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Gabriel de Mortillet et le groupe du matérialisme scientifique

par

Un esprit scientifique qui, par son caractère revendiqué comme positif, se veut en rupture avec les pratiques antérieures se développe au cours du XIXe siècle. Il entend ouvrir la voie à une connaissance nouvelle de l’Homme, à une redécouverte de son être. Seul ou considéré en ses sociétés, l’Homme serait devenu pleinement objet de science. Pour Michel Foucault, ce XIXe siècle serait celui de l’émergence d’une véritable science de l’Homme et d’une “conscience épistémologique de l’homme comme tel1”. Cette présentation privilégiant l’hypothèse d’une rupture au cours du XIXe siècle, une espèce d’épiphanie, est à nuancer dans son caractère absolu. Pour un spécialiste du XVIIIe siècle comme Jacques Roger, la clinique médicale ou la biologie, entre autres, n’étaient en réalité pas de purs enfants du XIXe siècle2 et cette idée de l’apparition brusque d’une conscience nouvelle reviendrait en définitive à conférer une “priorité de la théorie sur le fait3”.

Il est dès lors légitime de se demander comment cette approche aussi tranchée a pu structurer ainsi le regard rétrospectif communément porté sur la science anthropologique de ce XIXe siècle. Bien sûr, il n’existe pas de réponse unique à cette interrogation, mais une multitude de facteurs, qui ressortissent ou non à la science, à prendre en considération. L’un d’eux est que certains acteurs eux-mêmes de cette époque en ont construit l’image. Leur désir de rompre avec leur temps en portant un projet à la fois scientifique, philosophique (matérialiste) et politique (radical), les a engagés dans des actes et discours de tension. La façon d’interroger les faits scientifiques, tout comme la volonté de confier à la science un magistère dépassant les cénacles savants marquent leur action.

La préhistoire, par les sciences naturelles et l’archéologie, va participer à cette volonté de reconfiguration en donnant à la connaissance de l’Homme une profondeur temporelle insoupçonnée et en esquissant des analogies fondées sur le comparatisme ethnographique. La rupture est franche, le monde de cette “science moderne a une histoire4”, qui s’écrit au fil d’un va-et-vient entre le passé et le présent, entre l’ici et l’ailleurs, et est attisé par la diffusion concomitante de l’évolutionnisme darwinien. Ce jeu de confrontations vire parfois au télescopage spatio-temporel mais, quels qu’en soient les biais, il va venir bouleverser bien des certitudes anthropologiques et donner une dimension nouvelle à la question ontologique “qu’est-ce que l’Homme ?”. Celle-ci n’est plus d’abord, comme jusque-là, philosophique ou théologique mais devient également une interrogation légitime de la science, un troisième ordre possible d’accéder à la connaissance. L’historien Thomas Trautmann a souligné, avec une certaine emphase, l’importance de l’émergence de la préhistoire au milieu du XIXe siècle en en faisant un moment anthropologiquement plus décisif encore que la diffusion de la théorie darwinienne de l’évolution :

“L’événement décisif pour la formation de l’anthropologie telle que nous la connaissons n’a pas été le darwinisme au sens strict, mais plutôt la révolution du temps ethnologique. […] La révolution dans le temps ethnologique a été l’effondrement soudain, au cours de la décennie de Darwin, de la chronologie courte de l’histoire de l’humanité basée sur le récit biblique, chronologie dans laquelle toute l’histoire de l’humanité avait été condensée en l’espace de quelques milliers d’années. […] L’élargissement soudain et dramatique de l’échelle de l’histoire humaine exigeait un nouveau contenu : et ce qui s’est précipité pour remplir les vastes espaces vides dans le cadre nouvellement élargi a été l’évolutionnisme social5.”

Effectivement, en envisageant tout un ensemble de données somatiques et comportementales, la préhistoire, science du biologique et du social, connaît une émergence en tant que champ de recherche légitime et autonome dans un contexte global particulier. L’éveil des nations, l’aspiration des peuples à la démocratie et les multiples bouleversements économiques et sociaux qui marquent le XIXe siècle se traduisent, particulièrement en France, par l’expression d’une contestation de la légitimité de l’emprise du religieux et de l’Église sur les individus et la société.

Du côté des sciences, y compris celles de la vie, le positivisme et la méthode expérimentale sont venus aiguillonner des doctrines et des usages bien ancrés. Au sein de l’anthropologie, les discussions s’ouvrent sur le principe d’une unité de l’Homme, corps et esprit ne formant qu’un tout relevant de la seule physiologie. De même, les débats autour des notions d’espèce, de monogénisme et de polygénisme, de dégénérescence et de perfectionnement, sont réévalués autour de 1870 à l’aune de la vision dynamique de l’histoire de la vie portée par le transformisme ou l’évolutionnisme, qu’il soit lamarckien, darwinien, haeckelien, spencérien ou autre. L’appropriation plus ou moins orthodoxe de ce transformisme et de l’évolutionnisme concourt à multiplier les ingérences philosophiques dans les discussions, en interpellant le chercheur dans ses propres croyances et représentations.

