Les analyses du bullaire de Valier sont presque toutes basées sur le même schéma : tel laïc a cédé “la dîme ou une partie de la dîme de l’église de M/ Saint-N.”, ou assez souvent “de la paroisse (de l’église de Saint-N.)”, ou parfois “simplement la dîme de M.”, en référence à un cadre institutionnel bien clair au XIIIe siècle : un prélèvement décimal affecté à une église dont le prêtre a la cure des âmes dans un territoire alentour appelé paroisse, l’évêque diocésain ayant le contrôle de cette taxe ecclésiastique, dont il perçoit en principe le quart. Pour autant que l’on en puisse juger, ces transferts se situent presque tous entre c. 1240 et c. 1290. Il s’agit là manifestement d’une phase tardive de ce que l’on s’est longtemps habitué à appeler “restitutions” de dîmes commencées à l’époque grégorienne.
Depuis une vingtaine d’années, la recherche a montré la complexité du cheminement conduisant à la généralisation de l’obligation décimale depuis la période carolingienne et à sa territorialisation dans le cadre paroissial, lequel n’achève de se mettre en place qu’assez tardivement (Xe-XIIe siècles). Ce prélèvement sacerdotal, rendu obligatoire par la législation carolingienne, s’est retrouvé aux mains de nombreux laïcs par le jeu de divers processus :
- prélèvement par les fondateurs de nouvelles églises, ici de grands propriétaires, là des communautés rurales ;
- remise en bénéfice de ces dîmes.
“Au titre du patronage ou du lignage”
La collecte de la dîme est ab initio aux mains de laïcs, structurellement plus peut-être que par usurpation : agents seigneuriaux, petits vassaux ou élites paysannes. Encore en plein XIIIe siècle, à en croire l’analyse de Valier, tel chevalier d’un petit lignage dit céder à l’évêque la dîme qu’il possède “en tant que seigneur” (tamquam dominus) [(16) version (B02)], et des bourgeois de Caumont laissent à l’évêque “tous les droits et devoirs et toute revendication et droits seigneuriaux, toute action en justice qu’ils avaient ou devaient avoir ou à tout ce qu’ils pouvaient requérir et demander quant à la dîme de Pompogne”1. Un damoiseau de la branche d’Arvieu des Anthé détenait une part des dîmes d’Anthé et d’autres paroisses “à raison, au nom et à l’occasion de la propriété ou de la seigneurie, selon le droit ou la coutume2.” Il s’agit manifestement d’un revenu lié aux droits seigneuriaux, de la part tant d’alleutiers que de vassaux de plus puissants, en d’autres termes d’une rente afférente à la possession du sol et, à ce titre, d’un élément du patrimoine.
Un clerc appartenant au lignage d’Autièges déclare céder des dîmes possédées “au titre du patronage ou du lignage3”. Un bourgeois de Condom se contente d’évoquer son droit lignager4. Un frère et une sœur avec leurs conjoints respectifs abandonnent la dîme de Mazères qu’ils détenaient “par parentèle ou succession5.” Adam de Labanera, pressé sur son lit de mort par le curé se décide à céder à l’Église la dîme de Mazeret “puisqu’il n’a pas de fils ou de fille légitime à qui la léguer6.” Tous ces textes expriment la conviction que posséder une dîme procède de droits patrimoniaux fort anciens, transmis au titre de la fondation d’une église et/ou de la seigneurie foncière. La cession de la veuve d’un chevalier et de son fils résume bien la situation en évoquant des droits découlant de la “propriété, d’une donation, succession ou achat ou autre” (919). Vital de Marthoret cède en 1288 en même temps qu’une dîme de son patrimoine une autre achetée à un tiers (590-1,2). Et quoi de plus respectable que l’héritage de possessions terriennes ? L’achat aussi paraît un mode d’acquisition avouable, que le droit canon l’admette ou non. Restent les principes canoniques et une de version de la cession de Bellus de Orgolio déclare ce que chevalier percevait des dîmes “de facto” [(16) version (ER02)].
Abandon de la notion de “restitution”
La pression de la haute aristocratie mais surtout de l’Église fragilise toutefois dès la fin du Xe siècle ce système de domination locale ; bientôt, prélats et théologiens de l’époque grégorienne prescrivent aux laïcs de se dessaisir des dîmes, revenu propre et inaliénable de l’Église, détenu au péril de leur salut : à ce jeu, l’abandon d’une dîme à une église par un laïc est longtemps passé pour acte de restitution et un retour à la norme7. C’est ainsi que deux articles dont nous avons fait un ample usage, l’un d’Yves Dossat en 1962, l’autre de Jean-Louis Biget en 1972, s’intitulent respectivement : “Les restitutions de dîmes dans le diocèse d’Agen pendant l’épiscopat de Guillaume II (1247-1263)”, “La restitution des dîmes par les laïques dans le diocèse d’Albi à la fin du XIIIe siècle. Contribution à l’étude des revenus de l’évêché et du chapitre de la cathédrale”, ce qui ne limite en rien leur intérêt puisqu’ils n’abordent pas les origines de la possession de dîmes par les laïcs. Comme le début de ce travail remonte à bien des années, nous avons parfois usé du terme “restitution” avant d’en éliminer l’usage, de même la récente réédition des articles de Jean-Louis Biget substitue-t-elle “délaissement” à “restitution”8.
Les analyses du bullaire de Valier et les rares originaux conservés font quelques claires allusions à l’inquiétude des laïcs détenteurs de dîmes quant au salut de leur âme et se situent en cela clairement dans une approche grégorienne de ces transferts ; toutefois, ils usent de termes qui ne sont presque jamais explicitement dans le champ lexical de la restitution mais plus neutres quant à la nature du transfert de leur possessio à l’évêque : absolvere, desamparare, gurpire, abjurare, quand ce n’est pas de temps en temps donare ou vendere. Fait exception l’article (121) où la version (K08), emploie restituere, tandis que son pendant (R07) use de remittere. Dans (145-1), (CV05) comporte restituere promisit mais cela vise une donation épiscopale préalable. Parmi les originaux, le second acte de la bulle G/D 34 (584-2) utilise restituere, encore ne porte-t-il pas sur le transfert de la dîme et ne paraît-il pas dans l’analyse de Valier car il ne s’agit que de la restitution des fruits perçus depuis manifestement une précédente cession par le père de l’intéressé. À aucun autre moment, tant dans les rares originaux que dans le bullaire, nous n’avons rencontré restituere, restitutio à propos de la cession de dîme alors que Florian Mazel en a relevé des exemples ou a vu des termes analogues en Provence9.
Nous avons donc renoncé à l’emploi de “restituer” et “restitution” comme procédant d’une interprétation dont l’historiographie actuelle s’écarte et qui serait surtout infidèle à un texte mettant en valeur une possession patrimoniale, établie dans un ordre ancien dont l’Église devait tenir compte10 ; le lecteur ne trouvera donc ici que des “cessions”, “délaissements” et “abandons” de dîmes. Notre propos n’est bien sûr pas d’enrichir le dossier déjà complexe des origines de la mainmise laïque sur les dîmes ni d’explorer en détail la période antérieure à celle couverte par les transferts enregistrés dans le bullaire de Valier, mais de mettre en valeur la lettre et l’esprit des textes du XIIIe siècle, conservés ou simplement entrevus au prisme d’analyses modernes, tout en ne nous interdisant pas d’évoquer quelques traits signalant des pistes à remonter et des éléments à caractériser.
Le fait paroissial : micro-paroisses paroisses par centaines
Le bullaire de Valier montre une étonnante prolifération de très petits sanctuaires ruraux ayant le statut de centres paroissiaux où la dîme, fractionnée parfois jusqu’à l’extrême se trouve aux mains de familles la plupart de la “petite aristocratie” (terme parfois bien emphatique) ou de bourgeois ayant une bonne assise foncière. Le premier trait s’inscrit dans la longue durée et perdure jusqu’à la fin de l’époque moderne, tandis que la mainmise laïque sur les dîmes sans disparaître totalement, s’efface, précisément avec une masse de dessaisissements. Ces caractéristiques et la chronologie des cessions dénotent une grande similitude avec le cas du diocèse d’Albi tel que l’a étudié Jean-Louis Biget et que nous avons privilégié comme élément de comparaison.
La question des origines des paroisses rurales a aussi fait l’objet de renouvellements considérables en croisant documentation écrite et archéologique. Il ne s’agit pas de s’arrêter à l’emploi ou non du terme parochia mais d’envisager le “fait paroissial”11 sans plus car le document que nous éditons ne permet en rien d’aborder la hiérarchie des sanctuaires, à supposer qu’elle soit clairement établie, pas plus du reste qu’il n’invite à explorer les relations entre sanctuaire paroissial et habitat ; nous avons néanmoins toujours cherché dans l’édition à localiser les ecclesie citées.
Nous commencerons par présenter les grands traits du réseau paroissial, pour ensuite mettre en perspective ces transferts de dîmes des laïcs à l’évêque et nous nous efforcerons enfin de caractériser le milieu qui se dessaisit massivement de dîmes.
Les grands traits du réseau paroissial
Documentation et études
Le réseau paroissial agenais médiéval n’est connu globalement qu’à partir du XIVe siècle, après 1317 et l’amputation de l’évêché d’Agen de toute la partie de la rive gauche de la Garonne par la création de l’évêché de Condom. Le compte de décime de 132612 est le premier document global, suivent d’autres listes un peu plus détaillées pour la fin du XIVe siècle13. Il faut attendre le pouillé de Jean Valier en 1520 pour avoir une vision plus complète du diocèse d’Agen14 embrassant jusqu’aux plus petites paroisses, là où les collecteurs pontificaux avaient pu en négliger certaines, groupées avec une autre aux mains du même recteur. Le diocèse de Condom se trouve plus mal pourvu car le premier tableau vraiment complet se trouve dans la recension de Lacapère en 1604, alors que nombre de micro-paroisses ont déjà manifestement disparu15.
Le réseau que nous donnent à apercevoir le pouillé et plus encore le bullaire de Valier est pourtant le résultat d’un long processus antérieur que l’on entrevoit par des mentions éparses dans les cartulaires de grandes abbayes comme celui de Condom depuis le Xe siècle, de Sarlat16 depuis le XIe et de la Sauve depuis la fin du XIe siècle, de même que quelques textes procédant du pouvoir laïc comme les hommages de 125917 et surtout le Saisimentum de 127118.
De nombreux érudits y ont travaillé depuis la publication de Bourrousse de Laffore en 185419 et l’approche généraliste de l’abbé Barrère en 1855 sur l’Histoire religieuse et monumentale du diocèse d’Agen. C’est principalement le chanoine Durengues qui a publié un Pouillé historique du diocèse d’Agen pour l’année 178920 et surtout laissé d’abondantes Monographies religieuses des paroisses de Lot-et-Garonne restées manuscrites21. Jean Burias a livré dans son Atlas historique de l’Agenais en 1979 de précieuses cartes issues des listes présentées ci-dessus. La parution récente des Pouillés de la province de Bordeaux dans le Recueil des Historiens de la France22 a été d’une aide décisive pour l’identification de petites paroisses, mais nous n’avons à l’évidence pas pu déterminer la localisation de divers “Savignac”, “Montignac”, etc. La dissymétrie de la documentation, mais aussi plus ou moins des références érudites, entre le diocèse d’Agen et le diocèse de Condom a fait que, dans le second, l’identification des noms de paroisses a été plus difficile et reste parfois aléatoire, sauf pour les environs de Moncrabeau et de Condom étudiés par Renée Mussot-Goulard23 et ceux de Nérac étudiés par Alain Beschi qui a réalisé de très utiles fiches d’identités paroissiales et une présentation de l’extension maximale du réseau paroissial aux alentours de Nérac24. Nos compétences propres n’ont fait qu’accentuer ce déséquilibre car nos travaux précédents ont surtout porté sur le diocèse d’Agen dans ses limites d’après 1317, c’est-à-dire sur la rive droite de la Garonne.
Dîmes sans rattachement paroissial et propriété du sol
Notons d’abord qu’il est parfois impossible d’associer le toponyme identifiant une dîme à une église même en ruine ou à une ancienne paroisse disparue. Lorsqu’il s’agit d’une hagiotoponyme comme Sainct Genes (10), on peut néanmoins supposer qu’il y a eu à un moment un petit sanctuaire. Les cessions faites par divers membres de la famille d’Orgueil de parties de dîmes de l’église de Saint-Germain s’accompagnent de celle des dimes du vin et du blé des terres en leur possession [(105), (107)] et, en ce cas, le prélèvement n’est pas afférent à un sanctuaire ou à une paroisse mais aux biens d’une famille. Faut-il voir là la trace tardive de dîmaires indépendants de toute paroisse ou église dont Florent Hautefeuille a relevé des exemples surtout antérieurs à c. 1160, renvoyant à la période qui précède “l’ecclésialisation” de la dîme25 ? La formule assez fréquente à la suite d’une énumération précise “et toutes les dîmes qu’ils possèdent dans le diocèse d’Agen”, est trop vague en revanche pour se prêter à ce genre de supposition. Mais une dîme au XIIIe siècle peut bel et bien se définir comme attachée à la propriété quoique dans la circonscription d’une paroisse, à considérer les dons des dîmes :
- de Saint-Vincent d’Agmé, sauf celles des terres de Guillaume et Raymond Lort (119) ;
- du village de Bourgougnague (387) ;
- des vignes de Bernard de Laroche, seigneur d’Estussan, à charge de verser à l’évêque chaque une saumade de vendange et de payer la dîme des vignes nouvellement plantées, ses héritiers payant ensuite la dîme de toutes les vignes (496), dispositions reprises dans (861)26 ;
- des terres tenues par divers censitaires d’un notaire de Condom (548) ;
- du lieu-dit Lo Bosc de Calcador (554) ;
- du tènement de Mirabel (596) ;
- des tènements de Las Volveas et de Bora (624) ;
- des terres et vignes de feu Jacques de Marsolan dans trois paroisses, tenues par diverses personnes (730) ;
- des terres tenues par divers bourgeois de Mézin dans la paroisse de Sanctus Stephanus prope Ossam (1055).
La dîme du feudum de Rocqueta (836) se situe plus simplement dans la paroisse de même nom.
L’exemple des droits cédés sur une terre et d’un bois dans la paroisse de Saint-Just (242) est moins probant puisqu’on ignore s’il s’agit ou non de dîmes mais on trouve des cas encore plus caractéristiques avec les dîmes de lieux-dits disparus impossibles à associer à un site ecclésial :
- l’estage de Lavals mentionné à part de celles de Notre-Dame de Mazères (225) ;
- terres de Cantasdet et de Pratum (257) ;
- Eisandu et Gaiac, (261) ;
- territoire de Font Auzerol et de “trois champs dits de Cazanova” (370) ;
- l’ager d’Avalhag (479) ;
- ou d’Autimont (1005) ;
Parfois, il s’agit tout simplement de la dîme de terres tenues par tel ou tel ou lui appartenant
- la dîme des terres de Raymond Bernard de Rovignan ou sur la paroisse relevant de lui (sibi spectante) (825) ;
- le conventus (= territoire) d’un certain Helias Paucii, peut-être un tenancier (1110).
En arrière-plan, on perçoit peut-être là aussi la persistance “d’espaces de statut paroissial indéterminé” pour reprendre la formule d’Anne Lunven qui s’applique à vrai dire surtout aux XI-XIIe siècles27, mais le maillage du diocèse en paroisses aux limites nettes pourrait n’être qu’en train de s’achever vers 1200-1250. La très médiocre connaissance que nous avons des micro-paroisses du futur diocèse de Condom peut induire une distorsion car, par exemple, le “territoire” dels Solers mentionné comme distinct de la parrochia Sancti Romani ne l’est peut-être pas, mais qu’en serait-il de celui des Cugusols cité dans le même article (411) ? À l’inverse, les analyses de Valier et surtout les repères toponymiques portés en marge peuvent créer l’illusion d’une paroisse là où il n’y en a pas forcément une, comme à La Serra (423). Reste qu’il s’agit là de cas plutôt exceptionnels et que la plupart des dîmes sont associées à une paroisse et qu’il s’agit la plupart du temps de très petites paroisses. On en revient ici aux points évoqués un peu plus haut : la dîme a un lien étroit avec la propriété ou seigneurie foncières. Beaucoup de familles ont pris comme patronymes le nom même d’une des petites paroisses dont elles cèdent la dîme28, et la paroisse d’Espiens dont la famille de Golard a la seigneurie au XIIIe siècle s’appelle en retour parfois de Golhardo (282).
Micro-paroisses et habitat dispersé
Si on cumule les paroisses des diocèses d’Agen en 1520 et de Condom en 1604, on obtient un total de 877 paroisses. Le chanoine Durengues évoque environ 1 000 paroisses pour le diocèse d’avant 131729. Le département du Lot-et-Garonne est significativement moins grand que le diocèse du XIIIe siècle, des paroisses de l’est sont passées au Tarn-et-Garonne, du sud au Gers, et de l’ouest à la Gironde mais une partie du diocèse de Bazas se trouve aujourd’hui en Lot-et-Garonne. L’ancien diocèse représente environ 340 communes ce qui donne une moyenne de près de 2,6 anciennes paroisses par commune mais, selon les notes du chanoine Durengues, l’actuelle commune de Villeneuve compte 13 anciennes paroisses et annexes, Monflanquin 9, Moncrabeau 7, Port-Sainte-Marie 5 pour ne prendre que quelques exemples. Jacques Clémens30 a souligné que “les visites épiscopales révèlent une soixantaine de bourgs pour lesquels l’église matrice était éloignée de un à deux kilomètres, parfois jusqu’au XIXe siècle”. Il en conclut à “l’adaptation tardive de la géographie religieuse à la transformation d’un habitat dispersé, hérité sans doute de l’époque gallo-romaine”. Cette prolifération de micro-paroisses que l’on constate les pouillés des XIVe-XVIe siècles comme dans les textes du XIIIe siècle analysés par le bullaire de Valier représente une caractéristique pérenne de l’Agenais.
Dans une perspective géographique avec un arrière-plan historique sur le long terme, Pierre Deffontaines a depuis longtemps souligné l’importance et le nombre des “petites églises romanes et de l’organisation de la division en multiples paroisses adaptées au peuplement primitif dispersé”31. Il affirme plus loin : “la colonisation s’est faite plutôt par petites exploitations isolées, encadrées en paroisses, que par villages rassemblés autour d’un seigneur”32. Plus récemment, avec une approche historique centrée sur le Saisimentum comitatus Tholosani de 1271, Florent Hautefeuille33 aboutit à une conclusion similaire : en bas-Quercy et dans une bonne partie de l’Agenais, on rencontre des églises isolées, avec fonts baptismaux et cimetière desservant de petites paroisses très pérennes de 300-500 ha, dont le statut peut varier dans le temps d’annexe à matrice et réciproquement. Les véritables villages restent rares en dehors des chefs-lieux de juridiction.
Le maillage paroissial qui se met en place entre le IXe et le XIIe siècle, dans ses aspects fiscaux et territoriaux34 repose sur un réseau d’églises rurales en grande partie préexistant. Les éléments les plus anciens du cartulaire de Condom35, avant le milieu du XIe siècle, laissent supposer que les petits sanctuaires paroissiaux prolifèrent déjà, le cas le plus caractéristique étant celui de la grande villa de Tamvilla donnée à l’abbaye dans ses tout débuts avec une église Saint-Hilaire avec deux autres, Saint-Étienne et Saint-Martin qui lui étaient soumises36.
