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Le poids de l’histoire
et les multiples fonctions d’un humaniste

1525 : Bernardo Tasso chroniqueur
à l’instar de Guichardin

Dans leur ensemble, qu’elles soient strictement professionnelles ou plus personnelles, les lettres du premier volume ne permettent guère d’éclairer leur contexte, soit parce qu’elles sont très génériques, se limitant parfois à de simples salutations ou recommandations, soit parce que, bien qu’adressées à des personnalités publiques, elles apparaissent pour la plupart dépourvues de toute référence. Peu nombreuses sont celles qui traitent d’événements contemporains, car la stratégie épistolaire choisie tend plutôt à les transformer en modèles d’écriture et à les priver de toute donnée permettant de les identifier, de les intégrer dans un panorama historique donné. On discerne toutefois, au début du volume, un ensemble d’environ une vingtaine de textes politiques1 qui regroupe les ambassades du Tasse pour le compte de Guido Rangone à Pavie, puis auprès de Clément VII, de Lannoy, le vice-roi de Naples2, et enfin de la cour française en 1528, lorsqu’il entretint par courrier interposé des relations avec le comte parti à la suite de Lautrec vers le royaume de Naples. Ces échanges épistolaires se font l’écho du laborieux travail de correspondant sur lequel s’ouvrait une carrière apparemment prometteuse. Le recueil commence ainsi in medias res par l’évocation de l’activité diplomatique du Tasse lors des conflits qui ensanglantèrent la Péninsule dans les années 1525 et suivantes avec, tout d’abord, en février 1525, la bataille de Pavie où François Ier s’obstina à tenir tête aux troupes de Charles Quint. Suivirent la déroute des Français, la captivité du roi emmené en Espagne3, les manœuvres diplomatiques de la régente pour le libérer par le biais d’alliances, entre autres avec le pape et les Vénitiens. Le traité de Madrid du 14 janvier 1526 par lequel le souverain captif s’engageait à passer sous les fourches caudines de l’empereur, quitte à le dénoncer dès qu’il parvint sur le sol français, eut pour effet sa libération le 17 mars de cette même année. Après force négociations et conciliabules, la France, la Sérénissime, Clément VII et François Sforza conclurent la Sainte-Ligue de Cognac le 22 mai 1526 afin de contrer les projets hégémoniques de Charles Quint sur la Péninsule et de restituer le duché de Milan à François Sforza, captif des Impériaux dans sa propre citadelle pour avoir refusé de leur livrer le château de Crémone. Malheureusement, les troupes de la ligue menées par le général en chef des Vénitiens, Francesco Maria della Rovere, ne surent pas faire preuve de l’esprit de décision nécessaire qui aurait pu leur permettre d’enlever Milan en raison du manque d’hommes et de moyens qui sévissait cruellement dans la capitale lombarde. L’attaque du 7 juillet 1526 se termina par une retraite qui ressemblait si fort à une fuite, qu’on employa de façon parodique à l’égard du duc la célèbre expression de Jules César : veni, vidi, fugi. Si Lodi tomba entre les mains des alliés le 24 juin 1526, permettant ainsi le passage de l’Adda et la jonction des troupes pontificales et vénitiennes, les alliés ne le durent qu’à une trahison. De même, le siège de Crémone, commencé le 3 septembre, dura bien trop longtemps et la capitulation de la cité le 23 de ce même mois ne représenta plus qu’un faible avantage pour la ligue. Pendant ce temps, le chef de l’Église devait se défendre dans son propre État contre les attaques des Colonna, qui appartenaient à la faction impériale. Une première menace fut contenue grâce à l’accord du 20 août 1526 signé avec l’assentiment de l’envoyé impérial, Hugues de Moncada. Mais ce n’était là que feinte et, le 20 septembre au matin, la soldatesque des Colonna envahit partie de la ville en pillant et détruisant tout sur son passage. Le pape dut se réfugier au château Saint-Ange où, dès le 21 septembre 1526, il fut contraint de conclure un traité très défavorable afin d’obtenir le départ des soudards. Pendant ce temps, l’inactivité du général en chef de la ligue au nord de la Péninsule, en rien améliorée par le renfort des troupes du marquis de Saluces, laissa à Charles Quint tout le loisir d’organiser sa riposte. Ce laps de temps fut mis à profit par Georges de Frundsberg, chef de lansquenets, qui, vendant tous ses biens, enrôla une armée à laquelle se joignirent beaucoup de jeunes luthériens, dans le but de descendre sur Rome afin de châtier Clément VII, responsable de la guerre et ennemi de l’empereur. Cette soldatesque réussit à pénétrer sur le territoire italien le 19 novembre 1526. Alphonse d’Este4 se rangea alors du côté impérial, permettant ainsi aux troupes allemandes de passer le Pô et d’envahir le territoire de Parme et de Plaisance. Le principal défenseur des armées pontificales, Jean de Médicis, dit Jean des Bandes Noires5, succomba à une blessure le 30 novembre. Privé de son soutien, incapable de faire face aux lansquenets dans le nord de l’Italie, menacé aussi sur les côtes, le souverain pontife dut traiter avec Charles de Lannoy, vice-roi de Naples. Mais les prétentions exorbitantes de ce dernier le conduisirent à chercher désespérément à gagner du temps par un armistice et des négociations.

Dans cet intervalle, grâce au soutien d’Alphonse de Ferrare et au manque d’initiative de Della Rovere, une fois opérée la jonction avec les troupes du Connétable de Bourbon, les lansquenets se mirent en marche le 22 février 1527 et menacèrent Florence et la Romagne. Le Saint-Père accepta de signer un armistice de huit mois avec Lannoy le 29 mars 1527, mais l’armée de Charles III de Bourbon se refusa à reconnaître le traité. Débordé par ses troupes, Frundsberg fut victime d’une attaque d’apoplexie et Bourbon lui-même n’avait plus aucun ascendant sur ses soldats avides de pillage. Les Florentins réussirent à éviter la mise à sac de leur cité grâce à un accord financier et à l’état de fatigue des Allemands, mais les troupes poursuivirent leur marche vers Rome qu’elles attaquèrent le 6 mai 1527. Clément VII, qui avait auparavant licencié ses dernières milices, dut s’enfuir précipitamment dans le château Saint-Ange et la ville, où toute résistance était vouée à l’échec, fut saccagée et pillée des mois durant. La peste et la famine se déclarèrent intra muros et poussèrent le prince d’Orange, commandant en chef nominal des troupes impériales après la mort du connétable, à souhaiter des négociations avec le pape. Le Tasse intervint précisément dans le cadre de ces tentatives de conciliation comme messager du chef de l’Église auprès de Lannoy, vice-roi de Naples. Entre-temps, l’armée de la ligue s’était avancée jusqu’à proximité de Rome où elle apparut le 22 mai 1527, mais leva le camp le 2 juin. Le 7 juin, le pape se rendit aux Impériaux. Les troupes italiennes et espagnoles s’éloignèrent dès le milieu du mois pour fuir la peste et la famine, tandis que les lansquenets restèrent jusqu’au 10 juillet quand leurs chefs les décidèrent à se retirer en amont du Tibre. François Ier envoya Lautrec pour la poursuite de la guerre en Italie à la fin du mois de juin 1527 et s’unit au roi d’Angleterre pour la libération du souverain pontife le 18 août 1527. Le 23 septembre, Lannoy succomba à la peste dont il avait été atteint à Rome et le 25 la cité fut soumise à un nouveau pillage des soldats de l’empereur qui, privés de chef, s’étaient de nouveau dirigés vers la Ville Éternelle pour aller toucher leur solde. Pendant ce temps, l’armée française, sous la conduite de Lautrec, s’avançait dans cette même direction, alors que le duc de Ferrare et le marquis de Mantoue se séparaient de Charles Quint en novembre 1527 et passaient dans le camp français. Après avoir séjourné auprès de Clément VII et avoir œuvré pour lui, en 1528 le Tasse se trouvait de nouveau à la cour de France, entre Paris et Saint-Germain. Lors de l’expédition dirigée contre le royaume de Naples, il relaya les instructions de François Ier tout en lui vantant les mérites de son mécène, tandis que de façon plus privée, il encourageait le comte, parti aux côtés du généralissime français en 1527-1528, à se désolidariser de sa politique au résultat calamiteux.

Les lettres de cette période sont essentiellement composées de comptes rendus des conflits en cours dans la Péninsule. À la lecture de ce qui se présente comme un corpus, il semble bien que le Tasse déploie son activité de diplomate et d’observateur dans un contexte essentiellement belliqueux, bien différent de celui des lettres de négoce, ou amicales, ou autres encore, qui constituent l’essentiel du volume. Par rapport à l’ensemble du recueil, caractérisé par son impersonnalité et par l’abus d’une rhétorique parfois grandiloquente, ces lettres représentent une exception, car dans un ouvrage structuré de façon plutôt fragmentaire, les relations du déroulement du siège de Pavie et des événements successifs introduisent une continuité qui ne se retrouve pas au-delà de quelques textes, à l’exception de ceux relatifs à la guerre du Montferrat. Au sein de ce bloc d’une vingtaine de missives, juste interrompu par un billet amical adressé à Brocardo, on distingue trois moments : tout d’abord une relation des guerres d’Italie et des négociations entreprises par l’intermédiaire du courtisan-secrétaire, puis un rapport sur les pourparlers engagés au nom de Clément VII et enfin une copie des courriers envoyés de France à Guido Rangone parti vers le royaume de Naples. Dans le deuxième sous-groupe figurent aussi quelques lettres de félicitation, de consolation ou de protestation6, mais toujours adressées au comte et traitant des conflits en cours. Elles mentionnent le plus souvent les protagonistes du moment, du souverain pontife à Guichardin et à nombre d’autres intervenants comme Lannoy, Lautrec ou Charles de Bourbon, le prince d’Orange, ou encore le capitaine général des troupes de la Sérénissime, le marquis de Saluces, sans oublier naturellement les souverains à l’origine des conflits, François Ier et Charles Quint.

Le corpus ainsi constitué est remarquable en ce qu’il est constitué d’écrits qui ne se veulent pas (pas encore) des exempla s’inscrivant dans un formulario, mais qui conservent plutôt une teneur informative où, avec un style bien plus concis que dans les années suivantes, le Bergamasque se présente implicitement comme un observateur de guerre et comme un négociateur. Ils témoignent de sa première expérience en la matière sur le terrain et détonnent dans l’ensemble du recueil par leur brièveté, implicitement soulignée dès la première lettre : « L’incomodità dell’esercito mi farà imparare la brevità »7 ; autrement dit, il ne s’agit point ici de faire de la prose, mais bien de rédiger une correspondance politique pour laquelle la concision faisait partie des qualités requises8.

Portrait de Francesco Maria della Rovere, Tiziano Vecellio, 1536-1538, Galerie des Offices, Florence. Reproduit avec l’aimable autorisation du Ministère pour les biens et les activités culturelles.
Toute reproduction interdite.

D’autres lettres à caractère historique parsèment les livres du volume de 1549-1559, dont, bien des années plus tard, celles relatives à la campagne militaire menée dans le Montferrat9, puis une missive à Girolamo Molino, non datée mais à situer après 1547 en raison des allusions qui y sont faites aux troubles de Naples et au voyage du prince de Salerne auprès de la cour impériale10. Dans le recueil de 1560, les lettres XI et XII traitent du conflit entre les troupes de Charles Quint et celles d’Henri II en 155211 et le Tasse analyse longuement à froid la situation politique et logistique des armées en présence pour livrer un point de vue d’historiographe. La différence entre les lettres politiques et/ou historiques du début du recueil et les suivantes n’est pas seulement stylistique, mais aussi quantitative. Alors que la lettre d’ouverture, juste après la dédicace, occupe à peine plus d’une page, la CXLVII12 s’étend sur six pages13, de même que la XI14 du deuxième volume. Même en tenant compte des différences typographiques liées au passage d’une édition à une autre, la longueur des écrits diverge considérablement et traduit des propos bien distincts. Les mêmes observations pourraient être formulées à d’autres occasions15. Au sein de ce premier volume, la lettre tend à se définir par son utilité et l’auteur n’hésite pas à abréger certaines de ses missives au motif qu’il n’a rien, ou rien de nouveau, à apprendre à son destinataire16. C’est une façon de suggérer au lecteur que le contenu de son message est authentique, que la lettre publiée représente un témoignage de choses vécues et par là-même d’attester implicitement sa valeur historique. L’analyse des dépêches expédiées depuis les différents champs de bataille auxquelles le Tasse a participé révèle cependant parfois quelques surprises.

La première lettre à Guido Rangone, de dimension plutôt réduite et envoyée de Pavie en 152517, ne livre que peu d’informations historiques qui concernent essentiellement les personnages en présence (le Tasse, François Ier, le dataire envoyé par Clément VII). La neutralité du souverain pontife dans le conflit en cours y est mentionnée, mais seul le final rappelle l’approche des troupes impériales. Le secrétaire-diplomate étant chargé de donner un aperçu de la situation, cet écrit n’a pas pour but de détailler les forces en présence mais plutôt de rendre compte à son mandant, le capitaine général des troupes pontificales, des discussions avec le roi de France et de l’éventualité de son passage à sa solde. Dans sa partie finale, le texte contient néanmoins un avis pessimiste sur la situation militaire et sur son évolution prévisible :

Questo essercito mi pare con poco governo, con molta licenza, e più grande di numero che di virtù. Poca speranza gli è rimasa di poter pigliare la città, ora che [i] nemici si vanno avvicinando18.

La seconde lettre, toujours assez brève, contient davantage de renseignements. Elle est envoyée « da l’esercito francese sotto Pavia »19, donc à la même période, et développe les critiques ébauchées dans la précédente sur les troupes de François Ier, en adoptant, avec des formulations certes différentes, plus condensées, quelques-uns des points de vue qui sont ceux de Guichardin20 aux prises avec les difficultés de sa lieutenance générale des armées pontificales, tels qu’ils furent retranscrits plus tard dans son Histoire d’Italie. Le secrétaire du comte écrit notamment :

Questo essercito mi pare più tosto pieno de insolenza che di valore […]. Gli inimici s’avvicinano e più potenti in effetto di ciò che pubblica la fama, né però veggio alcuna mutazione ne gli animi di costoro. Non so se nasca o da la fortezza de l’animo, o da la loro temerità e imprudenza21.

Dans le troisième courrier, d’une longueur analogue aux précédents, le Tasse développe davantage son analyse de la situation en insistant sur ses craintes quant à l’issue de la confrontation avec les soldats impériaux et en mettant en cause la personnalité, voire les capacités d’appréciation du monarque français. Pour la première fois, il le critique en termes clairs :

Apertamente sua Maestà s’inganna ne le cose più importanti; giudicando il suo esercito maggior di numero e quel de’ nemici minore di ciò che in effetto sono. E tutto che, e dal grande scudiero22 e dal signor Federico23, et da altri sia stato avertito; o non lo crede, o poco se ne cura24.

Ces mêmes notions d’imprudence et de témérité font écho à ce qu’en écrit Guichardin25. Dans ces premières lettres donc, à l’instar de l’historien, le Tasse se rend clairement compte de la situation et évalue les forces en présence tout comme le discernement et le choix des conseillers du côté français. Si on ne trouve pas chez lui la vision d’ensemble d’un observateur européen comme chez le lieutenant pontifical, ni même sans doute la distance critique, voire ironique, qui transparaît dans les pages de la Storia, il semble partager avec Guichardin le sens de l’observation directe de la réalité et l’étude du comportement des hommes politiques ou des condottieri. Les affaires du comte Rangone sont bien évoquées, mais semblent reléguées à l’arrière-plan ou n’être qu’un appendice du conflit en cours. Le texte se termine sur l’évocation de l’approche des ennemis.

La lettre V26, plus étoffée que celles en provenance de Pavie, est proposée comme datant de 152527 ; il s’agit d’un rapport adressé à Clément VII et envoyé de Chiari. Le secrétaire y relate une discussion avec le général en chef des Vénitiens et comment la proposition de Rangone, transmise par ses soins, a été rejetée presque avec mépris par tous les présents. Le comte suggérait l’union des différents corps de l’armée et le franchissement du fleuve. Aucune date n’étant précisée, on pourrait penser à une rédaction dans les derniers jours de février, au moment où les deux camps se faisaient face et n’étaient séparés que par un petit cours d’eau, la Verzavola. Mais l’allusion au capitaine des troupes vénitiennes et de l’armée entière28 et à la ville de Crémone, dont l’importance ne s’affirme qu’au cours du conflit provoqué par la Ligue de Cognac, la référence aux « prattiche di Milano »29 comme exemple de lenteur délétère30, font pencher la balance en faveur d’une datation en 1526. Qui plus est, l’importance des fleuves dans cette campagne ressort assez clairement des rapports du courtisan, et on sait que dès le début des hostilités successives à la signature de la ligue, les troupes papales se déplacèrent vers le territoire de Plaisance. Cela valide l’hypothèse d’une date de composition plus tardive que celle initialement proposée, soit dans la deuxième moitié de l’année 1526, à partir de juin31 et peut-être même juillet si l’allusion à la capitale lombarde renvoie aux tergiversations et à la retraite honteuse des troupes alliées. Cette supposition est corroborée par la lecture des Carteggi de Guichardin32 qui fournissent un aperçu presque au jour le jour de la situation sur le terrain.

Sous le couvert du topos de la diminutio personae, le Tasse réaffirme ici la validité de son analyse, préconise la rapidité d’exécution dans la jonction des différents corps d’armée et critique indirectement Francesco Maria della Rovere et les autres généraux de la ligue. Ses écrits rejoignent ainsi ceux de l’historien florentin33 avec lequel il partage la conscience de ne pas être un homme de guerre. On retrouve d’ailleurs sous sa plume presque les mêmes mots que ceux qui reviennent dans la Storia d’Italia au sujet du siège de Parme en 1521 : « Io, posto che l’auttorità d’un tanto capitano e di tanti altri uomini di prudente consiglio e di lunga esperienza mi spaventassero, non restai di replicare »34 ; « Non avendo il commissario ardire di opporsi a capitani di tanta autorità »35.

Les positions du lieutenant pontifical devaient au demeurant lui être connues, autant sur la célérité indispensable au bon déroulement des opérations que sur sa critique du général en chef des armées36 puisque, dans la conclusion de sa lettre, il dit lui avoir envoyé ses observations37. Mais au-delà de toute convergence de vues possible et peut-être réelle, pour la bonne intelligence de ce qui précède comme de ce qui suit, il ne faut oublier ni le processus de sélection et de révision auquel ces lettres ont été soumises avant leur parution, ni la querelle qui opposa le Tasse à l’Arétin lors de la publication de son volume. De fait, vexé par l’assertion du Bergamasque dans la lettre à Annibal Caro, qui faisait fi de son auctoritas en matière de poétique épistolaire, dans une réponse à tonalité paroxystique se terminant sur une menace de duel, celui que l’on surnommait le Fléau des princes revendiquait l’antériorité de ses propres écrits, sa supériorité stylistique et littéraire38, lançait des accusations de plagiat en démontrant par une accumulation paratactique d’exemples prestigieux la valeur de modèle de ses propres textes et en insinuant surtout que Bernardo aurait joué un rôle bien différent de celui qu’il prétendait dans les années 1525-1527. Il mettait en cause son influence auprès du général des troupes de la ligue dans la conduite calamiteuse des opérations militaires :

E quando pure vi piaccia di estollervi sopra le stelle benemerto col grido, concludetela in le ragioni che in pro de la impresa alegaste al duca d’Urbino, però che de i piccoli agenti, e non de i grandi capitani, si eseguiva il parere a quel tempo39.

Il soulignait de même sa responsabilité dans les négociations avec François Ier40 et Clément VII41 et jetait le doute sur l’exactitude de tous les rapports historiques du début du recueil en insinuant qu’il s’agissait de rédactions post factum :

Ma tutto è sogno, salvo il pronostico che di Cremona, di Pavia e di Milano, dopo il fatto, faceste a concorrenza de le profezie che Messer Virgilio pose in bocca ad Anchise, dieci secoli dopo i successi42.

En d’autres termes, non content de réfuter ainsi les prises de position polémiques du Tasse qui émaillent ces vingt premières lettres, l’Arétin affirme plus qu’il ne suggère que sa conduite et ses choix politiques en sa qualité de négociateur auraient plutôt contribué à la perte des villes mentionnées et à la défaite des armées de la ligue face à celle de Charles Quint. Quelle que soit la verve polémique et facilement outrancière de son style, il s’agit d’une réserve qu’il convient de garder à l’esprit au moment d’évaluer la lucidité du jugement de notre auteur43 et son éventuel rapport à Guichardin.

Après cette série, sont intercalées deux lettres qui concernent les intérêts de Guido Rangone auprès de la curie, son désaccord avec un personnage (volontairement ?) non identifié, et qui ne contiennent que quelques rares allusions aux troubles qui suivirent le 25 février.

Dans la lettre VIII, la tendance à rédiger désormais des relations plus longues et plus détaillées que les textes brefs et concis du début du volume se confirme et s’accentue. Comme les suivantes, elle est ponctuée d’offres de services, de protestations de loyauté et d’affirmations de disponibilité et intègre de la sorte une partie rhétorique qui ne figurait pas dans les missives initiales. Le diplomate expose à son protecteur la réaction du chef de la chrétienté à sa demande de passer sous les ordres de François Ier44. De fait, alléché par la proposition du roi français, le comte souhaitait quitter le service de l’Église et, volens nolens, avait dépêché à cette fin son secrétaire à la cour pontificale. Cette missive aussi est datée de 1525-1527, mais en tout état de cause, si elle se situe après la bataille de Pavie, elle n’a pu être rédigée avant la libération du roi français, le 17 mars 1526. L’allusion à l’envoi de Guichardin, avec lequel le comte semble avoir quelques dissensions45, au début du mois de juin 152646, démontre qu’elle l’a vraisemblablement été après le départ du plénipotentiaire. Le Tasse y relate le refus du souverain pontife de laisser partir le comte Rangone, parfois non sans ironie : « E qui [Clemente VII] spiegò le vele dell’ingegno suo in un ampio mare de le lodi vostre, buona pezza solcandolo felicemente »47. La description peu flatteuse qui est faite de l’historien laisse supposer qu’il s’agit peut-être du rival mentionné précédemment : « Che s’egli [Guicciardini] usava male la sua autorità, era più tosto arroganza, nata da la sua superbia, che ardire o dignità datali da lui [Clemente VII] »48.

Un voyage du Tasse en France est également mentionné, mais sa biographie, assez succincte et confuse pour la période en question, n’autorise pas à le situer plus précisément49. Le rappel d’une trêve conclue avec les envoyés de l’empereur n’aide pas beaucoup, car il pourrait s’agir du traité signé avec Ugo di Moncada le 21 septembre 1526, après l’envahissement de Rome par les gens d’armes des Colonna et le pillage du Vatican, même s’il semble curieux, voire improbable, que le comte Rangone demande son congé en un moment pareil. À moins d’interpréter la phrase « allora che la Sede Apostolica in tanti travagli si ritrovava »50, en elle-même plutôt générique en cette époque grandement troublée, comme une allusion à cet épisode douloureux, prélude du sac de Rome. Il serait plus cohérent que soit évoqué ici l’accord avec les Colonna du 20 août 1526 signé avec l’assentiment et sous la pression de Ugo di Moncada, envoyé de l’empereur, d’autant que la lettre suivante traite du siège de Crémone en septembre, vraisemblablement avant sa capitulation le 23.

