La lettre est un genre hybride, difficile à définir et à appréhender. Tout en étant un objet de sociabilité, elle permet également à l’historien, comme le souligne Brigitte Diaz, de « pénétrer, comme par effraction, dans les coulisses du privé1 ». Les épistoliers eux-mêmes, à travers toutes les époques, ont tenté de définir ce genre littéraire. Ainsi, Juste Lipse définissait la lettre comme « l’instrument par excellence de l’autoportrait d’une grande âme », une peinture « à facettes, en relief, qui reflète les divers niveaux de la conscience de soi2 ». Madame de Sévigné écrit à sa fille, la comtesse de Grignan : « C’est qu’on aime à dire ce qu’on pense, c’est pour se soulager qu’on écrit ; et si cela contribue au repos de l’âme, je le conseille3 ». De même, au croisement de l’approche historique, sociologique et anthropologique, Philippes Artières et François Laé ont mis en lumière les mécanismes instituant la lettre comme lieu de la construction de l’individu. En s’adonnant à la narration de la vie quotidienne, de ses faits et gestes, mais aussi d’une vie parfois fantasmée, l’épistolier est amené à se découvrir, à se secourir, mais également à s’affirmer comme un individu libre4.
L’écriture épistolaire peut être analysée à la lumière des problématiques inhérentes à l’historiographie des écrits du for privé, qui s’attache à interroger « les textes produits hors institution et [qui] témoignent d’une prise de parole personnelle d’un individu sur lui-même, les siens, sa communauté » afin de faire ressortir « le monde tel [que le scripteur] le vit, l’imagine et le perçoit, à travers son regard et sa plume singulière5 ». Ce type de sources offre un important panel de scripteurs et de scriptrices. Par là, il est possible d’utiliser certaines analyses émanant de l’histoire du genre pour interroger ces écrits. Grâce au concept d’agentivité les lettres se transforment en autant de moyen de résister, de donner son avis ou de s’approprier un pouvoir.
De plus, il s’agit d’envisager la façon dont des épistolières ont pu mener la conquête de l’univers de l’écrit, pratique considérée comme l’apanage des hommes, tout en menant celle de leur indépendance en tant qu’individu à part entière. Se pencher sur l’étude de correspondances féminines permet finalement de parcourir une écriture restée dans l’ombre. Le travail de l’historien peut alors consister en la recherche des mécanismes qui, propres à l’épistolarité, permettent, dans l’écriture, l’édification de l’individu6. En se créant un « double de papier » au cœur de la correspondance, l’épistolier s’adonne à un portrait de soi tout en réflexivité et potentialité d’action.
Telle est le cas Françoise de Blacas, « fille de feu messire joseph de Blacas et de demoiselle marie funel du villard de la ville de Grasse7 », épouse d’Alexandre-Joseph de Robert d’Escragnolle8, capitaine de cavalerie. En 1748, ce dernier confie par procuration à sa jeune épouse le domaine dont il est l’héritier9. Leur commerce épistolaire, qui prend place sur une période de plus de vingt ans, permet de souligner les conséquences de cette absence sur le quotidien, sur les actions mais aussi sur le propre ressenti de cette femme esseulée qui prend peu à peu conscience de sa capacité d’action.
S’affirmer en tant qu’épouse
et procuratrice par la plume
Alexandre-Joseph, jeune membre de la cavalerie royale et héritier de la seigneurie et du village d’Escragnolle dans l’arrière-pays grassois, est celui qui, selon le modèle patriarcal, règne sur sa famille et son domaine. En 1748, il épouse Françoise de Blacas, fille du procureur du roi, évoluant au sein de la noblesse urbaine de Grasse, la capitale du parfum depuis le XVIIe siècle. Quelques mois après leur union, alors que Françoise s’est installée au château d’Escragnolle, Alexandre-Joseph décide de repartir au régiment, préférant la vie de militaire à celle de seigneur d’un domaine peu étendu, pris entre plusieurs paroisses et dont les revenus reposent sur l’exploitation de champs de blé et de parcelles d’arbres fruitiers10. Sa jeune épouse, qui dispose des biens légués par son défunt père, devient sa procuratrice.
L’acte de procuration est un document notarial courant à l’époque moderne, surtout dans les régions de grandes mobilités, comme les espaces côtiers ou montagnards, dans lesquels les habitants, en particulier les hommes, sont sujets aux déplacements11. Les marins, les pêcheurs, les colporteurs ou les métayers qui migrent lors des moissons, constituent autant de chefs de famille qui partent, pour une durée plus ou moins longue, et qui ne peuvent donc plus assurer leur rôle au sein du cercle familial ou social12. Il en est de même lorsqu’un artisan ou un commerçant fait un voyage pour ses affaires, la place vacante doit être prise en charge par un tiers. L’épouse, qui, aux côtés de son mari doit s’occuper du foyer, est la candidate toute désignée pour devenir le mandataire du pouvoir marital. L’acte de procuration accomplit un transfert des droits du chef de famille dans les mains de l’épouse normalement soumise à ce dernier : par là, la femme quitte son statut d’individu non-majeur juridiquement, c’est-à-dire incapable d’agir en dehors des décisions de son conjoint. Une procuration peut donc être analysée comme une forme particulière de prise de pouvoir, d’empowerment13 par la femme, puisqu’elle constitue, d’après Claude-Joseph de Ferrière, à la fin du XVIIIe siècle :
[un acte] par lequel celui qui ne peut vacquer lui-même à ses affaires, donne pouvoir à un autre pour lui, comme s’il était lui-même présent, soit qu’il faille lui-même gérer et prendre soin de quelque bien ou de quelque affaire, ou que ce soit pour traiter avec d’autres14.
