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Méthodes croisées pour (re-)apprendre les agglomérations préromaines dans le nord-ouest italien. Le cas de l’agglomération à vocation artisanale de Villa del Foro (Alexandrie, Piémont)

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Dans le cadre d’une action scientifique soutenue par l’INSHS (SMI 2021) visant le réexamen de la documentation archéologique disponible, l’agglomération de Villa del Foro (Alexandrie, Piémont) a fait l’objet d’une première campagne de prospections géophysiques pendant l’automne 2021. L’application ciblée de deux méthodes complémentaires, magnétique et électrique, a permis de mettre en évidence de nombreuses anomalies confirmant d’une part, la richesse des structures archéologiques enfouies, jusque-là perçues à travers des sondages et des prospections pédestres, et d’autre part, la présence des fossés et des paléo-alvéoles suggérant des dynamiques d’interactions bien plus complexes entre l’agglomération et le cours du torrent Belbo, situé à proximité. Les résultats préliminaires de cette campagne, réalisée grâce au concours de la société Geocarta, ont permis non seulement de verser des informations complémentaires à ce dossier, mais également de poser les bases pour des futures campagnes de fouilles et sondages ciblés qui permettront d’appréhender avec une plus grande finesse l’organisation et l’évolution fonctionnelle de cette occupation de la fin du premier âge du Fer.

In the framework of a joint scientific program, the Iron Age production sites of Villa del Foro (Alessandria, Piedmont) was surveyed by a geophysical campaign in autumn of 2021. The specific application of two complementary geophysical methods, magnetic and electrical, revealed several soil anomalies; they confirm the complexity of the archaeological structures, only partially known thanks to previous field surveys and explorative trenches. At the same time, the geophysical prospecting suggests the presence of new types of evidence, including ditches and possibly an ancient riverbed, pointing at more articulated dynamics between the human presence and the paleoenvironmental setting.
The AMP method (magnetics) underlined several linear and punctual anomalies, especially in the south-eastern part of the settlement. In this area, linear and surface anomalies seem to indicate the presence of archaeological remains, according to their morphology and distribution which reveal perpendicular structures together with punctual anomalies. The latter could be interpreted as fireplaces or pottery debris, although the disturbances of a recent gas pipeline are not excluded. The linear anomalies are more likely to be interpreted as ancient channels, ditches, and other negative features filled with domestic and productive debris.
A second cluster of anomalies in the western sector shows mainly linear features, aligned north-southwards. A preliminary interpretation, that needs to be confirmed with future excavations, points at defensive or other site delimitations, such as ditches and maybe drainage channels. However, without stratigraphic and material evidence, we cannot exclude a more recent dating of these anomalies, including modern cadastral parcels.
To sum up, the first campaign of geophysical survey at the Iron Age site of Villa del Foro was carried out in 2021 by the CNRS with the local Superintendence, and conducted by Geocarta. The preliminary results provide additional data to the reconstruction of the settlement layout, suggesting the presence of unexpected negative features and structures, mainly related, we argue, to water management and delimitations. This interpretation requires further prospection and excavation data to deepen the settlement organisation and functional evolution of one of the key productive sites in northern Italy at the end of the First Iron Age.

prospections géophysiques ; protohistoire ; Italie du Nord ; méthodologie ; premier âge du Fer
geophysical surveys; protohistory; Northern Italy; methodology; Early Iron Age

Introduction1

Au cours de l’automne 2021, des prospections géophysiques ont pu être organisées par le CNRS, avec la collaboration de la Surintendance et la participation de l’Université de Milan, en Italie du Nord ciblant un site archéologique majeur pour l’étude des agglomérations préromaines : l’habitat à vocation artisanale de Villa del Foro (fig. 1).

L’habitat s’implante au cours du VIe s. a.C. à proximité de la confluence du Belbo dans le Tanaro, l’un des principaux axes de communication naturels du nord-ouest italien et affluent du Pô. Connu depuis 1982 (Venturino Gambari 1983) grâce à des vastes campagnes de ramassage de surface menées sous l’œil vigilant de la Surintendance, la richesse et la variété du mobilier récolté ont très vite amené à protéger 7 ha environ de terrain agricole en raison de son potentiel archéologique. Après une thèse réalisée par Marina Giaretti visant une première évaluation de l’étendue et de la nature du site par des campagnes de prospections pédestres et des prospections magnétiques (Giaretti 1989), l’occupation protohistorique de Villa del Foro a fait l’objet de plusieurs fouilles et sondages diagnostiques, notamment lors de l’implantation de deux tronçons d’un méthanoduc coupant en diagonale l’ensemble des parcelles protégées (Venturino Gambari et al. 2010). 

Ces sondages, réalisés de part et d’autre du tracé, ont mis au jour plusieurs structures en creux (fosses, trous de poteaux, lambeaux de fours et de surfaces rubéfiées, puits, ainsi que des segments d’un canal artificiel), décrivant une occupation complexe, caractérisée par une activité de production dense et variée.