Il n’est que de lire les écrits ou de suivre le parcours de Gabriel de Mortillet (1821-1898) pour constater que science, philosophie et politique s’entremêlent dans ses travaux et sa vie. D’ailleurs, les historiens ne s’y sont pas trompés en faisant de ce chercheur une espèce d’archétype d’une science matérialiste et moniste, en l’identifiant à ce courant connu sous le nom de matérialisme scientifique qui marqua l’anthropologie française. Ce qualificatif, revendiqué par certains des acteurs des sciences de l’Homme au XIXe siècle (scientifiques, médecins, journalistes, essayistes) et choisi sous l’influence du monde germanique6 – particulièrement celle du biologiste Ernst Haeckel (1834-1919)7 –, sert à désigner de façon large une forme d’engagement à la fois scientifique, philosophique et parfois politique. Il entend faire la démonstration qu’il est possible de dépasser la simple hypothèse d’un ordre du monde d’essence matérielle et non spirituelle en le traduisant, par la science, comme une réalité concrète. Plusieurs générations de savants se caractérisent ainsi, en France, dans le domaine de l’anthropologie, physique et culturelle au cours du second XIXe siècle. Ils composent un courant anthropologique qui se fédère sur un corpus d’idées et d’actes partagés, mais forme également un réseau de solidarités structurant une communauté qui, transcendant l’anthropologie scientifique, promeut une science prétendant avoir la capacité et le devoir de guider hommes et sociétés.

Pour nommer ce groupe, l’historien Michael Hammond a utilisé plusieurs expressions, celle de “cercle matérialiste” mais surtout celle de “groupe Mortillet”8. Selon lui, ce préhistorien serait l’homme du rapprochement entre l’anthropologie française et le matérialisme scientifique, mouvement et doctrine d’action à visée philosophique, politique et sociale. Il est vrai que Paul Topinard (1830-1911) avait mis les observateurs sur cette piste en désignant lui-même le coupable. Évincé des institutions scientifiques fondées par son maître Paul Broca (1824-1880), du fait des manœuvres de ses opposants du groupe du matérialisme scientifique – Topinard assimilant celles-ci à un “coup d’État” –, Topinard avait fait de Mortillet le chef de file de cette tendance qu’il dénonçait en 1890 :

“Ce groupe que j’ai vu grandir, quoiqu’il existât bien avant que j’en soupçonnasse l’existence, est essentiellement un groupe philosophique et intransigeant, visant à saper toute croyance contraire à ses idées, à réformer la société, à exercer son influence, ‘à être fort’, pour servir l’expression favorite de M. de Mortillet dont il exprime toute la stratégie. Il a des ramifications partout, dans la presse périodique, au conseil municipal par les autonomistes, à la Chambre et aujourd’hui jusque dans le Ministère. […] Ce groupe, pour la brièveté du langage, je l’appellerai du nom de celui qui s’y met le plus en évidence, le groupe Mortillet9.”

Au milieu de quelques autres protagonistes, Gabriel de Mortillet apparaît, aux yeux de Topinard, comme le principal animateur de cette mouvance, avec à ses côtés le docteur Charles Letourneau (1831-1902) et Abel Hovelacque (1843-1896). Lorsqu’elle s’est intéressée au matérialisme scientifique, l’historiographie de l’anthropologie française, avec des historiens comme Joy Harvey10, Nathalie Richard11, Piet Desmet12 ou Jennifer Hecht13, n’a pas omis le nom de Mortillet. Mais ces travaux restent encore assez imprécis sur le groupe du matérialisme scientifique, dans ses contours, ses rythmes, sa nature générationnelle, ses zones d’influence, ses expressions, mais aussi dans ses conséquences épistémologiques sur l’anthropologie préhistorique. Le présent article entend proposer quelques pistes d’analyse sur ces points.

Les matrices du groupe
du matérialisme scientifique

À l’Académie des sciences, au milieu du XIXe siècle, le climat n’était toujours pas favorable à certaines idées trop avancées, la préhistoire peinait ainsi à s’y faire entendre. En 1859, Léonce Élie de Beaumont (1798-1874), son secrétaire perpétuel, y censurait les conclusions d’Albert Gaudry (1827-1908) sur les découvertes faites à Amiens qui établissaient justement la haute antiquité de l’Homme. La Société géologique de France quant à elle, publiait sans barguigner ce type de travaux mais, trop strictement naturaliste, elle ne pouvait reprendre à son compte la dimension archéologique de la préhistoire naissante. C’est finalement du côté de l’anthropologie que l’étude des temps antéhistoriques trouva refuge. Paul Broca, en rupture avec la Société de biologie, rétive à ses conceptions en matière d’espèces appliquées à l’Homme, fonda en 1859 la Société d’anthropologie de Paris avec pour objectif :

“d’élever une tribune où toutes les opinions seraient appelées à se produire, de constituer un centre scientifique où viendraient converger des travaux jusqu’alors dispersés, et où l’anthropologie, assise sur ses plus larges bases, réclamerait le concours de toutes les sciences qui peuvent jeter quelque jour sur l’état actuel des races humaines, sur leur histoire et leurs filiations, sur le développement de l’industrie et de la civilisation, enfin sur les origines de l’homme, sur l’époque de son apparition et sur sa place dans la nature14.”

