Une géographie de piémont
Situé au centre du département actuel de l’Ariège, le massif de l’Arize se situe dans le Séronais, entre la haute montagne et la plaine dans un axe sud-nord et entre les vallées du Salat (Couserans) et de l’Ariège (Pays de Foix) suivant un axe ouest-est (fig. 39). Il se distingue des principaux ensembles constitutifs de cette partie des Pyrénées tout en étant en lien avec chacun d’eux par sa position intermédiaire.
Petit massif primaire détaché de la Zone Axiale, le massif de l’Arize se caractérise par un relief plutôt doux et relativement peu élevé : son point culminant, le Rocher de Batail, atteint 1715 m, loin des sommets qui avoisinent les 3000 m au sud du département (Montcalm à 3078 m, Mont Rouch à 2858 m, pic de Certescans à 2840 m et Mont Valier à 2838 m). Ce massif a été très peu englacé par rapport à la vallée de l’Ariège voisine (Simonnet et al. 2008, 196). Les vallées qui en descendent sont donc plutôt étroites et encaissées.
La dépression qui sépare le massif de l’Arize du Plantaurel au nord, drainée par l’Arize, constitue une zone de communication est-ouest importante qui relie le Pays de Foix au Couserans. Cette ouverture a pu offrir des voies de diffusion à la production minière du district à cuivre argentifère, situé sur le front nord du massif (fig. 39). Vers l’est, la vallée de l’Ariège donne accès à l’intérieur de la chaîne pyrénéenne et au col de Puymorens (1915 m), ouvrant sur la péninsule Ibérique. En descendant cette vallée, on arrive jusqu’au Toulousain, mais on peut aussi rejoindre facilement la vallée de l’Aude par Mirepoix et Limoux. Vers l’ouest, la vallée du Salat permet également de pénétrer vers la haute chaîne, mais elle donne surtout accès à la vallée de la Garonne et donc également au Toulousain et au Comminges. La vallée de la Lèze, qui conduit elle aussi vers Toulouse, est accessible à travers le Plantaurel. Les débouchés potentiels pour la production sont donc variés.
En termes de climat, le massif de l’Arize fait partie du front montagnard humide des Pyrénées centrales, c’est un front de condensation des flux océaniques. Le Couserans, autour de la vallée du Salat, à l’ouest, est dominé par de fortes influences océaniques accentuées par la proximité de la haute montagne (Sablayrolles 1996, 36-37). Les paysages très verts et boisés témoignent d’une pluviométrie importante, entre 1000 et 1100 mm à St-Girons et dans les collines des pré-Pyrénées et jusqu’à 1600 mm à Aulus, dans la vallée du Garbet, ainsi que sur les hauts versants du massif. En revanche, la pluviométrie dans la vallée de l’Ariège est inférieure en raison du phénomène d’abri provoqué par le massif : entre 900 et 1000 mm à Foix pour 770 mm à Tarascon, qui bénéficie d’un assèchement spectaculaire. Pour comparaison, la moyenne est de 640 mm à Toulouse (Simonnet et al. 2008, 203-209). Lorsque l’on s’éloigne un peu vers le nord et qu’on sort des chaînons pré-pyrénéens, le climat s’assèche et la pluviométrie baisse aux alentours de 700 mm. La basse vallée de l’Ariège subit également plus fortement le balayage du vent d’Autan, qui souffle depuis la Méditerranée. La sécheresse en est renforcée l’été.
Dans le massif, les variations locales du climat sont toutefois nombreuses en fonction de l’orientation des vallées ou des effets d’ombre ou d’abri créés par le relief. D’autre part, si la partie centrale du massif de l’Arize, au-dessus de 1000 m, peut facilement être enneigée en hiver, le front nord, où se trouvent les mines anciennes, est plutôt épargné par cette contrainte : les gisements miniers ont une altitude moyenne de 500 m. Ce secteur ne subit donc pas la rudesse du climat montagnard et l’accès aux exploitations était possible plutôt facilement tout au long de l’année.