La mauvaise conservation des structures archéologiques, impactées depuis l’époque protohistorique par des épisodes de crue du Belbo puis par les travaux agricoles modernes et contemporains, est cependant compensée par l’abondance du mobilier archéologique abandonné sur place. Ces sont plus de 30500 tessons de céramique, dont 500 de “bucchero” et 14 de céramique peinte étrusco-corinthienne (Giaretti 2021, 323-362 ; Vecchi 2021, 375-394, Naso 2021, 403-412), 544 objets métalliques (Cicolani 2021, 527-550), 789 textilia (fusaïoles, bobines et pesons : Balduzzi 2021 ; Zamboni 2021) ainsi que des fragments de moules en pierre, des dais et jetons et quelques perles en ambre et verre qui ont été récoltés depuis les années 80. L’ensemble de ces fragments de culture matérielle a constitué la base d’une synthèse d’ampleur visant une première interprétation du site et de son encadrement historique (Venturino & Giaretti 2021). Cependant, l’absence de fouilles extensives et la mauvaise conservation des structures n’a pas permis de saisir l’étendue réelle du site ainsi que de son organisation fonctionnelle et spatiale interne pendant son occupation et exploitation.  

Partant de ce constat et grâce à un financement SMI de l’INSHS, destiné à soutenir des missions à l’étranger, il a été décidé, en accord avec la Surintendance, de compléter ce dossier par une première campagne de prospections géophysiques dans l’objectif de mieux orienter les futures recherches. Le propos de cet l’article est centré uniquement sur les méthodes géophysiques mises en œuvre, les résultats préliminaires obtenus et leur confrontation avec les données archéologiques déjà acquises dans la perspective d’engager des fouilles programmées dans les années à venir. Ainsi seules les données de fouille comparables aux résultats issus des prospections y sont présentées. Nous renvoyons en revanche à la monographie pour une documentation archéologique exhaustive du site (Venturino & Giaretti 2021).

Villa del Foro, Alexandrie, Piémont, Italie du Nord. Fond cadastre historique Stati Sardi et actuel ©Geoportale Piemonte, élaboration V. Cicolani.
Fig. 1. Villa del Foro, Alexandrie, Piémont, Italie du Nord. Fond cadastre historique Stati Sardi et actuel ©Geoportale Piemonte, élaboration V. Cicolani.

Villa del Foro : une agglomération artisanale de la fin du premier âge du Fer

L’agglomération se développe près d’un méandre du torrent Belbo (fig. 1). Ce micro-territoire, naturellement relié au vaste réseau de la plaine du Pô via le Tanaro dont le Belbo est l’un de ses affluents, est occupé ponctuellement depuis la Préhistoire. La présence d’outils en pierre polie et de quelques silex taillés signale une première fréquentation humaine au cours du Néolithique (5500-3400 a.C.) au lieu-dit S. Damiano, où se développera la Forum Fulvii romaine (IIe s. a.C.-IIIe s. p.C.), et dans la future emprise de l’habitat de la fin du premier âge du Fer. Aux rares témoignages datables à l’âge du Cuivre suivent les attestations d’une fréquentation à l’âge du Bronze (XIIe-Xs. a.C.). Il s’agit de quelques outils, de fragments de parures et de céramiques dont les décors et les formes renvoient aux productions bien connues dans le secteur nord-occidental de l’Italie et en particulier dans la zone du Proto-Golasecca. Leur localisation au sein d’une fosse isolée à S. Damiano et en position résiduelle dans le secteur central de l’emprise du futur habitat protohistorique, ne permet pas d’établir avec certitude l’existence d’une implantation stable du site dès cette époque plus reculée, bien que dans ce secteur de l’Italie une continuité dans l’occupation des habitats entre la fin de l’âge du Bronze et la romanisation soit assez courante (Venturino 2021, 21-50). Ce n’est donc qu’au cours du VIe s. a.C. que le site de Villa del Foro se développe pleinement donnant lieu à un habitat dont les principales activités économiques reposent essentiellement sur l’artisanat et probablement le commerce.

L’habitat s’installe sur une terrasse alluviale de l’Holocène composée des dépôts limoneux-argileux à limoneux-sableux marquée par la présence de nombreux paléo-alvéoles. Au moment de l’installation du site, le secteur était recouvert par une vaste forêt protégeant la terrasse fluviale et la confluence entre le Belbo et Le Tanaro devait également être bien plus proche du site (Ottomano 2021). Les paléo-canaux du Tanaro encore visibles en imagerie satellitaire indiquent en effet un glissement progressif de la confluence en direction nord-est. Pendant toute son occupation le sol a été profondément remanié et transformé d’une part par l’action anthropique, notamment la déforestation du secteur par le feu, les activités artisanales et la mise en culture, et d’autre part par les exondations et crues du torrent Belbo au régime encore aujourd’hui très instable. Repéré lors des travaux agricoles par l’apparition en surface d’abondants vestiges archéologiques, puis par l’installation d’un méthanoduc en 1975, le site a fait l’objet de prospections pédestres, ramassages systématiques de surface et de quelques sondages diagnostiques entre les années 1972 et 1984. Au vu de l’abondance du mobilier, une surface de 7 ha recouvrant plus de 30 parcelles a ainsi été protégée et depuis uniquement exploitée à des fins agricoles. Plusieurs campagnes de fouille diagnostiques se sont ensuite échelonnées entre 1985 et 2008 donnant lieu à l’ouverture de 5 secteurs (secteurs A-E) et d’une longue tranchée réalisée lors de l’implantation d’un deuxième tronçon de méthanoduc traversant le site de nord-est vers sud-ouest (secteur M Metanodotto) (fig. 2).