La lettre IX, datée de 1526, est adressée à ce même Guichardin, décrit comme on le sait dans la précédente, et se réfère à une ambassade auprès du doge de Gênes51. On ne sait rien de précis quant au sujet de leur entretien, tout au plus peut-on présumer que le Tasse voulait sonder ses intentions et l’attirer dans la ligue de Cognac, mais cette délégation était vouée à l’échec. À propos des manèges et des manœuvres dilatoires auxquels il se heurta, le Tasse écrivit :

M’avvidi che le dilazioni che mi dava nascevano dalla irresoluzione de l’animo suo; la qual tutta dipendeva da quella impresa, di maniera che io dubito che la poca virtù de le genti o la poca esperienza de’ capitani che si ritrovavano a la oppugnazione di quella terra, non solo non avranno presa Cremona, ma ci avranno fatto perdere Genova52.

L’évocation des assauts infructueux contre Crémone par « le genti de’ Veneziani »53 renvoie au mois d’août 1526, entre le 7 et le 25 août, au cours desquels périrent « molti de’ principali di quello essercito »54. La ville ne capitula que le 23 septembre. Au-delà de l’indécision des capitaines, ce siège mobilisait également une bonne partie des troupes alliées qui ne pouvaient donc être employées pour renforcer le blocus de Gênes. La critique formulée pourrait aussi s’expliquer de la sorte. Quoi qu’il en soit, Bernardo renoue ici avec les jugements qui parcourent les quatre premières lettres écrites durant le siège de Pavie en exprimant son étonnement quant à l’attitude du doge qui le reçut en compagnie de son épouse :

La qual cosa nel mio giudizio gli tolse assai di reputazione; cosa indegna parendomi d’un uomo prudente, che una prattica di tanto momento, di sì grande importanza, donde dependeva la vita, la dignità, lo stato suo, la salute de la patria, de’ parenti e degli amici, si negoziasse co ‘l testimonio e col consiglio d’una donna55.

Tout en soulignant la duplicité de son interlocuteur, le Tasse met en relief ses propres capacités de diplomate et d’observateur par les conclusions qu’il tire de la conjoncture politique du moment, auxquelles il adjoint un insolite plaidoyer pro domo sua dans lequel il revendique les qualités liées à l’activité politique d’un « bon » secrétaire :

Al negozio ch’io tratto, al luogo dove io mi trovo, a la qualità del tempo che corre, si richiede una pazienza infinita e una desterità incomparabile56.

Dans son rôle d’ambassadeur, il ne se limite donc pas à référer à son destinataire ce qu’il a vu et entendu, mais se prononce aussi sur les comportements des chefs militaires ou des seigneurs, sur leurs choix stratégiques. Il adopte là une posture d’homme politique, doté de capacités d’appréciation, sans doute dans le but de valoriser son image.

La lettre X, expédiée de Rome à Modène au comte Rangone, traite à nouveau du désaccord entre ce dernier et un autre capitaine, informe son protecteur quant au souhait de Clément VII que la concorde règne entre les condottieri et l’exhorte à la patience57. Ce rival inconnu pourrait être Guichardin en raison de la tension qui semblait régner entre les deux hommes58 ; comme il pourrait peut-être s’agir de Francesco Maria della Rovere, dont la faveur allait décroissant à la cour pontificale à la suite de la capitulation de la forteresse de Milan en juillet 1526. Pour ce qui est de la datation de cette lettre, les raisons examinées ci-dessus suggèrent plutôt l’année 1526, d’autant que ce corpus semble se rapporter à un moment bien précis de l’activité du courtisan-conseiller dont on trouve un écho dans la correspondance de Guichardin. Sans que cela soit totalement acquis, il y a lieu de croire que les lettres se suivent et, en l’absence de références contextuelles, que celle-ci date ou de ce même mois d’août 1526 ou du mois suivant.

La lettre XI revient sur le conseil donné par Guido Rangone en déplorant qu’il n’ait pas été suivi : « Poi che per le ragioni che mandaste a dire al duca d’Urbino et al Proveditore di Veneziani, l’impresa era tanto facile quanto secura »59.

Tandis que la lettre V évoquait brièvement l’arrivée de Guido Rangone à Plaisance et le début de la construction d’un pont, celle-ci fait allusion à la fortification de Plaisance et à la prise de chevaux appartenant à l’ennemi. Sa datation peut ainsi être affinée, car l’intervention de l’armée pontificale aux combats ou escarmouches contre les impériaux et la présence du duc de Ferrare60 y sont clairement mentionnées. Or, la Ligue de Cognac entre le pape, la Sérénissime et François Ier fut signée le 22 mai 1526 et Alphonse d’Este passa dans le camp impérial à la fin du mois de novembre 1526. Cela ramène la période de composition de la lettre entre juin et novembre et plus vraisemblablement vers le mois d’octobre, puisque même si les troupes papales s’étaient réunies dans les environs de Plaisance61 aussitôt après la conclusion de la ligue, on sait qu’à la suite de l’attaque de Rome par les Colonna et de la trêve signée le 21 septembre 1526 entre le Saint-Père et Ugo di Moncada, le 7 octobre 1526, elles se retirèrent en partie vers cette même ville. Ce retrait annula aussi bien les projets de renfort de troupes terrestres autour de Gênes que l’ambition d’encercler Milan avec deux armées, celle de Francesco Maria della Rovere et celle du marquis de Saluces parvenu entre-temps avec 4 000 fantassins et 500 lances. Une rédaction postérieure au début du mois d’août 1526 semble au demeurant cohérente par rapport à sa situation dans le recueil après l’échec de l’ambassade de Gênes. Ces quelques lignes confirment aussi ce qui se devinait déjà dans les pages précédentes, à savoir une certaine confiance du Saint-Siège en son général62 et Bernardo y montre ostensiblement qu’il joue bien son rôle d’ambassadeur en assurant à la fois les relations avec les armées pontificales et le maintien du crédit de son protecteur. La lettre XII, qui partit de Rome, évoque succinctement l’arrivée des soldats du pape à Modène tandis que l’armée ennemie occupait encore les portes63. Son auteur s’y préoccupe surtout de rendre compte de la faveur dont il jouit auprès de la curie. Les allusions aux fleuves du nord de l’Italie, au Pô en particulier, et des références à des embarcations64 qui apparaissaient déjà dans la lettre XI, se retrouvent au début de celle-ci, laissant ainsi deviner une succession rapprochée et une continuité des différents courriers. D’ailleurs, la XIII décrit des crues dont les troupes impériales auraient peut-être fait les frais et incite à la prudence dans la défense de Modène récemment conquise. Guichardin mentionne également des inondations dans le Nord au moment où l’armée impériale se mutine contre ses chefs, donc vers la mi-mars 1527.

La lettre XIV, écrite à Florence, traite de l’avancée de Charles de Bourbon et des lansquenets en direction de la Toscane et transmet au comte la volonté de Sa Sainteté que son capitaine se conforme aux instructions fournies par le cardinal de Cortone. La brève évocation « ancor che le cose d’Imola v’abbiano trattenuto »65 renvoie au début du mois d’avril, lorsque les troupes de la ligue entrèrent à Forlì le 3 avril 1527 après avoir dû laisser à Imola une garnison suffisante pour sa défense66. Le Tasse insiste sur la nécessité de protéger plus particulièrement Arezzo67, ce qui permet de situer son texte aux alentours du 23 avril, lorsque Charles de Bourbon et ses troupes prirent leurs quartiers à Chiassa, donc près de la ville en question.

Il n’existe aucun courrier relatif au sac de Rome, pas plus qu’à l’activité déployée par Guido Rangone à la tête des troupes pontificales pour tenter, en vain, de libérer Clément VII68. C’est ainsi que, après l’attaque de la Ville Éternelle, la quinzième lettre du recueil partit de Sienne pour le pape prisonnier des Espagnols dans l’enceinte du château Saint-Ange. D’après ce texte, Bernardo était parvenu dans la ville ombrienne après un voyage périlleux pour tenter de persuader le Vice-roi, Charles de Lannoy, de se rendre en personne à Rome, muni de tous les sauf-conduits nécessaires, tout en pressentant qu’il n’aurait pas autorité sur les lansquenets en dépit de son titre de commandant en chef des armées impériales :

Egli mi parve irresoluto e dubitai da principio che temesse più tosto de la licenza de soldati suoi e de la emulazione d’alcuno de’ capitani cesarei (benché fusse morto Borbone) che de le genti nostre69.

Sa négociation afin d’obtenir le départ des lansquenets avait commencé dès le 7 mai 1527. Un accord avait été trouvé entre les deux partis, mais les soldats allemands refusaient de quitter la ville tant qu’ils la mettaient à sac70 et que toute leur solde ne leur était pas payée. La demande du Chef de la Chrétienté à Della Rovere de signer un sauf-conduit pour le vice-roi de Naples71, est du 18 juin, ce qui situe ce texte à une date comprise entre le 9 mai (accord entre le souverain pontife et Bartolomeo Gattinara, représentant impérial) et le 18 juin ou dans les jours qui suivirent.

Cette appréciation est d’ailleurs confirmée aussi bien par Guichardin72 que par la suite des événements et, bien qu’ayant réussi à convaincre Lannoy, le courtisan-diplomate émet quelques réserves dans son rapport sur l’issue de cette médiation :

Verrò con sua Eccellenza ancor che io dubiti, per alcuni andamenti che mi par di vedere che le cose non si governeranno con la sua volontà, né col suo giudizio73.

La lettre XVI rompt avec la continuité historique observée jusqu’à présent. Il s’agit d’une protestation d’amitié auprès d’Antonio Brocardo que Donatella Rasi situe en 1530-1531, ce qui semblerait confirmer le remaniement du recueil avant sa mise sous presse, même si les raisons de la place choisie pour cette lettre au sein d’une série de missives à caractère historique et/ou politiques n’apparaissent pas clairement, quel que soit le caractère généralement anachronique des livres de lettres74. Les comptes rendus reprennent avec la lettre XVII, expédiée de Saint-Denis ; il semblerait donc que le secrétaire ait laissé Rome, puis Sienne (et peut-être encore Rome) pour se diriger vers la cour du roi de France afin de négocier avec le nouveau chef des armées confédérées. Cette relation a vraisemblablement été rédigée à un moment assez proche du départ de Lautrec75, un peu avant le 30 juin 1527, lorsque le capitaine général de la ligue quitta la cour française pour se rendre auprès de l’armée qu’il avait convoquée dans la région d’Asti.

Eau-forte, Antonio Tempesta (1555-1630)
© Musée de l’Armée.

Comme à l’accoutumée, les indications fournies sont par trop imprécises pour comprendre quel était l’objet de ces pourparlers, même si, au vu de la suite des messages du Tasse76, on peut supposer que le comte, désireux de passer à la solde du roi très-chrétien, tentait d’obtenir les conditions les plus avantageuses possibles. Pour la seconde fois, il revendique son habileté de diplomate, vis-à-vis de son mandant, mais sans doute aussi vis-à-vis de ses futurs lecteurs. Il renoue ici avec la critique des personnages rencontrés, notamment de Lautrec77 et, a contrario, fait valoir ses capacités à mener à bien cette tâche :

Io governerò con tanta reputazione questo negozio, che se otterremo l’intento nostro, ci torni a somma laude […] e di maniera che voi giudicherete né con più diligenza, né con maggiore, se non prudenza, almeno fede, aversi potuto governare78.

Le long courrier suivant, en provenance de la capitale française, est visiblement antérieur à la fin du mois de juillet 1527 pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus. Le Tasse y proteste contre des accusations émises à son encontre79 et se justifie en faisant valoir l’offre intéressante de la République de Venise de prendre le comte à son service et la nécessité dans laquelle il se trouvait de gagner du temps afin de pouvoir lui communiquer cette proposition avant de le contraindre à des engagements qui ne le séduisaient qu’à moitié. Il insiste sur la nécessité pour les princes de faire entièrement confiance aux personnes dignes de foi auxquelles ils doivent s’en remettre dans ces cas-là :

Signore mio, se i signori sapessero tutto ciò che possono le occasioni del tempo seco portare potrebbono a gli agenti loro dare uno espresso e fermo ordine; i termini del quale da loro non fusse lecito per nulla maniera di trapassare; ma non sapendo ciò che può avvenire in negoziazioni simili, com’è questa, mandano uomo di provata prudenza e di candida fede; al giudizio del quale ogni cosa, che impensata potesse succedere fuor de le loro instruzioni, rimettono liberamente, altrimenti di grandissimi inconvenienti ne nascerebbono80.

Les termes choisis répondent au reproche qui lui a sans doute été adressé, mais traduisent aussi la conscience qu’il a de sa fonction. Au-delà de sa fidélité à toute épreuve, il insiste sur son autonomie de négociateur et sur son discernement en démontrant au comte que, vu les circonstances, il ne pouvait mieux agir dans son intérêt. Cela implique que, soit au moment même de la rédaction des lettres, soit à la veille de leur publication, quand elles ont été relues, retouchées, voire déplacées ou censurées, Bernardo se préoccupe de construire son image publique de conseiller sage et avisé, défenseur des intérêts de son seigneur, parfois même contre le gré de celui-ci81.

La lettre XIX laisse comprendre que le comte est enfin passé au service de François Ier, ainsi qu’il le souhaitait. Elle témoigne de la permanence du secrétaire à la cour française dans son rôle d’ambassadeur, en traitant d’un plan d’action militaire (peut-être la répartition des forces armées), pour lequel le comte soutenait une opinion différente de celle de Lautrec. Le Tasse lui suggère de se désolidariser du général en chef des armées de la ligue de manière à ne pas être emporté par sa disgrâce au cas où il échouerait. Malheureusement, ici aussi, les références historiques sont des plus vagues. Il en ressort toutefois que Rangone avait affaire sur place au général français82 et que l’action se déroulait dans le sud de l’Italie. Cette missive a certainement été libellée après le 9 janvier 1528, lorsque le vicomte quitta Bologne en direction du royaume de Naples83, peut-être en mars 1528 quand, après être parvenu à la frontière entre les États pontificaux et le royaume de Naples, il descendit le long de la côte adriatique, mais beaucoup plus vraisemblablement en avril, car les propos cités ne peuvent avoir été prononcés qu’après que les bourgs en question s’étaient rendus84, au moment où l’armée impériale occupait Naples :

Il Signore Alberto da Carpi concorre in uno medesimo parere con Vostra Signoria [Guido Rangone] che fusse stato meglio compartire l’esercito in Capua, Aversa e Nola; giudicando quanto più lunga l’impresa, tanto più utile e più sicura85.

La lettre suivante émerge du corpus, car sous couvert d’allégories, inspirées par l’envoi d’un tableau représentant la Prudence et la Malice, elle contient essentiellement des conseils, volontiers moralisateurs, voire didactiques. On devine à travers le choix des termes et des figures elles-mêmes, l’existence d’un rival du courtisan auprès du comte. Elle est construite autour d’un portrait négatif, celui du mauvais conseiller vis-à-vis duquel Bernardo met en garde son interlocuteur :

Spero che vedrete che il consiglio, che v’ha dato quello uomo da bene, è più tosto fondato sovra il suo utile, che sul vostro onore […]. Che consiglio dar vi può, che savio e prudente sia, un uomo che l’utile separa da l’onesto? Ricordatevi che chiunque ciò vi persuade, non può esser uomo da bene; e che astuto e malizioso, ma non savio e prudente si potrà con giudizio nominare86.

Ce même passage trace ensuite, comme en chiasme, un contre-portrait, positif celui-là, dans lequel les notions de service et de devoir moral sont récurrentes :

Questo ho tanto voluto dirvi, per sodisfare a l’obligazione che io vi ho come servidore, all’amor che io vi porto come amico e alla mia conscienza, che desidera di vedervi tale quale m’ha promesso il vostro valore maraviglioso e infinito87.

En d’autres termes, tout en s’éloignant de la tonalité guerrière et diplomatique qui parcourt le début de l’ouvrage, ce texte continue à dessiner en filigrane et surtout à valoriser l’image que Bernardo a de sa fonction, celle d’un bon secrétaire, soucieux à la fois de son honneur et de celui du seigneur au service duquel il se trouve. Un serviteur aimant, sage et prudent, qui ne se confond pas avec la masse de ceux qui se préoccupent surtout de leur propre intérêt. Quelques années plus tard, les raisons qu’il invoqua pour justifier son exil ne furent pas très éloignées du profil flatteur qu’il suggère ici touche après touche.

Tandis que la lettre XXI arbore des accents moralisateurs à but visiblement didactiques sans que le lecteur en connaisse la cause, le corpus politique s’épuise avec les lettres XXII-XXIII, toutes deux destinées au comte Rangone et relatives à la conduite des opérations dans le sud de la Péninsule. La lettre XXII évoque les conditions désastreuses des soldats français qui d’assiégeants se retrouvèrent assiégés en raison sans doute à la fois de la disette et de la peste qui sévissaient alors et de la négligence de leurs chefs :

Quell’infelice essercito, per lo poco governo da la guerra de gli uomini e di Dio, sì mal trattato […], coteste povere reliquie dell’essercito88.

La critique du général français89 rencontre un écho très précis chez Guichardin qui insiste lui aussi sur son obstination délétère90. La mention de sa maladie permet de situer cet écrit en juillet 1528. Le Tasse, qui avait déjà commencé dans les missives précédentes à suggérer au comte de prendre ses distances avec le général français, lui confirme ici qu’il ne lui reste plus qu’à sauver la face. La lettre XXIII, qui clôt cette série et tente d’adoucir le poids de la défaite pour Rangone, ne peut se situer qu’après la mort du vicomte de Foix survenue le 16 août 1528 et après la capitulation signée avec le prince d’Orange à la fin de ce même mois. Elle se termine sur un souhait de prompte guérison qui confirme que le condottiere était atteint lui aussi par la peste91. On sait que, au cours de cette même année 1528, le secrétaire passa au service de Renée de France puis, lors du mariage de la princesse avec Hercule II d’Este, partit pour Ferrare où il connut une période de paix relative.

Quelques autres relations de type historique émaillent çà et là le recueil et témoignent de l’activité diplomatique du Tasse, mais, dans l’immédiat, il importe plutôt de comprendre la fonction des missives d’ouverture du premier volume. Ainsi que le montre leur analyse, elles s’inscrivent résolument dans le genre diplomatique. Toutefois leur brièveté comme l’absence de référents clairs – les événements mentionnés dans les textes sont loin d’être précis92 – les différencient des textes du même type, parfois strictement codifiés selon leur provenance93. D’un autre côté, la liberté de ton dont Bernardo fait preuve tranche sur le comportement habituel des agents mandatés par les différents seigneurs. Cela pourrait signifier qu’il ne se confond nullement avec le gros de la troupe des diplomates. Intellectuel de renom, ses compétences stratégiques et son entregent, sa longue fréquentation des cours de la Péninsule et d’Europe, sa prédisposition naturelle à l’écriture le rendent parfaitement apte au rôle qu’on lui donne et qu’il se donne de courtisan au sens plein du terme, à la fois modèle littéraire et homme de terrain. Son style narratif plutôt pragmatique est relativement proche de celui que l’on rencontre dans bien d’autres correspondances ou relations du Cinquecento ; l’analyse des motifs et des possibilités d’actions des militaires et/ou des hommes politiques est celle que le conseiller ou le représentant d’un seigneur rédige pour son protecteur, un sénat, un roi, ou le pape. Il s’agit d’informations recueillies, passées au crible et jugées dans le but de fournir une vision d’ensemble de la situation dont il faut faire part94.

Cela étant, quelles que soient leur divergences et ressemblances avec les dépêches diplomatiques couramment utilisées, les textes étudiés plus haut ont manifestement été composés, au moins en partie, afin de faire montre d’un talent d’observateur, puisque le secrétaire ne se limite pas à relater ce qu’il a vu et entendu, mais qu’il se prononce sur les comportements politiques des seigneurs italiens ou étrangers et jusque sur leurs choix stratégiques. Ainsi, à l’instar d’un Guichardin, parsème-t-il ses rapports de jugements, notamment sur la valeur des capitaines. Les lettres du siège de Pavie apparaissent en quelque sorte prémonitoires et pourraient s’intituler Chroniques d’une défaite annoncée, car elles témoignent de doutes qui se révélèrent fondés aussi bien en ce qui concerne l’issue du combat qu’en ce qui relève de l’analyse, même sommaire, qui en est livrée aux lecteurs, et ce en dépit de protestations d’incompétence95. Tandis que, a posteriori (ou non ?) ses opinions sont confirmées par les faits, ses critiques de l’armée française se rapprochent de celles de l’historiographe florentin96, dans les limites toutefois de son rôle et d’une rédaction apparemment à chaud, sans vision d’ensemble, qui mêle l’histoire italienne, voire européenne, avec les affaires de son protecteur et avec ses propres tribulations.

La concordance observée, qui n’est sans doute pas fortuite, avec le diagnostic de Guichardin, tend ainsi à valoriser le Tasse, à le hisser de la sorte au statut d’observateur européen des événements de son époque. Sachant cependant que toutes les lettres ont certainement été relues et retouchées avant l’édition de 1549, comme c’était l’usage à l’époque, et en gardant à l’esprit le doute jeté par les assertions malveillantes, mais peut-être non dépourvues de fondement de l’Arétin, il se pourrait bien que la justesse des opinions qu’il prône soit relative et s’intègre plutôt dans un vaste projet de relance de son image publique. Il convient donc d’être prudent, non point quant à la datation possible de ce corpus, mais quant à la réalité de son contenu au moment de sa rédaction. Cela supposerait, et le conditionnel est de rigueur, que le rapport à Guichardin serait un rapport d’imitatio, non point stricto sensu, mais au sens d’une adaptation, d’un remaniement postérieur aux faits relatés, de manière à apparaître, dans ces lettres d’ouverture en particulier, non seulement comme un homme de lettres, mais aussi comme un conseiller politique.

Pour corroborer cette hypothèse, on peut s’arrêter sur la conception que Bernardo avait de sa propre fonction, telle qu’elle ressort notamment de la lettre à Guido Rangone, datée de 1527, dans laquelle il justifie son inaction par le rôle de mentor prudent et avisé qu’il se doit de remplir97. Les mots auxquels il recourt sont significatifs de la façon dont il conçoit sa tâche ; non seulement diplomate, mais à l’occasion décideur, il revendique clairement son autonomie et son habileté déjà soulignées plus haut98. Puis ses réprimandes99 laissent deviner à la fois son désappointement face à l’influence sur le comte d’un autre (mauvais ?) conseiller tout comme le moralisme qui s’affirmera dans la suite de l’ouvrage et dans l’Amadis. De nouveaux reproches à Guido Rangone pour sa décision de quitter le service de la Sérénissime en dépit des conseils reçus parcourent de la même manière la lettre XXVIII datée de 1528. À travers ces conseils se dessine l’image d’un secrétaire qui se veut le guide du prince. En quelque sorte un professionnel de la politique et de la diplomatie qui répond de la réputation du noble au service duquel il se trouve, n’hésitant pas pour cela à jouer un rôle didactique. Nombreux sont d’ailleurs les écrits marqués par pareille préoccupation car, outre ceux envoyés à différents mandants, il ne serait peut-être pas absurde d’interpréter la série des critiques qui atteignent les hommes politiques et/ou les capitaines de l’époque, par cette même volonté éducative100. Tout comme il pourrait s’agir d’une imitation, dans une tonalité certes fort différente, des positions de l’Arétin pour qui les lettres visent à imposer l’image d’un « virtuoso » légitimement rétribué en raison des services les plus divers, y compris des conseils politiques101. Mais peut-être ne faut-il voir dans cette attitude que le reflet de la fonction du courtisan telle qu’elle est prônée dans l’ouvrage de Castiglione102 tandis que le but que le secrétaire se fixe ressemble beaucoup à « l’austera strada della virtù »103 sur laquelle il se doit de guider son prince. Cette conception semble prévaloir tout au long de sa carrière puisque, vers la fin de sa vie, au cours d’une des dernières missives à Ferrante Sanseverino, il insiste précisément sur la nécessité pour un seigneur de pouvoir s’appuyer sur des serviteurs honnêtes et francs, refusant toute forme d’adulation104.