Élisabeth Zadora-Rio37 a contribué à renouveler notre vision de l’occupation du sol du haut Moyen Âge en révélant la densité de l’habitat rural à cette époque et en remettant en question l’hypothèse d’un fort déclin démographique pendant le haut Moyen Âge. Aujourd’hui, en contestant la dépopulation et la reforestation durant cette période, on minimise donc la recolonisation du XIe siècle. Les fouilles permettent d’entrevoir l’existence de lieux de culte, souvent construits en pierre, plus nombreux qu’on ne le pensait. Il faut en grande partie remiser l’idée que la multiplication des fondations de paroisses allait de pair avec le défrichement. Il y a eu pourtant des reconfigurations importantes qui se sont progressivement accompagnées de l’apparition de nouvelles paroisses.
Des travaux sur la vallée du Dropt38 ont montré comment en combinant données de dédicace, d’hagiotoponymie, d’archéologie39 on peut “supposer que la création de beaucoup de paroisses est antérieure à l’an Mil”40 même si, pour cette période, il faut mieux parler de “création de lieux de culte plutôt que de paroisses”41. Entre le XIe et le XIIIe siècle, l’histoire des églises et des paroisses sort lentement de l’ombre.
Parallèlement, de nombreux bourgs, sauvetés, bourgs monastiques, castelnaux, bourgs castraux, puis bastides dans la deuxième moitié du XIIIe siècle se surimposent à la trame d’un habitat jusque-là fondamentalement dispersé. La structuration “urbaine” est lacunaire et tardive jusqu’au XIIIe siècle, les bourgs de type mixte sont nombreux. Mais ni les uns ni les autres ne marquent significativement le réseau paroissial42 qui ne s’accroît pas en fonction des nouveaux habitats groupés. Souvent, seule une chapelle est construite dans le bourg et elle ne devient paroissiale au détriment de l’ancienne église “matrice” qui garde le cimetière à 500 m ou 2 km du bourg, au mieux qu’à la fin du XVe siècle, plus souvent dans le courant du XVIIe et encore plus fréquemment à la Révolution ! La bastide de Villeréal est une des rares agglomérations nouvelles qui réussit à créer d’emblée sa propre paroisse.
De petites églises très anciennes
Les églises sont un bon marqueur dans le paysage et de la présence chrétienne et d’une organisation communautaire. Catherine Petit-Aubert43 a fait une description des traces de la christianisation au haut Moyen Âge à partir des sites funéraires, parfois à proximité d’une église et d’un habitat antique. Elle souligne ensuite le dense semis d’églises romanes et l’enchevêtrement des pouvoirs et des territoires religieux et laïcs du xie siècle autour de Laplume. Alors que l’on peut avoir la certitude qu’il y avait déjà de nombreux lieux de culte dans les campagnes avant cette époque, on peine à retrouver leurs vestiges.
Il n’y a guère à notre connaissance qu’une étude approfondie d’un bâtiment partiellement préroman, l’église Notre-Dame de Sérignac44. Les auteurs notent dans le chevet à pans coupés des caractéristiques qui permettent d’envisager une date antérieure à l’an Mil. Cette partie a été enchâssée par une construction intérieure d’une abside avec une voûte en cul-de-four et la travée droite renforcée pour supporter une coupole et un clocher. L’archéologie du bâti a donc bien du mal à nous apporter quelques certitudes sur les dates des différentes campagnes de construction. Cette étude montre même les précautions à prendre face aux datations admises par des spécialistes reconnus qui n’ont pas pu ausculter directement les murs.
Aujourd’hui encore, le paysage rural agenais est fortement marqué par ce semis de petites églises que les visites épiscopales de la fin du XVIIe siècle45 permettent de voir dans un état encore très largement médiéval : elles portent les traces de destructions qui sont attribuées aux “hérétiques” mais sous Mgr Mascaron, elles sont déjà largement remises en état. Les fenêtres sont encore fréquemment peu nombreuses, petites et sans vitre, les sols mal pavés ou même non pavés, les nefs, souvent uniques, presque toujours non voûtées, souvent non lambrissées. Les procès-verbaux de visites épiscopales indiquent des églises rurales faisant 10 à 20 cannes de long, 3 à 6 de large, et 5 à 10 de haut ; la canne équivaut à 1,7-2 m, ces petits sanctuaires avaient donc 80 à 200 m². Les plans cadastraux des églises donnent des dimensions extérieures qui varient de 16 à 22 m pour la longueur et de 6,25 m à 10 m pour la largeur soit des dimensions intérieures voisines de celles déduites des visites épiscopales. On observe un chœur très souvent voûté en cul de four comme l’attestent les nombreuses églises qui subsistent, un clocher souvent “en triangle au bas de l’église”, parfois sur l’arceau du chœur et pour les plus importantes “une tour au milieu de l’église”, c’est-à-dire sur la croisée du transept. Le dossier iconographique joint permet de saisir ce qu’étaient ces petites églises de campagne.
Ces très petites paroisses ancrées sur des églises exiguës pouvaient se trouver groupées avec d’autres. Les pouillés édités citent aussi fréquemment deux ou trois églises ayant le même capellanus ou rector mais il ne s’agit pas toujours de groupements stables vers 1320-1520, encore qu’il soit parfois difficile d’en juger car certaines listes ne mentionnent pas nécessairement toutes les églises pour lesquelles un capellanus est taxé. Dans l’archiprêtré de Ferrussac, Montagudet n’est pas groupée avec les mêmes paroisses en 1326 et 152046, de même Aurignac de 1384-1385 à 152047. En revanche, Angerat et Bimont ont le même recteur en 1326 comme en 1384-138548, etc. Durengues a parfois relevé dans les registres pontificaux le cas de paroisses voisines octroyées à un même clerc, sans doute parce vacantes en même temps et d’ordinaire aux mains du même curé, par exemple en 1318, Tauziette, Saint-Martin-le-Vieux, Saint-Germain et Saint-Jean de Cauderoue, toutes à côté de Nérac (228)49. Mais il n’est pas exclu que certains groupements, pourtant assez pérennes, découlent de hasards bénéficiaux plus de que la territorialisation de l’action pastorale (1010). Le bullaire de Valier pas plus du reste que les pouillés du XIVe siècle – qui sont avant tout des listes fiscales – ou même celui compilé par Valier ne permettent d’envisager une hiérarchie bien définie entre des églises matrices et leurs dépendances, pourtant cette notion a cours comme le montre une lettre de Clément V du 1er juillet 1309 où il est question de diverses cures avec leurs annexes : Tournon, Bourlens, Port-de-Penne, etc.50et l’on rencontre parmi les témoins d’une des cessions conservées en original (350-2) justement le gouvernaire de la gleias de Torno. Pérennes ou non, ces assemblages de microparoisses jetaient sur les chemins ceux des curés qui n’avaient pas de vicaires mais il y avait alors un clergé séculier nombreux, voire une véritable plèbe sacerdotale qui en ville, voire dans les bourgades, avait la ressource des services obituaires51 et qui pouvait s’occuper aussi de petits sanctuaires ruraux, souvent réduits aujourd’hui à l’état des ruines délaissées dans des hameaux désertés.
L’éparpillement paroissial dont le bullaire de Valier nous rend témoins, la mention d’églises et de dîmaires disparus nous montrent une zone restée fortement marquée par la dispersion de l’habitat dont la floraison de bastides, particulièrement forte dans le diocèse d’Agen52, est le reflet inversé dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Mais la force de la structuration paroissiale née du IXe au XIIe siècle fut telle qu’elle perdura quasiment jusqu’au XVIIIe siècle simplement avec des ajustements mineurs. Il ne faut pas s’étonner si à la fin du XIIIe siècle, lorsque s’achèvent les délaissements des dîmes à l’évêque, un réseau paroissial en partie dépassé reste fortement structurant. La trame territoriale des paroisses s’inscrit dans le temps long, les cessions de dîmes aussi puisqu’elles débutent avec la Réforme grégorienne, mais le bullaire de Valier n’enregistre qu’une phase tardive de ce processus sur seulement cinquante ou soixante ans et renvoie donc à un contexte que nous nous efforcerons de préciser.
Les cessions de dîmes vers 1240-1290
Une phase chronologique bien délimitée
Nous avons compilé les dates de fin et de début de chaque bulle et pointé tous les cinq ans le nombre de documents dont la fourchette chronologique comprend toute cette période dans la série 153. Lorsqu’il y a une divergence entre deux versions de chaque bulle, nous avons choisi la date de début la plus précoce et la date de fin la plus tardive. Deux autres types de données ont été reportés selon les mêmes intervalles de cinq ans que pour la série 1. La série 2 indique le nombre d’actes copiés dans les trois bulles originales lisibles ou presque intégralement lisibles, et des autres actes datés ou datables approximativement54, la série 3 cumule ces données avec celles des bulles vues par le chanoine Marboutin mais disparues aujourd’hui. Les profils des séries 2 et 3 ne coïncident pas tout à fait avec celle la série 1, dans la mesure où elles ne comprennent que peu d’éléments dont un (bulle G/D 34) se concentre sur la décennie 1280-1289 ; ce second ensemble de données n’est pas entièrement significatif par rapport à la masse documentaire fondant la première série mais il présente l’avantage de ne pas lisser les chiffres sur une période de 20 à 30 ans comme le premier et suggère une courbe à deux maximums, avec peut-être une seconde vague vers 1280-1290, approximativement sous l’épiscopat de Jean Jerland (1282-1291). Mais toutes les séries concordent sur le début du mouvement et son accélération brutale peu après 1250, et pendant une quinzaine d’années.
Cette vague de cessions constatée dans le diocèse d’Agen correspond partiellement à ce que Jean-Louis Biget avait observé dans le diocèse d’Albi où le processus commence sous l’épiscopat de Durand de Beaucaire (1228-1254) et culmine vers 1275-1285, que l’on considère l’évêché, le chapitre Sainte-Cécile ou la collégiale Saint-Salvi55. Ici le démarrage intervient vers 1240 mais surtout on observe un pic vers 1250-1255 sous l’épiscopat de Guillaume I (1247-1262), le maximum secondaire du temps de Jean Jerland (1282-1291) est bien modeste, le processus de délaissement entre les mains de l’évêque s’étire sur un demi-siècle mais l’essentiel s’est peut-être opéré durant le 15 ou 20 premières années, à en juger du moins par les datations précises d’un échantillon de moins de 10 % des articles. Ce transfert massif rend compte de plus des deux-tiers des paroisses où l’évêque lève la dîme en 1520 : sur 49 items pour 56 paroisses ou annexes mentionnés dans la liste des dîmes où l’évêque lève la dîme, seuls 13 items et 17 paroisses ne bénéficient pas de transferts enregistrés dans le bullaire, soit entre seulement de 28 % à 30 % des paroisses où l’évêque lève la dîme. Il conviendrait de s’interroger sur l’origine des autres mais cela relève d’une autre recherche, de même que démêler la part du chapitre cathédral dans le bénéfice de ces cessions, même si les bulles de Clément V s’adressent aussi à lui et si parfois la donation va à l’évêque et à son chapitre, par exemple (300).
L’épiscopat à la reconquête des dîmes : quelques jalons
De la réforme grégorienne à Latran IV et aux grands corpus canoniques
Que des laïcs se dessaisissent de droits afférents à une église en faveur d’une institution ecclésiastique n’a rien de nouveau, il s’agit d’un mouvement qui s’enclenche à la réforme grégorienne. Le synode romain de 1078 repris par le canon 10 de Latran II en 1139 avait abruptement déclaré que les laïcs détenteurs de dîmes commettaient un sacrilège et risquaient la damnation s’ils ne les rendaient pas à l’Église ; de façon sans doute plus réaliste, Latran III (c. 14) et, à sa suite, les Décrétales de Grégoire IX condamnent non la détention de dîmes par des laïcs mais leur transmission d’une façon ou d’une autre (aliquo modo) à des laïcs, mais l’idée que la mainmise laïque sur les dîmes est bien plus qu’un simple usurpation trouve une formulation abrupte dans une lettre d’Innocent III à l’évêque de Verceil : ce revenu est la marque du dominium (seigneurie) universel de Dieu. En vertu de ce principe, le concile de Latran IV (can. 54) réaffirme, solennellement, l’obligation pour tous les fidèles de verser la dîme à l’Église56. Cette pression morale et la menace parfois de l’excommunication ont déterminé des transferts que l’on perçoit très bien dans les cartulaires des grands monastères, à défaut pour la région de cartulaires épiscopaux, mais à vrai dire, ces délaissements profitent d’abord aux établissements réguliers.
Si l’on prend en considération le cartulaire de Condom, une différence majeure apparaît vite : l’aristocratie laïque, petite ou grande, abandonne c. 950-1190 non pas les seules dîmes mais des ecclesie, entières ou par fraction cum omni censu/jure ecclesiastico57, cum rebus ecclesiasticis58, cum appendiciis suis59, il peut s’agir de prélèvements sur les récoltes60, de droits d’autel, ou carrément de terres61. Il n’est question spécifiquement de dîmes que dans quelques actes62. La plupart ne comportent pas d’éléments de datation, l’un est de 1074, deux certainement de la fin du XIIe siècle, un autre probablement ; l’inconsistance de la liste abbatiale de Condom confrontée à celle des évêques de Comminges et d’Agen laisse en suspens le cas de deux autres. Grosso modo, les cessions de dîmes stricto sensu ne semblent pas appartenir aux actes les plus anciens et le secteur couvert par le cartulaire de Condom pourrait présenter avec, un léger décalage, un profil chronologique assez comparable à ceux du Toulousain et du bas Quercy étudiés par Florent Hautefeuille63 ; avant même le synode de romain de 1078, le concile de Toulouse de 1065 prescrivant que les dîmes soient affectées au clergé et aux lieux de culte avait pu jouer un rôle incitatif, comme dans le reste de la France méridionale64. Mais dans l’ensemble ce sont d’abord les ecclesie que de grands seigneurs ou des plus petits ont transférées en nombre, souvent aux grandes institutions monastiques, plus que les dîmes, particulièrement mal démêlées des revenus seigneuriaux65.
Le cartulaire de Condom qui n’a pas encore fait l’objet d’une édition récente soulève une autre difficulté car quelques églises données à l’abbaye pourraient correspondre à des paroisses où beaucoup plus tard l’évêque d’Agen bénéficie de la restitution d’une dîme, peut-être parce que l’abbaye en recevant l’ecclesia n’a pu faire valoir ensuite ses droits sur tous les revenus dîmaires : Vilota (114) ; Sarraute et Lasserre (Saint-Martin) (160) ; Béraut (167), (673) ; Lasserre (Saint-Laurent) (333) ; Cannes (426) ; Gardera (455) ; Cauzac (Saint-Pierre) (740) ; Saint-Pierre-de-Buzet (877-1) ; Lannes (896). Les cas de Cannes et de Cauzac sont de nature à susciter l’embarras : l’assimilation du lieu cité dans le bullaire avec celui mentionné dans le cartulaire de Condom ne fait pas trop de doute et la cession de la dîme à l’évêque d’Agen semble porter sur la totalité de ce droit.
Quoi qu’il en soit, les dons de dîmes occupent néanmoins une place importante dans le développement des établissements réguliers aux XIe-XIIe siècles mais, dans le bullaire de Valier, il s’agit d’une tout autre période et de transferts qui ne vont plus à une institution régulière plus ou moins récente mais directement à l’évêque.
L’action collégiale de l’épiscopat au XIIIe siècle : contre décimateurs et dîmiers laïcs
Il y a une relation évidente entre le début des cessions de dîmes rapportées par le bullaire de Valier et les prescriptions du synode de Bordeaux en 1234, tenu sous la présidence de Géraud de Malemort, qui comporte plusieurs canons sur les dîmes qui doivent être étendus à toute la province de Bordeaux, donc à l’évêché d’Agen. Certains seraient la réédition de décisions prises sous l’archevêque Guillaume Amanieu (1207-1227). Le synode se situe sur le double plan du droit et de la morale : il stigmatise les laïcs qui “mus par la cupidité et l’avarice, osent garder des dîmes au péril de leurs âmes”66 mais prend implicitement acte du fait que la détention de dîmes par des laïcs est chose courante et ne cherche pas à l’interdire de façon frontale. On y admet une prescription acquisitive de vingt ans pour les dîmes novales tout en visant spécifiquement ces dernières (qui sont peut-être encore chose courante) et, surtout, le texte synodal multiplie les mesures pour entraver la disposition de toutes les dîmes anciennes ou nouvelles, ce qui correspond tout à fait à l’esprit des Décrétales qui sont promulguées cette même année. D’abord, il est interdit d’accorder audience en cour ecclésiastique à des laïcs détenteurs de dîmes, sauf s’ils le sont avec l’autorisation de l’Église67. Aucun laïc ne peut “vendre, acheter ou obliger les dîmes, sauf aux églises dont elles dépendent”, sous peine d’excommunication68, autrement dit le propriétaire d’une dîme ne peut en disposer qu’en faveur de la paroisse dont elle relève. Les sanctions visent les décimateurs (possesseurs) et les dîmiers leurs agents ou leurs fermiers69. Les dîmiers laïcs sont menacés d’excommunication70, et le cimetière où ils auraient été inhumés frappé d’interdit. S’agissant de dîmes novales, le concile va plus loin : les dîmiers et leurs femmes et leurs enfants sont écartés des sacrements (mariage, eucharistie, pénitence) et privés de sépulture ecclésiastique mais leurs fils peuvent toutefois recevoir les ordres71, et les prêtres qui contreviendraient à ces dispositions sont menacés d’interdit72. Odette Pontal qui a édité ce texte remarque que, jusque-là, les conciles généraux de Latran III et Latran IV “se contentaient d’interdire aux clercs de recevoir des dîmes de la main des laïcs73” ; cette fois, les évêques s’attellent à prendre tout un faisceau de dispositions juridiques contraignantes. En d’autres termes, faute de pouvoir confisquer des revenus patrimoniaux ou d’en empêcher la transmission héréditaire ou à titre dotal, les autorités ecclésiastiques s’efforcent de les rendre impossibles à monnayer, à donner en gage ou à négocier (pas même au profit d’un clerc dans le cadre d’un pacte de famille), voire à en empêcher ou gêner l’administration et la perception en s’en prenant aux agents des décimateurs.
Ce synode réuni au début du très long épiscopat de Géraud de Malemort concorde avec ce que l’on peut deviner de son intervention lors de la vacance du siège d’Agen en 1228, ses lettres à ce sujet, un quart de siècle après, posent le principe que l’évêque d’Agen était alors en possession des dîmes dans son diocèse [(1114) notes ; (1116) et (1117)]. Les synodes de Bordeaux de 1255 et 1263 ont repris ces dispositions74.
Don de dîmes aux réguliers et contrôle épiscopal
Ces positions de principe que les évêques s’efforcent de faire entrer en application au profit tant des paroisses que de l’évêché, correspondent aussi à une restauration de l’auctoritas ordinaria dans le diocèse. Latran III en 117975 et Latran IV en 121576 ancrèrent bien le principe selon lequel les réguliers ne pouvaient recevoir d’églises ou de dîmes qu’avec l’accord de l’évêque du diocèse. C’est aussi ce que réaffirme le synode de Bordeaux en 1234 en interdisant toute cession de dîmes à des ecclésiastiques à titre individuel ou comme institution sans l’accord de l’ordinaire, sauf au décimateur de la paroisse qui doit en reverser le quart à l’évêque, et ce sous peine d’excommunication et de confiscation de la dîme au profit de la paroisse ou de l’évêque77 ; un cimetière où seraient ensevelis des contrevenants pourrait être frappé d’interdit78.