 En haut : emprise estimée du site avec la localisation des sondages et des structures fouillées : secteur M Metanodotto, secteurs A-E. D’après Venturino & Giaretti 2021, fig. 56, p. 87.
En bas : répartition quantitative des vestiges relevés suite aux prospections des années 1980 et sur la base d’un carroyage de 10m de côté suivant les points cardinaux. D’après Venturino & Giaretti 2021, fig. 51-52, p. 82-83.
Fig. 2. En haut : emprise estimée du site avec la localisation des sondages et des structures fouillées : secteur M Metanodotto, secteurs A-E. D’après Venturino & Giaretti 2021, fig. 56, p. 87. En bas : répartition quantitative des vestiges relevés suite aux prospections des années 1980 et sur la base d’un carroyage de 10m de côté suivant les points cardinaux. D’après Venturino & Giaretti 2021, fig. 51-52, p. 82-83.

La nature sédimentaire du paléosol et les nombreuses transformations pédogénétiques dues à l’activité du torrent Belbo, ainsi qu’à l’action anthropique ancienne et contemporaine n’ont pas permis une bonne conservation des structures et du paléosol lui-même. Néanmoins, la fouille de l’ensemble de six secteurs a mis au jour plus de 259 structures, dont 202 trous de poteau, 13 fosses liées à la gestion de l’eau, dont 5 puits, 17 structures de combustion dont 4 fours, de nombreuses fosses et trois segments de fossés (Venturino & Giaretti 2021, p. 188). Le riche mobilier régulièrement ramené à la surface lors des travaux agricoles provient majoritairement des ramassages de surface ; les éléments découverts en association avec une structure sont généralement des rejets en position secondaire au sein des comblement finaux des puits et des fosses. Il s’agit le plus souvent des fragments de céramique et des éléments de textilia, en particulier de fusaïoles et pesons, ainsi que des fragments de rejets de fours et des plaques rubéfiées. Les analyses micromorphologiques (Ottomano 2021, 218-231) réalisées sur une sélection de structures du secteur M Metanodotto ainsi que sur des lambeaux du paléosol bien préservés ont mis en évidence plusieurs phases d’utilisation des fosses : la majorité ayant été utilisées dans un deuxième temps en tant que dépotoir puis totalement abandonnées, comme l’indiquent les colluvionnements et les effondrements des parois ; une minorité présentant un seul et unique comblement stérile et un fond plat pouvant être assimilées à des  fosses de plantation pour des poteaux de grandes dimensions.

La distribution spatiale des structures ne semble pas dessiner une organisation structurée et fonctionnelle de l’habitat, du moins dans les 5 secteurs investigués. On constate une plus forte concentration des structures liées à diverses activités de combustion dans le secteur E au nord du méthanoduc, les autres étant parsemées dans l’ensemble des sondages avec une plus grande concentration de trous de poteau dans le secteur A et dans la portion centrale de la tranchée qui suit le tracé du méthanoduc (secteur M, Metanodotto). Néanmoins, la présence de trois segments de fossés, deux orientés nord-sud (US 2018 et 2184) et un orienté est-ouest (US 1401) suivi sur une longueur de 13 m (Gambari & Venturino Gambari 1985), suggèrent l’existence d’un système de délimitation et ou d’évacuation/gestion de l’eau probablement à mettre en lien avec les activités artisanales et agricoles développées dans le site, voire pour un meilleur contrôle ou exploitation du torrent Belbo (fig. 2). Les fossés, peu profonds, ont un fond en V et un profil évasé.

Pour vérifier ces aspects et orienter les futures recherches sur le terrain, des analyses non invasives ont été choisies en raison de leur efficacité et de leur rapidité d’application par rapport à la longueur des procédures administratives nécessaires pour obtenir une autorisation de fouille à réaliser sur un grand nombre de parcelles.

Les prospections géophysiques

Les prospections constituent un outil d’investigation non destructif et non invasif de plus en plus déployé en archéologie. C’est une méthode qui complète les démarches préalables à la fouille et elle est destinée à fournir des éléments diagnostiques pouvant mieux orienter et planifier les activités sur le terrain. Si les prospections pédestres et/ou l’étude des photos aériennes/satellitaires sont depuis longtemps intégrées dans la démarche archéologique en raison notamment de leurs coûts contenus, les prospections géophysiques commencent à être davantage employées. Fondées sur la mesure des propriétés physiques du sous-sol, les prospections géophysiques garantissent une plus grande finesse d’analyse par le relevé d’anomalies résultant d’une modification du champ magnétique et/ou du contraste de résistivité électrique (Campana & Piro 2009). Par ailleurs, les dispositifs récents développés pour la géophysique permettent aujourd’hui une acquisition massive de mesures sur le terrain (Dabas et al. 2005 ; Dabas 2009 ; Dabas 2017 ; Bonsall 2019). Au-delà de la rapidité de mesure permettant de couvrir de plus grandes surfaces, ces techniques s’accompagnent également d’une densité de mesure plus importante le long des profils d’acquisition, de l’ordre de 10 cm au maximum. L’espacement entre profils, dont dépend en majorité le temps d’acquisition sur le terrain, est variable : 1 m en électrique ARP et 50 cm en magnétique AMP.

Dans le cas de cette étude, deux méthodes géophysiques à grand rendement en termes de surface ont été utilisées : la méthode magnétique et la méthode électrique. 