À l’instar de Castiglione105, contrairement à ce qui se produira au siècle suivant, le Bergamasque affirme ainsi une forme d’indépendance, d’autonomie intellectuelle vis-à-vis de son seigneur106 et, ce faisant, revient sur sa conception de l’utilité, pour ne pas dire de l’importance d’un fidèle serviteur, jaloux de l’honneur de son maître et garant de sa réputation vis-à-vis de l’opinion publique. Avant même que les traités de la fin du siècle ne théorisent la diversité des fonctions du secrétaire, il pointe du doigt la polyvalence de son statut qui l’amène à exercer auprès de son prince des tâches à la fois de secrétaire, d’ambassadeur, de négociateur et de conseiller.

Même s’il apparaît aujourd’hui clairement que son itinéraire est exemplaire de la transformation de ce parfait courtisan en secrétaire non plus destiné à instruire, mais à servir et même s’il se leurre sur l’influence qui devrait être la sienne, il semblerait bien que, en ces pages initiales, le Tasse se préoccupe de construire ou de renforcer sa réputation de familier des plus grands personnages de son époque et celle de possible mentor. Le but de cette opération est sans doute à rechercher aussi bien dans la crise du statut de l’intellectuel au XVIe siècle que dans les pénibles contingences matérielles qu’il connaît de ce fait. À son époque, la figure de l’homme de lettres se transforme de façon peu profitable pour lui-même et ses semblables qui connaissent toujours plus de difficultés à se consacrer exclusivement à leur activité littéraire sans devoir chercher ailleurs d’autres occupations et moyens de subsister107. L’idéal d’une existence consacrée aux humanae litterae vole en éclat sous la pression des guerres d’Italie et des changements de société. De nouvelles conditions socio-historiques déterminent l’émergence d’un personnel spécialisé et les lettrés sont peu à peu cantonnés dans un statut de courtisan-fonctionnaire ne pouvant trouver à s’employer, dans la plupart des cas, qu’auprès des cours ou de l’Église108. À partir du XVIe siècle, la lutte entre la France et l’Espagne pour une prédominance sur le territoire italien, à laquelle vient s’ajouter celle causée par la Contre-Réforme, rend leur situation particulièrement précaire, les obligeant à vivre de leur plume, à jouer des coudes, à quémander rentes et bénéfices de toutes sortes ainsi qu’à superviser des opérations éditoriales qui rentrent souvent dans le cadre d’une stratégie d’autopromotion109. Un cas notoire de précarité, de disponibilité aux différentes volontés des mécènes, est celui de l’Arioste à Ferrare, mais cette nouvelle utilisation des érudits dans le paysage politique, qui émerge peu à peu des invasions françaises et du changement de siècle, se devine aussi chez d’autres écrivains de cette époque de Machiavel à Guichardin sans oublier Castiglione lui-même.

Par ses multiples errances à la recherche d’un protecteur jusqu’à la fin de sa vie, le Tasse, qui appartient précisément à cette classe nombreuse et multiforme d’hommes de lettres insérés dans les plus différentes positions sociales, transformés dans bien des cas en personnel politique spécialisé avec des tâches précises de représentation et de défense des intérêts d’un noble ou d’un gouvernant, constitue le vivant exemple de la façon cruciale dont, entre le XVe et jusqu’à la moitié du XVIe siècle environ, se pose le problème du rapport de dépendance de l’intellectuel avec le(s) pouvoir(s). Il a d’ailleurs une conscience très précise de la fragilité de sa position et se préoccupe de donner à son fils une profession sûre :

Vedendo suo figlio già innanzi negli studi, e come cortigiano esperto, conoscendo ormai passati i tempi migliori ne’quali le corti si onoravano degli ingegni letterari e provvedendo loro comoda la vita, pensò di dargli una professione sicura110.

À la suite, donc, de ce savant processus de valorisation, non sans (fausse ?) modestie, il persiste dans une opération autopromotionnelle destinée à le propulser au rang des hommes de lettres et conseillers politiques les plus importants du moment, à l’instar, par exemple, d’un Guichardin. Ce secrétaire, dont la vie mouvementée se retrouve dans la biographie elle aussi mouvante de son fils, pressent au moment de la rédaction de chacune de ses lettres ou sait au moment de l’agencement du recueil, qu’il lui faut proposer une image flatteuse, un curriculum vitae complet pour réussir à trouver un nouveau protecteur. Cela explique et justifie un rigoureux dépouillement du matériel épistolaire, l’élection d’un répertoire bien choisi de missives rédigées pour son compte ou celui d’autrui, et l’exclusion du premier (et même du deuxième) recueil, d’un certain nombre d’entre elles par prudence111. Cette autocensure est rendue nécessaire par la finalité apologétique qu’il poursuit en mettant sur le marché une édition dont il espère bien retirer quelque gloire et sans doute quelques retombées matérielles112. C’est dans cette optique que j’interprète une éventuelle révision des jugements émis lors des graves troubles qui vont de la bataille de Pavie au sac de Rome. En fait, si tel a été le cas, on devrait pouvoir parler plutôt de manipulation113 lorsqu’il s’agit de couvrir ses erreurs114 ou a contrario de vanter ses mérites.

Dans ce contexte, après deux dédicaces qui lui assurent la bienveillance de protecteurs haut placés, mais qui témoignent également du niveau et de la qualité de ses relations, et après un échange épistolaire avec Annibal Caro, homme de lettres fort considéré à l’époque, qui l’élève au rang de défenseur de la langue italienne, l’ouverture du recueil in medias res sur la bataille de Pavie et les comptes rendus insérés dans le recueil suggèrent donc un deuxième rôle possible pour le courtisan-secrétaire, celui d’ambassadeur et de conseiller politique. Ils proposent une typologie épistolaire différente de celle des lettres de négoce et s’inscrivent dans une stratégie bien précise de relance de son image publique au sein d’une situation de crise des intellectuels. Ils participent plus globalement à l’élaboration d’un autoportrait flatteur et se constituent en discours sur le comportement du secrétaire idéal. D’ailleurs, en dépit de son aspect très formel, voire très rhétorique, ce volume représente bien un traité de savoir-écrire qui se veut un parangon de savoir-faire, doublement valorisé par son insertion dans le genre épistolaire et par son affinité avec la trattatistica, dont l’exemple le plus flagrant n’est autre que le Courtisan de Baldassar Castiglione, comme, en moindre mesure, quelques années plus tard, le Galatée de Giovanni Della Casa115. En ce sens, les Lettres de l’écrivain bergamasque s’inscrivent dans la propension de l’époque à publier des manuels de savoir-vivre, à offrir des paradigmes de comportement en société et le Tasse ne fait rien d’autre, dans l’ensemble de son recueil, comme (en partie du moins) dans le corpus considéré, que de se proposer en exemplum, en archétype du bon serviteur. Ce faisant, il ouvre sans le savoir la voie à tous les traités sur la figure du secrétaire qui émailleront la fin du XVIe puis tout le XVIIe, en commençant par celui de Francesco Sansovino puis celui de son propre fils116.

1527 : un cas flagrant
de manipulation historique

Cette volonté de présenter son mécène sous un jour favorable et de rétablir son prestige est sans doute à l’origine d’un autre cas flagrant de manipulation biographique post eventum. Dans une lettre d’octobre 1547 adressée à son ami Girolamo Molino, Bernardo déforme sciemment des faits survenus vingt ans auparavant, en l’occurrence en mars 1527, lorsque les coalisés de la ligue de Cognac décidèrent d’attaquer le royaume de Naples en envoyant Horace Baglioni avec deux mille fantassins et le lieutenant pontifical Vaudemont. L’armée du pape et des Vénitiens s’empara de Salerne et Sanseverino, qui n’avait alors que vingt ans : « Entrato […] con gente assai nella terra, fu rotto da Orazio, morti più di duegento fanti e presi prigioni assai »117 fut en partie responsable de cette déroute.

Dans une lettre à Gian Matteo Giberti du 19 mars 1527, Baglioni lui-même relate les événements en précisant que, au moment du débarquement des troupes de la ligue, le prince avait dû fuir et que la ville s’était rendue aussitôt118. De retour à Naples, le jeune noble enrôla deux cent cinquante arquebusiers espagnols, mille cinq cents fantassins sur ses propres deniers et en mobilisa deux mille cinq cents autres dans l’État. Avec ces troupes, il attaqua les six cents soldats aux ordres de Baglioni dans un affrontement qui tourna au massacre avec plus de deux cent cinquante morts. L’issue du combat est ainsi relatée par le mercenaire à la solde du pape119 :

Per tutti li loci e per tutte le bande se vedea li nimici pregioni et morti… La salute del principe è stata che lui e il conte di Sarno eran vestiti di frisa. Li nostri atendendo a mazare e ferire quei che vedeano in ordine, S.E. e il conte salirno il monte per una via che le camoze a gran fatica li sarian andate et così scamporno… Si partiron rotti e con gran sbaffata, non expectando alcun de loro le insegne né ordinanza, ma al più presto che poteno fugiano120.

La défaite du baron napolitain fut suffisamment évidente et retentissante pour justifier des versions tendancieuses comme celle qu’élabora son secrétaire en un moment où couraient des rumeurs sur sa disgrâce auprès de l’empereur121. Le Tasse affirme alors que son maître était entré en campagne alors qu’il n’avait pas encore dix-huit ans et que, lorsque Vaudemont et Baglioni attaquèrent le royaume de Naples et Salerne en particulier :

Avendolo quasi trovato di presidio disarmato, per non esser la città forte, né atta a potersi difendere, con l’aiuto di alcuni della terra che con la volontà di Francia correvano, fu pigliata con grandissimo danno e pregiudizio di questo nobilissimo Signore122.

Nulle allusion n’est faite au combat contre la soldatesque de Baglioni et la capitulation de la cité n’est pas due à l’impéritie du jeune noble, mais à la trahison de certains et au manque de troupes pour la défendre. Le panégyrique ainsi amorcé se poursuit en exaltant la fidélité de Sanseverino à son souverain en un moment où ce dernier avait été abandonné de tous ou presque. Le prince est montré dans une attitude à la fois héroïque et magnanime, se préparant à résister à l’envahisseur et n’hésitant pas à sacrifier ses avoirs personnels pour la cause impériale :

Eziandio che il marchese di Montesarchio da parte del re gli portasse carta bianca e gli offerisse larghissime condizioni, tirato e dalla inchinazione della sua natura e dalla sua fedeltà, senza pur aprirgli le orecchie, abbandonato in preda de’ nemici tutto lo stato suo, si ritirò in Napoli col principe d’Orangia e, fatto generale della battaglia dello essercito cesareo, pose la facultà, la vita e la reputazione a pericolo per servizio del re suo. E non essendovi danari par pagare gli Alemanni già mutinati, non considerando che avea di già perdute tutte l’entrate sue, dicesettemila ducati che, senza più, si trovava di contanti e cinquemila d’argenti, per supplire all’instante necessità e al servizio del signor suo, diede, non senza molto incommodo e danno suo al prencipe d’Orangia123.

Dans cette version très édulcorée des faits, la lâcheté du prince se transforme en sagesse, tandis que sa défaite et la perte de ses hommes s’évanouissent au profit de l’exaltation de sa loyauté et de sa détermination à vaincre les soldats français. Le reste de la lettre est de la même teneur et loue sa vaillance ainsi que son dévouement à Charles Quint depuis les débuts de sa carrière jusqu’à sa venue à la cour impériale après les troubles de Naples. En remaniant de la sorte le résultat plus que médiocre des premières expériences guerrières de son mécène, le Tasse va bien au-delà de ce que Giacomo Moro a nommé une « manipulation systématique » des écrits, puisqu’il ne se limite pas à agir sur les éléments connotatifs de la lettre (date, lieu, destinataire) ou sur l’intégralité du texte par un découpage plus ou moins accentué, mais qu’il altère la réalité objective des faits. Dans le contexte qui est celui du mois d’octobre 1547, en un moment donc où il s’apprêtait vraisemblablement à partir pour Augsbourg, le but de l’écrit n’est pas tant ou pas seulement apologétique, mais vise à démentir la rumeur selon laquelle le prince serait tombé en disgrâce et à agir sur l’opinion par la publication, ou pour le moins dans un premier temps, par la divulgation d’une image héroïque de Sanseverino dès son jeune âge. Cet épisode et ce texte sont là pour rappeler que les lettres ne relèvent ni de l’autobiographie ni de l’historiographie, du moins pas en totalité, et qu’il convient de se défier autant de leur témoignage que de l’illusion de vérité qu’elles dispensent. Dans la tension permanente entre réalité et fiction qui caractérise la plupart des livres de lettres à partir de celui de l’Arétin, par les éléments factuels qu’elles comportent, les lettres historiques servent à divulguer une version parfois fallacieuse des événements.

1544 : la correspondance relative
à la guerre dans le Montferrat

Alors que le livre de lettres n’offre en général guère d’éléments relatifs au contexte, celui du Tasse en revanche revêt parfois un rôle d’information et semble anticiper sur la fin du XVIe siècle, lorsque l’attention aux événements historiques contemporains devient un des thèmes porteurs des anthologies dans lesquelles le « livre de lettres se transforme en un livre d’histoire »124. C’est ainsi qu’il rend compte non seulement du siège de Pavie et du tourbillon politico-militaire qui s’ensuivit, mais aussi d’une autre campagne militaire, celle dite du Montferrat, qui culmina dans la bataille de Cérisoles. Cette quatrième guerre125, qui découle des revendications françaises sur le duché de Milan, s’insère dans la trame plus générale de la belligérance franco-espagnole pour la prédominance dans la Péninsule126 et dans le cas plus particulier de cette suite de trêves et de réconciliations vite rompues qui marquèrent les années 1535 à 1544, date de la dernière grande bataille sur le sol italien. Elle fut remportée à Cérisoles d’Albe par François de Bourbon, comte d’Enghien, qui commandait les troupes françaises et défit celles de Charles Quint menées par Alphonse d’Avalos127, marquis del Vasto.

Environ vingt ans après le siège de Pavie, Bernardo se trouva de nouveau en première ligne sur le théâtre d’un conflit lorsqu’en 1543, à la fin d’une période d’otium consacré à la littérature et à ses amis, il fut rappelé auprès du prince de Salerne qui militait en Lombardie et dans le Piémont pour le compte de Charles Quint au moment de la reprise des hostilités avec François Ier. Il l’y rejoignit au début de l’année 1544 avec les forces du marquis del Vasto, sous les ordres duquel son protecteur commandait l’infanterie italienne.

Dans son volume initial, le secrétaire ne réunit pas moins de cinquante-trois lettres se rapportant à cet épisode. Ni datées, ni publiées dans leur ordre chronologique128, elles couvrent la période qui va du mois de janvier au mois d’avril 1544 mais ne se ressemblent pas ; tandis que quelques-unes sont très longues et très détaillées, d’autres au contraire ne comportent que quelques lignes, simplement allusives. La plupart se réfèrent au conflit en cours dans le Piémont, mais certaines concernent plutôt les affaires privées du neveu de l’empereur129. À côté des textes à caractère historique figurent des lettres amicales ou de courtoisie qui ne traitent pas non plus de l’affrontement franco-espagnol130. En définitive, les missives relatives à cette bataille, à ses préparatifs et à ses conséquences, qu’elles soient rédigées par Bernardo en son nom propre ou pour le compte du prince, sont au nombre de trente-huit. Dans leur ensemble, elles forment un autre corpus historique et diplomatique et, de nouveau, le lecteur se trouve face à une exception, puisque dans un ouvrage structuré de façon plutôt fragmentaire, elles introduisent une continuité qui ne se retrouve pas au-delà de quelques lettres à la suite dans l’ensemble de l’œuvre. Malheureusement, comme au moment du siège de Pavie et peut-être pour les mêmes raisons, à savoir que le sujet était bien connu de chacun, le diplomate, qui remplit ici aussi un rôle d’observateur/informateur, ne fournit pas d’explications, même si ces missives se révèlent parfois très détaillées. Jointe à un positionnement autre que chronologique au sein du volume, leur caractère allusif les rend souvent difficile à comprendre.

En respectant la datation proposée par Edward Williamson131, manifestement établie sur la base des lieux de départ, j’ai toutefois tenté de pallier ce problème de compréhension des textes par la reconstitution de leur séquence originale d’écriture. Les résultats sont nécessairement approximatifs, nombre de lettres ne présentant pas d’éléments particuliers qui permettent de les classer dans un ordre précis. Ce travail m’a toutefois amenée à modifier par endroits le schéma de datation établi par le critique anglais. Ainsi, la lettre CLVI doit-elle être placée après ou juste avant la CCLXXI qui est la onzième dans l’ordre chronologique, parce que Bernardo y réclame le paiement de la rançon d’un prisonnier qui lui était due, mais contestée. Or, le seul moment de cette campagne où Sanseverino ait fait des prisonniers, selon ce que relate l’épistolier, est celui de l’escarmouche dont il rend compte au seigneur Idiaques132. Les lettres CCXXXII et CCXXXIII, qui semblent se suivre, appartiennent au début du corpus, car le noble napolitain y exprime à deux interlocuteurs différents, Perrenot de Granvelle, premier conseiller de Charles Quint, puis à l’empereur lui-même, des remerciements pour la charge de commandant de l’infanterie italienne qui lui est confiée. Au vu de leur contenu, elles devraient logiquement faire partie des cinq premières lettres et, même en admettant que le prince ait tardé à exprimer sa reconnaissance, elles sont vraisemblablement antérieures à la seizième, dans laquelle il demande l’expédition du privilège correspondant à sa charge. Une erreur pourrait s’être glissée dans ce schéma de datation, puisque la lettre CCLII dans laquelle Sanseverino rassure son destinataire sur le comportement de ses soldats au cas où il serait contraint de les stationner sur ses terres, n’est pas incluse dans la série. Or, elle appartient aux lettres expédiées de Montechiaro et donc datable du début du mois d’avril 1544. A contrario, la lettre CCLXXIX, expédiée de Salerne et destinée à Costanza Farnese, contessa di Santafiore – dans laquelle la princesse de Salerne prie son correspondant de bien vouloir la recommander auprès des religieuses de Saint-Sébastien à Naples afin qu’elle puisse avoir librement accès au monastère où sa mère finit ses jours – n’a aucun point commun avec les autres et ne relève manifestement pas de ce corpus. De plus, d’après le critique anglais, la toute première lettre relative à cet épisode guerrier serait la CCLVII133, mais celle-ci n’a pas de rapport avec le conflit en cours, puisqu’elle présente à son destinataire des congratulations pour sa libération. Le mot « esercito » n’apparaît que dans la lettre CCLXIV134, c’est-à-dire dans la troisième de cette série, mais son sujet ne concerne pas le Montferrat. Il convient donc de rayer ces deux textes de la liste. Ce sont là les modifications que j’apporterais à la datation établie par Williamson.

Pour le reste, ce n’est qu’à partir de la quatrième lettre, la CCLXII, autrement dit la quarante-quatrième par ordre d’apparition, que le lecteur a enfin un aperçu du déroulement des hostilités, car le prince de Salerne y déplorait le manque d’armement de l’infanterie et proposait à Del Vasto de mêler les arquebusiers italiens et les piquiers allemands135. Sur les dix premières lettres, trois seulementv136 sont des comptes rendus de la situation militaire sur le terrain émaillés de considérations tactiques et pratiques qui tendent à valoriser le savoir-faire du condottiere, en dépit du peu de moyens dont il disposait, notamment lors d’une escarmouche :

Vedendo io che la Fortuna combatteva contra di noi, che la maggior parte del nostro essercito era già rotta e che il salvare ritirandomi l’altre genti non si conveniva, […] volsi avventurarmi col resto […]. E ancor che fusse partito da disperato, essendomi rimase sì poche genti […], mi parve più tosto d’andare a trovare il pericolo che di ricusarlo e […] persuase prima le genti […] con tanta furia e con tanto impeto si corse verso la somità del colle […]. Ultimamente, aiutati prima dalla mano di Dio e dalla fortuna di Sua Maestà, poi dal nostro valore, a forza di piccate prendemmo la sommità del colle e gli inimici cominciarono, abbandonandola a ritirarsi137.

Une comparaison avec les mémoires de Blaise de Monluc permet de situer au mois de décembre 1543 cet épisode belliqueux138.

Dans les dix écrits qui suivent, la lettre CXLIII139, la première qui traite de cette guerre à être insérée dans le recueil, soit en réalité la douzième en ordre chronologique, est envoyée de Moncalvi, un village situé au sud-ouest de Casale Montferrato, où les forces impériales s’étaient installées tandis que les Français se trouvaient à Montechiaro. Elle décrit les honneurs avec lesquels le prince est reçu dans le camp impérial, sans doute par Alphonse d’Avalos lui-même – en filigrane, le secrétaire chante les louanges de son protecteur – les difficultés rencontrées et la disproportion des forces en présence. À l’affirmation de la disponibilité du Tasse lors de son séjour sorrentin, succède a contrario la réitération des nombreuses occupations qui grèvent son quotidien dans le camp impérial. Sous le voile d’une écriture rapide et dépourvue d’ornements rhétoriques, cette missive et les deux suivantes140 décrivent l’attente d’une bataille sur laquelle pèsent de funestes présages en raison à la fois de l’infériorité numérique des troupes côté italien141 et des difficultés d’approvisionnement, voire de paye des soldats, que le secrétaire constate au quotidien. Il s’agit pour lui d’une période troublée dont il dénonce les fatigues :

La vita nostra è assai travagliata e faticosa fin qui e dove speravamo di fare il carnevale in riposo, faremo il carnevale e la quaresima in continui travagli di mente e di corpo142.

Il affiche cependant un optimisme modéré de rigueur et sa confiance dans la valeur des troupes italiennes : « che tutto che siano le genti nostre minori in numero de’ Francesi, sono maggiori in virtù »143.

Bien qu’adressées à des destinataires différents, les lettres CXLV et CXLVI144 présentent un contenu analogue visant à renseigner sur la situation politico-militaire et à offrir un début de justification du prince de Salerne par l’éloge qui est fait de sa stratégie. Dans la lettre CXLV en particulier, le courtisan entreprend de sauvegarder son image eu égard aux « successi di questa guerra »145, en mettant en lumière la justesse des mesures qu’il avait proposées et le refus des autres – ici les « vassalli di Montferrato »146 – de les appliquer, l’empêchant ainsi de faire montre de sa valeur :

Egli avea proposto di fare un alloggiamento nel Montferrato sì vicino a’ nemici, che non si potessero allargare, né valersi delle vettovaglie di questo stato; dal che ne sarebbero nate molte altre belle occasioni di poter far loro danno; ma l’inubidienza […] di questi vassalli del Montferrato, o gli ordini secreti de’loro Signori, impedirono così bel disegno […] e hanno tolto l’occasione al Signore mio di mostrar la sua virtù147.

