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par

Ariette du corsere
Que de motx loin de toi
J’éprouve ma julie
Il n’est plus dans la vie
Aucun plaisir pour moi
L’ennui qui me dévore
Doit-il bientôt finir ?
Ah ; si jexiste encore
C’est par ton souvenir
Ciel daignez à mon amour
Rendre enfin ma julie
Je donnerait ma vie
Pour l’avoir un seul jour
D’une absence cruelle
C’est trop long-temps soufrir
Ah, vivre aussi loin d’elle
C’est bien plus que mourir

Ces quelques vers extraits de la comédie Le Corsaire, écrite par Poisson de la Chabeaussière et donnée pour la première fois à Versailles en 1783, étaient recopiés sur une simple feuille, non signée, faisant office d’enveloppe, adressée à « Monsieur Dhuamel, sur le navire l’aimable Louïse, capitaine Msr Bertrand, à la coste d’angolla1 ». De toute évidence, Florville, le personnage qui s’exprime ici, souffre de la séparation d’avec sa bien-aimée, Julie, une situation qu’il subit : capturé alors qu’il était en mer, le jeune homme est devenu l’esclave d’un corsaire installé à Tunis. Le recopiage de ces vers interroge quant à leur transcripteur, dont on ignore tout : traduisaient-ils son état d’esprit à ce moment précis de son existence ou bien étaient-ils simplement à son goût ? Quoi qu’il en soit, ils donnent à voir les effets de l’absence, qui affecte ici deux partenaires formant un couple, en suspendant le temps de leur relation. Mais qu’en est-il de Julie ? Pourquoi ne pas avoir choisi un extrait exprimant ses propres sentiments ? C’est justement la raison d’être de cet ouvrage : il a pour ambition de couvrir un angle mort de l’histoire de la famille en donnant, pour une fois, aux femmes en situation conjugale le premier rôle sur la scène familiale, de l’Antiquité à nos jours. Certes, les épouses sont l’épicentre des familles puisqu’en tant que mères, elles assurent la pérennité de la lignée et la transmission de valeurs et de savoirs. Mais qu’il s’agisse d’Athènes au Ve siècle avant notre ère, de la Suisse du premier XXe siècle, de la Bretagne au XVIIIe siècle ou encore de Montréal au tournant du XIXe siècle, le patriarcat, moyennant des périodes de durcissement et de relative souplesse, a constitué un fait structurel qui les positionnait dans une position juridiquement subordonnée2. Du fait de cette inféodation légale instaurant le mari comme « maître et seigneur » de « sa » femme, elles se sont généralement retrouvées enfouies dans les silences de l’histoire, un silence qui les affectait déjà plus que les hommes à conditions sociales égales3.

L’historiographie anglo-américaine a, de longue date, porté une attention particulière au rôle des femmes dans la famille, dans la foulée des travaux pionniers de l’historienne anglaise Alice Clark qui donnent à l’épouse une place importante dans la cellule conjugale préindustrielle4. Si la maternité est depuis longtemps un objet d’intérêt des travaux en histoire des femmes5, partie prenante à la réflexion sur la « culture des femmes6 », l’épouse, indépendamment du nombre et de la fréquence des maternités, ne se résume pas à son statut de « mère ». Sous l’impulsion des mouvements féministes de la seconde moitié du XXe siècle, les femmes sont devenues à la fois « sujets » et « objets » de l’histoire7. La thèse d’un âge d’or féminin à l’ère préindustrielle/coloniale fait même figure, chez certaines historiennes, de leitmotiv qui vise à contrebalancer des siècles d’histoire androcentrée. Au Canada, cette interprétation atteint son paroxysme chez Janet Noel qui avance l’idée d’une Nouvelle-France où les femmes auraient été « favorisées » par comparaison avec d’autres sociétés de la même époque ainsi qu’en comparaison de leurs descendantes des XIXe et XXe siècles8. L’historienne torontoise a tôt fait d’être rappelée à l’ordre par Micheline Dumont9 et on en vient à nuancer cette vision quelque peu idyllique puis à chercher d’autres interprétations pour caractériser le rôle des épouses dans les sociétés préindustrielles10. Le concept de deputy husband (ou « auxiliaire du mari ») devient avec Laurel Thatcher Ulrich une alternative mitoyenne, témoignant de la nécessaire complémentarité entre « mari et femme11 » : « A wife was expected to become expert in the management of a household and the care of the children, but she was also asked to assist in the economic affairs of her husband, becoming his representative and even his surrogate if circumstances demanded it12. » L’épouse serait donc une « déléguée », capable lorsque nécessaire, tout en demeurant sous la tutelle du mari, véritable chef de la famille. Or, pour Janet Noel et d’autres, l’épouse est bien davantage qu’une déléguée du mari13. Au fil des contributions, de part et d’autre de l’Atlantique, on oscille entre interprétations postulant une autonomie plus ou moins grande des épouses, mais on signale très souvent l’absence de l’époux comme un vecteur sinon un catalyseur d’affirmation du pouvoir féminin14.

Le couple a aussi suscité l’intérêt de l’historiographie française et donné lieu à des classiques de l’histoire de la famille dans des perspectives ethnologique15 ou ethnohistorique16, tantôt purement historienne ou démographique17. André Burguière propose dans Le mariage et l’amour en France de la Renaissance à la Révolution une lecture longitudinale qui insiste entre autres sur la « civilisation conjugale », laquelle prendrait racine, sous l’influence combinée de l’Église et de l’État18. Si la question de l’« invention du couple » mérite encore discussion, force est d’admettre les efforts du droit canon et des législations royales dans l’encadrement de la famille « moderne ». Des travaux ont porté attention à des catégories de couples spécifiques, dont plusieurs ont pour caractéristique d’être marqués par le sceau de la séparation. Ce sont parfois les couples royaux « à quatre mains » où « la reine ne s’est pas contentée des coulisses du pouvoir19 » même en présence du roi. Toutefois, le rôle de la reine en l’absence du roi est souvent révélateur des aptitudes des souveraines et sont au cœur de plusieurs publications attestant d’un pouvoir négocié, voire partagé, aux plus hauts niveaux20. Pensons également à la contribution remarquable de Clémentine Vidal-Naquet sur les couples durant la Grande guerre. Elle saisit cette tragique période qui impose la séparation « massive » des couples et, par les correspondances échangées, parvient à accéder, partiellement à tout le moins, à l’intime de l’expérience amoureuse autrement silencieuse21. Pauline Ferrier-Viaud propose quant à elle une lecture tout à fait originale du rôle des épouses des ministres de Louis XIV, loin des courtisanes frivoles qu’on se plait à imaginer. Elle montre, au contraire, des femmes soucieuses des intérêts de leur mari et capables d’administrer les fiefs familiaux22. L’une d’elles, Marie-Madeleine de Castille dont l’époux, Nicolas Fouquet, est tombé en disgrâce, fait d’ailleurs l’objet d’une contribution dans le présent ouvrage.

