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Bazas au temps de Pèir de Ladils
(première moitié du XIVe siècle)

Nous ne savons de Pèir de Ladils que ce qu’il nous livre dans trois de ses poèmes : deux débats (tensons) qu’il soutient contre Ramon de Cornet (n° VIII et IX), et une prière (pregaria, n° X) dans laquelle il demande de pouvoir revenir à Bazas, sa ville natale, où il dut voir le jour à l’aube du XIVe siècle1. Avocat, il porte le nom d’une grande famille de la bourgeoisie de cette ville, connue depuis le milieu du XIIe siècle2.

Dans le débat qui l’oppose à Ramon de Cornet sur la légitimité de la prétention d’Édouard III à la couronne de France (n° IX), Pèir évoque des événements qui se sont déroulés dans le courant de l’année 13403. Frère Ramon de Cornet soutient le point de vue anglais, alors que Pèir de Ladils se fait le porte-parole des partisans du roi de France, Philippe VI. Au terme du débat, Pèir propose de faire appel à l’arbitrage de Thibaut de Barbazan, qui “connaît bien de quoi nous parlons et de quoi il est questionˮ, auquel il demande de dire “sans crainteˮ lequel des deux “à son avis, dit la véritéˮ. Mais Ramon de Cornet s’y refuse car il ne connaît pas “d’écuyer, de baron ou de chevalier plus françaisˮ que Thibaut et son jugement serait forcément partial. Thibaut de Barbazan était, nous le verrons, capitaine de Bazas pour le roi de France en octobre 1339 puis, en novembre 1345, et probablement le resta-t-il au cours de ces années4.

Pèir de Ladils nous apprend dans sa Prière qu’il a dû quitter Bazas et aspire vivement à y revenir ; souffrant, semble-t-il, il craint de mourir loin de sa chère ville natale, aussi il supplie saint Jean Baptiste et saint Georges de le guider et de le réconforter, le Sauveur de lui accorder sa miséricorde et la Vierge Marie d’intercéder en sa faveur auprès de son fils. Sur les raisons de cet éloignement qui ressemble fort à un exil, Pèir de Ladils se montre discret. Nous savons seulement qu’il est en conflit avec “las gens senhorilsˮ, qu’il accuse de le traiter “mal et durementˮ. Il s’agit sans aucun doute de Bazadais – jurats ou chanoines – assez puissants pour l’avoir contraint à s’exiler. Pèir demande à “monseigneur Thibault de Barbazan qu’il lui plaise de faire bonne paix entre lui et ces “gensˮ (que bona patz elfassa de mi.. ab las gens senhorils). Démarche parfaitement fondée car, représentant du roi de France, l’un des seigneurs paréagers de la ville, Thibaut était le mieux placé pour jouer les arbitres. Cette prière est forcément postérieure à 1340 mais antérieure au 3 janvier 1347, jour où Bazas fut pris par les Anglais5 ; s’il en était encore capitaine, Thibaut de Barbazan, quitta alors définitivement la ville. Contrairement à ce que l’on a pu écrire, ce n’est donc pas en raison de ses sentiments pro-français que Pèir de Ladils dut quitter Bazas. En effet, à l’époque ou il écrivait ses tensons et sa prière, Bazas, était, on va le voir, une ville française.

Pour essayer d’en savoir plus sur Pèir, son engagement politique, les raisons de son exil, nous avons tenté de dresser un tableau de la situation politique en Bazadais et plus particulièrement à Bazas entre 1320 et 1345. Dans sa prière Pèir fait allusion à son père et à sa mère encore vivants ainsi qu’à ses frères et sœurs (n° IX, v. 240-241), aussi, en lui donnant trente à quarante ans au moment où il écrivit ses poèmes, on peut estimer qu’il avait dû naître entre 1300 et 13106.

Le XIIIe siècle avait été marqué par la révolte de la Gascogne et la venue d’Henri III dans son duché (1248-54), mais aussi par le traité de Paris (28 mai 1259) qui transformait en fief les terres gasconnes. Il n’est pas facile de donner une définition claire du duché d’Aquitaine tel qu’il est issu de ce traité. Il convient surtout de distinguer les territoires sur lesquels le roi-duc exerce son autorité et ceux qui appartiennent à sa mouvance de manière théorique. Dans le premier groupe, nous trouvons les diocèses de Bordeaux, Bazas, Aire, la partie landaise du diocèse de Dax, Bayonne et le Labourd, la Soule, la Saintonge située au sud de la Charente, depuis 1273, l’Agenais, depuis 1279, enfin les confins méridionaux du Périgord (Carte n° 1). Le siècle s’était achevé sous le règne d’Édouard Ier, monté sur le trône en 1272, par une grave crise, la guerre de Gascogne (1294-1303) qui faisait suite à quatre décennies de paix relative, mais qui fut le prélude à un siècle et demi de troubles, de guerres et d’épidémies. À la suite de la saisie puis de la commise du duché par Philippe le Bel, la Gascogne anglaise a été plongée dans la guerre de 1294 à 1297. Bazas comme La Réole furent occupées par les représentants du roi de France. Mais les deux villes restèrent à l’écart des opérations militaires, qu’il s’agisse des tentatives anglaises pour reprendre pied dans le duché ou de celles du roi de France pour les contrer. Ainsi, en 1294, le corps expéditionnaire anglais de Jean de Saint-Jean, parti de Rions-sur-Garonne pour rallier Bayonne, contourna Bazas, par Roquetaillade, Tontoulon et Captieux. Au printemps 1296, l’armée française du comte d’Artois, après avoir repris Saint-Macaire et Langon dont les Anglais s’étaient emparés l’année précédente, passa à Bazas pour se diriger vers Tartas. Probablement, comme les autres villes du duché, Bazas dut livrer des otages au roi de France, mais la seule famille sur laquelle nous disposons d’une information est celle des Piis. On sait aussi que peu nombreux furent les nobles du Bazadais à rallier le parti du roi-duc. D’une manière générale, le Bazadais est resté tout au long de ces années aux mains des Français. Le 9 octobre 1297, la conclusion d’une trêve, renouvelée en janvier 1298, et la sentence arbitrale du pape Boniface VIII permirent la conclusion de la paix à Montreuil, le 19 juin 1299. Mais la paix définitive ne fut faite que le 20 mai 13037.

La guerre de Saint-Sardos (octobre 1323-1324) et ses conséquences jusqu’en 1337

Au cours des vingt années suivantes le duché est encore troublé par de multiples conflits entre les représentants d’Édouard II qui succède à son père le 7 juillet 1307 et des Gascons, nobles ou bourgeois, qui font appel au roi de France. Le meilleur exemple est sans doute celui du sire d’Albret, agitateur impénitent, dont les relations avec Édouard II ne cessèrent de se détériorer. Le début du siècle fut aussi marqué, à la suite du décès de Philippe le Bel (29 novembre 1314), par la succession en moins de dix ans de ses trois fils sur le trône de France : Louis X (1314-5 juillet 1316), et son fils Jean Ier (15-19 novembre 1316), Philippe V, régent du 17 juillet au 19 novembre, puis roi jusqu’au 3 janvier 1322, enfin Charles IV, décédé le 3 janvier 1328. Édouard II avait prêté hommage pour le duché d’Aquitaine en 1308 à Philippe le Bel, puis en 1320 à Philippe V. Or, depuis l’avènement de Charles IV, il n’a cessé sous divers prétextes de solliciter l’ajournement d’un nouveau voyage en France. Le risque était donc grand de voir le duché une nouvelle fois saisi, surtout si l’on songe aux nombreux procès en appel pendants devant le Parlement à Paris.

C’est dans ces circonstances qu’éclata en octobre 1323 l’affaire de Saint-­Sardos. L’abbaye de Sarlat possédait un prieuré à Saint-Sardos en Agenais. L’abbé avait conclu avec Philippe V un contrat de paréage en vue de la fondation d’une bastide. Or, lorsque les officiers de Charles IV qui avait succédé à son frère au mois de janvier 1322 voulurent, à l’automne 1323, établir cette bastide, ils furent attaqués et pendus par les gens du seigneur de Montpezat, hostile à cette fondation. Après six mois de procédure à l’encontre du seigneur de Montpezat et du sénéchal de Gascogne, Raoul Basset, Charles IV prononça la saisie du duché. Le roi de France put compter sur le concours des grands feudataires de Gascogne, les comtes d’Armagnac, d’Astarac, de Comminges et de Foix, ainsi que sur celui du comte de Périgord et du sire d’Albret, Amanieu VII pour lequel cette affaire arrivait à point en le tirant d’une situation périlleuse8.

Les Français, conduits par l’oncle du roi, Charles de Valois, entrèrent en campagne au début du mois d’août 1324. En quelques semaines, une bonne partie de l’Agenais et du Bazadais fut conquise : le 15 août, Agen ouvrait ses portes, le 28, Charles de Valois était sous les murs de la Réole défendue par le demi-frère d’Édouard II et son lieutenant, Edmond de Kent. Le siège s’acheva par une reddition négociée et une trêve conclue le 25 septembre jusqu’au 14 avril 1325 sur la base du statu quo. Si les Français ont poussé jusqu’ à Podensac ou Landiras à la fin de l’été 1324, le Bordelais reste aux mains des Anglo-gascons dont Saint-Macaire constitue la base avancée. Au cours de l’hiver 1324-1325 les Anglais sont sur la défensive, mais parviennent néanmoins à rallier quelques seigneurs comme celui de Taillecavat, passé trop vite dans le camp français. Ceux-ci font néanmoins de nouvelles conquêtes en Agenais et dans la partie orientale des Landes, attaquent Saintes et renforcent leurs garnisons. La trêve, prolongée jusqu’au 9 juin 1325, permit la conclusion d’un accord, ratifié le 13 juin par Édouard II. Trois mois de procédure aboutirent le 10 novembre à la conclusion d’un acte de restitution des terres conquises par les Français, mais il ne fut pas suivi d’exécution9. Cependant, au cours des deux années suivantes les hostilités reprirent aussi bien en Agenais qu’en Saintonge pour aboutir à une nouvelle paix conclue le 31 mars 132710.

