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Chapitre 2.
Le Pays basque

par

De nombreux sites miniers et métallurgiques sont connus dans le Pays basque (fig. 13). Les recherches en archéologie minière sur ce secteur ont réellement démarré dans les années 1990, à la suite de premiers repérages par des spéléologues (Parent 2006, 272 ; Parent 2010, 9). Les travaux menés par A. Beyrie dans le cadre de sa thèse et poursuivis par la suite ont porté principalement sur l’exploitation du fer, attestée pour la fin de l’âge du Fer et le début de la période romaine (Beyrie 2003 ; Beyrie & Kammenthaler 2008). La mine de cuivre antique de Banca a constitué un autre pôle de recherches important entre les années 1990 et le début des années 2000 (Parent 1997 ; Ancel et al. 2001). Enfin, des prospections menées par G. Parent dans la vallée de Baïgorry et ses alentours proches, suivies par des campagnes de sondages et datations, ont permis de préciser récemment les phases de l’activité minière de ce secteur (Parent 2010, 11-12 ; Parent et al. 2016). Il faut ajouter à cela des recherches sur le paléoenvironnement qui ont mis en évidence différents pics de pollutions liés à la métallurgie ancienne, d’origine locale ou régionale (Galop et al. 2002, 165-166).

Fig. 13. Les mines et ateliers anciens du Pays basque. E. Meunier 2018

L’activité minière du Pays basque a été intensive au XVIIIe siècle et, dans bien des cas, les chantiers anciens en ont souffert. De ce fait, un certain nombre de sites sont attribués à l’exploitation récente, voire non datés. D’autre part, le nombre important de vestiges et leur découverte relativement récente font qu’ils n’ont pas pu tous faire l’objet d’études aussi poussées. On distinguera ainsi les exploitations de non-ferreux (Cu, Pb, Ag) et celles destinées à la sidérurgie. Les premiers sont ceux pour lesquels nous avons le plus de données sur les réseaux miniers. Pour le fer, les recherches se sont centrées sur les ateliers ; les mines, souvent à ciel ouvert et comblées, demeurent moins bien connues. Enfin, au sujet des mines d’or, seules des prospections ont été menées sur le terrain, ainsi que des reconnaissances sur photographies aériennes (Cauuet 2001a, 32-40 ; Parent 2006, 277 ; Lafaurie & Parent 2015). La morphologie caractéristique des chantiers correspond à une exploitation par la force hydraulique, bien attestée pour la période antique. D’autre part, Strabon (Strab. IV.2.1), qui reprend des informations de Posidonios, signale que les Tarbelles, dont le territoire a été restitué à proximité, disposaient de riches mines d’or. Ces exploitations pourraient donc remonter au moins à la période romaine voire aux IIe ou Ier siècle av. n. è. (Cauuet 2001a, 40 ; Lafaurie & Parent 2015, 79-81). Cependant, l’absence de datation assurée ne nous permet pas de les intégrer pleinement à nos réflexions. Nous renvoyons donc à la bibliographie pour de plus amples détails.

Les exploitations de non-ferreux

Le site de Banca est la mine de cuivre la plus importante et la mieux connue de toute cette zone. Il s’agit d’une minéralisation filonienne à chalcopyrite*, pyrite et cuivre gris argentifère, encaissée dans des grès de l’Ordovicien à faciès quartzitique ou pélitique. Les travaux au feu dans les bandes quartzitiques, très dures, sont bien conservés, alors que ceux qui se sont développés à l’outil dans le faciès pélitique ont été plus fréquemment affectés par les effondrements. Les reprises modernes, entre la deuxième moitié du XVIIIe et la fin du XIXe siècle, avaient mis en évidence l’ancienneté des “vieux travaux”, recoupés en plusieurs endroits (Parent 1997, 312-314). Des monnaies romaines datées du Ier au IVe siècle de. n. è. avaient également été trouvées. Les recherches archéologiques, réalisées sous la direction de G. Parent puis de B. Ancel, ont révélé une exploitation antique d’envergure, de laquelle 870 m linéaires de travaux anciens sont conservés (Parent 1997, 312 ; Ancel et al. 2012, 170). Situés à une faible altitude, ces travaux avaient aussi l’avantage d’être accessibles toute l’année.

