est abandonnée au profit d’une simple reconnaissance rituelle nommée “rite d’incinération en fosse” ou “rite d’incinération en tombe plate”144.
2. Remodelage du modèle diffusionniste en Espagne
Si les théories invasionnistes proposées par P. Bosch Gimpera ont eu un impact considérable sur la recherche protohistorique du nord de l’Espagne, elles ont aussi très tôt subi de vives critiques en raison de la place secondaire qu’elles donnent aux vestiges archéologiques au profit des sources linguistiques.
Au début des années 1950, M. Almagro Basch rattache les peuples méridionaux du sud de la France et du nord de l’Espagne à un même ensemble à partir de l’étude typologique du mobilier145. S’il évoque toujours l’invasion du “peuple des Champs d’Urnes” vers 900 a.C., il identifie cependant des changements internes pour les groupes installés, supprime l’hypothèse d’invasions ultérieures au Xe s. a.C. et révoque totalement la notion de “Post hallstattien” de Bosch Gimpera. Ses travaux auront une grande influence sur les problématiques de recherches des décennies suivantes. Bien que le modèle invasionniste et diffusionniste ne soit pas fondamentalement remis en cause, on pointe du doigt la nécessité de concentrer les efforts sur la reconnaissance de subdivisons chronologiques et culturelles internes. Ainsi, au début du des années 1960, l’étude du mobilier catalan et surtout de celui de la nécropole de Can Canyis (Banyeres, Tarragone) par S. Vilaseca permet de proposer un nouveau phasage chronologique du nord-est de l’Espagne146. Il réaffirme la migration de population celtique emportant la culture des “Champs d’Urnes” vers 1000 a.C. et met en lumière la présence d’un substrat local. Cependant, il émet quelques réserves en rappelant qu’il s’agit d’une culture décadente, se renouvelant seulement via des apports des populations d’Ampurdan et du sud-est de la France147.
Entre les années 1970 et 1990, M. Almagro-Gorbea approfondi ces problématiques et abouti à de nouvelles hypothèses148. Dans les régions de la péninsule occidentale et de la Meseta, les populations de l’âge du Bronze (Cogotas I149) s’intègrent dans la culture plus vaste du “Bronze Atlantique” par, entre autres, le rite du dépôt d’armes en milieu humide et par l’absence d’habitat fortifié150. Ces peuples constituent donc un substrat qualifié de “protocelte” présent sur le territoire depuis le deuxième millénaire avant notre ère. Les peuples plus au nord et à l’est de la vallée de l’Èbre se seraient constitués à partir de ce substrat sur lequel s’est greffée la culture des “Champs d’Urnes”, venue cette fois du Languedoc151. À partir de ces observations, Almagro-Gorbea propose un nouveau découpage chronologique en trois phases nommées : Champs d’Urnes anciens (1100-900 a.C.), Champs d’Urnes récents (900-700 a.C.) et Champs d’Urnes du Fer (700-500 a.C.), chacune segmentée en deux sous-périodes. Ainsi, les cultures celtiques de la moitié nord et ouest de l’Espagne seraient le fruit d’évolutions avant tout endogènes, puisque déjà présentes à l’âge du Bronze. La notion de “Champs d’Urnes”, perçue comme une migration, est fortement pondérée par l’identification d’un possible phénomène d’acculturation plus léger152. En 1985, G. Ruiz Zapatero réétudie les nécropoles du nord-est de l’Espagne et de la moyenne vallée de l’Èbre dans le cadre d’une thèse intitulée Los campos de urnas del NE. de la Península Ibérica153. Son analyse met bien en valeur les dynamiques internes à la manière de son prédécesseur mais échoue néanmoins à se défaire d’un modèle dans lequel les mutations des rites funéraires ne font pas intervenir un apport de populations extérieures. Enfin, les travaux de J.-L. Maya portant sur les sites du nord de la vallée de l’Èbre et ses affluents du piémont pyrénéen tendent à mieux définir le phénomène de “filtrage” de la culture des “Champs d’Urnes” dans le substrat local et sa progression vers l’ouest de la péninsule mais conserve malgré tout l’idée d’influences extérieures introduites par la venue de petits groupes exogènes154.
Ainsi, les recherches protohistoriques espagnoles du troisième quart du XXe s. ont suivi une approche théorique initiée par M. Almagro Basch et manifestent la volonté de leurs auteurs de proposer des cadres chronologiques à l’échelle d’un site ou d’une zone géographique plus restreinte. Malgré tout, ces études ont en commun de formuler des hypothèses bien différentes et souvent incompatibles entre elles.
Ces vingt dernières années
La professionnalisation de l’archéologie de terrain et l’emploi croissant de méthodes de datations absolues telles que le 14C ou la dendrochronologie, ont activement participé à une meilleure définition des cadres chronologiques durant ces vingt dernières années et notamment la caractérisation des phases de transition entre les trois âges des métaux155. Les débats portent essentiellement sur l’identification des phénomènes de rupture ou de continuité156.
1. Revalorisation de la place du Sud-Ouest français en Europe celtique
Au début des années 2000, les travaux de P.-Y.Milcent sur le Premier âge du Fer dans le centre de la France, puis les divers réajustements postérieurs ont permis d’aboutir à une tripartition de la période157. Les bornes de ce phasage du Premier âge du Fer sont comprises entre 800 et 425 a.C. et recouvrent donc la période de La Tène A ancienne (seconde moitié du Ve) issue de la chronologie allemande. Les partitions chronologiques de France centrale et d’Europe continentale étant souvent jugées insatisfaisantes pour la moitié sud de la France, les protohistoriens ont donc constamment cherché à mettre en place des phasages plus adaptés aux développements régionaux.
