Il l’adore, son téléphone – d’abord, il peut parler tout seul interminablement – et en plus, ça lui économise un acteur1…
Dès sa commercialisation en France ou presque, le téléphone fait son entrée sur la scène théâtrale. Entre 1881 et 1914, une dizaine de monologues lui sont consacrés2. Ces textes relèvent bien d’un petit théâtre en mode mineur. Plusieurs d’entre eux s’apparentent en effet aux monologues fumistes fin-de-siècle étudiés par Françoise Dubor3. Ils conjuguent brièveté – leur longueur varie entre une et sept pages –, efficacité et économie. Leur intrigue se réduit à une anecdote banale (un personnage évoque une tranche de vie quotidienne, incluant un ou plusieurs coups de téléphone) et leur mise en scène nécessite peu de moyens. Écrits par des auteurs souvent confidentiels à leur époque, peu connus et peu reconnus de nos jours4, ils sont représentés devant un public restreint et dans des lieux à la marge de l’institution théâtrale5. Conçus pour être joués ou récités par un acteur ou une actrice6, ils recherchent moins la littérarité que l’effet comique. Loin de revendiquer leur légitimité, ils affichent leur modestie et exhibent leur manque de sérieux : la plaisanterie, la bouffonnerie y règnent7, ce qui n’exclut bien sûr ni les exceptions ni les nuances. Le monologue entretient d’ailleurs des affinités avec le vaudeville : le personnage est souvent un pantin naïf, voire stupide, inconstant et lâche, et les intrigues adultérines y occupent une bonne part. Enfin, ces courtes pièces tirent paradoxalement leur spectaculaire d’un objet du quotidien8. À rebours des romans fin-de-siècle9 et des ouvrages de vulgarisation parus à la même époque10, le téléphone est utilisé pour des tâches mineures, voire minuscules : convaincre ses amis de venir dîner (L’Invitation de Nane), se faire livrer un chapeau (Par téléphone de Legoux) ou une robe (Les Gaietés du téléphone de Pradels), courtiser une maîtresse (Allo, c’est moi Edgar ! de Chebroux). Lorsque le but est plus ambitieux – solliciter une décoration de la part du ministre (Décoré par téléphone de Deroyre) – c’est pour être mieux tourné en dérision.
Invention majeure, le téléphone serait-il minoré, voire dégradé par son traitement monologal, relégué au statut de gadget fonctionnant mal et de ficelle dramaturgique ? L’examen des textes nous invite à nuancer cette première hypothèse, car le téléphone n’est pas un objet théâtral comme les autres : il renouvelle le fonctionnement énonciatif du monologue et met en scène un nouveau type d’écoute avec un interlocuteur invisible et inaudible. Aussi révèle-t-il, à travers le théâtre, son avers et son envers.
Un personnage, des voix
Pour mieux saisir l’originalité de nos textes sur le plan énonciatif, il nous faut revenir brièvement à l’épineuse définition du monologue. Au sens large, c’est un sous-genre théâtral : héritier du monologue dramatique du Moyen Âge11, il s’agit d’une pièce dans laquelle un personnage seul en scène se lance dans un discours plus ou moins long. C’est bien ainsi que se définissent la plupart de nos textes, sous-titrés « monologue », avec parfois des précisions et des variantes (« monologue en vers » pour Par téléphone de Legoux ; « monologue téléphono-comique, sans fil, à un seul personnage » pour Décoré par téléphone de Deroyre, « monologue par téléphone » pour L’Invitation de Nane), et à une exception près (Par téléphone de Du Tesch est sous-titré « saynète »). Au sens restreint, le monologue est une catégorie de discours plus difficile à cerner, comme en témoignent les nombreuses contradictions et ambiguïtés recensées par Françoise Dubor lorsqu’elle compare les entrées « monologue » des différents dictionnaires historiques puis des dictionnaires de théâtre12. Les points de débat se multiplient en effet : peut-on encore parler de monologue si un autre personnage, muet et/ou invisible, est présent sur scène13 ? Si le monologueur recourt à un dialogue fictif ? S’il s’adresse à un autre personnage, et/ou au public ? Françoise Dubor retient finalement la définition suivante :
(Dans l’appareil du téléphone.)
Allo ! allo ! Qui est là ? Ah, c’est toi, mon vieux. Comment vas-tu ? Quoi ? Vous ne pouvez pas venir dîner ce soir ? Mais tu es fou ! On ne dit pas ces choses-là le
dernier jour, quand tout est organisé14.
Or le principe même du monologue téléphonique est de raconter ou de représenter une conversation avec un interlocuteur fictif qui est constamment pris à partie, et qui, en vertu d’une convention, prononce des paroles auxquelles le locuteur réagit. Il peut dès lors recourir à deux formules. Premier cas de figure : le coup de téléphone est inséré dans un récit. Le narrateur rapporte des paroles au discours direct ou indirect, en mentionnant le médium, mais le téléphone ne change rien au fonctionnement du texte narratif :
…Il me disait : « Ma chère Yvonne
Vous êtes mes seules amours.