Dans un premier temps, la Réforme grégorienne a pourtant d’abord bénéficié aux institutions régulières gratifiées de sanctuaires et de dîmes par dizaines parfois, mais lorsqu’au IX-Xe siècles, de versement caritatif plus ou moins exceptionnel, la dîme était devenue un prélèvement institutionnel, sa levée et son affectation étaient déjà censées en principe relever de l’évêque79. Aussi bien le délaissement des dîmes au profit de telle ou telle abbaye s’était-il déjà presque toujours opéré avec l’approbation épiscopale, au moins pour la forme, avant d’aller désormais plutôt à l’évêque et au chapitre cathédral80. Dès le premier tiers du XIIIe siècle, La pression collective de l’épiscopat se fait plus vigoureuse, et contre les décimateurs laïcs et pour limiter l’appétit des réguliers.
Sources
L’Agenais compte quelques établissements monastiques importants mais inégalement éclairés par la documentation. Les archives des abbayes bénédictines sont connues pour celles de Clairac par des actes épars et un recueil récemment retrouvé au Latran81, pour celles d’Eysses par un petit ensemble d’actes conservés à Moissac portant essentiellement sur les rapports entre Eysses, Moissac et l’évêque d’Agen et des compilations faites par les mauristes82. Ces derniers ont aussi laissé des analyses d’actes concernant l’abbaye de Saint-Maurin83. Les documents des cisterciens ont à peu près complètement disparu mais ne pourraient de toute façon pas nous être utiles puisque, sauf exception, leur ordre a refusé de recevoir des dîmes84. Parmi les prieurés importants, le Paravis, de l’ordre de Fontevraud, a conservé un inventaire de ses actes fait en 1705 et un dossier d’originaux85. Les commanderies templières et hospitalières peuvent être éclairées par les archives du Grand Prieuré de Toulouse et les études qu’elles ont permises, aussi bien d’érudits86 que d’universitaires87. Grâce aux copies de dom Gaspar Dubois, on conserve à propos du prieuré de Sainte-Livrade88 de nombreux textes sur le partage de la justice au XIIIe siècle mais également deux actes révélateurs pour notre propos. Il faut se tourner aussi vers le Grand Cartulaire de la Sauve Majeure pour le XIIe siècle car cette abbaye avait de nombreux prieurés en Agenais89. Les Documents sur la maison de Durfort apportent des compléments pour un grand XIIIe siècle étendu jusqu’en 131090.
Exemples
Les évêques d’Agen comme tous les autres ont soutenu le renouveau monastique, ils ne manquent pas d’assister à la consécration des nouvelles abbatiales en 1011 à Saint-Pierre de Condom, en 1097 à Saint-Maurin, à la fondation du prieuré clunisien de Moirax en 1049 et à la donation de Layrac à Cluny en 1064. Par la suite, aux XIIe et XIIIe siècles, l’évêque donne de nombreuses églises à des monastères, à la Sauve en particulier91mais aussi au Paravis, à Saint-Maurin, à Eysses et à divers prieurés. Le monastère de Sarlat possède également de nombreuses églises en Agenais si l’on en croit les bulles d’Eugène III de 1153 et d’Alexandre III de 117092. Si une seule est mentionnée ex dono venerabilis fratris nostri Helie Aginnensis episcopi, l’importance de cette présence et l’absence de trace de contestation permettent de penser que cette situation n’a pu se faire qu’avec l’accord et peut-être même les encouragements de l’évêque d’Agen, comme pour la Sauve.
Il en va de même des dîmes stricto sensu, ainsi à propos de la vingtaine à être cédées en Agenais à la Sauve Majeure entre 1079 et 1216, les notices du Grand Cartulaire93 mentionnent sauf exception94 la confirmation de l’évêque ; le don de la dîme du village éponyme du lignage par Raymond Bernard de Bedeyssan (=Bréchan) et sa famille n’en font pas état mais viennent après un don de l’évêque lui-même en 1105 et une confirmation épiscopale entre 1118-112895.
En 1130, la lettre de l’évêque Raymond-Bernard du Fossat à l’abbesse de Fontevraud qui relate, implicitement pour les confirmer, les dons faits par diverses familles aux moniales du Paravis, montre une claire différence entre les terres remises directement au nouveau prieuré et une dîme qu’Amalvin du Paravis, sa femme et leurs fils ont d’abord abandonnée à l’évêque qui l’a ensuite donnée aux religieuses en réservant son droit épiscopal96. Une analyse des actes concernant la commanderie de Romestaing, réalisée à partir de l’inventaire de 168997, montre aussi l’importance des dons de dîmes dans les actes qui concourent à la fondation de cet établissement, déjà au début de la deuxième moitié du XIIe siècle. Nous n’avons pas pour Romestaing de confirmations épiscopales mais les exemples de la Sauve, de Sarlat, du Paravis montrent que la consolidation de ces nouveaux patrimoines ecclésiastiques passait par le bon vouloir de l’évêque.
Quelques conflits
Au XIIIe siècle, Les évêques continuent à donner à des réguliers des dîmes situées au cœur de leurs possessions. Arnaud de Rovignan a cédé la dîme de Pélagat à l’abbaye de Clairac pour fonder son anniversaire d’après l’obituaire de Clairac98 et, en 1216, plusieurs autres au prieuré du Paravis99 qui plus tard en 1280, reçoit celle de Senteville d’Arnaud de Got100. Dans le cas de cet établissement assez bien documenté, on voit qu’avec ou non le concours direct de l’évêque, l’acquisition de dîmes a contribué à l’emprise sur un domaine rural et qu’elles apportaient une rente conséquente101. L’évêque ne répugne pas à en céder aux monastères tout en réaffirmant son droit éminent par le biais de la confirmation des donations faites directement à telle ou telle institution aux XIe et XIIe siècles. Cela n’exclut pas quelques conflits.
Alors que de nombreux bourgeois de Condom ont abandonné des dîmes à l’évêque aux alentours de leur ville, zone que les abbés de Condom devaient auparavant considérer comme leur pré-carré, Geraldus de Podio en cédant à l’ordinaire ses droits sur les paroisses de Sanctus Supplicius et Saint-Martin-de Plieux, réserve le cas d’un quart de la dîme d’Heux disputée entre l’évêque et l’abbé (598). Mais à cette exception près, le bullaire ne se fait pas l’écho de ces différends, étrangers à l’objectif poursuivi par l’évêque Bertrand de Got lorsqu’il a recherché la confirmation pontificale des dîmes cédées. Pour autant, on ne saurait en faire abstraction ici. Parfois, des dîmes en même temps que le droit de patronage de telle ou telle église font l’objet de litiges entre l’évêque et des réguliers, comme les prieurs du Lédat et de Sainte-Livrade, qui se soldent par un compromis en 1258102. En 1274, le patronage et les fruits décimaux de la paroisse de Sauvagnas sont finalement partagés par moitié entre l’évêque d’Agen et le précepteur des templiers du lieu103. Fort de ces deux exemples, on peut se demander si, dans le conflit du milieu du XIIIe siècle entre l’évêque et son chapitre d’une part, les moines de Sainte-Livrade et La Chaise-Dieu d’autre part, sur la nomination “aux cures et bénéfices” du prieuré de Sainte-Livrade104, il était aussi question de droits sur les dîmes.
Lorsque des institutions ecclésiastiques s’en disputent, ainsi le chapitre Saint-Étienne d’Agen et l’abbaye de Saint-Maurin, à défaut d’imposer son jugement, l’évêque Guillaume II intervient en arbitre ; sont attribuées au chapitre : l’église de Fraysses (annexe de Puymirol) et la moitié de Saint-Urcisse, à l’abbaye : Gandailles et Saint-Sixte, la moitié de Tayrac. L’évêque donne en plus à Saint-Maurin les dîmes de Gandailles, l’église Saint- Martin de Saint-Maurin, Notre-Dame de Ferrussac, Saint-Pardoux de “Garguizville”105, la moitié de la dîme de Saint-Julien de Magaval, l’église Saint-Caprais de Cauzac, la moitié de la dîme de Notre-Dame de Roquecor, l’église Saint-Genès de Golfech, Saint-Pierre de Cambosc, Saint-Pierre de Lalande, Saint-Pierre de Ségougnac, la dîme de l’église de Caillavet. On ne sait si ce “don” n’est pas plutôt la confirmation de possessions déjà depuis longtemps entre les mains de l’abbé de Saint-Maurin, mais en 1235 l’évêque avait déjà donné des dîmes à l’abbaye106. L’arbitrage de 1254 est scellé en présence des abbés de Condom, de Moissac, de Clairac, d’Eysses, des prieurs de Port-Sainte-Marie et de Saint-Caprais107. Cela n’empêche pas un conflit violent avec les Durfort sur la possession de certaines dîmes de 1256 à 1260 qui se clôt par l’arbitrage de l’évêque qui laisse presque toutes les dîmes et tènements à Saint-Maurin mais la dîme d’Avelanède et quelques tènements restent aux Durfort108.
Face à la grande abbaye d’Eysses, située dans son diocèse, l’évêque d’Agen doit cette fois accepter l’arbitrage d’autres ecclésiastiques réguliers ou séculiers en mars 1265 : Auger, abbé de Condom, Bertrand de Gardella, chanoine et official d’Agen et Hugues, cellérier de l’abbaye de Moissac, en présence de nombreux témoins dont l’abbé de Saint-Maurin, les prieurs de Nérac, Moirax, Aiguillon. Cette sentence arbitrale définit solennellement les relations d’Eysses, de Moissac et de l’évêque d’Agen et, dans une deuxième partie, l’évêque et l’abbé d’Eysses acceptent le partage de la dîme de quelques paroisses, l’évêque donne le quart de la dîme de Bias et reconnaît à Eysses le droit de présentation aux cures de “Montentezac”109, Monségur, Saint-Avit et Monflanquin moyennant 10 sous de redevance annuelle110.
Quelle a été l’aide apportée collectivement par le chapitre cathédral ? On ne sait. Rappelons que les confirmations papales sont adressées àl’évêque et à son chapitre dans le protocole initial des bulles conservées [(190), (523), (581)]. Le catalogue de 1790 le mentionne d’ailleurs plusieurs fois dans ses analyses [(705), (878), (906), (1148)]. Trois cessions [(616), (711), (932)] proches de Condom se font d’ailleurs à l’évêque et au chapitre comme celle de Saint-Pierre de Bolin (871) et de Laparade (885). Une (787) se fait à l’évêque pour le chapitre Saint-Étienne. Il participe une fois avec l’évêque à une concession de dîme à fief (642). Les chanoines dans la cession (115) reconnaissent la moitié de la dîme de Saint-Colomb de Lauzun111 à l’évêque. Tout cela n’est pas très probant sur la participation générale du chapitre et individuelle des chanoines à la grande affaire des cessions de dîmes.
Il participe à l’accord sur les dîmes avec Saint-Maurin en 1254 mais la querelle opposait directement les chanoines à ce monastère112. Dans le compromis trouvé entre l’abbaye d’Eysses, l’abbaye de Moissac et l’évêque d’Agen en 1265113, les chanoines cités sont très nombreux à signer(onze) mais on ne sait pas quel rôle ils ont joué et les dîmes ne sont qu’un des éléments négociés. La situation du chapitre à cette époque est très mal connue. Beaucoup de ses papiers ont été brulés par les protestants, à tel point que les chanoines doivent demander dès 1567 que l’évêque veuille bien leur rappeler les paroisses relevant d’eux114. La carte que Jean Burias donne des biens du chapitre ne s’appuie que sur les saisies révolutionnaires115.
L’inventaire des papiers du chapitre cathédral fait en 1715116 comporte de nombreuses mentions de dîmes depuis 1203, mais elles concernent parfois la gestion des dîmes au profit du chapitre. Les analyses sont si laconiques que l’on ne peut pas toujours dire s’il s’agit de cessions mais on relève neuf dons (ou confirmations de dons de dîmes au chapitre) entre 1256 et 1359117. L’incertitude quant à la nature des transactions (cession ou confirmation) interdit une comparaison poussée entre les délaissements au chapitre et ceux à l’évêque mais grosso modo, ils semblent se situer dans la même fourchette chronologique.
À en juger par l’inventaire de 1715, l’évêque d’Agen n’a guère donné au chapitre que les dîmes de Verteuil, Grateloup et Monflanquin en 1287118 et l’évêque de Condom celle de Lialores en 1438119. Les dîmes de l’évêque se répartissent sur 46 paroisses et celles des chanoines sur 32. On ne voit qu’un seul recoupement, à Laroque-Timbaut120, car le chapitre n’a des droits à Monflanquin que sur Saint-Hilaire et son annexe Saint-Caprais alors que l’évêque a des droits sur la paroisse Saint-André. Il y a pourtant des restitutions enregistrées dans le bullaire qui concernent des paroisses qui sont dans le dîmaire canonial, par exemple Laparade121. Globalement, on peut dire que si l’évêque et ses chanoines ont parfois collaboré, ils ont bénéficié de cessions de dîmes à peu près au même moment mais leurs aires d’influences sont bien distinctes. L’introduction à l’édition des extraits des obituaires de la cathédrale et de Saint-Caprais que nous venons d’entreprendre, nous amènera à préciser ces points122.
De 1254 à 1264, l’évêque intervient beaucoup dans les affaires de dîmes relevant de réguliers aussi bien pour réaffirmer ses droits que pour veiller à ce que les religieux aient des ressources conséquentes, mais une cinquantaine d’années plus tard, ou son autorité ne suffit plus ou chacun préfère en référer au pape ou au prince. L’attitude de ce dernier, depuis la fin de la dynastie raymondine est un facteur à prendre en considération.
Les princes, appui de l’Église ?
Les principales étapes
Les conséquences du traité de Meaux-Paris
La vague de cessions de dîmes à l’évêque vers 1240-1290 tient pour beaucoup aux succès de l’action collégiale de l’épiscopat mais celle-ci s’inscrit en Agenais dans un contexte politique devenu a priori plus favorable que par le passé à la défense des droits de l’Église. Les statuts de Pamiers promulgués par Simon de Montfort en décembre 1212 obligeaient en principe les laïcs à céder toute dîme123, mais sans grand effet en ce qui concerne le diocèse d’Agen. L’événement majeur du début du XIIIe siècle pour l’Agenais est la victoire des armées françaises croisées contre le comte de Toulouse qui se traduit par la signature du traité de Paris le 12 avril 1229124. Il s’agit d’une soumission. Le comte Raymond VII accepte le mariage de sa fille unique avec un frère du roi125, ainsi que la transmission du comté à la couronne si le couple n’a pas d’enfant. Parmi de nombreuses autres dispositions, il promet également de “solder” toutes les dîmes et d’en faire faire autant aux chevaliers et autres laïcs les détenant en dehors des dispositions de l’Église. L’Agenais a vu se développer l’hérésie cathare, mais moins sans doute que l’Albigeois et le siège épiscopal n’y a pas connu les mêmes vicissitudes que celui d’Albi sous Guilhem Peire (1185-1227), aussi la comparaison avec ce diocèse quant à l’impact des aléas politico-militaires (croisade puis l’expédition royale de 1226)126 est-elle malaisée.
Depuis qu’il a réussi à reconquérir ses possessions sur Amaury de Montfort, Raymond VI avait engagé un processus de reconstruction du pouvoir princier et avait tiré avantage du paréage imposé par Simon de Montfort à l’évêque d’Agen qui avait auparavant reçu des ducs d’Aquitaine la comitalia sur Agen et son diocèse des ducs d’Aquitaine [(1118), (1124)–(1126)] : en 1224, son fils et successeur confirme le paréage de 1217 ne laissant à l’évêque que la moitié de la justice séculière127 ; Raymond VII contraint d’accepter le traité de Paris, poursuit la même politique de restauration de l’état raymondin et résiste par inertie lorsqu’il s’agit d’appliquer le traité de Meaux-Paris. En avril 1233, il promulgue des statuts contre les hérétiques128, mais se garde bien d’aborder le sujet des dîmes129 qui aurait le fâcheux effet de lui aliéner l’aristocratie.
Mais après l’échec de la coalition contre Louis IX, vaincue à Taillebourg en juillet 1242, le comte de Toulouse doit demander à ses vassaux de jurer de respecter la paix de Paris. Les communautés130 de l’Agenais et les nobles s’exécutent fin mars et début avril 1243131 mais il faut en effet compter désormais aussi avec les universitates d’habitants : Agen anime une ligue des villes de 1222 à 1239 qui s’affirme comme un pouvoir autonome, certes contrôlé par le sénéchal132, renforcé par l’élaboration des coutumes133.
Le temps d’Alphonse de Poitiers
Le basculement dans le giron alphonsin en 1249, à la mort de Raymond VII, se fait sans trop heurts, bien que les représentants de la communauté d’Agen aient refusé une première fois de prêter serment en décembre 1249 et qu’ils aient dû aller le faire quelques mois plus tard devant la reine Blanche134, afin d’obtenir des garanties pour leurs privilèges. La prospérité économique qui se développe très rapidement, en particulier grâce au grand commerce du vin, crée un contexte favorable, d’autant qu’elle se poursuit pendant toute notre période et même au-delà. Alphonse de Poitiers dirige fermement son comté mais en respectant une certaine continuité avec l’action de son beau-père135.
Les deux lettres de l’’archevêque de Bordeaux Géraud de Malemort certifiant que l’évêque d’Agen était en possession des dîmes de son diocèse après le traité de Paris et que lui-même lors de son intervention lors d’une vacance du siège d’Agen les avait fait lever (vers 1228-1232) ne datent que de 1251 et 1252 et à cette date, il s’agit d’une pétition de principe [(1116), (1117)] et d’une anticipation d’un ordre ecclésiastique plus complet !
C’est avec les ordonnances de réformation de 1253136 que nous trouvons la première mention générale explicite d’une action publique contre les condamnés pour possession de dîme. Il est demandé au sénéchal que ceux qui sont excommuniés pro decimis soient traités conformément aux ordres du comte, ce qui laisse ouvertes bien des possibilités. Mais ensuite, les autres mentions générales ne datent que de la fin du règne d’Alphonse de Poitiers : dans la correspondance administrative, il s’agit essentiellement de trois lettres au sénéchal pour la défense des droits de l’évêque en matière de dîme, la première de 1267137, les deux autres de 1269138 ; avec le Parlement de Toulouse de 1270, on ne rencontre que le règlement de conflits locaux, mais pas de dispositions générales139. C’est peu pour un dirigeant que l’on présente comme un homme énergique et qui n’a pas hésité à adresser à son sénéchal de Toulouse et d’Albi un ordre en faveur de l’évêque d’Albi dans des affaires de dîmes en décembre 1268140. Néanmoins, il y a une correspondance presque parfaite entre la prise en main de l’Agenais par les hommes d’Alphonse de Poitiers et le début de la première grande vague de délaissements de dîme qui ne peut relever du hasard, non plus que les interventions archiépiscopales. La semonce de 1253 et l’ombre portée de la puissance capétienne ont dû suffire à enclencher un mouvement de fond, sans qu’il y ait eu besoin d’interventions princières ciblées.