Dans les années 1990, les travaux réalisés dans le sud-est de la France à partir des résultats des fouilles des nécropoles du Moulin, de Grand Bassin I et II à Mailhac, du Peyrou à Agde ou de Saint-Julien à Pézenas ont abouti à un phasage distinct du modèle nord-alpin, notamment par l’identification d’une période de transition Bronze-Fer entre le début et le troisième quart du VIIIe s. a.C.158.
Pour le Sud-Ouest de la France, les parallèles avec les vestiges languedociens sont nombreux. Dès le milieu des années 1980, à l’occasion de la publication des fouilles de la nécropole d’Arihouat à Garin (Haute-Garonne), A. Müller mentionne les affinités entres les productions artisanales de Pyrénées centrales et celles de la nécropole de Grand Bassin I159. Ces similitudes s’accompagnent aussi du peu de changements majeurs observables lors de la phase de transition Bronze-Fer160. Lors de l’étude des nécropoles des Pyrénées occidentales et d’Aquitaine méridionale à partir des fouilles du tumulus d’Ibos, J.-M. Escudé-Quillet réaffirme les liens du faciès régional avec ceux du Languedoc et du nord de l’Espagne et tente de proposer un nouveau découpage chronologique, pour lequel il peine à distinguer des évolutions à l’intérieur du Ve s. a.C.161.
À partir des années 2000, quelques études qui se focalisent sur les périodes de transition. L’assimilation progressive des résultats d’opérations préventives de terrain offre la possibilité de redessiner les contours de ces phases et tend également à réinsérer le Sud-Ouest de la France dans les problématiques protohistoriques continentales. Pour le Bassin aquitain, une meilleure définition de la transition Bronze-Fer est proposée et voit l’abandon des habitats de hauteur au profit de ceux de plaine ou de moyen plateau, la mise en place des grandes nécropoles à incinération et la disparition des dépôts terrestres dès le VIIIe s. a.C.162. Dans le centre-ouest de la France et sur ses marges, cette période de transition se distingue par une tendance au régionalisme, principalement perçue dans les formes céramiques et par l’apparition des tombes guerrières163. Le passage du Premier au Second âge du Fer fait lui aussi l’objet d’une remise en question. En Gironde, les données récentes tendent à confirmer les affinités culturelles du nord du département avec les faciès du Centre-Ouest. Cependant, la période de transition du Premier au Second âge du Fer est marquée par l’apparition graduelle de productions céramiques et métalliques venues du sud du département et plus largement d’Aquitaine méridionale et de Navarre164. En Centre-Ouest, la documentation semble indiquer que cette transition ne marque pas de rupture. Les formes céramiques demeurent stables et le passage au Second âge du Fer se perçoit surtout par l’apparition de mobilier métallique laténien au milieu Ve s. a.C., comme certains types de fibules ou d’agrafes de ceintures165. Ce constat entraîne diverses questions sur la place des populations du Centre-Ouest vis-à-vis de celles de France centrale et de l’est, de culture laténienne plus franche. Il rompt avec le modèle de “Centre-Périphérie” employé jusqu’alors dans lequel les productions jugées typiquement laténiennes se “diffusent” et s’exportent d’Europe continentale vers l’ouest. Les populations de l’Ouest, regroupées sous le terme de “complexe médio-atlantique”, ne sont plus nécessairement perçues comme débitrices des modifications stylistiques du complexe nord-alpin, mais au contraire participent pleinement à un réseau d’échange mutuel, comme le laisse penser l’adoption concomitante, voire plus précoce, de mobilier laténien166.
Ainsi, l’ensemble des travaux de ces dernières années dans le Sud-Ouest de la France participent à la revalorisation de la place des régions occidentales dans l’âge du Fer européen.
2. Le phénomène Celtibère et ses marges
Dans la continuité des problématiques élaborées précédemment, plusieurs recherches du début des années 1990 portent sur la caractérisation des dynamiques internes au nord-ouest de l’Espagne. Nombreuses d’entre elles s’intéressent tout particulièrement à la phase de transition entre la culture de Cogotas I du Bronze final et la culture des “Champs d’Urnes” : la culture Cogotas perdurerait au moins jusqu’à la fin du IXe s. a.C. avant de céder la place à la dynamique culturelle des “Champs d’Urnes”167. Cependant, ce modèle demeure insatisfaisant en l’état dans la mesure où celui-ci crée un vide de près de cent cinquante ans entre la fin supposée de Cogotas I vers 850 a.C. et l’inclusion des “Champs d’Urnes” dans cette région vers 750-700 a.C.168.
Ces dynamiques de recherche ont amené les protohistoriens à se concentrer sur le “complexe” celtibère169. Le nom de “celtibère” recouvre un ou plusieurs peuples situés à l’ouest des Ibères de Catalogne170. Les protohistoriens identifient le peuple Celtibère par la conjugaison des études linguistiques, épigraphiques, archéologiques et historiques. Les limites géographiques des Celtibères, bien que toujours sujettes à discussion, se trouvent globalement centrées dans le système Ibérique et ses marges, sur un territoire moins vaste que celui évoqué par les auteurs antiques171.