Comme le souligne Broca, sa société savante devra être aussi celle “où toutes les opinions [seront] appelées à se produire”, quelles qu’en soient les conséquences philosophiques. En 1906, à l’occasion du 30e anniversaire de l’École d’anthropologie, le docteur Henri Thulié (1838-1916), l’un des animateurs du matérialisme scientifique et alors directeur de l’École, utilisera des termes plus nets pour qualifier ce moment et ses enjeux sociaux :

“C’est la timidité et la pusillanimité d’une société scientifique de l’époque, qui engagea Broca à fonder une société nouvelle où les inductions et les déductions scientifiques établies sur l’observation et sur l’expérimentation, mais contrecarrant quelquefois les données traditionnelles et les préjugés courants, pourraient être exposées et discutées en toute liberté15.”

De fait, la Société d’anthropologie de Paris va être la tribune dont la préhistoire va avoir besoin, faute de reconnaissance institutionnelle et académique. En son sein vont se discuter les découvertes et se construire nombre de concepts préhistoriens, mais, comme le souligne Thulié, tout cela se tient dans une ambiance imprégnée des débats du temps. L’étude des candidatures, parrainages et admissions des nouveaux membres montre, à cet égard, que c’est ici aussi que vont se rassembler, se recruter et s’exprimer les animateurs du matérialisme scientifique, dont l’influence va aller en grandissant. André Lefèvre (1834-1904) en fait la démonstration à l’occasion du dîner offert en 1886 pour fêter l’accession de Mathias Duval (1844-1907) comme professeur titulaire de la chaire d’histologie à la Faculté de médecine de Paris. Cette nomination est alors célébrée comme l’une des grandes victoires du matérialisme scientifique, l’aboutissement d’un processus entamé quelques années avant le décès de Broca et dans lequel Mortillet joue un rôle essentiel :

“Sans organe attitré, nous répandîmes nos idées dans les journaux et dans les revues ; le dîner avait repris sa périodicité. Par un coup de maître, de Mortillet, je pense, nous amena Broca ; et nous entrâmes, sans nous y fondre, dans la Société d’Anthropologie, qui nous fournit de précieuses recrues, savants attachés à bon droit à leurs études spéciales, mais qui adhéraient sans ambages ni fausse honte, à ces grands principes :

– L’incrédulité est le premier pas vers la science ;
– La méthode expérimentale est la mère de toute philosophie ;
– La laïcité absolue est la condition sine qua non de tout enseignement16.”

Mortillet est vite à son aise dans la galaxie des institutions anthropologiques créées autour de Broca. Depuis 1864 et le lancement de sa revue Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de l’homme, il est déjà une référence dans le monde émergent de la préhistoire. Sa participation à la fondation des Congrès internationaux d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques assoit sa stature européenne. C’est donc en palethnologue reconnu qu’il rejoint en 1865 la Société d’anthropologie grâce aux parrainages de Broca, de Franz Pruner-Bey (1808-1882) et d’Armand de Quatrefages (1810-1892). Il va s’y montrer très actif, s’investissant entre autres dans le projet d’exposition anthropologique de l’Exposition universelle de 1878, et la présidera même en 1876. En 1875, il est l’un des membres fondateurs de l’École d’anthropologie dont les cours s’ouvrent le 15 novembre 1876 et où il est le titulaire de la chaire d’anthropologie préhistorique. En 1878, il participe directement à la création de la Société d’autopsie mutuelle, année où il rejoint le comité d’organisation des manifestations pour le centenaire de Voltaire.

Si la Société d’anthropologie peut être considérée comme un élément matriciel du matérialisme scientifique, sur le plan de l’expression anthropologique, il convient de prendre en compte d’autres espaces et temps de cristallisation.

La renaissance du matérialisme, livre publié par le philosophe André Lefèvre en 1881, retrace la genèse d’un mouvement, dont il a lui-même été un des acteurs et qui pose ses premiers jalons avant la rupture politique du 4 Septembre. Il rappelle que la geste du matérialisme scientifique commence à s’écrire sous le Second Empire, époque où se construit une identité, s’établissent les références intellectuelles, se distinguent les premiers animateurs17, leurs hauts-faits (mariages et enterrements civils, congrès des étudiants à Liège en 1865 par exemple), où s’établissent les points d’ancrage essentiels que sont les journaux18 et des projets comme la Revue Encyclopédique (1866), L’Encyclopédie générale (1869‐1871).

Lefèvre donne des clefs pour comprendre le processus historique de développement de ce courant. Il établit que son ferment intellectuel est d’abord la lutte contre le cléricalisme, contre toute métaphysique et pour la science, qui se conjugue, sur le plan politique, avec l’opposition à la monarchie, au césarisme puis à l’opportunisme républicain. La science est, comme le souligne l’historien Claude Nicolet, au cœur du dispositif :

“Pour les républicains français, il n’y a pas de neutralité de la science, puisque la République est à la fois la condition nécessaire du développement du savoir le plus libre possible, et le régime qui fait des applications du savoir et de son intégration dans une morale la condition même de son existence et de son maintien19.”