Le massif de l’Arize est bien irrigué par un chevelu dense de cours d’eaux (fig. 39). Le versant nord du massif en particulier est assez morcelé entre plusieurs vallées orientées principalement nord-sud. Toutefois, certains de ces cours d’eaux connaissent un étiage assez sévère, voire s’interrompent en période sèche. L’Arize ne possède pas un débit moyen très élevé. Au Mas d’Azil, il n’atteint que 4,6 m3/s en moyenne. Pour comparaison, le Salat à sa confluence avec la Garonne atteint 43 m3/s, l’Hers à Mazères est à 18 m3/s et l’Ariège, cours d’eau le plus important, est à 37 m3/s à Tarascon et 50 m3/s à Saverdun (Simonnet et al. 2008, 214-219). L’Arize est par contre plus active que la Lèze, dont le débit moyen est de 2 m3/s et qui subissait un étiage drastique jusqu’à la construction d’un barrage près de sa source dans le Plantaurel. Ces faibles débits moyens s’accompagnent de crues printanières et hivernales régulières, parfois dévastatrices avec des débits dépassant les 150 m3/s (SMIGRA1). Le débit printanier de l’Arize permettait cependant le transport par flottage du bois. Ces cours d’eau ont percé plusieurs cluses à travers les différents chaînons traversés. C’est le cas de l’Arize à Sabarat, de la Lèze à Pailhès ou encore de l’Ariège à Foix, la plus imposante de toutes. Elles facilitent aussi la circulation entre les zones basses et la montagne.
Le massif de l’Arize est une grande zone forestière, où le bois fut toujours intensément exploité. La forêt atteint généralement les crêtes, qui sont peu élevées, et les landes et pelouses d’estive sont assez rares, sauf dans la moitié orientale du massif où l’on trouve de grands vacants issus de déboisements souvent récents, de la fin Moyen Âge ou du XVIIe siècle (Davasse 2000, 208 et fig. 39). Ces ressources forestières abondantes témoignent de conditions favorables au renouvellement du couvert végétal (températures tempérées, pluviométrie suffisante) dont les anciens mineurs et métallurgistes ont pu tirer parti pour couvrir leurs propres besoins en bois et charbon.
À l’heure actuelle, la végétation est très largement dominée par les feuillus et en particulier par le hêtre, situation commune à la plupart des forêts du Couserans et du Val d’Ariège. Les résineux sont abondants sur les versants exposés au nord, généralement issus de plantations (épicéas pour l’essentiel), de regarnissages en sapin, mais également d’une régénération spontanée des sapinières anciennes (fig. 40). Dans les bas versants et surtout sur le piémont, on trouve des boisements de chênes (chêne sessile, chêne pédonculé) entremêlés de châtaigniers et de hêtres (Simonnet et al. 2008, 229). Cependant, les études historiques et paléoécologiques ont montré qu’en Ariège le sapin avait été une espèce très abondante depuis les collines pré-pyrénéennes, à des altitudes aussi basses que 400-500 m, jusque vers 1900 m (Cunill et al. 2015, 44-46 ; Métailié et al. 2016, 348-349). Les sapinières des massifs du front montagnard ont été intensément exploitées jusqu’au XVIIe siècle, tant pour le charbonnage que pour le bois d’œuvre, et on retrouve dans de nombreux secteurs des vestiges de charbonnières médiévales et modernes où les charbons de sapin abondent (Davasse 2000, 207-209). Quelques charbons de sapin ont aussi été identifiés parmi les résidus d’exploitation des mines datés du Ier siècle av. n. è., associés à diverses essences de feuillus, dont le hêtre, le chêne, le châtaigner et l’aulne (Dubois & Métailié 1992 ; Dubois 1996 ; Meunier 2018, 306-310).
Les zones agricoles sont actuellement concentrées dans les zones où l’altitude est inférieure à 500 m. Les terroirs de culture sont aujourd’hui assez rares à l’intérieur du massif et limités aux prairies de fauche. Toutefois, la dépression du Séronais et le bassin de la Barguillière offrent encore des paysages agro-pastoraux bien entretenus, avec des bocages et de petits boisements (fig. 40, catégorie terres agricoles hétérogènes).
