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Les mots des éditeurs

C’est dans le plus grand secret que nous avons préparé les MOB pendant quatre années. Quatre années de chuchotements, de rencontres discrètes, de préparatifs clandestins, de complicité avec la famille et les amis. MOB : tous les courriels envoyés aux auteurs commençaient par ces trois petites lettres pour annoncer un message confidentiel, elles nous ont servi de code dans toute l’Europe pour ne pas être découverts. Nous avons choisi le secret pour que ce livre soit une belle surprise pour Olivier, et tout le monde a joué le jeu. Nous étions 5 au départ de cette aventure et nous sommes 110 à l’arrivée ! Beaucoup d’autres auraient voulu participer et offrir un cadeau amical à Olivier, mais les aléas de la vie ne leur ont pas permis de parvenir au terme de ce voyage avec nous. 

Cet ouvrage a été préparé par d’anciens étudiants, des collègues et amis d’Olivier. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par des personnes bienveillantes, les auteurs, les éditeurs, les correcteurs, les traducteurs, mais aussi celles que nous avons rencontrées et sollicitées dans diverses institutions régionales et nationales pour le financement et la fabrication de ce livre. Ce sont au bout du compte près de 200 personnes qui ont participé de près ou de loin à cet ouvrage. 

Chacun des articles que ce livre contient est un cadeau. Chacun et tous ensemble ici réunis, témoignent du respect, de l’estime, de l’admiration et de l’amitié qu’Olivier Buchsenschutz inspire à la communauté archéologique de l’âge du Fer européen. 

Olivier Buchsenschutz et l’enseignement de l’âge du Fer (AC)

Alors que les archéologues de l’âge du Fer métropolitain sont aujourd’hui présents dans les institutions de l’archéologie et, souvent aussi, dans les services archéologiques de collectivités et dans les agences privées, la majorité de nos jeunes collègues ignorent sans doute combien la situation était différente il y a seulement une trentaine d’années. Les spécialistes étaient alors très peu nombreux, en particulier à l’Université. La formation à l’archéologie de l’âge du Fer y était assurée par une poignée de chercheurs, la plupart non universitaires. Olivier fut l’un de ceux-ci, d’abord comme assistant à l’université de Paris 1 entre 1968 et 1973, puis comme chargé de cours après son entrée au CNRS.

Les plus anciens d’entre nous se souviennent avec un brin de nostalgie de cette époque passionnante où la formation à la Protohistoire se construisait en même temps que les objets et les méthodes de la discipline. L’enseignement d’Olivier révélait un monde non seulement disparu, mais même presque complètement inconnu. Il fallait apprendre à en déchiffrer les traces singulières, austères et fugaces, avec rigueur, humilité… et une bonne dose de lectures en langue étrangère ! Les vieilles frontières de la Gaule volaient en éclat, c’était dans l’espace européen que l’âge du Fer prenait sens. Cela passait par la connaissance – stupéfiante à nos yeux – qu’Olivier avait des travaux allemands, tchèques ou britanniques, comme par le contact direct, lors des colloques de la toute jeune AFEAF auxquels nous assistions, à peine sortis de notre maîtrise, avec ce que l’Europe comptait de spécialistes des Celtes. L’enseignement académique à l’Université se conjuguait ainsi à l’initiation concrète au métier de protohistorien, qu’il s’agisse d’observer la recherche en action, dans les colloques, ou de se confronter aux réalités du terrain, en particulier à Levroux. Plus qu’une simple transmission des savoirs, c’était une véritable plongée dans le bain, indissociable de la confiance spontanée qu’Olivier accordait à chacun : rares sont les chercheurs, sans doute, qui auront aussi rapidement confié des responsabilités à des étudiants encore peu aguerris. La contrepartie nécessaire, c’était l’autonomie : il fallait apprendre très vite à se débrouiller, sur le terrain comme dans sa recherche personnelle. Ce fut une formidable école. 

Depuis, Olivier n’a cessé de former des cohortes d’étudiants, d’autant que le développement de l’archéologie préventive a considérablement accru le besoin en spécialistes de l’âge du Fer. Au bout du compte, si nul ne sait précisément, parmi les archéologues de l’âge du Fer actuellement en activité, combien ont suivi l’enseignement d’Olivier, ils en constituent certainement le contingent le plus nombreux. C’est dire le rôle considérable qu’il aura joué dans la formation et dans la promotion de la discipline.

