Le massacre de Wassy du 1er mars 1562 est un événement peu éclairé dans ses détails malgré le nombre de textes contemporains relatant les faits, mais il fut la cause effective de la prise d’armes du prince de Condé et de la première guerre de Religion. Son éclat est en partie dû à l’intense campagne de propagande menée sous forme de publications justifiant les actions de Condé, qui espérait que la Couronne se déclarerait en sa faveur1. Les textes catholiques sont moins nombreux. Celui qui me retiendra ici est une plaquette anonyme louant le duc de Guise dans un premier temps et reproduisant un extrait d’une lettre de Guise relatant les faits du « carnage » ou de « l’accident » – suivant le point de vue adopté – dans un second temps. Il s’agit du Discours au vray & en abbregé, de ce qui est dernierement advenu à Vassi, y passant Monseigneur le Duc de Guise2, publié dans les mois qui suivirent l’événement, après Pâques 1562. La lettre de Guise mentionne un arrêt ou un jugement à venir du Parlement concernant le massacre. La plaquette dans son ensemble entend répondre aux calomnies lancées par le parti calviniste à l’égard de Guise, mais elle vise peut-être à l’innocenter par avance, ou à le soustraire à tout procès ou condamnation, par « l’étonnement » que susciterait la magnanimité de ce prince.
Le mot « scandale » n’apparaît qu’une fois, sous forme d’adjectif, pour caractériser les calvinistes, « gens scandaleux, arrogans, & fort temeraires3 ». Le scandale des protestants est le produit de leur arrogance, ce qui, dans le contexte de cette plaquette, revient à dire leur refus de se soumettre à l’autorité, leur refus d’obéissance. Cette arrogance scandaleuse empêche le peuple de se réunir autour du roi ou autour d’un Grand représentant l’autorité royale (en l’occurrence, Guise lui-même). L’usage de « scandaleux » ici reprend donc son sens théologique, tout en l’appliquant à une situation politique : le scandale des calvinistes empêche le salut, le repos et la tranquillité du royaume. C’est Guise lui-même qui montre la voie de ce salut politique ; se servant d’un parallèle avec Scipion l’Africain, l’auteur de la plaquette illustre pour ainsi dire la solution, et la lettre de Guise ne constitue qu’une preuve supplémentaire. Le choix de faire précéder le récit des faits par l’éloge de la personne de Guise démontre ainsi la démarche que doit suivre le jugement du lecteur : il s’agit tout d’abord d’admirer la personne de Guise, vainqueur à Metz et à Renty, pour ensuite considérer les événements à Wassy à la lumière de sa dignité. La mémoire de ses victoires détermine pour ainsi dire l’importance que l’on doit accorder à Wassy, et le scandale des calomnies protestantes nous détourne de la solution aux conflits que nous offre la célébration de cette mémoire.
Disposition du texte
Reprenons en plus grand détail la disposition de la plaquette. C’est un texte hybride, comportant deux parties.
La première va du début du texte jusqu’au feuillet B 4r. Elle est « narrée » au sens où un « je » distinct de Guise lui-même, un témoin des événements, prend la parole. Cette partie initiale est à son tour rythmée par trois points dans l’argument. Premièrement : faut-il répondre aux calomnies des « malings » ? Un prince ne doit-il pas mépriser le « babil » des « menteurs » ? Guise a donc le choix de se lever au-dessus des polémiques, car sa renommée est telle que la vérité finira par s’imposer d’elle-même, comme une évidence. D’autre part, puisque « Dieu commande de ne porter faulx tesmoignage », même un prince doit aider à assurer la connaissance de la vérité, surtout lorsqu’il est question de religion. La réponse de Guise aux calomnies n’est donc pas provoquée par la polémique elle-même (qui ne le blesse pas) mais par sa piété. Il se soumet à une autorité supérieure, et sauvegarde sa souveraineté par rapport aux médisants (A 2r-A 3v). La première partie de la plaquette comporte dans un deuxième temps un éloge de Guise qui est comparé à quelques hommes illustres du passé : Périclès, Thémistoclès, Miltiadès, Camillus et surtout Scipion l’Africain. Cette comparaison renforce la valeur du geste de Guise, prêt à rendre compte des faits, car en cela il surpasse en « patience » ces hommes illustres qui supportèrent l’ingratitude du peuple et ne daignèrent pas répondre à leurs détracteurs (A 3v-B 1r). Dans un troisième temps, nous revenons aux calomniateurs, une faction « qui poursuivant ses vengeances, & servant à ses affections, en attendant qu’elle ait le glaive à commandement, desploie le tranchant de sa langue meurtriere4 ». La calomnie n’est plus motivée par l’envie, motif traditionnel, mais par un réel désir de pouvoir et de vengeance et représente une « passion particulière » : les « affections » qui sèmeront la violence et perturberont la tranquillité du royaume. Ce parti est heureux d’avoir trouvé l’occasion des événements de Wassy pour poursuivre ses desseins. La réponse de Guise se double ainsi d’une « raison d’état », d’une piété vis-à-vis du royaume. Le défenseur de l’État doit répondre au glaive de leur parole par le glaive de la sienne. Mais il n’a besoin que de la vérité, « sans aucune couleur de Rhetorique5 », pour le faire. On aurait pu éviter, par ailleurs, ce conflit, si les calvinistes avaient voulu seulement se soumettre à la justice (comme Guise lui-même entend le faire, se fiant au jugement du Parlement). Le manque de « rhétorique » se manifeste par le fait que la réponse de Guise prend la forme d’une lettre (donc du genre familier et non pas du genre judiciaire), que celle-ci ne constitue qu’un fragment de la lettre entière, et que le contenu de la lettre est avéré par le narrateur qui se porte en témoin : « moymesmes aiant sur les lieux veu qu’il en dict ouvertement ce qui en est, plus tost moins que plus de ce qui pourroit estre a son advantage5 ». Le témoin rectifie ainsi chez Guise le vice de réticence, expression d’une humilité chrétienne qui, hélas, n’est plus de mise dans ces circonstances6. Ces considérations concluent le troisième temps de la première partie de la plaquette (B 1r-B 4r).