La première publication en 1997 de Los Celtíberos par A. Lorrio marque un jalon important dans l’étude des Celtibères172. Cette synthèse brosse un tableau global du phénomène celtibère et identifie quatre phases chronologiques, dont trois concernent le Premier âge du Fer. La période appelée “Protoceltibère”, datée entre 850/800-600 a.C., se caractérise par la continuité partielle des faciès du Bronze final et par des habitats ouverts aux unités domestiques circulaires. La période “Celtibère ancien” qui débute à partir du 600 a.C., s’amorce par l’introduction des objets en fer dans les sépultures et par des habitats de hauteur fortifiés, les “castros”173. À partir de 450 a.C. débute la période du “Celtibère plein” durant laquelle le plan des castros à rue centrale et habitations rectangulaires se généralise tandis que les sépultures à panoplies militaires se retrouvent en grand nombre jusque vers 220 a.C. Cette périodisation distingue également trois faciès culturels au sein de l’entité celtibère grâce à l’examen des panoplies funéraires à armement : Haut-Tage, Haut-Jalón et Haut-Douro (fig. 8). Malgré un modèle qui peine à reconnaitre clairement les contours de la phase ancienne du Premier âge du Fer, A. Lorrio affaiblit fortement les influences de la culture des “Champs d’Urnes” et assimile le développement de la culture celtibère plutôt à la pérennité du substrat local hérité de la culture de Cogotas du Bronze final174.
En marge du phénomène celtibère, au nord et à l’ouest, dans les provinces des Navarre et d’Álava, les recherches se sont faites plus discrètes. En Navarre, les indices chronologiques proviennent principalement des données de fouilles de l’habitat d’Alto de la Cruz à Cortes. La périodisation de son occupation découpe en trois grandes étapes l’intervalle 850-350 a.C.175. De même, pour la province d’Álava, l’occupation sans interruption de l’habitat de La Hoya à Laguardía entre le Bronze final et le IIIe s. a.C. offre une chronologie des faciès régionaux au Premier âge du Fer176. L’étude de ces sites semble indiquer que jusqu’au VIIIe s. a.C., il existe un substrat culturel local bien identifié par les formes céramiques dans lequel on perçoit quelques incursions de type Cogotas I en Navarre méridionale provenant de la Meseta. À la fin de ce siècle, la région est marquée par la disparition progressive des influences du Bronze Atlantique au profit des faciès de la culture des “Champs d’Urnes” venue des Pyrénées orientales. C’est durant cette étape de la transition Bronze-Fer que naissent les premiers castros. Au VIIe s. a.C., alors que débute réellement le Premier âge du Fer, ces habitats sont identifiables par leur taille et par leur organisation interne. Les types de céramiques de la moyenne vallée de l’Èbre se singularisent et forment un faciès culturel spécifique177. Durant le Ve s. a.C., la plupart des castros sont abandonnés ou détruits, coïncidant avec une instabilité politique dans toute la région. Le début du IVe s. a.C. marque le passage au Second âge du Fer et correspond également à une diffusion généralisée du fer dans l’artisanat et à l’accroissement des panoplies militaires, le tout assimilé à une “celtibérisation” de la région.
La caractérisation des Celtibères et de leurs dynamiques culturelles internes ont permis la mise en place d’un cadre chronologique mieux défini au cours de ces vingt dernières années. Toutefois, la question des “Champs d’Urnes” et de sa définition semblent encore porter à confusion et fait toujours l’objet de vives discussions. Si pour certains, le terme recouvre un critère culturel d’origine languedocienne ayant eu peu d’influence au regard d’un développement local de plus grande importance178, pour d’autres, il caractérise toujours une population venue du centre de l’Europe pour s’installer dans le nord de la péninsule179.
De nouvelles perspectives
À l’issu de cette rapide synthèse des travaux menés dans le sud-ouest de la France et le nord-ouest de l’Espagne, se dégage le sentiment que dès le milieu du XXe s. apparaissent de profondes disparités dans les hypothèses de peuplement. Malgré de réelles similitudes dans les cultures matérielles observées de part et d’autre des Pyrénées, les protohistoriens régionaux ont eu tendance à travailler de manière isolée, aboutissant, de fait, à des conclusions divergentes pour lesquelles l’identification de faciès et de leur rythme d’apparition paraissent peu compatibles entre elles. Dès lors, on ne peut que déplorer qu’aucune harmonisation chronologique, pas plus que de réelles réflexions sur la nature des contacts entretenus entre les populations occupant les deux versants, n’aient été engagées.
Au-delà de ces traditions de recherches nationales considérées dans leur ensemble, on a pu remarquer que le mobilier de parure a souffert d’une relative méconnaissance alors même que cette catégorie d’objet se prête à une analyse croisée des données. Le traitement analytique réservé aux parures s’est contenté de quelques typologies (principalement des fibules et, dans une moindre mesure, des agrafes de ceinture) et n’a jamais dépassé ce stade. Depuis, de nouvelles opérations de terrain et la publication de travaux récents rendent nécessaire un réexamen des informations disponibles.
Plusieurs objectifs de travail paraissent alors prioritaires pour proposer une analyse raisonnée des parures du sud-ouest de la France et du nord-ouest de l’Espagne au Premier âge du Fer.
Le premier relève d’une démarche visant à rendre disponible des données largement méconnues ou oubliées de la recherche protohistorique. Côté français, les travaux sur les parures se sont interrompus avec la publication de J.-P. Mohen dans les années 1980 alors même que cette synthèse reposait majoritairement sur les collections produites à la fin du XIXe et au début du XXe s. Côté espagnol, les recherches de ces dernières années se sont concentrées sur des ensembles plus localisés à l’échelle d’un site ou d’une région, délaissant quelques peu le mobilier de parure pour se concentrer sur des thématiques plus générales. Tous ces éléments ont engendré une vision fortement lacunaire du mobilier de parure découvert. En conséquence, la constitution d’un catalogue des parures découvertes de part et d’autre des Pyrénées dépasse la seule conception d’un outil scientifique et doit tendre ouvertement à une forme d’exhaustivité, devançant les notions de valeur des informations et d’utilisation d’un jeu de données dans le cadre d’une synthèse.
