Emilia Pardo Bazán, femme de lettres et intellectuelle espagnole née en Galice en 1852 et morte à Madrid en 1921, n’a pas seulement introduit le naturalisme en Espagne. Cette grande connaisseuse de la littérature européenne de son temps et des mouvements qui la traversent ne pouvait manquer d’identifier les potentialités du récit policier, ce nouveau genre narratif qui s’impose au tournant du siècle, en Espagne comme dans le reste de l’Europe, comme un véritable best-seller. Au moment où les récits de Conan Doyle font fureur à Madrid1, elle consacre une série d’articles au fameux détective anglais et à ses aventures qui, tout à la fois, la fascinent et l’ennuient. Séduite par ce nouveau type de récit qui met en avant la faculté de l’esprit humain et les avancées des sciences criminelles, elle lui reproche toutefois sa standardisation à outrance et sa logique commerciale, elle qui rejette les succès faciles en littérature. Mais elle ne reproche pas seulement aux romans de Doyle leur vocation commerciale. Elle déplore également leur « monotonie » :
En effet, l’œuvre « haletante », « frissonnante » et « abracadabrante » de l’auteur anglais m’a donné l’impression de quelque chose de très languissant, élaboré avec une monotonie enfantine […]. Je ne sais pas ce qui me surprend le plus : l’incapacité radicale de l’auteur à sortir de la même formule, immuable, ou la patience et la bonhomie des lecteurs qui écoutent pour la centième fois l’histoire de la pipe et la trouvent de plus en plus surprenante et charmante.2
Pour l’écrivaine galicienne, qui, comme le souligne José F. Colmeiro, anticipe en cela l’évolution du roman policier au cours du XXe siècle, le récit d’énigme fournit une formidable occasion d’explorer la psyché humaine dont l’écrivain anglais n’a, selon elle, pas su s’emparer. Non seulement elle lui reproche de n’exploiter le crime que comme un mystère à résoudre mais elle considère que ses récits font l’apologie de la morale puritaine. Car pour Emilia Pardo Bazán, le crime n’est pas fatalement le fruit d’un esprit dérangé mais plutôt le produit d’une société défaillante, incapable d’instaurer et de garantir la paix sociale entre les individus qui la composent, comme elle l’explique dans l’une de ses tribunes :
Lisez attentivement les faits divers criminels dans notre patrie […] N’est-il pas vrai que tous ces criminels sont nés pour faire le bien […] et que ce n’est pas eux mais l’État social qui commet les crimes ? Même dans les crimes non passionnels, même dans les atteintes à la propriété, c’est souvent la société qui commet des crimes à travers la main de l’individu. Si les hommes ne sont pas éduqués et préparés à gagner leur pain, si les femmes sont exclues des voies qui leur permettraient de gagner honnêtement leur vie, alors la délinquance prend racine.3
Malgré ses imperfections, ce nouveau récit emporte l’adhésion de l’écrivaine galicienne qui apprécie tout particulièrement la figure du détective amateur, en qui elle voit un digne héritier du chevalier errant, un redresseur de torts des temps modernes4.
Et Pardo Bazán ne se contente pas d’écrire une série d’articles sur ce nouveau genre littéraire. Elle s’en empare à son tour, livrant les premiers récits policiers de l’histoire du genre en Espagne5. L’autrice commence par écrire une série de récits courts – des cuentos –, genre qu’elle affectionne tout particulièrement, avec des récits comme « La puñalada » (1901), « El aljófar » (1902), « La cita » (1909), dont la trame repose sur la mise en scène d’un délit et sur son élucidation. Mais c’est en 1911, autrement dit huit ans avant qu’Agatha Christie ne publie le premier volume des aventures d’Hercule Poirot – La mystérieuse affaire de styles –, qu’elle écrit La gota de sangre, nouvelle longue ou roman bref, dans lequel elle met en scène son propre détective amateur. Ignacio Selva, jeune dandy madrilène, a tout du Grand Détective et partage de nombreux traits avec ses contemporains. Comme eux, c’est un aristocrate oisif, atteint du mal du siècle, que la réalité, ce « tissu au maillage lâche, uniforme et prévisible qu’aucune dentelle romanesque ne vient orner » (Chapitre 1), ennuie profondément. En dépit de son jeune âge, plus rien ne l’intéresse, ni les voyages, ni les femmes, ni même la culture dont il est pourtant féru. Aussi, lorsque le crime fait son apparition dans sa vie sous la forme d’une goutte de sang entraperçue, au théâtre, sur le plastron d’une vague connaissance, Selva s’engouffre-t-il aussitôt avec délectation dans l’aventure intellectuelle de sa résolution. À peine s’est-il lancé dans cette aventure que son existence retrouve le piquant qu’elle avait perdu, « le sel et l’amertume du crime ayant fait disparaître de son palais le goût insipide de l’ennui » (Chapitre 1).