Ainsi les territoires et villes conquis en 1324-1325 restèrent sous l’autorité du roi de France jusqu’à la reprise de la guerre en 1337. Il importe donc de faire le point de la situation sur le terrain, car, mis à part quelques changements de détail, elle n’évolua pas profondément au cours des douze années suivantes. La quasi-totalité de l’Agenais, tout le Bazadais méridional et une bonne partie de celui du Nord sont désormais français : Bouglon, Samazan, Casteljaloux, Meilhan, Aillas, Cazeneuve, aux portes de Bazas, Callen et Luxey, mais aussi Gironde sur l’autre rive de la Garonne, possessions du sire d’Albret , Amanieu VII, auquel succède en 1326 son fils Bernard Aiz V ; Castets-en-Dorthe appartenant à Guillaume Raimond de Got, Roquetaillade, possession des La Mota, Uzeste au soudan de Preyssac ; Captieux, enfin, qui relève de Gaston II de Foix-Béarn, partisan de Charles IV dès 1322. Tous ces seigneurs ont rallié, semble-t-il, le parti français en 1324 au gré de la progression de l’armée de Charles de Valois ; pour d’autres, comme les coseigneurs de Castelnau-de-Mesmes ou Raimond Guillaume de Sauviac, seigneur de Lados et de Sauviac, une fois la paix conclue. Ailleurs ce fut probablement une véritable occupation comme à Auros ou Langon dont les principaux coseigneurs, les Gabarret étaient des fidèles du roi-duc. Dans le Bazadais septentrional, La Réole dont la juridiction s’étendait aussi sur la rive gauche de la Garonne, de même que les seigneuries de Landerron, Mauvezin, Taillecavat, Monségur, Saint-Ferme, Sauveterre et Caudrot restèrent françaises.

La situation à Bazas de 1323 à 1337 (carte 2)

C’est en des termes laconiques que la Chronique de Bazas parle de la guerre de Saint-Sardos et de ses conséquences : “Un différend étant intervenu entre les Français et les Anglais, le roi de France envoya Charles de Valois en Aquitaine pour soumettre les places fortes dont celle de La Réole – dont il s’empara – ainsi que celle de Bazas, à l’exception de Bordeaux , Bayonne et Saint-Severˮ. Curieusement elle ne rapporte pas les circonstances dans lesquelles la ville de Bazas fut conquise par les Français11. Elle le fut en tout cas avant le 21 décembre 1324. Ce jour-là, Jean de Blainville, “gouverneur et sénéchal de Gascogne et du duché d’Aquitaine de notre seigneur le roi de France et de Navarreˮ, c’est-à-dire Charles IV, est en effet présent à Bazas12.

Dans le courant du premier trimestre 1325, deux “espionsˮ anglais passèrent par Bazas : le premier, anonyme, fut envoyé en janvier par le sénéchal des Landes pour le roi-duc qui le “fit espier treys jours à Bessasˮ pour s’informer sur les déplacements du sire d’Albret, passé on l’a vu du côté français ; le second, Robert de Wateville, traversa Bazas avec un compagnon dans le courant du mois de mars, puis gagna Marmande13.

Depuis le contrat de paréage du 16 juillet 1283, la justice de la ville et du détroit de Bazas était partagée entre l’évêque et le chapitre d’une part, le roi­-duc, de l’autre, l’évêque et le chapitre détenant leur part en alleu. Ceux-ci possédaient seuls la justice sur leurs tenanciers de Gans et Lerm ainsi que le droit de percevoir leudes et péages, droits de foire et de marché. Le roi-duc s’était engagé à prendre sous sa protection l’évêque et le chapitre, leurs personnes et leurs biens. À la différence de ce qui s’était produit en 1274 et 1278 où la communitas ou universitas de la ville avait été partie prenante dans les affaires qui agitaient alors la cité, le paréage fut conclu sans que les Bazadais aient été consultés. Tenus au service militaire envers le roi-duc, ils doivent faire serment de fidélité à chaque changement de sénéchal, mais nous ignorons s’il existe un corps de ville et, dans l’affirmative, quelles sont ses compétences14.

La succession épiscopale avait été quelque peu perturbée au début du XIVe siècle. À Arnaud Falquet (1292-1302), contemporain de l’occupation française, avait succédé Guillaume Arnaud de La Mote qui occupa le siège à deux reprises du 10 juin 1302 au 27 avril 1313, puis du 18 janvier 1318 au 16 août 1319, cédant entre temps la place à Thibaut de Castillon. Depuis le 10 septembre 1319, Bazas possédait un nouvel évêque, Guillaume du Cunh15. Lorsqu’il fut consacré, Guillaume, originaire de Rabastens, avait derrière lui une brillante carrière universitaire. Après des études à Toulouse puis à Bologne auprès des maîtres les plus renommés, il fut de 1309 à 1313 lecteur puis professeur dans cette ville, avant de revenir à Toulouse enseigner le droit civil de 1314 à 1317. Sa nomination sur le siège de Bazas était due à l’influence de son compatriote, le cardinal Pelfort de Rabastens et surtout à celle de son frère, Pierre du Cunh, vassal de Bertrand de l’Isle-Jourdain, dont la sœur avait épousé un neveu du pape Jean XXII, Arnaud Duèse, vicomte de Caraman16. De 1318 à 1329 Guillaume fut ensuite chargé par la papauté de nombreuses missions d’attribution de bénéfices ecclésiastiques et, conjointement avec l’évêque d’Agde, il parvint à ramener la paix dans la crise de succession du royaume de Majorque (1324-1325)17. Il y a tout lieu de penser que, fort occupé par les missions dont il eut la charge, Guillaume du Cunh résida fort peu. Il eut d’ailleurs comme vicaire général Guillaume de Cancellis, archidiacre de Razès au diocèse de Narbonne18. Ce fut à la suite des sollicitations de son frère que Guillaume fut transféré à l’évêché de Comminges, le 19 juin 132519.

Guillaume du Cunh appartenait donc au parti “françaisˮ, très puissant à la curie. R. Swynburn dénonce en novembre 1324 l’attitude des cardinaux “qe sount né de Gaccoynˮ et ont “feyt lour amys tourner au roy de Franceˮ et cite en particulier “mounsire Galiard de La Mota, né de Vasadès20ˮ. On peut être assuré que Guillaume du Cunh ou son vicaire accueillirent avec bienveillance les Français. Il en fut de même de la part de son successeur, Poitevin de Montesquiou. En effet, le nouvel évêque appartient à une branche cadette de la maison d’Armagnac, ralliée au roi de France et sa nomination a donc un caractère politique. Docteur en droit civil comme son prédécesseur mais aussi en droit canon, il occupa le siège épiscopal jusqu’au 12 septembre 1334, date à laquelle il fut transféré à Maguelonne21. Sa nomination intervient à un moment où la situation politique du Bazadais est loin d’être stabilisée. Certes, depuis la fin de 1324, le sud du diocèse est apparemment bien contrôlé par les partisans du roi de France. Rose de Bourg, épouse d’Amanieu VII d’Albret ne se trouve-t-elle pas à Aillas lorsque, le 6 juin 1326, elle rédige son dernier testament22. Mais cela n’a pas empêché l’évêque et le chapitre d’obtenir de Charles IV, en février 1326, des lettres de sauvegarde pour eux, leur église, leur juridiction et tous leurs biens qu’ils jugeaient menaces23.

En fait, nous allons le voir, en raison de sa situation aux avant-postes de la mouvance française, Bazas n’était pas à l’abri d’un coup de main. “En 1326, nous dit la Chronique, le 19 juillet, jour des saints Gervais et Protais, la ville fut le théâtre de violences commises sur les habitants, hommes et femmes, ainsi que de la profanation des églises. Seule la relique du sang du Précurseur demeura intacte de même que la croix en argent. Toutes les autres reliques furent prises. En raison de ces excès et pour honorer le Précurseur, Dieu permit d’innombrables miracles : ainsi le baron Jean de Boulogne qui, le premier, envahit l’église – sans doute la cathédrale – pour sa honte et celle de sa race fut, après ces jours odieux, atteint de la rage dont il mourut dans l’église de Saint-Seurin de Bordeaux. On ne put l’en sortir qu’après que les chanoines de cette église eurent fait une procession avec la statue de la Viergeˮ24. On peut identifier Jean de Bologne avec Jean de Bouglon, un homme du parti anglo-gascon, connu de 1305 à 1326, dont la biographie reste à ce jour remplie d’incertitudes25.

Même si la violation et le pillage des églises par des gens de guerre n’ont rien d’exceptionnel, il est manifeste que les agresseurs ont agi au plus grand mépris de l’évêque et du chapitre. L’auteur de la Chronique en ces années-là est Raimond Arnaud de la Mothe, membre du chapitre et probablement témoin des événements26. Il insiste sur le fait que la relique de saint Jean échappa au pillage et, comme l’avait fait au début du XIIe siècle son prédécesseur, le chanoine Gardas, auteur du Baptista salvatoris, il voit dans la mort affreuse de Jean de Bologne ou de Bouglon la manifestation d’un jugement divin. Cette expédition, suivie de l’occupation de la ville, serait le seul fait notable, connu, à mettre à l’actif des Anglo-gascons en 1326.

Peut-on, comme le fait l’auteur de la Chronique, rapprocher le coup de main de Jean de Bouglon sur Bazas d’autres faits, rapportés à la même date mais peut-être plus étalés dans le temps, qui lui furent relatés par le révérend Bertrand de La Mothe et l’évêque de Dax : “Quatre ou cinq cents hommes du diocèse, en raison de leurs méfaits furent réduits à l’état de bêtes, vivant nus et ne mangeant que des herbes et des fruits. Il en fut de même dans d’autres diocèses et nombreux furent ceux qui, en quelques jours, moururent de male mort. Ces faits, nous dit le chroniqueur, lui furent aussi rapportés par de nombreux nobles du Béarnˮ27.

Comment interpréter la relation d’événements aussi “merveilleuxˮ ? Sur le plan militaire, indépendamment du coup de main de Jean de Bouglon, l’été et le début de l’automne 1326 furent surtout marqués par la campagne “françaiseˮ d’Alphonse d’Espagne, seigneur de Lunel, menée en Agenais contre ceux que certains historiens ont appelé les “bâtardsˮ, cadets de famille ou fils illégitimes devenus bandits de grand chemin, passés au service des Anglais ou agissant pour leur propre compte, qui sévirent en Agenais, en Saintonge, mais aussi à La Réole. Alphonse reprend Lafox, rendu à son seigneur, Tonneins, et Puyguilhem28.

