La plupart des livres d’auteurs comme des anthologies de textes épistolaires se définissent par la variété, la pluralité des sujets abordés, en organisant leur matière par chapitres. Les recueils du Tasse sont également représentatifs de ce polymorphisme littéraire, à cela près que, par rapport aux autres volumes de lettres, généralement ordonnés selon des critères chronologiques ou selon les destinataires1, ou encore par « materie », le sien se partage entre lettres écrites pour son propre compte et celles écrites pour le compte d’autrui. Il serait pour lors tentant de se livrer à une bipartition du recueil entre correspondance liée à l’otium du poète et courrier relatif au negotium du courtisan, entre lettere familiari2 et lettres professionnelles, mais un survol même superficiel du volume permet d’entrevoir la difficulté qu’il y aurait à établir pareille articulation. De fait, outre qu’une partie des missives rédigées en son nom le sont à destination de ses mécènes (à l’exception de la duchesse d’Este qui, à deux allusions près, n’a laissé aucune trace dans son œuvre3) ou de quelque puissant personnage, donc dans le cadre de ses « obligations de service » pour ainsi dire, il existe aussi nombre de lettres de négoce dans lesquelles le Bergamasque fait état de ses affaires privées, voire de ses intérêts économiques et financiers, introduisant de la sorte au sein du genre épistolaire une typologie jusque-là peu courante.
Le volume de 1549-15594 accueille des lettres dites « familières » dans une volonté semblable à celle de Bembo de s’ouvrir à la plus grande variété possible des matières et des styles pourvu que l’écriture soit soignée, en dépit du refus de cette même catégorie prôné par bien des écrivains, en commençant par Sperone Speroni :
La stampa è cosa totalmente contraria alla profession che vuol fare una lettera famigliare, la quale a guisa di monaca o di donzella dee stare ascosa senza esser vista, se non a caso; et chi la mostra a bello studio trammuta lei dal suo essere naturale5.
En plus des lettres purement informatives et/ou de négoce, l’auteur semble vouloir parcourir toute la gamme des possibilités offertes par le genre et déploie son inventivité dans la production de missives aux contenus les plus divers, littéraires, diplomatiques ou politiques, historiques, familiaux, amicaux, de courtoisie, de remerciements, de recommandation, d’éducation, de réprimandes, de conseils, de consolation et ainsi de suite.
À la diversité des contenus fait pendant celle des destinataires qui appartiennent manifestement à des milieux parfois fort différents, de l’empereur au pape et au roi en passant par des membres de sa famille, des hommes de lettres, des aristocrates italiens ou espagnols, de nobles dames, des personnages haut placés de la cour française ou encore de simples inconnus, comme des amis ou des connaissances, dont certains faisaient partie du cercle des « spirituels »6. Souvent épurés de toute donnée clairement référentielle, ces courriers proposent plusieurs traitements d’un seul et même thème. Certains d’entre eux sont demeurés célèbres, comme celui sur l’éducation des enfants rédigé à l’intention de son épouse7, ou encore comme la description de Naples8, par exemple. Dans l’ensemble, à l’image des anthologies et des recueils parus à partir des années 1540, le Tasse semble s’inspirer du critère de la varietas, sans doute afin de rendre son ouvrage attractif. Son premier recueil est ainsi caractérisé par la richesse des typologies épistolaires qu’il contient, alors que le suivant exhibe jusqu’aux difficultés matérielles et financières dans lesquelles il se débat, réaffirmant par là sa volonté d’intégrer tous les matériaux possibles en les élevant au rang de produit littéraire digne de l’onor della stampa.
Il est pour lors délicat de fixer des points de repère stables à partir du contenu des lettres et on se limitera à tenir compte de leur bipartition formelle et de leur scansion chronologique. Cette dernière semble en effet gouverner le recueil, mais au sens large du terme, à savoir que les textes livrés à l’édition couvrent les années 1525-15499 et se présentent plutôt par blocs avec d’abord les lettres relatives au siège de Pavie, puis celles qui sont imputables au service du comte de Rangone avant que l’ouvrage ne prenne un aspect plus fragmentaire10. À l’intérieur de ces blocs semble toutefois se dessiner une partition thématique avec des groupes de lettres sur un même sujet, souvent à des dates proches, mais destinées à des personnes différentes. C’est ainsi que, traitant d’une seule et même situation, ces missives s’inscrivent parfois dans une succession rapprochée, comme les lettres politiques qui sont placées en début de recueil et se différencient nettement des autres en raison à la fois de leur contenu et de leur brièveté. Des relations historiques et diplomatiques réapparaissent à l’occasion de la guerre menée dans le Montferrat. Une même unité thématique – la ou les calomnies dont le secrétaire semble avoir été injustement victime auprès de son mécène – caractérise les lettres LXXVII à LXXX au Cavalier Tasso. D’autres livrent des variantes sur un seul motif, notamment les lettres de recommandation XXXIII à XXXV, ou les lettres de réprimande11, ou encore tous les textes amicaux des années 1542-1544 qui profitent de la pause que constitue le séjour sorrentin pour renouer avec des connaissances à la faveur de quelque évocation des beautés de Sorrente ou de Naples. Dans cette liste se comptent aussi les écrits des années 1545-1547 qui recouvrent à peu près la même fonction.
Au-delà de tout clivage arbitraire et tout en prenant bonne note de certaines incongruités – les protestations d’amitié envers Brocardo n’ont rien à faire parmi les comptes rendus du siège de Pavie – il faut donc observer que le classement des lettres n’obéit pas aux règles couramment admises à son époque, pas plus qu’il ne se plie à des critères bien définis, sauf peut-être à celui d’une chronologie globale.
Les lettres littéraires et amicales
La grande variété de formes des lettres dérive en partie de leur statut ambigu à mi-chemin entre instrument de communication et expression littéraire. Dans l’édition réalisée par Valgrisi, on compte ainsi nombre de textes consacrés à des œuvres littéraires, à des poésies, ou des épithalames, à la récusation des louanges émises à leur sujet, et ainsi de suite12. De la sorte, le poète-secrétaire s’inscrit pleinement au sein d’un courant d’échanges de compositions complémentaires aux envois de lettres très diffus à l’époque, comme le démontre l’adjonction de poésies dans certains livres de lettres de l’Arétin13. De nombreux écrits sont destinés à des érudits connus à Venise au moment de ses études. Bernardo les sollicite afin qu’ils procèdent à la correction de ses sonnets, élégies ou hymnes ou encore il les remercie pour les modifications ou le travail de finition effectués :
Io ho considerati gli avvertimenti che mandati m’avete sopra l’epitalamio mio, acuti, prudenti, degni certo del vostro pellegrino ingegno e della nostra amicizia. E perché conosciate che tali gli giudico, per confermare con li effetti le parole, io rassetterò tutti quei luoghi […] e procurerò di levarne tutto cio che gli potesse torre vaghezza, splendore e dignità, e vi giuro che più piacer m’hanno portato le riprensioni dell’epitalamio, che non mi portaron le lodi dell’inno, il quale non per altro m’è piaciuto che per esser stato lodato da voi14.
Ce processus de perfectionnement atteint son point culminant dans le volume publié en 1560 qui fait la part belle aux échanges relatifs à la composition de l’Amadis, même si la collaboration avec Sperone Speroni, son principal correcteur, semble bien avoir commencé au moment de la publication de ses premiers poèmes, si ce n’est pas avant. En témoignent ces lignes datées de 1534 :
Come povero bisognoso e desideroso di robba, a voi larghissimo e liberale manderò tutte le cose mie così ignude e incolte, come nascono dalla povertà dell’ingegno mio, sperando che le debbiate vestire e dar loro […] ornamento15.
Dans l’ensemble, cette correspondance (le recueil intègre également quelques réponses) accrédite l’idée que l’épistolier appartenait à une communauté d’intellectuels, qu’il fréquentait les lettrés les plus en vue de l’époque et que ses ouvrages explicitement conçus pour la divulgation étaient parfaitement dignes d’accéder à « l’onor della stampa ». Les fréquentes allusions à une véritable poétique épistolaire, qui parcourent notamment les dédicaces, montrent bien que le Tasse est parfaitement conscient de sa fonction comme des potentialités du libro di lettere et cela en dépit des protestations d’humilité éparses çà et là16.
Par lettres « littéraires », on entend aussi tous ces textes dans lesquels l’écriture tend vers une rédaction soignée. C’est le cas de ceux qui étaient destinés à ses amis lors des quelques périodes de sa vie où il disposa d’un peu de temps, comme entre 1542 et 1544 où, après une brouille passagère avec son protecteur, il obtint de ce dernier l’autorisation de se retirer à Sorrente pour se consacrer à ses études et à son roman chevaleresque. Cette pause d’un peu moins de deux ans dans ses fonctions de secrétaire est marquée par une production épistolaire particulièrement dense17, au cours de laquelle plusieurs écrits semblent avoir pour but de renouer les fils d’amitié qui s’étaient peut-être relâchés avec le temps. Il s’agit donc d’une période féconde en lettres que l’on pourrait définir amicales ou courtoises, dans lesquelles il se rappelle au bon souvenir de ses relations en recourant parfois au topos cicéronien selon lequel l’écriture permet d’annuler les distances et de maintenir l’amitié, voire de la renforcer, tout en échangeant quelques nouvelles. Nombre d’écrits renvoient ainsi à des liens tissés dans le passé18 et servent à exhiber un réseau de relations aussi riche que prestigieux. Entre 1542 et 1544, le Tasse rédigea de la sorte plus d’une douzaine de lettres et invita certains de ses amis à le rejoindre en leur vantant les beautés de Sorrente, dont il fait des descriptions enthousiastes19, qui constituent des morceaux d’anthologie et sont presque toujours au moins mentionnés lorsque l’on évoque, même succinctement, ses recueils épistolaires. Ainsi lettres littéraires et amicales en viennent parfois à se confondre. Aux antipodes des réactions rapides, presque à chaud, du début du recueil figure la lettre CXXI, écrite à et pour le compte de Giovanni Battista Peres sur Naples, ville que Bernardo connaissait bien pour y avoir séjourné à plusieurs reprises dès 1532 lors de son passage au service du prince de Salerne et où il choisit de se fixer avec toute sa famille en 1550-1551.