La deuxième partie commence au feuillet B 4r et constitue la fin du texte. Il s’agit de l’extrait d’une lettre de Guise à un prince « ennemi de fausseté », sans doute le duc de Württemberg à qui Guise avait donné un compte rendu du colloque de Poissy avant de retourner à Paris avec ses gens. Elle s’adresse donc au prince luthérien devant qui Guise avait exprimé quelques espoirs d’une réconciliation des religions, malgré l’échec du colloque lui-même. Selon la lettre elle-même, Guise a dû aussi se plaindre des intentions séditieuses des calvinistes. Le texte anonyme ne mentionne pourtant pas l’identité du destinataire, peut-être parce que celle-ci aurait été évidente pour un lecteur contemporain. Toujours est-il que le récit du massacre que donne Guise ne vise pas à enflammer les catholiques, à poursuivre sa cause, ni à convaincre un juge au-dessus des partis, mais semble s’adresser à un protecteur des protestants. Si celui-ci peut être persuadé des faits de « l’accident », son récit atteint un niveau supérieur de véridicité. La nature familière et événementielle du récit, « sans aucune couleur de Rhetorique », emporte en effet la foi du destinataire. Finalement, le récit d’un prince à un autre prince, fût-il de la religion opposée, participe du régime de l’amitié qui lie les Grands. L’ami ne cache rien à son ami ; sa véridicité est un devoir et une manifestation d’amitié. Le fait même de publier cet extrait de la lettre d’un prince à un autre prince, entre souverains amis, révèle la solution aux passions particulières que dessine le narrateur anonyme : le Grand passe au-delà des conflits par un geste magnanime qui concilie les esprits.
Cette conciliation opérée par Guise est d’autant plus envisageable que celui-ci sait agir en sujet du roi, indépendamment du défenseur de la foi catholique qu’il est. Lorsqu’il réagit aux plaintes de ses sujets, il s’avance vers les huguenots non pas pour leur reprocher l’exercice de leur culte, mais pour leur remontrer :
[…] combien ils se forvoient du debvoir auquel ils estoient tenus, & le peu de respect qu’ils avoient à l’obeissance qu’ils debvoient porter au Roy, pour les rebellions, seditions & insolences, dont encores peu au paravant ils avoient usé envers aucuns prelats de ce Royaulme, sans [se] vouloir autrement empescher du faict de leur dicte religion : sinon en ce qui eust esté seulement aussi contraire aux ordonnances & commandements de sa majesté7 (je souligne).
Son destinataire le duc de Württemberg a dû apprécier cette maîtrise de soi, cette volonté de subordonner la question de la religion au respect de l’autorité du roi. Le « scandale » des calvinistes est resitué, nous l’avons déjà vu, au niveau politique.
L’extrait de la lettre ne reproduit pas son début, mais sa fin ; la narration des événements de « l’accident » n’est pas la priorité de cette correspondance, car d’autres informations ont dû la précéder. L’importance que les calomniateurs accordent au massacre est exagérée ; elle ne correspond pas à la hauteur des affaires que Guise doit régler avec le duc de Württemberg. Le récit de Guise rapporte les événements du massacre au ras du sol, pour ainsi dire, dans un ordre chronologique, et en ajoutant au besoin les motivations de son auteur – souci d’éviter un affrontement, désir de retenir ses gens, besoin de se défendre physiquement et de défendre ses gens contre l’agression huguenote, et absence d’intention préalable, car il avait amené le cardinal son frère, sa femme et son fils.
Guise magnanime
La grandeur d’âme de Guise se mesure par un parallèle que dresse le narrateur anonyme entre le duc et Scipion l’Africain, et c’est en premier lieu cette comparaison que j’aimerais regarder de plus près. Tout d’abord le texte de la plaquette :
AU RESTE les anciens aussi ont eu en reverence la magnanimité de ce Scipion, qui estant accusé par je ne sçay quels envieux, pour toute responce racompta ses victoires & services faicts à la Republique, sans autrement faire mention de ce dont il estoit accusé : & fut oui en sa louange, avec tel contentement, que jamais homme ne fut loué par autruy avec plus grande louange. Puis estant de rechef pressé par ses accusateurs, de respondre à ce qu’on luy objectoit, desdaignant de rechef de ce faire, comme estant chose par trop indigne, il se leva en plein jugement, & dist au peuple, que c’estoit le jour auquel il avoit vaincu Annibal & les Carthaginois, & que pour cela il s’en alloit au Capitole rendre graces à Dieu. Incontinent il fut suivy de tout le peuple, qui estonné de la memoire de telle victoire, ne le tenoit plus pour accusé, mais l’honoroit comme en son triomphe Africain.