Comme son modèle anglais, Selva est doté de facultés d’observation et de déduction bien supérieures à celles de ses congénères et en particulier, à celles de l’inspecteur Cordelero chargé de mener l’enquête et pourtant considéré comme le plus fin limier de la police de Madrid. Si le policier peine à identifier les tenants et aboutissants du crime et se laisse berner par les criminels qui tentent de faire accuser Selva, ce dernier ne manque pas une occasion de lui faire la démonstration de sa supériorité intellectuelle. Et c’est bien Selva – et non pas Cordelero – qui résoudra l’énigme du meurtre en usant de ses facultés intellectuelles hors normes et des mêmes subterfuges et astuces que le détective du 221 Baker Street, n’hésitant pas, par exemple, à recourir à l’artifice du déguisement pour confondre les criminels.
Comme cette présentation sommaire de l’intrigue et de ses personnages permet de l’entrevoir, Une goutte de sang est à la fois un hommage au modèle du récit d’énigme anglo-saxon auquel l’autrice se réfère ouvertement et une adaptation de ce modèle à la réalité de l’Espagne de l’époque, encore profondément marquée par le désastre de 1898 et la perte de ses premières colonies et isolée du reste de l’Europe. Le particularisme espagnol, mis en avant par les intellectuels de la Génération de 98, est d’ailleurs clairement pointé du doigt dans le récit lorsque Selva souligne l’ignorance de Cordelero, et à travers lui, de l’ensemble de l’institution de la police espagnole, en matière de science criminelle.
Cordelero ne comprenait pas ce qui se passait. La clairvoyance de mon raisonnement le décontenançait. Il entrevoyait toute une science policière et une école de pensée européenne qu’il avait honte de ne pas connaître (Chapitre 3).
L’hypotexte des aventures de Sherlock Holmes est omniprésent dans le récit de Pardo Bazán qui pratique largement l’intertextualité caractéristiques du genre. Comme l’a parfaitement souligné Marc Lits, l’un des traits les plus marqués de la production romanesque policière consiste, en effet, en une référence à d’autres récits et personnages policiers, et ce dès ses origines :
Très vite, les auteurs policiers vont éprouver le sentiment d’appartenir à un même monde où tous leurs écrits se côtoient, se répondent, rivalisent aussi. Ils renforcent ainsi leur appartenance à une même catégorie générique et manifestent explicitement à leurs lecteurs, aux critiques qu’ils se situent dans un « horizon d’attente » bien déterminé qui doit faciliter la réception de leurs textes.6
De fait, et selon une formule narrative caractéristique de la littérature sérielle, La gota de sangre s’achève sur la promesse d’un nouvel opus puisque Selva y déclare :
Résolu à exercer [la profession de détective amateur], je m’en vais en Angleterre afin de l’étudier auprès des grands maîtres. J’aurai ensuite le champ libre dans ce Madrid où règnent le mystère et l’impunité. J’apporterai à la résolution des crimes une dimension romanesque et intellectuelle, et peut-être un jour pourrai-je raconter au public une histoire digne d’être imprimée (Chapitre 8).