Le deuxième concerne l’aspect chronologique du mobilier. Après avoir esquissé un rapide tableau des cadres chronologiques employés de part et d’autre des Pyrénées, de fortes disparités sont là encore mesurables (fig. 9). Cela se traduit par l’utilisation de chronologies très régionalisées, qui, si elles découlent d’une démarche scientifique saine, sont également le fruit d’un isolement des recherches entreprises jusqu’à présent. En l’état, les phasages chronologiques proposés demeurent discutables dans la mesure où ils rendent compte des rythmes d’apparition de faciès culturels similaires à des moments distincts et/ou qu’ils sont établis sur des vestiges qui ont connu ces dernières années de nombreuses révisions chronologiques. Dans ce contexte, la redéfinition d’un cadre chronologique commun à l’ensemble des parures de la zone d’étude doit être une condition première à une étude transpyrénéenne. Ce réexamen ne doit pas faire l’économie d’une analyse typo-chronologique détaillée des parures dont les résultats viendront nourrir la mise en séquence des ensembles funéraires dont elles proviennent. Cette polarisation sur les ensembles funéraires n’est pas anodine puisque l’on a pu déterminer que les sites funéraires sont omniprésents dans la zone d’étude et que ce type de structure offre un cadre propice à la caractérisation fine d’un phasage chronologique.
Enfin, le troisième objectif est de dépasser une démarche purement comptable et ordonnée des informations pour toucher des sujets plus vastes ayant trait à des notions culturelles et sociales. L’identification d’entités culturelles régionales n’a que rarement fait appel à l’étude du mobilier de parure, ce qui a pour conséquence une connaissance partielle des répartitions de cette catégorie de mobilier. De plus, la reconnaissance de ces groupes régionaux s’est fondée sur des schémas de pensée biaisés ou datés, faisant intervenir au mieux des échanges commerciaux ou dans le pire des cas, le déplacement effectif des porteurs de cette culture. Dès lors, une synthèse macro-spatiale actualisée usant d’outils de cartographie offre l’opportunité de reconnaitre les limites territoriales de certains faciès culturels et de redessiner la nature des contacts entre les populations des deux versants des Pyrénées. Ensuite, à une échelle micro-spatiale, l’analyse des costumes funéraires et la place des parures au sein des sépultures amène à discuter du statut social des porteurs de parures à l’intérieur des communautés.
En somme, l’étude des parures permet de mettre en place diverses approches méthodologiques afin de répondre à de nombreuses interrogations d’ordres chronologiques, typologiques, géographiques et culturels, trop longtemps mises de côté par l’absence de synthèses récentes dans la région.
Méthodologie : quelques précisions
La démarche première a été de définir le terme de “parure”. L’objectif étant d’obtenir une vision globale du mobilier de parure, a été retenu pour ce travail l’ensemble des objets dont le caractère ornemental tient une place prépondérante dans la caractérisation de l’objet et pouvant se superposer à sa nature fonctionnelle. Suivant cette définition, on obtient un inventaire large de la parure protohistorique que l’on peut diviser en deux grandes familles : les parures vestimentaires (ou fonctionnelles) et les parures ornementales (fig. 10). Toutefois, des questions se sont posées quant à l’intégration de certains objets à l’étude. Ces doutes portent sur les fils enroulés, les parures pectorales (ou plastrons) et les objets que l’on nomme “boutons” coniques (ou “cônes launaciens”). Si leur identification demeure sujette à discussion, ils démontrent un caractère ornemental indéniable par leur forme et/ou par la présence d’un programme décoratif. N’ayant jamais fait l’objet d’études poussées, l’ajout de ce mobilier est l’occasion de discuter de leur identification et de leur appartenance à la catégorie des parures.
Comme il a été mentionné en amont, les études consacrées entièrement aux objets de parures sont quasi inexistantes sur la zone géographique considérée. À ce titre, la mise en place d’un catalogue exhaustif passe nécessairement par un dépouillement minutieux de la bibliographie disponible. Bien que cette démarche soit tout à fait commune, elle se doit cependant d’être succinctement détaillée ici dans la mesure où le corpus s’étend sur deux pays aux traditions de recherche divergentes.
Pour la France, lorsqu’il s’agit d’établir un inventaire des sites ou des découvertes isolées par département, les Cartes Archéologiques de la Gaule, les Bilans Scientifiques Régionaux, les rapports de fouilles, les nombreux articles publiés dès les années 1960 et 1970 sur des découvertes contemporaines ou anciennes et les divers travaux de synthèse plus récents déjà cités constituent l’arsenal documentaire indispensable pour tout chercheur par la présence quasi-systématique d’inventaires détaillés180. Bien que parfois incomplètes, ces sources bibliographiques permettent de couvrir un large spectre d’informations contextualisées et documentées. Concernant l’Espagne, l’obtention de données demeure plus délicate. En premier lieu, la publication de cartes archéologiques est bien moins systématique. En dehors de celle éditée par B. Taracena au début des années 1940 pour la province de Soria181, seules quelques-unes ont été réalisées pour les provinces de Teruel, Guipuscoa, Huesca, Soria et Alava dans les années 1980182. Pour obtenir une image d’ensemble, il faut alors se tourner vers les travaux de synthèse comme ceux déjà cités de W. Schüle, J.-I. Royo Guillén, de J.-J. Enriquez Navascues, de G. Ruiz Zapatero, de P. Capril, de J.-L. Argente Oliver ou d’A. Lorrio183. Cependant, toutes ces publications ne proposent pas toujours un inventaire contextualisé du mobilier mis au jour, ou, lorsque c’est le cas, ce dernier n’est pas nécessairement accompagné de planches184. On peut également déplorer que la majorité des publications des années 1960 à la fin des années 1980 s’attachent principalement à proposer des interprétations théoriques des données sans les avoir cataloguées et situées au préalable. Fort heureusement, à partir des années 1990, on peut compter sur des travaux plus complets185.