OR si au jourd’hui le Prince & Seigneur, dont il est maintenant question, vouloit faire le mesme, il ne feroit que son debvoir, & n’auroit pas moins d’argument & de raison. Au reste, si une telle bravade de ce Scipion a esté louee, lors qu’aultrement il y avoit un accusateur grand & legitime, & comme une partie formee, combien plus pourra un aultre Scipion mespriser un tas de libelles fameux qui ne sont pas soubscripts, & les detracteurs tels qui n’oseroient se presenter en
jugement8 ?
L’anecdote concernant Scipion provient des Nuits attiques d’Aulu-Gelle dont je reproduis le texte latin (de l’édition de 1526)9 :
Scipio Africanus antiquior quanta virtutum gloria praestiterit et quam fuerit altus animo, atque magnificus, & qua sui conscientia subnixus, pluribus rebus, quae dixerit, quasque fecerit, declaratum est. Ex quibus sunt haec duo exempla eius fidutiae ac exuperantiae ingentis : Cum M. Naevius tribunus plebis accusaret eum ad populum, diceretque accepisse a rege Antiocho pecuniam, ut conditionibus gratiosis et mollibus, pax cum eo populi Romani nomine fieret, & quaedam item alia crimini daret, indigna tali viro, tum Scipio pauca praefatus quae dignitas vitae suae, atque gloria postulabat, memoria, inquit, Quirites, repeto, diem esse hodiernum, quo Annibalem Poenum imperio nostro inimicissimum magno proelio vici in terra Africa, pacemque & victoriam vobis peperi insperabilem. Non igitur simus adversum deos ingrati, sed censeo relinquamus nebulonem hunc, eamusque nunc protinus Iovi optimo maximo gratulatum. Id cum dixisset, avertit, & ire ad Capitolium coepit. Tum concio universa, quae ad sententiam de Scipione ferendam convenerat, relicto tribuno, Scipionem in Capitolium comitata, atque inde ad aedes eius cum laetitia & gratulatione solemni prosecuta est10.
Le narrateur du Discours au vray reproduit les éléments importants de l’anecdote chez Aulu-Gelle : l’éloge initial de Scipion (sa « magnanimité » correspond au latin « altus animo, atque magnificus ») ; le fait de l’accusation (mais non pas les détails) ; le rappel par Scipion lui-même de sa dignité et de son renom, acquis par les services rendus ; la « bravade » de Scipion qui rappelle le jour de sa victoire sur Hannibal ; sa piété ; le rassemblement du peuple, « estonné de la memoire de telle victoire », qui suit Scipion au Capitole en honorant son triomphe.
L’étonnement provoqué par le geste de Scipion, se levant et quittant le tribunal, en rappelant sa victoire « inespérée » (« victoriam … insperabilem », une « telle victoire »), est partie intégrante de sa gloire et la raison de la survivance de son nom au cours des siècles. Guise n’est pas étranger à cette gloire, car, nous le rappelle le narrateur, il s’agit « d’un Prince, duquel autrement la vertu estonne tous ses adversaires11 ». Cet étonnement est l’une des trois conditions et composantes de la gloire, répertoriées par Cicéron : benevolentia, fides, admiratio12. Le narrateur insiste sur cette admiration, exprimée par la louange du peuple (« jamais homme ne fut loué par autruy avec plus grande louange »). Ce qui est admirable, dans le contexte latin, est en quelque sorte ce qu’on n’attend pas, ce qui va au-delà des espérances, d’où le rapport intime de l’admirable et du paradoxal13. L’admiration porte aussi en quelque sorte au-delà de la situation judiciaire binaire : il ne s’agit plus de décider pour ou contre, de faire partie d’un groupe ou de ses opposants, mais de se réunir dans une admiration commune, et de célébrer ensemble un homme supérieur qui méprise l’argent, les esprits contentieux, les calomniateurs14. Le fait de suivre cet homme vers le Capitole, dans un défilé qui ressemble à un nouveau triomphe, représente cet abandon des petits conflits au profit d’une cause plus grande, universelle, qui assure le salut de l’État. Scipion introduit une nouvelle finalité, la marche vers le Capitole et la reconnaissance envers les dieux, qui met en scène la sortie de la situation conflictuelle.
Guise aurait pu faire tout cela, il aurait bien pu ignorer les langues des calomniateurs ; il aurait pu, en « aultre Scipion », « hardiment mespriser tout le babil de ces menteurs15 », et « mespriser un tas de libelles fameux16 », à l’instar de l’« animi despicientia » de Cicéron17. Mais il décide de dire la vérité sur l’affaire, geste inattendu qui devrait à son tour susciter l’admiration.
Cela dit, Scipion montre la voie. Il est du parti des aristocrates alors que Naevius est tribun du peuple. Pourtant, par le rappel de sa victoire, il rassemble tous les citoyens. Sa dignité concerne tous, elle ne sert pas à promouvoir sa faction à lui, ses « affections » particulières. De même, Guise a sauvé le royaume par ses victoires contre Charles Quint ; sa dignité est celle d’un défenseur du royaume avant tout, et ses actions durant les événements de Wassy ne démentent pas ce rôle primordial.