S’il n’est pas interdit de faire de Jean de Bouglon l’un de ces “bâtardsˮ, le fait que ceux qui rapportent les autres événements soient l’évêque de Dax et des nobles béarnais, la mention d’autres diocèses qui auraient été victimes de méfaits nous inclinent à tourner nos regards vers Aire, Dax et Lescar. Il s’y produisit, en effet, le 25 août 1327, un événement d’une exceptionnelle gravité : l’assassinat par un groupe de ces bâtards, près de Luppé-Violles, d’Aner Sanche de Toujouse, évêque d’Aire. Or l’évêque, élu probablement en juillet 1326, et confirmé le 3 septembre suivant, avait des attaches bazadaises et venait, dans le cadre de ses nouvelles fonctions, d’intervenir à Bazas29. En effet, avant d’être promu à l’épiscopat, A. S. de Toujouse avait été recteur de Bouglon vers 1317, puis de Monségur (1320-1326)30, et, au moment de son élection par le chapitre d’Aire, il était chanoine de Bazas, d’Aire et de Nogaro31. Aner Sanche avait tracé au pape un tableau de l’état lamentable dans lequel se trouvait le diocèse de Bazas par suite des luttes et des déprédations des gens de guerre. Aussi le 28 janvier 1327, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son siège, Jean XXII le chargea avec l’évêque de Condom de rechercher les auteurs de ces attentats et de les dénoncer à l’évêque de Bazas, Poitevin de Montesquiou. Il est tout à fait possible que les événements évoqués par Aner Sanche soient ceux de l’été 1326. Par contre, on ne saurait établir un lien entre la mission dont l’avait chargé le pape et son assassinat, même si les auteurs étaient des bâtards32.

Au moment de l’assassinat de l’évêque d’Aire, Edouard II et Charles IV avaient conclu, on s’en souvient, une paix à Amiens depuis le 31 mars 1327 : certaines clauses étaient sévères pour Edouard II et plusieurs de ses plus chauds partisans, tandis que sur le plan territorial le statu quo était une nouvelle fois maintenu33. Cette paix n’entraîna pas la fin des opérations militaires conduites du côté français mais sans succès par Bertrand de Briquebec. En revanche, la présence à Bazas de garnisons anglaises du 28 juin au 4 septembre 1327 de même qu’à Langon34 prouve bien la reprise en main de la cité par les Anglo-gascons à la suite du coup de main de Jean de Bouglon l’été précédent. D’après la Chronique, Édouard II ayant attribué au fisc les biens de l’église de Bazas, révoqua, le 26 juin 1327, cette ordonnance à la prière de l’évêque35. Cette décision du roi-duc a toutes les apparences d’une sanction, mais la requête de l’évêque prouve bien que la cité était alors sous contrôle anglais. Autre preuve, selon nous, de la présence anglaise à Bazas, la clause accompagnant l’hommage au roi de France Charles IV que Bernard Aiz V d’Albret prête à La Réole, le 7 août 1327 : le nouveau sire d’Albret fit préciser qu’il n’était pas tenu de faire hommage dans cette ville, mais seulement à Langon ou Bazas, deux villes alors aux mains des Anglo­gascons36.

Le contrôle de Bazas par les Anglo-gascons fut néanmoins de courte durée et s’acheva au plus tard à l’automne 1327, mais nous ignorons dans quelles circonstances se produisit la reprise en main par les Français37. En tout cas, au mois de janvier 1328, les habitants de Bazas obtenaient pour leur cité, son détroit et honneur, ses habitants, clercs et laïcs et tous leurs biens, des lettres de sauvegarde du roi de France, preuve du changement qui venait de se produire38. Probablement au même moment une garnison française s’était installée à Bazas. Le 19 avril, dix écuyers franco-gascons servant sous Jean de Blainville, sénéchal de Gascogne et d’Agenais, donnaient ainsi quittance au trésorier de Toulouse à Bazas ( Vesas) pour leurs gages touchant un service entre le 13 et le 19 avril39. Au mois de décembre 1329, l’évêque et le chapitre reçurent à leur tour des lettres de protection40. Ces lettres témoignent de l’inquiétude des Bazadais confrontés à une situation politique particulièrement instable, la ville ayant changé trois fois de mains en quatre ans. Le roi de France, maître des lieux, devait les assurer de sa protection.

La cité allait rester pendant dix-huit ans dans la mouvance française. On en a plusieurs témoignages indirects : ainsi, le mardi 13 mars 1330, se tint à Bazas une audience du juge ordinaire d’Agenais d’outre-Garonne41 ; en 1333, le sire d’Albret faisait établir par un notaire de Bazas le vidimus d’un article du testament de son père Amanieu VII par lequel il déshéritait son fils cadet qui avait refusé d’aller avec lui au secours du roi de France et s’était emparé des châteaux de Vayres et de Gironde42 ; au mois de décembre 1334, Bazas tente avec d’autres villes de se soustraire à l’aide pour la chevalerie du fils de Philippe VI, Jean duc de Normandie, le futur Jean II le Bon43. Le 16 septembre de cette même année, Poitevin de Montesquiou avait quitté Bazas pour l’évêché d’Albi. Il fut remplacé par Gaillard de Fargues qui appartenait à la famille de Fargues dont le château familial s’élevait aux lisières du diocèse44. Gaillard devait occuper le siège bazadais jusqu’au 16 février 1348, mais ne semble pas avoir beaucoup résidé45.

Le contexte politique (1327-1341)

Bazas a ainsi vécu de 1324 à 1337 des moments difficiles, changeant de main à trois reprises. La ville étant devenue un poste avancé de la présence française, ses habitants ne pouvaient qu’être attentifs à l’évolution des relations entre Édouard II et le roi de France. Or en quelques mois la situation politique fut bouleversée à la suite de la déposition d’Édouard II et du décès de Charles IV. C’est dans ce contexte qu’il convient de replacer la tenson de Pèir de Ladils sur ce qui fut le problème politique majeur des années 1328-1340 : à qui de Philippe de Valois ou d’Édouard III devait légitimement revenir la couronne de France. Débat qui se déroule sur fond de contentieux aquitain, aggravé par l’absence de règlement des problèmes nés de la guerre de Saint-Sardos. Afin de suivre les arguments échangés dans la tenson, rappelons les principaux faits qui l’ont alimentée.

Sous un calme apparent des changements aux conséquences politiques graves se produisirent à peu près au même moment en Angleterre puis en France. Le 20 janvier 1327, Isabelle de France, reine d’Angleterre , de connivence avec son amant Roger Mortimer, renversait son époux Édouard II, le forçait à abdiquer puis, le 21 septembre suivant, se débarrassait de lui comme elle l’avait fait auparavant du favori du roi, Hugues le Despenser. Trois ans plus tard, le jeune Édouard III, placé jusque-là sous la tutelle de sa mère, l’écartait à son tour et s’emparait du pouvoir. Au même moment, la situation dans le royaume de France avait profondément changé. On se souvient de la succession au trône des trois fils de Philippe le Bel entre 1314 et le 1er février 1328. Or cette succession ne s’était pas faite sans difficulté puisque, à deux reprises, les filles du roi défunt – Louis X, puis Philippe V – avaient été écartées par leur oncle avec, d’ailleurs, l’accord des États. Or, en 1328, les données du problème sont différentes, Charles IV étant décédé sans enfant. Parmi les prétendants possibles à sa succession, on trouve deux cousins du défunt, Philippe et Charles, le premier fils de Charles de Valois, le second de Louis d’Evreux, frères de Philippe le Bel, mais aussi le jeune Édouard III, fils de sa sœur Isabelle. Édouard posa sa candidature mais les barons, écartant, comme ils l’avaient déjà fait, toute transmission de droits par les femmes, et agissant surtout par sens national choisirent Philippe de Valois qui devint Philippe VI. Après une régence de deux mois, il fut couronné le 29 mai 1328, malgré les protestations des ambassadeurs d’Édouard III46.

Cependant, après bien des tergiversations, le 6 juin 1329, à Amiens, Édouard fit hommage à Philippe VI pour le duché d’Aquitaine, mais l’hommage n’était pas lige et, malgré les protestations d’Édouard qui réclamait la restitution des terres conquises par Charles IV lors de la guerre de Sain-t­Sardos, le roi de France fit rappeler qu’il exceptait de l’hommage “les choses qu’il tient et doit tenir en Gascogne et en Agenoisˮ. Parmi ces terres gasconnes se trouvait la majeure partie du Bazadais. Le sort de ces terres restait donc à déterminer. Le problème de la ligesse fut réglé par la promesse faite par Édouard III, le 30 mars 1331, confirmée lors de sa rencontre avec Philippe VI à Pont-Sainte-Maixence quelques jours plus tard. Ce fut aussi l’occasion de régler bien des points restés pendants lors des accords précédents concernant le duché47.

Au cours des années suivantes et jusqu’en 1337, règne entre les deux rois une entente apparente, chacun s’estimant momentanément satisfait. La question de “Guyenneˮ était certes toujours en suspens, mais Édouard III avait bien compris que le roi de France songeait en fait à lui prendre ce qui lui restait de son fief aquitain. S’il évita la saisie de ce “resteˮ, ce fut en grande partie grâce à la politique du pape Benoît XII dont la principale préoccupation était de lutter contre l’empereur Louis de Bavière. Le pape s’opposa donc avec succès aux tentatives de Philippe VI, mais, au cours de l’année 1336, la situation évolua. Édouard III arma une flotte, envoya des armes en Gascogne et, pour ruiner les villes drapantes de Flandre, il interdit les exportations de laine qu’il orienta vers le Brabant voisin. Il préparait son alliance avec l’empereur, en concluait une avec le comte de Hainaut. Le 24 mai 1337, Philippe VI confisquait le duché d’Aquitaine48.

La réplique vint le 7 octobre : à Westminster, Édouard III revendiqua le royaume de France par droit successoral, s’intitula roi de France et d’Angleterre et envoya un défi à Philippe VI. C’était la guerre. À vrai dire, depuis le traité de Paris de 1259, les rois de France successifs n’avaient eu qu’un but : par le jeu du traité, chasser pacifiquement si possible, le roi d’Angleterre de son duché. Édouard, à l’occasion du changement de dynastie en France et en prétendant à la couronne de France, fait passer au second plan le litige féodal au profit d’un procès de succession. Probablement la question dynastique n’était d’ailleurs qu’un bouclier, un moyen de rendre national en Angleterre le problème aquitain et le moyen pour Édouard de le régler finalement à son profit.

Faute d’argent et pour ne pas déplaire au pape, une première expédition sur le continent, prévue en 1337, n’eut pas lieu. Après avoir conforté son alliance avec l’empereur, conclue le 25 août 1337, Édouard débarquait en juillet 1338 à Anvers d’où il lança une proclamation qui ressemblait fort à une déclaration de guerre, puis il se rendit à Coblence où l’empereur Louis de Bavière le fit vicaire impérial. Malgré l’arrivée de renforts au printemps 1339, en raison de la défection des Allemands, Édouard, après avoir ravagé la Thiérache, ne put ni s’emparer de Cambrai, ni affronter directement Philippe VI qui se déroba. En fait, c’est au cours de l’hiver que se produisirent les événements les plus notables. En effet, après s’être insurgés contre leur comte, Louis de Nevers et avoir observé une attitude de neutralité, les villes flamandes se rangèrent dans le camp d’Édouard III. Un premier accord conclu en décembre fut complété en janvier 1340 : Édouard III promettait aux Flamands le retour de trois châtellenies – Béthune, Lille et Douai – qui avaient été détachées du comté en 1305 et le déplacement d’Anvers à Bruges de l’étape des laines anglaises. Il s’engageait, en outre, à contribuer à la défense de leurs villes. Mais la conclusion de l’accord était subordonnée à une condition : le roi d’Angleterre serait reconnu par les Flamands comme roi de France49.