Entre Capétiens et Plantegenêts
Les décès d’Alphonse de Poitiers et de Jeanne, son épouse, en 1271, ouvrent un moment d’hésitation car le traité de 1258 entre Louis IX et Henri III d’Angleterre141 avait décidé que, si le comte de Toulouse mourait sans enfants, l’Agenais ferait retour au roi d’Angleterre. En effet, ce territoire était venu dans le domaine toulousain par la dot de Jeanne d’Angleterre, mère de Raymond VII ; le principe juridique du retrait lignager confortait les revendications du roi d’Angleterre sur l’Agenais dans la négociation entre un roi de France qui voulait alors absolument solder le conflit séculaire avec les Plantegenêts, en les réintégrant dans l’ordre féodal à son profit, et un roi d’Angleterre porté aux concessions car à court d’argent142. Pourtant, si tôt apprise la mort du comte et de la comtesse de Toulouse, le sénéchal royal de Carcassonne, Guillaume de Cohardon, prend l’initiative de saisir l’ensemble du comté. Les serments d’allégeance nous sont conservés dans le Saisimentum143. Les Agenais, barons, chevaliers et autres nobles avec les consuls d’Agen et des autres villes demandent une réunion du parlement ou Cour générale selon les coutumes du pays144. La situation reste incertaine jusqu’à la cession de l’Agenais à Édouard Ier, le 9 août 1279145 ; cette période ne voit donc pas d’initiatives fortes du roi de France dans l’administration de l’Agenais.
Là encore, la continuité va prévaloir. Elle peut être symbolisée par la confirmation (souvent intégralement et mot à mot) par Édouard Ier des coutumes des bourgs précédemment concédées par Alphonse de Poitiers. Il en va quasiment de même pour les affaires de dîmes. Édouard Ier, conforte les droits de l’évêque en novembre 1280, ceux du chapitre Saint-Étienne d’Agen en juin 1289 et puis du chapitre du Mas qui est en conflit avec Amanieu de Madaillan, Bertrand de Caumont et quelques autres sur la paroisse de Dolmayrac, et avec Guillaume-Raymond de Piis et Betz de Cazeneuve pour les paroisses de “Artz”, Lafitte, Hautes-Vignes et la moitié de Lagruère146. Les affaires du chapitre du Mas sont les seules où nous connaissons les protagonistes. Le roi-duc soutient aussi un clerc de Bérard de Got qui, comme recteur de l’église de Montastruc éprouvait de la difficulté à en percevoir les dîmes147.
La Guerre de Gascogne bouleverse ce bel édifice. La commise prononcée le 19 mai 1294 est suivie d’une série d’attaques et de contre-attaques qui se terminent par la victoire des armées françaises en février 1297. L’emprise du roi de France s’exerce alors directement sur l’ensemble de l’Aquitaine mais souvent dans le trouble et l’incertitude jusqu’à la paix liée à un retrait des Français, conclue en 1303.
Sauf au début du principat d’Alphonse de Poitiers, l’évêque n’a pas toujours été fermement soutenu sur le terrain par le pouvoir princier – qui avait plus à perdre qu’à gagner à intervenir pour obtenir de tels ou tels laïcs qu’ils lui cèdent leurs dîmes, sinon indirectement par des déclarations de principe, dont on ne peut toutefois pas minorer la portée. Mais surtout les prélats se sont trouvés fort démunis pour endiguer des usurpations récentes, au cours d’une période particulièrement troublée, au début du XIVe siècle.
La garantie pontificale face au désordre
Après la paix de 1303, la restauration de l’autorité princière s’avère difficile. Les parties mécontentes d’un procès peuvent porter leur cause en appel au parlement de Philippe IV qui les accueille volontiers. Eugène Déprez a souligné que le traité ne réglait en rien de nombreux problèmes dont celui des juridictions, “les prétentions émises par les officiers du roi de France sur l’exercice de la justice en Gascogne étaient devenues exorbitantes. […] Les sénéchaux anglais en étaient arrivés à perdre toute autorité148.” Rappelons qu’appel voulait dire exemption temporaire de poursuite et protection du roi de France. Patrice Barnabé ne compte pas moins de trente-sept appels en cours en mars 1324149.
Les barons à l’assaut des droits publics
La période est marquée par des désordres : dès août 1304, le sénéchal adresse une requête au roi Édouard Ier au sujet des “excès” du bayle de Lavardac soutenu par Jeanne, dame de Lavardac, alors femme de Pierre de Bordeaux150 contre les officiers du roi. Le bayle et la dame sont allés jusqu’à assiéger le sénéchal dans une maison, ont tué deux personnes et blessé des chevaliers de sa suite.
Le roi-duc doit se montrer conciliant pour ré-asseoir son pouvoir. Mais cela ne va pas sans de délicats arbitrages : les “villes” ont été tellement privilégiées qu’elles ont réussi à étendre leur juridiction151 et le duc d’Aquitaine a perdu le soutien des grands seigneurs alors que la noblesse avait plutôt pris son parti lors de la guerre de 1294-1303 mais n’appuie plus guère Édouard II (1307-1327)152. Après 1312, en fait, tant le roi de France que le roi-duc ont des difficultés avec leurs barons, versant bientôt dans la révolte153.
La cité d’Agen est également troublée par une affaire de meurtre dans l’église Saint-Caprais154 qui provoque une lourde amende contre la communauté en 1303. Ces habitudes de violences favorisaient une dérive vers un brigandage nobiliaire, par exemple contre l’abbaye de Saint-Maurin, et en particulier ses dîmes, à la fin de 1308 : plusieurs sources155 parlent de “meurtres, vols, incendies de maisons et autres méfaits.” Les Durfort, Fumel, Jourdain de l’Isle qui se rendent coupables de ces abus cultivent des attitudes pro-françaises pour mieux tenir tête au roi-duc156.
Leurs pressions sur les communautés deviennent de plus en plus prononcées et représentent une autre forme de violence. Nous prendrons deux exemples : celui d’Agen et celui de Nérac. En 1301, Amanieu du Fossat s’empare des juridictions des paroisses de Fraysses, Cardonnet, Saint-Denis, Laugnac ; les seigneurs de Plèneselve, de Bajamont, Castelnoubel, Laugnac les imitent et font pendre un sergent royal. La partie nord de la juridiction d’Agen est détachée du domaine royal et la communauté d‘Agen perd ses droits et ses revenus sur ces territoires157. Sans doute à peu près au même moment, en tout cas avant 1310, Amanieu d’Albret agresse la bourgade de Nérac, le conflit se termine par un arbitrage rendu à Toulouse dans la cour des Hospitaliers de Saint-Jean, et scellé du sceau du sire d’Albret et de la communauté de Nérac (consulat) qui perd l’essentiel de ses libertés en matière de justice et de nomination des officiers158.
Le roi-duc ne lâche pas prise et fait diligenter une enquête en mars 1311 sur les spoliations de ses droits ; il en ressort un tableau inquiétant. Les résultats, sur le seul bailliage d’Agen159 sont éloquents et montrent l’ancienneté et la profondeur du problème : depuis une dizaine d’années les usurpations de juridiction se sont multipliées du fait d’Amanieu du Foussat à Madaillan, et ailleurs du seigneur de Montpezat, d’Arnaud de Marmande ou de Rainfroi de Bajamont, etc. Les sénéchaux Guillaume de Deen (1305-1308) puis Arnaud de Caupène (1308-1311) et Arnaud Guillaume de Marsan (1309-1311) ne sont pas en reste qui ont détourné des encours, et l’official d’Agen a usurpé le droit de juger des laïcs ce qui fait perdre au roi un revenu de 1 100 £ et Paniget de Bajamont a créé un péage illicite depuis cinq ans160. Les archives de Frespech nous font connaître une autre partie de l’enquête de 1311avec les mêmes types d’abus, mais cette fois certains remontent à 25 ou 30 ans161.
Les nobles ne se contentaient pas d’empiéter sur les droits du roi ou ceux des villes. Ils ont engagé des luttes farouches entre eux. De 1304 à 1309, les deux fils de Guillauma de Durfort s’affrontent les armes à la main162, les textes mentionnent même “une foule de gens d’armes et de pied”. Philippe IV ayant tranché en faveur de l’aîné en février 1308, le sénéchal du roi-duc fait saisir les biens du cadet qui se tourne alors en juillet vers la cour de l’Agenais qui confirme ses droits163, mais le conflit traîne encore un an.
Les démêlés entre les Albret et les Caumont ont été, semble-t-il, plus meurtriers. En juin 1305, une “forte troupe” de 200 fantassins, 405 écuyers, 13 chevaliers et 6 barons est nécessaire pour faire prisonniers Amanieu d’Albret, le sire de Caumont et leurs complices et saisir leurs biens. Deux mois plus tard, fin août, une autre troupe doit se rassembler à Mézin pour contraindre le comte de Foix à cesser de ravager les terres du comte d’Armagnac. Si force est restée au pouvoir public, l’importance des moyens nécessaires pour y arriver montre la gravité des troubles. D’autant que quelques années plus tard (en 1309), les articles 35 et 36 de l’enquête de 1311 montrent la lutte de Jourdain de l’Isle, allié au seigneur de Caumont, contre Garcie du Fossat. Jourdain ravage les terres de ce dernier. On peut rester perplexe devant la conclusion de Jean-Paul Trabut-Cussac : “il n’avait pas fallu moins de deux ans et demi au roi-duc pour arriver à rétablir en Gascogne une administration stable et durable164”.
Le bon pape Clément V
L’Église n’est pas épargnée par ces désordres auxquels elle prend du reste une modeste part avec les abus de l’officialité, mais nous n’avons pas l’équivalent ecclésiastique de l’enquête ducale de 1311. Les dîmes suscitent autant d’appétits nobiliaires que les droits de justice. En 1288, le seigneur de Cancon est condamné par un arbitrage à rendre au prieuré de Sainte-Livrade les droits qu’il avait sur les dîmes de quatre paroisses165. Les Durfort ont cédé des dîmes à l’évêque d’Agen entre 1258 et 1279166 mais ils se montrent particulièrement agressifs vis-à-vis de l’abbaye de Saint-Maurin, entre autres quant aux dîmes. Il y a au moins deux épisodes pour lesquels nous avons gardé trace de conflits violents : 1256-1260167 et 1308-1311. Lors de ce second épisode Bertrand de Fumel, co-seigneur de Pujols accapare les dîmes de Saint-Vincent et Saint-Pierre de Sigongnac168, dans un conflit où sont impliqués pour d’autres raisons169 Bernard-Jourdain de l’Isle, seigneur de Clermont-Dessus, Arnaud de Durfort-Frespech, Bertrand de Durfort, Arnaud de Beauville, Arnaud-Guillaume de Labarthe, une brochette de barons assez puissants. Le pape et le roi-duc menacent170 et, même, Édouard Ier fait emprisonner mais ensuite pardonne171 et le pape concède de nombreux privilèges aux Durfort, dont la dîme d’Hauterive à Gaillard de Durfort, alors ecclésiastique172. Il est d’ailleurs révélateur à ce sujet que le seul document concernant les dîmes en Agenais, conservé dans les rôles gascons de la période de 1303 à 1309, soit une demande du roi-duc à l’évêque pour qu’un clerc, fils de son sénéchal, John de Havering, puisse bénéficier de dîmes près du Mas173. Le roi essaie plus de contenter ses fidèles que de protéger les droits de l’évêque ! La demande est au vrai modeste. Reste surtout que l’attaque des nobles contre Saint-Maurin au début du XIVe siècle se solde aussi par l’intervention du pape et du roi.
Dans cette période propice aux troubles et aux surenchères174, l’évêque comme les princes peut faire fond sur ses capacités administratives, procéder à la recompilation écrite de ses droits. Les évêques prennent alors l’habitude de conserver jalousement les serments que leur rendent les sénéchaux à leur entrée en fonction175. Les délaissements de dîmes étant gardés dans ses coffres, l’évêque aurait pu en faire dresser la recension dans une sorte de cartulaire, un gros registre leur donnant une matérialité ostentatoire mais point de surcroît d’autorité. L’élection de Bertrand de Got comme pape Clément V fit les beaux jours de sa parentèle et, entre autres, de son oncle et homonyme, l’évêque d’Agen qui eut l’initiative, à notre connaissance unique, en tout cas dans la région, de demander et d’obtenir le 2 juin 1309. Le vidimus et confirmation de ces centaines d’actes, à un moment où l’évêque pouvait craindre des remises en cause. Le 15 mai 1309, le pape avait déjà accordé au prélat et à son chapitre la première année des revenus des bénéfices vacants, pendant dix ans, abbayes et prieurés exceptés. Le 1er juillet 1309, il se voit confirmer la possession dans sa mense de dix-huit églises avec leurs annexes176. Peu après, de 1318 à 1324, l’évêque fait vidimer les paréages avec Simon de Montfort et Raymond VII177 pour que les rois et leurs sénéchaux respectent, au moins formellement, ces signes de puissance des évêques d’Agen. Il ne s’agit plus, pour l’essentiel, que d’un souvenir qui doit être conforté par des écrits officiels récents. La distinction est bien nette entre, d’une part, ce qui relève du domaine ecclésiastique et donc de la confirmation pontificale et d’autre part, les droits seigneuriaux qui se situent dans le domaine séculier et relèvent de la puissance du prince. S’agissant des revenus ecclésiastiques les garanties obtenues du pape répondent à un souci de consolidation juridique mais aussi aux besoins financiers liés au chantier de la cathédrale, car ce temps d’incertitude connaît aussi une certaine prospérité viticole et commerciale dans les pays garonnais, ce qui permet d’envisager bien des constructions178.
L’effet d’aubaine que constitue l’avènement d’un pape gascon qui s’est aussi entouré de cardinaux de son pays et fit un séjour prolongé à Poitiers puis à Bordeaux et dans ses environs, avant de quitter le sud-ouest en novembre 1308 pour la vallée du Rhône, multiplia les occasions favorables pour toutes les sollicitations
Dès le 8 août 1308, les habitants d’Agen obtiennent du pape, le privilège de ne pas être cités en justice par lettres apostoliques hors de leur ville et diocèse179. Clément V a dû passer par Lagruère en se dirigeant vers le Languedoc début janvier 1309 car successivement Guillaume Raymond de Piis et son fils Sans Aner obtiennent des gratifications du pape180, dont une prorogation sur deux générations de la concession des dîmes de trois paroisses des environs de Verteuil. L’année suivante, le 5 mai, Isabelle de Bragayrac, épouse d’Amanieu de Madaillan, seigneur de Cancon puis, le 17 novembre, Bertrand de Fumel, seigneur de Pujols181, sont relevés d’un interdit : elle parce que son époux a subi une excommunication pour possession de dîmes et lui pour une cause qui n’est pas précisée mais est très probablement une affaire de dîmes ou une suite de son agression contre les dîmes de Saint-Maurin en 1308.
L’évêque à l’œuvre dans son diocèse
L’évêque face au pays d’Agenais au XIIIe siècle
Dans ce contexte, les principales forces de l’Agenais ont essayé de développer une instance de justice et de concertation, la Cour générale de l’Agenais ; nous en trouvons un écho discret dans le bullaire de Valier, ainsi que de tractations dans des cadres plus restreints.
Le bullaire mentionne explicitement dans la restitution (650) qui concerne les dîmes de Baulens une “composition” entre les chevaliers du Brulhois et l’évêque d’Agen ; l’article suivant (651) n’y fait pas directement allusion mais cite la cession des dîmes de quatre paroisses et aussi dans tout le Brulhois (et etiam in toto Brulezio). Avec (864), il est question d’une éventuelle composition entre l’évêque et les laïcs au sujet des dîmes, sans précision de lieu. Le Recueil des Preuves d’Argenton, par deux fois, à propos des dîmes de Saint-Martin du Puy évoque une “composition” entre l’évêque d’Agen et “barons, chevaliers et bourgeois du diocèse d’Agen”182, mais les articles du bullaire en relation avec ces textes n’y font pas allusion : (514-1) ; de même (60-1) qui ne se réfère pas à l’accord passé entre l’évêque, le chapitre cathédral et leurs vassaux, attribuant à ces derniers la moitié des dîmes tenues, en dehors de toute renonciation, alors que la disposition joue ou a déjà joué en faveur d’un des deux auteurs de la cession183. Les textes copiés par Argenton sur le cartulaire épiscopal ne sont pas les délaissements de dîmes eux-mêmes mais des actes épiscopaux qui leur sont consécutifs pour attribuer une compensation à celui qui a opéré la cession. Le texte original d’assez nombreux délaissements devait néanmoins se référer à un accord entre l’évêque et tel ou tel groupe et, en particulier, à voir la réserve selon laquelle, si survenait une composition générale plus favorable que les conditions particulières de telle restitution, ce serait les nouvelles dispositions générales qui s’appliqueraient.
Cette mention de composition générale renvoie à une des particularités de l’Agenais, la Cour générale de l’Agenais. Thomas Bisson est revenu plusieurs fois sur ce sujet et en a fait la synthèse en 2012184, rappelant d’ailleurs non seulement ses propres travaux antérieurs mais aussi ceux de Jacques Clémens de 1986185 et de Claire Taylor de 2003186, soulignant l’insertion régionale de cette pratique et ses particularités. Ici, nous écarterons le débat sur les origines de cette Cour pour nous concentrer sur son existence au XIIIe siècle et jusqu’aux années 1310 et repérer les accords généraux avec l’évêque qui peuvent éclairer une éventuelle négociation générale entre l’évêque et une représentation de la société agenaise au sujet des dîmes.
Quelques événements attestent une représentation collective du groupe des barons et chevaliers conjointement ou séparément des bourgeois au XIIIe siècle. Paradoxalement, un des textes les plus anciens qui montre en œuvre cette action collective, mis à part des références dans les coutumes d’Agen et de Marmande, est une demande du roi Jean sans Terre à l’évêque, en 1203, de convoquer les barons, chevaliers, bourgeois et tous les hommes de l’évêché pour qu’ils reviennent dans la fidélité du roi187 !
Thomas Bisson a souligné la richesse de l’accord entre Le Mas et Agen en 1222188 même s’il n’a pas montré le rôle actif du sénéchal dans cet accord. Le nom de Cour générale n’est pas explicitement employé189. Le mot apparaît, en 1232, dans la convocation du sénéchal adressée “aux barons, chevaliers et bourgeois et à toute la communauté de l’Agenais”190 pour l’établissement d’un fouage au bénéfice de l’évêque d’Agen et pour confirmer sa monnaie. L’accord donné par l’évêque Raoul, son successeur, en 1234, ne mentionne que la “demande des citoyens d’Agen ainsi que des barons et chevaliers du diocèse d’Agen”191.
Les Agenais étaient si fiers et si confiants dans leurs statuts qu’en décembre 1249, ils refusèrent de prêter serment car le seigneur devait jurer le premier192. Ils durent s’adresser à la reine Blanche de Castille elle-même193. En 1271, les barons et chevaliers du diocèse d’Agen, les consuls de la cité et des autres villes résistèrent encore une journée aux demandes du sénéchal royal194.
L’ordonnance de réformation de l’Agenais de 1253 garde deux traces d’une représentation des cités et des nobles : elle contient un “conseil” (une délibération) des consuls [d’Agen] et des autres villes de l’Agenais et se termine par la mention de quatre «nobles hommes» représentants les barons et chevaliers de l’Agenais195.