La grandeur d’âme de Guise est aussi apparente dans le récit que le duc donne lui-même des événements. Alors que les calvinistes cherchent par tous les moyens, par la parole aussi bien que par le glaive, à se venger18, Guise s’abstient de toute tentative de vengeance, bien que sa dignité et sa personne soient visiblement blessées par les huguenots :
Neantmoins ledict effort ne peut estre si grand, que je ne vinsse avec ma petite troupe a estre maistre de leurdicte porte. Mais ce ne peut estre (dont j’ay un merveilleux regret) que d’autre part il n’en soit demeuré vingtcinq ou trente de tuez, & plus grand nombre de blessez. Combien que pour chose qui m’ait esté faicte, je n’aye jamais voulu frapper personne, & le deffendisse aux miens tant qu’il m’estoit possible, admonnestant les autres aussi de cesser de leur costé : bien marri que leur resistence ne permettoit plus tost de les faire delivrer entre les mains de la justice, comme j’eusse bien desiré19.
Tout en soulignant la vaillance de sa « petite troupe » face au « grand effort » des huguenots armés d’arquebuses et de pistolets, Guise lui-même ne rendra pas les coups qui lui ont été assénés, et par sa parole de chef, il défend aux siens la vengeance. Il ne manque pas d’admonester les huguenots de leur côté, pour que la violence cesse et pour donner la place à la justice royale. Les tués et les blessés sont donc le produit de l’agression huguenote et le résultat regrettable de la pacification. Guise était en mesure de poursuivre sa vengeance particulière, mais il a livré toutes les preuves de son obéissance à l’autorité royale. Et il s’est montré un chef d’un sang-froid admirable, un prudent dans une situation chaotique, inattendue, qui cherche la pacification dans les deux camps et le maintien de l’ordre plutôt que le « carnage » de la riposte.
La conclusion de sa lettre témoigne à nouveau de cette volonté d’obéissance à la justice royale :
Or ay-je desiré comme je fay encores, que bonne & deue information en soit faicte, non pour en requerir autre vengeance ni reparation, ainsi que Dieu m’en est bon tesmoing. (car la recognoissance desja qu’ils ont faicte de leur peché, m’est suffisante satisfaction : & ne trouvera on jamais en moy en ce qui me touche, que toute la doulceur & humanité qu’on scauroit esperer de Prince que ce soit, & qui en ce que je peux, & de bien cueur leur pardonne)20.
La parenthèse ajoutée par Guise souligne ses capacités de souverain : il est capable, pour les besoins de l’État, d’exercer la douceur et l’humanité qu’on attend de tout prince. Cette volonté de passer au-delà des conflits relève moins de l’humilité du bon chrétien que de la conciliation d’un prince prudent, une mansuetudo toute politique, la capacité de pardonner lorsque le salut, le repos et la tranquillité du royaume sont en jeu. Le « narré des faits », l’exposé de « l’information », est donc un geste de clémence, une condescendance souveraine.
Le Guise qui transparaît au travers du Discours au vray est ainsi un prince tout d’abord et un catholique en deuxième lieu, qui se donne lui-même comme modèle à suivre, dont la dignité, constituée de ses gestes passés et présents, « étonne » ; dans cet « étonnement » universel gît la solution des conflits des confessions. Sa piété – au sens religieux mais surtout au sens ancien de « révérence », de respect de l’autorité royale – peut constituer une finalité, le but commun d’un triomphe mené par un « aultre Scipion ».
ANNEXE
• Discours au vray & en abbregé, de ce qui est dernierement advenu à Vassi, y passant Monseigneur le Duc de Guise, A Paris, M.D.LXII. Par Guillaume Morel imprimeur du Roy. Par privilege expres dudict Seigneur21.
[A 2r] LES Langues des malings sont au jour d’huy si finement aguisées pour mesdire, & les oreilles si chatouilleuses pour volontiers ouir les detractions, & les esperits si disposez pour incontinent croire aux mensonges : mesmement ceulx qui sement ces faulx bruits pour troubler & esmouvoir le peuple, sont [A 2v] si cauteleux & ingenieux pour desguiser les matieres, qu’est besoing quelquefois de respondre à ces faulsaires, & descouvrir leurs embusches pour maintenir la verité, & deffendre l’honneur de ceulx qui sont ainsi oultragez : aussi pour n’endurer pas tousjours que le monde soit abusé par ces calomniateurs.
IL est vray que les Princes & grands Seigneurs peuvent hardiment mespriser tout le babil de ces menteurs : & un cœur fondé sur une bonne conscience, se contente bien, que la verité avecq le temps soit congnue d’elle mesme, sans autrement ce pendant se soulcier beaucoup des calomnies populaires. Toutesfois comme Dieu commande de ne porter faulx tesmoignage, [A 3r] aussi il veult que chacun en son endroict aidant à la verité, tasche descouvrir & rembarre la faulseté : & qu’à ces fins lon en advertisse ceulx qui en sont mal informez, principalement quand le mensonge est masqué du tiltre de religion. Car c’est bien cest’hypocrisie, laquelle est la plus à craindre, & qui trompe le plus.
IL EST notoire combien de faux bruits, & de libelles diffamatoires, depuis quelques années ont esté semez par quelques mal-heureux, contre l’honneur d’un Prince, duquel autrement la vertu estonne tous ses adversaires. Iceluy a tousjours mesprisé toutes ces detractions par une brave magnanimité, & ne les a jamais estimées dignes [A 3v] de response, comme aussi leur vanité & impudence s’est rompue de soymesme. Et de faict, comme jadis il fut bien dict, que c’estoit une condition Royale, que d’estre blasmé des mesdisans, pour la rescompense de tous bienfaicts : aussi est-ce une deffence vertueuse & excellente, en bien faisant les desmentir & leur fermer la bouche. Et c’est ainsi que jadis se sont portez tous les preux & vaillans Princes & Seigneurs, combatans contre l’ingratitude de leur peuple.