En lui accordant une place centrale, celle de chef de famille, cette procuration fait également de Françoise l’intermédiaire entre son époux, la famille et le domaine dont il est le véritable seigneur. Pour ce faire, Françoise s’adonne à une « prise d’écriture » aussi maladroite qu’essentielle et commence à entretenir une correspondance, dont 280 lettres sont conservées aux Archives départementales des Alpes-Maritimes, sur une période de plus de vingt ans. De son époux qui ne lui répond que très peu, il n’a été sauvegardé qu’une dizaine de lettres consultables au sein du fonds familial de la famille de Robert d’Escragnolles.
Dès les premières années de mariage, la correspondance entre les époux constitue le seul instrument par lequel le couple, mais également la famille, connaissent une existence. Françoise, restée seule en Provence, enceinte de son premier enfant, Antoine de Robert d’Escragnolle, surnommé affectueusement Antonin, est obligée d’entretenir une correspondance pour faire vivre l’union familiale. Jeune épouse, elle s’adonne de bonne grâce à son « devoir d’écriture15 », en narrant avec minutie la vie quotidienne. Il s’agit pour elle de se sentir exister dans son rôle de compagne aimante et de mère affectueuse. Par son écriture elle tente d’agir sur le réel et d’intégrer son époux. Pour cela, régulièrement, elle décrit les faits et gestes de leur petit garçon :
quant au petit […] il et si aimable que vous puissies vous limagine ce ne pas prevantion de ma part tous ceux qul le voit en sont enchantés cet meme au dessus de son age il ne dit que quelque mots mais il comprend et entant tout toujour grasieux saluant tous le monde connoissant chaqun il dans il chante cet un petit singe16.
Ou encore,
vous donner de nouvelles de votre fils car ce à cela que je previs qui vous seroit le plus semsible […] votre fils ce porte tout au mieux il et vrai que le mauvois tems et le diverticement du carnaval ont etoit tous les jours jent et de nouvelles lon masure qui et toujour plus aimable et un grand air de santé cet un gaillard il à une force terible il à une grande vivacité ce qui fait plaisir, mais ce qui me fait de la paine ce qui na point encor de dents17.
Les premières lettres renvoient l’image d’une femme dévouée à sa tâche d’épouse et de mère ; néanmoins, l’acte d’écriture porte les prémisses de sa prise de conscience quant à sa triste situation. En effet, poussée par son statut d’ « épouse par correspondance18 » à s’adonner à la peinture de son existence, Françoise adopte une démarche de lucidité face à un époux qui tient à avoir des nouvelles. Ce dialogue avec un destinataire lointain permet à la Grassoise de se définir elle-même, tout en demandant à l’autre de poser un regard sur sa personne. S’établit alors une sorte de réflexivité qui participe à la constitution d’une « identité narrative19 » et finalement d’une identité tout court : celle d’une femme esseulée, non reconnue dans son statut d’épouse et de procuratrice du domaine de son mari. Voilà l’enjeu de la première phase de l’itinéraire épistolaire de Françoise de Blacas.
Antoine de Robert, père d’Alexandre-Joseph, écrit dans ses missives son désir de voir son fils reprendre le domaine, et de revenir vivre à Escragnolles. C’est pour cette raison qu’il lui lègue son titre et ses dépendances à condition qu’il accepte de se marier avec la jeune demoiselle Françoise de Blacas dont la dot s’élève à 60 000 livres. Finalement, c’est cette dernière qui obtient la gestion de la seigneurie d’Escragnolles. Voyant leur domaine aux mains d’une jeune femme de la ville, les Robert semblent fustiger le rôle de leur nouvelle brue, contraire à une vision patriarcale de la famille même si parfois, en Provence, le droit peut-être très favorable aux femmes dès lors que le conjoint décide de passer devant notaire20.
L’exemple d’un échange de lettres entre Françoise et Antoine est une bonne illustration du rapport de force. Il s’agit pour elle de se faire respecter : c’est elle la procuratrice d’Escragnolles, nul autre. Ainsi, lorsqu’Antoine lui demande de l’argent, elle ne cache pas son indignation et adopte une attitude loin de la soumission que l’on pourrait attendre d’une belle-fille. Elle écrit :
à grasse ce 4 juin 1751
Monsieur mon tres cher pere
je etoit fort surprise de voir par votre lettre que vous me demandes encor les quatre cent livres mon sort et bien à plaindre il faut que jentretiene un mary et […] anfan sans avoir aucun secour […] ordinairement ce le mary qui entretien femme et enfan et can lun donne à soupé lautre donne à diner il ni à personne qui se reduite comme je la suis […] cet hivert dans le tems que chez vous il y à bien de depances inutilles si cetoit pout votre necaissere
je va ecrire à votre fils de continuer son service car assurement il en vera la necesite et dailleur il ne veu pas me rendre malheureuse et vous vous chargeres de son enfan […] mojennant quoi je vivres avec ma chere mere tout comme auparavant la mere né jamais chargée des enfans vela le seul party quil y à aprandre21.
L’écriture devient l’instrument de dénonciation d’un joug qui l’opprime. En tant qu’individu, Françoise revendique la liberté de pouvoir agir comme elle le souhaite, en l’occurence ici le droit d’abandonner la bataille et de retourner vivre auprès de sa mère. L’écriture épistolaire, dans la perspective développée par Simon-Martin Meritxell, est un « espace d’apprentissage, […] un forum de la formation de soi et, éventuellement, [de] déclencheurs d’action22 ». Ici, la capacité d’action de l’épistolière réside dans la formulation des choix de vie qui s’offrent à elle et qu’elle peut décemment choisir. L’individu revendique donc la liberté de pouvoir agir comme il le souhaite. Françoise ne cherche pas à renverser les choses, juste à leur échapper.