Édouard, qui avait passé les mois de novembre et décembre à Anvers, quitta cette ville le 20 janvier 1340 et se rendit à Gand avec sa famille. Il y fut reçu en grande pompe par les Gantois dans l’abbaye Saint-Bavon entre le 23 et le 26 janvier où il rencontra les députés des villes flamandes conduits par Jacques d’Artevelde. Celui-ci expliqua longuement à Édouard comment les villes flamandes désiraient être gouvernées et quels étaient leurs ressentiments à l’égard de Philippe VI. Les députés Flamands, après avoir offert des présents à Édouard III, lui jurèrent de ne plus appeler Philippe de Valois, roi de France. Édouard fit alors le serment de défendre les villes flamandes et de tenir ses engagements à leur égard. Après leur avoir demandé leur avis et sur les instances des Flamands et de Jacques d’Artevelde, il prit les armes de France et s’intitula roi de France. Dès le 26 janvier, Édouard III date ses lettres de la première année de son règne en France, du quatorzième en Angleterre. Il revint en Angleterre à la fin du mois de février pour faire de nouveaux préparatifs et se procurer hommes et argent. Une alliance fut conclue avec les villes flamandes50.

Après avoir péniblement rempli ses coffres, Édouard III partit rejoindre la reine et ses deux fils à Gand. Quand il sut qu’une escadre française se portait au-devant de lui pour l’empêcher de débarquer, le 22 juin, à la tête d’une flotte de 200 nefs, il mit la voile. Le 25, après une dure bataille livrée devant l’Écluse contre la flotte française et celle de ses alliés, les Anglais, victorieux, avaient la maîtrise de la mer. Édouard, escorté des Gantois décida, fin juillet, d’aller assiéger Tournai dont Philippe VI avait renforcé la garnison. Le roi de France se tenait avec son armée à Arras, puis il se fixa à 12 km de Tournai dont les habitants, redoutant la famine, lui avaient réclamé du secours. Mais Édouard, lâché par ses alliés, fut contraint, le 25 septembre, à Esplechin, de conclure une trêve qui devait durer jusqu’au 24 juin 1341. Le 27 septembre, il levait le siège de Tournai et se repliait sur Gand. Ainsi, la seconde expédition d’ Édouard sur le continent se soldait comme la première par un échec. Philippe VI en ne prenant pas l’offensive comme il l’avait déjà fait l’année précédente se déroba au moment décisif, faisant le jeu de son adversaire51.

La tenson entre Pèir de Ladils et Ramon de Cornet (n° IX)

Ce sont les événements qui se sont déroulés depuis 1329 et tout particulièrement les affaires de Flandre qui font l’objet du débat qui oppose Ramon de Cornet qui prend la défense d’Édouard III à Pèir de Ladils, porte­parole du parti français. Le débat se présente sous forme de cinq strophes dans lesquelles Pèir et Ramon prennent successivement la parole : trois couples de strophes de neuf vers (I à VI) et deux de cinq vers (VII à X). Pèir attaque le “seigneur Ramonˮ sur trois points précis : la proclamation d’Édouard III comme roi de France, le changement de ses armoiries et le serment des Flamands ; la trahison d’Édouard III qui avait prêté hommage lige à Philippe VI pour ses terres aquitaines ; la couardise d’Édouard III qui aurait refusé le combat au moment du siège de Tournai. Chaque fois Ramon de Cornet lui donne la réplique, prenant la défense d’Édouard III. Dans les quatre dernières strophes, chacun donne son point de vue sur les moyens de trouver une issue au conflit, mais Ramon de Cornet refuse l’arbitrage de Thibaut de Barbazan, chaud partisan du roi de France.

C’est à la proclamation d’Édouard III comme roi de France que Pèir de Ladils fait manifestement allusion lorsqu’il évoque “le bon roi anglaisˮ qui “se proclame roi des Françaisˮ et “porte la fleur sur ses armoiriesˮ (I, 3, 4, 6). Ces événements qui se sont déroulés à Gand les 23-26 janvier 1340 sont rapportés par plusieurs chroniqueurs, mais Jean de Venette précise qu’Édouard III fit diviser ses armes en quartiers pour y faire figurer celles de France et d’Angleterre. Bien sûr, Pèir de Ladils estime que c’est par “malveillanceˮ qu’il a agi ainsi et qu’on “ne le tient pas là-bas pour seigneurˮ, allusion à la difficulté qu’Édouard avait eu à se faire reconnaître par ses nouveaux sujets. Aussi “personne ne l’aide dans la guerreˮ (I 4, 6, 7, 8).

Ramon lui réplique en affirmant que le roi anglais “doit posséder selon le droit le royaume de France tout entier, car il devrait lui revenir par héritage légitimeˮ (II, 11-13). Cela nous renvoie au débat qui s’ouvrit à la suite du décès de Charles IV, lorsque les barons français s’interrogèrent sur le choix de son successeur. Les envoyés anglais alors à Paris déclarèrent, selon les Grandes Chroniques, que “à leur roy appartenait de droict et de raison le royaume de France comme au neveu et plus prochainˮ, les Français soutenant qu’une fille – Isabelle, mère d’Édouard III – “ne hérite pas au royaumeˮ. Encore au moment du couronnement de Philippe VI, les plénipotentiaires anglais dirent qu’Édouard était le plus proche parent de Charles IV, au deuxième degré, alors que Philippe VI l’était au troisième52. Si les villes flamandes consentirent, en janvier 1340, à prêter hommage à Édouard III ce fut à condition qu’il se proclamât roi de France et mit les lis dans ses armes. Dès lors qu’il s’intitulait roi de France, les Flamands pouvaient lui prêter serment sans risquer d’être parjures. Comme le dit Ramon de Cornet, Édouard III se “nomme roi légitime de France sans aucune réserveˮ (II,15,16) “tant et si bien que les Flamands lui ont prêté sermentˮ – en fait, nous le savons, ils furent les seuls (II,17)53.

Habilement, Pèir de Ladils retourne cet argument contre le seigneur Ramon en rappelant qu’“Édouard a fait hommage ferme du duché… et il a juré de lui obéir sans aucune contestation et avec grand respectˮ (III, 19-22). Il qualifie aussi les Flamands de “traîtres au cœur légerˮ pour avoir juré fidélité à Édouard, et les accuse “de vouloir lui faire rompre son sermentˮ – ce qui s’est effectivement produit (III, 26-27).

Pèir, faisant référence à l’hommage d’Amiens de 1329 et aux accords de Pont-Saint-Maixence de 1331, accuse donc Édouard de parjure, mais nous savons bien qu’Édouard n’avait jamais accepté l’abandon de l’Agenais et de la majorité du Bazadais et la question de Guyenne resta toujours un sujet de discorde avant de passer au second plan. Ramon de Cornet excuse alors Édouard III, met sur le compte de sa jeunesse le fait d’avoir souffert l’injustice, car un “homme jeune a de la patience, même si cela lui nuit, car il ne sait pas bien jugerˮ, mais aujourd’hui, bien conscient du “tort qu’il subitˮ, il veut “sans pitié recouvrer son bienˮ car “il le peut et voit son avantageˮ (IV). Il est vrai que, dix années durant, parallèlement aux interminables discussions portant sur l’hommage pour le duché et le règlement de la guerre de Saint-­Sardos, Édouard III a eu une attitude hésitante s’agissant de ses prétentions au trône de France : il le fait, on vient de l’évoquer, une première fois en 1328, puis paraît y renoncer lorsqu’il se reconnaît l’homme lige de Philippe VI. On aurait pu croire alors que les droits des Valois au trône de France ne seraient pas remis en question. Mais, en 1337, sans justification nouvelle, Édouard III se proclame une première fois, roi de France, puis il abandonne ce titre pour le reprendre, définitivement cette fois en 1340. S’il n’avait pas eu en face de lui un roi de France auquel il manquait les qualités d’un homme d’État, cela aurait pu lui coûter définitivement son duché54.

Dans le troisième dialogue (V-VI), Pèir reproche à Édouard d’avoir manqué de courage car “un homme qui veut sans garantie guerroyer fer me pour conquérir des terres / doit tout d’abord rechercher l’ennemi / et batailler lui-même sans peur, et non piller avec lâchetéˮ (V, 37-40). Or, selon lui, “le roi d’Angleterre ne cherche ni ne veut rencontrer Philippe son adversaire, mais à Tournai sans aucun profit, il a paradéˮ (V, 42-45). Qu’Édouard n’ait tiré aucun profit du siège de Tournai, lui-même en était convaincu. Comme l’écrivit l’auteur de la Chronique de London le siège fut levé “à la grande lamentation des Anglais qui cuidoient faire fortuneˮ. En fait, ni Édouard ni Philippe VI ne prirent l’offensive et, le temps du siège, il sont restés à quatre lieues l’un de l’autre. Selon les Anglais, ce serait Philippe qui par couardise se serait retiré le premier, accusation retournée par les Français. Pèir de Ladils rejoint les critiques que l’on trouve dans la Chronique des quatre premiers Valois : lorsque Édouard sut que les Français approchaient, les Anglais levèrent le siège bien qu’ils fussent plus de cinquante mille, et ils se retirèrent dans l’Empire. Philippe VI crut bon de ne pas les poursuivre55. Par contre, l’accusation de pillages n’était pas sans fondement car, sans parler de ceux qui avaient été commis en 1339 lors de la campagne de Thiérache, ils furent nombreux en 1340. Pendant qu’Édouard III assiégeait Tournai, le comte de Hainaut ou ses gens détruisirent les villes de Saint-Amand et de Marchiennes et le pays environnant ; près de 300 villages ou hameaux furent pillés56.

Dans sa réplique Ramon de Cornet élargit le débat : pour lui si “une guerre commence en général doucement / par les pillages par les volsˮ (VI, 46-47), c’est parce que le roi Philippe n’est pas “sortiˮ pour protéger sa terre et “préfère boire l’offenseˮ (VI, 47-49). Cette accusation d’attentisme de la part du roi de France est tout à fait justifiée, car ni sur les théâtres d’opération à la tête de ses armées, ni entre deux campagnes Philippe VI n’a su prendre l’initiative ou redresser la situation à son profit. On l’avait bien vu à Buironfosse, en Thiérache, le 24 octobre 1339, lorsque, au moment où le combat allait s’engager il ordonna à l’armée de se replier. On venait de le voir une nouvelle fois devant Tournai. Prémonitoire, Ramon de Cornet laisse entendre qu’après avoir commencé par l’A B C, Édouard “en viendra plus tard et finalement à accomplir ce qu’il souhaite au détriment de la fleur (de lis)ˮ (VI, 51-53). Ramon de Cornet souhaite avec sagesse que lorsque la bataille aura lieu pour de bon “personne ne vainqueˮ Mais ce fut Crécy, le 26 août 1346 : Édouard III “accomplit son devoirˮ en écrasant l’armée de Philippe VI.