J’ALLEGUEROYE la modération & patience qui fut jadis en un Pericles, poursuivy par un importun mesdisant : mais ceste est la propre & ordinaire vertu d’un cœur hault & genereux. Il est vray que [A 4r] c’est une chose miserable, d’entendre comme jadis apres tant & si grans services faicts à la Republique, furent traictez & rescompensez deux Scipions à Rome, ou bien un Miltiades, ou un Themistocles, en leur Ville d’Athenes. Mais comme nous nous estonnons d’une telle ingratitude, aussi avons nous en admiration un Camillus, ou ses semblables, qui ne se sont pas pourtant despitez contre leur Republique, & n’ont pas laissé d’aider & bien faire aux ingrats.
AU RESTE les anciens aussi ont eu en reverence la magnanimité de ce Scipion, qui estant accusé par je ne sçay quels envieux, pour toute responce racompta ses victoires & services faicts à la Republi [A 4v] que, sans autrement faire mention de ce dont il estoit accusé : & fut oui en sa louange, avec tel contentement, que jamais homme ne fut loué par autruy avec plus grande louange. Puis estant de rechef pressé par ses accusateurs, de respondre à ce qu’on luy objectoit, desdaignant de rechef de ce faire, comme estant chose par trop indigne, il se leva en plein jugement, & dist au peuple, que c’estoit le jour auquel il avoit vaincu Annibal & les Carthaginois, & que pour cela il s’en alloit au Capitole rendre graces à Dieu. Incontinent il fut suivy de tout le peuple, qui estonné de la memoire de telle victoire, ne le tenoit plus pour accusé, mais l’honoroit comme en son triomphe Africain22.
[B 1r] OR si au jourd’hui le Prince & Seigneur, dont il est maintenant question, vouloit faire le mesme, il ne feroit que son debvoir, & n’auroit pas moins d’argument & de raison. Au reste, si une telle bravade de ce Scipion a esté louee, lors qu’aultrement il y avoit un accusateur grand & legitime, & comme une partie formee, combien plus pourra un aultre Scipion mespriser un tas de libelles fameux qui ne sont pas soubscripts, & les detracteurs tels qui n’oseroient se presenter en jugement ?
IL EST vray qu’il a quelque fois esperé que leur malice en la fin se lasseroit, & auroit quelque jour honte de cest’impudence : Mais il experimente de plus en plus qu’el[B 1v]le est autant effrontee qu’insatiable, voire mesmes incurable, d’autant que c‘est une passion transportee de despit & d’envie, & une faction qui n’a aucune bride n’honnesteté, ni de raison, ni de religion : & qui poursuivant ses vengeances, & servant à ses affections, en attendant qu’elle ait le glaive à commandement, desploie le tranchant de sa langue meurtriere : ou bien, fait comme les chiens affamez, qui n’aians que mordre, se vengent & se repaissent d’abbaier. Tant y a que ces jours derniers, elle a bien pensé avoir rencontré une belle occasion de crier alarme, & se rempester, aiant ouy quelque bruit odieux, qu’ils ont accoustré à leur mode, touchant un carnage (com-[B 2r]me ils parlent) faict en la ville de Vassi : & sur cela incontinent s’est mise aux champs avec toute sa rhetorique pour desguiser le faict & aigrir le compte, & abreuver le peuple d’un faulx rapport, pour l’enflamber avec ses trompettes, & le poulser à l’estourdi contre ce prince, duquel ils se vantent avoir juré la mort : de sorte qu’ils semblent à ces fins estre aussi joyeux de cest inconvenient advenu audict Vassi, comme le seigneur qu’ils accusent, en est marri, & desplaisant : encores que ce n’ait esté par sa faulte. Il est vray que c’est un accident miserable, & ne peult estre aultrement ou il y a effusion de sang. Et pleust à Dieu que ceulx qui ont faict si grand bruit soubs couleur de la religion, [B 2v] eussent apprins les principes de la religion, c’est à dire de haïr la cruauté, & laisser le glaive & les armes au Magistrat.
MAIS quant au faict dont il est question, celuy qui regardera toutes les circonstances, s’il est juge raisonnable, il jugera incontinent que ceulx qui avec une telle impetuosité en chargent le Seigneur dont nous parlons, sont faulx & meschans calomniateurs exercitez à mentir & mesdire. C’estoit pour le moins, que de donner quelque audience aux loix, ou bien aux premieres reigles de droict, qui ordonnent qu’il fault ouyr partie, & s’informer diligemment du faict, devant qu’en juger. Or ce Prince que ces malings veulent charger, s’of-[B 3r]fre & se presente d’en dire ce qui en est à la verité, & d’en rendre raison. Et de faict, voiant qu’iceulx par une malheureuse anticipation, faisoient courir aux quatre coings du monde leur mensonge sur ce faict, pour avec tel discours abuser les ignorans & les attirer à leur passion, pour apres s’en servir à ung plus malheureux dessein, il a bien voulu advertir un Prince son ami de toute la verité du faict, ce pendant que le tout se jugera & declarera par arrest de la Court de Parlement.