Si elle tient à défendre ce statut, il semblerait que le rôle de procuratrice pèse fortement sur les épaules de Françoise, jeune femme qui se sent inapte, au vue de son éducation, à prendre en charge une telle responsabilité23. En ce sens, sa prise de position dénonce une union qui ne prend pas en compte son droit au bonheur. Cette thématique parcourt la correspondance, l’écriture devient pour elle un moyen d’expression, de revendication et d’affirmation. Vraisemblablement, c’est par la correspondance que Françoise éprouve sa propre légitimité en tant que chef de famille. L’agentivité, murmurée au début de la correspondance, atteint son paroxysme par la suite.
En effet, au fur et à mesure de sa pratique épistolaire, Françoise endosse progressivement son rôle de procuratrice jusqu’à l’assumer totalement : elle est la gardienne, dans l’espace domestique, d’un « royaume féminin24 », qu’elle décrit dans ses lettres et qu’elle défend au fil de sa plume.
La correspondance, « acte de création »
de la Dame d’Escragnolles
Françoise a tout de la « femme seule » décrite par Scarlett Beauvalet-Boutouyrie : « l’entrée en solitude par célibat prolongé ou par veuvage est la plupart du temps synonyme d’un changement de statut25 ».
La procuration que lui accorde Alexandre-Joseph, en mars 1748, déclare Françoise de Blacas, « procuratrice generalle et specialle » de tous ses biens26. Comme l’a montré Philippe Agresti à propos des situations de procuration en Provence à l’époque moderne, cette pratique est courante lorsque la nécessité de la situation, notamment professionnelle de l’époux, l’oblige à faire de sa femme sa procuratrice27. Cet acte procure à la jeune Françoise un statut similaire, dans certains cas, à celui d’une veuve française sous l’Ancien Régime28. Ainsi, en tant qu’individu autonome elle a accès à une nouvelle capacité d’action. Les nombreux actes de notaires présents dans le fond d’archive, stipulant les ventes, les locations ou la prise en charge des « affaires », confirment le pouvoir qu’elle a acquis.
Françoise a sous sa responsabilité le château des Robert d’Escragnolle, construit au XVIe siècle, ainsi que de nombreuses terres cultivées, forêts, granges et maisons dont elle a hérité dans les bourgs voisins de Grasse29. Néanmoins, le domaine du seigneur d’Escragnolles est une seigneurie de montagne fortement endettée.
La correspondance donne à voir la gestion d’un domaine au XVIIIe siècle : si elle s’adonne à la correspondance par inclination, pour garder contact avec l’homme aimé, Françoise le fait également par devoir. Elle pratique ce qu’on appelle une « correspondance d’affaires ». Ordinairement, ce genre de correspondance traite de la gestion de la propriété, des travaux agricoles ou de la politique, a contrario, une correspondance dite « féminine » se contente des affaires familiales, naissances, décès et nouvelles du village natal30. Par sa pratique double, la dame d’Escragnolles s’est détachée des prérogatives réservées aux femmes à la fois dans la pratique épistolaire et dans les tâches quotidiennes, ce qui sera constitutif de sa prise de pouvoir et de sa capacité d’action.
Investie dans son rôle de procuratrice, Françoise décrit les rentrées d’argent, le déroulement des procès, les travaux sur le domaine etc. Par exemple lors de travaux menés sur une grange, l’écriture de Françoise fait état de plusieurs réparations et expose les avancées, du recueillement d’avis auprès d’un architecte, à la venue des ouvriers sur le terrain31 :
quant à la grange il ni à moien de rien faire avec monsieur de robert, il ne seroit pas davis que je la pris, me disant quil vaudré mieux en faire batir une, mais tout le monde, me conseille de ne pas la lesser echaper que nous faisons un grand coup que si nous en faisons battir une il nous couteré environ mille ecus, au lieu que tout au plus celle la nous laurons avec 400 tt, et que avec peu nous la fairons reparer, nous avons de la chaud tout auprè il faut les portes, et que le plancher de […] planches que nous fairons sier dans la foré enfin avec peu nous aurons une grande […]32.
Les lettres donnent à voir la réalité de la vie quotidienne comparable de l’épistolière et les rôles d’épouse, de mère et de procuratrice apparaissent33.
Finalement, si elle n’est pas une femme de pouvoir au départ, la correspondance est un moyen pour elle de s’approprier sa place, d’affirmer ses capacités et la construction de son statut. L’écriture épistolaire laisse entrevoir la façon dont Françoise gère le domaine toute seule, autrement dit la façon dont elle assume son rôle de procuratrice.
Pour cela, le livre de raison de la famille de Robert d’Escragnolle, registre dans lequel le chef de famille fait ses comptes et rapporte les grands événements de la vie familiale, est censé être au centre de la gestion du ménage34. Précisément, il aurait dû être au cœur de la vie quotidienne de Françoise, notamment pour gérer au mieux les comptes de la seigneurie pourtant, il semblerait qu’elle ne l’ait jamais utilisé. En effet, grâce à la comparaison entre l’écriture d’Alexandre, issue de ses missives, et celle sur le livre, il apparaît qu’il tenait les comptes lui-même.
Il n’y a aucune trace de l’écriture de Françoise au sein des pages du livre de raison pendant sa procuration. Françoise se contente d’écrire les comptes dans ses lettres afin que ces derniers soient retranscrits par la suite par le capitaine de cavalerie. La correspondance de Françoise est organisée comme un livre de comptes et témoigne de sa capacité à élaborer des repères et à tenir les comptes à la manière de son époux : elle dresse la liste les entrées et les dépenses avec les sommes exactes dans ses missives sous la même forme qu’elle aurait pu le faire dans un livre de comptes.