L’enseignement de la Protohistoire se fait aujourd’hui dans un contexte bien différent de celui des débuts. Des postes enseignants ont été créés à l’Université, dont bon nombre ont été pourvus par les étudiants d’Olivier. L’archéologie préventive, par la richesse des données, le bouleversement des connaissances et des pratiques qu’elle a produits, a indubitablement infléchi la formation. Parallèlement, elle a aussi contribué à une relative parcellisation des travaux universitaires, dont les sujets sont dans l’ensemble moins ambitieux et moins ouverts sur l’international qu’autrefois : effet de la professionnalisation, comme le souligne J.-P. Demoule dans ce volume, mais signe, aussi, que l’époque pionnière est révolue. Olivier, très tôt, a accompagné cette mutation des publics en accueillant dans ses séminaires, aux côtés des étudiants “classiques”, une proportion de plus en plus importante d’archéologues souhaitant valoriser leurs travaux par un diplôme universitaire. Ceux à qui incombent désormais de former les futures générations ne peuvent qu’emprunter cette même voie et œuvrer à un rapprochement plus efficace entre l’Université et l’archéologie préventive, pour leur offrir, quel que soit le contexte dans lequel elles évolueront, l’indispensable formation académique et la nécessaire ouverture aux pratiques actuelles de la discipline.

Olivier Buchsenschutz et le CNRS (KG)

Retracer le parcours d’Olivier Buchsenschutz au CNRS, c’est embrasser l’infinie variété du métier de chercheur : collecte de données, terrain, bibliothèque, réflexion méthodologique, formation à et par la recherche, séminaires, dossiers, rapports, projets nationaux et internationaux, pluridisciplinarité, ouverture à d’autres disciplines, commissions, expertises, responsabilité d’équipes, contacts avec les autres chercheurs, organisation et éditions de colloques, publications, expositions, communication ; mais aussi entretien de la voiture, dépannage des ordinateurs, cuisine sur les chantiers, gestion des courses, déménagements, rangement….

Entré au CNRS en 1973, Olivier a été promu au grade de Directeur de Recherche (DR2) en 1986 puis de DR1 en 1999 et il passera bientôt émérite. Il a été membre du Comité national de la recherche scientifique à deux reprises, élu de 1983 à 1986, puis nommé de 2000 à 2004. Il a également siégé à la CIRA Centre-Nord de 1994 à 1999 et a été responsable du comité régional des DAF Centre-Nord jusqu’en 1992, et membre du Comité de lecture de Gallia de 1988 à 1993. Il a été membre du conseil scientifique de l’Institut National du Patrimoine jusqu’en 2008 et du conseil scientifique de l’École française de Rome jusqu’en 2007.

Il est actuellement membre du CTHS et a été membre du comité de rédaction de trois revues, dont la Revue Archéologique du Centre de la France qu’il a longtemps présidée.

Spécialiste incontournable de la Protohistoire, il a élargi son domaine d’étude initial portant sur les structures d’habitats et les fortifications à une analyse prenant en compte, à côté des sources archéologiques et historiques, les données sur l’économie et l’évolution des paysages. Il continue à s’investir sur le terrain avec, depuis 1995, des campagnes de fouilles à Bourges menées en collaboration avec l’Université d’Edimbourg, après avoir conduit des opérations pluriannuelles sur des sites d’habitats celtiques à Levroux, Murcens, au Mont-Beuvray, au Mont-Saint-Odile, à Meunet-Planches ainsi qu’à Velem-Szentvid en Hongrie. Après avoir dirigé un Projet collectif de recherches consacré aux installations agricoles du bassin Parisien à l’âge du Fer, de 1993 à 1997, il a initié en 1998 un Projet collectif de recherches sur le Berry (FEDER, FSE), regroupant archéologues, spécialistes de l’environnement, cartographes et historiens, travaux qui ont conduit à plusieurs thèses et publications de référence (1998-2000). Celui-ci fait suite au programme de la DGRST qu’il a coordonné entre 1982 et 1984 sur le “Début de l’urbanisation dans le Centre de la France”. Il a également animé un projet du Ministère de la recherche et de la technologie pour une archéologie de l’environnement entre 1990 et 1993. 