Au cours des dernières décennies, l’histoire de la famille, elle-même fortement alimentée par l’anthropologie, les études sur les structures de la parenté et les dynamiques de reproduction familiales23, a considérablement élargi le portrait de nos connaissances, souvent en s’éloignant du noyau conjugal pour mieux documenter l’histoire de la périphérie familiale et des liens collatéraux par l’étude des relations et de l’affection filiale en dehors de la relation parents/enfants24. L’émergence du concept de genre, de même que les études plus vastes sur les relations sociales, ne sont pas étrangères à ce renouveau25. Des liens avunculaires qui unissent oncles et neveux et tantes et nièces26 à ceux, encore plus intimes, qui unissent frères et sœurs et qui constituent la première source de sociabilité et de solidarité27, la recherche sur les liens familiaux est en plein renouvellement, alimentée entre autres par l’histoire des émotions28. L’histoire des grands-parents29, de même que celle de l’adoption30 ou de la parenté spirituelle31, y contribuent. Mais, en dépit du renouveau important que connaît l’histoire de la famille et qu’on ne saurait résumer en quelques lignes, peu d’études ont été consacrées aux femmes mariées et le noyau conjugal demeure largement monopolisé par les maris, conséquence inéluctable des structures sociales et des normes juridiques qui ont caractérisé l’histoire depuis au moins la révolution néolithique et qui n’ont commencé à se transformer que récemment et pas encore sur l’ensemble de la planète32.

L’occultation des épouses par leur conjoint dans les fonds d’archives explique l’intérêt de longue date porté par les historiens aux femmes « seules », celles qui n’ont pas de mari, les célibataires, ou celles qui n’en ont plus, les veuves, ou encore les femmes séparées33. L’étude de ces femmes sans homme a permis aux historiennes d’attester des capacités et des compétences des femmes, souvent dans des sphères non traditionnellement considérées comme « féminines », rappelant, si la chose était nécessaire, que l’incapacité juridique des femmes reposait moins sur le postulat de l’incapacité que sur la nécessité de hiérarchiser la famille, comme le soulignait déjà en 1771 Robert-Joseph Pothier dans son Traité de la puissance du mari sur la personne et les biens de sa femme : « Le besoin qu’a la femme [de l’autorisation du mari] n’est pas fondé sur la faiblesse de sa raison, car une femme mariée n’a pas la raison plus faible que les filles et les veuves, qui n’ont pas besoin d’autorisation34… ». En 1984, Arlette Farge et Christiane Klapisch-Zuber écrivaient, en introduction d’un ouvrage collectif intitulé Madame ou Mademoiselle ? : « La femme seule est un angle mort de l’histoire35 ». Depuis, le célibat féminin, laïc ou ecclésiastique, de même que le veuvage féminin, ont donné lieu à une multiplicité de travaux. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie a montré qu’à l’époque moderne, les célibataires jouissent d’une autonomie sur le plan juridique, mais sont placées au ban d’une société où le mariage demeure la voie toute tracée pour les femmes36. L’historiographie anglo-américaine a aussi bien rendu la complexité et l’ambiguïté du statut de la spinster qui s’incarnera ultimement dans la figure stéréotypée de la « vieille fille37 ». Mais ce sont les contributions relatives au veuvage féminin qui invitent le plus fortement à revisiter le statut de la femme mariée. En effet, les recherches menées par Olwen Hufton38, Ida Blom39, Nicole Pellegrin et Colette H. Winn40, Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Josette Brun41 ou Bettina Bradbury42, pour ne citer qu’elles, ont montré toute l’ambiguïté de ce statut en Europe ou en Amérique du Nord43. Si la veuve bénéficie d’une capacité juridique pleine et entière, lui permettant d’administrer à sa guise ses propres biens et ceux issus de sa communauté, elle n’en reste pas moins soumise à une obligation de bonnes mœurs, sans compter les pressions exercées par son entourage en vue d’un remariage tant qu’elle est en âge de procréer.

Josette Brun et Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, comme d’autres historiennes de part et d’autre de l’Atlantique, ont pris soin d’insister sur le fait que les compétences féminines observées après la mort de l’époux prenaient nécessairement leur origine dans la vie conjugale, sinon en amont du mariage, tout particulièrement dans les contextes où prévalait une forte homogamie socioprofessionnelle44. Les négociantes de Saint-Malo45, les marchandes de Louisbourg46, les artisanes turinoises47 ou encore les seigneuresses canadiennes48 ont toutes en commun un savoir-faire et une expertise qui leur permet de maintenir après le décès de leur mari, souvent en collaboration avec un fils, les rênes de l’entreprise familiale. Qu’il s’agisse d’un « partenariat mère-fils », d’une complète autonomie féminine ou encore d’un véritable pouvoir féminin, ces aptitudes reconnues aux veuves, de toutes conditions, témoignent visiblement des compétences antérieures des épouses. Or, tant que le mari est vivant, sa femme demeure légalement et « archivistiquement » effacée. C’est le principe même de la Coverture en Common Law, que théorise le juriste William Blackstone dans ses Commentaries on the Laws of England49. Que cette couverture soit partielle (celle de la Coutume de Paris par exemple) ou totale (celle des femmes de l’Antiquité grecque ou romaine), la chape est suffisamment opaque pour compliquer le travail des praticiens de l’histoire.

En plus des difficultés imputables au cadre juridique et social, il convient d’ajouter une explication d’ordre culturel à cette invisibilité des épouses. Les historiens, des hommes jusqu’à une époque somme toute récente, ont longtemps occulté, sinon refusé de voir ou même d’imaginer que les femmes mariées avaient eu voix au chapitre. Pourtant, si les sources sont peu prolixes à leur endroit, elles ne sont pas pour autant complètement muettes. Toutefois, on a plus souvent qu’autrement tenu pour acquis le fait que l’époux était, en pratique comme en théorie, maître de la cellule conjugale et responsable des principales décisions. Un exemple pour s’en convaincre ? En 1903, Pierre-Georges Roy consacre près de 400 pages à la famille Juchereau-Duchesnay, appartenant à la noblesse canadienne-française50. Dans cette somme, tous les faits d’armes et les réalisations politiques des hommes de la famille sont détaillés dans le menu, tandis que les épouses des seigneurs n’apparaissent qu’en tant que mères des héritiers mâles. Pour Roy, pourtant bien au fait des archives de la Nouvelle-France51, il ne semble pas même imaginable que les « seigneuresses » fussent des actrices au même titre que leur mari. Par conséquent, il se contente de mentionner que Marie-Catherine Peuvret est mère des dix-sept enfants d’Antoine Juchereau-Duchesnay, omettant qu’elle fut, après la mort de son mari, une seigneuresse des plus actives, menant d’une main de fer les affaires de son fief et de sa famille, vingt-quatre années durant, allant jusqu’à menacer son fils d’exhérédation lorsque celui-ci aura largement passé l’âge de la majorité52. Peut-on en faire reproche à cet historien du tournant du XXe siècle, conforté par les principes et les valeurs de la bourgeoisie victorienne ? Sans doute n’a-t-il pas même songé à faire de Marie-Catherine Peuvret, femme mariée puis veuve, une actrice de l’histoire.