Sur le front nord du massif, la progression récente des zones boisées est bien visible lorsque l’on consulte les photos aériennes anciennes disponibles sur le site de l’IGN par exemple2. L’étendue encore importante des zones agricoles des années 1950, qui remontaient facilement sur les pentes jusqu’aux alentours de 700 m, a fortement diminué. Ces secteurs connaissent un reboisement important à la suite de l’exode rural qu’a connu le département. La dépression de l’Arize n’a pas trop évolué et comporte toujours des champs et prairies, mais les premiers contreforts du massif ont pu voir leur surface boisée doubler (fig. 41)3. L’étendue de la couverture forestière, des cultures et des pâturages aux périodes de fonctionnement des mines anciennes n’est pas connue par manque d’études paléoenvironnementales. Cependant, on peut noter que le contexte est propice au développement de terroirs variés, ce qui est favorable à l’implantation de noyaux de peuplement pérennes à proximité des mines.
Structure géologique du front nord
du massif de l’Arize
Le massif de l’Arize est un petit chaînon primaire détaché de la Zone Axiale pyrénéenne. Les terrains sont donc, pour la majorité, constitués par le socle paléozoïque, la couverture secondaire n’étant visible qu’en bordure nord du massif. Lorsque l’on considère son front nord, où se situent les minéralisations formant le district à cuivre argentifère (fig. 42), les terrains sont dans l’ensemble de plus en plus récents en allant du sud vers le nord, avec des âges compris entre le Cambro-Ordovicien et la fin du Trias (Barrouquère et al. 1976 ; Bilotte et al. 1988). Dans le détail, les plissements hercyniens* puis pyrénéens ont un peu modifié cette succession.
Les mouvements hercyniens*, lors de quatre phases de déformation principales échelonnées entre le Dévonien et le Permien, ont affecté les terrains primaires d’une série de plis anticlinaux* et synclinaux* globalement parallèles et de direction est-ouest. Ces mouvements s’accompagnent de fractures et d’une augmentation du degré de métamorphisme* (Boisson 1975, 143 ; Fournier-Angot 1983, 135-140 ; Bilotte et al. 1988, 47-51). Les synclinaux* ont un cœur Carbonifère schisteux (plus récent) alors que les anticlinaux* ont un cœur Dévonien calcaire (plus ancien). On peut voir cette alternance au niveau des communes d’Esplas-de-Sérou, Larbont et Castelnau-Durban (fig. 42). La nature de ces roches laisse à penser que des chaînons calcaires barraient alors le relief, avec des plaines schisteuses intercalées (fig. 43, 1).
Les terrains considérés comme appartenant à la couverture mésozoïque du massif sont le Permo-Trias, le Muschelkalk et le Keuper (fig. 42). Ces différentes séries n’affleurent pas aussi fréquemment les unes que les autres. Le Permo-Trias forme une bande de 400 m de largeur maximale qui se pince et disparaît entre Castelnau-Durban et Larbont. Elle est formée par une alternance de conglomérats, grès et argilites à dominante rouge qui prend place sur le Carbonifère. Cela correspond à l’érosion des reliefs calcaires dévoniens (fig. 43, 2) qui s’installe sur les terrains carbonifères (Fournier-Angot 1983, 97-102).
Le Muschelkalk est caractérisé par des terrains calcaires dolomitisés qui forment une fine bande discontinue intercalée entre le Permo-Trias et le Keuper. On observe parfois à sa base une brèche* carbonatée. Par endroits, le Muschelkalk recouvre directement les calcaires dévoniens, ce qui complique parfois son identification (fig. 43, 3). La composition de la dolomie reflète un milieu lagunaire avec des périodes d’assèchement, correspondant à une phase de transgression marine peu profonde. Ces terrains sont fréquemment affectés par des failles nord-sud, ce qui aura un impact sur les minéralisations (Fournier-Angot 1983, 103-109).