Prospection magnétique (AMP)

La méthode magnétique, dite “AMP” pour Automatic Magnetic Profiling, mesure les variations locales du champ magnétique. L’intensité du champ magnétique est mesurée en nanotesla (nT) et l’appareil mesure la différence des valeurs de la composante verticale du champ magnétique terrestre à deux hauteurs différentes (exprimées en nT/m). Elle peut être négative ou positive et les variations sont représentées sur les cartes respectivement en blanc et noir. Cette méthode permet d’identifier non seulement des objets métalliques, mais également des vestiges anthropiques. En effet, les objets métalliques contenant du fer ainsi que les structures et artefacts exposés à des températures supérieures à la température de Curie (tels que les briques cuites, les céramiques, les alliages métalliques contenant du fer, les structures de combustion, etc…) génèrent un champ magnétique d’intensité non négligeable par rapport au champ magnétique terrestre. L’application de cette méthode s’avère donc intéressante pour la reconnaissance d’activités et de structures anthropiques car elle permet de repérer d’anciennes zones combustion (fours, foyers d’habitat…), des zones d’artisanat (atelier et espaces de travail ou rejet…) ou encore dans certains cas des zones remaniées (fossés, remblais…). En effet, le remaniement des sols, comme par exemple les comblements de fossés, engendrent des variations mesurables du champ magnétique, dues au contraste des propriétés magnétiques entre l’encaissant et son comblement. Bien que d’intensité plus faible mais tout aussi détectable par les appareils utilisés en prospection, des aimantations induites peuvent exister et traduire la présence de structures archéologiques. Plus généralement, cette méthode étant très sensible à la présence d’éléments ferreux qu’ils soient d’origine minérale, ou bien anthropique – rejets contemporains – son application nécessite un terrain peu pollué. En effet, si le sédiment ou la surface du sol contient un nombre élevé d’éléments ferreux, le signal émis par cette pollution naturelle ou anthropique moderne pourrait masquer les anomalies d’amplitudes plus faibles liées aux structures archéologiques. Comme nous le verrons, à Villa del Foro, la présence du méthanoduc a localement perturbé les mesures du champ magnétique, néanmoins la nature agricole du site a permis d’obtenir des données satisfaisantes sur le reste de son étendue. 

Prospection électrique (ARP)

La méthode électrique, dite également méthode “ARP” pour Automatic Resistivity Profiling, mesure la résistivité́ électrique apparente du milieu pour trois profondeurs d’investigation (0 à 50 cm ; 0 à 1 m et 0 à 1,70 m). Elle caractérise la capacité du sol à s’opposer à la circulation du courant. Elle s’exprime en Ohm.m (Ω.m) et dépend d’un nombre important de facteurs, dont la composition chimique du sol, sa texture, son contenu en argile, son taux d’humidité et/ou de salinité, la température, etc. La résistivité est représentée sur les cartes sous la forme d’une densité de gris allant du blanc (conducteur) au noir (résistant). Les variations de résistivité permettent ainsi de voir les contrastes entre le milieu encaissant, le sol, et les structures enfouies comme les murs, les dallages, les routes pavées, ainsi que les zones remaniées telles que les fossés, les trous de poteau, les zones de fouilles, etc. En effet le passage du courant dans ces structures et ces zones est différent par rapport au passage du courant dans le sol, ce qui génère un contraste visible. Dans le cas de Villa del Foro, cette méthode a permis de relever la possible présence de fossés et d’anciennes structures. Cependant le remaniement important du sol dû à l’installation du méthanoduc, au travail agricole et aussi à l’activité du torrent Belbo n’a pas permis d’obtenir à ce stade des résultats utiles pour l’interprétation archéologique.

Les anomalies géophysiques

 Les anomalies géophysiques correspondent aux zones où les mesures physiques différent de façon importante par rapport aux propriétés physiques moyennes de l’encaissant (le sol). Par exemple, avec la méthode électrique, un mur, résistant au passage du courant, contenu dans un sol argileux qui conduit plus facilement l’électricité, génèrera sur la carte une anomalie de forme linéaire dans un milieu homogène. Dans le cas de la méthode magnétique, un objet métallique ferreux génère un champ magnétique qui peut être localement plus intense que le champ magnétique terrestre, plus uniforme. Dans ce dernier cas, un objet ou un amas d’objets ferreux ponctuel va être représenté sous la forme d’une anomalie ponctuelle blanche et noire dite dipolaire car, comme le fait un aimant, elle exprime le maximum et le minimum de son champ magnétique. Afin de se prémunir d’une dépendance subjective liée uniquement à une échelle de couleur allant du blanc au noir sur une carte, on génère des cartes magnétiques et électriques en utilisant des seuils différents. Chaque carte est donc analysée en fonction des seuils choisis afin de mieux identifier et interpréter les contrastes présents. Par exemple, une forte variation locale du signal sera interprétée comme une anomalie, tout comme une forme géométrique particulière, sera considéré comme un alignement marquant à lier à une structure enfouie. Selon la forme des signaux, on peut donc distinguer différents types d’anomalies dénommées “ponctuelles”, “linéaires» ou bien “surfaciques”. Les anomalies ponctuelles sont identifiables comme une variation du signal en un point donné. Celles linéaires correspondent soit à un signal continu suivant une direction, soit à un alignement d’anomalies ponctuelles proches les unes des autres. Enfin, les anomalies surfaciques sont quant à elles liées à un signal relativement homogène et parfois diffus sur une zone donnée ; elles peuvent par exemple correspondre au signal mesuré au droit d’une ancienne fondation enterrée comme un pavage.