Reprenons à présent l’affaire Martin Guerre, survenue dans la France du XVIe siècle et finement analysée par Natalie Zemon Davies53. Ne devrait-on pas postuler que, dans cette histoire bien connue qui a été reprise au cinéma54, le personnage principal n’était pas Martin Guerre, ni même Arnaud du Thil qui se fait passer pour lui, mais bien Bertrande de Rols, sa femme ? Issue d’une famille de notables, mariée très jeune, elle est confrontée à 22 ans à la disparition soudaine de son époux. Elle refuse absolument de se remarier puis accepte pendant trois ans un mari qu’elle sait être un imposteur, a deux enfants de lui et le défend fermement, malgré les pressions, lors de son procès à Rieux en 1560. Bertrande de Rols n’est pas une victime subissant les affres de la séparation mais une femme dans sa pleine agentivité s’accommodant de l’absence d’un époux qu’elle n’aimait manifestement pas. Elle instrumentalise même le flou juridique engendré par l’absence de Martin pour protéger les intérêts de son fils et les siens. Le départ de Martin lui donne l’opportunité de s’affirmer et de conserver une certaine indépendance au village. Si le cas de Bertrande et Martin, qui suscita l’intérêt des juristes dès le XVIe siècle, peut sembler de l’ordre du fait divers plutôt sensationnaliste, des milliers d’autres couples, célèbres ou inconnus, ont vécu de telles séparations, qu’elles soient accidentelles ou planifiées, contraintes ou délibérées : femmes de croisés ou de prisonniers, femmes de marins ou de négociants, femmes de soldats ou de migrants. Autant de situations conjugales propices à l’absence du mari pour des périodes à durée souvent incertaine…

Les absences des hommes donnent la possibilité d’entrevoir la condition de leur épouse et son quotidien : elles imposent une séparation durable au sein du couple, qui se comptabilise en mois voire en années, parfois amenée à se répéter selon les activités du conjoint ou les circonstances. Bien que ces femmes soient insérées dans un cadre matrimonial, leur vie est marquée par une profonde dichotomie entre les périodes où elles se retrouvent seules à la tête de leur famille – avec les responsabilités que cela implique – et les moments durant lesquels le conjoint reprend sa place, à l’instar de tout autre couple. On assiste ainsi à un bouleversement temporaire dans l’équilibre du couple et la répartition traditionnelle des tâches. Par conséquent, les périodes d’absence masculine constituent des moments privilégiés pour observer les femmes mariées, à l’échelle de l’individu, mais aussi du couple et de la communauté. Bien entendu, il est essentiel de prendre en compte la grande diversité de situations qui entrainent les départs (activité maritime, guerre, emprisonnement, migration de travail ou en lien avec la religion…). Il importe également de se questionner sur les modalités de cette absence qu’elle soit choisie, imposée ou un peu des deux, sur l’implantation géographique du couple ; vivre en ville, à la campagne, sur le littoral, dans une région montagnarde, sur une île ou dans une colonie n’a pas les mêmes implications. Les conditions démographiques et sociales particulières de la famille interfèrent également : l’âge de l’épouse, la présence d’enfants et leur âge, le milieu social, le réseau de parenté et d’amitié s’avèrent essentiels au quotidien. L’objectif du présent ouvrage est de comprendre l’impact différencié de cette absence, dans toutes ses dimensions, en fonction des critères énumérés ci-haut et de réfléchir aux stratégies adoptées pour y faire face.

Aussi, ce « temps suspendu » qu’est l’absence du conjoint rend visibles les femmes mariées dans les archives. Que ce soit en raison d’une délégation formelle du pouvoir sous la forme d’une procuration ou autre autorisation d’administrer (le royaume, la seigneurie, les biens ou la boutique), parfois par leur présence en justice pour se défendre ou revendiquer un droit, les sources témoignent de leur activité en l’absence du mari et viennent corroborer l’hypothèse maintes fois formulée d’une capacité de l’épouse antérieure au veuvage. Les archives judiciaires ou notariales, matériau de base de l’histoire sociale et économique, ouvrent en effet une fenêtre sur les activités, licites ou illicites, de ces femmes, tandis que les correspondances, journaux intimes ou autres documents du for privé permettent d’appréhender encore davantage, pour celles qui ont accès à l’écrit, la manière dont ces absences et ces « temps d’autonomie » sont vécus en termes d’attente, d’angoisse et d’espoir. Ces égo-documents laissent aussi entrevoir les occupations ou les activités des épouses durant cette parenthèse dans leur couple. Les contributions au présent volume tirent profit de ces différentes formes d’archives, publiques ou privées, pour offrir un portrait diversifié et souvent très intime des femmes face à l’absence. À ces sources viennent s’ajouter, dans certains cas, les voix de ces femmes, directement, grâce à des enquêtes orales qui, du Finistère aux Alpes suisses en passant par la région de Charlevoix au Québec, montrent bien des similitudes dans les difficultés imposées par les départs de maris tantôt marins, tantôt forestiers ou constructeurs de barrages, de même que par la capacité des femmes à se débrouiller et à faire office de « père et mère à la fois ». Ces sources révèlent tantôt la complémentarité, tantôt le partenariat, voire l’association entre mari et femme, ou au contraire, la mésentente entre les deux. Les épouses en absence de mari ne sont pas toujours des femmes seules ; au contraire, des réseaux sont nécessaires pour y faire face, notamment si l’absence physique se double d’une absence de revenus. Elles ne sauraient non plus répondre à une lecture dialectique simpliste entre femmes « libérées » et femmes « abandonnées ». Loin de nous l’idée de proposer une interprétation idéalisée des épouses seules. Dans un collectif sur la question du veuvage, l’historienne Claire Dolan rappelait la nécessité de se protéger contre nos valeurs qui peuvent introduire un biais dans la manière d’interpréter ces moments de « liberté » féminins, lesquels pouvaient tout à fait être vécus sans satisfaction aucune par les premières intéressées55.