Soigneusement préparée par une recusatio face à l’ampleur de la tâche et à la grandeur des écrivains qui s’étaient déjà prêtés à l’exercice, suivie du topos de la diminutio personæ et d’une excusatio semblable à celle qui prélude à l’ouverture du volume20, toute la lettre, qui compte parmi les plus longues du recueil, n’est qu’un vibrant éloge des beautés de la ville :
Napoli illustrissima e magnifica città, esposta al mezzogiorno, su le falde, anzi in mezzo delle radici del monte di Sant’Ermo, d’Antignana, di Capimonte e d’alcuni altri piacevolissimi colli si riposa; l’onde mirando dell’imperioso Tirreno […], cinta donde si corca il sole e donde il freddo Borrea a noi ne viene, di verdi e di fruttifere colline, la cui faccia gratissima varietà adorna e rende bella; nelle quali con una perpetua primavera Zephiro e Clori di continuo si vanno diportando21.
Dans ces louanges, le courtisan n’a cure d’oublier ni la mer qui entoure la cité parthénopéenne, ni les îles, promontoires et autres lieux célèbres qui lui font couronne, dans ce même style orné de suggestions arcadiennes, probablement empruntées à Sannazzaro, que l’on rencontre dans les descriptions de Sorrente :
Al cui fianco [di Pausilippo] da brevissimo seno di mare divisa si vede Gnisida, che non lungi Misseno sospira ardentemente. Che dirò d’Ischia, di Procida, di Capri, de gli scogli de le Sirene […] e de gli altri dilettosi luoghi che a guisa d’amphiteatro cingono questa più bella parte di tutto l’Imperio del gran Tirreno […] Che dirò di Pozzuolo, i cui tempi, i mausolei, i palagi, i teatri […] della grandezza e antichità e eccellenza sua aperto testimonio al mondo fanno? […] E perché Averno a dietro lascio e Baia e Cuma, albergo della Sibilla e tante altre cose di maraviglia degne e di stupore, se ogniuno di questi, per darli convenevole loda, da se stesso lunga istoria meriterebbe?22
Ses propos sur la beauté de la ville et de ses alentours relèvent de la topique de l’éloge des sites.
À cette dimension géographique, à cette description d’un locus amœnus, il adjoint une évocation historique, voire culturelle, des grands hommes de l’Antiquité ayant séjourné ou vécu à Naples :
Gli antichi famosi […] a viverci tranquillamente gli ultimi anni della loro estrema vecchiezza solevano venire, della qual cosa e gli orti di Lucullo e la bellissima villa di Cicerone e tanti altri edifici dall’ira del mare e dalla rabbia del tempo consumati e così fede ne fanno. […] V’abitò per alcun tempo Orazio, v’abitò Livio, e Plinio troppo ardito e desideroso di veder le fiamme di Vesuvio, vi lasciò la vita23.
Après avoir sacrifié sur l’autel de l’Antiquité classique, il célèbre en termes dithyrambiques la configuration et l’architecture de la ville :
Né meno che di sito e di cielo, è di corpo bellissima questa città; piena di palagi signorili, di tempi superbi, di piazze spaziose, di strade ampie e dirittissime, di porte reali e magnifiche, di mura forti e inespugnabili, di porto da tutte le marine tempeste difeso e securo, abondantissima d’acque che caggiono di cielo e di fontane vive24.
Dans ce texte rédigé dans les années 1542-1544, donc avant les événements tragiques de 1547, le courtisan n’hésite pas à célébrer l’autorité espagnole en la personne de Don Pedro de Tolède, lorsqu’il évoque la réforme urbaine de Naples :
Torto certo farei all’infinita virtù dell’Eccellentissimo Signor Don Pietro di Tolledo, al presente Vicerè di questo regno, s’io non dicessi il molto studio e le continue spese fatte per renderla al pari di tutte le altre bella e riguardevole; come le fontane […], il Parco, le Castella di Capuana e di Sant’Ermo, […] la novamente [strada] ad onore eterno di Sua Eccellenza nominata di Tolledo, e tutte le altre […] della sua virtù fede faranno alla posterità25.
Pour poursuivre cet hommage, il se tourne aussi vers les habitants en décrétant que, dans le passé comme dans le présent :
Quasi come per singolar dono del cielo, uomini rari e eccellenti ha la natura generati26.
Puis il glorifie toutes les couches de la société, les hommes aussi bien que les femmes qu’il définit : « belle […] d’animo e di corpo »27, avant de conclure en recourant à nouveau au topos de la diminutio personæ28.
Une première ébauche de ce type de correspondance se rencontrait déjà dans la lettre écrite à Marc’Antonio da Mula, où la célébration de la douceur et de l’aménité du lieu était tissée sur un canevas de « délices » poétiques et mythologiques, sans toutefois parvenir à la complétude de la représentation de Naples :
Ella [Sorrento] è dal seno d’un piacevolissimo mare da Napoli divisa; la quale sovra un alto colle sedendo, quasi vaga che ognuno rimiri le bellezze sue, si mostra a’ riguardanti, dove par che la natura più larga e più liberale che in verun altro luogo del mondo stata sia di renderla bella e dilettevole si sia affaticata. La delicatura e novità dei suoi frutti, la varietà e eccellenza dei suoi vini, la bontà e quantità de’ suoi pesci, la tenerezza e perfezione delle sue carni è oltre ogni umano desiderio degna di commendazione e di maraviglia. L’aere è sì sereno, sì temperato, sì salutifero, sì vitale, che gli uomini che senza provare altro cielo ci vivono, sono quasi immortali29.
Le lecteur est ici confronté à des écrits rhétoriquement et stylistiquement très élaborés qui impliquent également, ne serait-ce que par leurs dimensions inhabituelles, la volonté de composer une œuvre digne de rivaliser avec les meilleures productions de l’époque en matière de description. Le Tasse anticipe ainsi sur la tendance, qui se dessinera plus tardivement dans les anthologies, à introduire des lettres qui peignent des villes ou des contrées30, à transformer des descriptions en objets littéraires. L’éloge de Naples, défini comme le plus inspiré de la prose tassienne et comme l’une des meilleures peintures de la capitale du Royaume au XVIe siècle31, laisse entrevoir son rapport avec la tradition poétique parthénopéenne32 et témoigne de sa fréquentation des hommes de lettres napolitains33 comme de celle des cénacles cultivés où il était accueilli34.
On peut compter au nombre des productions littéraires un véritable texte d’anthologie qui, s’il y en avait davantage, relèverait peut-être d’une autre catégorie, celle des lettres apologétiques35. En décembre 1547, Bernardo écrit d’Augsbourg à son ami Claudio Tolomei pour louer la parution de son recueil épistolaire. Mutatis mutandis, on retrouve dans cet éloge la même présentation très structurée et ornée de métaphores et de comparaisons que celle des dédicaces ou d’autres textes comme les descriptions idylliques de Naples ou de Sorrente, qui sont manifestement destinées à impressionner les lecteurs et à affirmer l’appartenance de leur auteur à la communauté des lettrés.
D’autres textes conservent eux aussi des traces de la virtuosité du poète-courtisan dans le maniement des figures de style et, en particulier, dans celui de la métaphore dont les dédicaces offrent un échantillon significatif. Le topos le plus fréquemment utilisé dans sa production épistolaire, principalement dans le deuxième volume, au point de constituer un leit-motiv de sa conception de l’existence, est sans aucun doute celui de la vie perçue comme une tempête, contre laquelle faibles sont les moyens de lutter. L’image d’une frêle nef battue par les vents et les flots est inspirée de celle que Horace avait appliquée à la république romaine36 et renvoie en l’occurrence à l’existence tumultueuse du Tasse lui-même37 :
È altro questa misera vita nostra che uno mare di continuo irato e tempestoso, pieno di scogli […], nel quale da contrari e impetuosi venti da le mondane adversità è di continuo travagliata la fragile e disarmata nave carica de’ nostri desideri e de le nostre speranze?38
Au-delà de cette allégorie répétitive, une des analogies auxquelles le Tasse recourt régulièrement est celle qui met en scène un médecin avisé39 :
Né senza cagione gli antichi la poesia alla pittura assimigliarono […]; volendo darci ad intendere […] che il poema […] sotto alcuno favoloso velame e misterio, con chiari raggi di parole e con lucidissimi lumi di sentenze qualche profittevole ammaestramento nascondere. E in questo modo insegnar parimente e dilettare gli animi de gli ascoltanti, a guisa di discreto medico, il quale spesse volte, sotto una picciola coperta di dolcezza, l’amaro della medicina nascondendo e il gusto ingannando de gli infermi, quelli conforta e rende sani40.
Elle tire son origine du De Rerum Natura de Lucrèce et en particulier de la déclaration de poétique des vers I, 935-949 :
Quand les médecins veulent donner aux enfants
l’absinthe rebutante, auparavant ils enduisent
les bords de la coupe d’un miel doux et blond
pour que cet âge étourdi, tout au plaisir des lèvres,
avale en même temps l’amère gorgée d’absinthe […].
Et moi, dont la doctrine paraît d’ordinaire
trop amère à qui ne l’a point pratiquée, odieuse
au vulgaire qui la fuit, de même j’ai voulu
l’exposer dans la langue harmonieuse des Muses.