Et je vous aimerai toujours ! »
Par téléphone.
Il disait que mes bruns cheveux
Avaient tout l’éclat de l’ébène,
Que le printemps, sans nulle peine,
Se mirait dans mes grands yeux bleus15…!
Dans le second cas de figure, la conversation téléphonique n’est pas racontée, mais représentée de façon mimétique :
(Dans l’appareil du téléphone.)
Allo ! allo ! Qui est là ? Ah, c’est toi, mon vieux. Comment vas-tu ? Quoi ? Vous ne pouvez pas venir dîner ce soir ? Mais tu es fou ! On ne dit pas ces choses-là le dernier jour, quand tout est organisé16.
Cette fois, le téléphone modifie l’énonciation du monologue : l’allocutaire est aussi un interlocuteur. Le personnage donne vie, voix, et parfois corps à un correspondant que l’on n’entend ni ne voit jamais – si bien que l’on peine à définir son statut théâtral17.
Le monologue multiplie ainsi les marques de l’interlocution : formule de prises de contact, identification du correspondant, enchaînement de questions et réponses, recours aux fonctions phatiques et métalinguistiques du langage, etc. Le personnage est seul, mais ne parle pas seul : il doit donner l’impression qu’il est entendu et qu’on lui répond – en d’autres termes, que la conversation progresse. Le monologue se transforme en dialogue partiellement amputé et reconstruit18 : les répliques de l’interlocuteur sont remplacées, à l’oral, par un silence, et, à l’écrit, par des signes typographiques (tirets dans Décoré par téléphone de Deroyre, points de suspension dans Les Gaietés du téléphone de Pradels), ou des didascalies19. Le silence ne correspond pas à une pause ni à une absence de parole, mais au défaut d’audition du spectateur, auquel la moitié de la conversation échappe. Pour faciliter la compréhension des échanges, le personnage reformule les propos de son correspondant. Il donne parfois l’illusion de l’exhaustivité. Dans Par téléphone de Legoux, le personnage semble répéter mot pour mot les paroles de son interlocutrice, le changement de locuteur étant seulement signalé par le changement de pronom et l’italique :
(Elle approche le tuyau de son oreille, écoute et répète ce qu’elle entend. – Même jeu dans le courant de la pièce.) […]
Mademoiselle Andrée, la première de mademoiselle Clémence…C’est bien vous, mademoiselle.
Oui, sans doute.
Je vous ai attendue, comme c’était convenu, à sept heures.
Elle a été très occupée d’une capeline pour madame Hautefeuille. Impossible d’aller
dîner chez Ledoyen comme elle l’avait promis…mon chéri !
Son chéri20 ?…
Pour renforcer l’impression de naturel, les paroles rapportées peuvent aussi être résumées, voire coupées parce que le personnage est interrompu :
(Il écoute.) Ah !…(Il écoute.) Votre mari voulait !…(Il écoute.) Vous êtes sévère.(Il écoute.) Il vient d’arriver ?(Il écoute.)21
Dans un cas comme dans l’autre, la dimension dialogale est bien présente. Deux interlocuteurs conversent, mais un seul personnage parle ; grâce à l’écholalie, il se fait l’écho de la voix de l’autre. L’existence supposée d’un interlocuteur se reflète dans le jeu du comédien. Seul en scène, il concentre tous les effets, sans partager la vedette avec un partenaire qui lui renvoie la balle mais reste inaudible pourle public. Le personnage réagit aux propos de son interlocuteur, ou adapte son jeu à celui-ci. Les brusques ruptures de ton peuvent indiquer un changement de stratégie ou de sentiment vis-à-vis du correspondant :
Oh ! mes nerfs !… mes nerfs !… Elle appelle avec fureur. Allô !… Allô !… D’un ton humble et suppliant. Mademoiselle ou Madame…Je vous en prie… Tenez ! Je me mets à genoux22…
Genre de la surenchère et du spectaculaire, ancêtre du one-man-show, le monologue met à profit la fiction d’interlocution pour justifier un jeu très expressif et d’autant plus varié que différents interlocuteurs peuvent se succéder au bout du fil.
Sur écoute
Pour renforcer l’illusion d’une conversation à distance, le monologue met en scène les nouvelles caractéristiques de l’écoute téléphonique. Il s’agit d’abord d’une écoute active : la didascalie « (Il écoute) » sature, par exemple, Le Téléphone chez soi de Giffard. Elle concerne à la fois le comédien – il montre qu’il écoute – et le personnage : il prête attention à ce qu’il entend, afin d’interpréter les bruits et les paroles, les intonations, le débit, la voix de son interlocuteur. Pour paraphraser Roland Barthes23, il met en œuvre son activité physiologique d’audition – il est en alerte – et sa capacité intellectuelle d’interprétation – il analyse des signes. C’est ainsi qu’à la fin de Décoré par téléphone de Deroyre, le personnage perçoit in extremis un nouveau bruit et essaie de lui donner un sens :
(Allant pour raccrocher le récepteur, mais entendant encore un bruit dans l’appareil.)