Le « temps suspendu », c’est donc celui des familles où les hommes, partis, laissent aux femmes les commandes de la maisonnée, voire de l’entreprise ou, parfois même, du pays. Malgré un ancrage centré sur les périodes moderne et contemporaine, les textes nous mènent de l’Antiquité grecque en passant par l’Italie de la Renaissance et la France révolutionnaire jusqu’au Québec contemporain. Résolument inscrit en histoire de la famille et en histoire du genre, ce collectif propose vingt-quatre contributions, dont les approches alternent entre trajectoires individuelles – autant d’expériences féminines de l’absence – et perspectives plus générales.

Appréhender les femmes mariées en absence d’hommes suppose tout d’abord de se départir des stéréotypes, tel celui de Pénélope, femme de héros vertueuse restée fidèle à Ulysse, érigée en modèle et devenue source de contre-modèles au moins jusqu’au XIXe siècle, comme en témoigne Tiphaine Martin dans son analyse du Comte de Monte-Cristo. Un modèle que Pauline Schmitt-Pantel invite pourtant à considérer d’un œil nouveau à l’aune d’une traduction revisitée, en transformant Pénélope en une « femme d’action », à l’opposé des représentations collectives la réduisant à une femme passive. Néanmoins, l’absence du conjoint est souvent la cause de bien des inquiétudes et même de profondes angoisses, faute de nouvelles, ce que suggèrent les écrits personnels. Les lettres envoyées par plusieurs femmes d’officiers de marine du XIXe et du XXe siècle, étudiées par Jean de Préneuf et Thomas Vaisset, expriment la force du lien conjugal et la peur éprouvée face au risque maritime. La guerre accroît encore l’incertitude quant au sort du conjoint. À ce titre, les témoignages d’Hélène Berr, de Jacqueline Mesnil-Amar et de Jeanine Bouissonouse, chacune confrontée à l’absence de son compagnon dans un contexte hostile, celui de l’Occupation, sont précieux et révèlent des vécus et des stratégies différenciés pour l’affronter (J. Cantier). Et que dire de l’épisode de « neurasthénie » subi par Blanche Lacoste-Landry, provoqué par le départ à la guerre de son époux (S. Doucet) ? Pour elle, les « beaux jours d’autrefois » sont définitivement perdus quand, pour d’autres, leur souvenir permet de tenir, avec en filigrane, la peur de l’abandon, qui se mêle à l’attente des retrouvailles, plus qu’incertaines. De l’ensemble de ces écrits intimes émane de la douleur, une souffrance morale mais aussi sexuelle. Bien que cette dernière question, largement taboue, ait laissé peu de traces dans les archives, les correspondances échangées entre mari et femme abordent parfois de front ces enjeux. Les lettres échangées par Jeanne et Jacques, appelé en Algérie, durant les « évènements », évoquent crument le manque de l’autre (R. Branche) tandis que celles écrites par des femmes d’officiers suisses, engagés à l’étranger au XVIIIe et au XIXe siècles, se font plus pudiques (J. Cornut). Si, comme le chantait Barbara, toutes les épouses n’ont pas la vertu des femmes de marins – un idéal que Christophe Regina nuance pour le port de Marseille au XVIIIe siècle à l’aide des archives judiciaires – toutes n’ont pas non plus le Le Diable au corps comme le personnage de Marthe, femme adultère d’un soldat parti au front, source de scandale dans le roman de Radiguet publié en 192356.

Se focaliser sur celles qui restent et non sur ceux qui partent, c’est aussi évoquer les multiples responsabilités qui reviennent aux épouses, le temps de l’absence : exercer à part entière l’autorité parentale, subvenir aux besoins de la famille, gérer le budget de son ménage et tout simplement gagner sa vie, faute de revenus assurés et réguliers, autant de rôles traditionnellement dévolus aux hommes57. Ils s’ajoutent aux tâches imposées par la société, selon une répartition sexuée – éduquer les enfants et tenir la maison – et augmentent de fait la charge de travail et plus largement, la charge mentale. La plupart, tout au moins les femmes dans le besoin ou dans une situation fragile, apprennent à se débrouiller souvent seules afin d’affronter une précarité qui oblige à toutes sortes d’ajustements. L’impact de l’absence sur la cellule familiale est rendu particulièrement visible dans les zones d’émigration saisonnières masculines, que ce soient les Alpes occidentales (A. Montenach) ou suisses (M.-F. Vouilloz-Burnier), la Galice (O. Rey Castelao) ou la région de Charlevoix au Québec (M.-P. Bouchard). La chronologie suivie ici, du XVIIIe au XXe siècle, montre une constante pour faire face au départ des hommes : l’importance du travail féminin, dans les exploitations agricoles mais aussi dans le textile, l’artisanat et/ou le commerce. Certaines font preuve d’un réel esprit d’entreprise dans la gestion de leurs affaires. Il s’agit là d’une dimension fondamentale de la pluriactivité telle qu’elle est exercée à l’échelle du couple, quitte à franchir les limites de la légalité en participant à la contrebande de sel (A. Montenach). Plus que l’endettement, le travail demeure la solution privilégiée par ces femmes : en Nouvelle-France, des épouses restées seules n’hésitent pas à devenir servantes pour éviter de sombrer dans la pauvreté quand d’autres placent leurs enfants comme domestiques afin de limiter leurs charges de famille (A. Bessière). La trajectoire d’Eléonore Pagé, fille de marin et épouse délaissée durant la première moitié du XIXe siècle, au Québec, illustre la volonté de s’en sortir de femmes qui déploient des « stratégies de sortie de l’absence » malgré les cadres contraignants imposés aux femmes par une société dominée par le modèle patriarcal (J.-R. Thuot). Or, l’absence se solde parfois par le départ définitif du mari et aboutit à une situation des plus complexes d’un point de vue légal pour la conjointe58. La situation spécifique de ces femmes abandonnées, liées par leur incapacité légale, oblige partout à des adaptations juridiques, à des compromis, notamment au Québec (J.-P. Garneau) mais aussi en Galice où elles sont désignées comme chefs de famille (O. Rey Castelao). Cette capacité à se débrouiller seules, en comptant parfois sur les solidarités familiales et paroissiales, a alimenté le stéréotype de la « femme forte », épouse de bûcheron59 ou de marin60, qui doit « avoir ça dans le sang ». Elle est dotée d’une forte capacité d’adaptation et assume sans fléchir toutes les tâches qui lui incombent, tant que dure l’absence, et se prolonge en cas de veuvage. In fine, il s’agit bien là d’un autre modèle de comportement imposé aux femmes, à l’instar de la vertueuse Pénélope, subissant passivement l’absence d’Ulysse.