Son observation sur la supériorité numérique des troupes françaises est tempérée par sa confiance en la valeur des soldats de la coalition impériale et par l’expérience du général en chef, le marquis del Vasto, explicitement opposée à la jeunesse de son homologue français, le comte d’Enghien148. Mais quelques autres lettres contiennent des remarques découragées sur les troupes qui lui sont confiées149. Les CCXXXV et CCXXXVI150, qui terminent cette deuxième série de dix lettres et furent rédigées à la suite l’une de l’autre, témoignent du souci du prince de mener à bien la mission dont il a été chargé en veillant également à l’intendance, dans la mesure où elle pouvait influer sur le déroulement des opérations militaires. La lettre CCXXXVI en particulier constitue un véritable rapport d’activité qui mentionne aussi bien l’ambassade de Bernardo auprès de Madama di Montferrato151 que le détail des initiatives prises152. Dans cette lettre, le condottiere évoque son intention d’installer des garnisons en des lieux stratégiques, exprime des craintes sur la fiabilité de certains alliés153 et continue enfin à déplorer « la troppa licenza de’ soldati »154 tout en insistant sur sa propre bonne volonté. Dans la suivante, il exprime cette fois ses doléances pour le refus des populations concernées155 de loger les soldats et les chevaux pour lesquels il les avait sollicités, tandis que dans la lettre CCXL il demande au marquis del Vasto de bien vouloir intercéder en sa faveur auprès de l’empereur afin de rétablir son crédit et d’obtenir l’envoi du privilège qui lui avait été accordé.

Dans une troisième suite de dix lettres, il ressort des CCXLII et CCXLIII156 que, dès le début de cette campagne, le commandant de l’infanterie italienne comptait sur la sujétion du marquisat de Montferrat à l’empereur pour obtenir qu’il ne ravitaillât pas l’ennemi, de manière à l’affamer rapidement. De surcroît, le casernement de ses soldats sur ce territoire aurait aussi empêché tout approvisionnement, contraignant ainsi leurs adversaires à se retirer. Mais au vu des refus qu’il essuie, il exprime ses craintes – tout à fait justifiées à la lumière de la suite des événements – que cette opposition n’en entraîne d’autres et ne mette en péril le déroulement de la campagne. Il illustre son propos en détaillant ses agissements et l’impossibilité dans laquelle il se trouve de placer ses troupes de façon adéquate en raison du double jeu de la marquise.

Ho mandato una banda di cavali a correre fin’ a Montechiaro, i quali hanno trovato la strada battuta da vivandieri di questo stato che vanno a portare loro vettovaglie […]. Domani, tornerò a mandare una compagnia di cavalli e d’archibugieri per veder con questo terrore di spaventar di sorte il paese che non pur si penta del suo errore, ma ne tema il castigo157.

La lettre CCXLV ne semble pas succéder directement à la précédente, pas plus qu’elle ne prolonge la lettre CCXLII, puisqu’elle traite en préambule de la retraite des Français de Montechiaro, nullement mentionnée jusque-là. Le prince y fait part de son intention initiale d’investir les lieux avec une garnison, mais affirme en avoir été empêché par la razzia sur tous les produits alimentaires et même sur les meubles effectuée autant par les soldats français que par les habitants en fuite158. Il propose donc de loger l’infanterie près de là, à Sansecondo, non sans se préoccuper également de l’état des chevaux. Les mêmes soucis, qui recoupent aussi celui de sa réputation à la cour impériale, sont réitérés dans la lettre CCXLVII adressée au président du Montferrat :

Et perché io almeno giustifichi le cose mie sì che conosca sua Maestà che il difetto è della poca fede di questo stato e non della mia negligenza, voglio con questa pregarla, che si contenti di rimediare a tanti inconvenienti e di provedere che i cavalli dell’essercito di Sua Maestà […] non istiano alla campagna sì che, nel maggior bisogno, siano di maniera indebiliti e fiacchi che non ci possano servire159.

Si on en croit le Tasse, la cavalerie semble avoir été le point faible de l’armée impériale : « [i] Francesi aveano vantaggio nella cavalleria »160. Son opinion est corroborée par celle de Paul Jove :

Solo un dispiacere aveva il Marchese, d’aver pochi et deboli cavalli, avendo egli a pena settecento celate, i quali erano anchora armati alla leggiera, à paragone de’ […] Francesi, […] che avevano valorose bande d’uomini d’arme; contra la furia delle quali non parea punto, che gl’Imperiali potessero resistere in campagna aperta; e ciò massimamente, perch’egli avea per cosa certa ch’alcuni giovani illustri capi, per disiderio di combattere a’ conforti del Re di Francia erano venuti in campo, e aveano menati seco molti valorosissimi cavalieri161.

Toujours au sein de cette troisième dizaine d’écrits, les lettres CCXL et CCXLI, envoyées de Montechiaro, témoignent à leur tour de l’inquiétude que Sanseverino nourrit quant à l’estime dont il jouit auprès du marquis, de l’empereur et plus généralement dans la Péninsule. Un quatrième groupe de lettres s’ouvre sur une nouvelle demande d’envoi de la solde de ses gens, qui n’ont plus de quoi payer leur approvisionnement et refusent que Sanseverino leur anticipe deux cents écus. Il dénonce à Ferrante d’Avalos le risque bien réel qu’ils se débandent au moment même où il aura le plus besoin d’eux :

Se vostra Eccellenza non provede che subito siano pagati, noi perdiamo una buona parte di queste genti162.

De son côté, l’armée française connaissait exactement les mêmes difficultés et nourrissait les mêmes craintes :

Le Comte d’Anguien considerant que l’ennemi estoit le plus fort en nombre de combatans, & que les siens (notamment les Suisses) mal-contens de ce que la solde de trois mois leur estoit deuë, se pourroient mutiner au lieu de combattre, envoia en poste Blaise de Monluc […] vers le Roy pour […] le supplier de pourvoir au payement de son armée163.

Les lettres CCLIII et CCLIV attestent que le prince est à même d’analyser les questions de stratégie qui se posent et de donner les ordres nécessaires à une conduite avisée des opérations164. Elles contribuent à dessiner le profil d’un chef de guerre consciencieux et prévoyant, qui se soucie de l’état de ses troupes comme de ses montures et se conduit en stratège éclairé :

Perché il condurre salve le vettovaglie è l’importanza di quest’impresa […] ho ordinato al signore Don Raimondo […] che […] mandi sempre per scorta trecento Spagnuoli e io vi manderò dugento Alemanni165.

Nombre de dépêches font ainsi état de ses préoccupations tactiques, des difficultés matérielles qu’il rencontre, notamment des problèmes d’intendance166, et évoquent au fil des pages les écueils rencontrés au quotidien dans la conduite de la guerre, ainsi que ses doutes sur la fiabilité des soldats, voire des alliés167. Ces questions de ravitaillement, de cantonnement et ces difficultés pécuniaires168 semblent être au cœur de ses préoccupations, passer avant même toute manœuvre tactique et représentent apparemment une constante dans la gestion de l’armée impériale169. Le témoignage de Paul Jove va dans ce même sens :

Lo ultimo incommodo era la paura della vittovaglia, che avea tosto a mancare percioché, rispetto alle continue pioggie e la difficoltà di condurla per le strade fangose, era […] cresciuta la carestia170.

Les hommes semblent également faire défaut, si on en juge par les demandes de libération de plusieurs gentilshommes, motivées par le besoin que l’empereur avait de toutes ses troupes171. En dépit de la déférence dont le prince fait montre, il conseille parfois son supérieur dans la conduite des opérations172 et n’hésite ni à mettre en cause le commandement de la guerre ni à envisager les répercussions négatives pouvant découler des erreurs du général en chef, voire de Charles Quint. Cela l’amène à rappeler au marquis les devoirs de sa charge : « A me si richiede il ricordarlo, poiché mi ritrovo nel fatto, a vostra Eccellenza, il provederlo »173.

Pareille succession de plaintes démontre au lecteur, de façon peut-être intentionnelle, que cette guerre qui se termina si mal se présentait déjà sous de mauvais auspices. Elle pourrait bien être destinée à préparer le public à la défaite de Cérisoles – en rejetant cette responsabilité sur tous ceux qui d’une manière ou d’une autre y avaient contribué – et, dans le cadre du recueil épistolaire, faire partie d’un plan de réhabilitation du prince de Salerne après la victoire des troupes du duc d’Enghien. Dans cette optique, les missives du prince rédigées par son secrétaire viendraient corroborer celles que le Tasse envoyait pour son propre compte et suggérer aux lecteurs qu’en dépit de tous ses efforts et de toute sa bravoure, l’aristocrate napolitain avait été victime de l’incurie des chefs militaires, de la lâcheté des soldats et de circonstances malheureuses. Il semblerait pour lors qu’en intégrant ces lettres dans son corpus notre auteur se livre à une opération de justification et de revalorisation pour fournir une image, sinon triomphante, du moins élogieuse, de son mécène et pour mettre en évidence son propre rôle d’agent mandaté auprès des différents acteurs du conflit afin d’obtenir des renseignements ou de mener à bien des négociations.

Si on veut respecter l’ordre chronologique, après la lecture de toutes les lettres appartenant à la deuxième partie de l’édition de 1549, qui regroupe celles écrites « pour le compte d’autrui », il faut revenir à celles de la première partie, rédigées par Bernardo en son nom.

La lettre CXLVII est particulièrement digne d’intérêt, d’abord parce qu’elle explique la répartition des troupes voulue par le marquis, ensuite parce qu’elle livre aux lecteurs le récit de la bataille. La comparaison du dénombrement des contingents impériaux par le secrétaire de Sanseverino avec celui qui est aussi effectué par d’autres chroniqueurs, comme Paul Jove du côté italien, les frères Martin et Guillaume Du Bellay, Blaise de Monluc et l’historien Scipion Dupleix pour les Français, fait ressortir de réelles différences :

Sua Eccellenza […] ordinò l’essercito e divise le fanterie in tre battaglie; dell’una pose gli Spagnuoli, che erano da mille e cinquecento in due mila, co i mille Alamanni del colonello Barone; nell’altra i sei mila Alamanni del Signore Aldiprando [Eriprando Madruzzo]; nella terza gli Italiani che erano poco meno di quattromila. La cavalleria, che era da ottocento in mille cavalli, divise medesimamente in tre parti e, da ognuna delle tre battaglie della fanteria, ne pose una per farle spalla174.

Si la plupart d’entre eux s’accordent pour évoquer une répartition en trois grands corps, chacun flanqué d’un même nombre de cavaliers, les chiffres en revanche divergent considérablement. Là où le courtisan compte moins de quatre mille Italiens sous les ordres de Sanseverino, flanqués par deux cents cavaliers conduits par Charles Gonzague, l’historiographe italien, Paul Jove, dont les Istorie semblent bien documentées et plutôt détaillées, évoque lui six mille fantassins175 tandis que, dans leurs Mémoires, les Du Bellay dénombrent dix mille Italiens menés par Sanseverino :

L’ordre qu’avoit mis le marquis estoit qu’il faisoit marcher sur nostre main droicte le prince de Salerne avec dix mille Italiens ; au milieu marchoit Alisprand de Madruce, frère du cardinal de Trente, avecques plusieurs autres colonnels et capitaines allemans, et y avoit en leur bataillon dix mille lansquenetz […]176.

Les chroniqueurs français font également allusion à cinq ou six mille piquiers espagnols et allemands et à pas moins de huit cents chevaux, alors que le Tasse n’évoque que trois cents cavaliers :

À nostre main gauche marchoit dom Raymond de Cardone avecques un bataillon de six mille hommes, moitié vieils soldats espagnols et moitié vieils soldats allemans, tous nourris ensemble à la guerre depuis le voyage de Tunis et d’Alger. Au costé du prince de Salerne et de son bataillon marchoient environ de sept à huict cens chevaux envoyez par le duc de Florence au secours des Imperiaux, conduits par Rodolphe Baglion177.

De son côté, Paul Jove ne précise pas davantage :

Il duca Cosmo […] non però volle mancare allo Imperatore […] e così gli mandò il signor Ridolfo Baglioni figliuolo del signor Malatesta, con una bella banda di cavalli soldati vecchi178.

Cette inflation se poursuit dans les mêmes proportions pour les deux autres corps d’armée :

Au milieu d’entre les lansquenets et Espagnols marchoit le marquis du Guast avecques pareil nombre de cavalerie et à l’autre costé des Espagnols marchoit le prince de Sulmona, fils du feu vice roy de Naples dom Charles de Lannoy, capitaine general de toute la cavalerie, avecques pareil nombre de cavalerie que les autres179.

Scipion Dupleix s’aligne sur les nombres avancés par les Du Bellay, sur lesquels il s’appuie sans doute pour rédiger son Histoire générale de France180 :

L’ordre de l’armée impériale estoit de trois gros bataillons. Le premier de dix mille Italiens sous le Prince de Salerne […] le second estoit de dix mille Lansknets […]. Alisprand de Mondruce frere du Cardinal de Trente les conduisoit. Ils avoient à leurs ailes le Marquis du Guast General de l’armée avec pareil nombre de cavallerie que le premier. […] Le troisiesme estoit de cinq à six mille piquiers, partie Espagnols, partie Alemans des vieilles bandes […]. A cetuy-ci faisoit espaule un gros de cavallerie aussi fort que les autres, sous le Prince de Sulmona General de la cavallerie Imperiale […]181.

Blaise de Monluc, quant à lui, se situe entre les deux évaluations et attribue cinq mille piquiers à Alphonse d’Avalos182 et sept mille fantassins appuyés par trois cents lanciers à cheval au prince de Salerne :

Les premiers des ennemis que nous vismes entrer en la plaine venir devers nous, ce furent les sept mil Italiens que le prince de Salerne conduisoit, et à leur côté, trois cents lanciers, commandez par Rodolphe Baglion, qu’estoient au duc de Florence183.

Les estimations qui reviennent le plus souvent mentionnent donc un nombre de six à sept mille fantassins conduits par le mécène de Bernardo. Bien qu’habituelles d’un commentateur à un autre, l’ampleur de ces divergences laisse soupçonner que, pour des raisons aisément compréhensibles, l’épistolier a peut-être minoré le nombre de combattants du côté des impériaux. Son récit est au demeurant marqué par l’éloge passionné du prince auquel il se livre après un aphorisme initial à valeur d’excusatio : « I successi della guerra […] furono in ogni tempo dubbiosi »184. Ce processus de justification assumé185 et développé sur plusieurs textes186 se révèle particulièrement appuyé autant par le nombre de pages qui y sont consacrées187 que par la récurrence des louanges décernées et par l’insistance sur la valeur guerrière du capitaine général qui ne se retire que blessé et lorsque sa vie et celle de ses troupes sont en danger :

Al mio giudizio dee rimaner senza colpa e senza biasimo quel capitano che, necessitato di combattere, ordina bene l’esercito suo, dispone cautamente le genti, piglia buona occasione del combattere, si guadagna l’avantaggio del loco e che, nella disperazione della vittoria, avventura la persona sua accioché il suo pericolo dia animo a gli altri di fare il medesimo. Queste e altre cose, degne d’un savio capitano, ha fatte Sua Eccellenza senza pretermetterne alcuna, né mi pare che sia obbligato a più; salvo se la colpa della viltà de’ soldati non si dee chiamar sua188.

Pour excuser le résultat calamiteux de cette journée, le Tasse rappelle tout d’abord le contexte dans lequel la décision de livrer bataille a été prise, en évoquant les carences dans la paye des soldats qu’il avait déjà dénoncées dans des courriers antérieurs189 et en rejetant ainsi implicitement la responsabilité de la défaite sur l’empereur ou sur ses ministres qui n’avaient pas pourvu au financement de cette guerre. S’ensuit un compte rendu des marches d’approche et des difficultés que les troupes impériales avaient rencontrées. Composées d’Espagnols et d’Allemands, elles enfoncèrent tout d’abord les rangs adverses italiens et suisses190 et la victoire leur aurait vraisemblablement échu si, face aux Gascons, le contingent allemand ne s’était pas débandé dès le début de l’affrontement :

In quel punto la vittoria […] s’accompagnò con le schiere nemiche, conciosia cosa che la battaglia de gli Alamanni […] essendosi rincontrata co i Guasconi, che non arivavano a cinque mila, al primo abassar delle picche non pur s’incominciò a ritirare, ma a fuggire191.

Cette version est corroborée par le récit du chroniqueur français, Blaise de Monluc, qui écrivit à ce sujet :

L’Allemand venoit à nous à grand pas et trot […]. Et tout à coup nous nous enferrames, au moins une bonne partie ; car, tant de leur costé que du nostre, tous les premiers rancs, soit du choc ou des coups, furent portez par terre. Il n’est pas possible, pour des gens de pied, de veoir une plus grande furie. Le second rang et le tiers furent cause de nostre gain ; car les derniers les poussoient tant qu’ils furent sur les leurs ; et comme nostre bataille poussoit tousjours, les ennemis se renversoient192.

Mais, d’après Paul Jove, les Allemands se défendirent au contraire très valeureusement :

i Tedeschi […] valorosissimamente ributtavano da fronte i Guasconi193.

Bernardo fait également part à ses lecteurs de la volte-face de la cavalerie italienne et des dégâts qu’elle occasionna :

La cavalleria, tutto che il prencipe di Sulmona, il signor Ridolfo Baglioni, il Silna, e il signor Carlo Gonzaga valorosissimamente combattendo, facessero ogni opera perché essa ancora menasse le mani, non pur volse mostrar la fronte, ma nel fuggirsi, fu per rovinar le nostre battaglie194.

Paul Jove s’attarde sur ce moment de l’affrontement195 et sur ses conséquences désastreuses pour l’armée de Charles Quint :

Questo atto di voltare i cavalli […] prima diede maraviglia a Francesi, e poi a gli amici sospetto di manifesta fuga; talché subito i cavalli di Mons. di Butero valorosamente spignendo furono lor alle spalle, né gli imperiali, sgridandoli e riprendendoli il Marchese, si poterono fermare, ma precipitosamente correndo andarono a urtare atraverso nel battaglione de’ Tedeschi, e avendolo allargato un poco doppo l’insegne […] tutto l’apersero e misero in rotta196.

Les Français s’engouffrèrent dans la brèche et les soldats impériaux peu équipés197 furent littéralement taillés en pièces. À la vue de cette débâcle, les Suisses à leur tour se tournèrent contre les bataillons allemands qui, subissant plusieurs assauts simultanément et ayant perdu leurs capitaines, outre le désordre causé par leur cavalerie alliée, prirent la fuite et furent décimés.

Une série d’erreurs serait donc à la source de cette défaite et, si les Italiens – le Tasse et Paul Jove – se taisent à ce propos, le chroniqueur français Blaise de Monluc, quant à lui, analyse celle du marquis d’Avalos qui, en dépit d’un bataillon d’élite, redoutait l’affrontement avec les Gascons198 et se trompant d’ennemi, lança ses troupes contre les Gruériens199 :

Et comme il [le marquis de Guast] fut auprès de la maisonnette du costé des Allemans, il veit les Gruiens qui estoient tous armez à blanc. Il pensa que ce fussent les Gascons […]. Ils ne furent jamais à deux cents pas de lui qu’il apperceust nostre bataille qui se levoit, et cogneust son erreur ; mais il n’y pouvoit plus remedier200.

Une autre relation de ce moment décisif, qui met en cause l’attitude du condottiere napolitain, est fournie par Martin et Guillaume Du Bellay :

Le marquis manda au prince de Salerne qu’il n’eust à marcher plus avant que le lieu où il estoit sans son commandement ; mais le marquis estonné de son gros host d’Allemans renversé […], n’eut (à mon avis) loisir, ou ne luy souvint de mander au prince de Salerne ce qu’il avoit à faire, parquoy il ne bougea de son lieu, ce qui nous feit grand plaisir, car s’il eust marché au costé des Allemans, il eust bien empesché le bataillon de nos François, pendant qu’ils estoient embesongnez contre lesdits Allemans201.

Elle est reprise par Scipion Dupleix :

Mais les ennemis firent aussi deux fautes ; lesquelles sans doubte furent cause qu’ils perdirent la bataille. La première fut que le bataillon des Espagnols & Lansknets des vieilles bandes aiant commandement d’assaillir celuy des Gascons, prit les Gruyens pour les Gascons. L’autre que le Marquis defendit au Prince de Salerne de bouger de sa place sans son exprés commandement ; & le bruit & horreur du combat ou l’estonnement de voir le desordre des siens luy aiant fait oublier cete defense, le Prince de Salerne ne combatit point202.

Paul Jove, de son côté, se limite à citer et expliciter l’ordre du marquis :

Nel sinistro [corno] mise tutti gl’Italiani, e comandò loro che a poco a poco si venissero ritirando sopra un poggieto […] e quindi non si movessero, accioché disordinati come inferiori di disciplina, non fossero rotti da gli Svizzeri […], ma stando fermi in battaglia ubbidissero a’comandamenti del principe di Salerno, e di Cesare da Napoli […]203.

Le Tasse en revanche ne souffle mot ni de l’erreur du marquis, ni de l’immobilisme du prince. Tout en vilipendant la lâcheté de la cavalerie et des troupes allemandes, il exalte au contraire le courage dont fit preuve son protecteur. Si on s’en tient à son rapport, celui-ci vit ses troupes d’arquebusiers réduites à huit cents hommes et se défendit valeureusement contre les assauts de la cavalerie ennemie, après avoir été le premier à se lancer dans la bataille, en se mesurant notamment avec monsieur de Thermes :

Il prencipe mio, che quasi primo feritore di quella giornata, aveva già combattuto con monsignore di Thermes, generale de i cavalli leggieri del re […]. Il generale de i cavalli leggieri di Francia, allor che era alle mani col prencipe mio, da uno incontro gittato per terra, fu preso d’alcuni fanti italiani e lo abbiamo prigione in casa204.

À une lecture rapide, on pourrait comprendre que le mérite de la capture de ce gentilhomme revient à Sanseverino205, mais les historiens évoqués plus haut n’ont pas exactement cette vision des faits. Ainsi Paul Jove, qui mentionne uniquement la chute du commandant des chevau-légers :

I primi di tutti gli altri […] furono i cavai di Mons. di Termes e del S. Ridolfo Baglioni, che s’affrontarono insieme […]. Quivi Termes, havendo spinto addosso alla fanteria Italiana, ributtato de loro, et essendogli ferito e morto il cavallo fu preso da un giovane fante a piedi206.

De Monluc, relate lui aussi cette chute et la déroute de la cavalerie française, mais sans citer le nom du chef de guerre à qui le général français dut se rendre ni évoquer le prince de Salerne : « Monsieur de Termes eust son cheval tué au choc, lequel, par fortune, se trouva par terre, engagé bien avant, de sorte que les Italiens le prindrent et l’emmenarent »207.

Cet accident est expliqué par les Du Bellay :

Le sieur de Termes avecques la cavalerie legere […] voyant la cavalerie du duc de Florence […] les chargea de telle furie qu’il les rompit et les renversa sur le bataillon du prince de Salerne, tellement que ledit sieur de Termes, pensant estre suivy, donna jusques au milieu dudit bataillon, où son cheval fut tué et luy prins208.

Ils rapportent à leur tour l’inaction du noble napolitain :

Ladite charge servit beaucoup, car il est apparent que sans icelle le prince de Salerne eust marché sur les flancs de nostre bataillon de François, mais il fut couvert de la cavalerie de Florence, laquelle tomba sur ses bras209.