Enfin, les argiles bariolées du Keuper forment les terrains les plus récents de ce massif. Les terrains jurassiques que l’on rencontre en poursuivant vers le nord appartiennent à d’autres unités structurales (fig. 42). Les argiles du Keuper occupent une bande assez large à l’est de Rimont et se pincent voire disparaissent vers l’ouest. Les mouvements pyrénéens ont moins affecté ce dernier niveau, plus souple du fait de sa composition (fig. 43, 4 et 5). La dolomie du Muschelkalk, le Permo-Trias ainsi que la partie supérieure des terrains dévoniens ont quant à eux été plus touchés : fracturations, plissements et chevauchements expliquent leur disposition actuelle. Les failles observées aujourd’hui correspondent aussi à la réactivation d’accidents hercyniens* (Fournier-Angot 1983, 135 ; Bilotte et al. 1988).
Pour terminer, signalons quelques manifestations volcaniques au cours du Mésozoïque (Fournier-Angot 1983, 121 et 124). Les plus anciennes ont eu lieu au Trias inférieur, et sont visibles près de la mine de Lagarde, par un affleurement basaltique ponctuel dans les conglomérats du Permo-Trias, au contact du Muschelkalk (trop peu étendu, non représenté sur la carte). Les plus récentes affectent les argiles du Keuper sur les bordures nord et nord-ouest du massif, entre Lacourt, St-Girons et La-Bastide-de-Sérou. Elles sont matérialisées par une traînée d’ophites* qui forment des petites buttes sur environ 30 km et marquent la limite du massif. Son extrémité orientale est visible sur la figure 42.
Les phénomènes qui ont présidé à la constitution des terrains du massif de l’Arize et les épisodes de déformations diverses auxquels ils ont été soumis pendant les cycles hercyniens* et pyrénéens sont responsables de la localisation des minéralisations, de leur proximité plus ou moins grande avec la surface, et donc de leur accessibilité pour les anciens mineurs. Ces derniers, par leur connaissance de leur territoire, ont su mettre ces ressources à profit en fonction de leurs besoins.
Minéralisations du front nord
du massif de l’Arize
Le polymétallisme à l’échelle du massif
Les minéralisations métalliques présentes dans le massif de l’Arize sont de différentes sortes. Une première catégorie correspond à des gîtes de fracture dans les terrains primaires du Silurien ou de l’Ordovicien, à sphalérite* dominante. Cette dernière est accompagnée de galène* et localement de chalcopyrite*. Plusieurs exploitations récentes se sont développées sur ces gisements entre le dernier tiers du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle (Anonyme 1903 ; Ulrich 1908 ; Bertraneu 1958 ; Bertraneu & Passaqui 1959 ; Clouet 1964 ; Barrouquère et al. 1976 ; Bilotte et al. 1988). Au sud-ouest du massif, les travaux anciens des Abères et de l’Argenterie (Rivèrenert), présentés plus haut, ont exploité des secteurs riches en galène* de ce type de gisement (Dubois & Guilbaut 1986).
Le fer est également présent sur le flanc sud-ouest du massif, en amas stratiforme entre les schistes siluriens et les calcaires dévoniens, sur la commune de Rivèrenert également, où des exploitations antiques sont connues comme indiqué plus haut. Associé au manganèse, on retrouve du fer dans des dépôts du Permo-Trias sous forme de petites concentrations d’hématite*, exploitées au cours du XXe siècle comme colorant, sur la commune de Labastide-de-Sérou par exemple (Barrouquère et al. 1976, 34).
Les gisements de barytine-cuivre, pour leur part, forment un ensemble spécifique au front nord du massif de l’Arize. Ils sont situés au contact entre les terrains primaires et secondaires, encaissés dans la dolomie du Muschelkalk et/ou dans la dolomie ou les calcaires gris du Dévonien moyen ou inférieur et ont fait l’objet d’exploitations anciennes. Ils sont localisés sur une bande étroite de 20 km de long sur le front accidentel nord du massif de l’Arize, entre les communes de Rimont à l’ouest et de Cadarcet à l’est (fig. 42). Il s’agit principalement de minéralisations filoniennes. Certains sites étaient interprétés comme des remplissages karstiques (Fournier-Angot 1983), mais des observations récentes sur le terrain ont montré qu’il s’agissait de gisements de type Mississipi Valley4. Leur formation est due à des fluides minéralisés en surpression qui remontent vers la surface en suivant des zones de cisaillement, provoquant une fracturation hydraulique des niveaux traversés donnant lieu à la formation de brèches*.