Or pource qu’il en escript comme un Prince veritable à un Prince ennemy de faulseté, & qu’il en escript simplement & rondement, & avec les conditions les plus raison[B 3v]nables qu’il est possible, & sans rien desguiser ou dissimuler : & que moymesmes aiant sur les lieux veu qu’il en dict ouvertement ce qui en est, plus tost moins que plus de ce qui pourroit estre a son advantage : il m’a semblé que c’estoit le plus court de vous envoier un extraict de sadicte lettre, puis que m’avez prié de vous advertir à la verité sans aucune couleur de Rhetorique, comme les choses sont passees. Et croy pareillement que cest advertissement aiant satisfaict & contenté ce Prince auquel premierement il a esté envoié, pourra d’autant plus estre receu de tous ceulx qui en voudront juger sans passion, ou qu’il pourra pour le moins arrester le cours de la calomnie, & faire sur-[B 4r]seoir les jugements temeraires jusques à pleine congnoissance de cause. Et sera pour le mieux à mon advis que vous oyez les propres mots que le susdict Prince en a escripts, par sadicte lettre apres autres propos qui sont telz.
Il fault que ce pendant je vous face entendre un accident qui m’est survenu par les chemins, ainsi que je hastoye mon voiage, qui est, que partant de Janville qui est à moy, pour aller à une autre de mes maisons nommee Esclarron, & s’adonnant mon chemin de passer par une petite ville qui est entre-deux, appartenant au Roy, appellee Vassi, il y est advenu chose que je n’eusse jamais pensé, & dont je ne me feusse jamais doubté, de voisins si proches que ceulx [B 4v] lá, & dont la plus part sont mes subiects, qui me pouvoient fort bien cognoistre. Il est vray, que sachant long temps a que la pluspart d’entre eulx, estoient gens scandaleux, arrogans, & fort temeraires, combien qu’ils feussent Calvinistes, faisans profession de suivre l’Eglise qu’ils appellent entre eulx reformee23 : je ne voulu souffrir que lon dressast ma disnee audict Vassi, mais j’ordonné qu’elle fust à un petit village plus avant, à demie lieue expressement pour eviter ce qui depuis est advenu audict Vassi, pour raison de ma suitte, voulant fuir les occasions que quelques uns des miens ne peussent agasser ne dire mot à ceulx de ladicte ville, & qu’ils n’entrassent ne les uns, ni les [C 1r] autres en dispute de religion, ce que j’avoie expressement defendu aux miens. Si est-ce que passant par lá qui fut un jour de dimenche premier jour de ce mois de Mars, & y estant descendu au devant de l’Eglise (comme est ma coustume) il me fut bien tost apres rapporté, comme j’estoie en ladicte Eglise ou s’estoit desja commencé le Service divin, que gueres loing de lá, en une grange qui est en partie à moy, se faisoit un presche, ou s’estoit faicte assemblee de plus de cinq cens personnes. Et m’avoit lon desja faict plaincte, qu’à la suasion de quelques ministres, qui peu au paravant s’y estoient trouvez, venus de Geneve, ils se monstroient [C 1v] desja fort refroidis & esloignez de porter au Roy l’obeissance qu’ils debvoient. Parquoy estant ladicte ville de l’assignat du douaire de la Royne d’Escosse, douairiere de France, Madame ma niepce : & sachant le commandement que j’y avoye, tant à cause de l’auctorité & superintendence generale, que ladicte Dame m’a laissee par deça sur tout son douaire, qu’aussi pour estre bonne partie de l’assemblee, de mes propres subjects, il me sembloit estre trop pres d’eulx, qu’ils n’estoient qu’à la veue de la porte de ladicte Eglise, n’y aiant que la rue à traverser entre deux, pour ne leur debvoir faire telles remonstrances que je cognoistroie plus à propos, à ce qu’ils congneussent combien ils [C 2r] se forvoient du debvoir auquel ils estoient tenus, & le peu de respect qu’ils avoient à l’obeissance qu’ils debvoient porter au Roy, pour les rebellions, seditions & insolences, dont encores peu au paravant ils avoient usé envers aucuns prelats de ce Royaulme, sans me vouloir autrement empescher du faict de leur dicte religion : sinon en ce qui eust esté seulement aussi contraire aux ordonnances & commandements de sa majesté. Et esmeu par les considerations dessusdictes, de ce faire, comme je pensoie en forme d’un admonestement gracieux & honneste, sans que je sceusse qu’ils fussent saisis d’armes, comme ils furent depuis trouvez avec harquebuzes, pistolets, & autres munitions, qui [C 2v] estoit contrevenir d’avantage aux Edicts & ordonnances de sa majesté, j’envoiay devers eulx deux ou trois de mes Gentilshommes pour leur signifier le desir que j’avoie de parler à eulx, lesquelz je suivoye de bien pres. Et ne leur fut si tost la porte ou estoit ladicte assemblee entreouverte, que tout soubdain par une impetueuse resistence, ceulx de dedans ne vinsent à la refermer, & à repousser ceulx que je leur avoie envoiez, si rudement à grands coups de pierre, dont ils avoient une bonne provision, & des plus grosses, sur un hault eschaffault qu’ils avoient dressé à l’entree du portail de ladicte grange : tellement que les uns jectans d’en hault lesdictes pierres, & autres tirans leurs harquebuses [C 3r] & pistolets sur moy & les miens, qui pouvions estre environ trente personnes, n’aiants que noz espees à noz costez, ils firent tout debvoir de me choysir, & de nous assommer, si bien que quinze ou seize de mes Gentilshommes furent à mes pieds lourdement offensez & oultragez. J’en receu moy-mesmes trois coups, qui toutesfois n’eurent pas si grand portee (dieu merci) car je ne m’en suis qu’un peu senti en un bras, qui n’a esté chose d’importance. J’ay eu fort grand regret d’y veoir blessé entre autres, le seigneur de la Bresse chevalier de l’ordre du Roy, qui y fut fort navré en la teste, avec une grande effusion de sang. Le tout par l’insolence & aggression de ceulx de ladicte vil[C 3v]le, qui avec leurs susdictes harquebuses & pistolets, dont plusieurs ont esté trouvez saisis, firent tout effort de faire contre moy & les miens, le pis qu’ils peurent : & faillirent à gaigner une maison, joignant de lá, ou se trouva une grande table toute couverte d’autres harquebuses & pistolets tous chargez, estant ladicte maison percee, qui flanquoit l’entree de leurdicte grange, & dont je n’avoie rien encores entendu. Neantmoins ledict effort ne peut estre si grand, que je ne vinsse avec ma petite troupe a estre maistre de leurdicte porte. Mais ce ne peut estre (dont j’ay un merveilleux regret) que d’autre part il n’en soit demeuré vingtcinq ou trente de tuez, & plus grand nom-[C 4r]bre de blessez. Combien que pour chose qui m’ait esté faicte, je n’aye jamais voulu frapper personne, & le deffendisse aux miens tant qu’il m’estoit possible, admonnestant les autres aussi de cesser de leur costé : bien marri que leur resistence ne permettoit plus tost de les faire delivrer entre les mains de la justice, comme j’eusse bien desiré. Ceci ne fust jamais advenu sans l’aggression de ceulx de ladicte ville : & s’est faicte la plus grande partie de ceste execution par aucuns de nos valets qui estoient à nostre suite, trouvans ainsi qu’ils arrivoient, leurs maistres tous blessez & offensez, & qui avoient aussi ouy le bruict des harquebuses & pistolets deslachez, nous estans dans ladicte grange. [C 4v] Si est ce que m’apercevant de ceste insolence, encores qu’on continuast tousjours de ruer sur moy, & sur ceulx qui estoient autour de moy, je ne laissay de donner incontinent ordre & le plus tost que je peu, de faire le tout cesser. Et sans cela il y fust beaucoup pis advenu. Je fei soubdain aussi mettre prisonniers tous ceulx dont je me peu saisir, coulpables & autheurs de tel inconvenient : ou je m’attendoye aussi peu, qu’à chose de ce monde : vous asseurant que si j’y eusse pensé, j’eusse bien pourveu, que les miens n’eussent esté desarmez ne blessez comme ils furent : & me fusse fort bien gardé de m’accompagner, comme je faisoie, de Monsieur le Cardinal de Guise mon frere, ne de mener quant & [D 1r] moy mon fils aisné, ne ma femme, qui estoit à ma queuë en sa litiere, avec un de ses enfans aagé de sept ans seulement. Le magistrat aiant recognu la verité du faict tel que dessus, j’en donnay tout soubdain advis au Roy, la Royne, & au Roy de Navarre, qui ont peu considerer depuis, si telles gents que ceulx lá, & de mes subjects mesmes, ont eu ceste hardiesse d’oser entreprendre à l’encontre de moy, ce que lon doibt esperer d’eulx en autres choses, & jusques ou ils sont desja parvenus par la tollerance qu’on a faicte par deça de ces nouveaulx Calvinistes, qui ne preschent, en la pluspart, qu’une liberté toute pleine de sedition. Il vous peult souvenir, Monsieur, de ce que [D 1v] nous en disions dernierement ensemble. Or ay-je desiré comme je fay encores, que bonne & deue information en soit faicte, non pour en requerir autre vengeance ni reparation, ainsi que Dieu m’en est bon tesmoing. (car la recognoissance desja qu’ils ont faicte de leur peché, m’est suffisante satisfaction : & ne trouvera on jamais en moy en ce qui me touche, que toute la doulceur & humanité qu’on scauroit esperer de Prince que ce soit, & qui en ce que je peux, & de bien cueur leur pardonne) Mais je doib bien soubhaiter que la verité de ce faict soit entierement entendue, & non desguisee : comme je scay que par la malice & imposture dont sont pleins plusieurs qui [D 2r] leurs adherent, elle pourroit estre en vostre endroict & ailleurs, veu qu’ils se sont desja efforcez de faire entendre à leurs susdictes majestez le rebours de la verité, & ne prenants que ce qui est à leur advantage. Et combien que je pense bien, Monsieur, que vous m’estimiez veritable, si vous prieray-je de surseoir l’opinion que vous en pourriez prendre, jusques à ce qu’il vous soit apparu du jugement, qu’en aura faict le principal Senat de tout ce Royaulme : & me tenir tousjours en vostre bonne grace à laquelle bien humblement & le plus affectueusement que je peux me recommande.
Imprimé à Paris, par Guillaume Morel, imprimeur du Roy. M.D.LXII.