Les exploitations se répartissent sur trois secteurs : Berg-Op-Zoom, Ste Marie et Les Trois Rois. Le premier réseau n’a pas pu être daté précisément en raison des difficultés d’accès au secteur ancien. Les fouilles menées dans les deux autres ont livré des charbons et des restes de boisages qui ont pu être datés par le radiocarbone ou la dendrochronologie. Le réseau des Trois Rois est celui dont les ouvrages anciens sont le mieux conservés (fig. 14). Des niches à lampes sont également présentes au parement de certaines galeries. L’exploitation aurait ainsi pris son essor au Ier siècle de n. è. et duré jusqu’au IVe siècle, la période de plus forte activité se situant au IIe siècle (Ancel et al. 2001, 188-189 ; Parent 2010, 16-17). Les auteurs signalent également la possibilité d’un démarrage plus précoce, antérieur à la conquête, sur la base de l’activité relevée dans des mines proches. Ces ouvrages précoces peuvent correspondre aux travaux de surface sur les filons de Ste Marie et de Berg-op-Zoom, dont le remblaiement massif n’a pas permis une étude détaillée.

Fig. 14. Mine de Banca. A. Plan d’ensemble ; B. Coupe et plan des travaux des Trois Rois
(d’après Ancel et al. 2001, fig. 2 et Ancel et al. 2012, fig. 12). E. Meunier 2022

L’extraction a démarré depuis les affleurements des filons de Ste Marie et de Berg-op-Zoom, par des tranchées à ciel ouvert. Les filons ayant un pendage subvertical, les chantiers se sont rapidement enfoncés sous terre. La largeur minimale des creusements est de 0,65 m lorsque le filon est étroit et peut atteindre plusieurs mètres lorsque sa puissance augmente (Ancel et al. 2012, 175). Avec l’approfondissement des chantiers, des travers-bancs* ont été creusés pour faciliter l’évacuation des produits et surtout l’exhaure*. Trois gabarits de galerie ont été définis par les chercheurs : spacieux, moyen et petit. Ils permettent globalement de circuler debout (1,60 à 2,06 m de hauteur) et sont adaptés au transport des charges par portage. Les galeries les plus larges (1,65 m) permettent à deux personnes de se croiser aisément, voire la circulation d’animaux de bât (Ancel et al. 2012, 176-177). Même le module le plus petit (0,95 m de large) montre que les creusements dans le stérile n’étaient pas limités très strictement, favorisant un certain confort de travail.

On retiendra de cette phase d’activité antique une organisation des travaux poussée, avec un découpage probable en concessions pour l’exploitation du filon de Ste Marie (Ancel et al. 2012, 179). Cette rationalisation s’accompagne d’investissements importants, reflétés par des galeries de recherches nombreuses et le percement de plusieurs travers-bancs* d’exhaure*. Il faut ainsi souligner que les travaux du secteur des Trois Rois suivent un filon minéralisé qui ne débouche pas au jour. Les Anciens ont suivi un filon stérile visible à l’affleurement dans les quartzites qui dominent la Nive. Ils ont suivi ce filon sur 15 m dans une zone complètement stérile, puis ils ont prolongé la recherche sur 60 m avant de localiser la minéralisation principale, qui a donné lieu à l’exploitation plus développée connue aujourd’hui. Cela dénote une très bonne compréhension du gisement, rendue possible très probablement par l’expérience acquise sur les filons affleurants de Berg-op-Zoom et de Ste Marie (Ancel et al. 2001, 190). D’autre part, les investissements dans l’exhaure* étaient prévus dès l’ouverture des travaux, avant même de savoir s’ils allaient être rentables ou non, comme l’atteste l’exemple d’une petite recherche, au sud du groupe de travaux des Trois Rois. Cet ouvrage est composé d’un puits, fouillé sur 10 m de hauteur, qui n’a donné lieu qu’au creusement d’une petite galerie de 4 m, d’une recoupe transversale et d’un second puits. Un travers-banc* d’exhaure* qui ressort au jour après 13 m a pu être dégagé depuis la base du puits. Cette galerie, au pendage de 2 à 3º, montre que les mineurs étaient conscients des problèmes d’exhaure* et souhaitaient que l’exploitation, si elle devait bien avoir lieu, soit tout de suite à l’abri des interruptions dues aux infiltrations (Ancel et al. 2012, 188). Ce type d’investissement prévisionnel montre encore une fois que du personnel technique qualifié se trouvait sur place et que l’emploi de main-d’œuvre à des tâches dont la productivité serait différée était totalement intégrée au fonctionnement de cette exploitation (Parent 2006, 172).

