Cinq ateliers de métallurgie primaire sont connus dans ce district : deux sur le site des Atiels (dans le hameau et en rive droite du Pézègues), un à Sourre, un à Berni et le dernier à Moutou (fig. 156). Tous ont traité des non-ferreux, sauf celui du hameau des Atiels, qui est un atelier de réduction de fer. Quatre d’entre eux sont datés du Ier siècle av. n. è. ou de la période augustéenne ; le dernier, celui de Moutou, n’a livré aucun élément de datation. Des scories isolées issues du traitement de minerais non-ferreux ont également été identifiées à Hautech et sur le site de la Calotte en prospection, ainsi que dans l’un des sondages au pied de la mine du Goutil. Elles sont toutes associées à du mobilier du Ier siècle av. n. è. Les scories isolées n’apportent pas de données significatives concernant la chaîne opératoire, mais constituent des indices d’une association mine-atelier au cours du Ier siècle av. n. è.
Concernant l’atelier sidérurgique des Atiels, il correspond à la chaîne opératoire bien connue de la réduction du fer. On signalera simplement que, se trouvant sous le hameau actuel, il a été très perturbé et n’a pas pu faire l’objet d’une étude complète. L’étendue du ferrier* a été délimitée par des observations de surface et un sondage a été réalisé dans un des jardins du hameau (Dubois et al. 1997, 208-209). Aucune structure métallurgique n’a été mise au jour dans l’emprise sondée. Les scories, analysées par C. Jarrier, montrent que le processus de réduction, à scorie écoulée, était bien maîtrisé. Les gisements de fer exploités pour alimenter ce bas-fourneau ne sont pas localisés mais il pouvait s’agir de chapeaux de fer dans la partie supérieure des travaux miniers des Atiels.
Peu de choses peuvent être dites de l’atelier de Moutou. Le crassier* a été repéré en prospection, il s’étend sur environ 200 m2. Cependant, sans mobilier associé, sa chronologie ne peut être établie1. Une scorie prélevée par C. Dubois a toutefois été analysée par F. Tollon (Dubois et al. 1997, 210). La présence de cuivre et de plomb dans la scorie ne permet pas de savoir avec certitude quelle était la production, mais il pourrait s’agir d’un résidu de traitement du cuivre argentifère, qui peut associer ces deux métaux. On rappelle qu’une mine de plomb récente est connue sur ce site, en plus des travaux anciens pour l’exploitation du cuivre argentifère.
Le site de Sourre est un peu mieux connu grâce à des sondages (Dubois & Métailié 1991, 53-56 ; Dubois et al. 1997, 207). Toutefois, l’arasement prononcé du site, situé sous les maisons actuelles, n’a pas permis de localiser les structures de traitement du minerai. Un lambeau de crassier* en place a été dégagé et fouillé. Le rare mobilier recueilli se rapporte à la période augustéenne (amphores Pascual 1). Une scorie a été analysée par F. Tollon à la microsonde électronique (Dubois et al. 1997, 207-208). Des gouttes de matte* cuivreuse contenues dans la scorie montrent un zonage. Au centre, les auteurs décrivent une forte concentration en antimoine et arsenic accompagnés de cuivre, le fer et le soufre étant présents en traces. L’extérieur est composé d’un sulfure de cuivre avec des traces de fer, d’arsenic et d’antimoine. Cette composition reflète celle des cuivres gris présents dans le minerai, mais aucune trace d’argent n’a été détectée dans ces scories. Le plomb n’avait pas été recherché dans l’analyse.