Olivier Buchsentschutz a été l’un des pionniers dans le domaine de la carte archéologique, tant par ses travaux sur le terrain que par les prospections menées dans le canton de Levroux, ou par le développement d’outils méthodologiques. Il est à l’origine de la première carte archéologique départementale, celle du Cher (programme DGRST 1975). Il a lancé ensuite une RCP du CNRS sur les méthodes de reconnaissance de l’espace archéologique (1979-1985). Il a poursuivi son activité dans ce domaine en mettant en place des bases de données cartographiques informatisées et, plus globalement, en menant une réflexion sur l’analyse spatiale sur la longue durée à travers l’exemple régional du Berry, mais aussi à l’échelle de l’Europe celtique.

Après avoir consacré ses premières années au CNRS à la fouille de Levroux où il s’installe à l’année, Olivier participera à la création de l’équipe de protohistoire de l’ENS (1981). Ce projet d’une équipe d’archéologues travaillant uniquement sur l’âge du Fer est né des envies et des enthousiasmes d’Olivier Buchsenschutz, Alain Duval, Jean-Paul Guillaumet, sous la houlette de Christian Peyre, sous-directeur du laboratoire d’archéologie de l’ENS. Le terrain, l’acquisition de données nouvelles mais aussi leur confrontation avec les textes sont alors au centre des préoccupations. C’est donc tout naturellement que l’UPR314 s’intéresse au site de Bibracte, oppidum prestigieux où Vercingétorix est élu chef des Gaules et dont César nous parle à plusieurs reprises en fonction de l’évolution de ses relations avec le puissant peuple des Eduens. Pour la première fois, une équipe CNRS demande à tous ses chercheurs de s’investir sur un même site, en France ! C’est par un télégramme tombé fin août 1984 que nous sommes avertis que nous sommes autorisés à fouiller au Mont-Beuvray et que les fouilles vont débuter immédiatement. Lorsque l’on regarde l’organisation actuelle de Centre archéologique européen de Bibracte, qui se souvient encore de ces premières années où tout était à définir, à inventer, à faire… Laissant l’organisation à Jean-Paul, Olivier s’investit d’abord sur la Porte du Rebout avec Ian Ralston, Jean-Paul Guillaumet et Alain Duval, créant ainsi la première équipe internationale travaillant sur le site. Parallèlement, il s’attache à la mise en place du “50 x 50” à la Pâture du Couvent. Il passa ainsi 6 mois dans une cabane de chantier à en surveiller le dessouchage manuel par une centaine de TUC, jeunes chômeurs du Creusot, alors durement frappés par la crise de la sidérurgie. Les niveaux archéologiques atteints et les liens avec les fouilles anciennes établis, il laissa la place à d’autres et ne fouilla jamais dans cette zone… Cette capacité à s’investir sans arrière-pensée, on la retrouve tout au long de son activité à l’ENS.

Fort de l’expérience de Levroux, Olivier introduit à Bibracte une informatisation des données dès le terrain, sur le système CENTRAR développé pour Levroux avec l’aide de Michel Cartereau. C’était la préhistoire de l’informatisation des fouilles archéologiques, sur des Goupil et des Apple, pas encore Apple II, encore moins Mac ! Soucieux de porter la recherche à son terme, il s’emploie parallèlement à des publications importantes, à restituer au grand public  les résultats des ses travaux et de ceux de l’équipe : il fit partie de l’équipe scientifique de SAMARA, de celle de l’Archéodrome de Beaune. Le village gaulois du Musée en herbe, au jardin d’acclimatation, à Paris fut réalisé à partir des fouilles de Levroux, et bien d’autres expositions, émissions de télé ou de radio contribuèrent à modifier la perception des Gaulois. 

Lorsqu’il prend la direction (de 1989-2001) de l’équipe de Protohistoire (section 6 de l’UMR), remplaçant Christian Peyre appelé à diriger la nouvelle UMR AOROC (126 puis 8546), Olivier a quatre ambitions : ouvrir largement l’équipe aux étudiants (quelle que soit leur université d’appartenance) et aux chercheurs amateurs encore nombreux, fédérer les travaux sur l’âge du Fer à un niveau européen, faire progresser les méthodes d’enregistrement des fouilles et introduire une dimension historique dans les recherches sur la protohistoire celtique. Ses nombreux séjours à l’étranger et la structure même de l’ENS favorisaient grandement ces orientations. La maison des “Buchs”, largement ouverte aux chercheurs de passage, à Paris ou à Levroux, contribue pour une grande part à la qualité de l’accueil de notre laboratoire et à son ouverture européenne. Son séminaire à l’ENS, dont la thématique se renouvelle chaque année depuis près de 30 ans, a contribué à former un nombre considérable d’archéologues en complément de ses enseignements à Paris I. Toujours à l’écoute, il est allé sur tous les chantiers archéologiques qui souhaitaient son expertise amicale, fournissant éléments de comparaison, possibilités d’interprétations… Enfin, il a assumé l’édition scientifique d’un grand nombre de colloques dans des cadres divers, dont l’AFEAF ou le CTHS. Partisan d’une informatisation poussée des données de fouilles et des relevés, il s’engage dans le développement d’outils logiciels comme CENTRAR, sur Apple, Aérophoto et surtout Arkéoplan, mini SIG avant l’heure, adapté aux archéologues et aux faibles mémoires des ordinateurs du moment. Ajoutons à cela qu’il fut tout au long de ces années un excellent compagnon de bureau et un complice de tous les instants, et ouf ! L’éméritat l’empêchera de nous lâcher trop rapidement… 