À côté de ce site, d’autres mines de plus faible ampleur ont pu être étudiées. Pour le cuivre encore, les travaux de Monhoa (St-Étienne-de-Baïgorry) ont livré des vestiges anciens dont la chronologie, établie par des datations radiocarbone, s’étend du IIe siècle av. n. è. au milieu du Ier siècle de n. è. (Parent 2010, 13-15). Le filon à gangue* de quartz est encaissé dans des quartzites et des grès de l’Ordovicien (Parent 2010, fig. 1). Le feu et l’outil ont été utilisés selon la dureté de l’encaissant pour l’avancement du chantier. Cette mine se développe sur deux niveaux, reliés par un chantier incliné suivant le pendage du filon. Ses dimensions sont plus réduites et elle n’a fait l’objet que d’une timide tentative de reprise au XVIIIe siècle, qui n’a affecté que partiellement sa partie basse (fig. 15). Bien que de petite taille, cette mine a connu plusieurs phases d’exploitation, comme l’indiquent les reliquats d’anciennes soles* percées près de l’entrée supérieure. Le développement relativement limité de ces travaux, étalé sur plus de deux siècles, plaide également pour une exploitation discontinue. Les profils des travaux ne sont pas décrits systématiquement, mais les relevés présentés montrent des largeurs proches du mètre ou supérieures, ce qui semble indiquer là aussi une certaine prise en compte de l’ergonomie du chantier. Enfin, ce sont des travaux de basse altitude, accessibles en principe toute l’année.

Fig. 15. Mine de Monhoa, coupe des travaux et localisation des charbons datés (d’après Parent 2010, fig. 4). E. Meunier 2022

Le site de Mehatze constitue un autre pôle d’exploitation minière ancienne d’envergure. Les travaux, identifiés par des départs depuis l’affleurement en surface, des entrées de travers-bancs* et des haldes* nombreuses, ont été menés sur des minéralisations filoniennes polymétalliques composées principalement de sidérite* et chalcopyrite* encaissées dans les quartzites et les schistes de l’Ordovicien. Des cuivres gris argentifères sont aussi présents (Parent et al. 2016, 157-159). Les travaux souterrains topographiés (fig. 16) totalisent près de 200 m, incluant de longs ouvrages d’assistance (galerie d’accès et recherche en descenderie), mais une grande partie de l’exploitation, comblée depuis la surface, n’est plus accessible en l’état (Parent et al. 2016, 163-164). La chronologie des travaux connus jusqu’à maintenant s’étend entre le Ier siècle av. n. è. et le Ier siècle de n. è. (Parent et al. 2018, 21-25). Des fragments de lampes à huile, de présigillée et des morceaux de verre à double paroi sont les éléments dont les datations sont les plus précises. Ils sont accompagnés de tessons d’amphores de Bétique Dr 20 (Parent et al. 2016, 179-183). Les datations obtenues sur des charbons peuvent se regrouper en un premier ensemble qui s’étend du IIe siècle av. n. è. au Ier siècle de n. è. et un second qui se rapporte à la période médiévale, du XIe au XIIIe siècle. La provenance des charbons les plus anciens, préromains, pose problème aux auteurs dans la mesure où l’un d’eux provient d’une descenderie de la partie basse du réseau, au profil caractéristique des chantiers romains, et l’autre d’un niveau de circulation devant l’entrée fouillée du travers-banc*, mais en position stratigraphique plus haute que les niveaux datés du Ier siècle de n. è. et en net décalage avec le mobilier (Parent et al. 2016, 173-176 ; Parent et al. 2018, 20). Les dernières recherches sur une terrasse qui dessert la galerie principale en travers-bancs* ont révélé des indices d’une aire de tri de minerai associé à un bâtiment sur sablière et des rejets domestiques. Ces vestiges sont datés principalement de la première moitié du Ier siècle de n. è. par le mobilier (Parent & Duren 2019 ; Parent 2021).