Gabriel de Mortillet appartient à la première génération qui forgera le groupe du matérialisme scientifique, celle née dans les années 1820-1830. Celle-ci, parisienne et étudiante, s’est ouverte à de nouvelles perspectives politiques et philosophiques lors des événements de 1848. Son analyse de l’échec de la révolution l’a conduite à en tirer des enseignements, le premier d’entre eux étant la nécessité de former les esprits pour pouvoir efficacement porter un projet républicain.

Dès cette période, un réseau aux multiples interconnexions se dessine, des affinités se créent autour d’expériences communes (études, prises de parole, publications, parfois la répression, voire la prison comme détenu politique). Il ne s’agit pas d’individualités isolées qui partageraient un substrat intellectuel plus ou moins identique, ou de quelques relations interpersonnelles simples, mais bien d’une communauté cohérente dans ses références, projets et modes d’action, qui s’expriment selon des formes variées.

La seconde génération participe à l’avènement de la IIIe République. Née après 1840, elle promeut un républicanisme radical et soutient des lois de rupture sociale. Elle formalise le lien entre philosophie politique et pratique scientifique dans la lutte politique et électorale. Elle ne se contente pas de diffuser une doctrine car elle entend construire ou conquérir des bastions institutionnels, académiques, éditoriaux contre l’Église et pour la laïcisation de la société. La science est pour elle à la fois une fin, un combat et un vecteur au service d’un système de pensée qui glorifie le progrès sous toutes ses espèces. Au sein de cette nouvelle génération le milieu médical domine nettement à côté des archéologues et des publicistes. Même si les institutions de la galaxie Broca jouent un rôle essentiel, le groupe du matérialisme scientifique ne forme pas une organisation informelle puisqu’il n’existe pas d’organisation centralisatrice ou fédérative labélisée matérialisme scientifique, ni de démarche formelle d’adhésion au groupe du matérialisme scientifique. Il se fonde sur une communauté d’adhésion à des idées, souvent assortie d’un voisinage professionnel, qui conduit à côtoyer certaines personnes, à fréquenter avec assiduité ou non des lieux spécifiques, à participer activement ou à distance à la vie d’institutions, à publier des écrits dans telle revue ou chez tel éditeur. Cette compagnie relève donc d’un enchevêtrement de liens interpersonnels et d’actes de reconnaissance successifs fondés sur une identité de vues générale ou particulière. Tacticienne, elle se montre opportuniste en s’insérant, sans se dissoudre, dans des structures existantes, pratiquant ainsi une forme d’entrisme.

Après le 4 Septembre, les promoteurs du matérialisme scientifique vont, en complément des positions acquises au sein des structures créées autour de la Société d’anthropologie de Paris, établir d’autres bastions. Pour eux il y a là affaire de nécessité, car la période de l’Ordre moral (1873-1876) les conduit à décupler leur activisme contre un pouvoir dénoncé comme clérical et réactionnaire. C’est dans l’édition scientifique qu’ils vont trouver un outil pour agir : des revues scientifiques (L’Homme : Journal illustré des sciences anthropologiques, la Revue internationale des sciences biologiques), des partenariats avec des maisons d’édition pour créer des collections spécifiques (“Bibliothèque anthropologique” chez Delahaye et Lecrosnier, la “Bibliothèque matérialiste” chez Doin, la “Bibliothèque des sciences contemporaines” chez Reinwald), des projets éditoriaux collectifs (l’Encyclopédie générale, le Dictionnaire des sciences anthropologiques), des lieux de sociabilité (la Loge Le Matérialisme scientifique à l’Orient de Paris20, les dîners de la Pensée nouvelle puis du matérialisme scientifique et Lamarck), voire la participation à des assemblées élues (conseil municipal de Paris, Chambre des députés) après ralliement sous la bannière des républicains radicaux. Tous ces supports et lieux forment autant d’éléments structurants21, de points d’ancrage et d’éléments de visibilité pour le groupe.

Société d’anthropologie de paris
et éditions au cœur des enjeux

Après 1870, l’adhésion à la Société d’anthropologie de Paris va représenter comme une espèce de geste primordial. Lorsque deux parrains membres de la Société proposent au choix de leurs collègues la candidature d’une personne, ils le font par nécessité de renouvellement des membres de la Société, mais aussi parce qu’ils reconnaissent l’impétrant comme valable, à l’aune de critères collectifs et personnels. Dès lors, la relation parrains-filleuls peut se révéler particulièrement informative en mettant en lumière ou en témoignant de relations idéologiques ou professionnelles. Certains membres de la Société la rejoignent sans participer à ses activités et la quittent aussi discrètement qu’ils l’ont intégrée. Par la suite, d’autres, comme Mortillet, y construisent un parcours et accèdent peu à peu à des responsabilités en son sein.