________ Allo ? ________ Qu’entends-je. ________ Allo ? Allo ? ________ Ah, j’y suis.
(Raccrochant le récepteur.)
C’est le ministre qui vient de cracher par terre. (Joyeux.)… Oh, ça y est, c’est une indication : c’est à moi qu’il a envoyé ce crachat-là. Ça y est, je suis décoré24…
Le personnage commente sa démarche interprétative, qui s’achève par un calembour, puisque le « crachat » désigne, en langue populaire, une décoration honorifique.
La deuxième caractéristique de l’écoute est d’être aveugle ou acousmatique. La voix de l’interlocuteur est coupée de sa source d’énonciation25 : ne pouvant voir son correspondant, ni déchiffrer son visage, ni même lire sur ses lèvres, le personnage est moins un spectateur qu’un auditeur. Se produit en retour un phénomène de compensation : il imagine son interlocuteur à partir de ce qu’il entend26 – son oreille voit, en quelque sorte :
(S’inclinant. Souriant tout d’un coup. Changeant de ton.)
Chère madame, bonjour ; votre santé est bonne ? – Ah ! vous sortez du bain, je vous
ai dérangée. Mille excuses ! Vous devez être encore plus séduisante, dans ce moment-ci,
qu’à l’ordinaire, je vous vois toute ruisselante27…
Le personnage visualise la scène. Le téléphone est un puissant déclencheur de fantasme, ouvrant sur un hors-scène largement érotisé.
En outre, l’écoute est partagée par plusieurs auditeurs. Il arrive fréquemment qu’un tiers écoute une conversation à l’insu des correspondants, ou qu’il entende ce qu’il ne devrait pas. Les demoiselles du téléphone sont souvent présentées comme des espionnes d’autant plus redoutables qu’elles sont muettes et invisibles. Dans L’Invitation de Nane, l’opératrice annonce au personnage que ses invités ne viendront pas dîner, parce qu’elle les a entendus réserver une place aux Variétés pour le soir même :
Comment ? C’est inutile ? Ils ne viendront pas ce soir ? Qu’en savez-vous ? – Hein ? Ils ont téléphoné ce matin pour avoir une loge aux Variétés. (Parlant.) Mais c’est infâme28 !
La révélation de l’opératrice laisse supposer qu’elle écoute les conversations, retient les informations, et les restitue le moment venu. Les auditeurs indiscrets peuvent d’ailleurs se multiplier, sur les lignes et en dehors de celles-ci : les deux amoureux de Par téléphone de Du Tesch doivent se cacher pour téléphoner car ils sont surveillés par la bonne ; eux-mêmes surprennent les négociations de mariage qui sont menées à leur sujet par téléphone.
Dès lors, et c’est sa dernière caractéristique, le téléphone créé différents niveaux de savoir entre les auditeurs. Le spectateur, on l’a dit, n’entend que la moitié de la communication, et doit reconstituer le dialogue à travers les reformulations du personnage et ses réactions. Mais ce déficit est compensé par un triple avantage. Il voit le personnage, et peut mesurer l’écart entre les expressions, les mimiques, les gestes de celui-ci, et ses paroles. Il entend des répliques qui ne sont adressées qu’à lui, car le personnage ponctue souvent la conversation d’apartés, d’adresses, de commentaires qui traduisent ses véritables intentions et ses sentiments :
[…]au public. Et pas moyen de se fâcher contre elles…elles vous font des procès… et elles les gagnent. (Écoutant.) Vous croyez qu’elles s’occupent de moi29 ?
Enfin, le spectateur en sait parfois plus que le personnage lui-même, car il comprend mieux ou plus vite les intentions de l’interlocuteur, et perçoit les perturbations comiques de la communication qui font le sel du monologue.
Malentendus
Le schéma des monologues est presque toujours identique : un personnage souhaite en appeler un autre pour lui dire ou lui demander quelque chose, mais son projet est rapidement contrarié car il ne parle pas à la bonne personne, ou ne l’entend pas, ou ne l’entend plus, ou l’entend mal. Du fait de la mauvaise qualité des lignes, de la distance, de l’altération de la voix, chaque conversation téléphonique se fonde sur un malentendu comique et mobilise les incidents traditionnels de l’intrigue, en les adaptant aux nouvelles donnes de la communication médiatisée et à distance.