Pèir réplique aux accusations de Ramon de Cornet en rappelant que ce n’est pas par manque de courage que les Français n’ont pas livré bataille, car on les verra “guerroyer avec l’épéeˮ mieux que ne l’ont jamais fait les héros des chansons de geste et des romans de chevalerie, Charles et Roland, Geoffroy, Lancelot, Gauvain et Marc et ils le feront d’autant plus qu’ “ils sont dans leur droitˮ (VII, 55-58). Par contre, nous nous interrogeons sur la manière dont on doit interpréter “le Languedocˮ (v. 59). Faut-il entendre par là la contribution du Languedoc – de Toulouse à Nîmes – à une éventuelle conquête du duché aquitain ? L’espoir dans une trêve pourrait laisser croire que Pèir ignorait celles qui avaient été conclues à Esplechin. Cela est peu vraisemblable, car elles ont précédé la levée du siège de Tournai et elles furent par la suite prolongées.

Ramon de Cornet n’envisage pas pour sa part que la paix puisse être conclue aussi longtemps que “le roi d’Angleterre n’a pas recouvré clairement et complètement le duché / et même un peu du sien en souvenir de ses droitsˮ (VIII, 62-64). Voilà qui nous ramène au débat qui, de 1327 à 1337, a servi de toile de fond aux relations franco-anglaises.“Complètementˮ, c’est-à-­dire dans les limites du traité de Paris de 1259 avec, entre autres, l’Agenais et le Bazadais. “Clairementˮ : faut-il entendre en toute souveraineté ? Solution inacceptable pour le roi de France mais qui, s’il l’avait acceptée, aurait peut-­être conduit Édouard à renoncer à ce “peu du sienˮ qu’il revendiquait “en souvenir de ses droitsˮ, ses prétentions à la couronne de France.

Compte tenu des événements qui y sont évoqués, le débat entre Pèir de Ladils et Ramon de Cornet a été vraisemblablement écrit en 1341. On était alors en période de trêves, situation qui allait se prolonger jusqu’en avril 1342. Cette pause permit sans aucun doute aux partisans d’Édouard III et de Philippe VI de débattre plus sereinement de problèmes qui les concernaient directement. Que Pèir ait été pro-français ne saurait nous étonner, Bazas étant, on l’a vu, redevenue française probablement depuis 1328. Thibaut de Barbazan que Pèir souhaite choisir comme arbitre est à cette époque, on va le voir, capitaine de la cité de Bazas pour le roi de France ; Ramon de Cornet ne pouvait donc que le récuser (IX-X). En revanche, nous ignorons dans quelles circonstances eut lieu le débat. Il dénote, en tout cas au moins chez certains Bazadais, une bonne connaissance des données du problème franco-anglais et de l’évolution du conflit57.

La reprise de la guerre en Gascogne (1337-1348)

La guerre avait repris en Gascogne dès 1337, à partir des positions occupées par les Anglo-gascons et les Français depuis les derniers épisodes de la guerre de Saint-Sardos. Le Bazadais se trouve aux avant-postes et La Réole sert, en 1337, de base départ dans les tentatives faites par les lieutenants du roi de France pour élargir leur contrôle du terrain : en direction de Saint­-Macaire et de Pommiers qui résistent puis, avec succès cette fois, vers Civrac­-sur-Dordogne. L’année suivante, Guillaume Amanieu de Madaillan, seigneur de Pujols et Rauzan, passe dans le camp français. La situation dans le nord du Bazadais reste néanmoins instable : en 1339, Civrac est repris par les Anglo­gascons et, en 1340, Pommiers résiste à une nouvelle attaque française. L’événement le plus important se produisit au début de 1340 avec le ralliement définitif de Bernard Aiz V d’Albret à Édouard III : il prend, le 3 janvier, le titre de capitaine du roi et son lieutenant dans le duché d’Aquitaine58.

La géographie politique du Bazadais méridional s’en trouve bouleversée. Jusque-là il était en grande partie contrôlé par les Français. Désormais, La Réole et Bazas sont cernées par les terres du sire d’Albret, partisan du roi­duc : Cazeneuve, Casteljaloux, Bouglon, Samazan, Aillas, Meilhan, Landerron, Sainte-Bazeille, Gironde, Castelmoron. Certes, Bazas est encore entouré de terres françaises (Roquetaillade, Auros, Gans, Sauviac, Lerm, Captieux, Uzeste), les deux villes sont protégées par des enceintes et seul un siège en règle serait susceptible de les faire capituler. Mais, avec Langon, elles sont devenues de véritables têtes de pont en territoire ennemi. Ainsi, dès 1339, le sire d’Albret fait une tentative pour prendre Langon par la Garonne, mais il échoue59. Telle était la situation lorsque furent signées, au lendemain de l’échec d’Édouard III devant Tournai, le 25 septembre 1340, les trêves d’Esplechin, prorogées, on l’a vu, jusqu’au 24 juin 1342.

La situation à Bazas

C’est à ce moment précis que l’on peut situer le débat entre Pèir de Ladils et Ramon de Cornet. Aussi convient-il de faire une nouvelle fois le point sur la situation politique à Bazas. Il est probable que, dès 1337, la cité disposa d’une garnison renforcée, mais le fait marquant fut l’arrivée de Thibaut de Barbazan, capitaine de La Réole du 1er janvier au 18 octobre 1339. Il entra ce jour-là à Bazas accompagné de 88 écuyers et 396 sergents. Sa présence comme capitaine de Bazas est attestée, nous le verrons, à plusieurs reprises et l’on peut considérer qu’il fut présent dans la cité au moins jusqu’en 134560. Ce dont on peut être certain c’est de l’engagement des Bazadais aux côtés du roi de France, qui faisait d’ailleurs tout pour les retenir. Ainsi, au mois de janvier 1339, le roi Jean de Bohême que Philippe VI avait nommé son capitaine général et lieutenant en Languedoc restituait aux Bazadais l’office du consulat et l’élection de jurats, privilège dont ils auraient été privés par un sénéchal de Gascogne, Bertrand Jourdain de l’Isle61. La mission de Jean de Bohême qui s’était établi à Marmande avait un objet très précis : essayer par tous les moyens d’éviter que le sire d’Albret – qui avait conclu un accord secret avec le sénéchal de Gascogne, Olivier de Ingham, le 8 mai 1338 – ne prenne définitivement le parti d’Édouard III. Informés de la présence d’un émissaire du roi de France, les Bazadais profitèrent de cette opportunité pour se faire restituer le droit d’avoir des jurats et des conseillers. Or, comme le montre clairement l’accord conclu à ce sujet, le 2 juin 1340, entre l’évêque et le chapitre d’une part, l’université des citoyens de Bazas, de l’autre, les coseigneurs ecclésiastiques considéraient qu’il ne pouvait s’agir d’une restitution. Dans l’ignorance où nous sommes encore du fonctionnement de la vie municipale à Bazas depuis le paréage de 1283 nous ne savons qui des Bazadais ou de l’évêque avait raison. Or, en vertu du paréage, l’évêque et le chapitre avaient comme paréager le duc d’Aquitaine, et de ce fait, suite à la confiscation du duché, le roi de France.

Nous sommes donc assez enclin à penser que l’université et les citoyens de Bazas profitèrent de la situation pour obtenir du roi de Bohême une restitution qui cachait peut-être une concession et, dans un second temps, pour forcer la main à l’évêque et au chapitre. Nous le pensons d’autant plus que, lors de la conclusion de l’accord, c’est par mandement de l’évêque Gaillard de Fargues, mais aussi de celui de Thibaut de Barbazan, capitaine du roi, que citoyens et membres du chapitre furent convoqués dans la cathédrale. D’ailleurs, c’est aux prévôts des coseigneurs qu’il appartient de procéder à la désignation des douze jurats et des six conseillers qui constitueront, désormais la municipalité62.

La restitution ou concession de l’office du consulat ne fut pas la seule mesure dont bénéficièrent les Bazadais au cours des années 1339-1340. Au mois de décembre 1339, ils avaient obtenu de Philippe VI la rémission pour leurs infractions aux ordonnances sur les monnaies, en même temps d’ailleurs que les consuls de Villeneuve-sur-Lot, Port-Sainte-Marie, Montréal, Sainte-Foy­la-Grande, Condom, Mézin et Marmande63. La présence de Bazas au côté des villes de l’Agen ais est à l’image des nouvelles structures administratives mises en place par le roi de France : Bazas dépend maintenant de la sénéchaussée d’Agenais et Gascogne. Au mois d’avril suivant, au moment où il fait enregistrer sous forme de vidimus la lettre de Jean de Bohême restituant aux Bazadais l’office consulaire, une nouvelle occasion s’offre à lui de leur manifester sa gratitude. Invoquant l’amour sincère, les services rendus et la foi que ses fidèles consuls et habitants n’ont cessé de lui manifester dans la guerre de·Gascogne – il s’agit là d’un formulaire de circonstance –, il leur fait une concession de taille : la création d’une foire annuelle commençant le jour de l’octave de la Saint-Martin d’hiver – le 18 novembre –, d’une durée de huit jours, avec tous les privilèges et libertés attachés aux foires de création royale. Cependant, s’il apparaissait au sénéchal d’Agenais que cette date puisse porter préjudice à d’autres foires, elle pourrait en être changée64.