Le Parlement de Toulouse en 1270 se penche sur la “pétition des barons de l’Agenais”194. Les demandes portent essentiellement sur les droits judiciaires mais le sixième article de la pétition des barons demande “de réunir quatre cours générales en Agenais à des dates déterminées sans convocation de quiconque et d’y trancher les causes d’appel”196. Nous touchons là à l’existence de la Cour générale de l’Agenais, de fait quand elle n’est repérable que par sa composition, ou de droit quand elle est désignée comme telle197.
Il ressort nettement des travaux présentés par Thomas Bisson que l’existence d’une Cour générale aux larges prérogatives est attestée de 1222198 à 1289199 Il est néanmoins possible de verser d’autres pièces au dossier pour montrer que l’idée s’est maintenue jusqu’au début du XIVe siècle200. Nous avons quelques indices pour penser que cette Cour générale, outre à assurer la fidélité, la paix, la monnaie, a aussi servi d’enceinte de négociation sur la restitution des dîmes, ce qui n’est pas étonnant tant l’identité, la représentation collective et la négociation faisaient partie de “leurs libertés et coutumes”201 pour les Agenais.
Contraindre, négocier et gratifier
Les laïcs de l’Agenais n’ont pas cédé leurs dîmes sous la menace des sergents comtaux ou royaux mais sous celle de leur curé, de l’official et de l’évêque qui ont joué de la persuasion pastorale et de la sanction judiciaire qu’était l’excommunication. Yves Dossat202 a rappelé que l’ordonnance de mars 1253 montre qu’il y avait des excommunications pour affaires de dîmes en Agenais203 mais il est possible d’ajouter que les enquêteurs ne semblent pas pousser particulièrement les officiers du comte à des actions énergiques dans ce cas pour épauler l’évêque, d’autant que le comte lui‑même dispose de certaines dîmes comme celle pour laquelle Pierre Boc rend hommage au comte en 1259204.
La simple allusion au motif du salut dans une cession de dîme (851) n’apprend pas grand-chose mais parfois on entrevoit les processus ayant amené à cette décision. Il ne semble pas y avoir jamais eu d’excommunication générale des détenteurs de dîmes mais des sentences ciblées qui pouvaient devenir gênantes pour l’intéressé mais aussi pour sa famille lorsqu’approchait l’heure du trépas (839). En septembre 1271, Guillaume de Plieux le jeune, cède la dîme de quatre petites paroisses, le bullaire n’en dit pas plus ; mais, par le Recueil d’Argenton, on apprend qu’il s’est rendu auprès de l’official à Agen, probablement depuis les alentours de Condom, pour renoncer à diverses dîmes que son père lui avait données, et obtenir derechef l’absolution de l’excommunication qui les frappait, et la levée de l’interdit sur leur entourage, il n’était manifestement pas sûr de retrouver son père en vie à son retour, et la sépulture ecclésiastique devait lui être accordée pour peu qu’il ait manifesté du repentir sur son lit de mort, en cas de trépas antérieur à la levée de l’excommunication (648-1). La menace de refus d’une sépulture chrétienne plane sur Pierre et Guiraud de Goulard s’ils revenaient sur la cession faite à l’évêque (650). Les familles ne veulent pas subir ce qui paraît vouer le défunt à la damnation et jette l’opprobre sur les siens.
En l’absence même d’excommunication, l’angoisse des fins dernières provoque des cessions de la part de malades se sentant proches de la fin [(1087), (1116)]. Les prêtres qui viennent confesser les fidèles gravement malades et leur administrer le viatique jouent un rôle déterminant, on le devine dans le cas de Na Pressa qui “a reconnu être malade et se trouvait liée par une sentence d’excommunication donnée par l’évêque d’Agen”, déclaration qui doit répondre à une question de son curé. La chose est tout à fait claire lors de l’agonie d’un bourgeois de Casteljaloux nommé Arnaud Bernard de Taris qui n’est pas excommunié mais pressé de soulager sa conscience par son curé pour recevoir la communion, et ce en présence des trois curés des alentours, d’un moine du prieuré Saint-Raphaël de Casteljaloux et de deux laïcs appelés à authentifier ensuite ce testament nuncupatif. Une scène analogue s’est jouée autour du lit de mort d’Adam de Labanera à Andiran (703). Les prêtres paroissiaux ont manifestement reçu des consignes pour interroger sur ce point les mourants ayant quelque bien.
Dans le cas de Guillaume Raimond IV de Piis, seigneur de Taillebourg, le délaissement de ses dîmes s’est étalé sur une bonne dizaine d’années : avant 1280, si l’on en croit le l’analyse du catalogue de 1790, il cède une partie de la dîme de Puch-Agenais pour que l’évêque lève son excommunication (297), mais il détient toujours des dîmes dans une douzaine d’autres paroisses qu’il cède en 1291 au plus tard (444), soit vraisemblablement l’année de sa mort205.
L’excommunication ne se solde pas que par une forme de chantage au salut auprès des mourants, c’est un moyen de pression aussi de nature à déclencher une négociation âpre débouchant sur une composition, ce qui est le cas avec Guillaume Raimond de Piis vers 1280, mais aussi avec un autre membre d’un puissant lignage, Arnaud de Durfort (144), parents et amis s’entremettant dans les tractations. Le processus est le même avec un chevalier de moindre volée comme Gautier de Las Venas (1110) qui est néanmoins lié aux Caumont. Si l’on se limite au seul témoignage du bullaire, l’excommunication aurait du reste visé des barons autant ou plus que de petits personnages. Avec un autre membre du lignage de Durfort, le seigneur de Frespech qui ne semble pas excommunié, il ne faut rien moins que l’arbitrage de l’abbé de Saint-Maurin (1105-1). Les actes de Clément V nous font connaître des cas d’interdit pour possession de dîmes envers Amanieu de Madaillan, seigneur de Cancon et Bertrand de Fumel, seigneur de Pujols206.
L’utilisation des armes spirituelles semble être restée néanmoins exceptionnelle. Il y a eu des restitutions spontanées, de véritables dons. Cependant, le besoin de préciser dans les chartes que la cession a été faite en pure aumône (418) ou qu’elle est gratuite [(93), (106), (116), (118-1), (201-1)], pourrait indiquer que les autres renonciations n’ont pas été faites selon cette modalité, néanmoins dans les deux derniers cas, “gratis” ne se trouve que dans l’analyse du bullaire mais non dans l’original et parfois dans une seule des deux analyses, par exemple dans (251) ; les bulles T et FH qui portent sur les mêmes restitutions montrent que les notaires ont fréquemment omis le petit mot gratis : dans (209), la version (T03) le comprend mais non (FH03), alors que les homologues de (FH01, 2, 5, 6, 10) l’omettent ! Cette indication doit donc être prise avec prudence. Le bullaire précise pour quelques donateurs qu’ils sont sur leur lit de mort [(640), (1030)]. Le souci de leur âme pouvait les amener à négliger l’intérêt de leurs héritiers. Malgré cela, Pierre de Polignac, en 1328, invite ses héritiers à ne pas aliéner les dîmes qu’il possède207.
Mais il semble que la plupart des cédants trouvaient un intérêt plus matériel et immédiat. Le bullaire de Valier nous fait en effet connaître beaucoup de ventes comme celle qu’a signalée Yves Dossat (534-2). Ce phénomène est peut-être minoré dans les analyses du bullaire car dans le cas de (802), seule la seconde version la mentionne, ailleurs, la vente a pu se trouver escamotée dans les deux. Leur prix est parfois plutôt mince, entre 2 et 7 livres d’arnaudins ou de tournois208, ou 10-20209 mais peut aussi atteindre des sommes rondelettes entre 20 et 60 livres210. Parfois, le prix n’est pas précisé211.
La vente peut se trouver travestie (du moins dans l’analyse du bullaire) en cession assortie du versement par l’évêque d’une dot de 25 livres à la sœur de Pierre de Castelmoron qui a abandonné un huitième de la dîme d’Unet (389) ; en d’autres temps, ce damoiseau désargenté aurait probablement donné cette dîme en dot. Une dame de ce petit lignage se défait du douzième de la même contre la perception à vie du tiers de celle de Saint-Gervais de Tournon (321). Le quart de la dîme de Galapian a été acheté en deux fois par l’évêque, d’abord à Guilhermus de Silva puis à ses deux neveux (488). Les évêques d’Agen ont certainement profité des difficultés financières de familles de la petite aristocratie pour grignoter par menus morceaux, au fil de plusieurs décennies, des dîmes leur échappant jusque-là ; et il convient de souligner combien ces bribes sont ténues, tant les héritages ont pulvérisé ces rentes : trente-deuxième de dîmes (144) ou, ce qui revient au même, “le demi quart du quart” (553), ou “la moitié du douzième des trois-quarts” (846).
Plutôt que d’acheter ouvertement des dîmes, les évêques ont souvent offert un dédommagement viager ou plus conséquent. La chose était canoniquement plus élégante et évitait de mobiliser des liquidités.
Nous avons également quelques exemples d’arrentement simple en échange de la jouissance de la dîme que l’on vient de “donner” : en 1281 Arnaud Paga cède la dîme de Cazideroque et le prélat la lui arrente vie, pour un setier d’avoine (841-1) ; Raymond Bernard d’Arvieu et Isarn abandonnent la dîme de Crouzillac (183), et promettent sept setiers de bon froment chaque année à prendre sur cette dîme (184), manifestement au terme d’une rétrocession en fief. On ne sait quel était pour eux le revenant-bon, au terme de cette transaction.
Mais beaucoup de délaissements ne sont consentis que parce qu’ils n’avaient pas un effet immédiat : l’évêque accepte que le don fait par Guillaume Raymond de Piis ne devienne effectif qu’à la mort de ce noble [(322), (1113)]. L’arrangement est peut-être plus courant qu’il n’y paraît dans le bullaire car, dans le premier cas, seule l’analyse (DN09) mentionne : post eorum mortem, etc. Amanieu de Madaillan et B. de Caumont, clerc, abandonnent une dîme mais l’évêque consent que le clerc en jouisse sa vie durant (58). Peyrebrune, femme de Montassin de Buzos, résigne la dîme de Moncassin mais l’évêque la lui laisse ainsi qu’à un de ses héritiers contre une conque d’avoine et deux saumades de vin, et Clément V prolonge la concession d’une génération (298)212. Deux frères cèdent leurs droits dans trois paroisses et le prélat les laisse en viager au petit-fils de l’un d’eux contre une rente en blé (485). Le geste de l’évêque peut ne porter que sur une partie de la dîme cédée, ainsi Arnaud Audebert a-t-il fait abandon du tiers de la dîme de Quissac mais n’en a reçu à ferme que le sixième contre une rente annuelle en froment [(355), (356)]. À l’article (199-1), ni (S09) ni (AS09) ne portent trace de la “grâce” faite par l’évêque à Amaniu de Cantiran en 1266 et qu’il perdrait s’il allait contre la cession par lui faite, on ne la devine que par une allusion dans la copie in extenso de l’acte dans 1 J 1475 : tota aquela gracia qu’el dits senhor evesques l’a fait ab sas lettras(199-2). Comme à propos des compositions collectives, le bullaire a pu pécher souvent par omission à propos de ces rétrocessions à ferme ou en fief mais, ainsi que nous le verrons dans l’introduction sur les manuscrits, la confirmation pontificale n’a pas dû embrasser systématiquement ces arrangements.
Ils pouvaient faire l’objet de contestations, ainsi Feros de Martoret disait-il avoir le droit de garder la dîme de Plavis sa vie durant en vertu d’un acte notarié, l’évêque assurant le contraire (590-1, 2). Pour parer à tout ennui, l’évêque a exigé d’un clerc et de son frère, issus d’une famille bourgeoise de Condom, qu’ils reconnaissent que le premier ne détenait des dîmes de deux paroisses d’alentours qu’à titre viager par concession épiscopale (620) ; sans doute eux-mêmes ou leurs parents les avaient-ils préalablement abandonnées à l’évêque. On observe le même luxe de précautions avec Honoria de Canparra ; cette femme avait probablement cédé la dîme de Saint-Amans du vivant de son mari et en gardait la moitié à vie contre une rente en nature (828) ; si le bullaire ne garde pas trace directe de cette première cession, il en signale une seconde opérée par la suite alors qu’Honoria est désormais veuve (827). Deux délaissements valaient mieux qu’un.
Il n’est pas exclu que certaines dîmes aient été rendues à fief sans limitation de durée ou que la concession à vie était renouvelée à l’héritier. Tel est le cas d’Amanieu d’Albret qui restitue toutes ses dîmes en Agenais (265) mais aurait gardé à un titre ou à un autre celle de Poudenas inféodée à un chevalier (649) ; cette situation est peut-être antérieure à la renonciation générale d’Amanieu VI († 1270) mais cela paraît peu vraisemblable. Les deux frères Brun et Raymond Bernard de Ligardès cèdent la dîme de Saint-Caprais mais l’évêque la leur rend en fief, à charge pour eux de payer un repas par an à l’évêque (865). Les actes de Clément V213 nous apprennent que Guillaume Raymond de Piis avait abandonné trois dîmes à l’évêque Jean Jerland (1281-1291) qui les lui avait laissées pour cinq générations, le pape prolonge la concession de deux générations ! Bertrand de Fumel ayant restitué les dîmes de Savignac et de Ladignac, Clément V autorise ses successeurs à les garder quatre générations214. Lorsque l’évêque laisse une partie de dîmes à l’auteur d’un délaissement qui est un clerc, en principe, les risques de voir un fils ou une fille solliciter une prolongation de l’inféodation en leur valeur est moindre (60-1).
Le dossier “Savignac”215, grâce aux pièces de la fin du XIIIe siècles qu’il nous fait connaître, permet de deviner une autre forme de cession en douceur. Cette famille procède à deux délaissements de 1251 à 1260 : (940-1) daté par l’original, (798) daté par les dates extrêmes de la bulle. On y trouve aussi d’autres actes compris entre la fin décembre 1292 et avril 1296 : une cession (487-2) qui est une copie de la restitution intégrée à la bulle BH ou CC, analysée par (487-1), aussitôt suivie d’une concession pour trois générations. L’évêque Bertrand de Got qui est arrivé sur le siège d’Agen en 1292 était un parent des Savignac car un Bertrand de Savignac a épousé Conguie de Got à la fin du XIIIe siècle216. La relation familiale a dû faciliter la compréhension ! On peut même envisager qu’il s’agisse du cadeau de mariage car un des enfants du couple obtient une dîme en 1307217. Deux autres concessions sont accordées l’une après l’épiphanie 1294/1295 et l’autre en 1296.
La force n’est pourtant jamais très loin : Bertrand de Caumont promet de ne plus percevoir ou d’empêcher de percevoir la dîme de Gontaud qu’il avait l’habitude de lever ; Boson de Rovignan avait abandonné ses dîmes mais son frère et ses neveux doivent promettre sous peine de 50 marcs d’amende de ne plus les percevoir comme ils le font depuis sa mort ; le sergent du baile de Monflanquin remet la dîme de Galayssac au représentant de l’évêque et interdit aux frères Alboi de la lever parce que leur père l’avait cédée à l’évêque [(180), (319), (887)]. En dernière instance, la force publique pouvait aussi intervenir mais nous n’en avons que de rares échos, comme nous l’avons déjà signalé.
Le bullaire nous présente une palette de modalités de cession aux nuances extrêmement diversifiées. Son examen et les autres actes que l’on connaît par ailleurs montrent que la plupart des donations ont été négociées et accompagnées de compensations. Ainsi maniant la crainte de l’excommunication, la faiblesse sur le lit de mort, l’absence d’effet durant toute l’existence, l’appât d’une somme rondelette, les évêques d’Agen au XIIIe siècle ont montré une laborieuse obstination à faire reconnaître leurs droits, au moins moralement.
Conclusion
L’évêque sur les chemins
L’évêque doit négocier, autant qu’il peut menacer directement ou par le relais de son clergé ou sanctionner. La période qui a vu l’essentiel des cessions de dîmes commence à la fin de l’épiscopat d’Arnaud de Galard (1235-1245) et bat vraiment son plein à partir de l’épiscopat de Guillaume II, issu de la cour pontificale. Fabrice Ryckebusch avait justement souligné ce point tout en observant que “son action pastorale dans le diocèse d’Agen se saisit à peine”, mais le délaissement opéré par les laïcs ne résulte-t-il pas en grande partie d’une forme d’une pression pastorale continue218 ? Le mouvement se poursuit sous tous ses successeurs principalement jusqu’à Jean Jerland (1282-1291).
Les mentions de dates et celles de lieu (probables ou certaines) de 38 actes copiés dans les trois bulles originales presqu’intégralement lisibles suggère une implication personnelle des évêques Guillaume II, Pierre Jerland et Jean Jerland. Dans sept cas, le prélat est représenté par un ou deux archidiacres [(197-2), (201-2)], ou un curé du secteur concerné sous Jean Jerland [(584-2), (586-2), (591-2), (592-2)], voire un notaire (589-2). Dans cinq autres, l’évêque est explicitement présent [(196-2), (198-2), (200-2), (583-2), (587-2)]. Autrement dit, dans deux tiers des actes, on ne dit ni que l’évêque est présent ni qu’il est représenté, ce qui suggérerait plutôt qu’il assiste en personne à la cession ; cela est particulièrement évident dans les actes notariés les plus tardifs au formulaire très développé : un notaire le représente à Montréal le 14 décembre 1288 (589-2) mais l’évêque devait être de passage dans cette bourgade située à l’extrémité sud de son diocèse quatre jours plus tôt (590-2). La quasi-totalité des actes conservés sous forme de copie in extenso ne concernent que la partie du diocèse d’Agen au sud de la Garonne et Guillaume II serait allé à Caumont-sur-Garonne (195-2),Auvillar (534-2), Nérac [(525-2), (526-2)] ; la plupart de ses déplacements ont lieu à la belle saison mais on le trouve à Lavardac [(536-2), (537-2)], où l’on sait un peu plus tard qu’il y a un manoir épiscopal et, à Mézin [(531-2), (532-2)] à la fin de l’hiver 1258. Pierre Jerland passerait à Casteljaloux(202-2), Marmande (199-2), Lavardac (200-2), peut-être Damazan (196-2), Caumont [(197-2), (203-2)]. Jean Jerland serait allé deux fois à Nérac dont une en plein hiver [(588-2), (592-2)], deux fois à Caussens en hiver [(584-2), (592-2)] et, en décembre 1288, il aurait circulé de Montréal (590-2) qui se trouve à environ 60 km par la route au sud-ouest d’Agen à Ligardes, 30 km plus loin, avant de faire 15 km pour retourner vers Condom où il a pris ses quartiers dans le logis abbatial au plus tard le 20 décembre [(583-2), (587-2)]. Bertrand de Got a dû recevoir ses parents par alliance les Savignac à Agen peu après Noël 1292 (487-2, 3) et en rencontrer au début de l’hiver 1294-1295 (252-2) à Saint-Just qui se trouvait à une petite journée de cheval du château de Savignac. L’entrevue a pu avoir lieu dans l’église même car ce bâtiment offre la particularité d’avoir un étage pouvant servir de logis avec porte et fenêtre219. La douceur de bien des hivers dans le Sud-Ouest rend ces petits voyages possibles sans grand risque mais, probablement, les évêques se sont-ils appliqués à beaucoup circuler dans leur diocèse et pas seulement par de confortables allées et venues en barque. Les cessions de dîmes ont dû parfois s’égrener au fil de visites épiscopales.