La récurrence de cette réminiscence lucrécienne va au-delà de la simple exhibition d’une culture classique, car par sa finalité elle témoigne de la sensibilité de notre auteur à une poésie tournée vers un but didactique, ainsi que le contexte religieux de la Réforme et de la Contre-Réforme en gestation y incitait, et lui permet de prendre position dans le débat de son époque sur le rôle du poète dans la société. À l’inverse des auteurs chrétiens qui la fustigeaient, en la considérant comme un facteur de corruption41, le Tasse se préoccupe de défendre, voire d’exalter dans son Ragionamento sulla poesia, la poésie et ceux qui la pratiquent et la tonalité de plusieurs de ses lettres se ressent de son activité lyrique.
Cette démarche à la fois littéraire et amicale reparaît dans une dizaine de textes rédigés en 1544, vers la fin de la campagne du Montferrat, alors qu’il s’apprêtait à rentrer à Naples42. Ceux-ci présentent fréquemment une même introduction fondée sur le thème de l’amitié et des excuses pour la négligence qui a amené le Tasse à ne pas écrire pendant un certain temps. Il y prodigue à l’intéressé l’assurance de ses sentiments et de son dévouement. L’ordre des termes peut être inversé, comme il peut parfois s’inquiéter du silence épistolaire de certaines de ses connaissances mais dans l’ensemble, il brode autour du thème de l’amitié négligée en recourant volontiers au topos de l’excusatio. Quelques-uns contiennent des informations de type historique, comme le retour en grâce du neveu de Charles Quint43 :
Che v’avrei io potuto scrivere che nuovo vi fusse, avendo voi […] inteso la colera di Sua Maestà contra il principe, non pur mitigata, ma spenta? e che ha convertita la pena e’l castigo, che già minacciava, in tanti favori e tante grazie?44
Un peu plus tard, Bernardo insère à nouveau dans de son recueil une autre série de neuf lettres amicales datées des années 1545-154745, puis quelques-unes, moins nombreuses, sont disséminées dans la dernière partie de l’ouvrage. Toutes semblent avoir en commun son désir d’abandonner les devoirs de sa charge pour se réfugier dans l’otium de la littérature à partager avec un cercle d’amis et de connaissances et certaines se font l’écho de ses aspirations. Celle qui est envoyée à Bernardino Sarresale en particulier semble dessiner en creux son idéal de félicité, loin de tout ce qui fait alors son quotidien :
Beato voi, che in quella nobile povertà, tutto il lungo giorno in onesti esercizi et dolcissimi diporti et la notte in continua e riposata quiete vi trapassate […] senza andar a guisa di peregrino questa et quella parte del mondo con tanti incommodi et con tante fatiche ricercando; senza cercar di polvere carco, di sudore et talora di sangue, nelle perigliose battaglie di trovare la vostra ventura, contento nella vostra picciola, ma ben disposta et ben ordinata casa, vi godete […] vita felice et riposata […]. Misero, che quanto più conosco la vosta felicità, tanto più conosco le miserie46.
Le retour régulier de toutes ces lettres amicales – on n’en dénombre pas moins d’une cinquantaine47 sur un total de deux cent quinze lettres libellées en son nom, soit presque un quart du total de ses écrits personnels – scande en quelque sorte le recueil et dénote une volonté de construire un ouvrage partiellement destiné à la communauté des hommes de lettres dont la notoriété joue en quelque sorte le rôle de garant de sa propre valeur.
Les lettres familiales
Les lettres familiales, qui sont vraisemblablement inspirées des Lettres familières de Cicéron48 ou de leur reprise par Pétrarque49, contiennent un enseignement moral destiné à un proche et ponctuent les échanges épistolaires du courtisan. Elles sont destinées à sa fille Cornelia, à Giangiacomo Tasso son cousin, à Onofrio Correale son beau-frère, ou encore à sa sœur, Donna Affra de’ Tassi. Bernardo peut s’y limiter à donner de ses nouvelles comme offrir des conseils ou encore discuter de problèmes qui le touchent. Ces allusions à sa famille se rencontrent notamment dans les lettres imputables à son séjour sorrentin, où il ne manque pas de mentionner son amour pour son épouse et sa fille :
Io ho la mia prima figliuolina bellissima (se l’affezione paterna il giudizio non mi toglie), la quale con molti lumi di virtù e d’ingegno mi dà speranza di grandissima consolazione. Questa, dopo la madre, è tutta l’anima mia e tutto il mio bene50.
Il semblerait qu’en dépit de quelques soucis financiers, le courtisan ait vécu de véritables moments de paix et de bonheur dont témoigne notamment une lettre à Francesco della Torre :
Del corpo (la Dio mercè) son sano, dell’animo sanissimo; poiché né ambizione di vani onori, né cupidità d’umane ricchezze non albergano con esso meco; dei beni della fortuna mediocramente abbondante, con la compagnia d’una nobilissima e onorata moglie; con una bellissima figliuolina, non senza speranza di figlioli maschi che perpetuino la memoria della casa mia; e così […] quanto si può in questo da ogni parte tempestoso secolo lieto mi vivo51.
Un de ses textes les plus célèbres, fréquemment édité et réédité à part appartient précisément à cette typologie. Il fut envoyé à Porzia de’ Rossi alors que Bernardo était parti à la cour impériale pour y rejoindre Ferrante Sanseverino. Outre les renseignements qu’il apporte sur l’affection que le poète vouait à sa famille, son principal intérêt réside dans ses conseils sur l’éducation des enfants qui le transforment en véritable dissertation pédagogique. Comprenant non moins de huit pages et deux cent dix-sept lignes52, le texte s’articule en plusieurs moments, dont une introduction dans laquelle sont évoqués le thème de l’absence et celui de l’amour conjugal, avant que soit annoncé son véritable sujet :
Sappiate in questo mezzo come disciplinare i vostri cari figliuolini […] poi che l’isperienza per la giovane età non v’ha ancora insegnato ad educarli, vi darò alcuni documenti […], coi quali governandovi, sarete certa di poter (con la grazia di Dio) riposare la vostra onorata vecchiezza nel seno della loro virtuosa gioventù53.
Cet exorde est suivi d’une première partie destinée à convaincre de la nécessité d’une éducation vertueuse, par le biais de deux métaphores qui se complètent, l’une tirée de l’exemple de la terre qui d’improductive devient fertile si on la cultive et l’autre qui compare un jeune arbre au corps et au cerveau d’un enfant :
Perché sì come non è terra sì aspra, sì dura, e sì infeconda la quale colta non divenga subito molle, fertile e buona […], così non è ingegno di natura rustico e rozzo, che con una lunga e buona instituzione e disciplina non si faccia gentile e docile […]. Sì come nella tenera scorza d’un giovane arbuscello, le picciole lettere stampate e iscolpite crescono col tronco […], così questi documenti e esempi di virtù s’imprimono e pigliano tanto vigore […] nell’animo del fanciullo che non n’escono giamai54.
Dans un deuxième moment de la lettre, du cas général, Bernardo passe à celui de sa fille Cornelia, en insistant sur l’utilité de lui inculquer les bonnes mœurs :
Or, perché sappiate ciò che importi questa parola, costumi, vi dico che costume non è altro che, in tutte le cose che si dicono, servare una certa modestia e onestà e, in quelle che si fanno un certo ordine e un certo modo atto e conveniente e risplenda quella dignità e quel decoro che, non solamente gli occhi e gli animi de’prudenti, ma de gli imprudenti ancora diletti e muova a meraviglia55.
Dans un troisième temps, il prône l’efficacité de l’exemple que constitue le comportement des parents pour l’enfant, car celui-ci les observe attentivement :
Subito che comincia con puerili pensieri a discorrere […] rivolge e affissa gli occhi e gli orecchi nel padre e nella madre e mira e osserva con grandissima attenzione tutto ciò che essi fanno o dicono56.
Ornée de comparaisons et de métaphores, cette lettre expose les précautions à prendre afin qu’un jeune esprit grandisse de manière à être heureux en ce monde et bienheureux dans l’autre. Pour ce faire, le pédagogue prend soin d’énumérer les erreurs à éviter, depuis la fréquentation des lieux et des personnes – « non gli menate in alcuna casa ove non sia una gentile e casta creanza »57 –, jusqu’à la sévérité suffisante mais non excessive à observer à son égard. Il convient selon lui de savoir naviguer entre des écueils aussi contraires qu’une trop grande indulgence ou une trop grande sévérité :
E avvertite di non cadere in quell’errore nel quale caggiono la più parte delle altre madri; le quali con la troppa indulgenza […] corrompono i costumi loro […]. Non dico per questo che debbiate correre per quello estremo del timore né delle battiture, anzi biasimo quelli che battono i figliuoli58.
La medietas souhaitée rappelle ce juste milieu que prêche Aristote dans l’Éthique à Nicomaque et qui constitue aussi un idéal des satires depuis Horace jusqu’à l’Arioste et au-delà. La conclusion récapitule le but recherché, à savoir faire de Cornelia une « virtuosa vergine » et témoigne de la volonté affichée de son père de rédiger des morceaux d’anthologie qui illustrent ses théories éducatives et sa volonté patente de proposer son recueil comme un modèle de moralité.