Le maintient de Bazas dans le camp français n’a pu se faire qu’avec le soutien d’une majorité des habitants, du moins de ceux qui comptaient dans la cité. Les privilèges qu’ils reçoivent sont à la mesure d’un engagement dont nous avons quelques témoignages significatifs : ainsi, deux contingents bazadais assurèrent la garde de la ville aux gages du roi : Bertrand Marquès avec 20 autres bourgeois et 42 sergents du 4 juin au 28 juillet 1339 ; Guilhem Aiquem avec 39 autres hommes d’armes de la ville, du 30 août au 5 octobre 1341. En plus de la compagnie de Thibaut de Barbazan et de cette garde bourgeoise, des nobles de la prévôté participaient aussi à la défense de la cité. Il s’agit de Bertrand de Pompéjac et d’Arnaud Garsie de Sescas, seigneur d’Illon, à Uzeste65. Certains Bazadais qui n’avaient cessé de manifester leurs sentiments pro-français et avaient probablement donné de leur personne et de leurs biens en furent récompensés. Nous en connaissons trois : Pierre d’Escotet, Bertrand Marquès, Arnaud de Tapier. À une date et dans des circonstances que nous ignorons, les trois premiers avaient reçu une rente viagère de 40 livres tournois. Puis, au mois de mai 1340, à un moment critique, le roi de France à l’initiative de Thibaut de Barbazan la transforma en rente perpétuelle66. D’autres, pour avoir été fidèles au roi-duc, furent accusés de trahison et forfaiture. Ce fut le cas de Gaillard de Cabousiz, qui appartenait à l’une des plus anciennes familles de la ville. Ses biens ayant été confisqués, Pierre d’Escotet, se fit accorder par l’évêque de Beauvais alors lieutenant du roi en langue d’Oc, “le malin de Cabousiz assis emprès Vasatz et es appartenances d’iceluiˮ La concession est datée de Marmande, du mois d’octobre 1342. Le receveur d’Agenais et le capitaine royal de Bazas, Thibaut de Barbazan, devaient veiller à ce que maître Pierre d’Escotet, citoyen de Bazas et les siens jouissent à l’avenir de ce moulin. Pour être sincère, le dévouement de Pierre d’Escotet à la couronne de France n’était pas, on le voit, dés intéressé. Il nous semble d’ailleurs, que ce bourgeois ait profité dune situation difficile pour en tirer le meilleur parti. Ainsi, au printemps 1343, il revient à la charge et se fait accorder “le demorantˮ des biens de Gaillard de Cabousiz, encore dans les mains du roi, qu’il estimait valoir 10 livres de rente annuelle. Par la même occasion, il se fit aussi donner les biens de Sanche du Mirail qui se trouvaient dans la prévôté de Bazas, confisqués par le roi pour cause d’homicide, biens estimés à 51. de rente67.

De 1250 à 1313 les Ladils, nous le verrons, participent activement à la vie de la cité et à celle du duché. Or, depuis 1324 nous n’avons rencontré qu’un seul représentant de la famille en plus de Pèir : il s’agit de Bernard Aiz attesté en 133368. Cette situation n’est pas propre à la famille de Ladils ; elle résulte pour l’essentiel du changement d’obédience, les informations provenant de la chancellerie française étant moins nombreuses que celles fournies par les Rôles gascons. On peut être assuré en tout cas de la présence à Bazas de nombreux Ladils. Ainsi, lors de l’accord conclu le 2 juin 1340 entre l’évêque et le chapitre d’une part, les citoyens de Bazas de l’autre, sont présents parmi les clercs : Jean de Ladils dit de l’Hôpital, vicaire de la bienheureuse Marie de Bazas (Notre-Dame du Mercadil), Guillaume Arnaud, Bernard Aiz, Raimond Bernard, fils de Raimond Bernard, Arnaud, fils d’Arnaud et Brunet. Pèir n’y figure pas. Il se pourrait, néanmoins, qu’il ait fait partie de l’équipe des costumeys qui rédigèrent, probablement avant 1350, les coutumes de Bazas69.Il s’agit de Ramon et Pey de Ladils, Bertrand Marquès, maître Pey del Cotetz et monseigneur Menaud de Gans. L’hypothèse serait d’autant plus plausible si Pey del Cotetz n’était autre que Pey d’Escotet, un ardent partisan du roi de France, comme l’était Pey de Ladils. On notera aussi qu’en 1339 le chef de la milice bourgeoise s’appelait Bertrand Marquès. Mais nous nous garderons de conclure.

Compte tenu du contexte politique bazadais la prise de position de Pèir de Ladils en faveur de Philippe VI ne saurait donc nous étonner. La vigueur des sentiments pro-français des Bazadais est confirmée, on va le voir, quelques années plus tard, par la réponse qu’ils firent au lieutenant du roi d’Angleterre qui les sommait de se rendre . Mais le débat de Pèir de Ladils nous éclaire sur la culture politique des notables de Bazas, parfaitement au fait de l’enjeu du conflit entre Philippe VI et Édouard III et bien informés des événements qui venaient de se dérouler en Flandre. On ne saurait finalement trop s’en étonner, car le Bazadais est bien alors le second front de la guerre qui vient de commencer et va profondément marquer la vie de la cité durant plus d’un siècle.

Les trêves furent mises à profit par chacun des deux partis pour conforter leurs positions dans la perspective d’une reprise des hostilités. Le sire d’Albret parvint à rallier Alexandre de Caumont, seigneur de Sainte-Bazeille, mais les lieutenants du roi de France surent se montrer généreux à l’égard des Gabarret à Langon, des La Mota à Roquetaillade ou de G. R. de Got à Castets. La fin de la trêve fut l’occasion d’un attaque française sur Sainte-Bazeille, mais la trêve de Malestroit (19 janvier 1343) suspendit une nouvelle fois les hostilités jusqu’à la Saint-Michel 1346.

En fait, la trêve fut rompue dès l’été 1345, lorsque le comte de Derby, nouveau lieutenant d’Édouard III, lança une offensive dont les effets bouleversèrent la géographie politique du Bazadais qui bascula dans le camp anglais. La Chronique de Bazas rapporte de manière détaillée les principaux faits qui jalonnent la campagne de Derby : le siège de Langon, la prise de Bergerac (24 août), suivie de la bataille d’Auberoche (21 octobre). À l’automne, l’offensive anglo-gasconne aboutit à la conquête du Bazadais : La Réole se rend le 8 novembre, mais le château résiste huit semaines jusqu’au début de 1346. Toutes les places environnantes passent sous le contrôle de Derby : Saint-Ferme, Dieulivol et Roquebrune dans le bassin du Drot, Gironde, Caudrot, Castets et Langon dans la vallée de la Garonne. Il en est de même des châteaux qui entourent Bazas, restés dans les mains du parti français depuis 1324 : Roquetaillade, Auros, Lados, Lerm, Pompéjac et même Villandraut en Bordelais. Mis à part Sauveterre, Rauzan et Blasimon au nord de la Garonne, Bazas est désormais la seule place française du Bazadais. Cette situation est probablement à mettre sur le compte de la présence dans la cité d’une forte garnison : ainsi du 17 octobre 1345 au 20 mars 1346, Thibaut de Barbazan qui se dit capitaine de Bazas a sous ses ordres deux chevaliers, 147 écuyers et 600 sergents à pied. Il dispose ainsi de moyens suffisants pour défendre la place70. On comprend mieux le refus catégorique qu’il oppose à la demande de capitulation que lui adresse Derby, le 13 novembre 1345. La Chronique de Bazas qui rapporte les faits les accompagne d’un commentaire qui souligne l’attachement des Bazadais au roi de France. Il est vrai que dans sa réponse Thibaut de Barbazan associe les consuls, les jurats et la communauté de Bazas et rappelle le serment de fidélité qu’ils ont prêté au roi de France71.

Mais l’étau se resserre autour de la cité. Elle bénéficia d’un sursis au cours de l’été 1346 à l’occasion de la contre-offensive menée par le duc Jean de Normandie, fils aîné de Philippe VI – le futur Jean II le Bon –. Mais, le 20 août, quelques jours avant Crécy, Jean lève le siège d’Aiguillon qu’il n1a pas réussi à reprendre aux Anglais. Bien que Thibaut de Barbazan ait assuré le comte de Derby qu’il tiendrait la cité de Bazas, ses citoyens et habitants comme il les avait trouvés, reçus et tenus, c’est-à-dire dans la fidélité au roi de France et cela jusqu’à la mort, Bazas capitula le 3 janvier 1347. Le Bazadais était totalement anglais. Thibaut de Barbazan quitta donc Bazas au plus tard à cette époque et regagna probablement le Languedoc …

C’est entre 1341 et 1345 que Pèir de Ladils, exilé, peut-être à Toulouse, sollicita son intervention pour lui permettre de revenir à Bazas. On peut être assuré que ce ne fut pas pour ses opinions politiques que Pèir dut quitter la ville mais pour des raisons d’ordre privé. Au cours du XIIIe siècle et au début du siècle suivant, les Ladils, nous le verrons, ont été impliqués dans plusieurs querelles entre Bazadais dont certaines aboutirent même à des règlements de compte sanglants. La prise de la ville par les Anglo-gascons ouvre une période au cours de laquelle la cité est une nouvelle fois anglaise. Elle va le rester vingt-deux ans jusqu’à sa reconquête dans les premiers mois de 1370 par le duc d’Anjou. Mais, entre temps, on a pu croire, à la suite de la création de la principauté d’Aquitaine en 1360, que la paix “anglaiseˮ était pour longtemps établie. Pèir de Ladils, s’il est encore en vie, est peut-être alors revenu à Bazas72. Il fut sans doute pardonné de ses engagements politiques comme ceux de ses compatriotes qui avaient pris le parti du roi de France. Ainsi, maître Pierre d’Escotet dont le roi-duc rappelle la mauvaise conduite durant vingt-cinq ans puis sa fuite en 1347, lorsque Bazas redevint anglaise, fut pardonné par Édouard III dès le 20 octobre 1353. À cette date, les jeux étaient loin d’être faits, aussi d’autres citoyens qui avaient certainement conservé un mauvais souvenir de l’époque où Pierre d’Escotet occupait à Bazas le devant de la scène politique obtinrent du roi-duc que son sénéchal et son connétable l’écartent de la ville en cas de guerre ou de trêve, si l’homme leur paraissait suspect73.