Enfin, les ateliers de Berni et de la rive droite du Pézègues, aux Atiels, ont été identifiés au cours de cette thèse. Une scorie cuivreuse avait été signalée par C. Dubois et J.-E. Guilbaut à Berni (Dubois & Guilbaut 1982, 105). Nos prospections ont conduit à délimiter une aire à scories dans les labours, sur laquelle une prospection géophysique a été réalisée2. Une série de cinq sondages a permis de valider la présence de cet atelier, dont des niveaux sont conservés en place sous la cote de labours. Pour l’atelier des Atiels, sa présence a été mise en évidence par une crue du Pézègues, qui a emporté une partie de la berge en contrebas de l’entrée actuelle de la mine. Des scories cuivreuses sont également visibles dans le lit du ruisseau. Un sondage a été réalisé sous la direction de B. Cauuet sur ce site, confirmant là aussi la présence de niveaux conservés en place. Pour ces deux ateliers, les sondages se sont arrêtés sur la partie supérieure de la stratigraphie. Ils sont donc peu révélateurs de l’organisation des ateliers ou des structures utilisées lors du traitement du minerai. Des analyses effectuées sur quelques scories permettent toutefois de mettre en évidence certaines caractéristiques de la chaîne opératoire.
L’atelier de Berni
(Cadarcet)
L’atelier de Berni se situe en contrebas de la mine du Coffre, à un peu moins de 200 m au nord-ouest des vestiges miniers identifiés. Des scories et quelques fragments de paroi de foyer étaient visibles au sol en prospection, associé à du mobilier domestique daté entre la fin du IIe siècle av. n. è. et le Ier siècle av. n. è. (céramique commune locale, campanienne A, amphores Dr 1 A et B, amphores de Bétique)3. Une prospection géophysique a été réalisée sur une surface de 2500 m2 (fig. 157), par mesure de la résistivité électrique et de la susceptibilité magnétique. La carte électrique n’était pas significative pour une interprétation archéologique. La carte magnétique révélait quant à elle plusieurs anomalies qui pouvaient être interprétées comme des structures liées à l’activité métallurgique (fig. 158). Les sondages ont été implantés au niveau de ces anomalies4. Deux d’entre eux se sont avérés stériles (nº 4 et 5). Le sondage 2 n’a révélé qu’un niveau riche en mobilier sous les labours, provenant probablement d’un colluvionnement ancien. Les sondages 1 et 3 ont livré des unités stratigraphiques en place, correspondant à des niveaux de sol.
Dans les sondages stériles (SD 4 et 5), le terrain naturel est apparu autour de 50 cm de profondeur sous la couche de labours. Pour le sondage 2, la couche de colluvionnement ancien contenant du mobilier, US 201, s’intercale entre la couche de labours et le terrain naturel. Dans les sondages 1 et 3, une alternance de niveaux de préparation de sol en argile épurée homogène et de niveaux de circulation plus riches en charbons et résidus rubéfiés a pu être définie (tabl. 23). Les US supérieures ne sont conservées qu’en lentilles du fait des labours (fig. 159). Des petites scories ont aussi été identifiées ponctuellement dans les niveaux de circulation. Les sols successifs ont une épaisseur de 2 à 4 cm. Le niveau d’arrêt de fouille, à une cinquantaine de centimètres de profondeur, montre des US en place que l’étroitesse des fenêtres de sondage ne permettait pas d’appréhender correctement, et qui n’ont donc pas été fouillées.
Nº de sondage | US | Interprétation |
1 | 100 | Labours |
101 et 106 | Préparation de sol en argile épurée | |
102, 103, 104, 105 | Niveau de circulation | |
2 | 200 | Labours |
201 | Colluvionnement riche en mobilier | |
202 | Terrain naturel | |
3 | 300 | Labours |
301, 307 | Préparation de sol en argile épurée | |
302, 303, 304, 305, 306 | Niveau de circulation |
Le mobilier était présent principalement dans les niveaux remaniés par les labours et dans la couche de colluvionnement ancien US 201 (fig. 160). Les lambeaux de sol supérieurs du sondage 1 ont aussi livré quelques fragments de céramique commune très peu caractéristiques, de panse d’amphores italiques et d’une panse d’amphore ibérique. Cette rareté de mobilier est cohérente pour des niveaux de sol d’atelier. Les résidus de l’activité métallurgique (scories et fragments de parois de four ou foyer) proviennent aussi principalement des niveaux de labours ou des lambeaux de sol supérieurs du sondage 1. La présence d’un tesson d’amphore ibérique dans l’US 103 tendrait à placer la fin du fonctionnement de cet atelier dans la seconde moitié du Ier siècle av. n. è. Les tessons de céramique campanienne A, rares, indiquent quant à eux une fréquentation du site dès le début du Ier siècle av. n. è. L’ensemble de ce mobilier se rattache à la sphère domestique et indique la présence proche d’un habitat, que le sens de la pente nous incite à situer vers le sud.