À partir de son entrée dans la Société, Mortillet va favoriser le recrutement de nombreux nouveaux membres. Entre 1865 et 1898, il parraine 134 candidats, soit 15,3 % des demandes déposées au cours de cette période22. Appréciés sur la période 1859-1898, ces soutiens représentent plus de 7 % du nombre total de parrainages. Mortillet se situe au troisième rang des “sergents recruteurs” de la Société, juste derrière Broca (345 parrainages) et Topinard (221 parrainages). À l’occasion du renouvellement du bureau de la Société, par le biais des présidences tournantes, il n’hésite généralement pas à faire jouer les liens privilégiés qu’il a établis et qui lui confèrent une place stratégique dans la constitution de majorités. Le décès de Broca en 1880 met au jour des tensions qui préexistaient mais que le magistère incontesté du maître estompait. L’accession à la présidence et surtout au secrétariat général, poste exécutif de la Société, devient un objectif majeur pour le groupe du matérialisme scientifique. L’étape préalable et décisive en est le gain de l’un des sièges de la vice-présidence. L’élection du printemps 1881 laisse entrevoir les manœuvres en cours et particulièrement l’action des membres du groupe. Chacun bat le rappel de ses troupes supposées, même éloignées. Mortillet active son réseau et sollicite, entre autres, le Toulousain Émile Cartailhac (1845-1921), archéologue qu’il avait contribué à faire admettre au sein de la Société en 186923 mais qui n’a guère participé aux activités de celle-ci. L’appelant à voter pour Charles Letourneau, il lui cache une partie des enjeux de cette élection et ne lui présente l’affaire que comme visant à favoriser une meilleure représentation de la préhistoire et de l’Association française pour l’avancement des sciences, au sein de laquelle Cartailhac est très actif :

“À propos de la Société, vous allez recevoir la circulaire pour les élections du Bureau. Il y a lutte ardente pour la place de 2e vice-président. Trois fois les noms d’Hamy et de Letourneau sont sortis ex-aequo. 17 voix chacun.

Letourneau est notre candidat. Votez pour lui. C’est le candidat de l’Association française et du préhistorique. Faites de la propagande en sa faveur. […]

Adieu, cher collègue et ami. Votez pour Letourneau et faites voter nos amis de la section anthropologique de l’Association française24.”

Cette année-là, Paul Topinard est élu secrétaire général. Ce choix d’un proche de Broca semble inscrire la Société dans la continuité. Mais, en réalité, même si les anthropologues partagent une même vision d’une anthropologie raciologique, cette élection traduit une certaine défiance d’une partie des membres à l’égard des bruyants matérialistes et de leur “anthropologie de combat25”. Lorsque Topinard est conduit à abandonner la fonction en 1886, après six années difficiles de guérilla avec le groupe des matérialistes, ces derniers préparent la victoire finale à venir en rameutant une nouvelle fois leurs soutiens, de nouveau en faveur de Charles Letourneau et de ses affidés26 :

“À propos, hier jeudi le Comité central de la Société d’anthropologie a arrêté la liste de présentation pour le bureau de 1887.

Suivant la tradition le 1er vice-président Magitot27 est proposé comme Président.

Le second vice-président Pozzi28 proposé comme 1er vice-président.

La lutte comme toujours porte sur le 2e vice-président. Cette fois, comme il s’agit d’un cycle de trois ans, qui porte le 2e vice-président à la Présidence en 1889, on a choisi Mathias Duval, Directeur du laboratoire d’anthropologie, professeur à la faculté de médecine et l’École des beaux-arts. Topinard a eu 10 voix, Mathias Duval 18. Et nous n’avions ni Sébillot29, ni Vinson30, ni Gavarret31, ni même Duval. Vous voyez que le vote était bien indépendant.

Letourneau est proposé comme secrétaire général et Hervé32 comme adjoint33.”

Cette liste est conforme à celle établie par le comité central de la Société34 mais Mortillet omet de préciser que la quasi-totalité des fonctions complémentaires (secrétaires des séances35, archiviste bibliothécaire36, conservateur des collections37, trésorier38, membres du comité de publication39) ont aussi été confiées à des membres du groupe du matérialisme scientifique, lequel est majoritaire au sein du comité central.

Cette position gagnée puis confortée au sein de la Société d’anthropologie de Paris se retrouve au sein de l’École d’anthropologie, qu’il s’agisse de la proportion majoritaire des membres du groupe du matérialisme scientifique dans les fondateurs de l’École ou de leur participation à la Revue mensuelle de l’École. Celle-ci vient compléter les Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris en permettant la publication d’articles de fond, mais aussi concurrencer la Revue d’anthropologie fondée par Broca en 1872 et dirigée par Topinard. Si Louis Capitan (1854-1929) apparaît comme le principal contributeur de la Revue mensuelle de l’École40, Gabriel de Mortillet se situe immédiatement après lui avec 67 articles publiés de 1891 à 1898, soit une moyenne de près de 8,4 articles par an et 9 % du total de ceux parus entre 1891 et 1906. Cette activité est à replacer dans la perspective de la forte croissance de l’édition scientifique. Mortillet sait toute l’importance des revues pour asseoir une autorité. Sa revue les Matériaux a fortement contribué à sa renommée en le plaçant au centre de toute l’information sur le plan de la préhistoire, en complément des Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris. Sous son impulsion, ce périodique est devenu, au fil des livraisons mensuelles, un acteur essentiel du développement de la préhistoire et, comme l’indique le titre originel à valeur programmatique41, un outil de diffusion du matérialisme scientifique, de ses idées, des publications de ses auteurs. Les membres du groupe sont régulièrement cités dans la veille bibliographique, chacune de ces occurrences étant accompagnée d’une présentation ou d’un commentaire de Mortillet. Son attachement à préserver cette double nature scientifique et militante des Matériaux va se poursuivre même après avoir cédé la revue à Émile Cartailhac et Eugène Trutat (1840-1910) en février 1869. Rapidement, Mortillet adresse ses conseils sur la ligne éditoriale à tenir aux nouveaux propriétaires de la revue. Peu à peu, il en vient à leur reprocher un excès de prudence et conteste leur choix de la neutralité sur les questions de religion :