Prospections géophysiques à Villa del Foro

Afin de produire une cartographie la plus précise possible des structures enfouies, la société Geocarta, déjà active sur plusieurs chantiers en Italie du Nord (Campana & Dabas 2011), a été mandatée pour réaliser les prospections géophysiques sur une partie de l’emprise estimée du site. La zone soumise aux analyses correspond à un ensemble des champs agricoles, toujours en cours d’exploitation, recouvrant plusieurs parcelles. Localisée en bordure de la route SP246 entre Oviglio à l’ouest et Rocca à l’est, elle est accessible par la route Via Oviglio. La superficie couverte par la prospection géophysique a été de 6,4 ha dont 5,6 ha avec la méthode magnétique (AMP) et 2,8 ha avec la méthode électrique (ARP) (fig. 3).

Emprise des surfaces prospectées avec les deux méthodes, en rose par AMP et en jaune par ARP. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond cartographique Google, serveur Chronocarto.
Fig. 3. Emprise des surfaces prospectées avec les deux méthodes, en rose par AMP et en jaune par ARP. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond cartographique Google, serveur Chronocarto.

La météo et les conditions générales du terrain sont des éléments importants à prendre en compte puisque certaines mesures géophysiques peuvent être influencées, en particulier lorsqu’elles sont extrêmes ou si l’acquisition est étalée sur plusieurs jours. Par exemple, un sol humide conduit mieux l’électricité qu’un sol sec. Les valeurs de résistivité peuvent alors varier grandement si le début d’acquisition a lieu sous un temps beau et sec et la fin sous un temps pluvieux. De même, un sol meuble a tendance à être plus conducteur qu’un sol tassé, souvent plus résistant. Enfin, des “effets de profils” peuvent également être produits pendant la phase d’acquisition sur le terrain quand le contact entre les capteurs et le sol est rendu difficile en raison d’un sol trop sec et/ou irrégulier. Avant traitement des données, ces effets génèrent des mesures aberrantes se manifestant sur les cartes sous la forme de traits diffus. Cependant, ils n’altèrent pas l’interprétation globale des images générées une fois détectés et traités. Dans le cas de Villa del Foro ces effets n’ont pas été observés car lors des prospections, le temps était beau et favorable. Les pluies survenues quelques jours auparavant ont augmenté l’humidité du terrain rendant donc possible le déploiement de la méthode électrique dans de bonnes conditions.

La campagne de prospection (ARP et AMP) s’est déroulée pendant une seule journée, mobilisant deux équipes et trois opérateurs sur le terrain. Les dispositifs ont été tractés par un quad ce qui a permis de couvrir la plus grande surface possible dans le temps très court imparti. Le signal ainsi que les données de positionnement (système GPS RTK centimétrique) ont été mesurées et stockées en continu pendant le déplacement des capteurs, permettant de produire sur le terrain même une première cartographie des données brutes. La prospection magnétique a été opérée en premier afin d’obtenir rapidement une évaluation de l’état de pollution du sol et générer une première cartographie des anomalies.  Les cartes obtenues expriment différents seuils du signal variant du plus large jusqu’au plus fin (saturation). Ainsi à une valeur de gradient +/- 25 nT/m, la carte ne montre que la présence de quelques zones limitées. Pour une valeur de +/- 5 nT/m un nombre un peu plus important d’anomalies commence à paraitre. En revanche, le seuil inférieur à +-5 nT/m montre un nombre très important d’anomalies sur toute la zone correspondant à des structures archéologiques et permettant de quantifier le niveau de pollution diffuse. Ce bruit à Villa del Foro est donc faible puisque les terrains agricoles ne sont pas recouverts de remblais d’origine extérieur et il y a donc peu de débris métalliques ou anthropiques contemporains polluant ces terrains et le signal. La canalisation de gaz représente l’effet magnétique le plus important de la carte, mais il a été possible d’en minimiser l’effet pendant le traitement des données par des filtrages qui ont permis d’éliminer la valeur médiane des données le long des profils selon une fenêtre glissante de quelques centaines de points de mesure.

À partir de cette première cartographie et du plan des anciens sondages archéologiques, il a été possible de mieux cibler les zones à soumettre à la prospection électrique nécessitant un temps d’acquisition plus long. La méthode électrique a donc été appliquée sur une surface un peu plus réduite située dans le quart nord-est du site, là où les anciens sondages avaient mis au jour une plus forte concentration d’anomalies (fig. 2). 

Une première cartographie géophysique

L’application conjointe de ces deux techniques a donné lieu à une cartographie complète de l’ensemble des anomalies sur la surface prospectée (fig. 5).

Les différents types d’anomalie repérés ont permis à la fois d’observer avec précision l’existence de vestiges archéologiques et anthropiques anciens et récents et également de distinguer au moins deux zones d’intérêt majeur sur l’ensemble des parcelles cartographiées (fig. 5). Il est à noter qu’un troisième ensemble d’anomalies relevées par méthodes ARP et AMP correspond au tracé du méthanoduc. Ces dernières présentent en effet les mêmes directions sud-ouest/nord-est et est/ouest. Elles sont très nettement visibles, notamment sur la carte du gradient magnétique (fig. 4.1 et 6.1). Au regard de l’objectif de cette étude, ces anomalies ne sont donc pas prises en compte dans la suite des interprétations.