Aucun autre chroniqueur ne relatant un affrontement entre Sanseverino et monsieur de Thermes, ni même le nombre de huit cents survivants sur les six mille hommes qui composaient initialement ses troupes, il est vraisemblable que le récit du Tasse soit partial, voire mensonger. Vers la fin de sa lettre, il loue la sagesse de son mécène qui se plaça à l’arrière du camp pour ramener à Asti tous les soldats qu’il avait pu regrouper et sauver ainsi nombre d’entre eux et conclut :

Ma sia come si voglia, non si potrà mai dire che egli sia mancato né di prudenza, né di valore210.

Paul Jove parle à ce sujet d’une décision plus nécessaire et utile qu’honorable211 et la lecture des événements que font Martin et Guillaume Du Bellay est neutre : « Le prince de Salerne voyant la deffaicte de leurs Allemans et de leur cavalerie, se retira, parquoy il ne perdit beaucoup de gens »212.

En fait, non seulement le prince ne prit qu’indirectement part à la bataille lorsque la cavalerie se rabattit sur lui, mais son inaction fut déterminante pour l’issue du combat et son seul mérite consista à reconduire à bon port les troupes restantes en évitant d’autres pertes. La fiction entretenue par son secrétaire se prolonge toutefois dans les deux lettres qui suivent. La lettre CLII s’ouvre ainsi sur une même longue défense d’Alphonse d’Avalos et de son action à Cérisoles, formulée dans des termes analogues à ceux de la précédente. Le compte rendu de la bataille est lui aussi similaire, mais étoffé par des explications sur les motifs qui l’avaient poussé à engager le combat en ce jour de Pâques 1544213 et par des considérations sur l’impossibilité de prévoir un comportement insolite des soldats :

Niun essercito si mostrò mai tanto volontoroso di combattere quanto questo. E chi avrebbe creduto che quelle genti che altre volte hanno sì valorosissimamente combattuto e dateci tante vittorie, dovessero, senza vedere faccia alcuna di pericolo, volgere le spalle?214

Par rapport à la première version, celle-ci s’attarde sur le comportement des Français, en particulier sur la prudence dont ils font preuve après une victoire qu’ils savent ne pas avoir méritée, car due non point à leur valeur mais à la lâcheté d’une partie des troupes impériales215. Il est vrai que, en fin de compte, le déroulement de cette guerre n’en fut pas modifié puisque Henri II, redoutant une possible invasion de son territoire par Charles Quint allié au roi Henri VIII d’Angleterre, ne profita pas de l’avantage acquis. Enghien dut se limiter à continuer à assiéger Carignan et à accueillir la reddition de plusieurs petites places fortes216.

Tout en donnant quelques nouvelles de la suite des opérations, le courtisan revient sur le mérite de son protecteur qui fut « il primo a ferire e l’ultimo a ritirarsi »217 en invoquant le témoignage du seigneur de Thermes et de l’armée tout entière. Il conclut sur l’importance capitale de son comportement qui permit de conserver Milan à l’empereur, car :

Se Sua Eccellenza avesse rivolte le spalle insieme con gli altri e […] non avesse procurato di raccogliere l’archibugieria italiana […] e con questo corpo di gente postosi alle spalle dell’essercito fuggitivo, difendendolo e da’ soldati e da’ villani, si perdeva eziandio questa gente, e perdendosi non avevamo con che volger la faccia a’ nemici né far loro resistenza, né come por presidio nelle terre principali e importanti218.

Il admet ainsi que Son Excellence avait bel et bien battu en retraite, mais démontre que celle-ci avait été à la fois honorable et nécessaire, en omettant de préciser que, en la circonstance, les bataillons impériaux, en particulier celui des lansquenets qui était mené par Eriprando Madruzzo, furent taillés en pièces par les Suisses qui n’avaient pas oublié le sort réservé à leurs compagnons au Mont-Devis219 :

Les ennemis […] jettarent les picques, se jettans entre les mains de la cavallerie. Les uns en tuoient et les autres en sauvoient, en ayant tel qui en avoit plus de quinze ou vingt autour de luy, les fuyant toujours de la presse, pour crainte de nous autres, qui voulions tout esgorger ; mais si ne sceurent-ils faire si bien qu’il n’y en eust plus de la moitié de tuez, car tant que noz gens en pouvoient trouver, autant en estoit despesché220.

Les Du Bellay insistent eux aussi sur le carnage qui eut lieu ce jour-là, en partie parmi les rangs français, mais surtout au moment de la débandade de l’armée impériale :

Les Espagnols eurent nouvelles de la deffaicte du reste de leurs gens, parquoy perdirent le cueur, et en lieu de nous attendre commencerent leur retraicte […] mais estans chargez ils ne tindrent point, car chacun taschoit à se sauver ou dedans les bosques, ou dedans les cassines, toutesfois peu ou point se sauverent que tout ne fust pris ou tué221.

La lettre CLV, qui part vers Naples pour son ami Bernardino Rota, réitère la relation de la bataille de Cérisoles en reprenant les mêmes arguments pour expliquer l’échec de l’armée impériale, justifier longuement le comportement du marquis del Vasto et glorifier celui du prince de Salerne. Cette insistance à louer la conduite du général en chef au nom de la justice et de la vérité acquiert une autre signification si on lit la conclusion de l’affrontement vu du côté français :

Et eussions poursuivi jusques en Ast, auquel lieu eussions trouvé le marquis de Guast se sauvant à la fuite, auquel y estant arrivé les portes furent refusées, parce qu’au partir pour nous venir combattre, il avoit dict que s’il ne retournoit victorieux, on les luy fermast222.

Même s’il oublie de rapporter cette circonstance, Paul Jove ne se prive pas de conspuer le comportement du généralissime223 qui était parvenu à fuir le tumulte de la bataille :

Perciò che allora altramente di quello, che già solea fare, si disse ch’egli non avea avuto la sopravesta di Capitan Generale, ma un saio nero e mediocre, accioché facilmente non potesse esser conosciuto224.

Autrement dit, au vu de pareille déroute225 – nombre de capitaines étaient morts ou faits prisonniers, comme Eriprando Madruzzo226 ou le capitaine de cavalerie Charles Gonzague – et face à la rumeur publique, à laquelle il fait au demeurant allusion227, le Tasse ressent la nécessité de disculper son protecteur ainsi que le commandant en chef de l’armée impériale auquel le sort du premier était lié. Pour ce faire, il omet, sans doute sciemment, de mentionner le riche butin qui avait été engrangé par les Français :

À ladicte deffaicte se feit un grand butin, car le marquis du Guast avoit amené avecques luy les principaux du duché de Milan, en sorte qu’il se trouva bien pour trois cens mille frans, tant en argent monnoyé qu’en vaisselle d’argent et autres richesses ; et y fut gaigné quatorze ou quinze pièces d’artillerie, avecques tous les ponts qu’ils avoient amenez pour passer le Pau, et aussi plusieurs munitions, tant de farines qu’autres choses qu’ils avoient amenées pour envitailler Carignan228.

Il poursuit en développant les idées déjà exprimées, en s’appuyant sur des faits et des données précises, comme le nombre d’hommes qui composaient les différents corps d’armée, leur répartition, leur comportement, les circonstances exactes de la bataille229 et conclut sur la célébration du prince et le dénigrement de ses détracteurs. Par rapport aux versions antérieures, il propose cette fois au lecteur un texte à la rhétorique très élaborée, où les interrogations affirmatives ou négatives, souvent ornées d’anaphores, se succèdent et sont à leur tour suivies de quelque citation empruntée à un auteur classique pour déboucher, après réfutation de toutes les médisances possibles, sur des conclusions destinées à « ogni uno di sano giudizio » ou encore à « ogni uno che ha esperienza delle cose della guerra »230. La tonalité paroxystique de l’expression est rendue à la fois par un style volontairement répétitif ponctué de points d’interrogations et par l’insertion en plusieurs lieux de violentes diatribes contre ceux qui pourraient blâmer le comportement de Sanseverino en cette occasion :

Per queste ragioni non apparenti ma vere, non dettate dalla passione, ma dalla verità, conoscerà ogniuno di sano giudizio che il signor marchese non ha perduto per questo sinistro accidente punto della sua reputazione […]. Ora per rispondere ad alcuni, che più tosto mossi dalla passione e dalla invidia che dalla ragione, forse nemici della nostra nazione, biasimano gli italiani e conseguentemente il principe nostro signore […] dico che non voglio credere che alcuno di quelli che si sono ritrovati nel fatto abbia ardire di dargli biasimo. E se pure alcuno ve ne fusse, mosso o da occulta invidia o da aperta ignoranza, dirà questo […] Chi non conosce quanto a torto se le dia questo biasimo e quanta laude meriti questo cavaliero [il principe di Salerno] sarà totalmente privo d’intelletto e di giudizio e pieno d’invidia e di malignità231.

Ce processus d’explication commence très tôt, dès le début des rapports sur ces événements, à partir de la lettre CXLV qui avance des arguments repris d’abord dans les justifications de la défaite, puis surtout lors de la bataille de Cérisoles d’Albe. Le secrétaire y rejette la responsabilité d’un échec d’abord possible, ensuite avéré232, en bonne part sur la Fortune, en se préoccupant avant tout, semble-t-il, de disculper le prince – « savio capitano » – aux yeux du monde, non sans honnir la lâcheté des soldats233, à l’exception, bien entendu, serait-on tenté de dire, des arquebusiers italiens que son protecteur commandait234. Cela tendrait à suggérer que les écrits relatifs à cette campagne ont été remaniés post factum afin de disculper son mécène de ce cuisant échec ou, à tout le moins, que le Tasse a ici repris les arguments invoqués par le marquis del Vasto à l’issue de la bataille :

Il Marchese sbigottito per lo dolore della rotta ricevuta […] con nessuno pubblicamente s’adirava e solamente si doleva della Fortuna, ma ben lodò grandemente il S. Ridolfo […], confortava il Lanoia principe di Sulmona […]. Lodati erano ancora i consigli del principe di Salerno, e di Cesare di Napoli, i quali in quello strettissimo e difficil frangente aveano salvate le fanterie, ch’erano per dover essere di grande utile all’Imperatore, per difender gli stati e la riputazion sua235.

Ces quelques lettres tentent donc à la fois d’expliquer et d’excuser la déroute de l’armée conduite par del Vasto en insistant, de façon parfois répétitive, sur les capacités de chef militaire du prince, sur la pertinence de ses actions et sur la responsabilité d’autres intervenants dans l’échec de la conservation du duché de Milan. La lettre CXLVII en particulier retrace une biographie apologétique de son seigneur en évoquant ses précédents hauts faits d’armes236, mais toutes reprennent peu ou prou la même argumentation, démontrant qu’il ne s’agit là que de variations sur un même thème, de segments d’une défense presque passionnée appuyée par des qualificatifs élogieux et par la dénonciation, elle aussi réitérée, de la lâcheté des milices du marquis. Il semble tout à fait vraisemblable que, en raison de l’idée qu’il se faisait du pouvoir de l’écriture237, le secrétaire ait intégré ces missives pour fournir une représentation louangeuse de son protecteur, précisément à cause du revers subi à Cérisoles. Mutatis mutandis, la méthode ne diffère guère de celle des écrits relatifs à la campagne de Lautrec dans le sud de l’Italie en 1528, alors qu’il se trouvait au service de Guido Rangone238. Dans le cas présent, il est manifestement mû par le souci de la réputation du prince, voire de celle d’Alphonse d’Avalos, à la cour impériale et plus généralement vis-à-vis de l’opinion publique de son époque. Cette préoccupation est compréhensible dans la mesure où les charges qui étaient confiées à ces chefs de guerre dépendaient de la bonne opinion que l’on avait d’eux dans la Péninsule, ce qui n’excluait ni une dimension plus humaine et psychologique, dont l’orgueil (personnel, guerrier, de caste) pouvait être le moteur, ni les rivalités courtisanes auxquelles il est fait allusion239. Les relations très détaillées de ce corpus s’expliqueraient alors par la considération que seuls les écrits ont le pouvoir de contre-balancer les rumeurs malveillantes car, somme toute, verba volant et scripta manent : « Poi che l’opinione de gli uomini è […] giudice del nostro biasimo e de’ nostri meriti, è necessario che procuriamo questa vanità delle scritture »240.

Au vu de l’issue de l’affrontement avec les troupes françaises, il s’agit pour Bernardo de prouver cette fois-ci non point ses talents de conseiller, mais plutôt ceux de serviteur fidèle, soutien de son maître même dans la mauvaise fortune et contre ses détracteurs. Par rapport au premier bloc de lettres historiques, l’enjeu semble ici s’être déplacé de sa propre personne vers celle de son mécène. À bien y regarder cependant, le déplacement n’est qu’apparent, puisque ce faisant, il s’affirme comme observateur de guerre tout en mettant en évidence sur le théâtre du monde ses capacités littéraires, son aptitude à assurer le renom de celui qu’il sert et, partant, sa « virtù » et sa sagesse, autant de mérites fort aptes à le qualifier comme futur homme de confiance de quelque seigneur en même temps qu’à le situer parmi les grands auteurs du moment.

Toutes ces lettres ouvrent une des rares parenthèses historiques241 de l’ouvrage. Leur continuité thématique contribue à les distinguer des autres écrits souvent très divers. Tout comme celles qui préludaient au recueil, elles répondent peut-être à une exigence de complétude, voire de variatio, par l’introduction d’une fonction documentaire « généralement attendue dans les lettres qui appartiennent à la vie politique active d’un État, qui sont des témoignages, et qui deviennent à cause de cela une source de documentation historique »242. On remarque que, par rapport à la première série de dépêches diplomatiques, elles sont bien plus circonstanciées et comportent de nombreuses indications historiques, dont l’abandon de Montechiaro par les Français243 et l’attente d’un secours pour Carignan, place forte tenue par le marquis et assiégée en raison de son importance stratégique244. À l’instar de l’Arétin et/ou de Guichardin, le Tasse paraît vouloir faire œuvre de chroniqueur et prouver encore une fois ses compétences d’observateur de guerre. Avec une certaine avance sur les anthologies et recueils de lettres des années 1560-1570, il insère dans son œuvre une partie historiographique correspondant à une volonté de variatio ou encore à une attente déjà perceptible dans le lectorat des recueils épistolaires que l’on sait avoir été friand de nouvelles d’actualité245. Ces passages répondent peut-être aussi à l’intérêt que, quelques années plus tard, en raison de la grande expérience acquise sur les champs de bataille, il revendiquera pour l’histoire, en particulier pour celle qu’il avait envie de rédiger ou de terminer : « Duolmi di non aver ancor dato quel fine e quella perfezione a la mia istoria, che m’ho ne l’animo deliberato di dare »246.

Quoi qu’il en soit, en déployant son activité de diplomate et d’observateur dans un contexte essentiellement militaire, il s’affirme ici en tant que commentateur, tout en livrant un point de vue dont l’objectivité n’est pas la qualité première en dépit de ce qu’il affirme en 1560 dans sa lettre à Tommaso Porcacchi :

Ancor che molti istorici ci siano, di quelli dico de’ nostri tempi, pochi sono quelli […] che abbiano detto, o voluto dire, la verità de’ successi de le cose, parte per essere stati ingannati da le non vere informazioni de gli uomini a cui davano fede […] parte per altri rispetti […] e io, come tutta Italia sa, quasi in tutte le guerre da la […] sempre veneranda memoria de l’invitissimo Carlo V imperadore, fatta in Africa e in Europa personalmente ritrovato mi sia247.

Il reste à s’interroger sur les motifs du désordre dans lequel la plupart de ces textes sont présentés. La bipartition du recueil entre lettres écrites pour son compte et au nom de son protecteur n’explique pas tout, car après une première série de six textes assez proches les uns des autres248 – parce que concernant la fin de la séquence guerrière – le secrétaire interrompt le récit de cette campagne et il faut attendre le deuxième livre, consacré aux lettres écrites « pour le compte de », avant de retrouver cette même thématique. La voix qui se fait entendre à présent est celle du prince de Salerne qui, dans un premier temps249, semble vouloir rassurer son destinataire quant à la pertinence du choix de sa personne pour commander l’infanterie italienne. À partir de là, le problème qui se pose est celui du bouleversement de l’ordre chronologique dans lequel ses lettres sont disposées et on ne peut que se perdre en conjectures sur pareille réorganisation. S’il apparaît à peu près évident que la réitération du processus d’excusatio concernant le prince et la mise en relief, dès le premier volume, de sa bravoure et de ses compétences militaires a pour but de redorer son blason – quitte à abuser délibérément le lecteur sur la véracité des faits – les nombreux déplacements de lettres ne modifient pas l’image du condottiere et restent, en l’état actuel de nos connaissances, inexpliqués.