Dès lors, l’acquisition des données et leur qualité sont sensiblement différentes selon que l’on travaille sur celles provenant de France ou d’Espagne. S’il subsiste toujours des manques de part et d’autre des Pyrénées, on ne peut que constater que le mobilier issu des sites français est mieux documenté dans la bibliographie que celui provenant des sites espagnols.
Afin de combler ces lacunes documentaires, il était nécessaire d’étudier directement les collections de mobilier conservées dans 21 musées régionaux (fig. 11).
Cela permet de confronter les informations relevées dans les diverses sources bibliographiques en apportant des précisions, voire en corrigeant certaines erreurs ou approximations observées dans les publications. Le cas de la fibule d’Ambrus est un exemple parmi d’autres du gain d’informations que l’on peut obtenir en étudiant in situ le mobilier de parure et en dépassant les données uniquement bibliographiques (fig. 12). Elle questionne également le crédit que l’on peut accorder aux informations et illustrations publiées dans les anciennes mentions. Ici, en étudiant “physiquement” l’objet, il est possible de préciser son identification en l’associant à un type et de révéler son programme décoratif.
Cette démarche est également indispensable pour documenter graphiquement les séries de mobilier. Dans un article consacré à la place de l’illustration en archéologie, A. Rapin énonce cette simple définition : “illustrer, c’est rendre clair”186. Par cette phrase, l’auteur rappelle qu’en archéologie, le dessin n’est pas seulement illustratif. Il construit un discours scientifique autonome et se place en parallèle d’une description quand cette dernière est inefficace pour traduire au lecteur la complexité figurative d’un objet. Pour le dessinateur, l’illustration scientifique est un subtil équilibre entre un désir d’objectivité naturaliste inatteignable et la conscience d’une subjectivité inévitable. En matière de dessin, on a fait le choix de l’emploi de la photographie pour l’acquisition des données, puis de l’utilisation du dessin assisté par ordinateur pour la reproduction des objets. Par souci de clarté, on a suivi les conventions du dessin technique épuré187. Les volumes sont traduits par la géométrie (arêtes, contours et sections) sans tenir compte de la lumière et des ombres. Les contours de chaque élément sont représentés par un trait épais alors que les éléments de formes ou de décors se distinguent par un trait fin. Pour finir, un code couleur simple est appliqué pour signaler les différents matériaux de fabrication.
Ainsi, le dépouillement de la documentation publiée dans la bibliographie et l’étude des collections muséales permettent le référencement de 4843 parures issues de 317 sites. Si l’on ajoute les mentions bibliographiques anciennes rapportant la découverte de ce type d’objet dans des quantités non mesurables, le catalogue est porté à 339 sites avec 249 occurrences en France et 90 en Espagne (fig. 13)188.
Notes
- Dans un souci de cohérence, on inclura à l’étude le comté de Treviño, enclavé au centre de la province d’Alava, mais rattaché administrativement à la province de Burgos.
- Constantin 2014 ; Constantin & Chordá Pérez 2014.
- Rico 1997, 21.
- De Capella 1883, 243.
- Lyon-Caen 1994, 182-183 ; Savatier 2010, 132 ; l’on retrouve cette hiérarchisation des populations antiques jusqu’à la fin de la seconde moitié du XXe s. lorsque E. Thévenot écrit en 1949 à propos de la conquête romaine en Gaule dans Que sais-je ? : Histoire des Gaulois : “Il se trouva, pour la chance des Gaulois, que ce vainqueur était aussi le plus civilisé. Les Germains triomphants auraient enlevé la liberté aux Gaulois, sans rien leur apporter de positif”, Thévenot 1949, 133.
- Pothier 1990, 167.
- Megaw & Megaw 2005, 13.
- Le livre de compte du musée du Périgord tenu par M. Féaux à la fin du XIXe s. indique par exemple qu’une épée découverte dans un tumulus à Miers (Lot) a été achetée à l’antiquaire M. Massénat en 1891 pour la somme de 500 frs : Féaux 1900, 47.
- Milcent 2006a, 322 ; Milcent 2006b.
- Hurel & Coye, dir. 2011.
- Lorre 2017 ; Kaeser 2010.
- Cicolani 2008.
- Montélius 1895 ; Cicolani & Lorre 2009, 17-18.
- Déchelette 1914b. Péré-Noguès, dir. 2019.
- Déchelette 1914b, 832-877.
- Duval et al. 1974, 3.
- Blinkerberg 2926 ; Sundwall 1943.
- Almagro Basch 1954, 184-185.
- Cuadrado 1959 ; Cuadrado 1961a ; Cuadrado 1963 ; Cuadrado 1969.
- Cuadrado 1961a, 169 ; Cuadrado 1969, 269 ; Argente Oliver 1994, 69-70.