Cartes des anomalies magnétiques : 1# données brutes non traitées (gradient -5 +5 nT/m) ; 
2# données filtrées (filtre médiane glissante, gradient -3 +3 nT/m). Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.
Fig. 4. Cartes des anomalies magnétiques : 1# données brutes non traitées (gradient -5 +5 nT/m) ; 2# données filtrées (filtre médiane glissante, gradient -3 +3 nT/m). Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.
Carte géophysique cumulative : données AMP et ARP interprétées : anomalies linéaires, ponctuelles et surfaciques (bleu : électrique, orange : magnétique). Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.
Fig. 5. Carte géophysique cumulative : données AMP et ARP interprétées : anomalies linéaires, ponctuelles et surfaciques (bleu : électrique, orange : magnétique). Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.

En revanche, des anomalies conductrices matérialisées par des traits bleus sont localisées dans le quart nord-est du terrain (fig. 6.2). Elles correspondent probablement à de segments de fossé ou de paléo-chenaux. Il est cependant difficile de savoir si ces anomalies sont liées à la construction du méthanoduc, situé juste au sud et à proximité, ou bien si elles correspondent à des structures anciennes. Un dernier groupe d’anomalies linéaires résistantes se situe dans la partie est du terrain (fig. 6.2). Ici, la proximité avec le conduit contemporain laisse penser que ces anomalies pourraient provenir du travail du sol lié à sa pose et non à une action anthropique plus ancienne. En effet, le tassement du sol lors du passage d’engins de chantier a souvent une influence sur la résistivité. De plus l’irrégularité de la forme de ces anomalies rend difficile leur interprétation. En résumé, la carte électrique n’a pas apporté en première lecture d’éléments importants quant aux structures anthropiques potentiellement enfouies, si ce n’est les grandes variations surfaciques liées probablement à des variations géomorphologiques (dépôts alluviaux, paleo-cheneaux) permettant de comprendre l’environnement de ce site.

Cartes de résistivité électrique ARP voie 2, 0 à 1 m, échelle 20-90 Ohm.m : 1# données brutes ; 2# relevé des anomalies linéaires. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.
Fig. 6. Cartes de résistivité électrique ARP voie 2, 0 à 1 m, échelle 20-90 Ohm.m : 1# données brutes ; 2# relevé des anomalies linéaires. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.

En ce qui concerne la prospection magnétique, un certain nombre d’anomalies surfaciques et linéaires présentant une forme plus ou moins rectangulaire semblent pouvoir être reliées à des vestiges protohistoriques (plaques de fours, empilement de pierres…). Deux groupes principaux peuvent être distingués (fig. 7).

Le premier groupe, à l’ouest, rassemble plusieurs grandes anomalies linéaires (zone 1). Ces anomalies sont parallèles dans la partie est du terrain. Elles correspondent probablement à des fossés d’enclos ou à des canaux artificiels permettant l’écoulement de l’eau sur les pourtours d’une installation protohistorique. Il est cependant difficile d’en identifier précisément la nature. En effet, elles pourraient aussi correspondre aux délimitations d’un ancien cadastre.

D’autres anomalies, cette fois-ci ponctuelles, ont été également repérées et leur signature correspond à celle généralement produite par des artefacts ou vestiges chauffés à haute température (céramiques, objets métalliques, fours, plaques de cuisson, briques…) ou encore par des débris métalliques pouvant provenir de la construction du méthanoduc. Des anomalies d’amplitudes plus faibles et nombreuses pourraient en revanche correspondre à des trous de poteaux ou bien à des fosses. Elles sont cependant plus concentrées dans le secteur oriental au sud du méthanoduc (zone 2) (fig. 7). Dans cette zone, les anomalies linéaires et surfaciques semblent indiquer la présence de vestiges archéologiques. En effet leur morphologie et répartition montre des structures perpendiculaires dans lesquelles on retrouve des anomalies ponctuelles. Il pourrait s’agir de constructions dans lesquelles se situent des fours et des débris de poteries ou de textilia sans pouvoir pour autant exclure qu’il s’agisse d’un travail important du sol lors de l’implantation du méthanoduc et du comblement des sondages diagnostiques.

Résultats des levés magnétiques (échelle – 3 à 3 nT/m) : carte filtrée et interprétée des anomalies ponctuelles et linéaires à lier à une activité anthropique. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.
Fig. 7. Résultats des levés magnétiques (échelle – 3 à 3 nT/m) : carte filtrée et interprétée des anomalies ponctuelles et linéaires à lier à une activité anthropique. Élaboration A. Grout, M. Dabas, V. Cicolani, fond Google, serveur Chronocarto.