Notes

  1. Cet ensemble regroupe les lettres I à XXIII, desquelles il convient de retrancher la XVI adressée à A. Brocardo, dans laquelle il proteste de son amitié, et les XX-XXI destinées à Guido Rangone où, à une recommandation de prudence, font suite des reproches pour n’avoir pas suivi les conseils donnés.
  2. Pour obtenir la libération du successeur de saint Pierre cloîtré dans le château Saint-Ange au moment du sac de Rome.
  3. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c4/Juan_de_la_Corte_Prendimiento_Rey_Francia.jpg.
  4. https://www.wga.hu/art/r/rubens/41portra/25titia1.jpg.
  5. http://www.artnet.fr/artistes/gian-paolo-pace/ritratto-di-profilo-di-giovanni-dalle-bande-nere-2QYUYYG0CsyiV_aKX6dOGA2.
  6. Le Tasse transmet les ordres ou les félicitations de Clément VII ou encore revendique parfois son autonomie de négociateur. La tonalité de ces lettres se retrouvera plus tardivement, quand il déconseillera à son protecteur d’abandonner le service de la Sérénissime. Cf. Lettere, I, XXI, p. 53-56 ; XXII, p. 56-57.
  7. Lettere, I, II, p. 22-23 : « L’inconfort de l’armée me fera apprendre la concision ». Ce même corpus avec ses particularités stylistiques est également repéré par Donatella Rasi dans son introduction au premier volume, p. XXXVII : « Il Tasso delle prime venti lettere, tutte indirizzate a Guido Rangone […], e che scrive “da l’essercito francese sotto Pavia”, è un Tasso zelante che si interessa solo di politica […]. In queste prime lettere la scrittura, attenta solo al rendiconto degli avvenimenti, espunge ogni altro interesse che non sia strettamente politico, ha un timbro deciso nel rapido procedere prevalentemente paratattico, immune dalla ricercatezza retorica altrove prediletta ». Sur le style de ces missives, voir aussi Giorgio Cerboni Baiardi, « La lirica di Bernardo Tasso »…, p. 51.
  8. Jeanine Basso, « La représentation de l’homme en société à travers les livres de lettres et d’art épistolaire des XVIe et XVIIe en Italie »…, p. 147-148.
  9. Les premières allusions à cette expédition se rencontrent dans la I, CXLIII, p. 262-263, et s’intensifient dans les suivantes.
  10. La lettre I, CXCVIII, p. 344-352, véritable plaidoyer en faveur de son protecteur, retrace longuement et en détail la carrière et les différentes campagnes militaires du prince de Salerne pour faire obstacle à la rumeur de sa disgrâce impériale.
  11. https://www.wga.hu/art/c/clouet/francois/henri2.jpg.
  12. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274.
  13. Dans les deux cas, je m’appuie sur les éditions récentes de Donatella Rasi et Adriana Chemello respectivement pour le premier et pour le deuxième recueil.
  14. Lettere, II, XI, p. 38-43.
  15. Lettere, I, III, p. 23-24 ; Lettere, II, XII, p. 44-50.
  16. Lettere I, CXLI, p. 296-297 ; CXLVIII, p. 305-307.
  17. Lettere, I, II, p. 22-23. Sa datation n’est pas autrement précisée, mais l’allusion à l’approche des troupes impériales permet de la situer aux environs de février 1525.
  18. Lettere, I, II, p. 22-23 : « Cette armée m’apparaît bien peu commandée, avec beaucoup de relâchement et plus forte en nombre qu’en vertu. Il lui reste peu d’espoir de pouvoir prendre la ville à présent que les ennemis s’approchent ».
  19. Lettere, I, III, p. 23-24 : « De l’armée française au siège de Pavie ».
  20. Les deux hommes eurent en commun leur action auprès du souverain pontife, entretinrent des relations épistolaires, fréquentèrent les mêmes personnages et vécurent tous deux la tragédie du sac de Rome. Ils passèrent de la même manière de la participation à l’action militaire (plus ou moins prononcée), à la réflexion puis à l’écriture, de façon en partie théorique chez Guichardin dans son Histoire d’Italie, et avec une part d’analyse (moins approfondie) chez le Tasse. Les lettres initiales du secrétaire du comte Rangone montrent d’ailleurs un même esprit critique vis-à-vis des condottieri et des choix stratégiques que celui arboré par l’historiographe florentin en ces années 1525-1527. Sachant que des extraits de la Storia n’ont pas circulé avant la mort de Guichardin en 1540 et qu’elle ne fut publiée que plus de vingt ans après, tandis que le premier volume de la correspondance du famoso padre remonte à l’année 1549, on ne saurait songer à une imitation stricto sensu de l’historien par le courtisan. Il faut plutôt envisager une concordance de points de vue, probablement d’ailleurs soigneusement cultivée de la part du Tasse au moment de la publication de son recueil épistolaire. Dans tous les cas, la confrontation de ses lettres avec ce qu’écrit Guichardin au moment où il est mandaté par Clément VII comme lieutenant général de l’armée de l’Église auprès des troupes de la ligue en Lombardie amène à une meilleure perception du début de ce volume, car elle est riche d’enseignements aussi bien quant au filtre personnel par lequel les événements sont relatés que sur la nature des relations entre Guichardin, le comte Rangone et son ambassadeur.
  21. Lettere, I, III, p. 23-24 : « Cette armée m’apparaît plutôt emplie d’insolence que de valeur […]. Les ennemis s’approchent, plus puissants en effet que ce qui en a été dit, et je ne vois cependant aucun changement chez les soldats français. Je ne sais si cela provient de leur force d’âme ou de leur témérité et imprudence ». À confronter avec Francesco Guicciardini, Storia d’Italia, a cura di Ettore Mazzali, Milano, Garzanti, 1988, vol. III, libro XV, cap. XIV, où le commissaire général de l’armée pontificale dénonce la mauvaise évaluation des forces en présence du côté français, la négligence des ministres, les disputes au sein du conseil royal, la légèreté du roi et ses faux espoirs, le peu d’expérience de ses conseillers et l’imprudence qu’il y avait à persister dans le siège de Pavie.
  22. Galeazzo Sanseverino, Grand Écuyer de François Ier.
  23. Da Bozzolo Federico Gonzaga.
  24. Lettere, I, IV, p. 24-25 : « Sa Majesté se trompe manifestement dans les choses les plus importantes en estimant son armée plus nombreuse en hommes et celle de ses ennemis moindre que ce qu’elles sont dans les faits. Et cela bien qu’il ait été averti et par le Grand Écuyer et par le seigneur Frédéric et par d’autres, ou il ne le croit pas, ou il ne s’en soucie guère ».
  25. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XV, cap. XIV : « All’uscita degli imperiali alla campagna, si disputava nel consiglio del re quello che fusse da fare; e della Tramoglia, della Palissa, Tommaso di Fois e molti altri capitani confortavano che il re si levasse coll’esercito dall’assedio di Pavia ».
  26. Lettere, I, V, p. 25-27.
  27. Dans la récente édition de Donatella Rasi.
  28. Francesco Guicciardini, Storia…, libro XVII, cap. V : « Se bene fusse solamente capitano de’ viniziani, gli ecclesiastici, per fuggire le contenzioni e perché altrimenti non si poteva fare, aveano deliberato di riferirsi a lui come a capitano universale ».
  29. Lettere, I, V, p. 25-27 : « événements de Milan ».
  30. Au début de la guerre, les armées de la ligue n’avaient pas su profiter de la situation périlleuse des troupes impériales, presque sans argent et entourées d’une population hostile, pour enlever par une attaque rapide la ville de Milan et libérer Francesco Sforza. Bien au contraire, le général en chef temporisa tant et si bien que, après une attaque ratée suivie d’une retraite qui ressemblait presque à une fuite, le 24 juillet, la forteresse de Milan se rendit aux Espagnols. Cf. Carteggi di Francesco Guicciardini, a cura di Pier Giorgio Ricci, vol. XVII, (14 ottobre 1509-1 marzo 1540), Roma, Istituto Storico Italiano per l’Età Moderna e Contemporanea, 1972, lettre 147, p. 191 : « Del nostro procedere lento dopo lo acquisto di Lodi et del non avere mai assaltato le cose gagliardamente, è stato fondamento l’opinione che ha mostrato di avere sempre el duca di Urbino che le forze nostre non bastassino a soccorrere el castello né a pigliare Milano ».
  31. D’autant que, dans sa conclusion, Bernardo mentionne expressément la présence du comte Rangone à Plaisance : « Ho scritto il medesimo al Guicciardini e al conte, il quale ha già condotte le genti a Piacenza e cominciato a fare il ponte ».
  32. Francesco Guicciardini, Carteggi…, lettre 141, p. 184-185. Les premières allusions à la nécessité à la fois de franchir le Pô pour rejoindre les Vénitiens et de secourir le château de Milan se rencontrent dans la lettre à son frère du 20 juin 1526, puis dans celle du 24 juin 1526. La lettre 144 du 9 juillet 1526 relate en détail la retraite quasi immédiate de l’armée de la ligue devant Milan et témoigne à la fois de l’étonnement et de la colère du lieutenant pontifical : « Credo che voi e tutta quella città si sarà maravigliata della ritirata nostra sì subita; ma più mi sono maravigliato io che sono stato in fatto, venendo da un’ora ad un’altra tanta mutazione che non sarebbe possibile a scrivere ».
  33. Francesco Guicciardini, Carteggi…, lettre 141, p. 184-185 : « Et però el punto consiste che si cominci presto; come io credo certo che si abbia a fare ».
  34. Lettere, I, V, p. 25-27 : « Moi, même si l’autorité d’un tel capitaine et de tant d’autres hommes au jugement avisé et à la longue expérience, m’impressionnait, je ne manquai pas de répliquer ». « In somma, le mie parole, come di persona di poca esperienza, di manco auttorità e di niun consiglio, non ebbero forza da la prima deliberazione di rimoverlo ».
  35. Francesco Guicciardini, Storia…, libro XIV, cap. V : « Le commissaire [général de l’armée pontificale] n’ayant pas l’audace de s’opposer à des capitaines d’une telle réputation ».
  36. Francesco Guicciardini, Storia…, libro XVII, cap. V : « Che ne’ consigli proponeva e non aspettando che gli altri rispondessino diceva l’opinione sua, o almanco nel proporre usava tali parole che per se stessa veniva a scoprirsi, in modo che gli altri capitani non pigliavano assunto di contradirgli ».
  37. Cela est sans doute d’autant plus vrai que, au moment de la rédaction du recueil, la réputation du duc après sa tentative d’assaut à Milan début juillet 1526 était connue de tous et durement commentée à la cour pontificale. Guichardin dans sa correspondance se montre particulièrement mordant vis-à-vis de Francesco Maria della Rovere et de sa retraite honteuse devant Milan. Cf. Carteggi, 144, 9 luglio 1526, p. 187-188 et 147, p. 192 : « El duca di Urbino non ha voluto o non ha saputo vincere. Non so quanto possiamo sperare sotto questo governo ».
  38. Dans une lettre à Molino, le célèbre libelliste déplorait que le Tasse : « Con tanta onestà di superbia, si attribuisse il titolo di unico nella professione del compor lettere ». Voir Edizione nazionale delle opere di Pietro Aretino, volume quarto, Lettere, Tomo V, Libro V, a cura di Paolo Procaccioli, Roma, Salerno, 2001, lettre 345, p. 267-270.
  39. Edizione nazionale…, lettre 345, p. 269 : « Si, malgré tout, vous tenez à vous hausser jusqu’au septième ciel en exaltant vos insignes mérites, revenez-en pour finir aux raisons que vous invoquâtes auprès du duc d’Urbin, puisque, à ce moment-là, on suivait les conseils des petits agents et non pas des grands capitaines ». L’intégralité de la lettre est citée dans le chapitre sur la transcription des lettres.
  40. https://www.wga.hu/art/c/clouet/jean/francois.jpg.
  41. Ibid., p. 269 : « Non iscordando a voi negoziante le paghe del conte Guido Rangone, le pratiche che de le guerre e de le paci appresso di Francesco primo e di Clemente settimo trattaste in Salerno ».
  42. Ibid., p. 269 : « Mais tout cela n’est que chimère, excepté le pronostic sur Crémone, Pavie et Milan que vous fîtes après coup, en concurrençant ainsi les prophéties que Messire Virgile fit prononcer à Anchise, dix siècles après les faits ».
  43. Ce qui, tout en prenant acte des nombreuses qualités que ses contemporains lui attribuent, amène à reconsidérer l’affirmation de Donatella Rasi (Lettere, I, p. XXXIV) : « Le lettere tassiane offrono una fittissima rete di informazioni storico-politiche, un giudizio lucido su un presente segnato dall’instabilità e dalla debolezza politica degli stati italiani » ; et celle de Giuseppe Campori (Lett. Camp., p. 41) : « Della eccellenza dell’ingegno di lui, le missioni politiche e le opere a stampa fanno fede amplissimamente. La sua abilità nel negoziare fu riconosciuta ed esperimentata dal Rangoni, dal Sanseverino, dal duca di Mantova che molto si giovarono dell’opera di lui con grande loro utilità ». Ces affirmations doivent être tempérées, car ce même Campori mentionne clairement, dans son introduction, l’échec patent de la mission de Bernardo pour la libération de Filippo Strozzi et sa responsabilité dans la disgrâce impériale encourue par son protecteur, tandis qu’il passe sous silence l’échec (peut-être inévitable) de son ambassade auprès du roi de France en 1552 pour l’inciter à la reconquête du royaume de Naples. Il convient ainsi de modérer également les louanges que lui décerne Adriana Chemello (Lettere, II, p. VIII).
  44. https://www.wga.hu/art/t/tiziano/10/21/14franci.jpg.
  45. Tout comme Clément VII et les condottieri de l’armée de la ligue, en raison des prises de position radicales du lieutenant pontifical. Voir Lucien Vendrame, La correspondance de Guichardin, dans La correspondance, l’édition des correspondances …, p. 117-120.
  46. Lettere, I, VIII, p. 30-33 : « Soggiunse appresso che aveva mandato il Guicciardini perché vi aiutasse ne le deliberazioni, ubidisse ne le essecuzioni e servisse nelle provisioni della guerra ».
  47. Lettere, I, VIII, p. 30-33 : « Et là il [Clément VII] déploya les voiles de son esprit sur la vaste mer de vos louanges, en y naviguant aisément pendant un bon moment ».
  48. Ibid., p. 30-33 : « Car s’il [Guichardin] usait mal de son autorité, c’était plutôt là de l’arrogance, provoquée par son orgueil, que de la hardiesse due à la dignité qu’il [Clément VII] lui avait conférée ».
  49. On sait que Bernardo quitta le service de Guido Rangone au cours d’un séjour parisien au cours duquel il passa dans la maison de Renée de France. Il s’installa à Ferrare lors du mariage de la princesse avec Alphonse d’Este, mais aucun précédent séjour à la cour française ne ressort des biographies consultées (Silvio Barbieri, Ombre e luci… ; Dizionario Critico della Letteratura Italiana, ad vocem ; Pier Desiderio Pasolini, I genitori di Torquato Tasso, Note storiche, Roma, Loescher, 1895 ; Angelo Solerti, Vita… ; Edward Williamson, op. cit.).
  50. Lettere, I, VIII, p. 30-33 : « Alors que le Saint Siège était confronté à de pareilles tribulations ».
  51. Lettere, I, IX, p. 33 : « Io entrai in Genova a le cinque ore de la notte e, a guisa di cieco, fui menato in palazzo per la mano […] a le tre ore de la seconda notte fui condotto secretamente ne la camera del Duce ».
  52. Lettere, I, IX, p. 34 : « Je m’aperçus que ses atermoiements provenaient du doute dans lequel il était plongé qui dépendait à son tour du résultat de l’assaut de Crémone, tant et si bien que je soupçonne que le peu de vertu des soldats ou le peu d’expérience des capitaines qui se trouvaient à l’assaut de cette ville, non seulement n’auront pas pris Crémone, mais nous auront fait perdre Gênes ».
  53. Ibid., p. 34 : « Les troupes vénitiennes ».
  54. Ibid., p. 34 : « De nombreux chefs de cette armée ». Voir aussi Francesco Guicciardini, Storia…, , libro XVII, cap. XI : « Quando fu presentato lo assalto […], si accostarono, perché andavano troppo scoperti, con gravissimo danno; e accostatisi, erano, oltre all’altre difese, battuti da infiniti sassi gittati da quegli di dentro, in modo vi restò morto Giulio Manfrone, il capitano Macone e molti altri soldati di condizione ». Dans ce même chapitre, Guichardin critique vertement l’impéritie des capitaines de la Sérénissime.
  55. Lettere, I, IX, p. 33 : « Ce qui, d’après moi, lui fit perdre du prestige, car il me sembla indigne d’un homme prudent qu’une négociation d’une telle gravité, d’une si grande importance, de laquelle dépendait sa vie, sa dignité, son État, le salut de sa patrie, de ses parents et de ses amis, fût traitée en présence d’une femme et en prenant son avis ».
  56. Ibid., p. 34 : « Pour l’affaire que je traite, au lieu où je me trouve, au caractère de l’époque qui est la nôtre, il faut une patience infinie et une dextérité incomparable ».
  57. Lettere, I, X, p. 35-36 : « Nondimeno sua Beatitudine […], avendo altrettanto di speranza ne l’infinita pazienza e prudenza vostra, quanto ha timore de la furiosa e inconsiderata natura de l’altro; vi prega che vogliate di maniera governarvi, che la vostra pazienza sia freno a la colera e la vostra prudenza sprone a l’emulazione de l’avversario ».
  58. Celle-ci est notamment attestée dans la correspondance de l’historien, cf. Carteggi…, 156, p. 205 : « Dite a Iacopo Salviati che non bisogna regolare le provisioni di Modona secondo gli avisi del Conte Guido, perché, oltre al desiderio che ha di pascere molti, una delle sue principali arte è intrattenersi ne’ tempi buoni col dare speranza al Papa di rubare Ferrara o Reggio […]. Ditegli ancora ch’io mi sono ricordato mille volte del giudizio che lui faceva del duca di Urbino et del conte Guido; che è stato pure troppo vero ».
  59. Lettere, I, XI, p. 36-38 : « Puisque pour les raisons que vous avez fait connaître au duc d’Urbin et au provéditeur des Vénitiens, l’entreprise était aussi facile que sûre ».
  60. Lettere, I, XI, p. 36-38 : « E sua Beatitudine concorre in una medesima opinione con esso voi, che [i soldati delle truppe papali] se ne vengano a Modena; sì persuasi da le promissioni del duca di Ferrara, come da la facilità dell’impresa ».
  61. Ludwig Von Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Âge, Paris, Plon, 1913, t. IX, p. 235.
  62. Lettere, I, XI, p. 36-38 : « La facondia e gravità de le lettere di Vostra Signoria […], ha dato materia al Reverendissimo Santiquattro di poter entrare nel campo de’ meriti vostri; e per quello buono spazio di strada caminando, tra l’altre vostre onorate qualità, loda con somma meraviglia la gravità e severità de lo scrivere, la prudenza e consiglio nel deliberare, l’ardire e la celerità ne l’esseguire ».
  63. La présence de Guido Rangone à Modène est attestée dès novembre 1526 par une lettre de Guichardin, cf. Carteggi…, 155, p. 205.
  64. Lettere, I, XI, p. 37 : « [Sua Santità] Loda la vostra deliberazione di ridur tutte le barche per condur le genti con maggior diligenza ».
  65. Lettere, I, XIV, p. 40-41 : « Bien que les faits survenus à Imola vous aient retardé ».
  66. Francesco Guicciardini, Storia…, , libro XVIII, cap. V.
  67. Lettere, I, XIV, p. 40-41 : « Sapete che Rezzo è la chiave di Toscana […]. La salute di Toscana dipende de la diffesa di questa città ».
  68. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XVIII, cap. VIII : « Arrivò, il dì medesimo che gli imperiali presono Roma, il conte Guido co’ cavalli leggieri e ottocento archibusieri al ponte di Salara, per entrare in Roma la sera medesima; ma inteso il successo si ritirò a Otricoli, dove si congiunse seco il resto della sua gente, perché nonostante le lettere avute di Roma che disprezzavano il suo soccorso, egli non volendo disprezzare la fama di essere quello che avesse soccorso Roma, aveva continuato il suo cammino ».
  69. Lettere, I, XV, p. 43 : « Il me sembla irrésolu et, au début, je doutai qu’il ne craignît davantage l’insubordination de ses soldats et la rivalité de certains des capitaines impériaux, bien que Bourbon soit mort, que nos troupes ».
  70. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XVIII, cap. XI : « Ma in Roma erano venuti […] ottomila fanti spagnuoli dodicimila tedeschi e quattromila italiani; esercito […], da fare in Italia qualunque progresso. Ma essendone capitano in titolo e in nome solamente il principe di Orange, ma in fatto governandosi da sé stesso, e intento tutto alle prede e alle taglie e a riscuotere i danari promessi dal pontefice, non aveva pensiero alcuno degli interessi di Cesare; però non voleva partirsi di Roma ».
  71. Lettere, I, XV, p. 41-45 : « [il Viceré] Si risolse di volere un salvocondutto segnato di mano del duca d’Urbino, del conte Guido, e del Marchese di Saluzzo ».
  72. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XVIII, cap. X : « Arrivato a Roma, dove passò con salvocondotto de’ capitani dello esercito, veduto essere contro a sé mala disposizione de’ fanti tedeschi e spagnuoli, i quali dopo la morte di Borbone avevano eletto per capitano generale il principe di Orange, non ebbe ardire di fermarvisi; ma andando verso Napoli, incontrato nel cammino dal marchese del Guasto, don Ugo e Alarcone, vi ritornò per consiglio loro; e nondimeno, non essendo grato all’esercito, non ebbe più autorità né nelle cose della guerra né nel trattato della concordia col pontefice ».
  73. Lettere, I, XV, p. 44 : « Je viendrai avec Son Excellence bien que je doute, à la vue de certains comportements, que les choses ne se règleront pas par sa volonté, ni par ses décisions ».
  74. Amedeo Quondam, Le «carte messaggiere»…, p. 129, 131.
  75. Lettere, I, XVII, p. 46-47 : « Il Papa lo sollecita, [i] Viniziani lo stimulano, e l’impresa lo chiama, né il Re consente che più ritardi la partita sua ».
  76. Lettere, I, XVIII, p. 47-50.
  77. Odet de Foix, vicomte de Lautrec. Lettere, I, XVII, p. 46-47 : « Il Re Cristianissimo avendo data l’impresa d’Italia a Lautrech, a lui rimette tutte le cose alla guerra appartenenti, col quale, per la sua difficile natura, è malagevole il negoziare […]. S’io il sollecito, mi chiama importuno; se mi trattengo, negligente, di modo ch’io, che sono pazientissimo, ho quasi perduta la pazienza ».
  78. Lettere, I, XVII, p. 46-47 : « Je règlerai cette affaire avec tant de discernement que si nous obtenons le succès recherché, nous en serons grandement loués […], de telle sorte que vous estimerez qu’on ne pouvait se conduire ni avec plus de diligence, ni avec plus, sinon de prudence, du moins de dévouement ».
  79. Lettere, I, XVIII, p. 47-50 : « Gli è vero ch’io sono stato dieci giorni senza andare a negoziare con Monsignore di Lautrec, e che Sua Eccellenza mi ha fatto cercare e non mi ha ritrovato ».
  80. Lettere, I, XVIII, p. 47-50 : « Monseigneur, si les seigneurs savaient tout ce que les circonstances peuvent comporter comme aléas, ils pourraient donner des ordres formels et fermes à leurs agents qui n’auraient aucunement le droit d’outrepasser les termes de leur mandat ; mais ne sachant ce qui peut se produire lors de pareilles négociations, comme celle-ci, ils dépêchent un homme d’une prudence avérée et d’un dévouement sans faille, au jugement duquel ils s’en remettent entièrement pour toute chose qui pourrait se produire et que leurs instructions n’auraient pas prévue, sans quoi de grands inconvénients en découleraient ».
  81. Ce faisant, il anticipe sur les positions qui seront celles de Angelo Ingegneri dans son traité Del buon segretario (Roma, Facciotti, 1594), qui décrit explicitement la figure du secrétaire/conseiller, lequel ne doit pas se limiter à simplement exécuter la volonté de son maître, mais doit savoir faire preuve d’autonomie : « Perché non sempre le cose riescono tali, quali esse sono state dipinte […] né sempre ha il negoziante pronto l’orecchio del suo principale […] onde bene spesso gli conviene allontanarsi dalla commissione avuta ». Cf. Stefano Iucci, « La trattatistica sul segretario tra la fine del Cinquecento e il primo ventennio del Seicento », Roma moderna e contemporanea, 1995, III, 1, p. 91.
  82. Lettere, I, XIX, p. 50-51 : « Tutto che la natura del generale difficile sia e poco trattabile (com’è ben conosciuto qui da tutta la corte) non restate però di ricordargli, con quella vostra solita e naturale modestia e agilità d’ingegno, ingannando la sua dura e superba condizione, il benefizio dell’impresa, il servizio di Sua Maestà, e l’onor suo ».
  83. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XVIII, cap. XVI : « Il quale [Guido Rangone] condotto agli stipendi del re di Francia, seguitava Lautrech alla guerra ». Cela est confirmé par une allusion de la lettre XIX, p. 50-51 : « Io non sono rimaso, per giustificazione vostra, di dire a Sua Maestà, che dove le cose si sono dal vostro consiglio e da la vostra auttorità governate, sono talmente successe che avete meritato da ogni integro giudizio d’esser laudato; e che se ora, comandato da altri, cosa farete, indegna della vostra prudenza e del vostro valore, di modo la farete, che si conosca, che la fate contra la volontà vostra ».
  84. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XVIII, cap. XVIII : « Arrenderonsi a Lautrech, Capua, Nola, l’Acerra, Aversa e tutte le terre circostanti ».