Cet affranchissement de l’autorité maritale provoquée par le départ du mari profite-t-il pour autant à toutes les femmes ? Son absence engendre-t-elle nécessairement la prise d’autonomie voire l’affirmation de son épouse dans une société qui la considère comme une mineure juridique ? C’est bien la question de la « capacité d’action » de ces femmes, autrement appelée agency ou agentivité, qui est sous-tendue par l’objet de cet ouvrage61. Pour reprendre les termes de Monique Haicault, expliquant la pensée de Judith Butler, philosophe américaine à l’origine du concept d’agency, « quelles que soient les modalités d’action, agir c’est faire, c’est faire être et c’est aussi se produire soi-même62 ». Cela consiste aussi à « agir en changeant, trouver la liberté dans une marge de manœuvre à déployer face aux prescriptions, notamment face à celles de genre63 ». Le cas d’Euphrasie Piégeard, femme de Proudhon, démontre le contraire : durant l’emprisonnement de son mari, elle reste effacée et soumise à son époux, qui fait figure de mentor pour sa femme, plus jeune et analphabète de surcroît (O. Chaïbi). La correspondance échangée par les époux Glayre à la fin du XVIIIe siècle est significative des rapports de pouvoir au sein de leur couple : Pierre-Maurice, absorbé par sa carrière politique, ne fait jamais confiance à sa femme pour l’éducation de leurs enfants en dépit de sa formation intellectuelle et de sa vivacité d’esprit. Ses lettres maintiennent un contrôle à distance, accepté par Marie-Bartholomée qui se conforme aux rôles alors assignés aux femmes (S. Moret-Petrini). Le cas de la « seigneuresse » Françoise de Blacas, noble provençale du XVIIIe siècle, rappelle que même les privilégiées ne vivent pas nécessairement cette délégation de l’autorité masculine comme une libération : mal préparée, Françoise se retrouve au lendemain de son mariage à la tête d’un domaine délaissé par son mari, qui lui en confie la gestion. Ses lettres laissent d’abord entrevoir son désarroi puis une estime de soi grandissante, en lien avec ses nouvelles responsabilités ; elle finit néanmoins par se retirer dans un couvent, fatiguée par ce « fardeau » (C. Caparos). Lorsqu’elles disposent d’une procuration laissée par leur mari, dans le Montréal du XVIIIe siècle, les épouses ne l’utilisent pas toujours : tout dépend des rapports de confiance établis entre conjoints, de la formation initiale de la femme et de son association – ou pas – aux affaires du ménage en temps ordinaire, en tant que partenaire et non comme subordonnée (J. Fortin). Ces mêmes relations de confiance expliquent le pouvoir confié par son mari à Blanche d’Anjou, reine d’Aragon, à la fin du XIIIe siècle. Il s’inscrit bien au-delà du rôle traditionnellement dévolu aux reines – engendrer des héritiers – et en fait sa « lieutenante », chargée de veiller sur ses sujets et de gouverner en son absence (A. Beauchamp). Dans la vallée du Pô, au cours de la Renaissance, des femmes outrepassent même les limites assignées à leur sexe en arborant des attributs masculins : ces chevaleresses, formées dès leur enfance au maniement des armes, défendent leur territoire et leurs gens durant l’absence de leur mari, épée à la main, sans susciter de désapprobation sociale, et ce jusqu’au Concile de Trente (D. Salomoni). Faire face à l’adversité peut réveiller la capacité d’action des épouses et leur donner l’occasion de s’affirmer : c’est le cas de Marie-Madeleine de Castille, mariée à Nicolas Fouquet, surintendant des finances royales. Son arrestation en 1661 puis sa condamnation en 1664 la transforment en une « veuve civile », confrontée à la suspension de son mariage, à l’exil pendant le procès et au déshonneur engendré par la disgrâce. Pour autant, elle ne cesse de plaider la cause de son mari : elle organise sa défense durant le procès puis envoie trois requêtes par an à Louis XIV tout en essayant de préserver ses biens et la réputation de ses enfants (P. Ferrier-Viaud). À ce titre, la période révolutionnaire, en desserrant le cadre patriarcal, offre davantage d’opportunités pour se faire entendre, que saisissent indifféremment les femmes d’émigrés ou de défenseurs de la patrie, restées seules. Elles écrivent aux autorités, organisent des délégations, rédigent des pétitions pour revendiquer leur bon droit. Quelques-unes s’impliquent dans la lutte politique, l’absence du mari les incitant à prendre des initiatives parfois risquées sans qu’elles ne soient déterminantes pour autant (S. Mabo). La prise de conscience de cette capacité d’action accrue peut provoquer un renversement de l’autorité au sein du couple, au profit de l’épouse. Ce processus d’empowerment est particulièrement visible chez les ménages de marins de Finistère et de Vendée : les femmes se sont saisies de leur nouvelles responsabilités – prendre toutes les décisions relatives à la famille et gérer l’argent du ménage y compris le salaire de leur conjoint – et en ont fait un instrument de pouvoir même en sa présence (C. Fortier).

Paradoxalement, le temps suspendu que représente l’absence du mari et les archives qu’il a pu générer donnent accès à l’histoire de femmes qui seraient autrement demeurées des inconnues aux yeux de l’histoire64. Comme le souligne à juste titre Olivier Chaïbi dans son étude consacrée à l’épouse de Pierre-Joseph Proudhon, Euphrasie Piégard : « on ne connaît au final [Euphrasie] que par Proudhon et ses absences ».