- Schüle 1961.
- Schüle 1969.
- Fariña 1967.
- Bretz-Malher 1959 ; Joffroy 1955 ; Joffroy 1959.
- Mansfeld 1973.
- Mohen & Eluère 1970 ; Duval et al. 1974 : Mohen 1974.
- Mohen 1980.
- Tendille 1978.
- Argente Oliver 1974.
- Argente Oliver 1994.
- À titre d’exemple parmi de nombreux travaux récents, on citera seulement : Sauvaitre 2010 ; Dumas 2010 ; Constantin 2011 ; Maitay 2015 ; Girault et al. 2016.
- Cabré Aguiló 1937.
- Cuadrado 1961b ; Cuadrado & De Ascençao E Brito 1970.
- Schüle 1969.
- Cerdeño 1978.
- Mohen 1980, 78-79.
- Parzinger & Sanz 1987.
- Parzinger & Sanz 1987.
- Mohen 1980 ; Tendille 1979.
- Enriquez Navascués 1982, 192-193 ; Capril 1986, 189.
- Enriquez Navascués 1982, 192-193 ; Capril 1986, 189.
- Galan & Soutou 1959.
- Labeaga Mendiola 1987.
- Feugère et al. 1994.
- Une première version de cette thèse est publiée en 1997 avant d’être réimprimée et augmentée en 2005 : Lorrio 2005a.
- Mansel 1998.
- Milcent 2004.
- On pourrait également mentionner l’exposition de 2002 du Museo Arqueológico Nacional (Madrid) qui portait sur les torques de la péninsule Ibérique : Barril & Rodero, dir. 2002.
- Parzinger 1989, 327, pl. 147.
- Rivalan 2011 ; Verger & Pernet, dir. 2013.
- Cicolani 2017.
- Hodson 1986 ; Hodson 1990.
- Dedet 2001 ; Dedet 2009.
- Millet 2008 ; Millet 2012.
- Turner 1980.
- T. Turner illustre ces changements de signalements en fonction de l’identité des individus par les observations qu’il a réalisé sur la tribu Kayapo d’Amazonie. Durant leur jeune âge, les enfants sont désignés seulement par leur appartenance familiale, à l’aide de peintures corporelles et de coiffures spécifiques. À l’âge adulte, tous les individus, hommes comme femmes, portent des peintures et des coiffures identiques à celles de l’ensemble du groupe. Les hommes, en outre, possèdent tous un disque labial dont la taille varie en fonction de leur capacité en tant qu’orateur politique. Dans cet exemple, les peintures corporelles, les coiffures et le disque labial jouent le rôle de “peau sociale”. Leur modification est signifiante et devient une information lisible et comprise par l’ensemble de la communauté : Turner 1980.
- Boissinot 2008 ; Baray 2009.
- Verger 2009, 286 ; Péré-Noguès 2011 ; Olivier 2013. À propos de la “princesse” de Vix, on a même suggéré qu’il s’agissait d’un travesti : Arnold 2012, 213-217.
- Milcent 2004, 145-211.
- Milcent 2013a, 140-141.
- Elle s’illustre notamment avec les travaux récents de C. Bélard ou de C. Trémeaud et par la tenue des II Jornadas Internacionales de Arqueología y Género organisées par l’Universidad Autónoma de Madrid en 2012 ou par l’exposition proposée au Musée archéologique Henri Prades à Lattes qui s’est déroulée en 2013 : Bélard 2014 ; Trémeaud 2018 ; Prados Torreira, dir. 2012 ; Verger & Pernet, dir. 2013.
- Olivier 2013, 175-176.
- Delpon 1931.
- Alibert 1864.
- Cassan 1863.
- Büchsenshutz, dir. 2015, 30.
- Poydenot 1869.
- Sacaze 1880.
- Pothier 1900.
- Dufourcet & Testut 1884 et 1885.
- Piette & Sacaze 1878 et 1899.
- Girault & Cascó 2012, 250.
- Il est intéressant de constater que l’inventeur du site du Cluzel, L. Joulin, ne reconnaît pas les fosses de l’habitat qu’il confond avec des cavités funéraires ou des tombes plates : Joulin 1912, 22-25.
- Dubalen 1913.
- Peyneau 1926.
- Viré 1911.
- Lémozi 1935a.
- Niederlender & Lacam 1929.
- Joulin 1912.
- Clottes 1969, 234.
- Clottes 1969, 204-208.
- Lorrio 2005a, 15 ; Burillo Mozota 1993, 237.
- Barril & Salve 1998 ; Barril & Salve 2000.
- Il était notamment membre de l’Académie de Berlin et de la Société préhistorique française.
- Déchelette 1912 ; Déchelette 1914b, 687-690.
- Il est difficile de proposer un chiffre exact dans la mesure où ces travaux souffrent d’un manque de documentation. Dans une note lui étant été transmise par le Marquis de Cerralbo, J. Déchelette mentionne que près de 4 400 sépultures auraient été fouillées, dont 2261 pour la seule nécropole d’Aguilar de Anguita : Déchelette 1914b, 687, note de bas de page n° 2.
- Argente Oliver 1977a.
- Burillo Mozota 1984.
- Bosch Gimpera 1923a, 829.
- Cabré Aguiló 1911.
- Cabré Aguiló 1917.
- Bosch Gimpera 1923a.
- Taracena 1932 ; Taracena 1940 ; Taracena 1941.