  85. Lettere, I, XIX, p. 51-53 : « Le seigneur Alberto de Carpi se trouve du même avis que Votre Seigneurie [Guido Rangone] en estimant qu’il aurait été mieux de répartir l’armée entre Capoue, Aversa et Nola et que l’expédition aurait été d’autant plus utile et sûre qu’elle aurait été longue ».
  86. Lettere, I, XX, p. 51-53 : « J’espère que vous verrez que le conseil que vous a donné ce bonhomme sert davantage son intérêt que votre honneur […]. Quel conseil, sage et prudent, peut bien vous donner un homme dont les intérêts sont bien distincts de ce qui est honnête ? Souvenez-vous que quel que soit celui qui tente de vous en persuader, il ne peut être honnête homme ; on pourra judicieusement le définir comme quelqu’un de rusé et malicieux, mais pas comme quelqu’un d’avisé et de prudent ».
  87. Lettere, I, XX, p. 51-53 : « Voilà ce que j’ai tenu à vous dire pour satisfaire au devoir que j’ai envers vous en tant que serviteur, à l’amour que je vous porte en tant qu’ami et à ma conscience qui désire vous voir tel que votre merveilleuse et infinie valeur me l’a promis ».
  88. Lettere, I, XXII, p. 56-57 : « Cette malheureuse armée, si maltraitée par la mauvaise gouvernance des hommes et de Dieu […], ces pauvres reliques de l’armée ».
  89. Lettere, I, XXII, p. 56-57 : « Or che Lautrec è infermo e porta la pena de la sua ostinazione, peccato più da fuggirsi da un capitano generale ».
  90. Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XIX, cap. I, IV.
  91. Ibid., lib. XIX, cap. IV : « Era morto Valdemonte e il marchese di Saluzzo, conte Guido, conte Ugo e Pietro Navarra ammalati ».
  92. Certaines omissions sont sans doute volontaires, mais il est également vrai que le Tasse évoque des faits (la période comprise entre la bataille de Pavie, le sac de Rome et l’expédition française dans le royaume de Naples) bien connus de son interlocuteur et du public de l’époque, pour lesquels il n’était peut-être pas utile de se répandre en explications.
  93. À titre d’exemple, les ambassadeurs de la Sérénissime, qui devaient rendre compte de la tâche qui leur avait été assignée, étaient aussi tenus de fournir des informations sur les conditions politiques, sociales, économiques et militaires du pays visité et sur l’attitude des gouvernements et de la classe dirigeante.
  94. D. Cantimori, « Francesco Guicciardini », Storia della Letteratura italiana a cura di Emilio Cecchi e Natalino Sapegno, vol. IV, Il Cinquecento, Milano, Garzanti, 1966, p. 136.
  95. Lettere, I, III, p. 23-24 : « Il poco giudizio che io ho delle cose della guerra ».
  96. Il faut mettre en parallèle les vingt premières lettres du Tasse avec celles de 1526-1527 dans Francesco Guicciardini, Carteggi, p. 171-262, et comparer aussi Lettere, I, III, avec Francesco Guicciardini, Storia…, lib. XV, cap. XIV.
  97. Lettere, I, XVIII, p. 47-50.
  98. Lettere, I, XVII, p. 46-47.
  99. Lettere, I, XIX, p. 50-51.
  100. Qui s’exprime dans nombre de courriers à son protecteur. Les exemples sont nombreux, mais pour se limiter à notre corpus, ou simplement au début du recueil, que l’on considère par exemple la lettre XX qui se propose d’enseigner à Guido Rangone à distinguer la Prudence de la Malice, le bien du mal. Des termes similaires reviennent dans la suivante. Dans la XXVII, après une longue captatio benevolentiae, Bernardo n’hésite pas à critiquer fermement la résolution du comte de quitter le service de la Sérénissime : « Signor mio, il volervi ora, senza alcuna cagione che vi sia data, partirvi dal servizio di quella Eccellentissima Republica, la quale con tanto vostro onore e con tanta sua sodisfazione avete servita; e torre a lei la speranza che s’ha promessa de la vostra virtù; e perder voi quella che vi promette la sua solita gratitudine, mi par più tosto di riprensione che di laude degno ».
  101. Paul Larivaille, Pietro Aretino…, p. 227.
  102. Les termes choisis sont parfois très proches de ceux du Courtisan. Cf. Baldassare Castiglione, Il Libro del Cortegiano, libro IV, cap. V : « Il fin adunque del perfetto cortegiano […] estimo io che sia il guadagnarsi […] talmente la benivolenzia e l’animo di quel principe a cui serve, che possa dirgli e sempre gli dica la verità d’ogni cosa che ad esso convenga sapere, senza timor o periculo di despiacergli; e conoscendo la mente di quello inclinata a far cosa non conveniente, ardisca di contradirgli, e con gentil modo valersi della grazia acquistata con le sue bone qualità per rimoverlo da ogni intenzion viziosa ed indurlo al camin della virtù […]. Però io estimo che […] lo indurre o aiutare il suo principe al bene e spaventarlo dal male, sia il vero frutto della cortegiania ».
  103. Op. cit., libro IV, cap. X : « La voie austère de la vertu ».
  104. Lettere, II, XLV, p. 126-131.
  105. https://www.wga.hu/art/r/raphael/5roma/3/01castig.jpg.
  106. Ce qui ne fut plus le cas dès 1565 avec le traité de Francesco Sansovino, Del Segretario et surtout au XVIe siècle avec ceux de Vincenzo Gramigna, Il Segretario (1620), de Gabriele Zinano, Il Segretario (1625) et de Michele Benvenga, Il Protosegretario (1565), où la fonction de secrétaire n’est plus que celle d’un simple exécutant des ordres de son maître. Sur cette décadence du rôle du secrétaire auprès des princes, voir Salvatore Silvano Nigro, « Il libro in maschera di un segretario del Seicento », L’immagine riflessa, 1983, anno VI, 2, p. 203-206.
  107. Un exemple parmi tant d’autres est celui d’un des amis de Bernardo Tasso, homme de lettres comme lui, Dionigi Atanigi, auteur d’un volume célèbre en son temps, De le lettere di tredici huomini illustri, qui vivait dans des conditions notoirement précaires en raison de la difficulté qu’il avait à trouver un mécène qui le protégeât durablement.
  108. Sur le statut de l’intellectuel au XVIe siècle, voir Carlo Dionisotti, « Chierici e laici », Geografia e storia della letteratura italiana, Torino, Einaudi, 1967, p. 55-88 et Ruggiero Romano, « L’intellettuale nella società italiana del XVe e XVIe secolo », Tra due crisi: l’Italia del Rinascimento, Torino, Einaudi, 1971, p. 117-136.
  109. Mario Baratto, « La vie culturelle en Italie au début du XVIe siècle : l’intellectuel et le prince », Chroniques Italiennes, 1987, X, p. 53.
  110. Angelo Solerti, Vita di Torquato Tasso, I, p. 53 : « Voyant que son fils avait déjà bien avancé dans ses études, et sachant, en sa qualité de courtisan expérimenté, que des temps meilleurs au cours desquels les cours honoraient les beaux esprits et leur procuraient une vie aisée étaient désormais passés, il songea à lui donner une profession sûre ».
  111. Pour une analyse plus détaillée de la typologie épistolaire exclue du deuxième volume de Lettres, mais en partie valable aussi pour celui de 1549, voir Lettere, II, p. XVI-XXI et p. XXXIII. Adriana Chemello évoque une « manipulation systématique », une « sélection scrupuleuse ». Il s’agit de ne pas entacher le profil du parfait courtisan patiemment construit pièce après pièce, ou encore, au-delà de la construction d’une image publique, de la nécessité de ne pas s’aliéner certaines personnalités influentes du monde littéraire. On rencontre aussi le cas des dépêches chiffrées nécessairement secrètes (Lettere, II, p. XXXIII). Consulter également Lett. Camp., surtout pour le deuxième volume.
  112. Lettere, I, p. 7-14, Al signor prencipe di Salerno.
  113. Voir à ce sujet Giacomo Moro, « Selezione, autocensura… », p. 67 : « Gli epistolari a stampa del Cinquecento rappresentano nella quasi totalità un caso appunto di manipolazione sistematica, operata di solito dal mittente ».
  114. On ne sait trop qui croire de l’Arétin ou du Tasse quant à l’influence que ce dernier aurait eue auprès des chefs militaires au moment du siège de Pavie et dans les années de guerre qui suivirent. Avant la parution du recueil, on peut toutefois comptabiliser avec certitude l’échec de sa mission à Gênes en 1526, la mort de Filippo Strozzi qu’il aurait dû sauver par son ambassade en 1537 (Cf. Lett. Camp., p. 53-56) et sa responsabilité dans la disgrâce impériale encourue par Ferrante Sanseverino après les événements de 1547 à Naples.
  115. Le Courtisan est publié en 1528, le Galatée aurait été rédigé entre 1551 et 1555.
  116. Publié pour la première fois en 1587, il se trouve dans Torquato Tasso, « Il Segretario », Prose diverse, a cura di Cesare Guasti, vol. II, Firenze, Le Monnier, 1875. Pour une étude sur les ouvrages relatifs au secrétaire, voir Stefano Iucci, La trattatistica sul segretario…, p. 81-96. Sur l’édition de celui de Sansovino en 1564 et pour une liste des différents traités qui voient le jour entre fin du Cinquecento et début du Seicento, cf. Amedeo Quondam, Le «carte messaggiere»…, p. 58 et 124-125.
  117. Francesco Guicciardini, Storia…, libro XVIII, cap. III : « Qui avait pénétré […] sur ces terres avec de nombreux combattants, fut vaincu par Orazio [Baglioni]. Deux cents fantassins moururent et il y eut beaucoup de prisonniers ».
  118. Raffaele Colapietra, I Sanseverino di Salerno…, p. 142-143 et Marino Sanuto, Diari, Venezia, 1879, XLIV, p. 282-283.
  119. Baglioni passa au service de Clément VII au début de l’année 1527. Le pontife lui confia deux mille fantassins avec lesquels il se rendit dans le royaume de Naples combattre les Espagnols. Il conquit Castellamare di Stabbia et défendit avec succès la ville de Salerne.
  120. Marino Sanuto, Diari, XLIV, p. 407 : « En tous lieux et de tous côtés on voyait des ennemis prisonniers et morts… Le salut du prince tint à ce que lui et le comte de Sarno étaient vêtus de drap de laine. Pendant que les nôtres étaient occupés à tuer ou blesser ceux qu’ils voyaient dans les rangs, Son Excellence et le comte gravirent la montagne par un sentier que les chamois auraient parcouru à grand peine et c’est ainsi qu’ils en réchappèrent… Ils partirent vaincus et couverts de honte, sans qu’aucun d’entre eux n’attende ni les enseignes ni les compagnies, mais ils fuirent le plus vite possible ».
  121. Lettere, I, CXCVIII, p. 344-352 : « Non so, magnifico signor mio, chi v’abbia potuto scriver che il prencipe mio Signore sia in disgrazia dello imperadore ».
  122. Lettere, I, CXCVIII, p. 346 : « Le trouvant presque dépourvu de toute garnison armée, et la ville n’étant ni fortifiée ni à même de pouvoir se défendre, avec l’aide de quelques hommes du royaume qui étaient acquis à la cause française, ils [les coalisés] s’en emparèrent au gran dam et préjudice de ce très noble seigneur ».
  123. Lettere, I, CXCVIII, p. 347 : « Alors même que le marquis de Montesarchio lui donnait carte blanche de la part du roi et lui proposait de très généreuses conditions, entraîné à la fois par son naturel et par sa fidélité, sans même lui prêter oreille, abandonnant tout son État en proie aux ennemis, il se retira à Naples avec le prince d’Orange, et, devenu général des troupes de l’armée impériale, il mit ses biens, sa vie et son honneur en danger pour le service de son roi. Et, comme il n’y avait pas d’argent pour payer les Allemands, qui s’étaient déjà mutinés, sans même considérer qu’il avait déjà perdu toutes ses ressources, il donna au prince d’Orange, à son grand dam et préjudice, dix-sept mille ducats qu’il avait en comptant et cinq mille en argent, pour subvenir aux nécessités immédiates et au service de son seigneur ».
  124. Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 196.
  125. On considère généralement que le conflit franco-espagnol se divise en cinq périodes : 1521-1526 ; 1526-1529 ; 1536-1538 ; 1542-1544 et 1552-1559.
  126. Jusqu’aux traités du Cateau-Cambrésis d’avril 1559.
  127. https://www.wga.hu/art/t/tiziano/10/3/3vasto.jpg.
  128. Cf. Edward Williamson, op. cit., p. 44, note 56 : « 257, 263 e 264 da Milano sono le prime. Seguono poi 262 da S. Stefano, 266 da Belgioso, 265 da Stradella, 267 e 153 da Alessandria, 269 da Tortona, 271 da Novi e 270 da Villanto. 143, 231, 234, 243, 144, 145, 146, 235, 236, 237, 239, 279, 242, 244, 245, 247, 248, 249, 255, 256, 259, 246 partirono, probabilmente in quest’ordine, da Moncalvi, un paese a sud-ovest di Casale Monferrato, dove le forze imperiali erano accampate mentre i Francesi erano a Montechiaro. Sebbene stampate senza indicazione di luogo, il contenuto della 156, 232 e 233 le colloca in questa serie. 149, 150, 240, 241, 250, 251, 253, 254, 258 e 261 partirono da Montechiaro e così possono essere datate poco prima del 15 aprile. Dopo la battaglia di Ceresole, le truppe del marchese del Vasto si ritirarono ad Asti, da dove partirono le lettere 151, 260, 272, 273, 147, 152 e 155. L’intera serie, perciò, va da gennaio ad aprile 1544 ».
  129. Cf. Lettere, I, CCXL, p. 417-418 ; CCXLI, p. 418-420 ; CCLVI, p. 440-442 ; CCLVII, p. 442 ; CCLVIII, p. 442-443 ; CCLIX, p. 443 ; CCLX, p. 440-444 ; CCLXX, p. 454-455.
  130. Il s’agit en partie des lettres citées ci-dessus auxquelles s’ajoutent les CXLIV, p. 263-264 ; CXLVIII, p. 274-275 (non comptée par Williamson) ; CXLIX, p. 275-276 ; CL, p. 276-277 ; CLI, p. 277-278 ; CCLVII, p. 442 ; CCLXIII, p. 446-447 ; CCLXIV, p. 447 ; CCLXVII, p. 452-453 ; CCLXIX, p. 454 ; CCLXIX, p. 454 ; CCLXX, p. 454-455.
  131. Edward Williamson, Bernardo Tasso, p. 44, note 56.
  132. Lettere, I, CCLXXI, p. 455-460.
  133. Lettere, I, p. 442.Lettere, I, p. 442.
  134. Lettere, I, p. 447.
  135. Un stratagème similaire avait été escogité dans le camp français. Cf. Blaise de Monluc, Commentaires. 1521-1576, Bruges, Gallimard, 1964, p. 162 : « Je pensois estre le plus fin capitaine de la trouppe d’avoir inventé de mettre un rang d’arquebuziers entre le premier et le second rang, pour tuer les capitaines du premier. […] Mais nous trouvasmes qu’ils avoient esté aussi accors que nous, car ils y en avoient mis comme nous, lesquels jamais ne tirarent, comme ne firent les nostres, que ne fussions de la longueur des picques. Là se fist une grande tuerie ; il n’y avoit coup qui ne portast ».
  136. Lettere, I, CCLXV, p. 448-451 ; CLIII, p. 282-283 ; CCLXXI, p. 455-460.
  137. Lettere, I, CCLXXI, p. 455-460 : « Voyant que la Fortune combattait contre nous, que la plus grande partie de notre armée était déjà en déroute et qu’il ne convenait pas de sauver les troupes restantes en me retirant, […] je voulus tenter l’aventure avec le reste des soldats […]. Et bien que ce fût là un parti désespéré, au vu du peu de troupes qui me restaient […], il me sembla préférable d’aller à la rencontre du danger plutôt que de le fuir et […] ayant d’abord convaincu mes troupes […] nous courûmes avec tant de fureur et une telle impétuosité vers le sommet du col [que] […], finalement, aidés d’abord par la main de Dieu et par la bonne fortune de Sa Majesté, puis par notre valeur, à force de coups de piques, nous prîmes le sommet du col et les ennemis commencèrent à se retirer en l’abandonnant ».
  138. Comparer Lettere I, CCLXXI, p. 455-460 : « L’altro giorno medesimamente, fingendo d’andare verso il Pò, se n’uscirono e dopo presero il camino della montagna. Mandai subito Cesare di Napoli e’l signor Ridolfo Baglioni co i cavalli e con alcuni archibugieri ad attaccar la sacramuzza », avec Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 128-129, où après avoir évoqué son souci d’éviter César de Naples, il explique : « Je n’avois autre chemin que celuy-là, [de passer par la plaine où stationnait une grande partie de la cavalerie impériale] sinon que je voulusse allonger de trois ou quatre mil et passer le Pô auprès de la source, où il pensoit y avoir de l’eauë. […] Je ne trouvay homme qui ne fust contraire à mon opinion ; et moy, contre l’opinion de tous, je tournay à main gauche et prins le chemin droict à la montagne ; et par bonne fortune, je n’y trouvai eauë que jusques au genouil, tellement que gaignasmes le long de la montaigne ».
  139. Lettere, I, p. 262-263.
  140. Lettere, I, CXLV, p. 264-266 ; CXLVI, p. 264-269.
  141. Lettere, I, CXLIII, p. 262-263.
  142. Ibid. : « Jusqu’à présent, notre vie a été très agitée et fatigante et là où nous espérions passer le carnaval en repos, nous passerons carnaval et carême dans une continuelle agitation du corps et de l’esprit ». Voir aussi Lettere, I, CXLVI, p. 267 : « Io son sì dalle occupazioni e travagli del corpo e della mente affaticato, che non pur altro, ma quelle poche ore, che si danno al riposo per conservazione della vita, spesse volte in varii negozi mi bisogna consumare ».
  143. Lettere, I, CXLIII, p. 262-263 : « Car bien que nos soldats soient moins nombreux que les Français, ils sont plus valeureux ». Voir aussi Lettere, I, CXLV, p. 264-266 : « La molta virtù de’ pochi, non il molto numero de’ soldati dona la vittoria ». Les chroniqueurs français, quant à eux, affirment que les soldats de l’empereur étaient plus nombreux que les leurs. Cf. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, par Victor Louis Bourrrilly et Fleury Vindry, T. IV, Paris, Société de l’Histoire de France, MDCCCCXIX, p. 215.
  144. Lettere, I, CXLV, p. 264-266 ; CXLVI, p. 264-269.
  145. Lettere, I, CXLV, p. 265 : « événements de cette guerre ».
  146. « vassaux du Montferrat ».
  147. Lettere, I, CXLV, p. 264-266 : « Il avait proposé d’installer un cantonnement dans le Montferrat, si près des ennemis qu’ils ne pourraient ni se déployer, ni profiter du ravitaillement possible dans cet État, ce qui aurait fourni de nombreuses autres belles occasions de pouvoir leur porter préjudice ; mais la désobéissance […] de ces vassaux du Montferrat, ou les ordres secrets de leurs seigneurs ont empêché la réalisation d’un si beau dessein […] et ont ôté à mon seigneur l’occasion de faire montre de sa valeur ». Voir aussi Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 et CLV, p. 283-289. Le propos du noble napolitain était judicieux comme le montre le commentaire de Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 200 : « Se fortifiant ledit lieu [Carmagnole], il y eust peu faire un pont pour passer deçà l’eau et nous laisser mourir de faim, parce qu’il eust trouvé le marquisat de Salusses remply de tous biens », qui se rapporte à mars 1544, mais qui était valable dans les mois précédents aussi. Cf. aussi p. 207-208.
  148. Lettere, I, CXLV, p. 266 : « L’Illustrissimo signor marchese s’apparecchia al soccorso; né il maggior numero delle genti nemiche lo sgomenta e se vorranno difendere che non si soccorra, conosceranno forse che la molta virtù de’ pochi, non il molto numero de’ soldati dona la vittoria e quanta differenza sia da un capitano di lunga esperienza e de infinito valore ad un giovane incauto e inesperto ». La jeunesse et l’inexpérience du commandant français sont également soulignées par Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 151.
  149. Lettere, I, CCXXXIV, p. 408-409 : « ma trovo queste genti tanto licenziose e in questa licenza con si lungo abito confermate, che difficile mi sarà sotto il giogo dell’ubidienza di ridurle, almeno così di subito ».
  150. Lettere, I, CCXXXV, p. 409-411 ; CCXXXVI, p. 411-413.
  151. La marquise du Montferrat, Marguerite Paléologue de Gonzague, qui a épousé Frédéric de Mantoue en 1531.
  152. Lettere, I, CCXXXVI, p. 411-413 : « Et io con le fanterie spagnole, con le compagnie de’ cavalli che non sono occupate in altro loco e con gli ottocento alamanni son venuto in Moncalvi e ho disegnato di mandar genti in tutte quelle terre ch’io scrissi a Vostra Eccellenza ».
  153. Ibid., p. 412 : « se la mente di Madama non sarà diversa dalle parole, come potrebbe essere ».
  154. Lettere, I, CCXXXVI, p. 413 : « la trop grande licence des soldats ».
  155. Lettere, I, CCXXXVI, p. 412 : « Spero […] di poter por gente in Tunco ».
  156. Lettere, I, CCXLII, p. 420-422 et CCXLIII, p. 422-423. Williamson estime que la CCXLIII est immédiatement postérieure à la CCXXXIV. Si on en juge par son contenu, elle semblerait bien plus proche de la CCXLII.
  157. Lettere, I, CCXLII, p. 421 : « J’ai envoyé une troupe à cheval parcourir le pays jusqu’à Montechiaro et elle a constaté que la route était sillonnée par les vivandiers de cet État qui vont leur porter [aux Français] des provisions […]. Demain, j’enverrai de nouveau une compagnie de chevaux et d’arquebusiers pour dissuader par la terreur cette province, de telle sorte que non seulement elle se repente de son erreur, mais qu’elle en craigne le châtiment ».
  158. Lettere, I, CCXLV, p. 424-426.
  159. Lettere, I, CCXLVII, p. 427-429 : « Et afin que je puisse au moins me justifier pour que Sa Majesté sache que les difficultés naissent du manque de fidélité de cet État et non de ma négligence, je veux avec cette lettre vous prier de consentir à remédier à tant d’inconvénients et de faire en sorte que les chevaux de l’armée de Sa Majesté […] ne souffrent pas de cette campagne, de sorte qu’au moment où on en aura le plus besoin, ils ne soient ni affaiblis ni harassés au point de ne pouvoir nous servir ».
  160. Lettere, I, CLV, p. 283-289 : « les Français étaient avantagés par leur cavalerie ».
  161. Delle istorie del suo tempo di Mons. Paolo Giovio da Como, vescovo di Nocera, Seconda parte, in Vinegia, al Segno delle Colonne, 1581, p. 373-373 bis : « Le marquis n’avait qu’un souci, celui de n’avoir que peu de chevaux et faibles de surcroît, car il n’avait que sept cents salades, qui étaient de plus légèrement armés, par rapport aux […] Français, […] qui avaient de valeureuses bandes d’hommes de guerre, contre la furie desquels il ne semblait point que les Impériaux pussent résister lors d’un assaut ; et cela surtout parce qu’il savait de source sûre que quelques jeunes et illustres chefs, […] désireux de combattre aux côtés du roi de France, étaient arrivés au campement et avaient emmené avec eux beaucoup de très valeureux cavaliers ».
  162. Lettere, I, CCLI, p. 432-434 : « Si votre Excellence ne pourvoit pas immédiatement à la paye de ces gens, nous en perdrons une bonne partie ».
  163. Cf. Histoire Générale de France avec l’estat de l’Église et de l’empire, par monsieur Scipion Dupleix, conseiller du Roy en ses Conseils d’Estat et Privé et historiographe de Sa Majesté, tome III, À Paris, chez Claude Sonnius & Denis Bechet, MDCXLIV, p. 437. Voir aussi p. 438 et Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 152.
  164. Voir par exemple les recommandations circonstanciées faites au capitan Vistarino dans la lettre CCLIV, p. 438 : « L’Eccellenza del signor Marchese commanda che si conducano le farine dalla Piova in Cheri […]. Ma perché niuna cosa di maggior danno […] potrebbe succedere che o perdere le farine, o le bestie che le conducono, è necessario che le scorte siano grosse e atte a difenderci da quelli di Villanova e da gli altri che ci volessero impedire il camino […] e che si stia sempre con gli occhi aperti […]. Però potrete tener cavalli alla volta del campo nemico […] e di più tener sopra la torre guardia continua e vedendo movimento alcuno di cavalli o di fanti, fare quel segno che concerterete co i due Mastri di campo, acciò che sappiano pigliar quel partito che più ispediente e più securo lor parrà ». Cf. aussi Lettere, I, CCLIII, p. 435-437.
  165. Lettere, I, CCLIII, Al Marchese del Vasto, p. 435-437 : « Parce que l’acheminement à bon port des vivres est de grande importance dans cette entreprise […], j’ai ordonné au seigneur Don Raimondo […] que […] il envoie toujours trois cents Espagnols comme escorte et moi j’enverrai deux cents Allemands ».
  166. Le sujet revient dans la lettre CCXLVII et la CCXLVIII, p. 429-430, où Sanseverino ordonne à un capitaine de prendre toutes les mesures nécessaires à la sécurité et à l’avitaillement.
  167. Lettere, I, CCXLVII, p. 427-429 ; CCXXXIX, p. 415-417 ; et CCXLII, p. 420 : « E perché sto in dubbio se ‘l male nasce da’ superiori o da’ vassalli, mando di nuovo il Tasso a parlare a Madama più calda e più liberamente […]. Spero da quest’andata del Tasso, s’io non potrò ottenere che accettino le genti nostre, far almeno che non diano vettovaglie alle genti nemiche, né potrà Madama allegar che lo facciano sforzati ».
  168. Confirmées par Paul Jove, Delle istorie del suo tempo…, p. 372 : « [il Marchese del Vasto] avendo lungo tempo indarno dimandato denari da’ tesorieri di Milano, per far nuove fanterie, sproveduto, e inferiore di molte cose era costretto guerreggiare il verno ». Voir aussi p. 373 bis.
  169. Non sans raison, car les Français empêchaient justement tout réapprovisionnement de Carignan, place forte dont on connaît l’importance dans ce conflit. Cf. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 198.
  170. Delle Istorie del suo tempo…, p. 374 : « Le dernier inconvénient était la peur du manque de ravitaillement, car en raison des pluies continuelles et de la difficulté qu’il y avait à l’acheminer par des routes boueuses, […] la famine allait croissant ». Cf. aussi p. 374 bis.