Dans bien des cas toutefois, l’affaire est déléguée à d’autres. L’official doit avoir pouvoir d’en traiter ès-qualité [(10), (650), (894)], de même un archidiacre et vicaire de l’évêque (244)], mais il y a aussi des procurateurs ad hoc : notaires comme nous l’avons déjà vu [(56), (589-2)], divers clercs [(887), (1058)], des personnes non spécifiées [(445), (603), (700), (913), (1116)], l’abbé de Saint-Maurin, arbitre d’un différend avec les Durfort (1106-1, 2). Dans quatre cas, procuration semble avoir été donnée au curé de la paroisse ou d’un lieu proche [(489), (592-2), (912), (1106-1, 2)]. Plus couramment, l’analyse du bullaire montre un capellanus recevoir la cession à la place de l’évêque et en son nom (vice et nomine domini episcopi), ce qui revient sans doute au même [(586-2), (591-2), (703), (876-2), (886)], que la procuration soit implicite ou que le curé ait en général instruction de procéder ainsi en cas de besoin. Les rouages diocésains fonctionnement bien, le clergé paroissial relaie efficacement les demandes de l’Église et transmet les actes notariés attestant les cessions de dîmes à l’évêché qui en prend un soin jaloux. La prise de contrôle épiscopale sur les dîmes va de pair avec la construction d’un espace diocésain que l’évêque ou ses délégués parcourent. Le maillage paroissial achève de se mettre en place220. À la cour de l’évêque, l’official, un magister bon juriste traite les cas litigieux. Le bullaire de Vallier reflète, en même temps qu’une bureaucratisation de l’Église, un processus d’échanges et de contacts entre l’évêque (ou ses auxiliaires) et son clergé mais aussi entre le prélat et un flot de laïcs loin d’être tous des grands seigneurs.
Un processus de délaissement affectant inégalement les différentes parties du diocèse
Au détriment des bénédictins de Condom et de Mézin
Nous avons pointé des déplacements épiscopaux plutôt au sud de la Garonne et cela tient apparemment au hasard de la bonne conservation d’au moins deux bulles originales, mais globalement, les délaissements sembleraient concerner plus les parties méridionales du diocèse que celles au nord de la Garonne. Si l’on rapporte les cessions aux archiprêtrés tels qu’ils nous sont connus par les listes de 1520 pour le diocèse d’Agen et de 1604 pour celui de Condom, on observe que leur densité est plus grande dans ce qui devient en 1317 le diocèse de Condom : près de la moitié des paroisses en bénéficient, et même un peu plus dans le seul archiprêtré de Condom. En s’invitant parfois à l’abbaye de Condom pour y recueillir des délaissements de dîmes, les prédécesseurs de Bertrand de Got n’auraient-ils pas cherché à réduire ce que Florian Mazel appelle un îlot extra-diocésain221, et ce de façon continue dès les années 1240, à en juger par les cessions datées ? Les moines de Condom ne pouvaient pas opposer à l’évêque un privilège d’exemption. Les bourgeois de Condom ont cédé un nombre remarquable de dîmes à l’évêque, de même que ceux de Mézin qui un siècle plus tôt s’en seraient peut-être dessaisis au profit du grand prieuré clunisien de ce lieu. La partition du diocèse d’Agen en 1317, Saint-Pierre de Condom étant érigé en cathédrale, a détaché du siège d’Agen des secteurs où, pendant un demi-siècle au moins, les évêques successifs avaient déployé des efforts méthodiques pour asseoir leur influence. Le bullaire de Valier perpétue la mémoire d’un membre fantôme amputé en 1317, la carte récapitulative des cessions par commune le manifeste très clairement (fig. 2).
Prudence face aux intérêts de Moissac et de la Sauve Majeure
Cette carte montre aussi que l’action épiscopale s’est déployée ici et là avec une intensité très inégale, au sud comme au nord de la Garonne. Les évêques d’Agen ne se sont pas montrés gourmands dans le pré-carré d’autres institutions régulières que le monastère de Condom, mais pour des raisons sans doute bien différentes les unes des autres.
L’évêque d’Agen semble s’être désintéressé des alentours de l’abbaye de Clairac, sauf pour lui donner quelques dîmes et n’a semble-t-il pas eu de différends avec elle à ce sujet : il s’agissait d’une abbaye n’ayant qu’une petite congrégation strictement limitée à une partie du diocèse et peu susceptible de déranger l’ordinaire qui y exerçait son autorité de plein droit222. On remarque également que la zone au sud de la Garonne entre Buzet et Espiens est exempte de cessions. Elle correspond à l’aire d’influence des moniales du Paravis, que l’évêque protégeait volontiers223. On peut aussi remarquer des traces ténues de quelques autres établissements religieux. Jean Burias224 a établi les cartes des possessions d’un certain nombre de monastères (Escassefort, Eysses, Gondon, Clairac, Layrac, Le Lédat, Sarlat, Saint-Caprais, Saint-Étienne, Sainte-Livrade, Saint-Maurin, Virazeil), indiquant très souvent leurs droits sur les dîmes mais en se basant pour l’essentiel sur des documents de l’époque moderne et les inventaires de la Révolution. L’abbaye de Gondon, pourtant cistercienne mais fondation de Géraud de Salles, a des droits sur les dîmes de Monflanquin, Montastruc, Saint-Avit d’Aleyros près Monflanquin et, probablement anciennement, sur la paroisse de Loupinat où a été fondée l’abbaye225. Celle de Pérignac, également cistercienne, semble plus riche, en tout cas encore plus dotée de dîmes : Pérignac, Granges, Pagnagues, Quittimont, Lacennes, Rides, Bordes, Saint-Aignan, le tout dans les environs de Montpezat, seule la conjonction avec l’abbaye de Clairac crée un vide relatif de cessions entre Montpezat et Tonneins. Apparemment, les évêques ont laissé faire sans maugréer et, s’agissant de cisterciens échappant totalement à leur autorité, se montrer circonspects tant que leur emprise ne devenait pas excessive.
Avec les abbayes de Saint-Maurin et Eysses, il en allait bien différemment, la matière était clairement contentieuse mais n’a pas eu, surtout pour la première, la même issue qu’avec Condom. L’évêque avait accepté un accord sur les dîmes avec la première en 1254 et avec la seconde en 1265 comme nous l’avons déjà vu. Rappelons qu’il s’agissait de compromis solennels. Celui avec Saint-Maurin procède d’un arbitrage rendu par l’évêque, entre l’abbaye et le chapitre cathédral Saint-Étienne, accompagné d’un don de dîmes par le prélat, portant sur 17 églises et annexes. Il est d’ailleurs suivi d’un arrangement avec l’évêque de Cahors en 1281 concernant 11 églises et annexes226. Le Chronicon de Dulaura permet d’ailleurs de suivre les démêlés, parfois violents, de Saint-Maurin avec les seigneurs des environs concernant la perception de ces dîmes227. L’accord avec Eysses, que nous avons évoqué plus haut, précise les relations entre l’évêque d’Agen et l’abbé de Moissac concernant Eysses et quelques droits de dîmes et de présentation. L’abbé d’Eysses devait être un moine de Moissac, élu à Moissac et ensuite béni par l’évêque d’Agen qui n’avait qu’un droit de visite limité dans cette abbaye228 ; après un laborieux accord impliquant les clunisiens de Moissac, inquiéter les monastères d’Eysses et de Saint-Maurin n’avait rien que de très inopportun, car dans les deux cas les relations avec Moissac jouent un grand rôle, néanmoins les évêques ont su mettre la main sur un nombre non négligeable de dîmes des environs de Villeneuve-sur-Lot (Eysses), mais cela ne revêt pas la même allure massive qu’à Condom. Que ce soit par prudence ou par bienveillance, les évêques d’Agen n’ont en général pas mené une politique frontalement hostile aux intérêts des bénédictins de toutes sortes, ce qui rend d’autant plus remarquable la pression qu’ils ont exercée dans la zone d’influence de l’abbaye de Condom et des clunisiens de Mézin qui, apparemment, se sont peu ou mal défendus. En outre, ces deux seigneurs ecclésiastiques ont dû appeler le roi en paréage, Condom en 1283, Mézin en 1285229.
Trois secteurs assez étendus se signalent par un vide relatif sur la carte récapitulative : la limite nord-ouest du diocèse entre Marmande et le Dropt, la limite sud-est entre Clermont-Soubiran et la vallée de la Séoune, et au sud de la Garonne, le Brulhois. Là, les cessions de dîmes à l’évêque sont également peu fréquentes sans qu’une puissante implantation de réguliers puisse l’expliquer. L’accord général évoqué à l’article (650) et confirmé par deux actes du Recueil de preuves d’Argenton et Labrunie230 aurait-il permis des délaissements dont le bullaire n’aurait pas gardé trace ? Ou bien n’aurait-il pas abouti plutôt à les limiter, au prix d’arrangements systématiques de long terme par le biais d’inféodations ?
En revanche, s’agissant du nord-ouest et du sud-est du diocèse, l’explication la plus évidente tient aux intérêts de grandes abbayes extérieures au diocèse, la Sauve d’un côté, Moissac de l’autre, encore plus difficiles à bousculer directement qu’Eysses et Saint-Maurin. Ainsi l’archiprêtré de Bezeaume au nord-ouest est-il celui où le nombre de paroisses touchées par les cessions de dîmes est à son minimum : un peu moins 30 %, essentiellement au nord du Dropt où ces délaissements semblent marquer les confins du diocèse231.
Le territoire diocésain et l’énigme de la part du chapitre cathédral
Pour recevoir des cessions, les évêques d’Agen n’ont pas dédaigné se montrer en personne aux limites de leur diocèse que ce soit, nous l’avons vu, à Montréal ou à Damazan, voire en une occasion au moins en dehors de leur diocèse puisque Casteljaloux est dans celui de Bazas (202-2), en juin 1265. En la circonstance, on remarque, parmi les témoins, le nouvel évêque de Bazas, pas même encore consacré : geste de déférence à l’égard de l’évêque d’Agen, ou façon de bien montrer à la fois son accord et que Casteljaloux ne relève pas du diocèse d’Agen ? Les deux prélats devaient avoir en tête la “guerre” que s’étaient menée leurs prédécesseurs. De 1111 à 1142, les évêques d’Agen s’étaient en effet efforcés de rattacher Casteljaloux à leur diocèse au prix même d’une brève occupation militaire vers 1140232. Des bourgeois de Casteljaloux ont assez souvent cédé des dîmes à l’évêque d’Agen, sans que l’ordinaire de Bazas ait son mot à dire dans la mesure où elles ne concernaient pas son diocèse mais, lorsque l’accord a lieu à Casteljaloux même, sa présence ne relève pas du hasard. Peu avant le 15 mars 1266, le curé de Casteljaloux obtient d’un bourgeois mourant qu’il “abjure” la dîme de Pompogne au profit de l’évêque d’Agen, mais on remarque parmi les témoins les curés de Sauméjan et Couthures, paroisses du diocèse d’Agen, sans doute envoyés-là pour veiller aux intérêts de leur évêque (196-2). Au mois de juillet suivant, c’est un notaire de Damazan qui va recueillir le témoignage du curé de Casteljaloux et on voit que l’archiprêtre de Queyran suit le dossier. Les limites diocésaines sont connues et désormais bien respectées mais l’évêque d’Agen sait ouvertement faire sentir sa présence dans les parages.
En revanche, la vigilance épiscopale se fait moins pressante aux portes de la cité : dans l’archiprêtré d’Agen, il n’y a que 30 % des paroisses qui sont concernées. Il faut nuancer ces constatations par le fait qu’elles portent sur le nombre d’actes de cession et non sur l’importance de celles-ci. Mais les cartes de Jean Burias montrent la densité à proximité d’Agen des possessions du chapitre cathédral et celles plus impressionnantes encore de la collégiale Saint-Caprais d’Agen (jusqu’au Lot et à Beauville)233. Faut-il supposer un arrangement tacite entre l’évêque et le chapitre cathédral (destinataire des bulles de Clément V avec le prélat) qui a pu être aussi bien un partenaire qu’un concurrent du prélat dans ce processus de mainmise ecclésiastique sur les dîmes234 ? Dans l’article (115), les chanoines de Saint-Étienne cèdent à l’évêque la moitié de la dîme de Saint-Colomb de Lauzun, leur aurait-elle été donnée préalablement par un laïc ? L’ensemble des rapports entre l’évêque et les deux chapitres d’Agen mériteraient sans doute une enquête spécifique mais la documentation nous semble maigre pour le Moyen Âge.
Un autre point troublant est que les délaissements de dîmes enregistrés dans le bullaire ne concernent que les zones rurales, à l’exclusion de la cité d’Agen et des plus importants bourgs monastiques ou castraux, en dehors de ceux des terres gasconnes au sud de la Garonne. Les bourgeois de Condom abandonnent des dîmes dans 22 paroisses, dont 11 étaient entièrement entre leurs mains, dans un rayon très limité autour de la ville (12 km pour l’essentiel)235. On trouve également mention de bourgeois de Moncrabeau, Mézin, Caumont, Port-Sainte-Marie, Gontaud. Mais quand ils délaissent des dîmes, ils ne sont pas hégémoniques dans leur possession. Quant aux habitants de Port-Sainte-Marie, une des cessions les plus importantes n’est pas celle d’un bien patrimonial : Bartholomeus de Cailhau et son frère Franciscus Danta qui ne sont pas qualifiés de “bourgeois” dans l’analyse de Valier, renoncent à la ferme du quart revenant à l’évêque sur les dîmes de six ou sept paroisses des environs, afferme se montant à 205 livres (142). La moisson est mince avec Agen : Arnaud et Bernard-Raymond de Lamarche, bourgeois de cette cité (cives Agennenses) vendent à l’évêque un douzième de la dîme de Castelculier (360) ; Helias de Agrifolio cède la moitié de la dîme de trois paroisses voisines (81). Il y a donc peu de personnes qui s’affichent comme bourgeois d’Agen à délaisser des dîmes. Peut-être ce secteur implique-t-il aussi les intérêts du chapitre cathédral ?
Il n’en va certainement pas de même pour Nérac ou Marmande, non plus que pour Villeneuve de création plus récente. Les bourgeois de ces villes ne cèdent pas grand-chose à l’évêque. Des explications locales peuvent jouer : poids des Albret à Nérac, du plus grand prieuré de Clairac à Marmande, de l’abbaye d’Eysses que nous avons évoquées plus haut à Villeneuve-sur-Lot. Biais de la documentation où l’Agenais gascon est nettement plus présent que les terres au nord de la Garonne ? Certainement une piste pour de futures recherches. Nous ne prétendrons pas ici aboutir à des conclusions mais soulever des questions qui touchent à l’évolution du diocèse. La politique épiscopale d’investissement des alentours de Saint-Pierre de Condom suggère une fragilité structurelle du diocèse dont l’évêque aurait mal contrôlé la partie sud, ce qui jetterait presque un jour nouveau sur la partition opérée en 1317. Des recherches complémentaires en ce sens seraient à mener pour deux autres diocèses démembrés au même moment (Poitiers, Périgueux), le cas de celui de Toulouse étant probablement un peu différent. La curie connaissait de très près les évêchés aquitains !
Le bullaire de Valier : une source de valeur sur le milieu seigneurial au XIIIe siècle
Le bullaire ne nous introduit pas qu’à des interrogations sur les structures ecclésiastiques, il nous permet d’apercevoir quelques aspects de la société agenaise dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. On voit en permanence la proximité même entre les notables des bourgades possédant des dîmes et leurs homologues des villages, damoiseaux, milites castri ou autres de statut social indécis indéterminé. C’est une banalité de dire que des milieux dominants en ville aussi bien en Italie que dans la France méridionale, sont de statut nobiliaire ou du moins arborent le titre de chevalier et ont une fortune d’origine foncière plus que commerciale, le prouver serait plus embarrassant pour les villes agenaises. La porosité que nous avons constatée à Clairac au XIVe siècle entre les branches désargentées ou bâtardes de familles de petite aristocratie et le milieu des bourgeois ne préjuge pas de la situation des XIIe-XIIIe siècles, mais la possession de dîmes par des bourgeois jusque dans la seconde moitié du XIIIe siècle appelle certainement des recherches complémentaires dont nous ne pouvons que suggérer quelques thèmes.
D’abord, regardons les titres utilisés. Celui de “baron” l’est très rarement : cinq fois. Il désigne la couche la plus haute de l’aristocratie locale, souvent d’ailleurs sous la forme : “noble baron X, seigneur de Y”. On trouve ainsi : le seigneur de Madaillan (58) ; Anissant de Caumont, seigneur de Monheurt et de Verteuil (137) ; Guillaume-Raymond de Piis, seigneur de Taillebourg (321) ; Pierre de Galard, chevalier (645) ; le noble baron seigneur de Durfort, seigneur de Frespech (1099). “Noble homme” ou “noble dame” l’est plus couramment, mais on ne le trouve que dans 54 articles. En sont gratifiés des membres des familles Albret, Blanquefort, Cannes, Caumont, Cazeneuve, Durfort, Ferréol, Fossat, Gontaud, Goulard, Madaillan, Piis, Rovignan, Trenqueléon, deux familles liées aux Beauville (Thézac et Planels), Jourdain de l’Isle par les droits hérités des Durfort, Arnaud Ségui de Astan, [(995), (1068)], pour les droits de son épouse et Bertrand de Lagraulet (367), soit une quinzaine de familles. En revanche, les qualificatifs de chevalier ou damoiseau sont beaucoup plus fréquents.
Sur l’ensemble des articles, les hommes auteurs de cession qualifiés de nobilis ne représentent que 3 %, ceux d’origine bourgeoise (burgensis, civis) un peu moins de 9 % mais les simples milites 16 % et à peu près le même pourcentage de domicelli avec, subsidiairement un castellanus (caslan plutôt que maître d’une châtellenie), de simples domini et autres gratifiés de En. Les ecclésiastiques stricto sensu sont peu nombreux (1,3 %), les “clercs” interviennent pour 2,4 %, s’y ajoute une pincée de juristes et notaires. En fait, le gros du bataillon (50 %) se compose de personnages que l’on ne qualifie pas du tout, sauf à dire parfois qu’il s’agit de laïcs. Du côté des femmes, 53 % ont un statut non précisé, 4 % sont dites nobiles, 29 % domine avec quelques donzelle, 9 % simplement appelées Na, moins de 3 % de bourgeoises complètent le lot.
L’essentiel des délaissements de dîmes enregistrés viennent donc d’hommes et de femmes de la petite aristocratie, chevaliers de maigre fortune, damoiseaux, et autres menus seigneurs et dames mais aussi et surtout d’une majorité de gens de statut indéterminé, peut-être parce que l’auteur de l’analyse l’a oublié mais plus vraisemblablement parce qu’il les considérait comme du menu fretin et que le prédicat En ou Na a pu être négligé dans bien des cas. Certains se rattachent peut-être au groupe des milites et domicelli, à moins qu’il ne s’agisse d’alleutiers ou de petits vassaux d’un rang à peine supérieur à la paysannerie236. Ce trait évoquerait presque ce que l’on rencontre dans la zone pyrénéenne où les dîmes étaient aux mains d’une élite paysanne237, à ceci près que les dîmes détenues par la haute aristocratie ont pu être cédées à une époque antérieure.