Mais Emilia Pardo Bazán donne également une tournure très personnelle à son roman d’enquête : tout d’abord, et contrairement à la formule qui vaudra à ce sous-genre le nom de « whodunit », la question qui sous-tend Une goutte de sang ne concerne pas l’identité du criminel, identifié dès les premières pages du récit, mais bien plutôt la motivation de l’acte criminel. Par ailleurs, si l’autrice galicienne sacrifie, dans une certaine mesure, à ce qui deviendra le stéréotype de la femme fatale, cette fervente féministe introduit dans son récit une réflexion sur la condition des femmes et sur leurs droits, convaincue que « tant que la femme ne jouira pas pleinement de ses droits civiques, elle ne pourra se voir appliquer les mêmes sanctions pénales »7. Enfin, si Selva possède les mêmes facultés intellectuelles que son modèle anglo-saxon, ses décisions ne sont pas toujours conformes à la morale, loin s’en faut !
Contre toute attente, La gota de sangre ne rencontre pas la faveur du public. Comme le laissaient envisager les dernières lignes de La gota de sangre, Emilia Pardo Bazán se lance dans la rédaction d’un second volume des aventures de Selva mais elle n’achèvera jamais la rédaction de ce roman, peut-être consciente que l’Espagne n’est pas prête à accueillir ce nouveau type de récit8. De fait, malgré la tentative de cette pionnière pour introduire le genre dans la péninsule, il faudra attendre le milieu des années 1970 pour que le genre policier s’implante en Espagne, alors même qu’il s’imposera dans le reste de l’Europe. Plusieurs raisons expliquent cette spécificité. La première concerne l’absence de conditions socio-culturelles favorisant l’émergence du genre policier dans la péninsule. De fait, et comme le signale Murielle Borel,
Le maintien d’une société traditionnelle sans bourgeoisie, un exode rural peu prononcé, une urbanisation faible, l’inexistence d’une délinquance liée au développement soudain de la cité, n’ont pas favorisé l’émergence du genre. Les idéaux portés par le classique roman d’énigme ne trouvent aucune résonance dans cette Espagne attardée où le capitalisme n’a pas fait son entrée.9
À partir des années 1940, c’est la dictature franquiste et sa censure qui mettront un coup de frein au développement du genre policier en Espagne, le régime ne pouvant tolérer que des romans puissent laisser planer l’ombre du crime et venir ternir l’image du pays. Finalement, l’histoire du genre en Espagne pourrait être résumée, comme le propose Albert Buschmann, à une intrigue policière :
L’Histoire du roman policier dans l’Espagne moderne commence avec un mort important car il a fallu que le général Franco meure – et avec lui, tout son appareil de censure – pour laisser le champ libre à une littérature de ce genre, enracinée dans son propre territoire, qui parle de corruption, de violence et de meurtre au sein du pays.10
Il en va tout autrement de la France où le genre policier, dans ses différents sous-genres – récit d’énigme, roman noir et roman à suspense – va connaître un essor remarquable au cours du XXe siècle. À côté des productions locales, nombreuses, c’est le modèle anglo-saxon qui sera largement intraduit tout au long du XXe siècle, dans des collections mythiques comme la Série noire ou Fleuve noir. Ainsi, malgré l’engouement du public français pour le genre policier, le récit d’Emilia Pardo Bazán n’a jamais été traduit en France.
Cette traduction inédite de La gota de sangre en français vise à réparer une injustice et à faire connaître, avec plus de cent ans de retard, ce texte fondateur au public français. Les traductrices espèrent que les lectrices et lecteurs sauront faire une place à Ignacio Selva dans leur panthéon des détectives amateurs et apprécier le don de l’écrivaine galicienne pour s’approprier les courants littéraires de son temps tout en leur donnant une saveur toute personnelle.