Les éléments fournis par la stratigraphie ne permettent pas de restituer le fonctionnement de l’atelier, qui date du Ier siècle av. n. è. selon le mobilier, plutôt de la seconde moitié si l’on s’en tient aux tessons d’amphore de Bétique. Les fragments de parois de four ou de foyer sont trop petits pour proposer une quelconque restitution des structures. On signalera qu’ils sont scorifiés sur une face. Ces sondages confirment tout de même qu’une fouille en extension sur cette parcelle pourrait apporter des informations significatives sur le traitement des minerais, avec toutefois la difficulté de respecter les travaux agricoles.
Trois petites scories noires vitreuses recueillies lors de la prospection ont pu être analysées par la fluorescence X portable par M. Lopez. Cette analyse ne permet pas d’identifier la composition précise de la scorie ni de différencier les phases qui la composent, mais elle montre la présence des éléments majeurs qu’elle contient (tabl. 25). Le baryum (Ba) et l’antimoine (Sb) sont des éléments que l’on trouve dans le cuivre gris qui a pu être exploité au Coffre. Le cuivre apparaît également, comme on peut s’y attendre pour le traitement de ce type de minerai et à partir des petites traces d’oxydation vertes visibles sur les scories. Ses teneurs sont toutefois assez basses.
Mais les deux éléments qui retiendront notre attention ici sont le plomb et l’argent. Car même si la chaîne opératoire permettant l’extraction de l’argent dans les cuivres gris n’est pas bien connue, on sait qu’elle fait appel à un ajout de plomb, qui a des affinités avec l’argent (Domergue & Tollon 2002, 64-76 ; L’Héritier 2012, 190 ; Renzi 2013, 216-219). La mise en évidence de ces deux métaux dans les trois scories analysées est un indice intéressant pouvant confirmer une production d’argent sur ce site, à partir des minerais locaux de cuivre gris au cours du Ier siècle av. n. è.
L’atelier des Atiels – berge du Pézègues
(La Bastide-de-Sérou)
La prospection du cours du ruisseau Pézègues a permis de localiser, à environ 60 m en aval de l’entrée du réseau principal AT1, un atelier de traitement du minerai de cuivre recouvert par le colluvionnement issu du versant en surplomb (fig. 161). Une crue avait emporté une partie de la berge et mis au jour les niveaux inférieurs de l’atelier, ainsi que du mobilier céramique et des scories. Des niveaux archéologiques stratifiés visiblement en place ont ainsi pu être observés ainsi que la base d’une structure en argile rubéfiée, située au niveau du lit actuel du ruisseau (fig. 162). Après un relevé photographique, cette dernière a été recouverte pour la protéger en attendant de pouvoir la fouiller, ce qui n’a malheureusement pas pu être le cas. Des scories ont pu être observées ponctuellement en aval dans le lit du ruisseau, jusqu’à 200 m au nord de l’atelier présenté ici.
Un sondage a été réalisé en 2014 sous la direction de B. Cauuet sur cet atelier5. L’aire ouverte présente une forme de μ tourné vers le ruisseau et dépasse les 35 m2. Le niveau de colluvionnement supérieur a été décapé à la pelle mécanique puis une fouille manuelle des premiers niveaux en place a été entreprise. Dans la branche nord, la fouille, qui est demeurée globalement à la surface des structures, a permis de mettre au jour des niveaux de remblais. Au sud, il semble que l’on se trouve face à une disposition en terrasse avec des niveaux argileux indurés plus fin conservés, peut-être des niveaux de circulation de l’atelier. Sur l’un de ces niveaux, une petite fosse marque l’emplacement d’un petit foyer, simplement creusé dans le sol. Un élément lithique rubéfié renforce une paroi de cette petite fosse (fig. 163). Il s’agit de la seule structure identifiée en plus de celle localisée au niveau du lit du ruisseau L’indisponibilité de la documentation ne permet pas d’aller plus loin dans l’interprétation stratigraphique.