Notes

  1. “E vos qu’etz nessis avocatsˮ– et vous qui êtes un simple avocat. (Pièce n° VIII, v. 73).
  2. Cf Une famille de bourgeois bazadais : les Ladils, article qui sera publié dans le prochain numéro des Cahiers du Bazadais.
  3. Nous reviendrons sur ce débat.
  4. Cf infra.
  5. Cf infra.
  6. Nous avons dans l’article consacré aux Ladils qui sera publié dans le prochain numéro des Cahiers évoqué un certain nombre d’événements marquants de la vie bazadaise au XIIIe siècle. Pour plus de détails, on peut se reporter aussi à l’article intitulé, Notes sur l’histoire de la ville de Bazas au XIIIe siècle, dans les Cahiers du Bazadais, n° 66 et 67, 3e et 4e trim. 1984. Cette évocation en constitue la suite.
  7. Pour avoir une idée plus précise de l’histoire politique et militaire de la Gascogne dans la première moitié du XIVe siècle, on peut se reporter à J. B. Marquette, Les Albret, t. 4, Les Cahiers du Bazadais, n° 41, 2e trim., 1978. Pour la guerre de Gascogne, p. 400-402.
  8. Saint-Sardos, canton de Prayssas, arr. d’Agen. Pour en savoir plus sur les conséquences de la guerre de Saint-Sardos en Bazadais et la situation politique jusqu’en 1347 il convient de se reporter à l’excellent article de Patrice Barnabe : Des gascons dans le conflit franco-anglais au XIVe siècle : choix et contraintes politiques des gens du Bazadais 0327-1347), dans Les Cahiers du Bazadais, n° 132, 1er trim. 2001. Sauf mentions complémentaires, nous nous y sommes constamment référé. On y trouve deux cartes sur la situation politique en Bazadais en 1327-1337 et à l’automne 1340 reproduites dans ce numéro.
  9. Les aspects politiques du différend franco-anglais au début du XIVe siècle sont abordés de manière précise dans un ouvrage ancien mais toujours fort utile : Eugène Deprez, Les préliminaires de la guerre de Cent ans. La papauté, la France et l’Angleterre (1328-1342). Bibl. des écoles françaises d’Athènes et de Rome, fasc. 86, 1902. Ratification de l’accord de 1325, p. 20.
  10. E. Deprez, op. cit., p. 22.
  11. Chronicon Vazatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 39. Or, nous allons le voir, à la différence de qui s’était produit dans le reste du Bazadais où l’offensive française de 1324 avait pour de nombreuses années délimité les secteurs contrôlés par chacun des deux partis, à Bazas la situation mit du temps à s’éclaircir.
  12. Dans une lettre datée de Bazas il ordonne au vicomte d’Aulnay, capitaine dans les parties de Saintonge, Périgord et Poitou de veiller à ce que du blé, du vin ou des victuailles ne soient livrés aux ennemis du roi de France. The War of St Sardos, 1323-1325. Gascon correspondance and diplomatie documents, edit. P. Chaplais, London, 1954, n° 108, p. 118. Il reste une trace curieuse de la venue à Bazas de Jean de Blainville , qualifié pour la circonstance de sénéchal du Bazadais : An. 1325 joannes Blanilla, seneschallus Vazatensis (Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 40).
  13. Les lettres ont été publiées dans Thewar of St Sardos. Dans la première (n° 126) l’espion rapporte que le sénéchal des Landes avait entendu dire que le sire d’Albret devait venir à Tartas après Noël. Fausse information. Au terme de trois jours d’enquête à Bazas, l’espion apprend que “le duzime jour de Noëlˮ le sire d’Albret “s’en alla à Parisˮ Dans la seconde (n° 143) Robert de Wateville rapporte qu’avec Esmon Bacun “alasmes par devers Bazats et Marmande et illoqes nous vindrent certaines novelleˮ·
  14. Cf. Notes sur l’histoire de Bazas au XIIIe siècle, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 66, 3e trim. 1984, p. 20-27.
  15. Dom R. Biron, L’épiscopat bazadais (ves.-1792), dans Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, t. 17, 1924, p. 94-95. R. Senac, L’épiscopat en Gascogne dans la première partie du XIVe siècle, T.E.R., 1970, université de Bordeaux III, p. 132. La Chronique de Bazas mentionne seulement sa nomination en 1319 : Guillelmus VI (Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 39). La Chronique cite la présence sur le siège épiscopal de Bazas de Bernard II en 1322 et Cosme Ier en 1323. Il s’agit d’erreurs manifestes.
  16. R. Senac, op. cit., p. 41, 44, 46 et n. 140.
  17. R. Senac, op. cit., p. 1 06, 122.
  18. Voir Gallia Christiana, t. I, col. 1203 ; R. Senac, op. cit., n. 243.
  19. R. Senac, op. cit., p. 132. Par la suite, de 1328 à 1333, Guillaume résida à Paris où il assista à diverses assemblées et s’occupa d’une affaire politique particulièrement grave, celle de Robert d’Artois. Ibid, p .1 21.
  20. The war of St Sardos, n° 90, p. 104. La lettre datée de Bordeaux est adressée à Hugues le Despenser.
  21. Dom R. Biron, art. cité, p. 95. R. Senac, op. cit., p. 42. Il fut appelé plus tard à l’évêché d’Albi, puis promu au cardinalat par Clément VI. R. Senac, op. cit., p. 133.
  22. Apud Alhanum; Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, E 27. Cet acte est mentionné dans Gallia Christiana, t. 1, col. 1203-1204.
  23. Archives nationales, registres du Trésor des chartes, JJ 6 4, n° 82 , fol. 42 v°). Ch. Samaran, La Gascogne dans les registres du Trésor des chartes, Coll. de Documents inédits sur l’histoire de France, série in-8°, vol. 4. Paris, 1966, n° 309.
  24. Chronicon Vazatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 40. Un passage pose un problème d’interprétation : excepta sanguine Praecursoris qui remansit intactus et cruce tabula argentea reliquia omnia Comment traduire cruce tabula argentea ? En effet tabula fait songer à un devant d’autel. Sur le sang du Précurseur cf J. B. Marquette, Le site épiscopal de Bazas. État de la question, dans Les Cahiers du Bazadais, 3e et 4e trim. 1992, n° 98-99, p. 24-30 et plus particulièrement p. 27. La croix d’argent ne saurait être celle de lagemme que les chanoines recherchèrent au : XIVe siècle. En plus de la cathédrale, il y avait deux autres églises intra muros: Notre-Dame du Mercadil et Saint-Martin.
  25. On est tenté de voir dans Jean de Bouglon un représentant de la famille des captaux de Latresne. Selon J. Delpit (Notice historique sur la famille de Bouglon, Paris, 1841, p. 14, mais sans référence) Raimond de Bouglon captal de Latresne, mort, selon P. Barnabé, peu après 1321, aurait eu un fils prénommé Jean. On connaît par ailleurs jehan de Bocglon, un homme du parti anglo-gascon, qualifié de seigneur de Labarthe et Monteton ; il était proche de Raoul Basset, sénéchal de Gascogne, mentionné au côté de Guillaume Raimond de Caumont et Arnaud Calhau dans une lettre de Simon de Montbreton à Hugues le Despenser du 22 mai 1325 (Tbe war of St Sardos, n° 184, p. 221). S’agit-il du même personnage ? Si tel était le cas, comment expliquer, si son père est bien décédé en 1321, qu’il ne soit pas devenu alors captal de Latresne car les autres enfants connus de Raimond sont des filles ? Ne serait-ce pas alors un de ces bâtards qui opèrent en 1326 en Gascogne comme le suggère son coup de main sur Bazas ? Comment était-il devenu seigneur de Monteton en Agenais et de Labarthe ? Où se trouve cette dernière seigneurie : est-ce celle de Labarthe de Loutrange , proche de Romestaing ? La mort de Jean de Bouglon, intervenue en 1326 selon la Chronique de Bazas, expliquerait la disparition de son nom dans les actes de la chancellerie anglaise après cette date. Sur les seigneurs de Latresne on peut se reporter à L. Drouyn, Le captalat de La Tresne ou les seigneurs de La Tresne et leurs vassaux, 1894. Arch. comm. de Bordeaux, ms 618.
  26. Raimond Arnaud de la Mote fut évêque de Bazas de 1348 à 1355. Sur la famille de La Mota on peut se reporter au numéro 53-54, 2e et 3e trim. 1981 des Cahiers du Bazadais, Roquetaillade.
  27. Chronicon vazatense, ann. 1326, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 40. Nous ne sommes pas parvenu à identifier formellement le révérend Bertrand de la Mote. Le seul Bertrand connu à cette époque est le frère de Raimond Arnaud. L’évêque de Dax est alors Garsie Arnaud de Caupenne (av. sept. 1305-janv. 1327) auquel succéda Bernard de Liposse.
  28. Cf P. Barnabe, Présence de la guerre en Bordelais, Bazadais et Agenais, 1200-1346, T.E.R., 1989, p. 16 4-165.
  29. R. Senac, op. cit., p. 109, 130, n. 309. Jean XXII ne confirma l’élection qu’en septembre 1326 (n. 122).
  30. A. Degert, Histoire des évêques d’Aire, Paris, 1908, p. 104-106 ; R. Senac op. cit., n. 88.
  31. R. Senac, op. cit., n. 122.
  32. R. Senac, op. cit., n. 239. En décembre 1326, les évêques de la province réunis en concile à Marciac rappelèrent ou renouvelèrent leurs anathèmes contre les détenteurs ou usurpateurs des biens de l’Église. L’évêque d’Aire se serait fait remarquer par son acharnement à faire réintégrer le clergé dans les domaines contestés ou repris ou à défendre les droits et la propriété de l’Église. Il aurait, selon A. Degert, provoqué des animosités, mais il s ‘agit de “simples conjecturesˮ. Dans le guet-apens A. S. de Toujouse périt avec sa suite de six personnes. Les bagages furent pillés et les cadavres détroussés. Le 29 janvier 1328, le pape confia le soin d’excommunier les assassins à l’archevêque d’Auch et aux évêques de Tarbes et de Condom. C’est à la requête de Thibaut de Barbazan, “notre amé valletˮ qui fut à partir de 1340 gouverneur de Bazas pour le roi de France, que Philippe VI accorda sa grâce aux assassins le 13 octobre 1328 (Cette lettre de grâce a été publiée par J. Gaubin dans Ladevèze. Histoire féodale, municipale et civile, Auch, 1882, p. 48). Thibaut avait été impliqué dans une affaire criminelle qui se serait déroulée vraisemblablement en 1327. En effet, le 1er janvier 1328, Philippe VI avait ordonné l’élargissement “par caution suffisantˮ et “par-dedans les murs et les portes de Paris seulement, de Thibaut de Barbazan, nostre escuyer, détenu en nostre prisonˮ. Le 15 janvier, Thibaut était élargi par arrêt du Parlement, après avoir donné comme cautions le comte d’Armagnac, le sire d’Albret et Jean de Blainville. Il s’agit là des représentants les plus éminents du parti français et du sénéchal d’Agenais et de Gascogne. Thibaut de Barbazan était donc “couvertˮ politiquement (Actes du parlement de Paris, 1ère série, de l’an 1254 à l’an 1328, t. II, 1293-1328, Paris , 1867, n° 8014, 8017). Nous ignorons s’il y a un lien entre l’assassinat de l’évêque d’Aire et l’emprisonnement de Thibaut de Barbazan. Les évêques gascons, réunis en concile provincial à Marciac, le 11 décembre 1330 – celui de Bazas était-il présent ?  – prononcèrent l’excommunication contre les assassins et leurs complices, sentence confirmée par le pape le 27 janvier 1331. Le concile requit le sénéchal du comte d’Armagnac d’exécuter la sentence, mais de nouvelles lettres de grâce vinrent protéger les assassins. A. Degert, op. cit., p. 106-108.