Néanmoins, afin de tenir les comptes pour son époux, il était évident qu’elle avait mis en place sa propre gestion. Lorsque l’on examine attentivement les missives qu’elle a pu recevoir de membres de son entourage ou de rentiers, on comprend que la procuratrice a mis en place un système de classement par lequel elle parvient à répertorier les sommes demandées ou payées au sein de ces mêmes lettres.
Ces dernières, accompagnées des nombreuses quittances retrouvées en archives, gardées comme autant de preuves des sommes qui lui sont versées, tiennent lieu de livre de comptes. Il y a donc un livre de raison « à distance », mais surtout une véritable quotidienneté de la gestion du domaine. Encore une fois, on peut constater la confrontation entre la pratique « traditionnelle », celle du livre de raison tenu par le mari, et la méthode élaborée par une femme qui n’a pas la possibilité de jouir du privilège d’y écrire35. C’est l’absence du mari qui, parce qu’elle exige la transmission des comptes par la poste, rend visible l’activité de Françoise : en prenant le statut de seigneur à la place d’Alexandre Françoise se rend visible aux yeux de ses contemporains comme à ceux des historiens36.
Françoise élabore sa propre manière de faire et démontre sa capacité à faire fi des difficultés et des règles d’usage. L’appropriation féminine qu’elle fait des comptes participe donc à la notion d’agentivité féminine définie comme la « capacité des femmes à agir en faveur de leurs intérêts, en dépit de leur position désavantagée au sein de la société en raison de leur sexe37 », et de tous les « subterfuges » que les femmes ont mis en place pour contrer les pratiques d’assujetissement modelées par les hommes.
De plus, l’épistolière est confrontée à toutes sortes d’affaires. Ses réactions, sa prise de position et sa pratique d’écriture, la font apparaître comme la véritable « seigneuresse » d’Escragnolles. Une affaire particulière accapare le récit épistolaire pendant les années 1768 à 1770 : le droit de pâturage dont bénéficient les troupeaux escragnollois sur les herbages de la paroisse de Mons. En effet, cette « affaire du siècle » comme la nomment les habitants de Mons, s’étend de 1704 à 1789, à partir du moment où Jacques de Robert obtient, grâce au droit féodal, la possibilité que les bêtes de son cheptel aillent pâturer sur les terres voisines, ravageant les cultures et privant les troupeaux de Mons d’herbage. La lutte judiciaire qui s’engage entre la communauté de Mons et le seigneur d’Escragnolles dure en réalité jusqu’à la Révolution française, moment où les droits féodaux sont abolis38.
Françoise, en tant que procuratrice et représentante du seigneur, est investie de la mission de mener à bien la procédure. Sa correspondance offre une image d’une lutte pour les droits du domaine, bataille juridique qui l’a profondément affectée. Elle écrit en 1761 :
apres vous avoir ecrit mon cher epoux le 15 décembre courant je eu aucasion en voiant mon […] cousin muraire de lui parler de la lettre que vous mavies ecrit et il ma dit quil seroit de meme avix que vous et que nous devons nous maitre sous la sauvegarde du parlement et qua tous cas que notre requette ne feu pas ressuë à la venir lors que nous serions sous la sauvegarde du roy ce seroit à eux à en faire la poursuite que nous ne devons pas negliger de dire dans notre reguette quil et inposible qun berger et un petit enfant qui sort de mendie sans armes puissent tenir contre tout un vilage tres pluplé et que meme il et inposible de pouvoir jamais connoitre les coupables etant tous interessés à le cacher et que le seul moien pour les contenir ce de rendre la communauté responsable par ce moien les particuliers seront contenus faisoient partie eux meme de la communauté39.
Cet extrait nous informe sur les recours auxquels avait accès une femme seule, chargée du respect des droits nobiliaires de son époux. Elle fait appel au parlement d’Aix-en-Provence et même à la justice royale. Ce qu’elle fera afin de mettre fin à une procédure judiciaire engagée par les villageois de Mons et qui aura duré trois ans. L’autorité royale décide de reconduire l’arrêt du 15 mai 1725. La sanction est dure pour le village de Mons qui, après de terribles récoltes, se retrouve obligé de payer « 1300 livres au Sieur Chiry, Avocat du Seigneur d’Escragnolles ; 150 livres au Sieur d’Escragnolles pour la “portion de l’amende”, et encore 300 livres pour “l’amende du Roy”40 ». Le pouvoir de Françoise apparaît dans les documents d’archives : c’est à elle que les habitants doivent verser la somme décidée par le Conseil. En effet, l’avocat de la communauté, dans une de ses lettres, indique « d’écrire à Madame d’Escragnolles pour savoir si elle veut bien consentir à faire “amiablement” régler les dépens ci-dessus…41 ». Françoise est reconnue, dans son pouvoir de procuratrice, par l’autorité royale42. En effet, c’est à elle que le village de Mons doit verser une somme conséquente : la Dame d’Escragnolles est le véritable seigneur du domaine, elle le dirige et le représente.
L’épistolière affirme également ses décisions dans la sphère privée. C’est le cas au sujet de l’éducation d’Antonin. En effet, suite à la mort de sa fille, Marie-Angélique en 1764, Françoise annonce à son époux : « voions de donner au seul enfan qui nous reste une education convenable à son etat vela notre consolation et notre espoir dans ce monde43 ». Ces paroles sonnent comme un glas : elle ne peut plus aider l’enfant qui vient de mourir, il ne lui reste plus qu’à apporter à celui qui reste tout son amour, toute sa dévotion afin de lui garantir le meilleur avenir possible. L’éducation dont elle parle n’est pas celle qu’il peut recevoir auprès d’une mère et d’une grand-mère, ni dans le petit village d’Escragnolles : il doit connaître de nouveaux horizons et surtout s’ouvrir au monde des hommes. Par conséquent, Françoise se fait « mère par correspondance », non pas parce qu’elle écrit des lettres à son fils, mais parce qu’elle utilise ce moyen pour inciter son mari à exercer son rôle de père. L’épistolière arrive au bout de ses capacités d’éducation et c’est au tour de la figure paternelle de prendre le relais :
et plut à dieu […] quil eut etoit posible que jeu eu votre poste il y auré long tems que je laures eu sous mes yeux, pour nos enfans il faut tout sacrifier et nous gener, cet une obligation tres etroite pour les peres et meres si cetoit une fille lobligation seroit pour moy mais un jeune homme tout le monde dit que cet à un pere lors quils ont attaint lage ou il ce trouve, une mere ne peu plus rien et ce dans une age ou ils peuvent prendre de bien mauvoise inpressions et ce tourner en mal je vous previens sur tout et ne vous dis autre, vela tout ce que je puis faire44.