Le niveau de remblai supérieur, correspondant au glissement d’éléments provenant du versant, était particulièrement riche en mobilier céramique et amphorique, indiquant la présence d’un habitat vers l’est. Ce dernier n’a pas pu être localisé précisément malgré les prospections, le milieu n’étant pas favorable au repérage de vestiges (taillis de buis dense non entretenu). Le mobilier6 permet de fixer les jalons de l’occupation dans la seconde moitié du Ier siècle av. n. è. Outre les amphores Dr 1 habituelles dans le district, des individus un peu plus tardifs7 comme les Dr 2-4 ou des amphores de Bétique (Dr 7-11, Dr 20) et de Tarraconaise ont pu être identifiés. Les tessons de céramique, de petite taille, sont moins facilement identifiables. La céramique commune donne des indications chronologiques larges couvrant les IIe et Ier siècles av. n. è., voire le début du siècle suivant. Les importations méditerranéennes se rapportent plutôt à la fin du Ier siècle av. n. è., avec la présence de sigillée précoce et de vernis rouge pompéien de type R-POMP 138. Les fragments de lampes sont pour la plupart trop petits pour être caractérisés. Certains peuvent toutefois être rattachés au type Dressel 2 de lampes à grènetis, diffusé au cours du Ier siècle av. n. è., mais avant la période augustéenne (Ricci 1973, 182-193). Bien qu’aucune niche à lampe n’ait été identifiée dans les quelques mètres de réseau ancien conservé dans la mine proche, il est possible que les mineurs aient utilisé ce mode d’éclairage. L’ensemble du mobilier mis au jour, parmi lequel on trouve également un fond de vase à onguent, correspond toutefois avant tout à la sphère domestique (fig. 164).
Les nombreuses scories recueillies dans ce sondage, dans le niveau de remblai supérieur issu du colluvionnement, apportent quelques données sur les opérations métallurgiques réalisées. La position stratigraphique de ces résidus métallurgiques indique toutefois qu’il ne s’agit pas des déchets produits par cet atelier, qu’ils recouvrent, mais de ceux d’une autre installation proche encore non identifiée. Parmi les scories, certaines, rares, correspondent à une activité de forge. On peut concevoir la nécessité de réaliser ce type d’activité pour l’entretien de l’outillage des métallurgistes et des mineurs. Nous ne nous étendrons pas sur ces éléments. Les autres scories correspondent à la métallurgie primaire du cuivre (Meunier et al. 2017). On peut individualiser une première série de scories grises, parfois bulleuses, parfois avec des inclusions de minerai bien visibles, d’autres fois plus uniformes, qui composent la majeure partie de l’ensemble (fig. 165). Une deuxième série correspond à des scories grises qui comportent des traces nombreuses d’oxydation vertes en surface. La troisième catégorie correspond à des fragments de paroi de foyer scorifiés. Leur taille ne permet pas de restituer les structures dont elles proviennent, mais la distribution de la scorification, sur deux faces, fait plutôt penser à des structures ouvertes desquelles la scorie peut, d’une certaine manière, déborder (fig. 166).