Fig. 16. Coupe projetée des travaux souterrains de Mehatze selon un axe orienté N331º
(d’après Parent et al. 2018, fig. 4). E. Meunier 2022

Cette configuration rappelle les difficultés que l’on rencontre pour dater les mines. Les déplacements de matériaux de remblai sont une source fréquente de perturbation des chronologies. Dans ce cas, les auteurs décrivent justement les unités stratigraphiques (US) situées devant l’entrée du travers-banc* comme des apports de matière permettant de pallier l’accumulation de l’eau dans ce secteur encaissé en bas de pente. Il est donc possible que des déblais anciens aient été déplacés à cette occasion. En effet, l’entrée du travers-banc* en question se situe dans la partie la plus basse de l’exploitation et l’envergure des travaux permet d’envisager un démarrage dès le IIe siècle av. n. è., comme peuvent l’indiquer les intervalles radiocarbone calibrés les plus anciens1. Quant aux datations médiévales, on peut suivre les auteurs qui les considèrent avec prudence. L’une d’elle provient de travaux “en grotte” qui ont pu être fréquentés sans exploitation et servir d’abri à des bergers. L’autre provient des niveaux les plus hauts du sondage devant l’entrée du travers-banc* et constitue au mieux la preuve d’une exploration ponctuelle, étant donnée la conservation d’une échelle du Ier siècle de n. è. au milieu du passage dans le chantier où débouche ce travers-banc*. Le bon état de conservation de cette mine offre des perspectives tout à fait stimulantes pour la caractérisation des travaux anciens et pour préciser la chronologie de l’évolution de l’exploitation depuis l’affleurement dans les parties hautes jusqu’au creusement des travers-bancs* plus bas, technique en principe associée à la présence romaine (Parent et al. 2016, 191).

Les autres travaux anciens identifiés pour les non ferreux dans la vallée des Aldudes sont nettement moins bien conservés ou n’ont pas fait l’objet d’étude détaillée du souterrain, pour ce que les publications permettent d’en juger. Les résultats obtenus sur leurs chronologies et quelques données techniques sont tout de même des éléments importants pour mieux appréhender le contexte dans lequel se sont développées les exploitations mieux connues. Le site de Jara (St-Étienne-de-Baïgorry et St-Martin-d’Arossa) comporte ainsi une série de travaux menés sur une brèche* de faille minéralisée en chalcopyrite* et sidérite*, au contact discordant entre les calcaires du Dévonien et les grès du Permo-Trias. Les reprises récentes et le remblaiement des chantiers en ont limité l’étude. Cependant, une attaque au feu descendante, décrite comme un ouvrage “ample” bien que court, a pu être entièrement fouillée sur le groupe de travaux de Jara 1. Les charbons récoltés sur la sole* de cette galerie situent l’exploitation vers le milieu du Ier siècle av. n. è. La fouille d’un petit diverticule proche a livré un charbon daté du milieu du Ier siècle de n. è. Dans le groupe de travaux de Jara 3, plus altéré par les reprises, un sondage a été réalisé dans les déblais d’abattage provenant de vieux travaux repérés par une coupole d’attaque au feu. Leur datation situe l’activité au tout début du Ier siècle de n. è. (Parent 2010, 12-13). La mine d’Aintziaga (St-Étienne-de-Baïgorry) comporte plusieurs vestiges miniers qui correspondent principalement à des petits ouvrages de recherche modernes pour le cuivre. Une courte descenderie ancienne est conservée et deux sondages dans les haldes* ont permis d’identifier une US charbonneuse constituée des résidus typiques de l’abattage au feu. Les datations 14C réalisées dans chacun de ces sondages ont donné deux résultats différents : le début du Ier siècle de n. è. pour l’un et le VIe siècle de n. è. pour l’autre (Parent 2010, 12). Enfin, les mines de la forêt d’Haira (Banca et Urepel) ont été dédiées à une exploitation du plomb argentifère (Beyrie 2003, 98-99 ; Beyrie 2021). Les filons de galène* à gangue* de quartz s’y trouvent dans des schistes et quartzites de l’Ordovicien. L’ampleur des travaux anciens a été révélée par les reprises modernes. Cependant, les réseaux souterrains sont comblés et éboulés et n’ont pas pu être étudiés. En surface, des fosses et tranchées pouvant atteindre 200 m de longueur marquent l’emplacement des travaux, qui s’étendent sur plus d’un kilomètre à une altitude d’environ 900 m. Les haldes* trahissent l’importance des ouvrages souterrains inaccessibles. On retiendra de ce site la présence d’un fragment de meule et d’un broyon sur les haldes*, qui indique que la préparation du minerai se faisait sur place (Beyrie 2003, 100). Un habitat a pu être mis en évidence de manière indirecte par la présence de mobilier céramique domestique daté du Ier siècle de n. è. parmi les déchets miniers. Cet habitat était sans doute saisonnier, l’altitude impliquant un accès restreint aux travaux en hiver (Beyrie 2003, 101). La reprise récente des recherches sur ce site sous la direction d’A. Beyrie devrait apporter d’autres informations dans les prochaines années.