L’historiographie, à la lumière de nombreux témoignages équivalents à celui que délivre Françoise dans cette citation, a longtemps envisagé l’éducation à l’époque moderne au prisme d’une séparation stricte des sexes : l’éducation d’un jeune homme revenant dans ce cas au père, tandis que celui d’une jeune fille incombe à la mère. Si l’épistolière résume assez laconiquement ce système de répartition des tâches au sein d’une famille noble au sujet des enfants, l’historiographie récente a renouvelé cette approche des pratiques éducatives. En effet, le rôle des mères comme figure éducatrice auprès des fils n’est pas exceptionnel et de nombreux cas, notamment grâce à une relecture de correspondances ou de livres d’éducation, ont pu être relevés45. Plus précisément ce sont généralement les femmes seules, veuves ou en absence d’époux, qui prennent en charge l’éducation de leur fils, de cette manière, Françoise entre tout à fait dans cette catégorie. De nombreuses épouses, dont le mari est présent, prennent part aux décisions concernant le choix du précepteur ou du pensionnat, de la même façon l’épistolière encadre la « première éducation » d’Antonin en l’envoyant à Magagnosc46. Quand bien même Françoise appelle son époux à exercer « son devoir de père », tout en refusant de s’investir davantage dans l’éducation de leur fils, elle a su prendre en charge l’avenir d’Antonin. Néanmoins, les études de Belles-Lettres commencées par ce dernier ne sont pas suffisantes pour un fils qui a souhait de devenir un jeune noble capable de suivre son père au régiment. De la même façon, Françoise ne peut donc plus offrir une éducation convenable à son unique enfant, elle utilise une nouvelle fois la lettre pour affirmer l’importance de l’avenir de ce dernier. C’est son « ambission47 » de mère qui la conduit à écrire :
jay vous ecrivis à la acte mon cher epoux afin que vous tachiez de prendre des arrangements pour profiter de votre semestre, votre fils sil savet que vous ne venies pas cela seroit capable de le tuer la melancolie le seziré, nous faisons tout pour lui, et nous manquons au plus exensiel dabort son education tout le monde sent recrië et chaqun souffre de le voir dans un mauvoix vilage je vous assure que cela et bien humiliant, que faire je ne eu guere que de choses humiliantes dieu la permis insi javois trop dambission pour ma famille41.
Finalement, on ne sait pas réellement pourquoi Alexandre décide de rentrer, ni la raison pour laquelle il accorde à son fils de l’accompagner au régiment : est-ce grâce à l’argumentation de Françoise qui se répète pendant près d’une année ? Est-ce à cause de l’attitude de son fils, du profond malaise qu’il semble ressentir ? En tout cas, ce qui est certain, c’est que sa mère, seule mais toujours décidée à tout faire pour agir, a utilisé la lettre pour parvenir à ses fins dans l’espoir de lui garantir l’avenir dont il rêvait. En ce sens, Françoise est ce que l’on peut nommer une « mère par correspondance » qui n’hésite pas à se rompre avec l’homme qu’elle aime si ce dernier n’est pas capable de se rendre compte du malheur de leur dernier enfant48.
Si, au départ, Françoise recourt presque systématiquement à l’avis de son mari, et se prive du pouvoir décisionnel, peu à peu, devant l’indifférence de ce dernier, elle prend ses propres décisions. Le renversement de la situation est constitutif de sa libération. La lettre est un moyen pour elle d’affirmer son opinion. La présentation et l’énonciation des arguments sont constitutives d’une bonne argumentation et se doivent être maitrisées, surtout au sein d’une lettre.
Ainsi, au fur et à mesure que Françoise gagne en assurance, elle façonne son écriture, soigne le trait et la présentation. L’argumentation s’en trouve mise en valeur dès le premier regard grâce à un retour à la ligne entre chaque démonstration.
Finalement, grâce à une analyse de l’écriture de Françoise, il est possible de constater qu’elle fait des progrès dans l’art épistolaire. De lettres décousues, où les informations se mêlaient aux plaintes, elle parvient à écrire par la suite des missives plus claires, agencées, qui mobilisent davantage le destinataire. L’arme épistolaire est utilisée par une femme qui a pris l’habitude de devoir s’exprimer par ce biais.