Ces gisements à barytine et cuivre (accompagnés parfois de galène*) forment un ensemble cohérent du fait de leur localisation stratigraphique, liée au contact entre le socle primaire et la couverture secondaire, et en fonction des éléments que l’on retrouve dans ces minéralisations, en particulier la barytine et les cuivres gris. La même association de barytine et cuivre gris se retrouve dans le gisement de La Calotte (Rimont), filonien, qui a donc été associé à l’ensemble, même si l’encaissant diffère : on se trouve ici dans les schistes et les quartzites du Carbonifère5.
Le repérage de ces gîtes a été facilité par la nature de la roche encaissante et par la morphologie des minéralisations. En effet, on remarque que tous les travaux anciens ont démarré depuis un affleurement. Les prospecteurs ont donc pu se fier à la couleur blanche opaque de la barytine qui tranche sur l’encaissant, qu’il s’agisse de la dolomie ou des calcaires gris. D’autre part, l’oxydation de surface forme des carbonates de cuivre (azurite et malachite) bien visibles en petites taches bleues ou vertes, lorsque des sulfures de cuivre (cuivres gris ou chalcopyrite*) sont exposés. La présence de sulfures non altérés est aussi visible par leur couleur, grise ou jaune, dans la masse blanche de la barytine (fig. 44).
Les modifications subies par l’encaissant au contact des minéralisations sont d’autres indices que les prospecteurs ont pu suivre. Tout d’abord, la dolomie prend une couleur rousse à proximité des gisements. Ailleurs, elle est plutôt grise. Cette couleur rousse est due à deux phénomènes associés, la dédolomitisation et la ferrification. Sans rentrer dans les détails, la dédolomitisation consiste en un remplacement d’une partie de la dolomite par de la calcite. La ferrification correspond à un développement des oxydes de fer qui envahissent la roche encaissante, s’insinuant entre les cristaux qui la constituent. C’est ce qui donne cette couleur rousse. Les sulfures présents dans la minéralisation, altérés en surface par l’action météorique, participent à cette réaction (Boisson 1975, 160-165). Une autre transformation de la dolomie au contact des minéralisations peut être la silicification, rendant la roche encaissante plus dure. La gangue* des filons contient dans ces cas-là une part de quartz. La roche encaissante est affectée à différents degrés, allant de la présence rare de cristaux de quartz qui envahissent peu à peu la roche (prenant parfois la place des carbonates) à la formation de quartzites marbrés à uniformes selon l’avancement du processus, puis, dans son étape ultime, elle rend la dolomie sableuse, la roche se détachant sous le doigt (Boisson 1975, 155-157). Ces aspects différents de la roche ont tout à fait pu être remarqués par les prospecteurs dès les périodes les plus anciennes.
Le polymétallisme à l’échelle des minéralisations :
Ba, Cu, Pb, Ag (Sb, As, Fe, Ni)
Les minéralisations exploitées par les Anciens sont dominées par l’association de la barytine et du cuivre. Ce ne sont pas pour autant les seules substances présentes. La paragenèse* de ces gisements inclut : barytine, quartz, cuivres gris (tétraédrite ou tennantite), galène* et chalcopyrite*. De façon plus irrégulière, on rencontre également de la sphalérite* et d’autres minéraux contenant du nickel. Ces gisements ont fait l’objet d’une attention renouvelée entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour leur teneur en argent, associé aux cuivres gris. Le gisement de Lina, le seul à avoir connu une véritable exploitation récente, a ainsi fourni 23 t d’argent pour 420 t de cuivre entre 1899 et 1905 (Bilotte et al. 1988, 68).