La méprise sur le mot est une ficelle récurrente du théâtre téléphonique : le personnage prend un mot pour un autre, avec lequel il consonne vaguement. En règle générale, le malentendu est presque aussitôt expliqué et dissipé, et vaut surtout par le plaisir du bon mot provocateur et insolent, conformément à l’esprit fumiste. Dans Décoré par téléphone de Deroyre, l’interlocuteur d’Athanase Molardon se méprend sur les paroles de celui-ci :
Allo ? ________ Oh, non, Monsieur le Ministre, je ne vous ai pas traité de chameau ; je vous ai simplement informé que j’avais été au collège à Meaux… dans la ville de Meaux. ________Allo. ________ Oui, vous avez fait (riant) un jeu de…mots30.
Involontaire, la comparaison du dignitaire à un chameau perd sa valeur provocatrice et subversive puisqu’elle est ramenée à une blague potache, un « jeu de mots » qui déclenche un rire de connivence. Lorsqu’elle devient récurrente et systématique, la méprise traduit la difficulté à s’entendre et à communiquer : l’attention se déplace du procédé vers le processus. Dans Duo téléphonique de Mac-Nab, le malentendu devient le sujet même du monologue. Le même comédien joue deux personnages qui dialoguent (leurs répliques sont bien distinctes, comme le montre la disposition en colonnes), mais n’échangent pas vraiment, si bien que la parole tourne à vide, et que le « duo » est en réalité un double soliloque, un dialogue de sourds. Les interlocuteurs insistent d’ailleurs à de nombreuses reprises sur les mauvaises conditions de l’échange :
Je n’entends pas, parlez moins fort.[…]
Je n’entends pas, parlez moins fort. […]
J’y suis, j’entends. […]
J’y suis, j’entends. […]
Je parle trop bas ! Mais non, je crie comme un sourd. […]
Je n’entends pas. […]
Vous m’entendez ? Vous m’entendez ?
Parlez moins fort.
Ni moi non plus !
Nous en reparlerons. […]
Parlez plus fort ! […]
Alors c’est entendu ?
C’est entendu !31
La fonction métalinguistique l’emporte sur toutes les autres pour signaler le dérèglement : le dialogue est déjà absurde, au sens propre du terme.
Le monologue met aussi à profit la méprise sur la personne. Ne pouvant voir son correspondant, le personnage n’est jamais sûr de s’adresser au bon interlocuteur. Les opératrices se trompent souvent de numéro, volontairement ou non :
Allo ! Voilà ! Qui est là ? – Moi ? La Maison Pellerin ? (Furieux). Je ne vous ai pas demandé, Monsieur ! Comment, je suis impoli ? Moi, impoli ! Vous venez sans que je vous demande, et vous me trouvez impoli32 ! Qui êtes-vous, d’abord ? […](Il bondit de rage à un mot qu’il vient d’entendre. Se ravisant vite, il crie.) Insolent, mal élevé, – brute33 !
Leur erreur provoque la colère du personnage, et donne lieu à un agôn d’autant plus comique qu’il s’énerve tout seul, et de façon très spectaculaire, créant une bifurcation inattendue et momentanée dans l’intrigue. Lorsqu’elle se prolonge sans être identifiée, la méprise sur la personne devient quiproquo. Le personnage ignore qu’il ne parle pas au bon interlocuteur, soit parce qu’il n’a jamais entendu la voix de celui-ci, soit parce qu’en raison de la mauvaise qualité des lignes, il ne peut l’identifier, soit parce qu’il ne peut pas le voir. Dans Le Téléphone de Maurice de Savoie, le personnage découvre ainsi qu’il est cocu de manière peu conventionnelle :
– […] je me précipite sur les acoustiques ; une voix de polichinelle me crie(nasillant)« Madame Follemèche, s’il vous plaît. » […] Naturellement, je réponds « voilà » : Cela n’avait pas d’inconvénient, ma femme et moi, nous avons la même voix. Mon interlocuteur reprend (nasillant) : « Madame, si vous voulez accepter un cœur qui brûle pour vous d’une flamme dévorante, lâchez votre imbécile de mari (s’interrompant) Oui ! Je me suis laissé dire cela34 !…
La méprise est ici justifiée par une étrange coïncidence (le mari a la même voix que sa femme), qui débouche sur une déclaration d’amour vaudevillesque de l’amant au mari. Parfois, deux incidents se conjuguent : la méprise sur le mot entraîne une méprise sur la personne. Dans Les Gaietés du téléphone de Pradels, le quiproquo naît d’une erreur de numéro de téléphone et d’une méprise sur le mot. Ayant demandé avec insistance le « 8003-40 », le personnage féminin croit parler à « Germain, le couturier35 », mais exprime une gêne croissante face aux propos de son interlocuteur :
Je vous trouvais la voix toute changée. […]
Quelle drôle de conversation vous avez aujourd’hui Ah !… Les hanches collantes ça va bien aux femmes avantagées… comme moi… vous dites !… décidément, vous n’êtes pas dans votre assiette… et je vous prie de cesser vos galanteries déplacées36 !