La traduction collective du récit a donné lieu à de nombreux échanges concernant, en premier lieu, la complexité de la langue employée par l’autrice qui, outre son ancrage dans la réalité linguistique du castillan du début du XXe siècle, se caractérise par de nombreux jeux de mots, mais également des phrases longues, des adjectivations et juxtapositions de gérondifs. Dans toute la nouvelle, les pensées de Selva, détective amateur, sont en effet décrites précisément au moyen de phrases très longues. La traduction a essayé de prendre cela en compte sans pour autant simplifier la pensée si complexe du protagoniste : les incises ont parfois été transposées sous forme de subordonnées, les paragraphes d’une seule phrase contenant de très nombreux adjectifs descriptifs ont parfois laissé la place à plusieurs phrases afin d’obtenir une traduction à la fois explicative et concise dans la syntaxe et les énumérations. Le détective amateur a souvent également recours au lexique juridico-pénal pour exhiber ses connaissances en la matière ; les choix des traductrices se sont portés sur des termes plus précis et plus évocateurs pour le public francophone : par exemple « la autoridad » étant une désignation englobant les autorités policières et judiciaires, et afin d’éviter le recours au terme en français « les autorités » qui semble moins évocateur, le choix se porte sur la particularisation (« police ») car dans les faits, ce sont bien les autorités policières qui se déplacent les premières sur le lieu d’un crime. Il en va de même pour « funcionario » qui a été traduit par « magistrat » même si ce dernier est bien statutairement un fonctionnaire.
Par ailleurs, certains culturèmes n’ont pas trouvé leur équivalent en français mais le contexte laisse le lecteur déduire la différence. Le métier de « sereno », qui a existé en Espagne de la fin du XVIIIe siècle aux années 1970, a été traduit par « veilleur de nuit » même si la réalité à laquelle renvoie le « sereno » n’est pas équivalente à celle de « veilleur de nuit ». En effet, le « sereno » désignait un gardien de nuit dont le rôle consistait à effectuer des rondes et à surveiller un immeuble ou tout un quartier ; mais le « sereno » possédait aussi toutes les clés des maisons qui étaient sous sa responsabilité et devait donc précéder les habitants pour leur ouvrir les portails contrairement au veilleur de nuit. Pour d’autres culturèmes, ce sont d’autres solutions qui ont été retenues. Ainsi, le terme « querencia », emprunté à la tauromachie, a donné lieu à une explicitation grâce à une métaphore. Ce terme, qui désigne la partie de l’arène où le taureau préfère rester tandis qu’on agite devant lui un tissu rouge et vers lequel il a tendance à revenir systématiquement, a été explicité par « l’idée que le criminel, comme le taureau dans l’arène, revient toujours au même endroit ».
Les traductrices se sont également interrogées concernant la nécessité ou non de traduire les noms des personnages qui, chez Pardo Bazán comme chez de nombreux écrivains, comportent parfois des jeux de mots ou références. Bien qu’on ait fait ici le choix de ne pas traduire les noms des personnages, il s’avère toutefois intéressant d’attirer l’attention du lecteur sur le traitement de l’onomastique dans cette nouvelle, car il affecte les protagonistes au même titre que bon nombre de personnages secondaires, souvent avec une visée parodique et humoristique. Il est aussi mis au service d’une critique sociale, tout en servant à insérer au cœur de ce récit policier ce jeu de pistes, fausses pistes, leurres et faux-leurres caractéristique de l’écriture policière et destiné à associer le lecteur à l’enquête du détective amateur. Ces trois caractéristiques peuvent – ou non – se superposer. À côté de noms communs existant réellement comme patronymes (comme Otero), il en apparaît d’autres, empruntés à la réalité (comme celui du peintre Roelas, qui sert à désigner un antiquaire), ou tout à fait fantaisistes, nés de l’imagination de l’autrice (Escalante, La Islaverde…) qui vont jouer un rôle potentiel dans la multiplication de la relation triangulaire détective-victime-assassin propre au roman policier.
Voici quelques exemples. Le récit s’ouvre sur la conversation entre le futur détective amateur, Selva, et son médecin, le bien nommé docteur Luz, qui va l’éclairer sur les raisons de son mal-être : le spleen d’un noble riche et désœuvré, désireux de donner du piment à son existence. C’est l’occasion pour Pardo Bazán de brosser le portrait d’une certaine noblesse oisive.