La composition des minéralisations détermine les substances que les métallurgistes pouvaient obtenir et leur complexité joue sur les traitements à mettre en œuvre pour produire un métal donné. Il est donc important de bien connaître la composition des minerais extraits pour pouvoir caractériser la production d’un district. Dans le cadre de cette étude, un échantillonnage ponctuel a été réalisé par C. Tămaş6 en 2014. Le soin avec lequel les anciens mineurs ont gratté les minéralisations jusqu’au stérile ne laisse que de rares possibilités de prélever du minerai en place. Celui-ci a d’autre part été oxydé par le ruissellement des eaux souterraines, ce dont il faut tenir compte lors de l’analyse. Lorsqu’il n’a pas été possible d’obtenir d’échantillons dans les vieux travaux, le choix s’est porté sur les travaux modernes les plus proches du secteur ancien de la même mine, ou sur les haldes* pour les chantiers comblés (tabl. 1).
Nom du site | Nº échantillon | Contexte prélèvement | Type d’analyse |
Rougé | 4472 | Travaux anciens | Microsonde |
Rougé | 4480 | Travaux anciens | Microsonde |
Rougé | 4481 | Travaux anciens | Analyse élémentaire |
Le Goutil Ouest | 4486 | Travaux anciens | Microsonde |
Le Goutil Ouest | 4488 | Travaux anciens | Microsonde |
Le Goutil Ouest | 4487 | Travaux anciens | Analyse élémentaire |
Lagarde | 4506 | Haldes | Microsonde |
La Coustalade | 4503 | Travaux récents | Microsonde |
La Coustalade | 4504 | Travaux récents | Analyse élémentaire |
Les Atiels | 4497 | Travaux récents | Microsonde |
Les Atiels | 4498 | Travaux récents | Analyse élémentaire |
Quatre échantillons ont été soumis à une analyse élémentaire quantitative globale. Ces analyses permettent de connaître les éléments chimiques en présence et leur proportion. Les valeurs des éléments majeurs sont données dans le tableau 2. On voit que le cuivre est dominant, avec des valeurs toutefois assez basses du fait de la présence de gangue* dans les échantillons. De fait, l’échantillon du Goutil Ouest (0,34 % de cuivre et 1850 ppm de baryum) ne contenait presque que de la gangue* malgré des imprégnations vertes en surface dues à l’altération. Il faut noter également la présence d’antimoine et d’arsenic, caractéristiques des cuivres gris, ainsi que celle de l’argent. Le plomb et le zinc sont habituels dans les cortèges des minéralisations sulfurées.
Substance | Ag | As | Ba | Ca | Cu | Fe | Ni | Pb | S | Sb | Zn |
Unité | ppm | ppm | ppm | % | % | % | ppm | ppm | % | ppm | ppm |
Rougé | 1 080 | 5 920 | 110 | 8,61 | 3,93 | 1,69 | 206 | > 10 000 | 2,31 | > 10 000 | 6 200 |
Goutil Ouest | 446 | 82,8 | 1 850 | 3,89 | 0,34 | 0,92 | 6,5 | 166 | 0,11 | 1 510 | 317 |
Atiels | 805 | 2 080 | 50 | 0,85 | 2,55 | 0,67 | 758 | 207 | 2,48 | > 10 000 | 5 200 |
Coustalade | > 1 500 | 2 700 | 60 | 0,87 | 4,79 | 0,78 | 18,5 | 5 290 | 2,14 | > 10 000 | 4 930 |
Ces analyses élémentaires ne donnent toutefois pas d’information sur les minéraux eux-mêmes. En d’autres termes, on sait que l’on a du cuivre, mais on ne sait pas s’il vient sous forme de tétraédrite, chalcopyrite*, ou autre. Cela ne permettait pas non plus l’identification des minéraux porteurs d’argent, le cuivre gris et la galène* étant des candidats potentiels. Sept autres échantillons ont donc fait l’objet, après sciage, d’une identification préliminaire au microscope métallographique, puis d’une quantification à la microsonde des éléments constitutifs des différentes phases repérées (tabl. 3). Cette deuxième série d’analyses a été réalisée par M. Munoz7 en 2016. L’objectif était également de préciser les teneurs en argent.
