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Étude par thermoluminescence
de deux poinçons-matrices en terre cuite

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Deux poinçons-matrices (Fig. 1) ont été confiés au CRPAA. L’objectif des analyses à effectuer sur ces objets est de tester leur ancienneté par thermoluminescence : s’agit-il de copies du XIXe siècle acquises par Tauziac, comme on peut le soupçonner, étant entendu qu’en tant qu’outils de potiers, il est peu probable que les poinçons aient été découverts au cours des fouilles de la villa, ou s’agit-il d’objets gallo-romains ?

Poinçon 15-2
Fig. 1. Poinçons – matrices provenant de la collection Tauziac soumis à analyse par thermoluminescence (échelle 1:1,2) (clichés P. Guibert, CRPAA).

Éléments de méthodologie

Les principes des tests d’ancienneté par thermoluminescence (TL) dérivent de ceux de la méthode de datation proprement dite (Aitken 1985 ; Guibert & Roque 2000). D’une manière générale, pour déterminer un âge par la procédure longue de datation, la mesure des deux grandeurs physiques suivantes est indispensable :

  • la dose archéologique ou dose équivalente : c’est la quantité d’énergie absorbée par les cristaux thermoluminescents du matériau et provenant de la radioactivité naturelle, depuis sa cuisson dans le passé ;
  • la dose annuelle : c’est la quantité d’énergie transmise annuellement au matériau étudié par la radioactivité naturelle, celle de la terre cuite et celle de son environnement.

Le rapport de ces deux grandeurs donne l’âge-thermoluminescence :

Âge – TL = Dose archéologique / Dose annuelle

Par rapport à une datation classique par TL, les tests d’ancienneté comme ceux que nous avons pratiqués ici procèdent de la mise en oeuvre d’un protocole très simplifié, sans mesure de la dose annuelle compte tenu des possibilités d’âge qui diffèrent d’un ordre de grandeur (environ 150 ans s’il s’agit de copies contemporaines de Tauziac, environ 1800 ans s’il s’agit d’objets gallo romains). Pour cela, nous nous basons sur une estimation moyenne mais imprécise de la dose annuelle pour des “grains fins” (grains de quartz ou de feldspaths thermoluminescents de dimensions comprises entre 3 et 12 µm à l’issue du protocole de préparation utilisé à Bordeaux) dans des terres cuites. Elle est comprise généralement entre 3.5 et 6.0 mGy/a (mGy/a : milliGray par an), ce qui conduirait à des doses archéologiques totales comprises entre environ 0.6 et 0.9 Gy (Gy : Gray) pour des objets de 150 ans, et entre environ 7 et 11 Gy pour des objets de 1800 ans. Les intervalles de doses sont donc nettement séparés selon le cas de figure.

Quant à la dose archéologique, elle est mesurée ou évaluée à partir d’expériences de thermoluminescence effectuées sur des grains de quartz ou de feldspaths extraits de la terre cuite. La mesure s’opère par comparaison de l’intensité des signaux naturels (provoqués par la radioactivité naturelle depuis la cuisson de l’objet) avec celle de signaux induits au laboratoire par des sources radioactives calibrées délivrant des quantités connues d’irradiation.

Protocole expérimental

Des prélèvements de terre cuite ont été effectués dans la partie préhensile des poinçons à l’aide d’outils manuels pour éviter des échauffements non contrôlés qui altèreraient l’information chronologique. Les volumes de prélèvement sont limités pour des raisons de conservation de l’objet. Cette limitation de la quantité de matière implique à ce niveau aussi une simplification de la mesure de la dose archéologique par rapport à une datation complète classique beaucoup plus exigeante en terme de quantité de matière (“à sacrifier”).

Après extraction, la poudre obtenue est traitée chimiquement pour éliminer matériaux carbonatés et matériaux organiques éventuels. Un fractionnement granulométrique par tamisage et sédimentations permet la sélection des grains dits “fins” (3-12 µm), puis ceux-ci sont deposés par décantation dans des nacelles de poids identique, chacune constituant par la suite une prise d’essai pour les mesures de TL.