Sources locales et sources princières : deux approches de la “noblesse”
Divers milieux sociaux étaient impliqués dans le délaissement des dîmes comme en témoigne l’éventualité d’une compositio entre l’évêque et des “laïcs” (864) avant 1275 ou “des barons, chevaliers et bourgeois” dans le Recueil de preuves d’Argenton qui donne in extenso une lettre épiscopale de 1271 consécutive à une cession de dîme (514-2). Le seul accord effectif clairement évoqué est celui avec les chevaliers de Brulhois (milites Brulhenses) (650) peut-être vers 1260. Mais cette formule dans l’analyse de Valier est peut-être réductrice, en tout cas elle désigne bien le groupe social le plus massivement concerné.
Élargissant notre horizon, le Saisimentum nous offre la clé de notre recherche dans le début de l’acte réunissant solennellement à Agen le 14 novembre 1271 dans la maison du Temple “barons et chevaliers et autres nobles et prélats et communautés et la Cour générale d’Agenais”238. Il est clair que barons, chevaliers et d’autres constituent l’assemblée des nobles. Dans ces “autres nobles”, il y a les damoiseaux et ceux qui sont simplement qualifiés de “nobles dames ou hommes”. Lors du parlement de Toulouse en 1270239, six articles concernent la “pétition des barons de l’Agenais”, le 3e article parle explicitement des “barons, chevaliers et damoiseaux”. L’administration du prince agrège avec les barons sous le nom de noble, des personnages auxquels les sources locales refusent le qualificatif de “noble”.
Dans des travaux antérieurs, nous avons trouvé 125 familles dont au moins un des membres est qualifié deux fois de noble dans les documents émanant des chancelleries royales à la fin du XIIIe siècle. Le bullaire en compte 165240 dans les mêmes conditions mais avec une fiabilité moindre à cause des incertitudes sur la lecture des noms de famille. Les deux listes ne se recoupant pas, le bullaire nous permet de connaître 94 familles de petits seigneurs qui ne rendent pas hommage direct au roi et qui délaissent des dîmes. Il faut prendre ce chiffre avec une très grande précaution car les noms de famille ne sont pas stabilisés (par exemple, souvent un des frères reprend le nom de la mère). C’est néanmoins un indice de l’importance numérique d’une couche sociale quasiment impossible à saisir en dehors du bullaire, vu la pénurie d’archives médiévales conservées pour l’Agenais.
La “noblesse” doit être confrontée avec l’hommage direct au suzerain pour des terres et avec la seigneurie. L’Agenais a la chance de conserver des listes d’hommages, en particulier ceux de 1259241 et de 1286242. La liste des familles nobles et celle des familles qui prêtent hommage direct ne se recoupent pas. Il y a néanmoins de fortes similitudes. Il en est de même des familles possédant un castrum, soit un ensemble de droits liés à la seigneurie, avec un habitat villageois subordonné à une ou des résidences seigneuriales, et un centre d’activités administratives commerciales et artisanales243. À partir des textes les plus solennels de la deuxième moitié du XIIIe siècle, on peut en identifier 112. Si on retient toutes les familles qui ont deux castra en possession exclusive ou quatre castra en copossession, nous obtenons vingt familles : Albret, Auvignon, Beauville, Caumont, Cazeneuve, Durfort, Ferréol, Filartigue, Fossat, Fumel, de L’Isle, Lomagne, Marmande, Montpezat, Périgord, Piis, Prayssas, Rovignan, Savignac, Xaintrailles. Celle liste recoupe pour la moitié la liste de celles dont au moins un membre est gratifié du titre de noble homme dans le bullaire.
Gros plans sur les alentours de Tournon et Montaigu
Outre ce panorama sur l’ensemble de l’Agenais, nous nous proposons de procéder à une approche localisée qui permet mieux de mesurer les réalités locales en nous arrêtant sur les paroisses des alentours de Tournon et de Montaigu, aujourd’hui de Quercy mais dans le diocèse d’Agen avant 1789. La carte présente 48 paroisses selon le pouillé réalisé par Valier en 1520 qui ne distingue pas aussi nettement les cures et leurs annexes que les visites épiscopales du XVIIe siècle. Il est à noter tout de suite que les deux bourgs principaux sont l’un, Tournon lié à Saint-André de Carabaysse, l’autre, Montaigu, à Bournazel mais les visites épiscopales du XVIIe siècle font du premier une annexe de Saint-André de Carabaysse, l’autre de Goutz ; Bournazel qui a saint Martin pour patron, était probablement l’église matrice mais elle est surclassée au XVIIe siècle par Goutz.
Sur ces 48 paroisses et annexes, 19 bénéficient de délaissements à l’évêque. Si on écarte les bénéficiaires de concessions papales ou épiscopales [(145-1), (451)], on compte 13 “familles”, le terme étant utilisé avec les précautions déjà indiquées et en tenant compte que ces groupes participent aux délaissements ; elles étaient souvent liées entre elles par des mariages qui mettaient des parts de dîmes dans les dots244, peut-être parce qu’il s’agissait de biens patrimoniaux fragilisés par la pression ecclésiastique245. Notons que toutes ces familles ont un de leurs membres qualifié de chevalier ou de damoiseau dans le bullaire, sauf les Palazols et les Aspremont qui le sont dans d’autres textes de la fin du XIIIe siècle246, remarquons aussi la quasi absence des Montaigu247 et que seules 5 d’entre elles prêtent hommage direct au roi : Anthé au village éponyme et probablement déjà installés à Birou, à 500 m au sud du village ; Monfabès au Pech-de-Lestelle, à 800 m au nord-est de Bourlens ; Paga à Puycalvary ; Palazols à Cazideroque ; Aspremont à 2 km au sud-ouest de Roquecor.
Les Anthé et les Monfabès ont déjà été partiellement présentés il y a quelques années248. Il faudrait ajouter pour les premiers, deux actes liés aux dîmes qui sont copiés dans le Recueil des preuves d’Argenton-Labrunie249. Celui de 1249 montre que l’évêque concède à rente les dîmes d’Anthé, Sombal et Carabaysse au curé d’Anthé, Guillaume d’Anthé (814-2) peut-être à la suite d’un délaissement opéré par les siens et que nous ne trouvons pas dans le bullaire. Celui de 1283 fait état de la cession d’une part de la dîme de Bourlens qui a déjà Bourlens qui a déjà donné lieu à délaissement par un autre membre de la famille vers 1254-1260 (348-2). Les Palazols ont fait l’objet d’une synthèse plus conséquente250. L’importance des délaissements de dîmes de ces familles montre leur richesse et la perte considérable que représentait leur cession.
Les familles dont les membres ne sont pas vassaux directs du prince (Reveille, Roquebrune, Rozet, Couyssels) et que seul le bullaire fait sortir un peu de l’ombre, disposaient d’un patrimoine beaucoup plus restreint. Les Reveille, damoiseaux de Montaigu, ne délaissent que la dîme de Saint-Martin de Bournazel (910), leur lieu éponyme est un plateau à 800 m au sud-est de Montaigu et à 700 m à l’est de Saint-Martin, ancienne matrice de Montaigu, et restée aujourd’hui le site du cimetière du bourg. Les Rozet dominent à 50 m, la petite église de Saint-Aignan au diocèse d’Agen mais aujourd’hui dans le département du Lot [(683), (1033)]. Les Roquebrune abandonnent la dîme de Saint-Félix-Saint-Philippe de Bois-de-Cels (231) à 150 m du lieu éponyme, il s’agissait d’une minuscule église de 7 sur 3 cannes, haute de 4 selon Mgr Mascaron en 1682, aujourd’hui parcelle de bois et de décombres. Les Couyssels délaissent en 1283 celle de Saint-Julien, à 600 m de leur repaire, mais aussi celles de Gouts et de Pervillac en 1283, un peu plus loin mais simplement à 9 km à vol d’oiseau (561). La dimension vécue ne devait pas excéder ces horizons. Signalons aussi pour éclairer le sort un peu plus favorable chez les Coyssels que l’un des leurs, Bernard, est recteur des églises de Valprionde, Soucis et Saint-Aignan (683), très légèrement plus lointaine que Pervillac !
Le bullaire, et lui seul, nous permet de préciser l’organisation socio-géographique de certaines zones à la fin du XIIIe siècle et encore, l’absence des Montaigu dans l’exemple ci-dessus, montre les limites de l’exercice. Pourtant se dégage un paysage profondément encadré par la couche des petits nobles, très différent de celui que Renée Mussot-Goulard permet d’apercevoir dans le Condomois et autour de Moncrabeau où les bourgeois jouent un rôle considérable dans le délaissement des dîmes.
La petite aristocratie en difficulté ?
Les évêques successifs d’Agen connaissent manifestement bien leur diocèse, Bertrand de Got proche de la noblesse dont il est issu, perçoit peut-être au moment où il obtient la confirmation pontificale des délaissements, les difficultés des milieux sociaux qui, aux générations précédentes, ont donné leurs dîmes à l’évêché, et les tentations qui pourraient en découler, chez ceux qui n’ont pas de revenus banaux et ne tirent guère profit de la prospérité viticole et marchande.
Sous Alphonse de Poitiers, jusqu’en 1279 même, les familles nobles et seigneuriales ont été “nivelées” par les hommages que toutes ou presque doivent rendre. Le délaissement des dîmes entraine une baisse substantielle de revenus comme l’a noté Jean-Louis Biget pour le diocèse d’Albi251. De plus, la pratique habituelle du partage égalitaire entre les enfants démultipliait les possesseurs de parts de castrum, la croissance économique profitant surtout aux villes nouvelles dominées par leur suzerain. La croissance de ces castra n’était pas suffisante pour assurer la richesse de cette petite noblesse. Quelques grandes familles seigneuriales émergent dans les conflits du début du XIVe siècle tandis que de nombreuses autres moins fortunées, se mettent sous leur protection ou dans leur suite. La hiérarchie nobiliaire s’accroît, le vocabulaire en témoigne252.
Des exemples permettent d’illustrer la dynamique de quelques fortunes seigneuriales. La famille Savignac253, selon un faisceau d’indices, se trouvait en difficulté financière au début du XIVe siècle. Seules les prébendes distribuées par le pape ont permis à certains de ses membres de retrouver de l’aisance : au début du XIVe siècle, on compte sept chanoines dans cette famille dont cinq ont commencé leur carrière sous Clément V ! Mais le célibat ne permettant pas à la famille de survivre, elle s’éteint dans la deuxième moitié du XIVe siècle. Les Paravis au début du XIIe siècle ont doté le couvent du même nom. Mais, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ils ne survivent que grâce aux facilités que leur consent ce même couvent. Ils disparaissent de la documentation au milieu du XIVe siècle254.
Par son mariage avec Jourdain de l’Isle en décembre 1270, Guillauma de Durfort entre dans la grande noblesse régionale. Mais à ce moment, beaucoup de membres de son lignage sont endettés et le partage égalitaire des biens parentaux est soigneusement réglé. Son testament, en 1304, rédigé à Toulouse, avantage l’aîné255. Ses fils, nous l’avons vu, s’opposent violemment sur l’héritage maternel mais tous deux sont parmi les membres les plus importants de la grande aristocratie régionale et participent à ses luttes.
Guillaume-Raymond de Piis, actif depuis 1269, bien qu’un des principaux seigneurs de l’Agenais, semble à court d’argent vers 1275 : il doit vendre ses deux castra du diocèse d’Auch et, quelques années plus tard, ne peut pas payer son achat de Corneillan256. Néanmoins, il a des droits sur le péage de Monheurt. Il teste en 1291. Son fils Sans Aner, après quelques mésaventures257, hérite de l’essentiel de la fortune familiale vers 1297. Il épouse Brunissende de Comminges puis, avant 1316, Jeanne de Lavardac, ancienne épouse de Pierre de Bordeaux. Il décède avant 1332. L’ensemble des actes successoraux des années 1291-1297 permet de mesurer l’ampleur des biens familiaux et le rôle très important du péage de Monheurt. La fortune semble revenue avant le tournant du siècle. Les actes des Durfort montrent que les affaires militaires prennent une place importante mais que les soldes restent marginales dans les revenus en 1303-1305258. Ainsi, les familles seigneuriales étaient dans une situation financière difficile sauf celles qui pouvaient profiter de grâces bénéficiales. L’autorité royale étant incertaine, la violence commence à s’installer en Agenais. L’évêque a dû juger prudent de faire appel à son neveu, le pape, pour conforter ses droits sur les dîmes, surtout que celui-ci, outre son autorité morale, déversait les précieuses prébendes.
On comprendra vite en parcourant cette source imparfaite que, même biaisée par des analyses rédigées vers 1520, elle soulève bien des questions sur le prélèvement décimal, l’organisation paroissiale, l’administration du diocèse et le milieu des maîtres du sol, petits et grands. Sans doute n’y aura-t-il pas de réponses à apporter autres que très locales en reprenant de façon systématique tout ce que l’on peut trouver de documents des XIIe et XIIIe siècles, singulièrement dans le fonds de Malte. Mais le bullaire et les cessions de dîmes nous permettent de dessiner à traits parfois assez fins la société agenaise de la seconde moitié du XIIIe siècle.
Notes
- totz los dreitz e’ls devers e totas las razos e las senhorias e las actios [que].. avian ni aver devian e tot quant demandar o requer podian en tota la dema de Senta Pomponha (203-2).
- .. racione, nomine aut occasione proprietatis vel dominii de jure vel consuetudini (915).
- …ratione patrocinii vel generis (600).
- …racione generis sui (990).
- …racione eorum parentelli et successionis (726).
- …cum non haberet filium vel filiam legitimum seu legitimam cui dictam decimam legaret (703).
- D’une bibliographie abondante, nous ne retiendrons ici que deux recueils récents : La dîme dans l’Europe médiévale et moderne, 2010 et La dîme, l’Église et la société féodale, 2012 et plus particulièrement leurs synthèses introductives, respectivement de R. Viader, 7-36 et de M. Lauwers, 11-64. On pourra se référer aussi à une étude sur la Bretagne, Lunven 2014, 201-210.
- 2020, 119-170. Simon 2007 porte pour titre “La restitution des dîmes selon le bullaire de Jean de Valier” que nous laissons pour respecter l’approche de l’époque et mieux souligner l’importance des avancées des années 2010 et 2012.
- Mazel 2002, 204 ; Biget 2020 [2011], 102.
- Viader 2010, 11.
- Guyon 2005, 251-255 et plus généralement le recueil Aux origines de la paroisse dans la Gaule méridionale, dir. C. Delaplace.
- BnF, ms. lat. 9934, f. 6 à 13v pour le diocèse d’Agen et 15 à 19 pour le diocèse de Condom, édité par Tamizey de Larroque 1879, 197-215.
- Diocèse d’Agen, 79-90 (1326), 91-103 (1384-1385), 104-113 (1384-1385) ; Diocèse de Condom, 129-135 (1326), 136-140 (1379), 141-146 (1381-1382).
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, G/C 1, f. 7r-26v, édité récemment, Diocèse d’Agen, 114-128. On compte 614 paroisses (et non 502 comme indiqué par Bourrousse de Laffore éd., 1854, 90), classées par 6 archiprêtrés.
- Bourrousse de Laffore éd. 1854, 105-112. On compte 251 paroisses réparties en 4 archiprêtrés.
- Marmier 1884, 459.
- Tholin & Fallières éds. 1897.
- Dossat éd. 1959. Le document énumère les paroisses des bailies de : Penne 242-244 ; Monflanquin 247-248 ; Tournon, 250-251 ; Villeneuve-sur-Lot, 260-261 ; Puymirol, 272-275.
- Cf. infra, Description des manuscrits, tradition et élaboration des textes.
- Durengues 1894.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 18 J 36-42.
- Le Maresquier-Kesteloot et al., éds. 2020.
- Mussot-Goulard 1971, 127-147 ; id. 1973, 241-248.
- Beschi 1993. Il dénombre 22 paroisses à la fin de l’Ancien Régime mais repère 24 autres églises qui ont été paroissiales au Moyen Âge.
- Hautefeuille 2012, 248-249.
- Ce texte et quelques autres montrent qu’il devait s’agir d’un non-paiement de dîme sur ses propres terres et donc non pas tant d’une cession que de l’engagement d’acquitter un droit qui n’était pas versé jusque-là.
- Lunven 2014, 337-343.
- (429), (430), (457), (460), (461), (471), (476), (506, (507), (544), (561), (573), (577), (861), etc.
- Durengues 1929, 258.
- Clémens 1968, 3-15.
- Deffontaines 1932, 157.
- Ibidem, 159.
- 2006, 77-79.
- Lauwers 2005, § 22 et 23.
- Nous avons consulté la version conservée à la BnF (ms. lat. 5652), celle-même ayant servi à l’édition par dom Luc d’Achery (Spicilegium, 1712, 580-602), sous le titre Historia Condomiensis, en raison du récit précédant le cartulaire.
- BnF, ms. lat. 5652, f. 23v.
- Zadora-Rio 2005, 15-23.
- Faravel & Simon 2006, 67-119.
- Malgré la faiblesse de ceux-ci. On ne compte en effet qu’une seule vraie fouille, celle de Saint-Cloud, cf. Lapart & Noldin 1986, 3-20. Pour le reste, il s’agit souvent de simple prospection et de repérage de sites antiques que l’on peut attribuer à une villa gallo-romaine à proximité du site d’une église. . On ne peut que regretter que les fouilles de Saint-Martin de Bruch n’aient pas pu être poursuivies, Cartron 2014.
- Faravel & Simon 2006, 71.
- Ibidem, 72.
- Ibidem, 88-95.
- Petit-Aupert et al. 2014, 13-19.
- Gensbeitel & Dumaine-Levêque 2017.
- En particulier celles de Mgr Joly (1665-1678) et de Mgr Mascaron (1679-1703), Arch. dép. Lot-et-Garonne, G/C 5 à G/C 27. Pour une mise en perspective sur le temps long voir Deffontaines 1932, 157.
- Diocèse d’Agen, 75-76, 111.
- Ibidem, 89-90, 111.
- Ibidem, 75, 100.
- Collatio parochiarum ecclesiarum. S. Germani, S. Petri de Tausieda, S Joannis de Cauderoa et S. Martini Veteris, quae invicem sunt unitae, Condomiensis diocesis, Jean XXII, n° 8708.
- Confirmat Bertrando possessiones ecclesiarum de Turnone cum ecclesiis de Corthel et de Lonpcanta ei ab olim adnexis ac de Borlen cum ecclesia de Thesaco ei similiter adnexa et portus Pennae cum ecclesia S. Marcelli ei adnexa nec non S. Fidis prope Pennam et S. Iusti cum ecclesiis S. Thomae et de Gelsaco ei adnexis, de Basenxs cum ecclesiis de Spienxs et S. Medardi ei adnexis, de Cavomonte et portus Marmandae cum ecclesiis de Forcas et Darbeleda adnexis eidem, Agennen. dioecesis, Clément V, n° 4831.
- Pour une vue générale sur ce phénomène mais qui porte surtout sur le XVe siècle, cf. Fournié 1997, 263-292.
- Tant en nombre, une quarantaine, qu’en répercussions sur la société agenaise, cf. Simon 2007, 461-467.
- Simon 2007, 144 n. 44.
- Lorsque qu’un acte épiscopal semble manifestement consécutif à un délaissement de dîme, nous leur avons assigné au second la même date que le premier. Nous avons également pris en compte les bulles pour lesquelles le catalogue donne une fourchette chronologique inférieur à 10 ans et en assignant à chaque plage de 5 ans la moitié de leurs actes.