Toute cette lettre se révèle particulièrement intéressante, dans la mesure où une tonalité moralisatrice s’y déploie amplement et qu’elle témoigne de la sentenziosità59 globale du recueil. Par sa longueur, par le style élevé qui y domine comme par son but vertueux, elle se lit comme un petit traité pédagogique où le Tasse se conforme au stéréotype que l’Église de la Contre-Réforme diffuse amplement dans la société italienne, selon lequel la femme doit exercer une fonction didactique vis-à-vis de ses enfants60. Nul doute que, au moment de l’édition de l’ouvrage, il n’ait choisi, voire amélioré, ce texte en vue de la portée qu’il pourrait avoir auprès de son public. Après maints écrits où il s’attribue le rôle de conseiller politique, mais aussi de guide moral de son protecteur et en une période qui s’annonce dense de troubles futurs, ces pages dépassent manifestement les limites de l’éducation enfantine. Dans un contexte littéraire propice à la trattatistica, il entend sans doute renforcer son image de bon citoyen et de bon chrétien, amant de la medietas, capable d’élaborer un projet éducatif et a fortiori de servir de mentor à quelque seigneur. Ce petit traité confirme la vocation souvent didactique et moralisatrice du recueil de 1549-1559 et participe donc à l’opération de relance qui sous-tend sa parution. Sa fréquente réédition à part prouve au demeurant que le but fut bien atteint.
Bien que située avant celle à Porzia puisqu’elle porte le numéro LV, la lettre à Cornelia est nettement postérieure, puisqu’elle évoque un prochain mariage éventuel de la jeune fille qui se trouve alors dans un couvent. Elle pose un véritable problème de datation car, si elle est bien partie de Naples – et on ne voit pas pourquoi le Tasse aurait modifié le lieu de provenance dans une lettre familiale – à destination de Salerne, elle a nécessairement été rédigée avant le mois de mars 1552. En effet, à cette date la nouvelle de la volte-face du prince était parvenue dans la cité parthénopéenne et Bernardo avait déjà quitté la ville en 1551. À ce moment-là Cornelia est effectivement presque en âge d’être mariée – née en 1536 ou 1537, elle a entre quinze et seize ans – mais l’allusion à une union désirée par sa belle-famille61 semblerait plutôt renvoyer à la période où le courtisan était déjà en exil. Son éloignement est au demeurant mentionné de façon tout à fait explicite :
Renditi certa che, sì come il pensiero e la speranza di ritornare tosto a rivederti mi porgevano consolazione, così gli impedimenti che lo mi hanno vietato e lo mi vietano, mi danno fastidio. E che quanti piaceri la vista, le parole tue e il viversi teco a tuo padre donavano, tante di noie e d’affanni gli porta la tua lontananza62.
Le problème du lieu de départ de cette lettre ou de sa datation reste donc entier, car si certains de ses passages peuvent encore s’expliquer par une véritable confiance en son avenir63, l’un des deux éléments connotatifs est vraisemblablement erroné. Ou cette lettre a été écrite de Naples avant 1552 et cela semble un peu tôt pour marier une jeune fille, ou elle a été rédigée vers la quinzième année de Cornelia et ne peut donc avoir été expédiée de la cité parthénopéenne. Quoi qu’il en soit, elle fournit au « famoso padre » l’occasion de soigner son image d’homme que guide la seule vertu et non son intérêt en recourant à une formulation efficace pour définir les critères qui guideront son choix d’un gendre : « Et rendeti certa che io cercherò sempre di darti uomo che più tosto abbia bisogno di robba, che robba che abbia di mestieri di uomo »64. C’est une vertu qu’il souhaite justement transmettre à sa fille par le biais de l’éducation et de la culture que peuvent lui inculquer les dignes religieuses auprès desquelles elle réside à Salerne.
Au-delà des recommandations d’un père à son enfant, l’ostentation de cette moralité contribue à la construction d’un autoportrait d’homme vertueux, craignant Dieu et, si on en croit le prélude à son discours à Cornelia, raisonnable, patient et fidèle serviteur. En bref, un homme de bien. La lettre se situe ainsi la lignée de celle à Porzia et poursuit sans doute les mêmes objectifs.
Dans une autre lettre familiale, le Tasse s’adresse à un interlocuteur inconnu, peut-être un de ses beaux-frères65 – mais compte tenu des liens d’amitié qui l’unissaient à lui, pas à Onofrio Correale66 – pour rejeter une demande qui aurait eu pour effet de dépouiller Cornelia, voire Torquato67, au bénéfice de jeunes gens de la famille de Porzia :
Non potete […] l’utile de’ vostri fratelli procurare, che non procuriate la perdita mia; e io tanto più di procurare il pro de’ miei figliuoli che voi de’ vostri fratelli obligato sono, quanto è maggiore l’amore che’l padre a i figli che quello non è che il fratello al fratello è tenuto di portare […]. Però né onesto è che mi preghiate che io toglia a’ miei figliuoli le loro facultà per darle a’ vostri fratelli, né alle mie povere fortune il compiacervi si richiede68.
Grâce en partie à la lettre suivante, on comprend qu’il évoque la question de la dot de son épouse que la belle-famille gardait par devers elle. Les termes qui reviennent affichent leur sens moral et font de l’écrivain une description avantageuse qui s’oppose à celle, que l’on devine au fil des lignes, de son destinataire.
Les lettres de reproches
Sans être marqué par la tonalité plus familière ni par la véhémence des récriminations qui parcourent le second, ce premier recueil épistolaire est fertile en critiques en particulier sur l’attitude des princes à l’égard du Tasse, qu’il s’agisse d’un manque de confiance en son discernement69 ou d’un (mauvais) parti pris en dépit des conseils qu’il a prodigués70.
Un cas de figure intéressant émerge de la lettre qui suit la reconnaissance de son innocence après des accusations qui avaient été émises à son encontre et qui avaient occasionné une période de brouille avec Ferrante Sanseverino en 1542. Le noble Napolitain aurait à tort prêté l’oreille à des calomnies sur son fidèle secrétaire71. Il s’agit certes d’un topos récurrent chez les épistoliers, en particulier dans le monde des cours, à cela près que l’épisode fournit l’occasion d’une longue admonestation72 qui oscille entre reproches pour la crédulité dont son mécène avait fait preuve et conseils sur le comportement à tenir en pareil cas. Tout en la récusant, l’introduction présente une forme d’excusatio qui renouvelle son affirmation de fidélité et souligne le caractère inusuel de l’écrit. Pour aborder le sujet proprement dit, le Tasse recourt à la métaphore du médecin prudent et avisé qui, en l’occurrence, soigne plutôt l’âme du patient73. Le corps de la lettre se divise en plusieurs parties dont la première retrace la chronologie des événements à l’origine de la discorde. Sommairement évoqués, les faits ne permettent pas de comprendre le fond du problème, mais laissent toutefois supposer que les attaques dont le secrétaire avait fait l’objet portaient sur l’exercice de son autorité au sein d’une chancellerie et sur les bénéfices qu’elle aurait pu lui rapporter. Vient ensuite un blâme tout à fait explicite du comportement du prince, rendu par la réitération du verbe « devoir » à l’impératif74. Ces temps verbaux sont complétés par des tournures hypothétiques plus modérées grâce auxquelles le secrétaire se défend par l’ostentation d’une morale en un certain sens sociale ante litteram :
Che posto caso che così vero fusse stato, come voi avete l’opposito veduto, ch’io avessi procurata grazia dalla Eccellentissima Signora Princ[ip]essa per questo e per quell’altro delinquente e con questo mezzo procacciatomi di molto utile, non era però sì grave peccato, ch’io non meritassi più tosto riprensione, che castigo […]. Peccato e veramente degno di pena, sarebbe stato se, corrotto io da premio, avessi fatto castigare l’innocente, venduta la ragione del povero, soffocate le scelerità del ricco e cose simili75.
Vers la fin de cette première partie, le ton se fait plus incisif et l’impératif est renforcé par la préposition « anzi » qui insiste sur le comportement à tenir en pareil cas. Une série de métaphores illustre son propos, à la manière des grands écrivains latins dont il se réclame à plusieurs reprises, mettant ainsi en évidence son intention de délivrer un message élaboré et soigneusement conçu. À la métaphore de la nourrice attentionnée76 succède celle du musicien : « Il musico le corde discordanti non subito rompe e gitta via, ma ora tirandole, ora allentandole le accorda all’armonia »77.
Les idées et les exemples choisis semblent faire écho aux formulations employées dans Le Courtisan78 et, tout en laissant deviner la haute opinion que le lettré a de lui-même et de sa fonction de modèle, cette prise de position, pour négative qu’elle soit, atteste son dévouement dépourvu de servilité vis-à-vis de son seigneur. Après les suggestions qui découlent de ce passage, deux nouvelles métaphores79 annoncent la péroraison, qui blâme l’attitude imprudente du prince : « Dovevate aprir le orecchie della prudenza e udire le parole della verità nuda e semplice »80.
La transition avec la partie suivante est constituée de quelques lignes dans lesquelles le Tasse se drape dans une position de dignité outragée81 qui laisse pressentir une nouvelle préoccupation. De fait, ce deuxième moment du texte traite de l’attribution d’une charge à un notaire qui n’est pas l’homme initialement choisi par le secrétaire. Sa crainte pour le discrédit qui en rejaillirait sur lui82 suscite une longue explication des motifs au nom desquels Sanseverino devrait suivre ses conseils. La tonalité sentencieuse du passage est ici accentuée par la teneur des propos par lesquels le secrétaire en appelle au bien public : « come fanno le Repubbliche ben institute »83, revendiquant ainsi implicitement un statut de conseiller, soucieux de l’ordre public et de la bonne gestion de l’État.
Un nouveau sujet de dissension occupe la fin de la lettre et concerne une somme de deux cents ducats qui auraient dû lui revenir et que le prince aurait eu l’intention de s’approprier. Le ton se fait alors plus agressif, voire véhément, et se montre tout juste compensé par l’évocation de la grandeur d’âme (supposée) du prince84 :
Che vogliate co i dugento ducati che n’ho avuti io, sovvenire alle vostre necessità, non mi può in alcun modo cader nella mente […]; perché eziandio che la necessità vostra sia grande, la grandezza dell’animo vostro è molto maggiore, e so che, potendo sovvenirmi col raffrenare un solo di tanti desideri che vi vengono l’anno, lo farete volentieri, che così merita la mia servitù e si richiede alla vostra magnanimità85.