L’écriture comme acte de libération
de l’individu
La lettre est également le lieu d’une réflexivité, non totalement consciente, mais souvent voulue par le scripteur qui se présente dans ses lettres à un destinataire. L’écriture épistolaire peut dans ce cas servir de lieu d’édification de l’individu tout en étant un outil de conscience de soi49. La prise d’écriture, sorte de mise en scène au sein d’un journal intime ou d’une autobiographie, l’est tout autant dans une correspondance50. La narration des émotions permettrait d’éprouver son identité. Plus spécialement, si l’écriture est intersubjective, comme c’est le cas dans une correspondance, les lettres sont tout particulièrement le socle d’une édification du moi : « réagir au regard de l’autre, c’est aussi réagir au jugement de valeur qu’il met sur moi, m’y conformer, m’y opposer, définir qui je suis51 ». Dans la citation suivante, la détresse est sensible. L’épistolière narre le naufrage qui l’a ensevelie pendant vingt ans :
jetois plus jeune quelle lors que le fardeau me tombé sur le crops javois des enfans et des mauvoises grossesses beau plus de […] des proces, je fait comme je peu que lon le fa […] pendant vint ans comme moi, il faut que chaqun porte un peu du fardeau, si vous ne prenies un parti, […] ma santé ne me le permet plus, […] il ne pas la justice de vouloir lesser accabler les gents, si vous ne le faites ni par amitie ni par reconnoissance faite le par religion ou meme par humanite, si un domestique vous disé que vous lacables vous le soulageries, insi mon cher epoux je vous en conjeure au non de dieu de ment delivrer, et me lesser un peu dintervalle entre la vie et la mort […] je vous enbrasse de tout mon coeur52.
Dans le cas de Françoise de Blacas, c’est l’aveu de souffrance qui la place en position de réflexion sur sa propre personne. Le fait de pouvoir dire par écrit « je souffre » mais aussi « je me sens opprimée », la conduit en effet à émettre un jugement sur la réalité. L’écriture de la douleur, qu’elle soit physique ou psychique, devient un moyen de parler de soi, de se donner à soi-même et d’enfin se soulager. Cette aptitude n’est pas si éloignée d’une capacité d’action. Dans l’extrait ci-après l’épistolière fait un bilan de sa vie :
je veü que vous voulies que joublia que javes un mary, et quil fallé que je pris mon parti et que je me regarda etat toute seule et abandonnée, je taché de me faire une raison la dessus, et quoi que vous detesties les […] sermons je me les suis faites à moi meme je mis toute ma confience en dieu, et jespere quil ne madandonnera pas je matants à tout de la part des hommes […] je etoit trop bonne et ce comme cela quon et dupe je ruine ma santé, et voies quelle et ma recompense ce mauvoises manieres et lon mabandonne ce tout ce que je gagné en ruinant ma santé, et je serois tres mal dans mes vieux ans si je vis la vie dune personne enfin je matants à tout53.
Cette lettre est une confession. L’écriture des « troubles de soi54 » devient l’opportunité pour Françoise de réfléchir sur elle-même et de parvenir à une « mise en ordre de soi55 ». Elle devient un individu « agissant » puisque la parole de souffrance n’est pas seulement l’expression d’un besoin de se plaindre, mais d’une capacité, par le récit, de s’approprier sa vie en pleine conscience. Se définir comme une femme abandonnée, c’est bien réfléchir sur soi. Au sein de ce processus, Françoise s’approprie sa propre vie et sa libération. Cette dernière se retrouve dans une situation psychologique née de la tension qui existe entre le vouloir-faire et l’impuissance à faire56. C’est en se donnant virtuellement la mort, qu’elle se libère du joug de l’autre : « faites comme si jetois morte, allors vous prendries des arrangements, prene-les afin que moins vous naiez le regret de mavoir lessé mourir sous le fardeau sans vouloir me donner aucun secours, je vous en conjeure je vous le demande en grace57 ».
Demander la libération par une sorte de « mort virtuelle » semble être une extrémité par laquelle Françoise, en tant qu’individu, se réapproprie son propre soi. Françoise a fait de la correspondance une arme de défense.
En effet, l’épistolière, malgré certaines lettres alarmantes58, ne se laisse pas mourir à petit feu. En s’adonnant à la pratique de l’écriture, elle se réapproprie sa vie et construit son propre destin59. L’épistolière, dans un dernier monologue, affirme sa détermination à sortir de son état subordonné afin de prendre ses propres décisions et d’agir en fonction de celles-ci. Elle écrit :
je ment va au couvent à lille en avignon allors vous serois forcé de prendre des arrangements, tout cesi vous deplait et vous choque mais que voulé-vous que je vous dise je nent puis plus voulevous linposible vela toutes les plaintes que vous avois contre moi je ne puis changer et je vois que je me tuë et que vous trouves encor mauvoise pour les autres53.
Françoise a donc pris la décision de se retirer dans un couvent, à l’Île-sur-la-Sorgue. Par cette action, et par sa pratique de l’écriture, elle agit pour elle-même, fait de la lettre « un forum pour la conceptualisation d’un projet de vie qui mène vers une ligne de conduite individualisée60 ». Si la vie au couvent n’est pas synonyme d’indépendance, c’est tout de même un choix pris en toute liberté. En décidant de se retirer de la vie sociale, elle fait le choix de partir loin d’Escragnolles. Finalement, la quête d’apaisement est sa façon personnelle de se réhabiliter dans son statut d’individu. En cela, la pratique de l’écriture permet à l’individu de rendre possible ce qu’il, jusqu’alors, n’avait pas pensé réalisable.
En fait, l’écriture épistolaire est un « laboratoire identitaire61 », dans lequel le sujet dévoile le personnage qu’il veut être. Françoise n’est plus une épouse à la fin de la correspondance, se voyant libérer de ce statut par une « mort fictive », ni une mère, puisqu’Antonin a repris le flambeau du domaine, mais seulement une femme qui veut recouvrer sa liberté. Cependant, la « délivrance », comme elle le dit elle-même, incombe donc à Alexandre. Elle perd sa capacité d’action en se présentant comme une bonne domestique. Par exemple dans cet extrait, elle affirme avoir le droit de se retirer avant de mourir :
il ne pas la justice de vouloir lesser accabler les gents, […] si un domestique vous disé que vous lacables vous le soulageries, insi mon cher epoux je vous en conjeure au non de dieu de ment delivrer, et me lesser un peu dintervalle entre la vie et la mort, si je moures il faudré bien que vous prissies un parti, faites comme si je letois et natendes pas que je nexiste plus, brules mes lettres, je vous en prie et marqué moi que vous lavois fait, adieu je vous enbrasse de tout mon coeur62.