- Taracena 1941 ; Torres-Martinez 2013, 257-258 ; c’est par le biais de ce service que débutent les fouilles de l’habitat d’Alto de la Cruz (Cortes, Navarre) dès 1947 : Taracena & Gil Farrès 1951.
- Par exemples à Mant (Landes) ou à Saint-Amant (Charente) : Boyrie-Fénié 1994, 103 ; Coffyn & Gomez de Soto 1971.
- C’est le cas des grottes à Loze (Tarn-et-Garonne), à Roucadour (Themines, Lot) ou à La Perte du Cros (Saillac, Lot) : Darasse 1953 ; Niederlender et al. 1966 ; Galan & Soutou 1959.
- Seigne 1972.
- Lorblanchet & Genot 1972.
- Chevillot 1974.
- Sillières et al. 1991.
- Gauron et al. 1986.
- Pajot 2000 ; Pajot et al. 2006.
- Müller 1985.
- Maluquer de Motes et al. 1990, 11 ; Castiella Rodrígyez 2005..
- Beltrán Martinez 1964, 277 ; Royo Guilén 1980, 254.
- Cerdeño & Perez de Ynestrosa 1993.
- Sáenz de Urturi 1990.
- Castiella Rodríguez 1975.
- Torres-Martinez 2013, 258.
- Llech 1997 ; Janin et al. 1997 ; Sireix et al. 2004 ; Beausoleil 2008a ; Vaginay dir. 2003.
- Boulestin et al. 2009 ; Grimbert & Lagarrigue 2002 ; Sireix 2009.
- Giraud et al. 2003.
- Colin 2013 ; Boissinot 2011.
- Castiella 1998.
- Cerdeño et al. 1981 ; Cerdeño & Sgardoy 2007.
- Cerdeño & Juez 2002.
- Torres-Martinez 2013, 259.
- Sesma Sesma 1993 ; Arenas Esteban et al. 1995.
- Juste Arruga & Palacín Abizanda 1989.
- Faro Carballa et al. 2006 ; Picazo Millán & Rodanés Vicente 2009.
- Barril & Salve 2000 ; Castiella Rodrígruez 2005 ; Beltrán Lloris 2013.
- Castiella Rodríguez & Bienes Calvo 2002.
- On citera ici à titre d’exemple la publication des fouilles de la nécropole de El Cabo à Andorra (Teruel) fouillée entre 2005 et 2006 : Benavente Serrano et al. 2015.
- Maitay 2015 ; Prodéo 2014 ; Giraud et al. 2003.
- Dans cette partie, on se concentrera essentiellement sur les grandes étapes de la mise en place des cadres théoriques de l’archéologie régionale. De fait, on ne reviendra pas sur l’historiographie plus générale de la protohistoire européenne, notamment sur les débats d’idées ayant abouti à la bipartition de l’âge du Fer et ses subdivisions internes. Pour des informations détaillées sur ces sujets, on renverra le lecteur vers d’autres ouvrages : Brun 1986 ; Kaenel 1990 ; Büchsenschutz, dir. 2015.
- Schülten 1914.
- Bosch Gimpera 1921 ; Bosch Gimpera 1941.
- Il s’agit de sépultures à incinération dont les cendres du défunt sont rassemblées dans une urne qui est déposée dans une fosse à même le sol. La présence dans certains cas d’une stèle ou d’une structure périphérique en pierre permet la signalisation à la surface du dépôt funéraire. Le terme de “Champs d’Urnes” a été défini en Allemagne (Urnenfelder) au début du XXe s. Il rend compte de la généralisation de ce rite funéraire au Bronze final et peut caractériser tout autant un peuple distinct qu’une culture matérielle selon les auteurs qui y ont recours. Pour plus d’information sur la genèse du terme “Champs d’Urnes”, voir dans : Brun 1986.
- Fabre 1952.
- Fabre 1952, 106.
- Piette & Sacaze 1979, 517.
- Peyneau 1926, 34 et 104.
- Déchelette 1914c, 1015.
- La publication des fouilles engagées en Languedoc par O. et J. Taffanel participent activement à la redéfinition des faciès culturels et de leur apparition : Taffanel & Taffanel 1948 ; Taffanel & Taffanel 1962 ; Taffanel & Taffanel 1973.
- Mohen & Coffyn 1970.
- Mohen & Coffyn 1970, 123.
- Ils observent que les tumulus sont antérieurs aux dépôts des “Champs d’Urnes”.
- Mohen & Coffyn 1970, 126.
- Guilaine 1972.
- Guilaine 1972, 342.
- Mohen 1980.
- Mohen 1980, 107, fig. 105.
- Boudet 1987 ; Séguier 1989.
- Le terme de “Champ d’Urnes”, et la notion de peuple qui s’y rattache, est également écarté par une grande partie des protohistoriens français, suisses et allemands. Le phénomène s’intègre alors dans la culture Rhin-Suisse-France orientale (R.S.F.O) dont il constitue l’un des critères de distinction parmi d’autres : Büchsenschutz, dir. 2015, 78.
- Almagro Basch & García y Bellido 1952a ; Almagro Basch & García y Bellido 1952b.
- Vilaseca 1956 ;Vilaseca et al. 1963.
- Vilasera et al 1963, 74.
- Almagro-Gorbea 1977 ; Almagro-Gorbea 1987 ; Almagro-Gorbea 1994.
- La période de Cogotas I a été définie par les fouilles de l’habitat de Las Cogotas (Cerdeñosa, Ávila) dans les années 1920 par J. Cabré. Débutant vers 1700 a.C., l’occupation de l’âge du Bronze la plus étendue et la plus significative en termes de vestiges archéologiques se situe au Bronze final, entre 1000 et 800 a.C. Après une période d’abandon, le lieu est de nouveau habité au Seconde âge du Fer, marquant la période de Cogotas II.