  171. Cf. Lettere, I, CCXLIX, p. 430-431 ; CCL, p. 431-432.
  172. Lettere, I, CCXLII, p. 420-422 ; CCXLV, p. 424-426 ; CCLI, p. 432-434 ; CCLIII, p. 435-437 ; CCLXII, p. 445-446 ; CCLXI, p. 444-445.
  173. Lettere, I, CCXLV, p. 424-426 : « Il m’appartient de vous le rappeler, puisque je me trouve dans cette situation, et il appartient à Votre Excellence d’y remédier ».
  174. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Son Excellence […] disposa l’armée et partagea l’infanterie en trois bataillons ; dans l’un d’entre eux il mit les Espagnols, qui étaient au nombre de mille cinq cents à deux mille avec les mille Allemands du colonel Barone ; dans un autre les six mille Allemands du seigneur Aldiprando [Eriprando Madruzzo] ; dans le troisième les Italiens qui étaient un peu moins de quatre mille. Il partagea de même en trois parties la cavalerie qui était de huit cents à mille chevaux et en attribua une à chacun des bataillons de l’infanterie pour l’épauler ».
  175. Delle istorie del suo tempo…, p 373 : « Le quali [compagnie italiane] facevano un numero di più di sei mila fanti […]. Di tutti questi era Capitan generale il S. Ferrante Sanseverino, principe di Salerno ».
  176. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 217.
  177. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 217. Le nombre d’hommes est environ le double de celui qui est fourni par le Tasse.
  178. Delle istorie del suo tempo…, p. 373 bis : « Le duc Cosme […] ne voulut cependant pas faire défaut à l’Empereur […] et lui envoya donc le seigneur Rodolphe Baglioni, fils du seigneur Malatesta, avec une belle compagnie de chevaux et de soldats aguerris ».
  179. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 217-218.
  180. De fait, il rédigea son histoire environ un siècle plus tard, vraisemblablement sur la foi des chroniques dont il disposait. Le tome III qui relate la bataille de Cérisoles est publié en 1644.
  181. Scipion Dupleix, Histoire Générale de France…, p. 439-440.
  182. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 160 : « Le marquis de Guast avoit faict un bataillon de cinq mil picquiers, qui estoient deux mil Espagnols et trois mil Allemans ».
  183. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 155.
  184. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Le sort de la guerre […] fut de tout temps incertain ».
  185. Lettere, I, CLIII, p. 282-283 : « Io […] informato delle cose, voglio per soddisfazione mia e per loro [marchese del Vasto, Ferrante Sanseverino] escusazione giustificare questa causa ».
  186. Lettere, I, CXLIII, p. 262-263 : « Consiglio […] diligenza » ; CXLV, p. 264-266 : « Capitano di lunga esperienza e de infinito valore » ; CLII, p. 278-281 : « Animoso e prudente capitano […] il primo a ferire, l’ultimo a ritirarsi » ; CLV, p. 283-289 : « Fu uno dei primi feritori che investirono ne i nemici […]. Chi non conosce in questa sua azione una prudenza infinita e un animo invitto? ».
  187. Parmi ces rapports en provenance du Montferrat, celui qui décrit la bataille de Cérisoles d’Albe dans la lettre CXLVII s’étend sur non moins de cinq pages, comme dans la CLV qui reprend le même sujet.
  188. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « D’après moi, le capitaine qui, contraint au combat, range en bon ordre son armée, dispose ses soldats avec prudence, saisit la meilleure occasion pour combattre, emporte l’avantage du choix du lieu et qui, ne désespérant pas de s’assurer la victoire, risque sa propre vie afin que le péril qu’il encourt donne aux autres le courage d’en faire autant […] ne doit pas être condamné ou blâmé. Ce sont-là, avec d’autres encore, toutes choses dignes d’un sage capitaine, que son Excellence a faites sans en omettre une seule et il ne semble pas qu’il soit obligé d’en accomplir davantage ; à moins qu’on ne lui impute la faute de la lâcheté des soldats ».
  189. Dans ses Istorie…, p. 373 bis, Paul Jove réitère sa critique de la gestion du conflit : « Il primo [incommodo] era il bisogno de’ denari, essendo già venuto il tempo della paga ».
  190. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 157 : « Et cependant la cavallerie et arquebuzerie espagnolle vindrent à moi comme auparavant ; et n’ayant point de cavallerie avec moy, je fus contraint leur quitter la place et me retiray d’où j’estoy parti […], leur arquebuzerie avoit presque gagné le flanc de nostre cavallerie ».
  191. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « À ce moment-là, la victoire accompagna les troupes ennemies, car le bataillon allemand ayant rencontré les Gascons, dont le nombre n’arrivait pas à cinq mille, commença non seulement à se retirer, mais à fuir dès qu’il vit s’abaisser leurs piques ».
  192. Blaise de Monluc, Commentaires..., p. 159.
  193. Delle Istorie del suo tempo…, p. 377 : « Les Allemands […] repoussaient frontalement les Gascons avec grande valeur ».
  194. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Bien que le prince de Sulmona, le seigneur Rodolfo Baglioni, Silna et le seigneur Carlo Gonzaga combattissent fort valeureusement, mettant tout en œuvre pour qu’elle en vînt aux mains, la cavalerie ne voulut pas seulement faire face et, dans sa fuite, elle fut sur le point de renverser nos bataillons ».
  195. Delle Istorie del suo tempo…, p. 376 bis : « I cavalli imperiali assaltarono il corno sinistro de’ nimici, dove Mons. di Butero con la sua banda si vedeva apparecchiato, e in un punto per volere spignere innanzi, con animoso certo, ma vano, e per quel, che si vide poi, molto scommodo, e vergognoso assalto; percioché, essendo eglino giunti alla battaglia de’ nimici, senza urtarla altramente e senza abbassar le lancie, presero la volta e corsero in cerchio lunato, ò ciò facessero per tirare i cavai leggieri de’ nimici a combattere fuor della scorta de gli uomini d’arme, ò perch’essendo eglino armati alla leggiera, non avessero ardire d’affrontare i nimici, ch’erano tutti quanti armati, ò perche si movessero da una incerta voce, messa, per quel che si diceva dal cavalier Goito, la quale comandava loro, che voltassero i cavalli quasi che s’avesse a combattere […] a usanza de’ Mori ».
  196. Delle Istorie del suo tempo…, p. 376 bis : « Cette façon de tourner les chevaux […] étonna d’abord les Français et les fit suspecter par les alliés de fuite manifeste ; tant et si bien qu’aussitôt les chevaux de Mons. de Botières s’avançant valeureusement furent derrière eux et que les impériaux, même si le Marquis les houspillait et les réprimandait, ne purent s’arrêter, mais allèrent précipitamment au grand galop heurter de plein fouet le bataillon des Allemands et, l’ayant enfoncé un peu après leurs enseignes […] l’ouvrirent entièrement et le mirent en déroute ».
  197. Delle Istorie del suo tempo…, p. 376 bis : « L’ultime file […] non erano fornite, come le prime, né di celate, né di corsaletti ».
  198. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 160 : « Il avoit faict ce bataillon pour abattre les Gascons ; car il disoit qu’il craignoit plus nostre bataillon que pas un des autres ».
  199. Tous les commentateurs, à l’exception du Tasse, qui n’en dit mot, s’accordent à dénigrer ces troupes intégrées à l’armée française, qui s’enfuirent lors de l’affrontement. Cf. Delle Istorie del suo tempo…, p. 375-376 ; Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 223 ; Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 161 : « La lascheté des Gruyens luy [Monseigneur d’Anguien] porta beaucoup de perte de ce costé. Je ne vis jamais de plus grans grues que ces gens-là, indignes de porter armes […]. Ils sont voisins des Suisses, mais il y a non plus de comparaison que d’un asne à un cheval d’Espagne » ; Scipion Dupleix, Histoire Générale de France…, p. 439-440.
  200. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 160.
  201. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 218. Cette accusation est réitérée quelques lignes plus bas, p. 220 : « Le sieur de Langey [Martin du Bellay] […] voyant que le prince de Salerne ne faisoit semblant de vouloir marcher et qu’il estoit encore loing, manda […] au sieur de Tais, qu’il eust à retourner la teste et se venir joindre près des Suisses ».
  202. Histoire Générale de France…, p. 440.
  203. Delle Istorie del suo tempo …, p. 375 bis : « Du côté gauche, il mit tous les Italiens et leur commanda que peu à peu ils se retirassent sur un côteau […] et qu’ils ne le quittassent pas, afin que désordonnés et inférieurs aux autres quant à la discipline, ils ne fussent pas mis en déroute par les Suisses […], mais qu’en restant dans les rangs ils obéissent aux ordres du prince de Salerne et de César de Naples ».
  204. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Mon prince qui fut l’un des premiers assaillants de cette journée avait déjà combattu contre Monseigneur de Thermes, général des chevau-légers du roi […]. Alors qu’il était aux prises avec mon prince, le général des chevau-légers de France, fut jeté par terre lors d’un assaut, capturé par quelques-uns des fantassins italiens et il est notre prisonnier dans notre camp ». Aucune allusion à ce fait ne figure parmi les relations des chroniqueurs que j’aie lues.
  205. Si on en croit Bartolommeo Capasso, Il Tasso e la sua famiglia a Sorrento, ricerche e narrazioni storiche, Napoli, Edizioni scientifiche italiane, 1866, p. 100, le mérite de cette capture revient à un jeune napolitain nommé Napoliello.
  206. Delle Istorie del suo tempo…, p. 376 : « Les premiers entre tous […] furent les chevaux de Mons. de Termes et du S. Rodolphe Baglioni, qui s’affrontèrent […]. C’est alors que Termes, qui avait percuté l’infanterie italienne, fut rejeté par elle et son cheval étant blessé puis mort, il fut pris par un jeune fantassin à pied ».
  207. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 159.
  208. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 221 ; Scipion Dupleix, Histoire Générale de France…, p. 440, reprend presque les mêmes termes : « La cavallerie Florentine […] fut chargée si brusquement par Termes avec ses chevaux legers qu’il la renversa sur le bataillon du Prince de Salerne ».
  209. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 221-222.
  210. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Mais quoi qu’il en soit, on ne pourra jamais dire qu’il ait manqué de prudence ou de bravoure ».
  211. Delle Istorie del suo tempo…, p. 377 : « Ma gl’Italiani, come videro abbattute l’insegne del battaglione e i cavalli a giusto corso messi in fuga, con necessario e utile, per quel che si vide poi più tosto che onorato consiglio, avendo paura de’ vincitori incominciarono a ritirarsi in sicuro e per il luogo basso, ch’io dissi, ma però in ordinanza salvarsi non v’essendo alcuna banda grossa di nimici, che li molestasse, ò tenesse lor dietro; et a questo modo innanzi meza notte giunsero in Asti ».
  212. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 225. Voir aussi Scipion Dupleix, Histoire Générale de France…, p. 441 : « Quoy qu’il en soit, le Prince de Salerne voiant le bataillon des Lansknets desfaits & la cavallerie Florentine en route, se retira avec ses Italiens en un taillis prochain, & de là gaigna Ast sans grande perte ».
  213. Lettere, I, CLII, p. 278-281 : « La giornata è stata forzata e non volontaria. Conciosiacosa ché non avendo egli, per molta instanzia che ne avesse fatta a sua maestà, potuto avere il danaio per pagar l’essercito e conoscendo che, se non s’aventurava perdeva di certo et che avventurandosi poteva vincere, pigliò quel partito che ogni animoso e prudente capitano avrebbe pigliato in questo caso ».
  214. Lettere, I, CLII, p. 278-281 : « Aucune armée ne se montra jamais aussi désireuse de combattre que celle-ci. Et qui aurait cru que ces hommes qui, d’autres fois avaient si valeureusement combattu et nous avaient donné tant de victoires, allaient, sans voir le moindre danger, tourner le dos ? ». Voir aussi différentes notations éparses sur la couardise des soldats et la variante de ce même extrait offerte par la lettre CLV.
  215. Lettere, I, CLII, p. 278-281 : « Doppo la vittoria [i Francesi] mostrano più tosto timore che insolenza […] percioché conoscendo che non la virtù loro, ma l’ira di Dio e il favore della fortuna ha dato loro la vittoria, né possono rallegrarsi, né sanno usar del privilegio de’ vittoriosi. Anzi, conoscendo che a debile sostegno s’appoggia chi s’appoggia al favore della sorte e dubitando di non perdere per colpa loro ciò che hanno guadagnato per viltà d’altri, vanno tanto riservati, che […] si può dire che noi abbiamo perduto e che eglino non abbiano guadagnato ».
  216. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 230-31.
  217. Lettere, I, CLII, p. 278-281 : « le premier à combattre et le dernier à se retirer ».
  218. Lettere, I, CLII, p. 278-281: « Si Son Excellence avait tourné le dos avec les autres et […] ne s’était pas préoccupée de regrouper l’arquebuserie italienne […] et ne s’était pas placée à l’arrière de l’armée en fuite avec ce régiment, en le défendant des soldats ennemis et des vilains, nous perdions aussi ces hommes, et en les perdant nous n’avions pas de quoi tenir tête aux ennemis ni de quoi leur opposer résistance, ni de quoi laisser des garnisons dans les places principales et importantes ».
  219. Où la garnison de Suisses qui occupait la ville accepta de capituler et de la livrer au Marquis del Vasto à condition d’avoir « Vies et bagues sauves », mais le condottiere ne respecta pas sa parole et grand nombre de ces mercenaires fut occis en cette occasion. Cf. Scipion Dupleix, Histoire Générale de France…, p. 435 et Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 93. Voir aussi le témoignage de Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 225 : « Les François et les Suisses qui poursuivirent leur victoire un grand mille mettoient au fil de l’espée tout ce qu’ils trouvoient devant eux, specialement les Suisses, lesquels estoient irritez pour la mauvaise guerre que les Imperiaux leur avoient faicte au Montdevis » ; ainsi que celui de Paul Jove ; Delle istorie del suo tempo…, p. 366.
  220. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 163.
  221. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 224-225.
  222. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 226. L’auteur émet ici une hypothèse sur la manière dont se serait déroulé le combat si le corps des Gruériens qui combattait pour l’armée française n’avait pas fui. Les mêmes termes reviennent dans le compte rendu qu’en fait Dupleix dans son Histoire Générale de France…, p. 441 : « Quant au Marquis du Guast voiant la route de ses Lansknets il prit quatre cens chevaux, & ce qui se rallia encore en chemin avec luy, & sans attendre l’issuë de la Bataille piqua fuyant à toute bride droit à Ast ; où on luy ferma les portes, suivant ce que luy-mesme avoit ordonné, s’il ne retournoit victorieux des François ; & par cet affront il porta la honte de sa vanité, & fut contraint de passer outre, & de prendre le chemin de Milan ».
  223. Utilisé à l’époque de Napoléon Ier, le terme de « généralissime », titre conféré au chef suprême des armées en temps de guerre, est attesté en France dans les dictionnaires depuis 1558. La bataille de Cérisoles ayant eu lieu en 1544, l’erreur chronologique dans l’utilisation de ce vocable est minime parce que l’emprunt du français s’est fait aussi bien à partir du latin « generalissimus » que, justement à cause des guerres dans la Péninsule, de l’italien « generalissimo ».
  224. Delle Istorie del suo tempo…, p. 377 : « Car, contrairement à ce qu’il avait coutume de faire, on dit qu’il n’avait pas porté sa soubreveste de Capitaine Général, mais une casaque noire et quelconque, de manière à ne pas être reconnu facilement ».
  225. Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 167 : « À laquelle moururent de douze à quinze mil hommes des ennemis. Le gain fust grand, tant pour les prisonniers que pour le bagage, qui estoi beau et riche ». Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 228 fournissent les mêmes nombres. Paul Jove lui aussi parle d’environ douze mille hommes et évoque des pertes conséquentes pour l’armée française également. Cf. Delle Istorie del suo tempo…, p. 377 bis.
  226. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 227 : « Monseigneur d’Anguien […] ordonna de sçavoir le nombre des ennemis prisonniers, lesquels […] se trouverent deux mille cinq cens vingt Allemans, entre autres le seigneur Alisprand de Mandruce, frere du cardinal de Trente, qui fut trouvé parmy les morts, blessé en plusieurs endroits de son corps, toutefois il fut porté à Turin où il fut guary ». Voir aussi Blaise de Monluc, Commentaires…, p. 163.
  227. Lettere, I, CXLVII, p. 269-270 ; CLII, p. 278-179 ; CLV, p. 283-285.
  228. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 226-227.
  229. Lettere, I, CLV, p. 283-289 : « Appresso voglio che sappiate, che dalle dodici ore che cominciò la scaramuzza fra l’un campo e l’altro fino alle dicesette, che si attaccò la battaglia, il Sig. Marchese, per non debilitare lo squadrone degli Spagnuoli e per non essere gli Alamanni atti alla scaramuzza, si servì de gli Italiani, come di gente più abile a questo e poco abile al combattere, per essere disarmati, di maniera che avendo rinforzata la scaramuzza più volte e in più luoghi, e massimamente per difendere certe case sovra un colle che [i] Francesi procuravano di pigliare, al tempo che si cominciò a combattere, tutti gli archibugieri si trovarono sbandati. E quanto sia difficile, anzi impossibile, poi che una volta si son sbandati, di ritirarli alle insegne et ispezialmente essendo per principiarsi la battaglia, ogni uno che ha esperienza delle cose della guerra, lo può giudicare ».
  230. Ibid., p. 283-289 : « toute personne saine d’esprit », « toute personne ayant l’expérience des choses de la guerre ».
  231. Lettere, I, CLV, p. 283-289 : « Pour ces raisons non apparentes mais bien réelles, non point dictées par la passion, mais par la vérité, toute personne saine d’esprit comprendra que le seigneur marquis n’a rien perdu de sa réputation lors de ce sinistre accident […]. À présent, pour répondre à certains – peut-être ennemis de notre nation – qui, plutôt mus par la passion et par la jalousie que par la raison, blâment les Italiens et par conséquent le prince notre seigneur […], j’affirme que je ne saurais croire que quelques-uns de ceux qui se sont retrouvés dans cette bataille aient l’audace de le critiquer. Et quand bien même y en aurait-il quelques-uns, ils disent cela parce qu’ils sont mus ou par quelque sombre jalousie ou par une manifeste ignorance. […]. Ceux qui ne savent jusqu’à quel point on a tort de le blâmer et combien on devrait complimenter ce chevalier [le prince de Salerne] doivent être totalement dépourvus d’entendement et de discernement et emplis de jalousie et de malveillance ».
  232. Lettere, I, CXLVII, p. 269 : « I successi della guerra […] furono in ogni tempo dubbiosi, né fu mai si prudente, né si valoroso capitano che d’una battaglia si potesse promettere certa vittoria, nella quale ha il più delle volte maggior parte la fortuna che la virtù ».
  233. Lettere, I, CXLVII, p. 269-272 : « Né mi pare, che sia obligato a più, salvo se la colpa della viltà de’ soldati non si dee chiamar sua. […]. In quel punto, la vittoria […] s’accompagnò con le schiere nemiche, conciosiacosa ché la battaglia de gli Alamanni […] essendosi rincontrata co i Guasconi […] al primo abbassar delle picche non pur s’incominciò a ritirare, ma a fuggire. La cavalleria […] non pure volse mostrar la fronte, ma nel fuggirsi fu per rovinar le nostre battaglie ».
  234. Lettere, I, CXLVII, p. 269-274 : « Quel poco corpo […] si difese valorosissimamente dall’impeto della cavalleria nemica […] senza alcun segno di timore, né di viltà, stettero sempre fermi e apparecchiati a combattere ». Paul Jove témoigne de leur valeur lorsqu’il parle des compagnies italiennes sous le commandement du prince : « La maggior parte erano di quelli archibugieri, i quali avezzi e invecchiati nelle perpetue fazioni della guerra di Piemonte, s’avevano acquistato opinione di valentissimi soldati », cf. Delle istorie del suo tempo…, p. 373.
  235. Delle Istorie del suo tempo…, p. 377 bis : « Le marquis abasourdi par la douleur de la déroute qui lui avait été infligée […] ne s’irritait publiquement contre personne et se plaignait seulement de la Fortune, mais il loua grandement le Seigneur Roldophe, réconfortait Lanoia, Prince de Sulmona […]. Loués étaient aussi les conseils du prince de Salerne et de César de Naples, qui en des circonstances si périlleuses et difficiles avaient sauvé les infanteries qui allaient être d’une grande utilité à l’Empereur pour défendre ses États et sa réputation ».
  236. Au demeurant tout à fait discutables, cf. Raffaele Colapietra, I Sanseverino di Salerno…, p. 141-145.
  237. Voir Lettere, I, XCIII, p. 167-170.
  238. Lettere, I, V, p. 25-27 ; XI, p. 36-38 et XIX, p. 50-51.
  239. Lettere, I, CCXLI, p. 419 : « Né dovrebbe volere che tanto potesse il favore e l’autorità de gli emuli miei, di quelli dico che apertamente mi lodano e occultamente me invidiano ».
  240. Lettere, I, CCXLI, p. 418-420 : « Puisque l’opinion des hommes est juge de notre blâme et de nos mérites, il nous est nécessaire de sacrifier à la vanité de l’écriture ».
  241. L’autre se situant en tout début de recueil, lorsque le courtisan joue le rôle d’ambassadeur de Guido Rangone à Pavie au moment de la célèbre bataille qui se conclut par la capture de François Ier.
  242. Jeanine Basso, « Quelques réflexions… », p. 44.
  243. Lettere, I, CXLV, p. 265 : « I Francesi abbandonarono Montechiaro, loco di molta importanza, fortissimo di sito, atto a difendersi, a porre il freno a tutto il Monferrato e a far loro di molto danno ».
  244. Martin et Guillaume Du Bellay, Mémoires, p. 197 : « Monseigneur d’Anguien, […] a raison que l’intention du Roy estoit de remettre entre ses mains Carignan qui luy estoit une espine en son pied, attendu qu’elle tenoit toute la plaine du Piemont en subjection, conclud y aller ».
  245. Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 658 : « The epistolary format was particularly well suited to satisfying their curiosity [des lecteurs], since personal letters are generally assumed to reveal the confidential thoughts and personallity quirks of prominent individuals as well as the details of notable occurrences ». Voir aussi Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 7. La citation s’applique aux personnalités connues en ce milieu de XVIe siècle, mais peut être élargie aux couches sociales les plus cultivées de la Péninsule.
  246. Lettere, II, CXCVIII, p. 636-640 : « Je regrette de ne pas avoir encore terminée et corrigée l’histoire que j’ai dans l’esprit d’écrire ».
  247. Lettere, II, CXCVIII, p. 636-640 : « Bien qu’il y ait beaucoup d’historiens – je parle de ceux de notre époque – peu nombreux sont ceux qui ont dit, ou voulu dire, la vérité sur la façon dont les choses se sont passées, soit parce qu’ils ont été trompés par des informations erronées venant d’hommes à qui ils prêtaient foi […] soit pour d’autres raisons […] et moi, comme toute l’Italie le sait, depuis celles faites par feu le très estimable Charles Quint, empereur invincible, en Afrique et en Europe, j’ai personnellement pris part à presque toutes les guerres ».
  248. Ce sont les lettres CXLIII, p. 262-263 ; CXLV, p. 264-265 ; CXLVI, p. 264-266 ; CLII, p. 278-281 ; CLIII, p. 282-283 ; et CLV, p. 283-289.
  249. Ce sont les lettres CCLXIII, p. 446-447 ; CCLXIV, p. 447 ; CCXXXII, p. 406-407 ; CCXXXIII, p. 407-408.
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Pessac
Livre
EAN html : 9791030008227
ISBN html : 979-10-300-0822-7
ISBN pdf : 979-10-300-0810-4
ISSN : 2743-7639
44 p.
Code CLIL : 3387; 4024 ; 3345
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Comment citer

Fratani, Dominique, « Le poids de l’histoire et les multiples fonctions d’un humaniste », in : Fratani, Dominique, Virtù et Servitù : Bernardo Tasso ou les tribulations d’un humaniste du XVIe siècle, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, collection S@voirs humanistes 3, 2023, 123-166 [en ligne] https://una-editions.fr/le-poids-de-lhistoire-et-les-multiples-fonctions-dun-humaniste/ [consulté le 07/12/2023].
10.46608/savoirshumanistes3.9791030008227.7
Illustration de couverture • Portrait d'un gentilhomme à la lettre, Moretto da Brescia, Pinacothèque Tosio Martinengo – Brescia.
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