Le district minier d’Oiasso (Irún, Guipúzcoa) a aussi fait l’objet d’une exploitation intensive pour les non ferreux (plomb argentifère et cuivre) aux Ier et IIe siècles de n. è. (Urteaga & Ugalde 1986 ; Urteaga 1997 ; Urteaga Artigas 2012). Bien que situé dans la province romaine de Tarraconaise et non d’Aquitaine, l’importance de l’activité minière qui s’y est déroulée, la contemporanéité et similarité technique des travaux avec ceux que nous venons de présenter et la proximité géographique de ce district en font un élément que l’on ne peut pas négliger. Les minéralisations se trouvent dans la couronne métamorphique* de la Peña de Aia, caractérisée par un contact entre granite et schistes (Ugalde 2010, 330). La chronologie des travaux, réalisés au feu et à l’outil, est donnée par le mobilier recueilli dans les travaux et sur les haldes* (sigillée hispanique, lampes à huiles, amphores). Une seule datation radiocarbone est connue2 et correspond au même intervalle. Elle a été réalisée dans un petit bassin de décantation pour la préparation du minerai près de la mine d’Arditurri à Oiartzun (Urteaga 2014, 286).

L’étude archéologique de ce district a commencé dans les années 1980. Les très nombreux travaux modernes ont là aussi détruit beaucoup d’ouvrages, mais également révélé la présence des travaux anciens, dont plusieurs kilomètres de réseau cumulés sont aujourd’hui accessibles (Urteaga Artigas 2012, 212). Les travaux d’Arditurri sont les mieux connus archéologiquement. Tout comme à Banca, ils révèlent une organisation particulièrement poussée des travaux et montrent une connaissance technique solide dans leur planification. L’exemple le plus clair en est la longue galerie d’exhaure*, le cunniculus, creusé en plusieurs tronçons depuis des puits à intervalles réguliers. La présence de personnel capable de définir l’emplacement des puits, la profondeur à atteindre et la direction à suivre est indubitable. Cela représente également un investissement lourd, qui a permis de drainer les eaux 15 mètres sous le niveau phréatique, sur 415 m de longueur (Ugalde 2010, 338-339). Cette capacité d’investissement est également perceptible dans les galeries de recherche en travers-banc* creusées à flanc de versant, qui n’ont pas toujours eu de succès, et dans les galeries d’accès de plusieurs dizaines de mètres de longueur qui facilitaient la circulation et l’exhaure* des travaux une fois que les recherches étaient fructueuses (Urteaga Artigas 2012, 211).

Un investissement important dans l’exhaure* a aussi été relevé dans la mine de Belbio. Ce réseau antique, qui cumule près d’un km de réseau ancien, est étagé sur six niveaux. Les travaux romains étaient drainés par une galerie d’exhaure* au quatrième niveau. Les étages inférieurs, reliés par des puits et une galerie inclinée, étaient maintenus à sec par un système de pompage et de vis d’Archimède (fig. 17). Le pompage dans les puits a pu se faire avec un système de pompe à chapelet. Les éléments en bois ne sont pas conservés mais les encoches et aménagements dans le rocher sont cohérents avec l’installation de ce type de machinerie. Les ouvrages d’exhaure* avaient une taille suffisante pour permettre l’évacuation de l’eau et des produits de la mine, ainsi que la circulation des mineurs (Ugalde 2010, 341-344).