Olivier Buchsenschutz et le Berry (SK)

L’arrivée d’Olivier dans le Berry n’est pas une histoire, c’est une légende ! La date est facile à retenir : 1968. À cette époque, il rédige sa maîtrise sur les fortifications du Berry. Il m’a souvent raconté qu’il avait arpenté des dizaines de sites de hauteurs avec sa 4CV, une bonne et vaillante petite voiture… Cette même année, il commence des fouilles sur l’oppidum de Levroux et une série de coupes dans le rempart. Il sera rejoint par Ian Ralston en 1971, une année qui marque entre eux le début d’une longue collaboration, en Berry et ailleurs. C’est également en 1971, qu’Olivier découvrira le “Village des Arènes” de Levroux en réalisant un sondage à l’emplacement du théâtre antique avec l’aide de Robert Lequément. Il fouillera aux Arènes jusqu’en 1985, en sauvetage urgent, les terrains Vinçon, Lacotte puis Rogier pour les plus importants, qui feront l’objet d’une monographie en cinq volumes, parue entre 1989 et 2000. Pendant près de 20 ans, ce chantier-école de Paris I accueillera des centaines d’archéologues, étudiants et fouilleurs amateurs de tous les pays du monde. Les fouilles se déroulaient chaque année dès la fin des cours à l’Université en mai et s’arrêtait, faute de combattants, dès la rentrée universitaire. Nombreux sont les étudiants d’Olivier passés par Levroux, un chantier idéal pour apprendre le métier, depuis le décapage jusqu’à la rédaction des rapports de fouilles. L’ancienne école maternelle de la rue Traversière accueillait un laboratoire où toutes les activités étaient réunies : étude et stockage du mobilier archéologique, développement des photos noir-et-blanc, mais aussi hébergement pour toute l’équipe.

En 1979, Olivier dirige la publication de la carte archéologique du Cher. Ce sont les débuts de l’informatique en archéologie et le Berry servira de laboratoire d’essais pour toutes sortes de nouvelles méthodes : cartographie, géophysique, topographie… Entre 1984 et 1994, Olivier réalise des fouilles dans d’autres lieux, Mont-Beuvray et Murcens. Mais il remonte un programme à Bourges en 1995, date à partir de laquelle il réalise plusieurs fouilles sur le promontoire de la ville (Hôtel-Dieu), dans la zone des tumulus (Carrière à Bachon) et dans les faubourgs du complexe princier (Lazenay, Port-Sec). 

Depuis 1968, Olivier n’a jamais quitté le Berry, ni son port d’attache de Moulins-sur-Céphons où il a conservé une maison de famille. Ses recherches sur l’âge du Fer l’ont toujours ramené en Berry, où il a stimulé le développement des équipes qui travaillent actuellement sur l’âge du Fer. Parallèlement, et dès la fin des années 1960, il s’est beaucoup impliqué dans le milieu associatif local, et créé sa propre association, l’ADEL (Association pour la Défense et l’Étude du Canton de Levroux) et il gérait aussi au 2 rue Traversière une auberge de jeunesse avec le rôle convoité de “père-aubergiste” ! Il a organisé régulièrement des expositions, dont “Un village gaulois” à Moulins-sur-Céphons avec la reconstitution d’un murus gallicus (1989). Olivier est depuis plus de 40 ans l’un des plus dynamiques chercheurs de la région Centre et un des membres très actif de la Revue Archéologique du Centre. 