Les accords moralisateurs du discours se déplacent du plan politique à celui de la vertu par l’évocation des qualités qui doivent ou devraient être celles d’un mécène averti. Une transition vers la conclusion est amenée par le rappel a contrario des loyaux services longtemps rendus et cela en dépit d’une excusatio à valeur plus rhétorique que réelle86. Ce texte à teneur polémique concerne à la fois le savoir-faire politique et le comportement individuel et tout en faisant écho à la série de « miroirs des princes » inaugurée par Pétrarque87, tend ainsi à mettre en évidence sur le théâtre du monde la fonction de mentor que le secrétaire paraît s’arroger au nom de sa « virtù » sous-entendue et de sa « servitù » maintes fois proclamée.
Quelques années et bien des missions plus tard, Bernardo revient sur les (trop nombreuses) activités auxquelles il a été contraint. Les déplorations qui s’accumulent sous sa plume laissent deviner sa réprobation envers une utilisation à la fois excessive et mal dirigée de sa fonction. L’évocation des services rendus, des voyages accomplis et du temps de sa vie qui s’est écoulé au détriment de l’otium littéraire constitue pratiquement un leit-motiv des lettres envoyées de Sorrente à partir de 154288. Parfois sa réprobation se fait tout à fait explicite comme dans la lettre XCIII à son protecteur :
E quali due più care e più preziose cose ho io potuto darvi che la salute del corpo, la qual (come sapete) ho di già perduta e il tempo, con undici anni della più bella e più utile mia età, i quali ho tolti a gli studi, alla reputazione e alla vita mia, e i quali in continue fatiche e travagli di corpo e di mente ho consumati?89
Dans cette même lettre, le courtisan formule en termes très clairs le rapport de service, de dépendance et de gratitude qui le lie au prince90 en insistant sur l’obligation de celui-ci, eu égard à sa réputation, de respecter sa parole en raison des nombreux bénéfices acquis grâce à son serviteur et de la fidélité, voire de l’amitié, que celui-ci lui a toujours témoignée :
L’amor, che non come servidore, ma come inamorato ad ogni ora v’ho portato e porto, la mia lunga servitù e i molti benefici che hanno di farvi procurato le fatiche mie, meritano molto maggiore premio che questo non è ch’io ho ricevuto da voi91.
Après ce rappel à un devoir de juste libéralité, il termine en insistant sur la gloire que les puissants peuvent espérer retirer des écrits de leurs protégés et n’hésite pas à clamer haut et fort la prédominance de la littérature sur le pouvoir politique en rappelant à son mécène que sa réputation actuelle et future dépend des louanges que lui ou d’autres tisseront :
Nondimeno niuna di quante liberalità avete usate vi può più onore recare che questa, che avete usata verso me. Questa sola non si chiude ne’ confini e ne’ termini del regno di Napoli, ma con l’ali della fama tutte le parti del mondo va ricercando […]. Di questa, non pur il testimonio degli scritti miei, che di poca auttorità sarebbe, ma di molti miei amici e di infiniti altri scrittori degni di reputazione e d’onore fede ne fanno e faranno alla posterità92.
Ce motif revient dans d’autres écrits où il sert à justifier quelque requête93. Parfaitement conscient donc de la modification du rapport entre l’écrivain et le pouvoir qui s’est produite avec la diffusion de l’imprimerie, le courtisan reprend en l’atténuant l’antienne de l’Arétin sur la nécessité pour un puissant de se montrer généreux envers les hommes de lettres.
D’autres reproches parcourent le recueil, parmi lesquels la lettre CCCVIII qui l’oppose à un ancien ami, Vincenzo Martelli, lui aussi au service de l’aristocrate napolitain. Au fil des lignes et des pages, le texte s’éloigne des préoccupations politiques qui sous-tendent son écriture pour acquérir une tonalité toujours plus personnelle, moralisante, voire sentencieuse94 qui débouche sur sa propre apologie :
Quanto a i beni dell’animo […] non ho che invidiarvi […]. Quanto a quelli della fortuna […] io ho sempre poco apprezzata la roba […]. Io non ho mai fatto professione se non di giovare agli uomini95.
Une même veine moralisatrice se développe également dans d’autres écrits réprobateurs. Dès la première partie du recueil, deux lettres successives à des dates non indiquées et difficiles à préciser, tout comme leur destination, sont consacrées à des réprimandes sur des sujets indéfinis. On peut imaginer qu’après avoir éliminé toute référence contextuelle trop claire, l’auteur livre à son lectorat une nouvelle variante du genre épistolaire. Ainsi, la lettre XXX est-elle des plus vagues :
Io vengo più tosto tirato dal desiderio del vostro onore e da l’amor ch’io vi porto che persuaso da la mia libera volontà, e96 fare questo ufficio di riprensione e a guisa di medico fedele, il quale non per desiderio d’offender l’infermo, ma di sanarlo, viene contra sua voglia ai rimedi violenti o del ferro o del fuoco […] la qual riprensione se vi gioverà, sommamente caro mi fia che per opera mia siate renduto sano97.
La suivante dont l’introduction reprend à peu de choses près les mêmes éléments98 contient des reproches plus détaillés :
Egli è ufficio non di umano, ma d’uomo impio e crudel di far quella professione che voi fate, procurando fare tormentare e morire gli uomini99.
Elle se termine sur la menace de retirer son amitié au destinataire si l’écrit n’atteint pas son but, à savoir :
Ritirarvi da questo sì vergognoso guadagno e ritornarvi alla solita reputazione e dignità100.
La mention de l’éloquence du personnage concerné interdit de reconnaître en lui un bourreau. Peut-être faut-il songer à un prédicateur ou à un inquisiteur, ce que certains accents religieux autoriseraient101, ou peut-être à un procureur :
E quella eloquenza che la natura ad universale beneficio e salute de’ viventi vi ha conceduta, in loro danno e in loro ruina convertire102.
Un peu plus loin, dans la lettre CXXIV adressée à Antonio Maria de’ Rossi, le secrétaire s’indigne du comportement d’un homme non autrement identifié mais manifestement âgé103 qui mène encore une vie dissolue et offense l’Église comme le Créateur en dilapidant les revenus d’une abbaye :
E mi duole sommamente, non tanto per lo danno che a voi ne può venire, quanto per l’offesa che egli fa alla chiesa di Dio, anzi al Creator nostro proprio, che l’entrate dell’Abazia di quella maniera vada distruggendo104.
Il incite son correspondant à recourir au truchement d’hommes d’autorité ou de foi pour que cesse l’outrage fait au Sauveur tout en préservant la réputation de sa vertu. Il ressort de ce passage que, outre sa réprobation affichée pour une vie non conforme aux bonnes mœurs, le Tasse semble très attaché au jugement de la société qui l’entoure pour lui comme pour ses semblables105. L’opinion d’autrui paraît gouverner nombre de ses conseils ou avis en matière de politique comme dans le domaine des affaires privées et il s’y réfère comme à une valeur absolue et aussi importante que sa propre conscience pour ses choix de comportement106. Ces lettres semblent vouloir illustrer un aspect de la moralité qui parcourt l’ensemble du recueil et ériger leur auteur en guide soucieux de l’éducation non seulement des princes mais aussi de ses proches.
Les consolatorie
Parmi les différentes typologies épistolaires recensées dans cet ouvrage initial, on compte également plusieurs consolatorie107 envoyées à des amis, pour des deuils certes, mais aussi pour des exils. Les enseignements du Tasse se déploient pleinement dans la lettre qu’il envoie à Anton Francesco degli Albizzi banni de Florence108 et dans celle à Bernardo Cappello qu’il exhorte à supporter avec résignation son éloignement de Venise. Dans cette dernière lettre, une série d’arguments est scandée par des interrogations rhétoriques, des reprises anaphoriques, de fréquentes comparaisons et des citations :
E chi non sa l’instabilità de’ mondani accidenti? e che dopo il sereno la pioggia; dopo la tranquillità, la tempesta; dopo il riso il pianto […]? Perché con l’esempio e compagnia di Cicerone, di Camillo, di Themistocle, d’Aristide e di tanti altri antichi famosi […], non addolcite l’assenzio della vostra avversità?109
Dans ces cas particuliers, au-delà des variations de rigueur sur un thème donné, plutôt formelles et rhétoriques, il semblerait que la notion de patrie recouvre pour l’expéditeur comme pour le destinataire de la lettre, une certaine importance. Or, si on en juge par son parcours biographique, Bernardo ne paraît pas avoir d’attaches particulières si ce n’est peut-être à la Sérénissime, dont il se proclame l’humble sujet. Il convient donc de se demander s’il ne fait pas là place à un des topoi en usage dans la classe des intellectuels courtisans à laquelle il appartient.
Les lettres suivantes concernent essentiellement un décès, comme celle qui est destinée à Onofrio Correale :
La ragione mi persuade alla consolazione, il senso m’invita alle lagrime […]. Per me ho tante cause da dolermi, quante erano le sue virtù, senza numero e senza fine. S’io voglio adunque dolermi per causa mia, dove per la sua mi debbo sommamente rallegrare, più tosto cupido e invidioso che amico e liberale sarò reputato110.
Une lettre à Americo Sanseverino présente un contenu très proche :
Se maggiore, onoratissimo Signor mio, è il guadagno che ha fatto la beata anima dell’illustrissimo vostro zio, che non è la perdita vostra, perché più non dovete rallegrarvi, che non avete preso di dolore? Certo il dovrete fare, se non vorrete usar più tosto ufficio di figliastro e d’invidioso che di figlio e d’amico111.