La correspondance lui permet de défier la normativité et de résister aux dictats63. Tout en dépassant son statut de subalterne, elle parvient à affirmer sa capacité à prendre du recul sur la situation afin d’affirmer son nouveau présent, celui d’être une veuve, libérée des contraintes maritales. Elle déclare en 1774 :
je fais a present comme vous vous vies en garcon et moi en fille qui na point de soucis, tout me plait et rien ne minquiete je va du jour à la journee et à chaque jour suffit sa paine peu à peu je me dechargeré de tout et vivres en […] pensionnaire si jamais vous vous retires peu etre que je serois morte allors64.
je me regarde comme veuvë puis que vous m’abandonnes, et lesse tout à la provindence65.
Conclusion
La Révolution française, qui entraîne le démembrement du domaine des Robert vendu comme bien national en 1794, met un terme à ce rêve de « liberté ». Françoise se réinstalle, avec sa petite-fille, Marie-Louise, dans une petite maison à Grasse tandis qu’Alexandre-Joseph, qui a déposé sa lettre de démission en 1792, semble être mort quelques années plus tard. Finalement, Antoine de Robert d’Escragnolle, ainsi que ses enfants et sa femme, Catherine de Suffret de Villeneuve, quittent la France pour se réfugier en Italie, puis au Portugal où ils embarquent pour le Brésil. Les Robert d’Escragnolle y feront une brillante carrière militaire.
S’il ne fait aucun doute que cette Provençale fut la malheureuse victime d’un mariage de convention, rien ne permet de savoir si, oui ou non, elle fut pleinement conscience de l’opportunité qui lui était offerte en devenant, à vingt-quatre ans, la procuratrice d’un époux absent et peu regardant sur les agissements de sa femme.
In fine, les lettres de Françoise de Blacas pleines d’affliction mais aussi de prises de position, sont autant de preuves de la capacité d’action d’une femme en absence. Que ce soit en tant qu’épouse, mère ou procuratrice, elle a su faire de la lettre un moyen d’agir contre l’injustice et comme un outil pour s’affirmer en tant que véritable seigneuresse d’Escragnolles. Plus encore, sa pratique épistolaire s’est transformée pour devenir une écriture de soi, de sa propre personne et de sa quête du bonheur.
Bibliographie
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Notes
- Dauphin C., « Les correspondances comme objet historique. Un travail sur les limites », Sociétés et Représentations, n° 13, 1, 2002, p. 47.
- Propos cités par Grassi M.-C., Lire l’épistolaire, Paris, Dunod, 1998.
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- Escragnolle étant le nom de famille tandis qu’Escragnolles désigne encore aujourd’hui la commune où a vécu cette famille.
- ADAM, Famille de Robert d’Escragnolle, 1E 3/1, papier écrit et signé de la main d’Alexandre-Joseph de Robert d’Escragnolles.
- Fine A., Klapisch-Zuber C. et Lett D., « Liens et affects familiaux », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 34, p. 14 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10215 et Drévillon H., L’individu et la guerre : du chevalier Bayard au Soldat inconnu, Paris, Belin, 2013. En effet, l’historien parle d’un « goût de la guerre » (p. 94), chez les mémorialistes du XVIIe siècle engagés dans l’armée de Louis XIV : leur envie de devenir soldat reposait, selon lui, sur l’ambition de faire carrière.
- Charpentier E. et Grenier B., Femmes face à l’absence. Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Québec, CIEQ, 2015.
- Charpentier E., « Incertitude et stratégies de (sur)vie. Le quotidien des femmes de “partis en voyage sur mer” des côtes nord de la Bretagne au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 117, 3, 2010, p. 39-54.
- Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence” : procurations et pouvoir féminin à Québec au XVIIIe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 37, 2013, p. 197 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11053.
- Ferrière C.-J. de, La science parfaite des notaires ou moyen de faire un parfait notaire, contenant les ordonnances, les arrest et reglemens rendus touchant la fonction de notaires, Paris, 1692, p. 423.
- Artières P. et Laé J.-F., op. cit., p. 51.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre sans date. Par souci d’exactitude et de véracité, les citations issues des lettres de Françoise de Blacas n’ont pas été modernisées.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 21 février 1751.
- Bérubé G., « Madame de Graffiny à Cirey : écrire pour exister “par procuration” », dans Silver M.-F. et Girou-Swidersk M.-L., Femmes en toutes lettres. Les épistolières du XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2000.
- Descombes V., Le parler de soi, Paris, Gallimard, 2014 et Michel J., « Narrativité, narration, narratologie : du concept ricœurien d’identité narrative aux sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales, 41, 125, 2003.
- Collomp A., La maison du père : famille et village en Haute-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1983. Afin de nuancer à l’aide d’exemples qui relèvent de certaines particularités soulignées par le mari et rendus possibles par le droit provençal, voir Luciani I., « Au miroir des comptes : la réalité autre des écrits féminins (Provence, XVIe-XVIIIe siècle) », dans Berthiaud E., Paroles de femmes. Rôles et images de soi dans les écrits privés (Europe, XVIe-XXe siècles), Paris, Le Manuscrit, 2017.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/1, lettre du 4/06/1751.
- Meritxell S.-M., « La correspondance de Barbara Leigh Smith Bodichon (1827-1891) », dans « Agency : un concept opératoire dans les études de genre ? », Rives méditerranéennes, n° 41, 2012, p. 81.
- Grenier B. (avec la collaboration de Ferland C.), « “Sans exceptions ni réserve quelconques” : absence des hommes et pouvoir des femmes à Québec au XVIIIe siècle », dans Charpentier E. et Grenier B., op. cit. et Charpentier E., art. cit.