- Biget 1972, 232-240.
- Viader 2010, 26 ; Biget 2020 [2111], 106 ; Lauwers 2012, 41-46.
- BnF, ms. lat. 5652, f. 26r (s. d.), f. 51r (s. d.).
- Ibidem, f. 28r (s. d.).
- Ibidem, f. 49v (1133 et s. d.).
- Ibidem, f. 37v-37v (s. d., rente fixe en nature), f. 45v (s. d., rente fixe en nature), f. 47v (rente en fixe en nature en plus de la dîme ? s. d.).
- Ibidem, f. 45v (cum omnibus appendiciis suis, scilicet honoribus ecclesiasticis cultis vel incultis), s. d.), f. 51v-52r (1194).
- Ibidem, f. 39r (1074) f. 41r (s. d.), 43v (s.d.), 47v (s. d., deux actes), f. 50r (s. d.), 52v (fin XIIe siècle), 53r (fin XIIe siècle ?) 53r (fin XIIe siècle ? en référence à une sentence contre les détenteurs illicites de dîme et à une saisie dans la main de l’évêque).
- 2012, 235-240.
- Lauwers 2012, 38-46.
- Biget 2020 [2011], 102.
- Canon 127, Pontal 1983, 100-101.
- Canon 101, ibidem, 88-89.
- Canon 102, ibidem, 90-91.
- Canons 103-104, ibidem, 88-91.
- Canon 105, ibidem, 90-91.
- Canon 128, ibidem, 102-103.
- Canon 129, ibidem, 102-104.
- Ibidem, 89 n. 1.
- Avril 2001, 15-17, 28-29.
- Canon 9, Foreville 1965, 214-215.
- Canon 61, ibidem, 377.
- Canon 103, Pontal 1983, 90-91.
- Canon 104, ibidem, 90-91.
- Lauwers 2012, 21-31.
- Sur le retournement de situation qui permet à l’évêque de réaffirmer son rôle à l’époque grégorienne, voir Lunven 2014, 211-213, Mazel 2016, 239-245.
- Duval-Arnould 2016, 17-20.
- Arch. dép. de Tarn-et-Garonne, G 744-746. BnF, ms. lat. 12669, f. 157-161, publié avec des compléments de Lantenay 1892, 151-180, 221, 397-415.
- BnF, ms. lat. 12829 (dit désormais Chronicon). Publié en partie et annoté par Tamizey de Larroque 1895, 51-96 et Vacquié 1911, 409-422, 538-548,
- Ganshof 1968, 416.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, E sup. 2785 (inventaire Delort) et H 16.
- Par exemple, Bénaben 1914 et Chaumié 1931-1935, 269-295 à 62, 65-82.
- Vidal 2006, 2, 721-722 ; Hanna 1993 ; Ferrand 1996.
- BnF ms. lat, 12678, f. 222-241, publié en 1869 avec des annotations par Tamizey de Larroque.
- Sauve Maj., n° 660.
- Peña 1977.
- Sauve Maj., récapitulatif de 1142, n° 1129.
- Marmier 1884, 472-476 (voir également Barrère 1855, t. I, 328).
- Sauve Maj., 1125, n° 1132 ; en 1130, n° 1135 ; en 1128-1147, n° 1136 ; en 1142, n° 1129, importante confirmation générale ; en 1161, n° 1124 ; en 1169, n° 1137 ; en 1215 et 1216, n° 1128 et 1131), etc.
- Prignac (1185), ibidem,n° 703 ; Monheurt (s. d.), n° 716-717 (don), n° 718 (mise en gage et non cession).
- Ibidem, n° 735, 736, 1134, 1138.
- Relinquerunt decimam cujusdam ecclesie de Lecmon, quam periculo animae tenebant predicto episcopo, quam sue gratie dedit proxime nominatis Paradisi habitatoribus, retento tantum episcopali jure, Marboutin 1924, 9-11. Cette famille donne plusieurs “églises” à Condom dans la même période selon le Spicilège.
- Simon 2019, 5-20.
- Lainé et al., éds. 2019, 227 (n° 223).
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, H 16.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, E sup 2785 (inventaire Delort), 414.
- Les dîmes représentaient 45 % des revenus en 1668, probablement moins à la fin du XIIIe siècle car le couvent avait encore un important domaine direct, Simon 1987, 320-322.
- Barrère 1855, 15-16. Pour une fois, l’abbé Barrère ne cite pas ses sources et ces accords ne figurent pas dans les analyses des mauristes. La copie de 1556 de la transaction entre l’évêque et le prieur du Lédat (Arch. dép. de Lot-et-Garonne G/D 3) rend crédible l’analyse de Barrère sur celle de Sainte-Livrade.
- Chaumié 1931, 292.
- Tamizey de Larroque 1869, 11.
- Probablement le lieu-dit “Saint-Pardoux” à 2 km à l’ouest de Saint-Maurin. La carte de Cassini est presque illisible pour cette région et celle de Belleyme lacunaire !
- Chronicon, 5.
- Ibidem, 10-11.
- Ibidem, 17.
- Peut-être Montmarès, à 8 km au nord-est d’Eysses. D’après les Notes de Durengues, rien ne s’y oppose mais rien ne l’indique. Simon 1994, 143-144.
- Arch. dép. de Tarn-et-Garonne, G 745. Analyse dans Lantenay, 1892, 175-177.
- Cette paroisse figure d’ailleurs dans la liste de celles dont l’évêque confirme la possession au chapitre en 1567 (Pôle mémoire d’Agen, ms. 9), fol. 352v.
- Chronicon, BnF, ms. lat. 12829, p. 11.
- Arch. dép. de Tarn-et-Garonne, G 745.
- Pôle mémoire d’Agen, ms. 9, fol. 342.
- Burias 1979, planche XII-6.
- Arch. dép. de Lot-et Garonne, G 3.
- Ibidem : Sainte-Raffine, 1256, p. 32 ; Clermont-dessus, 1260, p. 20 ; Saint-Hilaire près Monflanquin, 1298, p. 49 ; Fraisse, 1305, p. 50, ; Laroque-Timbaut et Vitrac, 1316, p. 3 la moitié) ; Roubillou, 1317, p. 43 ; Laparade, 1319, p. 19 ; Castelmoron, Saint-Hilaire, Albeterre, Roubillou, Laparade, Lanusse, Mazères, Pelagrue, Pelarance, La Magdeleine, 1357, p. 20 ; la moitié des dîmes que Arnaud de Durfort prenait (probablement celles de Laroque-Timbaut et Vitrac car l’article entier leur est consacré et il confirme en 1359, p. 3, la donation de 1316.
- Ibidem, p. 5.
- Ibidem, p. 7.
- Arch. dép. de Lot-et Garonne, G 3. Les cessions au chapitre sont tardives : p. 3, 1316 pour la moitié des dîmes puis confirmations ultérieures. Les cessions à l’évêque aux articles [(185), (850), (857)] ne sont pas datées mais sont par définition antérieures à 1309 et la cession (1106) date de 1262. Pour cette dernière, il s’agit déjà d’un Arnaud de Durfort, seigneur de Frespech, comme en 1309 et en 1359. Probablement qu’à chaque génération, il convenait de réaffirmer les droits de chacun face à une habitude de respect irrégulier !
- Arch. dép. de Lot-et Garonne, G 3, p. 19. La cession au chapitre est datée de 1319 alors que les cessions à l’évêque sont comprises pour celle de l’article (796) entre 1251 et 1260 et pour celle de l’article (885) entre 1282 et 1296. Est-il envisageable qu’il s’agisse d’une cession de l’évêque ?
- En collab. avec J.-L. Lemaitre, parution prévue dans le Recueil des historiens de la France, série des Obituaires, in8°.
- Biget 2020 [2011], 106.
- HGL, 1872-1904, VIII, col. 884-885.
- Chenard 2010, 126-129. Par ellipse, on anticipe souvent le choix d’Alphonse pour mari de Jeanne de Toulouse, Le Goff 1996, 108, 150. En 1229, il reste à Louis IX cinq frères puinés âgés de 13 à 3 ans dont seuls trois atteignent l’âge adulte. Le choix d’Alphonse, comte apanagé de Poitiers pour être comte de Toulouse situe vers 1235 et certainement après 1232 date de la mort de Jean, troisième fils survivant de Louis VIII.
- Biget 1972, 226-236.
- Gall. christ. II, Instrumenta, col. 431-432. Lavaud dir. 2017, I, p. 137.
- HGL 1872-1904, t. VIII,col. 966-967.
- Contrairement aux indications de Fournier & Guébin éds. 1959, 64 en note des Enquêtes administratives.
- Entre le 20 et le 30 mars : Penne, Port-Sainte-Marie, Marmande, Agen et Mézin, Layettes, t. II, 497, 531, 532, n°3165, 3166, 3169, 3045, 3171.
- Le 7 avril, à Castelsarrazin, le juramentum baronum, castellanorium et militum Agennensis dioecesis regroupe 43 signatures, ibidem, t. II, 505, n°3074
- Magen & Tholin éds. 1876, actes XIV, XV, XVI, XVIII, XIX, XXII, XXVIII, XXX.
- Roux 2019, 307-335.
- Saisimentum, 28.
- Chenard 2010.
- Enq. administratives, pour l’Agenais : 64 (n° 7 § 4).
- Corr. administrative, n° 424.
- Ibidem, n° 1447 et 1552.
- Enq. administratives, pièce 128 (n° 370 et 377).
- HGL 1872-1904), t. VIII, col. 1648.
- Boutaric 1870, 90-95 ; Le Goff 1996, 257-260.
- Ourliac 1952.
- Saisimentum, 239-284 (n° 83 à 100).
- Ibidem, 254 (n° 90).
- Magen & Tholin éds. 1876, 89-90.
- RG, t. II, n° 437, 1038, 1334, 1697.
- RG, t. IV supplément aux rôles d’Édouard Ier, n° 5129 de juin 1286.
- Déprez 1902, 15-23.
- Barnabé 2003, 317-319.
- Tamizey de Larroque 1875, 198-201.
- Peña 1990, 274.
- Par exemple : Marquette 2010, 215- 294, en particulier 291.
- Déprez 1902, 17 ; Caron 1994, 66-70.
- Magen & Tholin éds. 1876, n° CXXVI (1303-1312 n. st.), CXXVIII (1303), CXXIX (1303), CXXXI (1304).
- RG, t.IV, n° 302 ;Clément V, n° 3326, Doc. Durfort, n° 233 ; Chronicon, Saint-Maurin, 29.
- Barnabé 2003, 249.
- Tholin 1886, 13-15.
- En 1310, la communauté de Nérac acte qu’elle n’a pas les privilèges habituels des communautés agenaises. En 1502, un nouvel accord, en gascon, convient qu’elle les a. Il s’agit probablement en 1502 d’un retour à la situation préalable à celle de 1310. Simon 2007, 21-59.
- Tamizey de Larroque 1866, 267-282.
- Tholin 1886, 14-15.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, E sup. 3581. Cf, une étude partielle (moulins) : Bourrachot 1962.
- Simon 1993, 438-447.
- Saume n° 657, transcrit dans Simon 1993, 546, texte 20.
- Trabut-Cussac 1972, 127.
- Tamizey de Larroque 1869, 14.
- Bullaire : (144), (250), (335), (1105-1), (1106-1), (1107-1) ainsi que Chronicon, 17 (= Doc. Durfort, n° 45).
- Doc. Durfort, n° 40 à 42, 45.
- Cne de Saint-Clair, Tarn-et-Garonne, au nord de Lalande, Chronicon, 32 (1310).
- RG, t. IV, n° 135, 176 (1309).
- Clément V, n° 3326, Doc. Durfort, n° 233 (1309) ; Chronicon, 31-32 (1308 et 1311).
- RG, t. IV, n° 302 (1310).
- Clément V, n° 5171 du 15 nov. 1309.
- RG, t. III, n° 4594, septembre 1303.
- Simon 2017, 45-57.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, G/G 5.
- Clément V, n° 4276 et 4831.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, G/G 8, 9 et 10.
- Les recettes des baylies agenaises restent stables entre 1296 et 1306 et que celles de la coutume de Bordeaux et du péage de Saint-Macaire ne s’effondrent que dans les années 1340, Barnabé 2003, 241 et 548.
- Magen & Tholin éds. 1876, n° CXXXVI et CXXXVII. Indulget, ut cives ac incolae civitatis Agennen. non possint extra civitatem et dioecesim Agennenses ad causam trahi vel ad iudicium evocari per litteras sedis apostolicae vel legatorum eius, Clément V, n° 2958.
- Clément V, n° 3740 et 3930.
- Ibidem, n° 5354 et 6446.
- … barones, milites et burgenses diocesis Agennensis, Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 91 J 3, 26-27 (n° 44) de 1260 et 29 (n° 50) de 1263.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 91 J 3, 33-34 (n° 51).
- Bisson 2012, 343‑357.
- Clémens 1986, 69-80.
- Taylor 2003, 148-167.
- Vincent 2009, 451.
- Magen & Tholin éds. 1876, 18-19 (n° XIV).
- Une sentence de 1212 permettait aux bourgeois de Condom de faire appel ad curiam agennensem, cf. Ourliac & Gilles 1976, 31. Mais ce texte n’est connu que une citation de Gardère1902, 273.
- … als baros e als cavalers e als borges e a touta la universitad d’Agenes, Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 91 J 3, 19 (n° 33).
- …instancia civium Agennensium nec non et baronum ac militum in Agennensi diocesi constitutorum, 91 J 3, n° 34, 19 ; Magen & Tholin éds. 1876, n° XXIV, XXXVI-XXXVII.
- Layettes, t. III, n° 3833 et 3845. Dossat 1960, 706-707.
- Boutaric 1870, 73-74. Saisimentum, n° 254.Enq. administratives, pièce 7, 66 (n° 18), 67(n° 28).
- … super petitione baronum de Agenesio, ibidem, pièce 128, 494 (n° 493).
- Enq. administratives, pièce 7, 66 (n° 18), 67(n° 28).
- … quatuor curiis generalibus habendis in Agenesio certis temporibus sine mandato cujuscumque et appelationibus interponendis per curiam decidendis, ibidem, n° 498.
- Le Saisimentum emploie pour la première fois l’expression «parlement», 254 (n° 90) : convocatis ibi baronibus de terra agennensi et militibus et nobilibus, et consulibus ipsius civitatis et aliarum bonarum villarum, et parlamento seu curia generali juxta usum dicte terre. “Parlamentum” est apparu tôt en Agenais, cf. Guenée 1981, 250.
- En 1222, l’accord du Mas et d’Agen convient si contrast fo que ja no sia, ni rancura forzia entre vos e nos, que aco fos determenad per acordir o per drech, a coneguda des baros e des cosels dels borcs d’Agenes, e aquo que devant lo senhor deuria anar, que per lui sia determenad (Magen & Tholin éds. 1876, 19 (n° XIV).
- RG, t. II, n° 1428 ; en avril 1289, Édouard Ier demande à son sénéchal de convoquer une Cour générale pour évoquer un fouage nécessaire à la construction du pont d’Agen.
- Une requête est effectuée par Bernard Jourdain contre Jourdain, son frère et le sénéchal aux barons et consuls d’Agen en juillet 1308 (Saume, n° 657, f. 1016‑1018). Les prélats et les nobles de l’Agenais demandent du rétablissement de la cour d’Agenais, dans un acte malheureusement non daté des Ancient Petititons, Peña 1990, 272
- libertates et consuetudines eorum, Layettes, t. III, 90 (n° 3833).
- Dossat 1962.
- Enq. administratives, 64 (n° 7).
- Hommages 1259, 53 (n° 17).
- Il doit mourir peu après son testament du 16 juillet 1291, BnF, Doat, testament, t. 41 f. 121-138.
- Clément V, n° 5354, 6446.
- Noulens 1876, t. V, 87-88.
- (390), (488), (640), (741), (867), (912) mais, dans le dernier cas, la même somme de 7 livres est versée à un ayant droit pour son approbation (913).
- (686), (802).
- (308), (345), (346), (397), (409), (525-1), (722), (1085).
- (391), (691).
- L’acte initial de 1270, est vidimé dans le texte de la concession papale, Clément V, n° 5227.
- Clément V, n° 3740.
- Clément V, n° 5233.
- Arch. dép. Lot-et-Garonne G/D 21.
- Simon 2008, 332-333.
- Clément V, n° 2941.
- Ryckebusch 2001, 80-95
- On observe une disposition analogue à Sainte-Radegonde près d’Agen, Corvisier, 2008, 291-304.
- Sur ces points voir Mazel 2016, 30.8-322.
- Mazel 2016, 227-233.
- Lainé 2019, 28-35.
- Simon 1987, cartes p. 311 et 316.
- Burias 1979, planches X à XIII.
- Durengues 1894, 488-489 et Notes Durengues (Monbahus) 4.
- BnF, ms latin 12 829, p. 11-12 pour l’arbitrage de l’évêque d’Agen et p. 22 pour la décision de l’évêque de Cahors.
- Ibidem, p. 5-26. Sur 43 analyses d’actes conservés pour la période de 1237 à 1288, 15 concernent des affaires où la dîmes jouent un rôle significatif.
- Simon 1994, 143-144.
- Gouron 1935, n° 771 et 1335 ; Simon 2017b, 5-29.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 91 J 3, 27 (n° 44), 29 (n° 50) qui datent de 1259 et 1262.
- Mazel 2016.
- Marquette 2013, 314-317.
- Burias 1979, planche XI-2, les biens du chapitre Saint-Caprais d’Agen en 1235, planche XII-6, Saint-Étienne d’Agen et ses dépendances en 1790.
- Mazel 2016, 239-244.
- Mussot-Goulard 1973, 242-244.
- Comptage établi sur tous les articles après indexation
- Cursente 2004, 285-305. Viader 2010, 33-35.
- Saisimentum, 277.
- Enq. admin., 349-350 (pièce 128, § 493-498).
- Simon 1993, 145-148, 155-170 (listes).
- Tholin & Fallières éds. 1897, 11-62.
- Delpit, éd., 1859, 349-387.
- Simon 1993, 195.
- Par exemple, pour les dîmes de Bourlens, on voit apparaitre Arnaud de Roussillon comme époux de Bernarda de Monfavès, famille locale qui seule est comptée ici. En revanche, on n’a pas rattaché à la famille Anthé, la branche des Arvieu et celle des Roquebrune – voir n. 2 de la cession (16) – car elles semblent avoir une certaine autonomie.
- En Toulousain, à partir de c. 1060, églises et dîmes deviennent l’élément essentiel des dots et douaires, Panfili 2012, 259-261.
- Seule celle de Villars-Montaigu ne l’est pas mais la cession (13) n’est pas claire sur le nom.
- Dans des mentions ambiguës entre lieu et famille : (13), (19), (1032).
- Simon 1987, 27-28.
- Arch. dép. de Lot-et-Garonne, 91 J 3, 25 (n° 43) en 1249, article (814-2) de la présente édition, 43 (n° 67), en 1283, article (348-2).
- Simon 1993, 461-467.
- Biget 1972, 222-223, 274.
- Simon 1993, 141.
- Simon 2008, 323-338.
- Simon 1993, 473-475.
- Ibidem, 425-432.
- Ibidem, 456.
- Ibidem, 478-481, 484 (tableau 22).
- Doc. Durfort, n° 168, 171, 172, 180, 181, 184, 185, 186, 188, 191.