Aux sources du présent ouvrage se trouvent quelques jalons qui méritent d’être brièvement rappelés, dont le colloque international « Femmes face à l’absence de l’Antiquité à l’époque contemporaine : terre, mer, outre-mer (Europe et Amérique du Nord) », tenu à la Corderie royale de Rochefort, les 11, 12 et 13 mai 2017. Tous les textes ici rassemblés après avoir été sélectionnés et soumis à l’évaluation de pairs, ont initialement donné lieu à une communication lors de ce colloque qui a réuni une trentaine de participant.e.s. Auparavant, s’est tenue à l’Université de Sherbrooke, au Québec, en avril 2013, une journée d’étude autour d’un document particulièrement riche pour l’étude des femmes mariées, l’acte de procuration, réunissant des chercheurs s’intéressant à la Bretagne et au Québec à l’Époque moderne65. Elle a donné lieu à une publication qui se voulait justement une étape préliminaire vers un colloque international66. Un complément fut apporté par la journée d’études de Lorient sur « Les femmes et la mer à l’époque moderne », organisée en 2014, par Emmanuelle Charpentier en collaboration avec Philippe Hrodej. L’ouvrage issu de cette rencontre, publié en 2018, confirmait la pertinence et la validité de la problématique des « femmes face à l’absence » à une échelle plus large, la France et l’Europe67. Le colloque de Rochefort ouvrait à des espaces plus vastes encore, l’Europe et l’Amérique du Nord, ainsi qu’à une expansion chronologique en amont et en aval de l’Époque moderne, de l’Antiquité à l’Époque contemporaine. Ce colloque constituait donc l’aboutissement de rencontres et de réflexions préalables et invitait un plus vaste bassin de spécialistes – historien.ne.s et autres praticiens des sciences sociales étaient convié.e.s – à réfléchir à la question des femmes en situation conjugale, confrontées à l’absence temporaire de leur conjoint et par conséquent momentanément « affranchies » de la tutelle masculine. Ce colloque n’aurait pu être organisé sans l’aide précieuse de Mickaël Augeron, Christine Dousset-Seiden, Isabelle Lacoue-Labarthe, Sylvie Mouysset et Thierry Sauzeau, sans oublier Nicole Pellegrin qui en a assuré les conclusions. Le Centre International de la Mer, grâce à Emmanuel de Fontainieu, Arnaud Dautricourt et son équipe, lui a offert un cadre idéal, la Corderie royale de Rochefort.