“Les Matériaux pourraient choisir entre trois voies : 1° être cléricaux ; 2° être libre-penseurs ; 3° être une tribune libre, ouverte à toutes les opinions. Cette dernière voie était incontestablement la meilleure au point de vue du succès et des progrès de la science. Vous n’avez pas voulu la suivre, et vous êtes encore arrivé là à la négation. Ne voulant pas être clérical, ne voulant pas être libre-penseur, vous avez châtré les articles et perdu toute couleur42.”

Mais, peu satisfait de leur volonté de ne pas s’engager hors des voies scientifiques, il crée en 1872 un périodique, L’Indicateur de l’archéologue et du collectionneur, qui vient pour partie empiéter sur le domaine de compétence des Matériaux. Mais, surtout, il fonde en 1884 une revue concurrente et explicitement ancrée dans le camp du matérialisme scientifique, L’Homme : Journal illustré des sciences anthropologiques43, qu’il dirige et dont il est aussi le principal contributeur44. La revue se veut comme un “organe” qui ne craint “pas la polémique quand elle est nécessaire” et qui entend “répondre à toutes les attaques dirigées contre les études anthropologiques, [prend] en main d’une manière ferme et tout à fait indépendante les intérêts de ces études, et lutte vivement jusqu’à ce qu’il ait obtenu pour elles la place qu’elles méritent dans les Musées, dans l’Enseignement et dans la Société”. Dans les deux cas, ces revues ne survivent pas au-delà d’une année.

La question des périodiques scientifiques dans le dispositif du matérialisme scientifique pose aussi celle de leurs éditeurs. Plusieurs maisons d’édition apparaissent directement liées au groupe, cette proximité étant d’ailleurs revendiquée par ses membres45. Parmi elles, la maison Reinwald et Cie fondée par Charles Reinwald (1812-1891)46, qui a rejoint la Société d’anthropologie de Paris en 1876 avec les parrainages d’Hovelacque, Mortillet et Broca, est celle qui assume la plus forte proximité idéologique. Charles Letourneau évoquant Reinwald rappellera que :

“Dans les livres sortant de sa maison, il voyait ce qu’ils sont réellement, des messagers d’idées, et, comme son esprit éclairé et affranchi lui faisait aimer la vérité scientifique, il s’est appliqué à la répandre ; il en est devenu l’éditeur privilégié et, à ce titre, son nom est connu dans tout le monde civilisé47.”

En 1875, en plein Ordre moral, Reinwald crée un espace spécifique pour les auteurs de référence du matérialisme scientifique en fondant une collection “Bibliothèque des sciences contemporaines” très identitaire et parfaitement identifiée dans ses ambitions partisanes. Dirigée par Louis Asseline, Gabriel de Mortillet, Charles Letourneau et André Lefèvre, elle est lancée afin de mettre à disposition des lecteurs des manuels exposant les données des “magnifiques acquisitions de la libre recherche”, les “conquêtes de l’esprit scientifique moderne”, sachant que “considération bien supérieure, c’est par la science universalisée, déposée dans toutes les consciences, que nous mettrons fin à notre anarchie intellectuelle et que nous marcherons vraiment à la régénération”. Proposée à un prix modique (chaque livre coûte entre 4,50 francs et 5,75 francs), la collection promet la publication prochaine d’une grande variété de titres. Effectivement, vingt-cinq volumes paraitront, dont le fameux manuel de préhistoire de Mortillet Le Préhistorique48, tous ayant pour auteurs les principaux animateurs du groupe du matérialisme scientifique.

Au-delà de Mortillet, l’influence
du matérialisme scientifique sur la préhistoire

Le fait que, dans l’esprit des républicains radicaux du type de Mortillet, “La République, en fin de compte, repose sur le refus conscient de toute forme de transcendance49” influe sur tout le système qui va s’échafauder à l’égard de la préhistoire. Le présent, y compris en tant que luttes politiques et représentations sociales, est comme projeté sur un passé que l’archéologie commence à peine à entr’apercevoir. Par les discussions qu’elle ouvre dans le dernier XIXe siècle et par l’usage qui en est fait par certains, la préhistoire se trouve au carrefour de conceptions, parfois opposées, qui interrogent l’ontologie de l’Homme. Elles renvoient aussi le préhistorien aux débats de son quotidien et à ses propres croyances ; il est comme sommé de choisir son camp, cette injonction se traduisant dans la science qu’il construit. Cette confusion, au profit des convictions personnelles et au détriment d’une science non partisane, peut choquer certains scientifiques comme Émile Cartailhac, mais elle est l’une des expressions du camp républicain dans les premières années de la IIIe République.