Le spectateur perçoit un décalage de plus en plus net entre les propos galants, voire grivois – et l’attitude attendue d’un couturier. L’écholalie renforce le malaise comique : la femme semble s’adresser à elle-même ces compliments, avant de découvrir in extremis que les opératrices se sont trompées de correspondant et qu’elle parle en réalité à « Germain Aucouturier, avocat37 ».
Les incidents comiques sont plus que de simples ficelles vaudevillesques : parfois thématisés, ou remotivés, ils illustrent les ambiguïtés du téléphone qui, au lieu de simplifier l’échange à distance, le complique.
Fâcheux et amants
Premier monologue consacré au téléphone, Le Téléphone chez soi est d’autant plus intéressant qu’il a été écrit par un fervent admirateur de ce nouveau moyen de communication, Paul Giffard, qui lui a consacré deux ouvrages de vulgarisation38. Le début du monologue fait écho à son enthousiasme. Le personnage, Léopold Durand, raconte les circonstances de son abonnement et rapporte les propos du commercial venu le démarcher :
« […] Ceci, monsieur, ce joujou placé dans votre appartement, vous met en communication permanente avec tous les gens progressistes de la capitale… Voyez, ce carnet. C’est la liste de tous nos abonnés. […] Il y en a comme ça un millier. […] on vous met en communication avec la personne que vous désirez entendre. » – « Assez monsieur, j’ai compris, c’est admirable… Il n’y a plus besoin de sortir de chez soi… On a tout ce qu’on veut par téléphone… On cause avec Paris entier… On n’a qu’à demander la communication avec l’Opéra pour recevoir à domicile une bouffée des Huguenots ; il suffit de faire mââân ou de faire brrr ! pour être instantanément abouché avec un client qui demeure aux Invalides. […] » il ajouta en souriant : « Et les femmes ?… » Un peu leste la réflexion, mais comme elle était juste ! Dire qu’il suffit de faire brrr pour se trouver en communication avec la femme aimée, et que celle-ci peut converser avec vous sans que le mari se doute39…
La rhétorique publicitaire allie la promotion de l’objet à la séduction du client. Le téléphone offre un maximum d’avantages contre un minimum d’efforts. Son usage est d’une simplicité enfantine (les démarches pour joindre l’interlocuteur se réduisent à une « demande » ou à une onomatopée) ; il permet de gagner du temps et de conquérir l’espace, tout en conservant son intimité. Symbole du progrès et du confort, il comble immédiatement tous les désirs, et offre tous les plaisirs, qu’il s’agisse des affaires, des loisirs ou de l’amour – en toute discrétion, et donc en toute impunité. Le boniment du commercial achève de convaincre Léopold Durand, qui s’abonne non pas à une, mais à deux compagnies, car un homologue américain succède au commercial français pour lui proposer un autre abonnement.
La suite du monologue montre le revers de la médaille, lorsque la pratique succède à la théorie. Les promesses du commercial s’accomplissent au-delà de toute espérance : Léopold Durand reçoit successivement quatre appels, puis simultanément deux autres, avant d’entendre, impuissant, deux concerts musicaux à distance qui produisent un effet cacophonique. Le rêve narcissique de sociabilité se mue en intrusion intempestive et répétée des correspondants, qui ruinent sa concentration : chaque coup de téléphone l’empêche d’écrire son « grand ouvrage sur le Droit Chinois40 ». Il est sollicité par des gêneurs : son tailleur lui réclame ses gages, son ami quémande de l’argent, ses deux maîtresses exigent l’exclusivité de ses faveurs. Les commentaires du personnage soulignent sa progressive désillusion :
Tiens, mais, il a son mauvais côté, cet instrument merveilleux41…
Mais c’est un espion permanent que ce machin-là. Je n’en veux plus42 !
Il finit par juger le téléphone « sublime, mais incommode43 » et décide in extremis de se désabonner.