Un total de quatre scories grises ont fait l’objet d’une analyse élémentaire globale, ainsi qu’une scorie oxydée verte et un fragment de paroi scorifié. Les éléments principaux sont indiqués dans le tableau 26. Les mêmes éléments majeurs se retrouvent d’une scorie à l’autre, dans des proportions variables. Les ordres de grandeur entre les différents éléments constitutifs des scories grises et vertes semblent confirmer la distinction macroscopique effectuée : la scorie verte oxydée apparaît ainsi plus riche en cuivre, fer et argent, mais appauvrie en plomb et arsenic. Pour le nickel et l’antimoine, les valeurs sont également plus basses, mais le facteur de diminution est moins grand. On note que l’augmentation du cuivre et de l’argent alors que le plomb baisse beaucoup confirme que les cuivres gris sont porteurs d’argent, et non la galène*. Les éléments présents dans le fragment de paroi correspondent à ceux que l’on peut s’attendre à voir impliqués dans la métallurgie primaire des cuivres gris. Les valeurs obtenues ne permettent pas de rattacher avec certitude ce fragment de paroi au traitement ayant produit l’un ou l’autre type de scories. Mais avec une seule analyse, les conclusions ne seraient de toute façon pas très solides.
Ce type d’analyse détermine la composition chimique globale des scories. Pour avoir une idée des processus métallurgiques mis en œuvre, il faut pouvoir observer la structure de la scorie et faire porter les analyses sur les phases identifiées visuellement au microscope. Une scorie grise et une oxydée verte ont donc été soumises à des analyses au MEB et à la microsonde électronique9, tout comme un fragment de paroi scorifié. Là aussi la différence de structure entre les deux scories est mise en évidence (tabl. 27 et fig. 167). La scorie grise contient, hormis la phase vitreuse, des billes de sulfures, des phases résiduelles du minerai et ponctuellement des oxydes de fer et de cuivre. Les sulfures sont tous cuprifères. Ils sont plus ou moins complexes et on y retrouve les éléments métalliques présents dans le minerai. La microsonde a révélé la présence d’argent en traces, associé à la chalcocite entre 0,12 et 0,25 %. Les oxydes identifiés peuvent résulter d’une altération secondaire de la scorie. La scorie oxydée verte contient quant à elle uniquement de la chalcocite et des alliages métalliques. La chalcocite présente des teneurs en argent entre 0,1 et 1,68 %. Les alliages, exempts de soufre, sont à dominante cuivreuse et contiennent de l’argent à des teneurs situées entre 0,2 et 0,96 %. Le fragment de paroi renferme des phases issues du minerai, des sulfures cuprifères plus ou moins complexes dont la chalcocite avec des teneurs en argent entre 0,13 et 0,19 % et également des billes d’alliage métallique à base cuivre avec des teneurs en argent entre 0,05 et 0,1 %.
Les deux scories correspondent probablement à deux phases distinctes du traitement du minerai. L’absence d’alliage métallique dans la scorie grise indique une phase plus précoce. Les différents types de sulfures montrent un passage de sulfures complexes associant cuivre et fer (parfois avec du nickel) à des sulfures de cuivre ou de fer (fig. 167, A). L’objectif de cette étape de la chaîne opératoire pouvait être l’élimination du fer contenu dans le minerai et la production d’une matte* enrichie en cuivre. Des analyses de scories issues du traitement de la chalcopyrite* ont révélé une séparation similaire entre sulfures de fer et de cuivre (Colpani et al. 2009, 370 ; Artioli et al. 2015, 80). La scorie oxydée verte contient du cuivre sous forme d’alliage métallique et d’un seul sulfure, la chalcocite, qui est le sulfure simple le plus riche en cuivre parmi ceux identifiés ici. Cela correspondrait à un affinage du produit de la phase précédente, au cours duquel le fer avait été éliminé. Le résultat est maintenant un alliage métallique cuivreux avec des impuretés en antimoine, nickel et argent en traces. Les résidus de chalcocite nous montrent qu’il s’agit du traitement d’un sulfure (fig. 167, B). Quant au fragment de paroi, le fait qu’il contienne des éléments de chaque catégorie de phase peut indiquer que les mêmes structures métallurgiques servaient à plusieurs étapes du traitement, ou que toutes les étapes avaient lieu l’une après l’autre au cours d’un même processus. La suite de la fouille de l’atelier et la multiplication des analyses permettraient de confirmer ou non cette hypothèse.