Notes
- Sur les circonstances de la première guerre et sur Condé, voir Arlette Jouanna, Le Devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, 1559-1661, Paris, Fayard, 1989, p. 148-151. Pour les documents autour de l’événement de Wassy, voir les Mémoires de Condé, servant d’Éclaircissement et de Preuves à l’Histoire de M. de Thou, Londres, Rollin, éd. revue 1743, vol. 3-4. Sur les publications de Condé (ou en son nom), voir Donald R. Kelley, The Beginning of Ideology. Consciousness and Society in the French Reformation, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 255-256 et 276-278, et Ullrich Langer, « How not to be (and sound) seditious: The Prince de Condé’s justifications for starting the first war of religion (1562-1563) », dans John O’Brien et Marc Schachter (dir.), Sedition. The Spread of Controversial Literature and Ideas in France and Scotland, c. 1550-1610, Turnhout, Brepols, 2021, p. 169-194. Sur la littérature polémique des conflits, voir Luc Racaut, Hatred in Print. Catholic Propaganda and Protestant Identity during the French Wars of Religion, Aldershot, Ashgate, 2002, et Tatiana Debbagi Baranova, À coups de libelles. Une culture politique au temps des guerres de Religion (1562-1598), Genève, Droz, 2012.
- Discours au vray & en abbregé, de ce qui est dernierement advenu à Vassi, y passant Monseigneur le Duc de Guise, Paris, Guillaume Morel, 1562. J’ai choisi l’édition de la Newberry Library (Chicago), [En ligne] https://archive.org/details/discoursauvrayet00more/mode/2up [consulté le 26/10/2021].
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. B 4r.
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. B 1r. La métaphore du glaive de la parole aura un bel avenir au cours des guerres de Religion ; voir Paul-Alexis Mellet (dir.), « Et de sa bouche sortait un glaive ». Les Monarchomaques au XVIe siècle, actes du colloque de Tours (mai 2003), Genève, Droz, 2006.
- Ibid., fol. B 3v.
- Le milieu de la veracitas se situe entre les extrêmes de l’arrogantia et de la dissimulatio (ειρωνεία) ; le vice de la dissimulatio n’est pas ici le mensonge, mais « dire moins que ce qu’il en est, par rapport à soi-même, se déprécier » (voir Aristote, Éthique à Nicomaque, II, VII, 1108a23). La réticence de Guise est une modestie, en accord avec sa piété et son obéissance, que le narrateur corrige, tout comme c’est lui qui introduit le parallèle avec les Anciens.
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. C 2r.
- Ibid., fol. A 4r-B 1r.
- Aulus Gellius, Scriptoris Noctes Atticae, Köln, E. Cervicornus et G. Hittorp, 1526, IV, 18, p. 52.
- « Plusieurs dits et faits montrent clairement combien Scipion l’Africain l’ancien était excellent par le renom de ses vertus et combien il était élevé et grand par son esprit, et soutenu par sa connaissance de lui-même. Parmi ces dits et ces faits, voici deux exemples de sa confiance en lui-même et de son immense supériorité : lorsque M. Naevius tribun de la plèbe l’accusa devant le peuple en disant qu’il avait reçu de l’argent du roi Antioche, afin de conclure la paix avec lui au nom du peuple romain sous des conditions favorables et faciles, et quand le tribun ajouta d’autres accusations, indignes d’un tel homme, alors Scipion, après quelques mots préliminaires que demandaient la dignité de sa vie et son renom, dit : Quirites, je me rappelle que c’est aujourd’hui le jour où en Afrique, dans une grande bataille, j’ai vaincu Hannibal le Carthaginois, le plus grand ennemi de notre puissance, et où j’ai fait naître la paix et une victoire inespérée pour vous. Ne soyons donc pas ingrats envers les dieux, mais j’estime qu’il nous faut laisser là ce vaurien et aller tout de suite remercier Jupiter le meilleur et le plus grand. Lorsqu’il eut prononcé ces mots, il tourna le dos et commença à aller vers le Capitole. Alors, toute l’assemblée qui s’était réunie pour juger Scipion quitta la tribune, l’accompagna au Capitole, et ensuite le suivit jusqu’à chez lui en manifestant solennellement joie et reconnaissance » (je traduis).
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. A 3r.
- Voir Cicéron, De officiis, II, IX-XI, 31-38.
- Quintilien distingue un genre de cause « admirabile », traduisant le grec παράδοξον, ce qui va à l’encontre des attentes communes (Institutio oratoria, 4, 1, 40-41).
- Pour toute cette problématique du geste sublime, de la sublimation des conflits dans une rhétorique supérieure, voir Francis Goyet, Le Sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’Antiquité et à la Renaissance, Paris, Champion, 1996, surtout le chap. 3, « La majesté comme summum de dignitas », p. 307-337.
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. A 2v.
- Ibid., fol. B 1r.
- Cicéron, De officiis, II, XI, 38.
- Discours au vray & en abbregé, op. cit., fol. B 1r.
- Ibid., fol. C 3v-C4r.
- Ibid., fol. D 1v.
- On trouve ce texte reproduit dans l’édition de Louis Lafaist, Archives curieuses de l’histoire de France, depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, Beauvais, p. 111.
- Voir Aulu-Gelle, Nuits attiques, IV, 18.
- C’est-à-dire, pour calvinistes qu’ils soient ; donc ils sont hypocrites, n’appliquant pas les principes « de la religion » : voir plus haut, B 2r.