On peut revenir sur chacune des étapes précédemment décrites (l’intention, la préparation, la mise en œuvre…) en voyant comment les aléas rencontrés ont reconfiguré les terrains de recherche et changé le regard que nous portions sur eux. Le terrain d’observation en Argentine a été annulé, ce qui m’a amenée à repenser le terrain d’expérimentation à Palmer et adapter les objectifs de ma recherche. À partir de cet instant, il n’a plus été question de se « nourrir » de pratiques argentines fantasmées et exotisées, mais de réinvestir la richesse propre au quartier Palmer et à ses habitants. Mon approche du terrain a beaucoup évolué à la suite de ces évènements.
Mes intentions de recherche vis-à-vis du terrain, tout d’abord, ont changé. Les recherches préalables réalisées pour l’Argentine ont dévoilé que ce n’était pas le renouvellement de l’ « objet papier » qui était au cœur des pratiques des médias alternatifs, mais que c’était plutôt « la relation à l’autre », envisagée dans toute sa dimension politique… L’enjeu n’était-il pas le même pour Cenon ? En reformulant les intentions du terrain, cela m’a permis de mettre à distance les prérogatives institutionnelles pour mieux tenir compte des Cenonnais eux-mêmes. En effet, le service communication de Cenon espérait créer un nouveau magazine municipal, mais ne souhaitait pas nécessairement repenser toutes les modalités de communication entre les institutions et les citoyens… Les ateliers menés avec les habitants sont donc devenus, pour moi, un moyen de mener une exploration-expérimentation portant sur les formes de démocratie. En parallèle, je laissais de côté l’idée d’une consultation-expérimentation ayant pour but de refondre le magazine municipal de la ville.
C’est également mon approche de la « collaboration » qui a évolué. En m’inspirant des discussions que nous avions eues à propos de l’Argentine, j’ai davantage interrogé les habitants sur la délimitation du quartier Palmer et sur l’identité qu’ils y prêtaient. Mon regard porté sur le terrain a ainsi évolué grâce aux rencontres avec ses acteurs. La conduite de l’expérimentation a été remaniée en profondeur, en collaboration avec les habitants : de la charte graphique du projet aux formes que prenaient nos rencontres, chaque élément était discuté de manière hebdomadaire. C’est ainsi que l’expérimentation n’a plus porté sur un magazine municipal collaboratif (que nous jugions de prime abord, au sein du programme, comme étant l’espace de rencontre idéal entre les citoyens et les institutions), mais elle s’est tournée vers la mise en relation des citoyens et de leurs institutions, ainsi que sur le renforcement de leurs liens.