Le surnom donné au personnage féminin de Julita, fille du comte de Tolvanera – « Chulita » – réfère à une réalité typiquement madrilène, le terme de « chulo » ou « chula » renvoyant à un type populaire et désignant un homme ou une femme issue du peuple, remarquable par la belle apparence de son habillement et de son comportement. Ainsi le costume typique de la femme est-il une robe longue, ornée de volants. Mais le terme est remarquable aussi par sa polysémie, puisque le « chulo » sert aussi à désigner un proxénète. Dans le cas de Chulita, le surnom est donc un marqueur social qui rend compte à la fois compte de l’élégance et de la déchéance sociale du personnage, devenue une « cocotte », tout comme son patronyme Tolvanera (dont le sens est : nuage de poussière) semble programmer son destin : on apprendra à la fin de la nouvelle que Chulita s’est ruinée pour les beaux yeux de son amant. Plus subtilement le second prénom du personnage Fernandina renvoie à un tissu – une toile tissée, généralement en chanvre ou en lin –, établissant entre elle, la victime – un représentant d’un fournisseur de l’entreprise Bordado (Broderie, en français) – et le policier Cordelero (désignant un cordier, un fabricant de cordes de chanvre) un lien ténu, invisible au premier abord et destiné à promouvoir de la part du récepteur une lecture active de la nouvelle et à l’associer à l’enquête : sous la relation triangulaire apparente constituée par Grijalba, Selva et Cordelero, une deuxième relation triangulaire apparaît ainsi, liant la victime, un des coupables et le policier chargé de l’enquête. Le nom du véritable criminel, dépourvu de toute connotation, comme celui de sa victime, lui permet de se fondre dans la foule. Seul, Selva, détective amateur soupçonné par le policier d’être le meurtrier et dont le nom renvoie à un espace initiatique omniprésent dans l’univers du conte, sera capable de le confondre en écartant d’entrée de jeu les fausses pistes, comme celle du Comte de la Baldía, dont le nom évoque de manière transparente le lieu du crime, et de prendre la place du policier dans la relation triangulaire finale.
Le féminisme de Pardo Bazán point aussi au détour d’un nom pour venir égratigner certains comportements masculins : un des coureurs de jupons du club n’est-il pas désigné sous le patronyme, quelque peu transparent, de Lanzafuerte ?
Une autre difficulté de traduction a surgi lorsqu’il s’est agi de transposer le parler andalou caractéristique de certains personnages originaires de la ville de Malaga, comme M. Durán, l’employé de banque interrogé par Selva. Le dialecte andalou se caractérise par un certain nombre de traits phonétiques et phonologiques tels que le « ceceo » (consistant à neutraliser les phonèmes entre les deux phonèmes [θ] et [s] en un seul phonème [θ]), la chute de consonnes en position intervocalique ou encore l’aspiration ou la chute du /s/ implosif ou final que l’autrice a choisi de transcrire graphiquement dans son texte pour rendre compte de l’oralité du discours. Dans ce dialogue, le choix opéré par les traductrices a consisté à recourir au zézaiement, traduit graphiquement par la transposition du « s » et du « j » en « z » et à l’apocope de certains « e » finaux, cette dernière solution ayant été retenue par ailleurs pour rendre compte de l’idiolecte populaire du personnage de Remigio, l’un des domestiques de Selva.
Enfin, la dernière – mais également première – liberté prise par les traductrices a consisté à abandonner l’article défini du titre original au profit d’un article indéfini. L’article indéfini d’Une goutte de sang leur a semblé introduire une touche de mystère susceptible d’activer, dès le titre du récit, cette lecture « attentive aux ruses, aux déplacements et aux équivoques du texte »11 qui caractérise la lecture policière, une « lecture pour laquelle tout est susceptible de faire signe, mais qui ignore ce qui se trame derrière ces signes »12.
Borel M. (2017), « Remonter aux origines. Les récits “policiers” d’Emilia Pardo Bazán », dans Milanesi Cl. et Toppano M. (dir.), Aux origines du roman policier (Cahiers d’études romanes, 34), [en ligne] https://journals.openedition.org/etudesromanes/5387 [consulté le 31/01/2025].
Buschmann A. (1994), « La novela policiaca española. Cambio social reflejado en un género popular », dans Ingenschay D. et Neuschäfer H. (éd.), Abriendo caminos. La literatura española desde 1975, Barcelone, Lumen, p. 245-254.
Colmeiro José F. (1994), La novela policiaca española: teoría e historia crítica, Barcelone, Anthropos.
Évrard F. (1996), Lire le roman policier, Paris, Dunod.