Fig. 17. Mine de Belbio, localisation des systèmes d’exhaure
(d’après Ugalde 2010, fig. 15). E. Meunier 2018

Si l’on revient à la mine d’Arditurri, on peut ajouter que le gabarit des galeries est confortable, avec une largeur moyenne d’un mètre et une hauteur autour de 1,75 m, ce qui permet une circulation aisée (Urteaga & Ugalde 1986, 110-115). Les galeries d’accès sont équipées de nombreuses niches à lampes et la sole* a été égalisée par l’apport d’un remblai fin composé de schistes stériles (Urteaga Artigas 2012, 213-215). Les vestiges visibles aujourd’hui correspondent à la période romaine et sont liés, suivant la proposition de M. Urteaga, à la présence d’un procurator metallorum chargé de l’exploitation du district, d’une manière similaire à ce que les tables de Vipasca nous apprennent (Urteaga 2014, 291). La ville d’Oiasso (Irún) et son port auraient constitué le centre de gestion de ce district et le point de sortie de la production et d’entrée de l’approvisionnement nécessaire à la population minière.

Cette exploitation romaine pour les non ferreux aurait pris la suite de travaux menés par les populations locales avant la conquête, qui auraient servi de base pour la nouvelle administration (Urteaga 2014, 288). Les résultats obtenus dans les mines de Monhoa et Mehatze, qui montrent un démarrage de l’activité au moins au IIe siècle av. n. è. vont dans ce sens. D’autre part, pour le cuivre, des travaux plus anciens sont connus dès l’âge du Bronze moyen à Arritzaga (Aralar), à quelques kilomètres plus à l’ouest et même dans la première moitié du IIIe millénaire pour la mine de Causiat (Beyrie & Kammenthaler 2008, 31), en vallée d’Aspe, vers l’ouest (fig. 13). Ces résultats sont cohérents avec des pics de pollution détectés au début du IIIe millénaire, à l’âge du Bronze moyen (XVe-XIVe s.) et au Bronze final (IXe s.) dans la tourbière de Quinto Real, vallée des Aldudes (Galop et al. 2001, 12). Pour le plomb-argent, les datations des travaux ne remontent pas avant la conquête romaine, mais cela pourrait être simplement dû à l’état de la recherche, comme le signale M. Urteaga (2014, 288). La production de monnaies d’argent par les populations locales dès le IIe siècle av. n. è. serait une preuve indirecte de cette exploitation, tout comme des signaux de pollution au plomb enregistrés entre les IIe siècle av. n. è. et IVe siècle de n. è. Enfin, l’exploitation du fer, sur laquelle nous allons nous pencher maintenant, est attestée archéologiquement dès le IVe siècle av. n. è.

Les exploitations sidérurgiques

Les vestiges liés à l’exploitation du fer sont très nombreux dans ce secteur et ont donné lieu à une activité intense au Moyen Âge et à l’époque Moderne, entre les XIVe et XIXe siècles (Beyrie 2003, 105-126). Pour les phases plus anciennes, l’activité est mieux connue par les ateliers métallurgiques que par les chantiers miniers. Les mines anciennes sont en effet difficiles à caractériser sans fouille et les efforts des chercheurs se sont concentrés sur la métallurgie. Les vestiges d’extraction sont abondants et sont caractérisés par des fosses et des tranchées ayant permis l’exploitation de filons d’hématite* ou de sidérite* ou de la goethite* des chapeaux de fer (Beyrie 2003, 131-133). Certaines zones associent fer et cuivre (chalcopyrite*). Ces travaux se développaient vraisemblablement en souterrain à Ursuya et Larla et, même si les réseaux n’ont pas pu être explorés du fait de leur remblaiement ou de leur ennoiement, il semble que l’extraction ait bénéficié d’investissements importants. Des travers-bancs* d’exhaure*, effondrés après quelques mètres, ont été repérés à Larla. La présence de niches à lampes indiquerait un creusement antique (Beyrie 2003, 185 ; Beyrie & Kammenthaler 2005, 26-27). Les travaux d’Errola, par contre, semblent se limiter à des exploitations de surface en petites fosses et tranchées, qui ne nécessitaient pas de connaissance minière très pointue (Beyrie 2003, 204).