L’origine des traces d’argent identifiées est cependant une autre question importante. Deux possibilités sont envisageables. Il peut s’agir d’un élément résiduel du minerai, qui n’aurait pas fait l’objet d’un traitement spécifique pour extraire l’argent, perdu dans les scories au fil des réactions. Il pourrait aussi indiquer que l’argent a déjà été extrait et que seules des traces sont encore décelables à la fin du processus. La présence de plomb, minoritaire mais tout de même fréquent, peut s’accorder avec ces deux options. Il pourrait être lui aussi un héritage du minerai, mais aussi un témoin du processus d’extraction de l’argent, comme cela a été indiqué à propos des scories de Berni. Les teneurs en plomb des scories grises sont dans l’ensemble supérieures à celle du minerai (2 198 ppm dans les scories pour 207 ppm dans le minerai). Avec un seul échantillon de minerai analysé, on doit rester prudent sur cet aspect. On peut toutefois signaler que les valeurs plus hautes dans les scories pourraient refléter un ajout volontaire de plomb lors du traitement métallurgique.
Les deux scories analysées ici ne représentent pas toutes les étapes de la production et il est difficile de savoir ce qui manque avec ces données de terrain partielles. Les reconstitutions de la chaîne opératoire du cuivre argentifère proposées notamment par F. Tollon sur le site de La Loba (Espagne), daté du Ier siècle av. n. è., incluent des ajouts de plomb lors du traitement du minerai de cuivre argentifère puis une phase finale de production de cuivre (Domergue & Tollon 2002, 77). Si la même chaîne opératoire a été suivie aux Atiels, les deux scories analysées correspondraient plutôt à ses dernières étapes, pour la production de cuivre. On remarquera cependant que les teneurs en argent sont très faibles comparées à celles mesurées par J. Mantenant sur les scories provenant du Camp del Oliu, l’atelier de traitement du cuivre argentifère des Corbières où la production d’argent a été attestée. Les analyses à la microsonde des scories de ce site font état en plusieurs points d’argent associé au cuivre entre 1,11 et 84,06 % (Mantenant & Munoz 2017, 167-169 et 172-174).
Les données provenant de l’atelier de la berge du Pézègues ne permettent pas de se prononcer clairement sur une production d’argent, mais ne s’y opposent pas non plus. L’atelier du Camp del Oliu montre que la connaissance de cette chaîne opératoire était disponible dans la région à la même période. La forte teneur en plomb des scories de Berni constitue un indice local de la mise en œuvre de ce procédé. Les données sont cependant bien trop lacunaires pour le moment. Elles montrent surtout le potentiel de ces deux sites du district de l’Arize pour une caractérisation future de la chaîne opératoire du cuivre gris argentifère.
Notes
- Le propriétaire de la parcelle s’opposait à toute intervention archéologique.
- Prospection réalisée par A. Diallo, L. Lau-Tai et M. Molinié sous la direction de Muriel Llubes, dans le cadre d’un stage de Master 1 GTPRM de l’Université de Paul Sabatier (Toulouse).
- Nous remercions Thomas Le Dreff (TRACES) pour l’identification de la céramique.
- Le délai très court pour leur réalisation n’a permis d’ouvrir qu’un total de 7,3 m2 et les niveaux archéologiques en place ont été dégagés sans être fouillés.
- Rapport en cours de rédaction.
- Identification par F. Olmer (Centre Camille Julian) pour les amphores et G. Verrier (Toulouse Métropole/TRACES) pour la céramique.
- Référence Dicocer en ligne : http://dicocer.cnrs.fr/type/view?indexation=A-ITI_A-ITI+Dr2%2F4 ; http://dicocer.cnrs.fr/type/view?indexation=A-BET_A-BET+Dr7-11 ; http://dicocer.cnrs.fr/type/view?indexation=A-BET_A-BET+Dr20 [consulté le 03/03/2022].
- Typologie du Dicocer en ligne : http://dicocer.cnrs.fr/type/view?indexation=R-POMP_R-POMP+13 [consulté le 03/03/2022].
- MEB : Microscope électronique à balayage, couplé à un système EDS, Energy Dispersive Spectrometry, pour l’identification des éléments. Analyses réalisées par Marguerite Munoz (GET).