Lits M. (1989), Pour lire le roman policier, Bruxelles, De Boeck.
Pardo Bazán E., La ilustración artística, n° 995 (21/01/1901), n° 1456 (22/11/1909), n° 1581 (15/04/1912) https://hemerotecadigital.bne.es [consulté le 27/02/2025]
Pardo Bazán E. (1911), La gota de sangre, [en ligne] https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/la-gota-de-sangre-1135258/html/ [consulté le 27/02/2025].
Pardo Bazán E. (2021), Los misterios de Selva, Edición y prólogo de José María Paz Gago, Santiago de Compostela, Ézaro.
Saint-Gelais R. (1997), « Rudiments de lecture policière », Revue belge de philologie et d’histoire, t. 75, fasc. 3, p. 789-804.
Notes
- Dans son ouvrage incontournable consacré à l’histoire et à la théorie du genre policier en Espagne, José F. Colmeiro revient sur le succès de Sherlock Holmes en Espagne et explique que « el éxito obtenido por este autor en España fue inmediato y prácticamente coetáneo con la fiebre holmesiana extendida por el resto de Europa » (Colmeiro, 1994, p. 97-98). Entre 1907 et 1908, les aventures de Sherlock Holmes sont traduites et publiées en 8 volumes tandis que ses romans font également l’objet d’adaptations théâtrales qui font salle comble à Madrid.
- « En efecto, la “emocionante”, “espeluznante” y “abracadabrante” obra del autor inglés me ha causado la impresión de una cosa muy lánguida, desarrollada con procedimientos de monotonía infantil […] No sé qué me sorprende más: si la radical incapacidad del autor para salir de una misma fórmula, invariable, o la paciencia y bonhomie de unos lectores que escuchan por centésima vez el cuento de la buena pipa y cada vez lo encuentran más sorprendente y encantador », La ilustración artística, n° 1416, p. 122.
- « Léanse despacio las noticias de crímenes en nuestra patria. […] ¿No es cierto que todos estos criminales habían nacido para el bien […] y que no son ellos, es el estado social el que delinque? Hasta en los delitos no pasionales; hasta en los atentados a la propiedad, suele delinquir la sociedad por mano del individuo. Si no se educa y prepara al hombre para ganarse la vida; si a la mujer se le cierran los caminos por donde iría a conquistar el pan honradamente, se hace germinar la delincuencia », La Ilustración artística, n° 995, p. 58.
- « Y en cuanto a los detectives, ésos, está a la vista, son completamente caballerescos, en su protección a los más débiles, a las mujeres oprimidas, acusadas falsamente de delitos o crímenes que no cometieron. ¿Quién más enderezedor de entuertos y más defensor de princesas Micomiconas que Sherlock Holmes? », La ilustración artística, n° 1581, p. 254.
- El Clavo (1847) de Pedro de Alarcón a longtemps été considéré comme la première manifestation du genre en Espagne, avant que Colmeiro n’en pointe toutes les limites. « Efectivamente, la novela de Alarcón, subtitulada precisamente “causa célebre”, parece deber más a la tradición francesa de las causas célebres de la primera mitad del siglo XIX que a la propia novela policiaca », Colmeiro, op. cit., p. 91.
- Lits, 1989, p. 123.
- « Mientras la mujer no disfrute de la plenitud de los derechos civiles, no deben aplicársele las últimas sanciones penales », La ilustración artística, n° 1456, p. 762.
- Le manuscrit a donné lieu à une édition inédite réalisée par José María Paz Gago en 2021.
- Borel, 2017.
- « La Historia de la novela policiaca en la España moderna empieza con un muerto importante, porque primero tuvo que morir el general Franco, y con él su aparato de censura, antes de que quedara libre el camino para una literatura de este género, asentada en su propio suelo, que se ocupara de la corrupción, de la violencia y del asesinato en el propio país », Buschmann, 1994, p. 245.
- Franck Évrard, Lire le roman policier, Dunod, 1996, p. 128.
- Richard Saint-Gelais, « Rudiments de lecture policière », Revue belge de philologie et d’histoire, t. 75, fasc. 3, 1997 (Langues et littératures modernes – Moderne taalenletterkunde), p. 793.