Analysant le traitement de l’objet dans le monologue fumiste, Françoise Dubor y voit « une promotion truquée », « une apologie qui se résout en une entreprise de démolition ». Selon elle, « si le personnage du monologue dramatique est capable de s’émerveiller, c’est toujours à mauvais escient ». « En fait », ajoute-t-elle, « tous les objets, inertes, restent fidèles à eux-mêmes : c’est bien leur usage qui est fustigé, autrement dit les utilisateurs44 ». Cette analyse se confirme en partie dans Le Téléphone chez soi puisque le téléphone enthousiasme Léopold Durand tout en accentuant ses défauts – orgueil, couardise, paresse, bêtise, infidélité, etc. – puis provoque progressivement une désillusion. Mais ce dont Léopold Durand fait surtout l’expérience, c’est du pouvoir et des limites du téléphone, qui, en multipliant intrusions et rencontres intempestives, impose une présence à distance. C’est en ce sens que l’on peut interpréter les discrets échos parodiques de Dom Juan qui ponctuent la pièce. Le premier appel reçu par Léopold Durand est celui de son tailleur, qui réclame son dû : ce bref échange évoque la visite de Monsieur Dimanche à la scène 3 de l’acte IV dans la pièce de Molière. Mais à distance, le tailleur se montre très péremptoire et Léopold Durand est moins habile rhéteur que le burlador, si bien qu’il n’arrive pas à éconduire le fâcheux. Un peu plus loin, les deux maîtresses du personnage lui téléphonent en même temps, rappelant cette fois la scène 4 de l’acte II où Dom Juan fait des serments d’amour simultanés à Mathurine et Charlotte :
Adorable Victorine, excusez-moi, j’entends un client, je n’aimerai jamais que vous !(À part.) Il faut en finir…(Au numéro 2.) Charmante madame de la Huppe, chère Isabelle, je ne connais d’autre femme que vous… Je vous adore, excusez-moi. Voici un client.(Il écoute.) Comment ! impertinent.(Il écoute.) Comment ? Allez avec votre Victorine ?(Au numéro 1.) Comment ? Allez avec votre Isabelle ?(Il écoute.) Insolent45 ?…
Tandis que Dom Juan persuade chaque villageoise qu’elle est l’unique élue de son cœur en lui parlant « bas », les interlocutrices de Léopold Durand s’entendent parfaitement, comme si elles étaient côte à côte, et finissent par le congédier. La dégradation vaudevillesque est flagrante : Léopold Durand n’est qu’un séducteur à la petite semaine, trahi par un gadget dont il n’a pas pris le temps de lire la notice, et aussitôt éconduit par ses deux maîtresses.
Le téléphone abolit donc la distance entre le personnage et son interlocuteur, pour le meilleur ou pour le pire. Il provoque de la déception, de la frustration, voire de la colère si le correspondant n’est pas attendu ou désiré. Mais il peut, à l’inverse, créer une connivence momentanée, ou favoriser une intimité plaisante entre deux amants éloignés, témoignant de la puissance érotique de la voix, et du plaisir de l’écoute. À la fin de Par téléphone, Madame de Hautefeuille entend son fiancé lui dire les mots d’amour et reçoit un baiser : aussi qualifie-t-elle le téléphone de « jolie invention46 ». De même, la narratrice de Par téléphone s’enthousiasme de recevoir serments et baisers à l’insu de ses parents.
***
Sur un mode mineur et vaudevillesque, le monologue téléphonique participe à la révolution dramatique et scénique en train de se produire à la fin du XIXe siècle. En représentant une conversation avec un interlocuteur absent, il redéfinit les contours du monologue et engage un travail sur l’écriture et la mise en scène de la voix. Il sollicite du spectateur une « écoute aveugle » qu’exploitent, à la même époque, plusieurs symbolistes et que prolongent des auteurs plus contemporains47. Il place les perturbations du dialogue au cœur de son propos, préfigurant les expérimentations des dramaturges de l’absurde. Enfin, il tient un discours sur la communication à distance, dont il met en valeur les promesses autant que les dérives. Le monologue constitue ainsi un laboratoire d’expériences et un réservoir de thèmes pour les pièces téléphoniques ultérieures, qui en conserveront d’ailleurs largement l’usage : on pense, par exemple, à l’acte II de Faisons un rêve de Guitry (1916), à La Voix humaine de Cocteau (1930) ou, plus récemment, aux monologues téléphoniques insérés dans la pièce Seuls de Wajdi Mouawad. C’est dire la fécondité de cette petite forme.
Bibliographie
1881 : GIFFARD Pierre, Le Téléphone chez soi, monologue en prose ; dans collectif, Saynètes et monologues, 7e série, Paris, Tresse, 1881.
1883 : LEGOUX Jules, Par téléphone, saynète, Paris, Ollendorff, 1883.
1886 : MAC-NAB Maurice, « Duo téléphonique », dans Poèmes mobiles, Paris, Léon Vanier, 1886 (repris dans Le Cri Cri,, 1890).
1888 : SAVOIE Maurice de, Le Téléphone, monologue, Le Cri Cri, 14, 1888.
1896 : NANE, L’Invitation, monologue par téléphone, dit par Coquelin Cadet, Paris, Ollendorff, 1896.
1897 : TOURNEBROCHE M., Le Téléphone, monologue, Toulouse/Paris, F. Laclau aîné, 1897.
1904 : CHEBROUX Suzanne, Allo, c’est moi, Edgar !…, monologue pour homme, Paris, Stock, 1904.
1905 : PRADELS Octave, Les Gaietés du téléphone, [1905], Paris, M. Labbé, s.d., 1908.