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Notes

  1. Archives départementales de Charente-Maritime, fonds de l’amirauté de La Rochelle, B6039, sans date.
  2. Lett D., Hommes et femmes au Moyen Âge. Histoire du genre XIIe-XVe siècles, Paris, A. Colin, 2013 ; Beauvalet-Boutouyrie S., Les Femmes à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, Belin, 2003, p. 68-77.
  3. Perrot M., Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. iii. Alain Corbin en est bien conscient à propos d’Anne Poté, l’épouse encore plus inconnue que l’inconnu dont il fait la biographie : Corbin A., Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, Paris, Flammarion, 1998.
  4. Clark A., Working Life of Women in the Seventeenth Century, Londres/New-York, Routledge, 1992 (1re édition à Londres en 1919).
  5. Knibiehler Y. et Fouquet C., Histoire des mères : du Moyen Âge à nos jours, Paris, Montalba, 1977 ; Baillargeon D., Un Québec en mal d’enfants. La médicalisation de la maternité, 1910-1970, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 2004.
  6. Sur la notion de « culture des femmes » et l’intégration française de l’histoire des femmes : Dauphin C. et al., « Culture et pouvoir des femmes : essai d’historiographie », Annales ESC, vol. 21, n° 2, 1986, p. 271-293. Voir aussi Thébaud F., Écrire l’histoire des femmes et du genre, Paris, ENS Éditions, 2007 (2e édition). Le classique d’Yvonne Verdier est emblématique de cette approche : Verdier Y., Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard, 1979.
  7. Dumont M., « Peut-on faire l’histoire de la femme ? », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 29, n° 3, 1975, p. 421-428 ; Dumont M., Découvrir la mémoire des femmes. Une historienne face à l’histoire des femmes, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 2002.
  8. Noel J., « New France : Les femmes favorisées », Atlantis, vol. 6, n° 2, 1981, p. 80-98.
  9. Dumont M., « Les femmes de la Nouvelle-France étaient-elles favorisées ? », Atlantis, vol. 8, n° 1, 1982, p. 118-124.
  10. Norton M. B., « The Myth of the Golden Age », dans Berkin C. R. et Norton M. B., Women of America: A History, Boston, Houghton Mifflin Co., 1979, p. 37-47.
  11. Thatcher Ulrich L., Good Wives: Image and Reality in the Lives of Women in Northern New England, 1650-1750, New York, Vintage Books, 1991 [1982].
  12. Ibid., p. 49-50.
  13. Noel J., « N’être plus la déléguée de personne : une réévaluation du rôle des femmes dans le commerce en Nouvelle-France », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 63, n° 2-3, 2009-2010, p. 209-241 ; Id., Along a River: The First French-Canadian Women, Toronto, University of Toronto Press, 2013.
  14. Parmi les travaux ayant mis de l’avant le rapport entre absence des hommes et autonomie des femmes, citons : Dufournaud N. et Michon B., « Les femmes et le commerce maritime à Nantes (1660-1740) : un rôle largement méconnu », Clio. Femmes, Genre, Histoire, vol. 23, 2006, p. 311-330 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/1926. Deux publications récentes soulèvent de nombreux exemples au soutien de ce rapport, puisés en différents contextes historiques : Craig B., Les Femmes et le monde des affaires depuis 1500, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019 (édition originale anglaise en 2016) et Catterall D. et Campbell J. (dir.), Women in Port: Gendering Communities, Economics and Social Networks in Atlantic Port Cities, 1500-1800, Leiden, Brill, 2012.
  15. Segalen M., Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980 ; Id., Nuptialité et alliance. Le choix du conjoint dans une communauté de l’Eure, Paris, Maisonneuve et Larose, 1972.
  16. Flandrin J.-L., Les Amours paysannes XVIe-XIXe siècles, Paris, Gallimard, 1975.
  17. Ariès P. et Duby G. (dir.), Histoire de la vie privée. t. 3 : De la Renaissance aux Lumières, Paris, Le Seuil, 1985 ; Melchior-Bonnet S. et Tocqueville A. de (dir.), Histoire de l’adultère. La tentation extra-conjugale de l’Antiquité à nos jours, Paris, La Martinière, 1999 ; Walch A., Histoire de l’adultère, XVIe-XIXe siècle, Paris, Perrin, 2009. Voir également le dossier « Histoire des conjugalités » dans Hypothèses, 2017/1 (20), p. 251-311.
  18. Burguière A., Le Mariage et l’amour en France de la Renaissance à la Révolution, Paris, Le Seuil, 2011.
  19. Solnon J.-F., Les Couples royaux dans l’histoire. Le pouvoir à quatre mains, Paris, Perrin, 2012.
  20. Gaude-Ferragu M., La Reine au Moyen Âge. Le pouvoir féminin XIVe-XVe siècle, Paris, Tailhandier, 2014 ; Cosandey F., La Reine de France. Symbole et pouvoir XVe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2000 ; Earenfight T. (dir.), Queenship and Political Power in Medieval and Early Modern Spain, Londres, Routledge, 2005.
  21. Vidal-Naquet C., Couples dans la Grande Guerre : le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Belles Lettres, 2014 ; Id., « La séparation. L’amour à l’épreuve du départ au combat en août 1914 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 123, 3, 2014, p. 102-116 ; Id., « Écrire ses émotions. Le lien conjugal dans la Grande Guerre », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 47, 1, 2018, p. 117-137 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/14095.
  22. Ferrier-Viaud P., Épouses de ministres. Une histoire sociale du pouvoir féminin au temps de Louis XIV, Ceyzérieu, Champvallon, 2022.
  23. Fauve-Chamoux A., « Les structures familiales au royaume des familles-souches : Esparros », Annales ESC, n° 39-3, 1984, p. 513-528 ; Id., « Vieillesse et famille-souche », Annales de démographie historique, n° 1, 1985, p. 111-125 ; Id., « Le fonctionnement de la famille-souche dans les Baronnies des Pyrénées avant 1914 », Annales de démographie historique, n° 1, 1987, p. 240-262 ; Viret J.-L., Le Sol et le sang. La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Âge au XIXe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2014 ; Id., Valeurs et pouvoir : la reproduction familiale et sociale en Île-de-France, Ecouen et Villiers-le-Bel, 1560-1685, Paris Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2004 ; Boudjaaba F., Des Paysans attachés à la terre ? Familles, marchés et patrimoines dans la région de Vernon (1750-1830), Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2008.
  24. Voir le volume 34 de la revue Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, paru en 2011, notamment l’introduction : Fine A., Klapisch-Zuber C. et Lett D., « Liens et affects familiaux », p. 7-16 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10212.
  25. Par exemple, on consultera avec profit : Ruggiu F.-J. (dir.), L’Individu et la famille dans les sociétés urbaines anglaise et française (1720-1780), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2007 ou encore Boudjaaba F. (dir.), Le Travail et la famille en milieu rural (XVIe-XXIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  26. Trévisi M., Au Cœur de la parenté : oncles et tantes dans la France des lumières, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2008.
  27. Boudjaaba F., Dousset C. et Mouysset S. (dir.), Frères et sœurs du Moyen Âge à nos jours /Brothers and Sisters from the Middle Ages to the Present, Bern, Peter Lang, 2016 ; Fine A., « Frères et sœurs dans la recherche en sciences sociales », Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, vol. 34, 2011, p. 167-181 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10304 et dans le même volume : Lett D., « Histoire des frères et sœurs », p. 167-202 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10308.
  28. Nagy P. et Boquet D., Sensible Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris, Le Seuil, 2015 ; Corbin A., Courtine J-J. et Vigarello G. (dir.), Histoire des émotions, Paris, Le Seuil, 2016.
  29. Gourdon V., Histoire des grands-parents, Paris, Perrin, 2012 [2001].
  30. En témoigne un récent dossier thématique des Annales de Démographie Historique sur le thème de l’histoire de l’adoption : « Formes adoptives (XVIe-XXe siècles) », n° 141, vol. 1, 2021.
  31. Fine A., La Parenté spirituelle en Europe, Paris, Fayard, 1994.
  32. Pour un survol dans la très longue durée : Harari Y. N., Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, Paris, Albin Michel, 2015, p. 175-191, de même que Beauvalet-Boutouyrie S. et Berthiaud E., Le Rose et le bleu. La fabrique du féminin et du masculin. Cinq siècles d’histoire, Paris, Belin, 2016.
  33. Beauvalet-Boutouyrie S., La Solitude, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Belin, 2008. On pense aussi aux travaux d’Aurélie Chatenet-Calyste : « Vivre sans lui. Les femmes et la séparation conjugale dans le monde curial au XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, vol. 2, n° 140, 2020, p. 53-74 ; Id., « La femme maîtresse de maison. Rôle et place des femmes dans les ouvrages d’économie domestique au XVIIIe siècle », Histoire, économie et société, vol. 28, n° 4, 2009, p. 21-34.
  34. Pothier R.-J., Traité de la puissance du mari sur la personne et les biens de sa femme, art. 3, cité dans Beauvalet-Boutouyrie S., Les Femmes à l’époque moderne, op. cit., p. 34.