Site | Minerai | Formule structurale | Teneur en Ag |
Les Atiels | Tétraédrite | (Cu9,35 Zn1,71 Ag0,23 Fe0,12 Hg0,04) (Sb3,38 As0,68) S13 | Entre 1,17 et 2,13 % |
Pyrite | (Fe0,86 Ni0,11)0,97 S2 | / | |
Galène | Pb S | < LD | |
Goutil Ouest | Tétraédrite | (Cu9,82 Zn1,61 Ag0,26 Fe0,23 Hg0,03) (Sb3,80 As0,32) S13 | Entre 1,10 et 3,81 % |
La Coustalade | Tétraédrite | (Cu8,88 Zn1,07 Ag0,51 Fe0,04 Hg0,59) (Sb3,56 As0,57 Bi0,03) S13 | Entre 2,93 et 3,39 % |
Galène | Pb S | < LD ou entre 0,08 et 0,7 % | |
Lagarde | Tétraédrite | (Cu9,32 Zn0,86 Ag0,28 Fe0,93 Hg0,05) (Sb3,49 As0,56) S13 | Entre 1,32 et 2,25 % |
Chalcopyrite | Cu Fe S2 | / | |
Rougé | Tétraédrite | (Cu9,24 Zn1,72 Ag0,33 Fe0,14 Hg0,01) (Sb3,83 As0,23) S13 | Entre 0,39 et 2,16 % |
Gersdorfitte – Ullmannite | Ni0,94 As0,62 Sb0,36 S | / | |
Chalcopyrite | Cu Fe S2 | / | |
Galène | Pb S | < LD sauf un point à 0,07 % |
Les analyses à la microsonde montrent que les cuivres gris sont représentés par le pôle tétraédrite de la série, qui est porteuse d’argent dans tous les cas mesurés, entre 0,39 et 3,81 %. La galène* n’est pas argentifère. La présence de nickel dans la pyrite des Atiels et sous forme de gersdorfitte-ullmannite à Rougé est à noter. Ces résultats montrent aussi que le cuivre peut se trouver sous la forme de chalcopyrite* en plus des cuivres gris. La présence récurrente de galène* doit être soulignée. En proportion minoritaire dans les échantillons observés, elle peut être ponctuellement dominante dans certaines mines, selon les archives (Bertraneu & Bois 1959, 2). Cet élément est à prendre en compte si l’on s’intéresse aux possibilités d’exploiter l’argent contenu dans la tétraédrite : l’utilisation de plomb est en effet indispensable pour isoler ce métal précieux. Les données de ces quelques analyses ne permettent pas de savoir s’il était présent en quantité suffisante pour assurer le traitement des cuivres gris locaux ou s’il fallait en faire venir. Dans ce cas, les gisements des Abères ou de l’Argenterie (Rivèrenert), de l’autre côté du massif, auraient pu être mis à profit, mais des sources plus éloignées ne sont pas à exclure.
Notes
- SMIGRA : Syndicat Mixte de Gestion de la Rivière Arize. https://smigra.arize-leze.fr/Crues-et-inondations.html [consulté le 16/02/2022].
- www.geoportail.gouv.fr et remonterletemps.ign.fr [consulté le 09/06/2018].
- http://remonterletemps.ign.fr/comparer/basic?x=
1.353014&y=42.995864&z=14&layer1=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS&layer2=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS.1950-1965&mode=doubleMap [consulté le 16/02/2022]. - Observations réalisées par M. Lopez (professeur Université de Montpellier) et E. Chanvry (post-doctorante), géologues.
- On suit en cela l’option retenue dans la notice de la carte géologique au 1/50 000 de St Girons (Barrouquère et al. 1976).
- Géologue, maître de Conférences, Université Babes Boliay, Cluj-Napoca, Roumanie.
- Géologue, chercheure CNRS, laboratoire GET, Université Paul Sabatier, Toulouse.