Le protocole de mesure de la dose archéologique suit une méthode d’ajouts de dose : certaines coupelles contenant le matériau irradié naturellement subissent une irradiation supplémentaire au laboratoire. Toutes les coupelles sont par la suite introduites dans l’appareil de mesure où elles subissent un chauffage de la température ambiante jusqu’à 500°C sous atmosphère d’azote. La thermoluminescence du matériau est enregistrée durant la chauffe (Fig. 2).

Le traitement des données consiste à construire la loi d’acquisition de la TL en fonction de la dose ajoutée au laboratoire. Cette loi expérimentale est souvent approchée par une fonction linéaire, cependant avec ce type de matériaux, la valeur obtenue selon ce procédé est généralement légèrement sous-estimée du fait de l’impossibilité de prendre en compte le comportement supra linéaire de la loi de croissance de la TL du quartz (Vartanian et al. 2001). Nous avons tenté d’améliorer le traitement ici en utilisant une fonction quadratique (fonction parabolique) plus adaptée au comportement expérimental et en raison de la bonne reproductibilité des signaux.

Résultats expérimentaux, discussion

Fig. 2. Courbes de thermoluminescence des grains extraits des poinçons matrices. Un préchauffage à 170°C durant 2 minutes a été pratiqué afin d’éliminer les composantes thermiquement instables de la thermoluminescence.
tableau 2
Fig. 3. Loi d’acquisition de la TL avec la dose et détermination de la dose archéologique (Qnat) par l’intersection de la courbe avec l’axe des abscisses. Les valeurs obtenues pour les deux échantillons sont voisines de 7 Gy. L’intensité de TL (notée ITL) représente l’intégrale de la luminescence intégrée entre 300 et 450°C.

Les courbes de TL de ces matériaux (Fig. 2) montrent en effet une excellente reproductibilité et l’existence d’un signal de thermoluminescence naturelle intense. La forme des courbes, typique d’un matériau céramique riche en quartz, est similaire pour les deux échantillons : les 2 objets sont vraisemblablement formés de la même matière première.

Du point de vue quantitatif, la TL du poinçon BDX 7687, fournit une dose de 6.9 ± 0.5 Gy. Cette dose archéologique est compatible avec un objet antique, et incompatible avec une copie du XIXe siècle.

Quant au second poinçon, BDX 7688, la dose obtenue est pratiquement la même, 7.0 ± 0.5 Gy.

Conclusion

Deux poinçons en terre cuite appartenant à la collection Tauziac ont été étudiés par thermoluminescence. Il s’avère que les doses d’irradiation de ces deux objets, mesurées par  TL, sont sans équivoque incompatibles avec l’hypothèse de copies du XIXe siècle. Elles sont, à l’inverse, compatibles avec une origine gallo romaine des poinçons-matrices.

Bibliographie

  • Aitken, M.J. (1985) : Thermoluminescence dating, Academic Press, Oxford.
  • Barrandon, J.-N., Guibert, P. et Michel, V. (2001) : Datation, XXIe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Éditions APDCA, Antibes.
  • Guibert, P. et Roque, C. (2000) : “La datation par thermoluminescence”, Dossiers d’archéologie, 253, 16-23.
  • Vartanian E., Roque, C., Guibert, C. et Bechtel, F. (2001) : “Datation de structures de fours néolithiques du tell de Dikili Tash (Grèce) : comparaison TL – OSL. Apport de l’OSL pour les matériaux chauffés”, in : Barrandon et al. 2001, 233-248.

ISBN html : 978-2-35613-384-7
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Posté le 31/01/2021
EAN html : 9782356133847
ISBN html : 978-2-35613-384-7
ISBN livre papier : 978-2-35613-386-1
ISBN pdf : 978-2-35613-385-4
ISSN : 2741-1508
3 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Guibert, Pierre, “Étude par thermoluminescence de deux poinçons-matrices en terre cuite”, in : Berthault, Frédéric, éd., La villa romaine de Montcaret. Une villa et son environnement dans le sud-ouest de la Gaule, Pessac, Ausonius éditions, collection DAN@ 1, 2021, 131-134, [en ligne] https://una-editions.fr/thermoluminescence [consulté le 1er février 2021].
doi.org/http://dx.doi.org/10.46608/dana1.9782356133847.14
Accès au livre La villa gallo-romaine de Montcaret (Dordogne). Une villa et son environnement dans le sud-ouest de la Gaule
Publié le 31/01/2021
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