1908 : DEROYRE Paul, Décoré par téléphone, conversation téléphono-comique, sans fil, à un seul personnage, Paris, Bricon et Lesot, 1908.
1909 : DU TESCH E., Par téléphone, monologue en vers, Paris, Schaub-Barbré, 1909.
Notes
- Sacha Guitry, Toâ [1949], dans Théâtre, t. II, Paris, Omnibus, 1996, p. 949.
- On trouvera la liste des monologues étudiés à la fin de l’article.
- Voir Françoise Dubor, L’Art de parler pour ne rien dire. Le monologue fumiste fin de siècle, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2004. L’esprit fumiste est parfois en retrait dans les monologues de notre corpus : on pense à Par téléphone de Jules Legoux, et Au téléphone de du Tesch, dont la veine est plus sentimentale et moins fantaisiste.
- Une recherche menée sur le catalogue de la Bibliothèque nationale de France confirme le caractère « mineur » de plusieurs auteurs, à la fois par leur confidentialité et leur spécialisation dans le genre bref, comique, léger et spectaculaire, et donc moins prestigieux que d’autres genres théâtraux. Tournebroche, Du Tesch, Nane, Legoux ont écrit une poignée de monologues ou de saynètes. Plus connu, Mac-Nab est chansonnier au Chat noir et hydropathe. Pierre Giffard est le plus prolixe : à la fois dramaturge, romancier et journaliste sportif, c’est aussi un vulgarisateur enthousiaste du téléphone.
- Si cette remarque vaut pour l’ensemble des monologues étudiés par Françoise Dubor, nous n’avons pas trouvé de précision sur les salles dans lesquelles étaient joués les monologues téléphoniques de notre corpus.
- Le type de comédien varie en fonction des monologues : certains textes sont destinés à un genre et/ou à un âge (Les Gaietés du téléphone de Pradels est un « monologue pour jeune femme ») ; d’autres sont écrits pour ou joués par un acteur ou une actrice : Par téléphone de Legoux est une saynète « jouée par Mademoiselle Thénard, de la Comédie-Francaise » ; L’Invitation de Nane est dit « par Coquelin Cadet ».
- Les noms et prénoms de certains personnages sont un premier indice de cette bouffonnerie : les protagonistes du Téléphone de Tournebroche se prénomment par exemple Longpoil et Laripette ; le personnage de Décoré par téléphone est jaloux de ses camarades Lasocisse et Gratemoileblère…
- Sur ce point, voir Françoise Dubor, L’Art de parler pour ne rien dire, op. cit., et Violaine François, « Le spectacle du quotidien. Les monologues fumistes fin-de-siècle », dans Marie-Astrid Charlier (dir.), Autour de Vallès : revue de lectures et d’études vallésiennes, 48, 2018, p. 133-151.
- On pense, par exemple, à L’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam, 1886, au Château des Carpathes de Jules Verne, 1892 et au Vingtième siècle d’Albert Robida, 1892, qui exploitent la dimension presque magique du téléphone, capable de transporter la voix à grande distance.
- On peut se reporter aux deux ouvrages de vulgarisation de Pierre Giffard, Le Téléphone expliqué à tout le monde (6e édition, Paris, Maurice Dreyfous, coll. « Petite bibliothèque à 1 franc », 1879) et La Téléphonie domestique (Paris, Maurice Dreyfous, coll. « Petite bibliothèque à 1 franc », 1880). Pierre Giffard appelle de ses vœux la généralisation du téléphone à Paris, « la ville des merveilles », et ajoute : « C’est une tout autre vie que la vie actuelle, ce serait une suite de procédés nouveaux, d’audaces nouvelles, de surprises surtout, pour l’homme intelligent et amoureux du progrès véritable » (La Téléphonie domestique, op. cit., p. 19). Le téléphone est à ses yeux révolutionnaire.
- « Le monologue dramatique est une petite pièce (entre 100 et 700 vers, en général des octosyllabes), dans laquelle un acteur déguisé campe un type humain qui débite des vantardises, mises à mal par la réalité », rappelle Nicolas Le Cadet (Rabelais et le théâtre, Paris, Classiques Garnier, coll. « Les mondes de Rabelais », 2020, p. 201).
- Voir Françoise Dubor, « Le monologue, la question des définitions », dans Françoise Dubor et Françoise Heulot-Petit (dir.), Le Monologue contre le drame ?, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2011, p. 21-42.
- Jacques Schérer propose l’exemple de Bélinde, 1630, de Rampale : « Mélite, déguisée en homme, révèle dans un monologue entendu par Polydor qu’elle est une femme » (La Dramaturgie classique en France [1970], Paris, Armand Colin, 2014, p. 363). Il précise plus loin : « Il arrive qu’un personnage, bien que ne se trouvant pas seul, se comporte comme dans un véritable monologue » (op. cit., p. 372). Il nous semble cependant que ces cas se limitent surtout à la dramaturgie classique. Selon nous, le monologue est un discours prononcé par un personnage seul en scène – en tout cas, très largement isolé d’un point de vue scénique.