Il en va de même pour un autre écrit destiné à Andrea Cornaro :
Signore mio, ad un animo a tutte le umane avversità assuefatto, ad una mente […] come è la vostra, più del debito doler non si conviene […]. Et […] troverete che […] questa morte è stata principio d’un’altra vita tanto più bella e dilettevole, quanto più le cose eterne che terrene sono da desiderare […]. Se di queste cose vi dolete, certo non sarà alcuno di perfetto giudizio, che non dica che più tosto invidia che affezione a ciò vi muova112.
Dans l’ensemble, les coïncidences du contenu et de la forme – on retrouve les mêmes constructions qui vont d’un passage de déploration du décès à un long éloge mortuaire, puis à la nécessité de se consoler car le défunt jouit à présent de la béatitude céleste et a quitté cette vallée de larmes, avec l’élection d’un même registre lexical, et l’adoption de semblables arguments philosophiques113 – sont suffisamment nombreuses pour mettre en évidence l’exemplarité de ces textes qui semblent constituer autant de variations sur un thème tout en mettant l’accent sur une spiritualité, sinon intense, du moins bien réelle114.
Deux de ces consolatorie tranchent cependant sur l’uniformité du contenu des précédentes. Il s’agit des lettres CCCIII et CCCIV, situées à la fin du recueil et destinées respectivement à Andrea Doria et à Adam Centurione afin de les inviter à maîtriser leur douleur pour le décès de Giannetino Doria, héritier du premier et gendre du second. Ce jeune homme ayant été assassiné lors de la conjuration des Fieschi entre le 2 et le 3 janvier 1547, les lettres sont nécessairement postérieures à ces dates. Elles apparaissent toutes deux comme des exemples particulièrement remarquables de réserve diplomatique dans la mesure où, en un moment où ce complot mettait en émoi toutes les cours de la Péninsule, la cause de cette mort n’y est pas même mentionnée. Tout au plus, l’épistolier insiste-t-il sur le caractère prématuré de cette disparition en la définissant comme « acerbissima » :
E se immatura e acerba si può chiamare la morte di quelli, non che dati in preda alle delizie e a’ piaceri vivono oziosi, ma che con le loro valorose e pellegrine operazioni si vanno acquistando l’immortalità, acerbissima potremo nominare quella di questo cavaliero che […] con securo e invitto animo caminava alla gloria115.
L’acerba e crudelissima morte del Signore Giannettino, suo genero e mio amico, mi ha dato tanto dolore quanto meritava l’affezione ch’io gli portava e l’amicizia ch’io ho con Vostra Signoria116.
Quelques lettres évangélistes ?
L’expression d’un sentiment religieux
Dans ses consolatorie, comme ailleurs, Bernardo recourt parfois au terme de « pietà », dont la valeur chrétienne émerge dans des écrits adressés aux personnages les plus divers de son entourage familial, amical ou plus largement social, quand bien même le contexte ne semblerait pas l’imposer. De sa « virtù » laïque, il passe à cette « pietà » sans décalage marqué, comme si ce terme ne constituait au fond que la transposition sur le plan spirituel des valeurs morales véhiculées par le premier sur le plan social et comme si, là encore, l’expression de sa foi représentait le corollaire naturel, le pendant nécessaire de la « virtù » pratiquée et prônée dans le monde civil. Il apparaît pour lors difficile de scinder ce qui relève de l’expression d’un moralisme diffus de ce qui appartient au domaine de la religion, notamment dans l’emploi fréquent d’expressions à caractère religieux disséminées au sein d’un grand nombre de lettres117 qui n’ont valeur que de simples formules convenues. Toutefois, même s’il convient de ne pas leur accorder trop d’importance, il n’en demeure pas moins qu’elles parcourent tout le recueil et que, par leur retour presque obsessionnel, elles semblent confirmer une impression globale de corrélation entre la vertu affichée et une profonde adhésion au catholicisme. Bref, la vertu liée au moralisme, telle qu’elle est explicitée dans ces lettres, conduirait à la religion, à savoir au respect du culte, de la foi et de l’Église118. Il existe ainsi quelques écrits d’où un sentiment religieux se dégage assez nettement. Son expression peut apparaître plutôt conventionnelle, notamment dans des textes moralisateurs et didactiques tels que la longue lettre sur l’éducation des enfants destinée à Porzia. Outre la réitération de formules pieuses119, le premier souci du courtisan est que son épouse enseigne à leur fille l’amour de Dieu et il n’y a là rien que de très orthodoxe :
Però, poi che Cornelia nostra è omai uscita dell’infanzia […], è di mestieri che procuriate con tutte le forze vostre con ogni vostra diligenza d’imprimere nella pargoletta anima il nome, l’amore e i pensieri di lui [Dio] affine che impari ad amare e ad onorare colui dal quale riceve non solo la vita, ma tutti i beni e le grazie che possono fare l’uomo felice in questo mondo e beato nell’altro. Studiate medesimamente d’innestare nella tenera mente sua il timore di esso Dio; il timor dico non vile, non servile, il quale non piace alla Maestà Sua, ma quel nobile e gentile il quale stia ad ogni ora sì unito e sì congiunto con l’amore che non si possano in alcun modo dividere né separare. Perché da questi due fratelli così congiunti, così uniti ne nasce la religione120.
Plusieurs consolatorie se prêtent aussi à l’expression d’un sentiment approprié au sujet, mais elles s’avèrent d’un intérêt assez limité, car ne contenant guère plus que quelques formules topiques telles que : « gran bontà d’Iddio »121, « non so che consiglio mi pigliare se colui non m’aiuta che è somma potenza e somma bontà »122, « l’infinita liberalità del Signore », ou encore la « bontà del Signore »123. Elles appartiennent à une typologie bien définie et suffisamment répandue au sein du genre épistolaire pour figurer dans la plupart des recueils du XVIe siècle et autoriser en 1550 la parution d’un volume entier de lettres de réconfort124.
Une tonalité religieuse s’exprime aussi dans la déploration du triste état de la Péninsule dont la physionomie d’avant 1494 a été détruite et dont les structures politiques ont été gravement perturbées par les invasions françaises, le sac de Rome et les guerres entre François Ier et Charles Quint125. Le Tasse s’en émeut et lance un appel à la prière pour la paix en Europe qui n’est pas sans rappeler le dernier chapitre du Prince : « Pregate Nostro Signore che ponga pace fra prencipi christiani »126. Des allusions éparses aux malheurs qui frappent l’Italie émergent au fil des pages :
Le miserie di questo secolo che scompiglia e perturba tutte le cose del mondo […]. Lo stato di questo secolo è di qualità che ogni uomo misera reputa la sua condizione127.
Cependant, la morosité de ces déprécations est relativement courante en un siècle aussi tourmenté128 et, depuis les lamentations de Dante et de Pétrarque129 sur le sort de l’Italie, constitue pratiquement un topos.
Certains écrits moralisateurs destinés à conseiller son entourage comportent également des lignes à la gloire du Seigneur :
Il quale eziandio che sia somma giustizia è ancora somma clemenza e somma pietà e più tosto ci persuade al perdono che al castigo e più alla grazia che alla pena130.
D’autres passages de la même étoffe mais dépourvus de toute expression ou vocable propre au lexique de la religion131 montrent que la lettre assume ici une fonction moralisatrice et didactique destinée à édifier le lecteur selon un usage au demeurant assez fréquent en ce début de Contre-Réforme.
Malaise religieux ou évangélisme ?
Une fois écartées ces différentes manifestations de religiosité relativement conventionnelles, force est de constater que ces propos en côtoient d’autres dans lesquels s’exprime un malaise religieux dont la forme peut surprendre. Ainsi, pour reprendre l’exemple des lettres familiales, quand à l’occasion d’une lettre située dans le recueil avant celle qui est envoyée à son épouse, mais qui « chrono-logiquement » ne peut lui être que postérieure132, il s’adresse à sa fille, apparemment encore au couvent, le Tasse met l’accent sur la prépondérance de l’âme sur le corps, invitant implicitement Cornelia à préparer en ce monde sa vie dans l’au-delà et laissant de la sorte émerger une spiritualité qui détonne sur l’ensemble des lettres de négoce ou d’offres de services et même sur la rhétorique parfois un peu convenue des lettres consolatoires :
Ricordati tanta esser maggiore la bellezza dell’anima, che quella del corpo; quanto l’una per essere partecipe della divinità lucida, etterna e incoruptibile è più degna dell’altro oscuro, terreno e fragile. Però procura di non essere un vaso d’oro pieno di terra e di cose vili ma di perle e d’altre preziose e rare gemme133.
La dernière partie de la lettre s’attarde sur l’expression d’une profonde religiosité dans des termes qui, bien que parfaitement orthodoxes à première vue, peuvent cependant susciter quelques doutes s’ils sont lus à la lumière du lexique de l’évangélisme : « Renditi certa, che queste [onorate religiose] gli occhi dell’intelletto t’apriranno di maniera che senza nube che te li ricoprano, vedrai l’infinita bellezza della virtù »134.
Joint à celui qu’il avait envoyé à son épouse sur l’éducation des enfants, ce texte semble précéder la diffusion des traités à la fois pédagogiques et religieux symptomatique des années qui suivirent le Concile de Trente135, tout en se faisant peut-être l’écho de certains écrits valdésiens136, et notamment de Qual maniera si dovrebbe tenere a informare insino dalla fanciullezza i figliuoli de’ christiani delle cose della religione137, s’il est vrai, comme on le dit, qu’au cours de ses dernières années, celles qui le rapprochèrent encore de Dieu, l’intérêt pédagogique de Juan de Valdés138 pour l’éducation religieuse de l’enfance s’accentua139.
Parmi les consolatorie, pour le décès de quelque parent140 ou de quelque relation141 à présent, la lettre CXXXV, qui est adressée à l’évêque de Brescia lors du décès de son oncle, est rédigée avec un lexique qui suscite la perplexité. De fait, au-delà de leur acception on ne peut plus catholique, les termes utilisés évoquent clairement l’idée valdésienne du passage de l’obscurité à la lumière : « V’afflige forse che egli da questa caligine, da queste oscure tenebre del mondo nelle quali è stato sepolto lungamente a quella chiara luce dal cielo sia salito »142 ?