- Luciani I., « De l’espace domestique au récit de soi ? Écrits féminins du for privé », « Écrire au quotidien », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n°35, 2012, p. 26 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10499.
- Beauvalet-Boutouyrie S., La solitude XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Belin, 2008, p. 5.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/4, procuration.
- Agresti J.-P., Les régimes matrimoniaux en Provence à la fin de l’Ancien Régime : contribution à l’étude du droit et de la pratique notariale en pays de droit écrit, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2009, p. 110.
- Tout dépend du régime de droit inhérent à chaque province.
- Artefeuil, Histoire héroïque et universelle de la noblesse de Provence, Réédition, Marseille, Éditions Laffitte, 1996. Par la suite, ce furent ses enfants, Melchior et Honoré de Robert, par leur propre service et celui de leur père, qui obtinrent les « Lettres de noblesse, données au mois d’Août 1612 » ; le château, dont il est rarement question dans les lettres de Françoise, est nommé dès 1546 dans une ordonnance de l’évêque de Fréjus, spécifiant la présence d’un moulin et d’un four à pain ; ADAM, E 077/DD 002, transaction sur le transfert de l’église paroissiale. Une copie de cette transaction est également conservée dans les archives de la famille Robert d’Escragnolle, ADAM, 1E 3/7, liasse n° 73.
- Galibert C.-E, « Lettres d’une femme corse à son frère (années 1900) », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, n° 20, 2004, p. 211-230 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/1382.
- Klapisch Zuber C., « Épistolières florentines des XIVe-XVe siècles », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 35, 2012, p. 136 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/10540.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 7 février 1770.
- Hébrard J., « La lettre représentée. Les pratiques épistolaires populaires dans les récits de vie ouvriers et paysans », dans Chartier R., La correspondance. Usages de la lettre au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1991.
- Mouysset S., Papiers de famille : introduction à l’étude des livres de raison : France, XVe-XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
- Néanmoins, il est important de souligner que certaines femmes tiennent des livres de raison à l’époque moderne. Voir Luciani I., « De l’espace domestique… », op. cit.
- Dermenjian G., Guilhaumou J. et Lapied M. (dir.), Femmes entre ombre et lumière : recherches sur la visibilité sociale, XVIe-XXe siècles, Paris, Groupe de recherches femmes – Méditerranée, Publisud, 2000.
- Meritxell S.-M., op. cit., p. 81.
- Solakian D., « Un exemple de lutte villageoise unitaire au XVIIIe siècle : la défense des herbages du terroir de Mons-en-Provence (Haut-Var) », dans Le Village en Provence, Actes des journées d’histoire régionale Mouans-Sartoux, 16, 17 mars 1984, Mouans-Sartoux, publication du Centre Régional de Documentation Occitane, 1985.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 18 décembre 1761.
- Solakian D., op. cit., p. 198.
- Ibid.
- Ibid. L’avocat de la communauté, dans une lettre propose « d’écrire à Madame d’Escragnolles pour savoir si elle veut bien consentir à faire “amiablement” régler les dépens ci-dessus… ».
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/3, lettre du 13 octobre 1764.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/3, lettre du 16 juillet 1765.
- Marchand P., « La part maternelle dans l’éducation des garçons au XVIIIe siècle », dans Brouard-Arends I. et Plagnol-Dieval M.-E., Femmes éducatrices au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 2/3, voir les lettres d’Antonin dans les années 1760.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E/2, lettre du 2 juin 1765.
- Le stéréotype de la figure maternelle douce et bienveillante, presque « faible », par rapport à la figure paternelle dure mais droite est bien visible dans les lettres étudiées par Marchand P., op. cit., p. 54-55.
- Mouysset S., « Souffrir, panser, aimer. Écriture et conscience de soi au féminin (Europe, XVe-XXe siècle) », Rives Méditerranéennes, n° 44, 2013, p. 17-38 ; Pascal E., Liens de famille, pratiques de pouvoir, conscience de soi. Princesses épistolières au tournant du XVIIe siècle, thèse de littérature française, Université Paris III, Sorbonne Nouvelle, 2004.
- Dauphin C., « La “mise en scène” épistolaire. Cas d’une correspondance familiale (France, 19e siècle) », dans Servais P. et Van Ypersel L., La lettre et l’intime. L’émergence d’une expression du for intérieur dans les correspondances privées (XVII-XIXe), Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007.
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- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, feuillet sans date, 1772-1773.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 3 novembre 1773.
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- Luciani I., « De l’écriture de soi comme pratique sociale. Des histoires, objet d’histoire », dans Luciani I. et Piétri V., op. cit., p. 4-20.
- Gilbert M., « L’homme souffrant en quête de sens : du récit de soi à l’identité narrative. Une réflexion à partir de Ricoeur », Anthropologie clinique et Sciences Humaines/Clinical Anthropology and Human Sciences, 2007, vol. 5, Suppl. 1, p. 76.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre sans date, sûrement 1773-1774.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 1er février 1774 : « enfin cet une triste vie que celle isi, ils sont heureux ceux qui murent dune ste mort, ils sont debarasses de tant de soins et dinquietudes de ce bas monde. adieu je mon coeur serré de douleur et rien ne me rejouit plus je ne desire plus rien dans ce monde à dieu adieu ».
- Lacoue-Labarthe I. et Mouysset S., op. cit., p. 15.
- Meritxell S.-M., op. cit., p. 84.
- Diaz B., « Avant-propos », dans Diaz B. et Siess J. (dir.), op. cit., p. 9.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre sans date.
- Meritxell S.-M., op. cit., p. 91.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 29 juin 1774.
- ADAM, Famille Robert d’Escragnolle, 1E 3/2, lettre du 15 juillet 1774.