Olivier Buchsenschutz et la recherche internationale (IR)

Depuis le commencement de sa carrière d’archéologue comme assistant à la Sorbonne en 1968, Olivier a cherché à améliorer ses connaissances de l’archéologie de l’âge du Fer à travers l’Europe de l’Ouest et centrale, en visitant les sites principaux et les fouilles en cours et en faisant la connaissance des chercheurs partout où il a voyagé. Dans les années soixante-dix, ce programme intensif de visites à l’étranger se faisait dans sa camionnette VW, modifiée par lui et équipée pour transporter toute la famille, Anne et leurs enfants encore petits. De cette manière, la famille est arrivée jusqu’au sud de la Scandinavie et même, plus impressionnant, à l’automne avancé de 1976, jusqu’à Aberdeen ! Il a ainsi rencontré à la fois les grands chercheurs déjà bien établis (par exemple, je me rappelle d’une visite en retour de Mr le Professeur Wolfgang Dehn à la Colline des Tours de Levroux alors que nous étions en train de fouiller le rempart) et en même temps la génération montante des étudiants travaillant sur l’âge du Fer, en particulier sur les habitats. Ces liaisons académiques hors de la France sont constantes depuis le premier colloque qu’il a animé sur les structures d’habitat de l’âge du Fer en Europe à Levroux, en 1978. Il a été certainement aidé par le fait qu’il parlait couramment allemand, et le rôle important qu’il a pris comme pionnier en facilitant les liaisons académiques entre les communautés francophones et de langue allemande est peut-être la chose la plus importante qu’il ait faite hors de France.

Durant des années, il a souvent fait des conférences en Allemagne et, deux fois, en 1989 à Munich et dix ans plus tard à Freiburg/Brisgau (1999-2000), il a donné des semestres de cours à la Faculté comme professeur invité. Plus récemment, on lui a demandé de participer comme consultant au grand projet du DFG sur les sites princiers (2002-2009), dirigé par nos collègues du Bodendenkmalpflege de Stuttgart. 

Tandis que la majorité de ses fouilles et recherches sur le terrain est consacrée au centre de la France, il s’est aussi investi dans des projets à l’étranger. Il a participé à des fouilles en République tchèque, et comme chercheur de l’équipe du Mont-Beuvray, aux fouilles franco-hongroises de l’oppidum de Velem-Szent Vid à la fin des années quatre-vingt. Olivier était parmi ceux qui ont, dès le renouvellement des recherches au Beuvray en 1984, contribué à encourager la dimension internationale de ce grand projet : en effet la première équipe étrangère à débuter sur le terrain participait à la fouille de la Porte de Rebout avec Jean-Paul Guillaumet et lui en 1986. Et ses intérêts pour les oppida l’ont amené à poursuivre d’autres collaborations à l’étranger, par exemple avec Philippe Curdy pour la publication des remparts suisses. 

Ses livres de synthèse (publiés avec Françoise Audouze chez Hachette en 1989 ; et chez Armand Colin en 2007) ont eu un large écho aussi à l’étranger. Le premier est traduit en anglais ; le deuxième en bulgare et italien. Son influence importante à l’étranger se manifeste aussi par des responsabilités hors de l’hexagone, par exemple comme membre du conseil scientifique de l’École française de Rome et, depuis 2008, comme membre du comité de rédaction de Archaeologia austriaca.

Si, en premier lieu, c’est pour ses études de l’âge du Fer européen et pour ses connaissances et son expertise dans ce domaine qu’Olivier est le mieux connu par ses collègues internationaux, c’est loin d’être le seul moyen par lequel il a influencé notre discipline à une plus grande échelle. Ne citons que deux exemples : vers 1990, avec Katherine Gruel, il a conçu l’idée d’Arkéoplan, réalisé avec la société BEME. Cela a été présenté au grand congrès des archéologues des États-Unis à Pittsburg (avril 1992), mais aussi au Canada, à Montréal (avril 1992), au Danemark, à Aarhus (mars 1992), en Allemagne, à Homburg (juin 1992), en Syrie, à Damas (juin 1991), au moment où il développait, en collaboration avec Robert Whallon, Professeur de l’université de Michigan à Ann Arbor et Professeur invité à Paris en 1984, des idées sur l’utilisation des statistiques dans le traitement des données archéologiques. Dans le cadre de l’Atlas de l’âge du Fer en ligne, actuellement en préparation à l’ENS, il s’appuie sur ces nombreux contacts à l’étranger pour lui donner une réelle dimension européenne.