Dès lors, tout comme ont pu être envisagées certaines influences spiritualistes sur l’étude de la préhistoire50, l’ascendant du courant de l’anthropologie matérialiste sur le monde préhistorien est un facteur qui reste à mieux considérer dans l’étude du développement de la préhistoire. Le dynamisme de ce groupe, son ralliement précoce au principe de haute antiquité de l’Homme en font assurément l’un des acteurs ayant concouru à la légitimation d’une science des temps antéhistoriques, voire à sa structuration. Mais son adhésion au monisme, à un évolutionnisme unilinéaire et son hostilité présentiste à l’égard de toute forme de métaphysique, associées à la position dominante incarnée par Mortillet, ont assurément constitué un obstacle épistémologique au moment de prendre en compte l’existence de pratiques symboliques datant du Paléolithique, qu’il s’agisse des sépultures ou de l’art pariétal.


Bibliographie

  • Blanckaert, C. (1995) : “Raison humaine et principe d’historicité. Lecture de Jacques Roger”, in : Roger 1995, 9-42.
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  • Hecht, J. (2005) : The End of the Soul. Scientific Modernity, Atheism, and Anthropology in France, 1876-1936, New York.
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  • Roger, J. (1995) : Pour une histoire des sciences à part entière, Paris.
  • Tesnière, V. (2022) : Au bureau de la revue : une histoire de la publication scientifique (XIXe-XXe siècle), coll. “En temps &Lieux”, Paris.
  • Thulié, H. (1907) : “L’École d’anthropologie depuis sa fondation”, in : L’École d’anthropologie de Paris 1876-1906, Paris, 1-27.
  • Topinard, P. (1890) : À la mémoire de Broca. La Société, l’École, le Laboratoire et le Musée Broca, Paris.
  • Trautmann, T. (1992) : “The Revolution in Ethnological Time”, Man, 27-2, 379-397.