Interprétation archéologique

Les investigations non invasives ont pu mettre en évidence la coprésence d’anomalies, ponctuelles, linéaires et surfaciques potentiellement liées à une activité anthropique et spatialement reparties entre deux secteurs principaux, l’un au nord-ouest et l’autre au sud-est de la canalisation moderne qui traverse la zone investiguée selon un axe nord-est/sud-ouest (fig. 8). Comme il a été précisé, la présence du méthanoduc a eu un impact non négligeable sur les signaux magnétiques et électriques émis à sa proximité. Néanmoins, dans le quart nord-est du terrain, près des secteurs C et E (Area C et E) les prospections électriques semblent suggérer la présence d’une ancienne boucle du Belbo (fig. 4.2) qui pourrait expliquer la présence des dépôts limoneux-sableux liés à des apports alluviaux repérés dans les secteurs A, C et B (US 1023, 1210, 1507) (Venturino & Giaretti 2021, Tab. 1, 187) (fig. 4.2).

En outre, une troisième zone caractérisée par un regroupement d’anomalies magnétiques ponctuelles a pu également être documentée plus au nord, dans une parcelle de terrain peu investiguée du point de vue archéologique.

Comme on peut le constater en analysant la carte qui associe les données archéologiques aux résultats de prospections géophysiques (fig. 8), la distribution générale des anomalies relevées par AMP confirme en partie ce qui avait pu être mis en avant grâce aux prospections des années 80 (Gambari & Venturino Gambari 1985, Giaretti 2021), aux collectes de surface et aux sondages réalisés sous la direction du fonctionnaire de la Surintendance de l’époque, M. Venturino Gambari (Venturino & Giaretti 2021) (fig. 2). Les structures archéologiques et les objets recueillis en surface avaient mis en évidence une plus forte concentration de structures archéologiques dans la zone est correspondant aux sondages A, B et D ainsi qu’aux segments nord-est et central de la tranchée diagnostique M Metanodotto (fig. 8). Dans les sondages A, B et D ont été notamment mis au jour de nombreux trous de poteaux, deux puits et des débris de plaques de cuisson et structures rubéfiées implantées dans le paléosol, ici préservé, ainsi que le tracé partiel d’un fossé repéré dans le sondage A (US 2018) et un deuxième segment attesté dans le sondage D (US1401). Enfin toujours dans les sondages A-B, les fouilles ont documenté la présence d’un ancien paléochenal du torrent Belbo. Ce dernier était encore actif lors de l’occupation du site donnant lieu à un contexte humide caractérisé par une dépression colmatée par des dépôts alluviaux alternés avec des phases de stagnation des eaux (Venturino & Giaretti 2021, 88-99). 

Planimétrie de l’emprise avec l’emplacement des sondages archéologiques et les résultats des levés magnétiques. V. Cicolani, retravaillé d’après Venturino & Giaretti p. 87 et carte géophysique A. Grout, M. Dabas, fond Google, serveur Chronocarto.
Fig. 8. Planimétrie de l’emprise avec l’emplacement des sondages archéologiques et les résultats des levés magnétiques. V. Cicolani, retravaillé d’après Venturino & Giaretti p. 87 et carte géophysique A. Grout, M. Dabas, fond Google, serveur Chronocarto.

Cette même richesse et diversité se reflète dans les anomalies repérées, bien que leur étendue spatiale suggère une occupation plus élargie et dense non diagnostiquée auparavant et qui nécessite d’être vérifiée dans les années à venir.

Sue le plan archéologique, le secteur correspondant au tracé du méthanoduc a également préservé de nombreux vestiges en particulier dans ses secteurs septentrional et central. C’est ici que l’on a découvert la majorité des trous de poteaux, les fosses polylobées ainsi qu’un autre segment de fossé de dimension majeure par rapport aux deux précédents (US 2184). Ce secteur, étant aujourd’hui caractérisé par la présence du conduit, n’a pas pu restituer des anomalies à relier à des vestiges archéologiques, le signal renvoyé tant par la canalisation que par le tassement du sol lors du comblement à la fois des sondages archéologiques et de la tranchée a généré une distorsion trop élevée du signal, malgré le filtrage réalisé en post-traitement des données.

Dans la partie septentrionale de l’emprise, moins concernée par les sondages archéologiques et où les prospections pédestres n’avaient pas permis de reconnaître de concentrations importantes de mobilier en surface, on relève la présence de structures de combustion avec trois fourneaux, des plaques de cuisson et au moins un puits.  C’est ici qu’en revanche les prospections géophysiques ont mis en évidence un nombre bien plus important d’anomalies, ponctuelles qui pourraient suggérer une plus grande étendue du site vers le nord. En outre, la présence d’anomalies linéaires, repérées en résistivité électrique, pourrait également suggérer une structuration plus articulée de ce secteur en marge de l’emprise de l’habitat mais qui demeure à être vérifiée sur le terrain en raison de leur proximité au tracé du méthanoduc.

Si l’on compare les données des fouilles (Venturino & Giaretti 2021) avec les résultats issus de cette première campagne de prospections, on peut sans nul doute confirmer la richesse et la densité des structures et des artefacts archéologiques, malgré les dégradations causées par les travaux agricoles et modernes (méthanoduc et sondages archéologiques). Mais ces investigations ont surtout permis d’identifier de manière extensive un ensemble d’anomalies et donc potentiellement de vestiges (objets comme structures) couvrant presque la totalité de l’emprise supposée du site et au-delà des concentrations précédemment relevées. Ainsi dans le secteur oriental, le site comporte des anomalies ponctuelles, surfaciques et linéaires évoquant la présence des structures archéologiques, organisées et délimitées notamment par le fossé ou canal. Ce dernier élément semblerait suggérer une extension vers l’est et le nord-est de la zone occupée. Les signaux linéaires, relevés également dans le secteur plus septentrional du site, sont vraisemblablement à interpréter comme d’anciennes limites cadastrales et de fouilles ainsi que des sondages récents, bien que certains d’entre eux puissent tout de même être produits par la présence de vestiges archéologiques.