  33. E. Deprez, op. cit., p. 22-23. Çf infra.
  34. P. Barnabe, art. cité, p. 1 2-14, n. 35, 41.
  35. Chronicon vazatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 40.
  36. J. B. Marquette,les Albret, t. IV, p. 469, n. 10 : A. D. 64, E 27 ; Arch. hist. de la Gironde, t. IV, n° LXI, p. 74.
  37. Selon P. Barnabé (P. B.) cette reprise pourrait être imputée à un retrait volontaire des Anglo-gascons, suite aux différents accords portant sur les restitutions de terres dont le dernier était alors le traité du 31 mars 1327. En effet, celui-ci mentionne de manière générale, sans précision géographique, que toutes les terres qui ont été surprises doivent être restituées à l’autre partie. Bazas et Langon doivent relever de terres conquises au mépris des trêves au terme d’opérations plus ou moins avalisées par l’autorité anglaise. Les circonstances de la reprise en main seraient donc de nature diplomatique. Dans d’autres secteurs du duché, les Français ont fait rendre par le comte d’Armagnac, des terres enlevées en 1326-1327 (vicomté de Juliac, seigneurie de Cazaubon, bastides de Front-de-Bœuf, Saint-­Gein, Montégut et Monguilhem, place de Roquefort-de-Marsan).
  38. Arch. nat., JJ 64, n° 753, fol. 444 v°. Ch. Samaran, op. cit., n° 338. L’acte est daté du mois de janvier 1327. Or selon le style utilisé à la chancellerie royale, le changement de l’année se faisait à Pâques. On continua donc à dater de 1327 les actes établis du 1er janvier au 3 avril 1328, date de Pâques, cette année-là. Charles IV étant décédé le 3 janvier l’acte doit donc dater du début du mois de janvier 1328.
  39. Bibl. Nat. Clairambault, vol. 68, p. 5267, n° 27 (P. B.).
  40. Arch. nat., JJ 66, n° 204, fol. 72. Ibid., n ° 391.
  41. Arch. hist. de la Gironde, t. VIII, n° LXXVII. Le juge, Gérard d’Arbentone, avait été nommé le 8 septembre 1329 par Jean de Blainville, sénéchal de Gascogne et d’Agenais pour qu’il le remplace, pendant son voyage en France. L’affaire portait sur l’appartenance des terres de Gurçon et du Fleix à la sénéchaussée de Gascogne ou à celle de Périgord.
  42. Arch. hist. de la Gironde, t. VI, n° CLXX. Le notaire est “Amald del Bergeir, notari public de Vasatz.ˮ
  43. Actes du Parlement de Paris, 2e série, 1328-1342, éd. Henri Furgeot, Paris, 1920, t. 1, n° 414 (20 décembre).
  44. Le cardinal Gaillard de La Mothe ne fut certainement pas étranger à cette nomination.
  45. Il obtint de Benoît XII la permission de faire réconcilier les églises et cimetières de son diocèse profanés : une première fois, le 28 novembre 1337 par un prêtre idoine, une seconde fois le 11 janvier 1340, par un tiers car, en raison des guerres, il n’ose y résider (Benoît XII, Lettres communes, publ. par J. M. Vidal, Paris, 1903-1911, n°4972 et 8037).
  46. E. Deprez, op. cit., p. 27-38.
  47. E. Deprez, op. cit., p. 8-82
  48. E. Deprez, op. cit., p. 151-154.
  49. E. Deprez, op. cit., p.237-278
  50. E. Deprez, op. cit., p.284-318.
  51. E. Deprez, op. cit., p. 319-354.
  52. E. Deprez, op. cit., p. 30, 36.
  53. E. Deprez, op. cit., p. 280-283.
  54. E. Deprez, op. cit., p. 402-406.
  55. E .Deprez, op. cit., p. 347-348.
  56. E. Deprez, op. cit., p. 332.
  57. J. B. Noulet et C. Chabaneau (Deux manuscrits provençaux du XIV siècle ,1888, p. XXIV-XXV), avancent 1340 comme “date probable de la tensonˮ, mais sans preuve. Ils laissent entendre que les deux troubadours se trouvaient alors à Toulouse, comme d’ailleurs Thibaut de Barbazan qui “devait probablement se trouver près de Toulouse , sinon à Toulouse mêmeˮ. Or, nous le verrons, dès 1339, Thibaut de Barbazan est à Bazas, certainement depuis quelque temps et il y restera probablement jusqu’en 1347. Cependant, il n’est pas impossible qu’entre temps il ait été chargé d’autres missions. Nous pensons que dans le cadre de ses activités littéraires Pèir de Ladils se rendit à Toulouse où il fit connaissance de Ramon de Cornet, probablement avant 1340. C’est à l’occasion d’une de ces rencontres, en 1341 ou 1342, qu’il écrivit la tenson. Mais ce qui demeure le plus mystérieux c’est la prise de position de Ramon de Cornet en faveur d Édouard III, à moins que Ramon ne se soit tout simplement prêté au jeu à la demande de Pèir. Ce poème soulève aussi la question des “sourcesˮ auxquelles Pèir a puisé
  58. J. B. Marquette,Les Albret, t. IV, p. 489.
  59. J. B. Marquette,Les Albret, t. IV, p. 489-490. Le sénéchal de Périgord, Pierre de Marmande, dirige le contingent envoyé dans la “chevauchiée qui fu faite contre les Anglois le parti du sire d’Albret – quand il vindrent devant Langonˮ Ce contingent fut mobilisé début octobre et soldé jusqu’au 2 décembre 1339 (Bibl. Nat., nouvelles acquisitions françaises, 9236, p. 425-431) (P.B.).
  60. Bibl. Nat. nouvelles acquisitions françaises, 9237, p. 589. Compte de Barthélemy de Drach, trésorier des guerres. Thibaut de Barbazan perçoit des gages jusqu’au 21 octobre 1340 (P. B.).
  61. Arch. Nat., JJ 72, n 553, fol. 423. Ch. Samaran, op. cit., n° 599. Cet acte nous est connu par un vidimus du mois d’avril 1340 . L’analyse qu’en fait Ch. Samaran est en partie erronée : en effet, ce n’est pas au mois de janvier 1338 que Jean de Bohême vint sur les confins du Bazadais, mais en janvier 1339 . D’autre part, il prétend que le privilège portait sur le droit des habitants d’élire des consuls et celui des consuls d’élire des jurats, ce qui n’a aucun sens.
  62. Arch. nat. JJ 74, n° 59, fol. 33-35. Ch. Samaran, op. cit., n° 639. Cf B. Lummea UX, L’administration municipale de Bazas au XVIIIe siècle, mémoire en vue du diplôme d’études supérieures de doctorat d’histoire du droit, Université de Bordeaux I, octobre 1973, p. 4-8. L’auteur a donné la reproduction de l’accord du 2 juin 1340 (P.J. n°1) ainsi que sa transcription (P.J. n° 2). L’acte nous est parvenu sous forme d’un vidimus, daté de Montargis de juin 1343.
  63. Arch. nat., JJ 72, n° 492, fol. 393 v°. Ch. SAMARAN, op. cit., n° 593.
  64. Arch. Nat., JJ 71, n° 333, fol. 230. Ch. Samaran, op. cit., n° 554 : “anno quolibet nundinas in dicta civitate Vasatensi, incipiendas die octava cujuslihet festi heate Martini yemalis duraturas continue per octo dies indeˮ. Acte daté de Saint-Denis. “Par le roi.ˮ Sans taxe d’enregistrement, par ordre du Conseil.
  65. Bibl. Nat., nouvelles acquisitions françaises 9237, p. 654-657 (P. B.).
  66. Arch. Nat. JJ 71, n° 329, 330, 331. Ch. Samaran, op. cit., n° 551-553. De Maubuisson. “Par le roiˮ. Sans taxe d’enregistrement. Thibaut de Barbazan est qualifié de “damoiseau , notre valetˮ.
  67. Arch. Nat. JJ 74, n° 189, fol. 109 v°. Ch. Samaran, op. cit., n° 649.
  68. Arch. hist. de la Gironde , t. VI, n° CLXX, Le vidimus du testament d’Amanieu VII d’Albret a été fait par Arnald del Bergeir, notaire public de Bazas, dans la maison d’habitation (domus habitationis) de Bernard Aiz de Ladils ( Cf n. 40).
  69. Coutumes de Bazas , dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 72.
  70. P. Barnabe, art. cité., n.105. D’après J. Viard, journaux du Trésor de Philippe VI de Valois (1338-1349), Paris, 1894, n° 1366, 4359.
  71. Les deux lettres ont été publiées dans les Archives historiques de la Gironde, t. III, p. 169-170, d’après une expédition sur parchemin portant comme titre : Extraict des privilèges et aultres documens et prothocolles estans dans les archives de la maison commune de la ville et cité de Bazas, le cenquiesme jour du nioys de novembre mil cinq cens trente sept. La transcription en a été faite par Charles Grellet-Balguerie. Cette épave des archives communales conservée à l’hôtel de ville de Bazas en 1862 à aujourd’hui disparu. C’est à ces deux lettres qu’il est fait référence dans la Chronique de Bazas (Arch. historiques de la Gironde, t. XV, p. 43). L’auteur de la chronique en avait donc eu connaissance.
  72. Nous avons, à plusieurs reprises, rencontré Thibaut de Barbazan, évoqué par Pèir de Ladils dans une tenso et dans sa prière. Une première fois en janvier 1328 lorsqu ‘il est élargi de prison, puis, en octobre 1328, lorsqu ‘il intervient auprès de Philippe VI en faveur des assassins d’Arnaud Sanche de Toujouse, évêque d’Aire. Nous le retrouvons à Bazas au printemps 1340, lorsqu’il intervient en faveur de trois bourgeois bazadais, puis le 2 juin, lors de l’accord entre l’évêque et la communauté bazaclaise : il est dit nobilis vir, capitaine du roi à Bazas. Dans la réponse qu’il fait au comte de Derby il reprend ce titre de capitaine de la cité de Bazas, se qualifie de chevalier, seigneur de Marsalhan et bailli d’Esparos (Esparossio), conseiller du roi de France et de Jean son fils aîné, duc d’Aquitaine et de Normandie. On notera les deux orthographes Barbasano (1340) et Barbasino (1345). À la suite de la prise de Bazas par les Anglais, Thibaut de Barbazan continua sa carrière auprès du roi de France : le 25 septembre 1352 il a en charge la garde de Condom (Histoire du Lan guedoc,t. IX, p. 635) ; puis, en 1355 et au cours des années suivantes il est sénéchal de Carcassonne (Ibid., p. 654, 660). Sa biographie reste à établir.
  73. P.R.O. C 61/ 65, memb. 2 (P. B).
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