Notes

  1. Foucault 1990, 320.
  2. Sur l’analyse de Roger à l’égard des approches philosophiques de l’histoire (Bachelard, Foucault) et sa conception de “révolutions scientifiques très préparées”, voir Blanckaert 1995, 22-28.
  3. Roger considère même, à propos de l’Histoire de la Folie à l’âge classique de Foucault que “le succès de la théorie est assuré par le grand talent de l’auteur, par la cohérence interne de la théorie même et surtout par son plein accord avec une des grandes tendances de l’idéologie contemporaine. Sa fausseté n’intéresse personne : c’est le projet politique qui la sous-tend qui suscite l’adhésion” (Roger 1995, 53).
  4. Gilson 2005, 119.
  5. Trautmann 1992, 380.
  6. Lange 1877, 1879.
  7. Blanckaert 2007.
  8. Hammond 1980.
  9. Topinard 1890, 14.
  10. Harvey 1983.
  11. Richard 1997.
  12. Desmet 1996.
  13. Hecht 2005.
  14. Broca 1869, 525.
  15. Thulié 1907, 2-3.
  16. Lefèvre 1886, 26-27.
  17. Il s’agit au premier chef, outre Mortillet, de Louis Asseline (1829-1878), Albert Regnard (1838-1903), Auguste Coudereau (1830-1882), Charles Letourneau (1831-1902), Adolphe Bertillon (1821-1883), Henri Thulié, Yves Guyot (1843-1928).
  18. La Libre Pensée des années 1866-1867, La Pensée Nouvelle de 1867-1869. La science, spécialement les sciences naturelles dans leurs rapports avec l’Homme, sont présentes dans les pages de la Libre Pensée. À la mort judicaire de ce journal, la préhistoire retrouve une place dans la Pensée nouvelle, entre autres grâce à Mortillet. Les découvertes d’ossements fossiles humains y sont régulièrement présentées, les commentaires scientifiques sont alors assortis de piques en direction de ceux qui refusent encore de reconnaître le principe de haute antiquité de l’Homme et son origine animale.
  19. Nicolet 1994, 311.
  20. La loge “Le matérialisme scientifique” à l’Orient de Paris, fondée le 8 mars 1878 sous le titre “Les Maçons réunis” avec pour vénérable le docteur Henri Thulié (1832-1916) a été fondée par Henri Thulié, Julien Vinson (1843-1926), Théodore Gillet-Vital (1823-1888), Léon Moncelon (1839-1924), Henry-Jean Sinaud (1841- ?), Abel Hovelacque, Georges Hervé (1855-1932). Elle abandonne son titre d’origine en 1885 pour prendre celui de “Matérialisme scientifique” puis, en 1892, celui de “Matérialisme scientifique et Lutèce” après fusion des deux loges dont les effectifs ont fondu.
  21. Le caractère structurant de l’édition et des revues au XIXe siècle est établi par l’historiographie. Voir, par exemple : Tesnière 2022.
  22. Les adhésions enregistrées entre 1865 et 1898 représentent 83,2 % du nombre total de candidatures acceptées de 1859 à 1898.
  23. Les parrains de Cartailhac étaient Édouard Lartet (1801-1871) et Ernest-Théodore Hamy (1842-1908).
  24. Lettre de Gabriel de Mortillet à Émile Cartailhac, 8 mai 1881, AM Toulouse.
  25. Meunier 1890.
  26. Charles Letourneau conservera le poste de secrétaire général jusqu’à son décès en 1902.
  27. Dr Louis Félix Émile Magitot (1833-1897).
  28. Dr Samuel Pozzi (1846-1926).
  29. Paul Sébillot (1843-1918).
  30. Julien Vinson (1843-1926).
  31. Dr Jules Gavarret (1809-1890).
  32. Dr Georges Hervé (1855-1932).
  33. Lettre de Gabriel de Mortillet à Émile Cartailhac, 12 novembre 1886, Archives Bégouën.
  34. Selon l’article 4 des statuts de la Société d’anthropologie de Paris, le comité central, au sein duquel sont choisis les membres du bureau, est composé de trente membres élus parmi les membres titulaires. Il est chargé de “veiller aux intérêts matériels, moraux et scientifiques de la Société”. Les anciens présidents de la Société, dont Mortillet, sont membres du comité central.
  35. Dr Léonce Manouvrier (1850-1927), Dr Jean-Louis Fauvelle (1830-1892).
  36. Dr Eugène Dally (1833-1888).
  37. Dr Theofil Chudzinski (1842-1897).
  38. Dr Félix de Ranse (1834-1914).
  39. Dr Alexis Dureau (1831-1904), Dr Gustave Lagneau (1827-1896), Dr Henri Thulié.
  40. Capitan publie 97 articles entre 1893 et 1906, soit une moyenne de 6,9 articles par an sur la période de sa participation à la Revue de l’École d’anthropologie et 14 % du total des articles publiés dans la revue entre 1891 et 1906. Legrand 2000.
  41. Le titre exact de la fondation en 1864 est Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de l’Homme : Bulletin des Travaux et Découvertes concernant l’Anthropologie, les Temps Anté-Historiques, l’Époque Quaternaire, les Questions de l’Espèce et de la Génération spontanée.
  42. Lettre de Gabriel de Mortillet à Émile Cartailhac, 14 mars 1877, AM Toulouse.
  43. Richard 1989.
  44. La liste des rédacteurs donnée dès le premier numéro (janvier 1884) affiche nettement l’orientation en faveur du groupe du matérialisme scientifique puisque l’on y retrouve les noms de ses principaux animateurs : Dr Arthur Bordier (1841-1910) (géographie médicale), Dr Mathias Duval (embryologie, biologie), Julien Girard de Rialle (1841-1904) (mythologie), Dr Georges Hervé (anatomie comparée), Abel Hovelacque (linguistique), André Lefèvre (philosophie), Dr Charles Letourneau (sociologie), Dr Léonce Manouvrier (craniologie, ethnologie), Dr Alfred-Théolphile Mondière (1831-1889) (démographie), Adrien de Mortillet (1853-1931), Philippe Salmon (1823-1900) (paléoethnologie), Paul Sébillot (légendes, chants populaires, “folk-lore”), Dr Henri Thulié (physiologie psychologique). Mortillet 1884, 2.
  45. La maison Octave Doin crée en 1881 une collection “Bibliothèque matérialiste” (6 volumes parus entre 1881 et 1885). Elle publie la revue L’Homme tout comme le Dictionnaire des sciences anthropologiques. L’éditeur Delahaye et Lecrosnier fonde en 1885 une collection “Bibliothèque anthropologique” (21 volumes de 1885 à 1921) dirigée par Mathias Duval, Georges Hervé, Abel Hovelacque.
  46. Jeanblanc 1987. 
  47. Letourneau 1900, 11.
  48. Mortillet 1883.
  49. Nicolet 1994, 484.
  50. Voir par exemple Hurel 2011 ; Defrance-Jublot 2016.
ISBN html : 978-2-35613-552-0
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ISSN : 2741-1508
10 p.
Code CLIL : 4117; 3494;
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Comment citer

Hurel, Arnaud, “Gabriel de Mortillet et le groupe du matérialisme scientifique”, in : Cicolani, Veronica, Lorre, Christine, Hurel, Arnaud, dir., Le printemps de l’archéologie préhistorique. Autour de Gabriel de Mortillet, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 11, 2024, 29-38 [en ligne] https://una-editions.fr/gabriel-de-mortillet-et-le-groupe-du-materialisme-scientifique [consulté le 17/07/2024]
doi.org/10.46608/DANA11.9782356135520.5
Illustration de couverture • • Gabriel de Mortillet, excursion aux carrières de Chelles (Seine-et-Marne) en 1884 (Fonds photographique ancien, fondation Institut de paléontologie humaine, Paris)
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