Enfin et surtout, la lecture des cartes géophysiques fait émerger la présence d’un long fossé périphérique se prolongeant en direction nord-nord-ouest qui semble délimiter le noyau principal de l’habitat artisanal de Villa del Foro. Ce même fossé pourrait par ailleurs se relier au segment repéré lors de la fouille du secteur M Metanodotto (fig. 8) et non observé sur la bordure de la carte géophysique. 

Ce canal ou système de fossés pourrait avoir joué une double fonction à la fois de drainage et de délimitation en lien avec les activités artisanales pratiquées sur le site comme la métallurgie, la décantation de l’argile ou la production de céramiques et de textilia. En outre, les anomalies repérées au sud et à l’est de ce fossé paraissent moins denses et pourraient correspondre à des activités anthropiques qui se seraient déroulées en dehors du noyau principal, suggérant peut-être une organisation fonctionnelle plus articulée de l’établissement qui nous échappe encore. Une seconde anomalie linéaire négative visible à l’ouest du méthanoduc, en bordure des parcelles investiguées, suggère par ailleurs l’existence d’un autre probable fossé ou canal disposé parallèlement au premier, le doublant.  

Conclusions

Cette première campagne de prospections géophysiques a permis de confirmer de manière extensive la présence d’une occupation dont l’articulation spatiale semble être plus étendue que celle perçue à travers les précédentes prospections pédestres et campagnes de fouille. Ces anomalies, rattachables à des actions anthropiques et dont la nature et datation devraient être testées dans les années à venir, couvrent la totalité de l’emprise supposée du site archéologique. La présence d’un long fossé ou système de fossés courant d’est en ouest puis tournant vers le nord-nord-ouest semble délimiter deux concentrations majeures d’anomalie : plus denses et diversifiées à l’intérieur du tracé en particulier dans le secteur oriental, et une distribution plus lâche attestée uniquement par des anomalies ponctuelles à l’extérieur, vers le sud et l’ouest, là où le site a moins été prospecté et investigué du point de vue archéologique. 

Ces résultats préliminaires invitent à la réalisation d’une deuxième campagne à étendre vers l’est et le nord-ouest afin de retrouver le tracé complet des deux fossés et de compléter l’image géophysique du noyau principal de l’établissement. Des sondages géomorphologiques permettraient également de préciser la composition géochimique des sols. Une prospection électrique de type ERT (tomographie électrique) permettrait quant à elle de mieux définir la géométrie des dépôts sédimentaires que ne l’a fait la prospection électrique ARP. L’objectif à terme serait surtout de percevoir les éventuels rythmes et alternances entre les phases anthropiques (utilisation et exploitation) et celles naturelles, notamment les phases de crue et décrue du torrent Belbo. Un projet Web-SIG consacré aux prospections et au site est en cours de développement en collaboration avec Christophe Batardy, Michel Dabas et Geocarta. Il est actuellement hébergé au sein de la plateforme Chronocarto du laboratoire AOROC.


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Notes

  1. Je tiens à remercier tout particulièrement Marica Venturino et Marina Giaretti à qui l’on doit la direction scientifique des fouilles et prospections précédentes ainsi que la coordination de la première étude collective de Villa del Foro, la Surintendance d’Alexandrie SABAP-AL et en particulier Gian Battista Garbarino qui nous a soutenu dans ce projet et aidé dans les démarches administratives, sans oublier l’équipe de Geocarta mobilisée sur le terrain à Villa del Foro ainsi que Messieurs Tasca, Gatti, Ferraris qui nous ont autorisé à arpenter leurs terrains et surtout à M. Oberti qui depuis les années 1980 a prospecté et préservé le patrimoine mis à jour pendant les labours. Cette mission a été réalisée grâce au financement SMI 2021 de l’INSHS.
ISBN html : 978-2-35613-528-5
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EAN html : 9782356135285
ISBN html : 978-2-35613-528-5
ISBN pdf : 978-2-35613-530-8
ISSN : en cours
19 p.
Code CLIL : 4117
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Comment citer

Cicolani, Veronica, Dabas, Michel, Grout, Armand, Zamboni, Lorenzo, “Méthodes croisées pour (re-)apprendre les agglomérations préromaines dans le nord-ouest italien. Le cas de l’agglomération à vocation artisanale de Villa del Foro (Alexandrie, Piémont)”, in : Hiriart, Eneko, Krausz, Sophie, Alcantara, Aurélien, Filet, Clara, Goláňová, Petra, Hantrais, Juliette, Mathé, Vivien, éd., Les agglomérations dans le monde celtique et ses marges. Nouvelles approches et perspectives de recherche, Pessac, Ausonius Éditions, collection NEMESIS 1, 2023, 103-122, [en ligne] https://una-editions.fr/re-apprendre-les-agglomerations-preromaines [consulté le 05/01/2023].
10.46608/nemesis1.9782356135285.5
Illustration de couverture • orthophoto, géophysique, lidar
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