Olivier Buchsenschutz et la recherche sur les habitats et fortifications de l’âge du Fer (TD)

Alors que la forêt revient en force dans l’architecture européenne, avec notamment les maisons à ossature bois, il n’est pas inutile de rappeler combien ont progressé ces dernières années nos connaissances sur l’architecture protohistorique. Si l’on se replonge dans la bibliographie des années 1970, qu’il s’agisse de publications scientifiques ou de celles destinées à un public plus large, la maison ronde – celle décrite par Strabon – règne en maître en Gaule, et on identifie encore fréquemment des silos ou des fosses d’extraction de matériaux comme des “fonds de cabane”. À ce titre, le village d’Astérix le Gaulois d’Albert Uderzo et René Goscinny pourrait apparaît comme trop sophistiqué au regard des connaissances de l’époque sur l’habitat de l’âge du Fer. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, la multiplication des grands décapages à la faveur de l’essor de l’archéologie préventive, va permettre l’établissement des premiers corpus au sein desquels les plans quadrangulaires dominent très largement. La vallée de l’Aisne, Feurs et Levroux seront parmi les premiers sites à bénéficier des nouvelles méthodes d’investigation permettant le renouvellement des pratiques et donc des problématiques. 

Au-delà des recherches de terrain qu’il mène dès 1968 sur le site de Levroux, Olivier impulse très tôt une réflexion sur l’élévation des bâtiments mis au jour ainsi que sur l’organisation des habitats dans lesquels ils se développent. S’inscrivant dans la démarche d’Adelhart Zippelius, il s’en détache cependant en prenant en compte l’ensemble des paramètres pouvant être mobilisés, et pas uniquement les plans des bâtiments. Comme dans d’autres domaines de la Protohistoire, les approches évolutionnistes, culturelles et environnementales ont été tour à tour en vogue, mais l’élaboration d’une architecture résulte vraisemblablement de l’interaction des contraintes naturelles, techniques et sociétales. 

Ce souci de ne pas privilégier une seule vision des phénomènes historiques animera également les recherches d’Olivier sur les formes d’organisation de l’habitat. Structures d’habitats et fortifications de l’Age du Fer en France septentrionale, publié en 1984, et quelques années plus tard Villes, villages et campagnes de l’Europe celtique, en collaboration avec Françoise Audouze, constituent autant une somme des connaissances accumulées qu’un programme de recherches incitant le lecteur à prendre en compte la complexité des sociétés anciennes. Alors que la professionnalisation de l’archéologie s’accompagnait déjà d’une multiplication des “spécialistes”, il n’était pas inutile de rappeler qu’un site archéologique doit être appréhendé dans sa totalité. À ce titre, le programme de recherche qu’il initie à la même époque au Mont-Beuvray aux côtés de Jean-Paul Guillaumet représente une forme d’aboutissement de cette démarche globalisante. Ses recherches sur l’architecture des fortifications de l’âge du Fer, qu’il s’agisse de celle de la porte du Rebout, de Murcens ou de Levroux, visent à appréhender leur mise en œuvre mais aussi à comprendre la fonction symbolique de ces remparts dans la société gauloise. Les séminaires et colloques qu’animera régulièrement Olivier autour de ces thèmes seront autant d’occasions de nous faire réfléchir sur le fonctionnement propre de la société gauloise à la veille de la Conquête, avant de s’interroger sur l’héritage que les Gaulois ont pu nous laisser. Il est en effet possible aujourd’hui d’avoir une vision historique cohérente de cette période en combinant les différentes sources disponibles à des échelles d’approche variées. Si les protohistoriens s’intéressent toujours aux relations qu’ont entretenu les populations de l’âge du Fer avec les régions circum-méditerranéennes, elles peuvent également être analysées pour elles-mêmes.

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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356134929
ISBN html : 978-2-35613-492-9
ISBN pdf : 978-2-35613-493-6
ISSN : en cours
709 p.
Code CLIL : 3385 ; 4117
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Krausz, Sophie, Colin, Anne, Gruel, Katherine, Ralston, Ian, Dechezleprêtre, Thierry, “Les mots des éditeurs”, in : Krausz, Sophie, Colin, Anne, Gruel, Katherine, Ralston, Ian, Dechezleprêtre, Thierry, dir., L’âge du Fer en Europe. Mélanges offerts à Olivier Buchsenschutz, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 1, 2022, [en ligne] https://una-editions.fr/les-mots-des-editeurs-age-du-fer-en-europe [consulté le 14/02/2022].
Illustration de couverture • D'après la couverture originale de l'ouvrage édité dans la collection Mémoires aux éditions Ausonius.
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