- Nane, L’Invitation, Paris, Ollendorf, 1896, p. 7.
- E. du Tesch, Par téléphone, Paris, F. Schaub-Barbre, 1909, p. 6.
- Nane, L’Invitation, Paris, Ollendorf, 1896, p. 7.
- Si les deux types de monologue sont également intéressants sur le plan thématique, le second cas de figure retiendra davantage notre attention dans cet article, car, en recourant à un interlocuteur absent, il interroge le fonctionnement même du monologue.
- Plusieurs formules ont été proposées pour désigner ce monologue à deux voix. Jean-Pierre Beaumarchais parle de « pseudo-dialogue » (« Seuls en scène ou l’art du monologue », dans Sacha Guitry, Faisons un rêve [1916], L’Avant-scène théâtre, 1247, septembre 2008, p. 84) ; Jean Cocteau, de « monologue-dialogue » à propos de La Voix humaine [1930], dans Théâtre complet, éd. Michel Décaudin, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2003, p. 451. On pourrait également parler de dialogue monologué, ou monologisé.
- Isabelle Krzywkowski montre comment les auteurs écrivent la voix, ou plutôt les voix, en faisant appel à différentes graphies (comme Legoux dans Par téléphone), à une mise en page en colonnes (c’est le cas de Duo téléphonique de Mac-Nab, également analysé par Violaine François) ou à des tirets pour remplacer la réplique supposée de l’interlocuteur (dans Décoré par téléphone de Deroyre). Voir « Le Téléphone au théâtre (France, 1880-1930) », communication prononcée lors du festival La Voix au téléphone organisé par l’INSA Lyon les 22-26 mai 2000. [https://shs.hal.science/file/index/docid/363317/filename/TelephoneAuTheatre_I.Krzywkowski.pdf]
- Jules Legoux, Par téléphone, Paris, Ollendorf, 1883, p. 8-9.
- Paul Giffard, Le Téléphone chez soi, dans collectif, Saynètes et monologues, 7e série, Paris, Tresse, 1881, p. 9.
- Octave Pradels, Les Gaietés du téléphone, Paris, M. Labbé, 1908, n.p.
- Roland Barthes distingue « trois types d’écoute » : la première est une « alerte » ; la seconde, un « déchiffrement » par lequel on essaie de capter des « signes » ; la troisième, une interprétation (Écoute [1976], dans L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris, Le Seuil, 1992, p. 217-230).
- Paul Deroyre, Décoré par téléphone, Paris, Schaub-Barbré, 1909, p. 8.
- Sur ce point, voir notamment Giusy Pisano, « De la mise en scène de l’écoute aveugle : “Coraggi ! Ricominciamo la lettura !” », Recherches sémiotiques, vol. 35, 2-3, p. 45–76. [https://doi.org/10.7202/1051068ar]
- Gérard Deshays souligne ce désir de compensation du son par l’image : « Placé hors de proximité de l’image, le son produit chez l’auditeur un besoin de retour d’image ; et c’est ce déficit produit dans l’écoute que nous tenterons toujours de combler. C’est dans ce déséquilibre que s’engage la production de l’imaginaire » (Pour une écriture du son, Paris, Klincksieck, coll. « 50 questions », 2008, p. 66).
- Nane, L’Invitation, op. cit., p. 7.
- Ibid., p. 9.
- Octave Pradels, Les Gaietés du téléphone, op. cit., p. 3.
- Paul Deroyre, Décoré par téléphone, op. cit., p. 7.
- Maurice Mac-Nab, Duo téléphonique, dans Poèmes mobiles, Paris, Léon Vanier, 1886, p. 102-103.
- Nane, L’Invitation, op. cit., p. 8.
- Ibid., p. 8-9.
- Maurice de Savoie, Le Téléphone, monologue, Le Cri Cri, 14, 1888, n.p.
- Octave Pradels, Les Gaietés du téléphone, op. cit., p. 3.
- Ibid.
- Ibid.
- Voir supra, note 10.
- Pierre Giffard, Le Téléphone chez soi, op. cit., p. 193.
- Ibid., p. 195.
- Ibid. p. 195.
- Ibid., p. 199.
- Ibid., p. 200.
- Françoise Dubor, L’Art de parler pour ne rien dire, op. cit., p. 80.
- Paul Giffard, Le Téléphone chez soi, op. cit., p. 198.
- Jules Legoux, Par téléphone, op. cit., p. 15.
- Sur ce point, voir Giusy Pisano, « De la mise en scène de l’écoute aveugle : “Coraggi ! Ricominciamo la lettura!” », art. cit.