Au-delà de ces quelques cas, plusieurs missives tranchent elles aussi sur l’ensemble du recueil par l’aveu d’un désarroi spirituel dont les termes ont donné lieu à des supputations sur l’appartenance possible du Tasse au cercle animé à Naples par le mystique espagnol, Juan de Valdés. Dans ce sens, sa lettre CXXXIII à Flaminio se révèle assez surprenante car, datée des années 1542-1544 et écrite de Sorrente, elle prouve que les deux hommes étaient liés. Or, ce dernier comptait notoirement au nombre des partisans de Juan de Valdés qui, après l’institution du Saint-Office en 1542, ne pouvaient plus ignorer les soupçons dont ils faisaient l’objet. De plus, en 1549, au moment où son recueil était mis sous presse, le Tasse avait nécessairement connaissance des démêlés de son ami143 avec l’autorité ecclésiastique à propos de la publication du Beneficio di Christo144. Dans ce passage pourtant, il n’hésite pas à envier publiquement Flaminio en témoignant d’une aspiration à une vie spirituelle plus intense, d’un amour mystique pour le Christ, de l’exigence d’une piété qualitativement différente :
E piacesse a Dio che sì come già alcuna vostra poetica composizione mi proposi d’imitare, or la vostra vita d’imitare mi proponessi; e così questo come quello ben fatto mi venisse; che dove di quello una falsa e breve gloria ho pensato d’acquistarmi, di questo una vera e eterna sperarei di guadagnare […]. Io mi sforzo quanto posso da questi caliginosi e terreni pensieri, da queste bruttezze del mondo sollevandomi, gli occhi della mente di purgarmi; accioché purgati in quel divino lume del sole io gli possa indrizzare; sperando che quella infinita luce, veduta la purità della mia vista, illumini lo intelletto e qual sia la differenza da questo ben finito a quello infinito mi faccia conoscere; non per conoscerlo solo, ma per amarlo sommamente, ma sin’ a questa ora degno di tanto dono conosciuto non mi sono145.
De tels propos ne sont pas éloignés de la notion valdésienne de foi perçue telle une illumination de l’esprit, seule source de vérité permettant de parvenir au Christ146, idée qui se rencontre déjà à la fois dans l’Alfabeto cristiano de Juan de Valdés147 et dans une lettre de Flaminio à Gasparo Contarini de janvier 1539 qui insistent toutes deux148 sur la nécessité pour l’homme de bénéficier de la grâce divine149 pour obtenir son salut. Il s’agit d’ailleurs d’un concept récurrent puisqu’un même choix lexical caractérise la lettre CXL écrite à sa sœur, Donna Affra de’ Tassi :
Pregate il Signore […] che con la mano della sua grazia del tutto caligine di questi umani desideri sollevandomi, con un raggio della sua infinita luce m’illumini sì, che fatto un nuovo uomo, vivo nello spirito e morto nella carne, all’acquisto della divina salute tutte rivolga le mie voglie e i miei pensieri150.
Cette lettre fait partie des familiares que rien pourtant ne semblait devoir prédisposer à accueillir des accents de mysticisme, à l’exception de la qualité de sa destinataire, religieuse dans l’ordre des bénédictines. Son état expliquerait le recours à des expressions aussi banales que « con la grazia d’Iddio »151, ou encore l’allusion à une « catholica vita e essemplare »152, mais si on en juge par les nombreuses notations édifiantes de cet écrit et surtout si on les rapproche de celles qui émaillent également les lettres à Cornelia ainsi que, dans une moindre mesure, à Porzia, il semblerait bien pourtant que les lettres familiales, généralement peu représentées dans les recueils épistolaires de cette période153, transmettent parfois des contenus à caractère spirituel.
Un prudent nicodémisme ?
À la fin de la lettre à Flaminio, le Tasse semble vouloir contrebalancer ses affirmations par une réfutation de l’hérésie réformée :
Pregovi che quella fragile navicella della fede, nella quale voi con tutti i buoni, quasi come uno de i più savi nocchieri alla poppa sedete, dal fiato de’ venti contrari e dal tempestoso mare dell’eretica confusione, insieme con gli altri con la vostra virtù vogliate difendere154.
Pareille exhortation est assez vraisemblablement dictée par les précautions de mise après le sévère édit de Charles Quint du 4 février 1536 menaçant de mort ou de confiscation des biens tous ceux qui auraient eu des rapports avec les luthériens. L’apparente contradiction pourrait également s’expliquer par la date de l’écrit (1542-1544), qui est rédigé en une période où les thématiques évangéliques semblent encore pouvoir rentrer dans un cadre orthodoxe à partir du moment où elles condamnent le luthéranisme. Mais il n’est pas non plus impossible que notre écrivain suive en cela le modèle de Valdés, qui désapprouvait formellement ceux qui s’étaient séparés ou s’apprêtaient à sortir du giron de l’Église155 et prônait plutôt le nicodémisme156, c’est-à-dire la dissimulation des convictions religieuses sous des apparences officielles convenues et conventionnelles tout en continuant à propager ses idées et pratiquer sa foi en secret afin d’éviter toute polémique et de ne pas encourir les foudres de l’Inquisition157.
La poétesse Vittoria Colonna158, connue pour son amitié avec les hommes les plus en vue de l’évangélisme italien et pour son engagement personnel dans le mouvement valdésien, compte parmi les destinataires du recueil. Or, même s’il est notoire que l’amie de Michel-Ange fit aussi partie des muses inspiratrices de Bernardo qui, dans ses poésies159, met en avant sa spiritualité, il ne lui fait apparemment parvenir qu’une seule lettre160 plutôt formelle, de courtoisie, peut-être de remerciement, dans laquelle il tisse son éloge et où comparaît tout au plus la formule « con pregar Dio »161. Quatre autres textes ont pour destinataire la marquise de Pescara, mais il pourrait s’agir aussi bien de Vittoria Colonna que de Marie d’Aragon162.
Parmi eux, la lettre LXVI tranche sur les autres163, car elle résonne d’une véritable angoisse existentielle et laisse percevoir un dualisme marqué entre chair et esprit, tout en insistant sur le sacrifice salvifique du Christ et la nécessité d’emprunter le droit chemin pour parvenir jusqu’à lui :
La lettera di Vostra Signoria, piena d’amore e di carità, ha destato nell’animo mio alcuni spiriti di virtù e di religione e se così fusse pronta la carne com’è lo spirito, io farei così presto a ubidirvi […]. Ma questo spirito dalla massa della terra che lo circonda aggravato, non può senza l’aiuto del suo redentore sollevarsi dalle miserie di questa vita e da i falsi piaceri di questo mondo […]. È di mestieri che Quello che col suo preziosissimo sangue lavò le nostre colpe e ne cavò dalla servitù del peccato e della morte, mi porga anco la mano del suo favore e della sua grazia e mi sollevi del fango dell’umane calamità; e come sua creatura che crede e spera nell’infinita bontà sua, rompa questi lacci che la carne ad ogni ora tende contra lo spirito e col lume della sua grazia sgombri tutte le nebbie del peccato che adombrano il sereno di questa anima poverella che ad ora ad ora l’ali dimenando, cerca d’uscir di questo fango e d’indrizzar tutti i suoi pensieri e le sue voglie a Quello che l’ha creata. Voi che sete in grazia di Dio, […] mostratemi la strada per la quale così secura caminate all’eterna salute e pregate Colui che vi scorge per questo camino164.
Le Tasse aspire visiblement à faire partie des élus par l’intercession des prières de sa bienfaitrice165. Il développe aussi, sans la nommer, la notion de grâce accordée à l’homme impuissant à être justifié par ses seuls mérites, qui est déjà évoquée dans les textes de Valdés, en insistant toutefois sur l’opposition entre la chair et l’esprit166 et en reprenant les termes de Juan de Valdés et ceux de Marcantonio Flaminio dans une lettre à Giulia Gonzaga :
Signora mia osservandissima, non è cosa da ogni persona lo scrivere et il publicar ciò che si scrive, massimamente nelle cose christiane, le quali richiedono un gran lume et un grande spirito et una grande esperientia et una grandissima humiltà, congiunta con pari carità, le quali cose sono ancora tanto lontane da me ch’appena le veggo in sogno, et voi volete ch’io sia così pronto allo scrivere? Anzi, volendo seguitare la dottrina et la institutione di quella santa anima [Juan de Valdés], Vostra Signoria illustrissima doverria riprendermi se mi vedesse ardito nel scrivere ché, come ho già scritto, il nostro commun maestro spesse volte mi esortò, nel mio partir da Napoli, ch’io mi guardassi di non esser corrivo allo scrivere et, se pur non mi sapevo contenere per la forza della carne, mi pregava che almeno io tenessi occulte le mie ciancie insin che lo spirito vincesse la carne et ch’io parlassi mosso dal spirito di Christo et non dal spirito mio, il qual so purtroppo quanto sia audace et arrogante et quanto egli desideri di ostentarsi et quanto bisogno egli habbia di freno et non di stimolo […]. A me pare che facciate un gran torto al gran favore che vi ha fatto et tuttavia fa il signor Dio; egli vi ha dato già tanto lume et tanta cognitione delle cose christiane et della Scrittura santa che doverresti contentarvi horamai di quel che sapete, mettendo ogni studio in sentire et provare in voi medesima quel che sapete, deliberandovi di non voler sapere niente di nuovo […] fin che non havete esperimentato et messo in opera quel che insin a qui havete udito et letto167.