Les ateliers qui ont pu être datés confirment qu’une part de cette activité ancienne remonte au second âge du Fer et à l’Antiquité. Les sites ainsi caractérisés sont ceux du Massif d’Ursuya, de Larla et d’Errola. Nous ne rentrerons pas dans les détails pour ces sites métallurgiques, mais il convient d’en présenter les caractéristiques principales pour ce qu’elles révèlent des modalités de l’exploitation. Les travaux du Massif d’Ursuya sont ainsi caractérisés par des vestiges de mines à ciel ouvert et huit ferriers* de grandes dimensions. Cela correspond à une exploitation concentrée et relativement intensive, dans un secteur de basse altitude ouvert sur la plaine. Pour Larla, les travaux miniers sont sur les hauteurs et sur le versant est. Les ateliers se trouvent immédiatement au pied des travaux pour une moitié d’entre eux et à environ 1 km de distance sur le versant sud-est pour les autres. Les ferriers* sont près d’une quarantaine, mais de taille plus modeste. Enfin, pour l’ensemble d’Errola, situé en retrait des voies de circulation principales, on dénombre sept ferriers* de petite taille (Beyrie 2003, 133-135). Dans tous les cas, la technique métallurgique semble bien maîtrisée et les bas fourneaux, à scorie coulée, font l’objet d’utilisations multiples incluant des réparations sur les structures (rechapage de la cuve, réfection de la porte). D’autre part, pour l’ensemble de Larla, les éléments de fourneaux retrouvés en sondage montrent que le type de structure est le même d’un site à l’autre, quelle que soit la chronologie (Beyrie & Kammenthaler 2005, 34). Le site d’Ursuya peut avoir bénéficié d’une organisation plus structurée avec des bas fourneaux fonctionnant en batteries. Les ateliers de Larla et d’Errola présentent quant à eux un fonctionnement des bas fourneaux de manière indépendante.

Les datations de charbons recueillis en sondages montrent globalement une continuité de l’exploitation entre le second âge du Fer et l’Antiquité, mais des différences sont perceptibles entre les sites. Les travaux de Larla sont à ce jour les plus anciens, avec un début de l’activité dès le IVe siècle av. n. è. (Beyrie & Kammenthaler 2005, 29). L’exploitation est continue jusqu’au IIIe siècle de n. è. mais semble s’intensifier à partir de la période augustéenne. L’ensemble d’Errola connaît quant à lui une première phase d’activité entre le IIe siècle av. n. è. et le début du Ier siècle de n. è. et une seconde entre la seconde moitié du Ier et le IIIe siècle de n. è. (Beyrie 2003, 193). Pour Ursuya, la chronologie de l’activité se situe entre le Ier et le IVe siècle de n. è. De la céramique locale non tournée confirme une fréquentation aux Ier et IIe siècle de n. è. (Beyrie 2003, 145-151 et 169-170). Les éléments obtenus grâce à l’étude du site de Larla montrent que les techniques métallurgiques sont les mêmes du IVe siècle av. n. è. au IIIe siècle de n. è.

En dehors de la vallée des Aldudes, le site de Lantz a révélé la présence de mines de fer exploitées par des galeries et des travaux à ciel ouvert3. Le mobilier recueilli dans les galeries, des fragments de lampes, permet de dater une phase de l’activité aux Ier et IIe siècles de n. è. Dans le district d’Oiasso, les mines de San Fernando ont aussi exploité des minéralisations ferrifères. Ces mines ont été fortement altérées par les travaux modernes, mais une dizaine d’ouvrages anciens sont conservés. D’extension limitée, ils se caractérisent par une galerie d’accès inclinée en travers-banc* qui est prolongée par le chantier d’exploitation. Ces chantiers sont proches les uns des autres et atteignent le filon en plusieurs secteurs (Urteaga Artigas 2012, 205). Ce mode d’attaque des minéralisations correspond à ce qui est connu pour les non-ferreux à la même période.

Notes

  1. Le fait que les auteurs ne précisent pas si les charbons datés ont fait l’objet d’une identification anthracologique laisse aussi la possibilité d’un effet “vieux bois”, c’est-à-dire un vieillissement apparent dû à l’utilisation de pièces de bois provenant d’arbres au moins centenaires.
  2. Ua-39747 : 1907 ±34 BP soit 20-220 cal AD.
  3. De nouvelles recherches viennent d’y démarrer, sous la direction de Jesús García Gazolaz (govierno de Navarra) et son équipe, avec IKer Patrimoine et TRACES. Le cuivre serait la principale minéralisation exploitée.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
8 p.
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Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Le Pays basque”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 31-38 [en ligne] https://una-editions.fr/le-pays-basque [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.5
Accès à la publication L'exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule, d'Emmanuelle Meunier
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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