  35. Farge A. et Klapisch-Zuber C., « Introduction », dans Madame ou Mademoiselle ? Itinéraires de la solitude féminine 18e-20e siècle, Paris, Montalba, 1984, p. 7.
  36. Beauvalet-Boutouyrie S., Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001.
  37. Froide A., Never Married: Singlewomen in Early Modern England, Oxford, Oxford University Press, 2007.
  38. Hufton O., « Women without men: widows and spinsters in Britain and France in the eighteenth century », Journal of Family History, n° 4, 1996, p. 355-376.
  39. Blom I., « History of Widowhood: a Bibliographic Overview », Journal of Family History, vol. 16, n° 2, 1991, p. 191-210.
  40. Pellegrin N. et Winn C. H. (dir.), Veufs, veuves et veuvage, Paris, Honoré Champion, 2003. Voir aussi Maillard B., « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 106, 1999, 1, p. 197-210 et Dousset-Seiden C., « Femmes et héritage en France au XVIIe siècle », Dix-septième siècle, 2009, n° 244, p. 477-491 ; Id., « Familles paysannes et veuvage féminin en Languedoc à la fin du XVIIe siècle », Dix-septième siècle, n° 249, 2010, p. 7-20 ; Id., « Fortunes et infortunes familiales des veuves (France. XVIIe-XVIIIe siècle) », dans Martial A., La Valeur des liens. Hommes, femmes et transactions familiales, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2009, p. 47-67.
  41. Brun J., Vie et mort du couple en Nouvelle-France : Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle, Montréal/Kingston, McGill/Queen’s University Press, 2006.
  42. Bradbury B., Wife to Widow: Lives, Laws, and Politics in Nineteenth-Century Montreal, Vancouver, University of British Colombia Press, 2011 ; Id., « Surviving as a Widow in 19th-century Montreal », Urban History Review, vol. 17, n° 3, 1989, p. 148-160 ; Id., « Widowhood and Canadian Family History », dans Conrad M., Intimate Relations: Family and Community in Planter Nova Scotia 1759-1800, Wolfville, Planter Studies Centre et Acadia University, 1995, p. 19-41.
  43. Beauvalet-Boutouyrie S., Être veuve sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 15.
  44. Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence”. Procurations et pouvoir féminin à Québec au XVIIIe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 37, 2013, p. 221 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11053.
  45. Lespagnol A., « Femmes négociantes sous Louis XIV. Les conditions complexes d’une promotion provisoire », dans Populations et cultures. Études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, Association des amis de François Lebrun, 1989, p. 463-470 et Id., « Les femmes dans l’économie maritime à l’époque moderne », dans Charpentier E. et Hrodej P. (dir.), Les Femmes et la mer à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 97-110. Voir aussi Michon B. et Dufournaud N. (dir.), Femmes et négoce dans les ports européens. Fin du Moyen Âge-XIXe siècle, Bruxelles, Peter Lang, 2018.
  46. Brun J., « Les femmes d’affaires en Nouvelle-France au XVIIIe siècle : le cas de l’Île Royale », Acadiensis, vol. 27, n° 1, 1997, p. 44-66.
  47. Zucca Micheletto B., Travail et propriété des femmes en temps de crise : Turin, XVIIIe siècle, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2014 ; Id., « Un pouvoir informel ? Revenus familiaux dans les milieux artisanaux (Turin, XVIIIe siècle) », dans Ferland C. et Grenier B., Femmes, culture et pouvoir. Relectures de l’histoire au féminin XVe-XXe siècles, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 109-126. Voir aussi Maitte C., « Le travail invisible dans les familles artisanales (XVIIe-XVIIIe siècle) », dans Bellavitis A. et al., « Familles laborieuses. Rémunération, transmission et apprentissage dans les ateliers familiaux de la fin du Moyen Âge à l’époque contemporaine en Europe », Mélanges de l’École française de Rome-Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, n° 128, 1, 2016.
  48. Grenier B., « Réflexion sur le pouvoir féminin au Canada sous le Régime français : le cas de la “seigneuresse” Marie-Catherine Peuvret (1667-1739) », Histoire sociale/Social History, vol. 42, n° 84, 2009, p. 299-326.
  49. Blackstone W., Commentaries on the Laws of England, Oxford, Clarendon Press, 4 volumes, 1765-1769.
  50. Roy P.-G., La Famille Juchereau-Duchesnay, Lévis, s.e., 1903.
  51. Pierre-Georges Roy devient, en 1920, le premier « archiviste de la Province de Québec », ancêtre de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (ci-après BAnQ).
  52. Grenier B., Marie-Catherine Peuvret. Veuve et seigneuresse en Nouvelle-France (1667-1739), Québec, septentrion, 2005.
  53. Zemon Davis N., Le Retour de Martin Guerre (préface de C. Ginzburg), Paris, Tallandier, 2008 (édition originale anglaise en 1983 aux Presses de l’Université Harvard).
  54. Le Retour de Martin Guerre, long-métrage réalisé par D. Vigne en 1982.
  55. Dolan C., « L’An de deuil et le remariage des veuves. Loi et tradition au XVIe siècle à Aix-en-Provence », dans Pellegrin N. et Winn C. H., op. cit., p. 68.
  56. Radiguet R., Le Diable au corps, Paris, Grasset, 1923.
  57. Voir Rey Castelao O., « Crisis familiares y migraciones en la Galicia del siglo XVIII desde una perspectiva de género », Studia historica. Historia moderna, n° 38, 2, 2016, p. 201-236 ; Id., « Mujeres, trabajo y migraciones urbanas en España durante la segunda mitad del siglo XVIII », Revista de historiografia, n° 16, p. 44-60 ; Id., « Les femmes seules du Nord-Ouest de l’Espagne : trajectoires féminines dans un territoire d’émigration, 1700-1860 », Annales de démographie historique, n° 112, p. 105-113. Voir aussi Charpentier E., « Autour de Marie-Jacquette Pignot, une femme de marin au XVIIIe siècle », dans Charpentier E. et Hrodej P. (dir.), Les Femmes et la mer à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 57-76 ; Id., « Incertitude et stratégies de survie : le quotidien des femmes de “partis en voyage sur mer” des côtes nord de la Bretagne au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 117, n° 3, 2010, p. 39-54 ; Id., « Vivre au rythme de la mer : femmes de marins au travail sur les côtes nord de la Bretagne au XVIIIe siècle » dans Boudjaaba F. (dir.), Le Travail et la famille en milieu rural XVIe-XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 53-68.
  58. Lainesse L., « Composer avec l’incertitude : les “presque veuves” à l’heure de la Conquête », Actes du 17e colloque international étudiant du Département des sciences historiques de l’Université Laval, 15 au 17 février 2017, Québec, Artefact (Université Laval), 2018, p. 331-354.
  59. Bouchard M.-P., Vivre au cœur de « paroisses de femmes » dans la région de Charlevoix, 1940-1980, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019.
  60. Guichard-Claudic Y., Éloignement conjugal et construction identitaire : le cas des femmes de marins, Paris/Montréal, L’Harmattan, 1999.
  61. Sur le concept d’agentivité et son intégration à l’histoire des femmes, voir le numéro que lui a consacré Rives Méditerranéennes en 2012 [en ligne] https://journals.openedition.org/rives/4084.
  62. Haicault M., « Autour d’agency. Un nouveau paradigme pour les recherches de Genre », Rives Méditerranéennes, vol. 41, 2012, p. 14 [en ligne] https://journals.openedition.org/rives/4105.
  63. Ibid.
  64. Le cas d’Angélique Delputte, étudié par Fulgence Delleaux en est une superbe illustration : Les Quatre saisons d’Angélique. Correspondance d’une paysanne pendant la Révolution française, Paris, Bayard, 2020.
  65. Sur l’acte de procuration et son apport à l’histoire des femmes : Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence”… », art. cit. ; Grenier B. et Ferland C. (avec la collaboration de Maryse Cyr), « Les procuratrices à Québec au XVIIIe siècle : résultats préliminaires d’une enquête sur le pouvoir des femmes en Nouvelle-France », dans Femmes, culture et pouvoir…, op. cit., p. 127-144.
  66. Charpentier E. et Grenier B., Femmes face à l’absence, Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Québec, Centre interuniversitaire d’études québécoises, 2015 [en ligne] https://depot.erudit.org/bitstream/004044dd/1/ISBN978-2-921926-54-6%20%28PDF%29.pdf.
  67. Charpentier E. et Hrodej P. (dir)., Les Femmes et la mer à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.
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EAN html : 9782858926374
ISBN html : 978-2-85892-637-4
ISBN pdf : 978-2-85892-638-1
ISSN : 2741-1818
Posté le 23/11/2022
16 p.
Code CLIL : 3377; 3111
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Comment citer

Charpentier, Emmanuelle, Grenier, Benoît, « Introduction », in : Charpentier, Emmanuelle, Grenier, Benoît, dir., Le temps suspendu. Une histoire des femmes mariées par-delà les silences et l’absence, Pessac, MSHA, collection PrimaLun@ 12, 2022, 13-28 [en ligne] https://una-editions.fr/introduction-temps-suspendu/ [consulté le 23/11/2022].
10.46608/primaluna12.9782858926374.1
Illustration de couverture • Détail de Het uitzeilen van een aantal Oost-Indiëvaarders, huile sur toile, Hendrick Cornelis Vroom, 1600, Rijksmuseum (wikipedia).
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