- Le terme de “Bronze Atlantique” rend compte des affinités dans les faciès des régions de la façade Atlantique, de la péninsule Ibérique à la Grande-Bretagne, à l’âge du Bronze. Son expansion serait liée au commerce maritime de l’Atlantique. Voir : Coffyn 1985 ; Brun 1991 ; Coffyn 1998.
- Almagro-Gorbea 1994, 288.
- Almagro-Gorbea 1994, 286.
- Ruiz Zapatero 1985.
- Maya 1986, 42-43.
- Büchsenschutz, dir. 2015, 81-82.
- Milcent 2009a ; Brun et al. 2009.
- Milcent 2004 ; Milcent in : Massendari 2006, 48-55 ; Sérée 2008 ; Milcent in : Filippini 2010, 45-47 ; Milcent 2012b ; Büchsenschutz, dir. 2015.
- Taffanel et al. 1998 ; Janin et al. 2002 ; Nickel 1989 ; Nickels 1990 ; il est enrichi au début des années 2000 par l’étude des nécropoles du Causse, de Gourjade et du Martinet dans le Castrais (Tarn), qui partitionne en cinq phases la période comprise entre le Bronze final et la transition Premier-Second âge du Fer : Giraud et al. 2003.
- Müller 1985, 185-186.
- Müller 1985, 175-177.
- Escudé-Quillet 1998 ; Escudé-Quillet 2007.
- Béhague & Lagarde 2009.
- Gomez de Soto et al. 2009.
- Dumas & Constantin 2015.
- Gomez de Soto et al. 2007.
- Milcent 2006c.
- Milcent 2006c.
- Romero Carnicero & Misiego Tejeda 1995a, 67-68.
- Cette thématique privilégiée s’illustre notamment par la mise en place des symposiums portant spécifiquement sur les Celtibères à partir de la fin des années 1980, et toujours d’actualité, sous l’impulsion de F. Burillo Mozota.
- Le nom de “celtibère” apparaît chez les auteurs romains à la toute fin du IIIe s. a.C. lors de la conquête de la péninsule. Les problèmes soulevés par l’emploi de ce terme s’expriment, en schématisant à grands traits, dans des proportions similaires à celui de “Gaulois” donné aux peuples d’une partie du territoire français, belge et suisse par César.
- Burillo Mozota 1993 ; Untermann 1995 ; Lorrio 2002, 66 ; Burillo Mozota 2005.
- Lorrio 2005a.
- Les castros apparaissent et se développent selon un plan identique : des habitations rectangulaires organisées autour d’une rue centrale, cerclées par un système défensif composé d’une muraille et de tours circulaires, le tout cerné par un fossé.
- Lorrio 1999b, 12 ; Lorrio 2005a, 401.
- Munilla Cabrillana & Gracia Alonso 1995.
- Llanos 1990.
- Torres-Martinez 2013, 261.
- Lorrio 2005a ; López Cachero 2007, 102-104.
- Torres-Martinez 2013, 261.
- Parmi les synthèses régionales, on peut citer celles J.-P. Mohen sur l’Aquitaine, de J.-M. Séguier sur le Sud albigeois, de P.-Y. Milcent sur le centre de la France ou de J.-P. Giraud et J. Gascò sur une partie de la Dordogne, de la Corrèze et du Lot : Mohen 1980 ; Séguier 1989 ; Milcent 2004 ; Giraud & Gascò 2012.
- Taracena 1941.
- Atrían Jordan et al. 1980 ; Altuna et al. 1982 ; Dominguez Arranz et al. 1984 ; Revilla Andía 1985 ; Borobio Soto 1985 ; Llanos dir. 1987 ; Pascual Díez 1991.
- Schüle 1969 ; Royo Guillén 1980 ; Enriquez Navascués 1982 ; Ruiz Zapatero 1985 ; Capril 1986 ; Argente Oliver 1994 ; Lorrio 2005a.
- Par exemple, dans son inventaire du mobilier métallique du Premier âge du Fer en Aragon, J.-I. Royo Guillén propose un listing du mobilier mis au jour par site mais ne fournit aucune planche : Royo Guillén 1980. De même, dans son étude des Celtibères, A. Lorrio propose quelques planches des ensembles caractéristiques pour chaque phase chronologique mais ne publie aucun inventaire détaillé du mobilier par site ou par structure.
- On peut évoquer à titre d’exemples la publication des opérations de fouilles de Ma.-L. Cerdeño dans la province de Guadalajara ou de celle de la nécropole de El Cabo (Teruel)Cerdeño & García Huerta 1992 ; Cerdeño & Juez 2002 ; Cerdeño & Sagardoy 2007 ; Benavente Serrano et al. 2015.
- Rapin 1983, 286.
- Abert et al. 2013, 23-24.
- Remarquons, en guise d’avertissement, que l’on a rassemblé en un seul site les objets déposés au musée de Mont-de-Marsan (Landes), constituant les collections mises au jour par P.-E. Dubalen au début du XXe s dans divers gisements du sud des Landes. Suite à l’histoire mouvementée des collections du musées et au déficit de publication des travaux de cet archéologue régional, il est très difficile aujourd’hui d’identifier la provenance exacte du mobilier. On a alors créé un site artificiel appelé “Région de Mont-de-Marsan” (n° 185) situé sur la commune de Mont-de-Marsan.