Tout en s’inscrivant dans les canons du dogme, ce texte comporte des notions susceptibles de renvoyer à différentes hérésies sans qu’il soit vraiment possible de déceler si l’une d’elle domine ou même si ce texte dévie effectivement de l’orthodoxie. Par exemple, si au vu du contexte, on exclut l’influence de la poésie pétrarquiste, la mention de l’opposition entre la chair et l’esprit et l’insistance de Bernardo, à l’image de celle de Marcantonio Flaminio, sur la nécessité de s’élever au-dessus des contingences terrestres, de se libérer de son enveloppe charnelle, ne sont pas sans rappeler le dualisme entre matière et esprit, entre corps charnel et âme tel que le concevaient les Cathares. D’autant que le principe selon lequel entre la masse du peuple et ceux qui le dirigent, il y aurait place pour une toute petite minorité de personnes inspirées et illuminées par Dieu, renvoie peut-être à la conception élitiste des parfaits168. Un postulat similaire imprégnait la tentative de Müntzer169 de fonder une « Ligue des élus » en prêchant justement le salut des hommes illuminés par la grâce divine. Par certains aspects, les théories valdésiennes sont proches de ces conceptions, puisqu’on sait que les partisans du réformateur espagnol étaient certains d’avoir été choisis par Dieu. Des traces de l’hérésie socinienne pour laquelle la conquête de l’immortalité passe par la libération du corps grâce à la foi seraient également perceptibles à travers ces lignes. Cependant, la prudence dont l’auteur fait preuve ne permet pas, quels que soient les concepts implicites ou pour le moins ambigus qui le sous-tendent, de classer cet écrit parmi les productions hétérodoxes et on ne peut y déceler que de simples traces des principales hérésies de l’époque, sans concordance particulièrement flagrante. De fait, au moins en ce qui concerne le premier point, Bernardo se réfère peut-être sic et simpliciter à la Passion du Christ où il est dit : « l’esprit est ardent, mais la chair est faible »170, en accord donc avec la dichotomie du corps et de l’esprit (inscrite au sein des ordres religieux) qui imprègne toute la culture chrétienne et la tradition de l’ascétisme au sein du catholicisme.
La lettre d’exhortation à suivre la voie de la vertu adressée à l’abbé Peres ne fait apparemment elle aussi que reprendre les Évangiles, en l’occurrence le principe des deux voies171 et ne pourrait donc être soupçonnée de la moindre déviance, même si la conception minoritaire des vrais chrétiens, théorisée par Valdés, fournit peut-être une autre clé de lecture à ce passage :
Vi essorto a seguitare il vostro proposto viaggio e a camminare per questo sentiero della virtù […] né vi sgomenti l’asprezza e le altre molte difficultà che nel principio di questa strada vi si appresentano […] tenendo sempre fermi gli occhi del vostro pensiero a quel fine, che nell’animo proposto v’avete, accioché le lusinghe del sentimento non v’allettassero e volgessero incautamente a caminare per lo camino della volontà172; il quale eziandio, che nel principio sia ampio, piano, agevole, tutto verde e tutto fiorito, al fine l’uomo conduce nelle oscure tenebre della morte e dell’oblivione173.
En effet, une confrontation de cette lettre et de certains extraits des précédentes avec les préceptes édictés dans l’Alphabeto christiano met en lumière de nettes analogies lexicales :
Il primo passo è che conosciate che il camino per lo quale finora havete caminato non vi potea conducere a Christo; il secondo che tegnate volontà di caminare per questo, che senza mancare vi conducerà a Christo, il terzo che vi determiniate d’incominciare a caminare per esso174.
Ainsi, toutes ces affirmations peuvent-elles être parfaitement orthodoxes et justifiables si on les prend au pied de la lettre. Seule une confrontation avec le lexique de l’évangélisme laisse apparaître un double sens possible et supposer une forme de nicodémisme. Cela étant, et on ne peut guère s’avancer davantage, il est indéniable que, valdésien ou non, le Tasse senior avait intérêt à faire preuve de la plus grande circonspection en s’appuyant sur des passages évangéliques qui ne prêtaient guère à confusion afin de ne pas attirer l’attention de l’Inquisition175. Cela amènerait à postuler de sa part un pléonastique « prudent » nicodémisme.
Le valdésianisme napolitain
Quelle que soit l’interprétation qu’on privilégie, ces écrits surprennent et constituent des exceptions à la tonalité vertueuse, autoapologétique, mais dans l’ensemble plutôt profane de l’ouvrage. Sans doute sont-ils significatifs d’un état d’esprit, d’une prise de position vis-à-vis de la crise dans laquelle se débattait l’Église. Peut-être rendent-ils compte de l’émergence chez bien des intellectuels d’une tonalité différente, de l’expression d’une implication plus directe et plus profonde dans les problèmes liés à la foi. Peut-être s’expliquent-ils par un besoin diffus de spiritualité, par une exigence de renovatio Ecclesiæ avant et pendant les années de la Réforme, mais peut-être – et l’un n’exclut pas l’autre – se ressentent-ils aussi de l’influence qu’eurent dans toute l’Italie les thèses de l’humaniste espagnol Juan de Valdés à partir des années 1530 et de l’instauration d’un climat de ferveur grâce à des sermons comme ceux de Bernardino Ochino. La présence de Valdés dans le sud de l’Italie favorisa la diffusion des idées réformées176 et, dans un contexte où l’exigence d’un assainissement des coutumes du clergé se faisait sentir de plus en plus vivement, où les attentes de paix au sein de la chrétienté se mêlaient aux réflexions religieuses inspirées par les prédications enflammées de l’époque, le poète-courtisan se serait peut-être rapproché des partisans d’une profonde réforme des mœurs du clergé et de la hiérarchie catholique.
L’hypothèse émise par Andrea Barbieri et reprise par d’autres critiques177 repose sur sa familiarité avec des grands de ce monde connus pour leur sympathie envers la religion réformée.
De fait, notre auteur fut d’abord employé par les Rangone178, puis par Renée de France (dont les liens avec le calvinisme sont notoires), avant de devenir le secrétaire de Ferrante Sanseverino, soupçonné d’hérésie179, de même que son épouse. Parmi ses amis ou ses proches se comptent des noms bien connus de la littérature réformiste comme Dionigi Atanigi180. Une lettre du 20 novembre 1557 priait ce dernier de revoir l’Amadis « quanto alle cose appartenenti a la locuzione e de la lingua »181 et l’encourageait dans sa décision de quitter Rome pour fuir une situation délicate182. Au vu de l’amitié qui unissait les deux hommes et de la tonalité potentiellement hétérodoxe de l’anthologie d’Atanigi, on peut supposer que les termes utilisés se réfèrent au positionnement dogmatique de cet intellectuel. Bernardo était également un proche de Lodovico Dolce, lui-même en rapport avec des personnages soupçonnés d’hétérodoxie183. Si l’on y ajoute qu’il était aussi lié avec Flaminio et Giovanni Antonio Clario, ainsi qu’avec Scipione Capece184, ardent disciple de Valdés et auditeur fasciné des homélies de Bernardino Ochino185, qui fut fort bien accueilli à la cour du prince lorsqu’il y chercha asile186, et que ce même aristocrate et son épouse187 ne faisaient pas mystère de leur attirance pour les thèses valdésiennes, en protégeant des groupuscules réformés ou hétérodoxes sur leurs terres et en assistant aux réunions du cénacle qui s’était formé à Naples188, il semble avéré que le famoso padre ne pouvait guère ignorer la pénétration d’idées hétérodoxes dans les milieux qu’il fréquentait. D’autant qu’à son retour de l’expédition de Tunis, il a peut-être assisté aux prêches tenus par Bernardino Ochino, lors du carême de 1536, en présence de l’empereur Charles Quint189. D’autant aussi que sa mission en France pour le compte du prince de Salerne l’amena à côtoyer des fuorusciti proches des idées réformées et que d’autres témoignages sur la diffusion de l’infection hérétique à Salerne jusque et y compris au sein de la population190 corroborent sinon l’hypothèse d’une éventuelle sympathie de sa part pour les théories valdésiennes, du moins celle de la connaissance qu’il en avait.
Un manque embarrassant de preuves
Cependant, pour troublantes qu’elles soient, il n’y a là selon moi que des coïncidences, ou peut-être plus exactement des probabilités car, en fait, le seul élément de poids dans la biographie du Tasse est constitué par son intervention en faveur du départ de son protecteur vers la cour impériale afin d’obtenir la promesse que l’Inquisition à la manière espagnole ne serait pas introduite à Naples. Mais son implication directe dans ces événements s’arrête là et sa prise de position semble, de prime abord, plutôt dictée par le souci des bienfaits qui en découleraient pour la ville et par celui de l’honneur de son mécène :
Chi vuol misurar le passate azioni della vita vostra vi giudicherà cavaliero integro, magnanimo, valoroso. Volete ora mancare del decoro della vostra dignità? […] Potrete mostrare la grandezza dell’animo vostro […] Chi adunque potrà dire che voi non siate perfettamente glorioso?191
Les raisons officiellement invoquées pour s’opposer à l’institution de l’Inquisition s’appuient sur le constat de la fidélité de Naples au catholicisme192, même s’il n’est pas impossible que d’autres motivations, plus secrètes et plus personnelles, liées à sa fréquentation de milieux hétérodoxes soient à l’origine de cette prise de position. Cependant, en l’état actuel de nos connaissances, aucune preuve formelle de son éventuelle adhésion à ce qu’on nommait alors l’hérésie luthérienne, ou plus simplement encore de son éloignement de l’orthodoxie, ne vient étayer cette hypothèse. Au contraire, on sait que dans les premières années de sa carrière diplomatique, il œuvra diligemment, parfois même au péril de sa vie, pour le pape Clément VII193. En revanche, il n’a pas travaillé pour Paul III194, même si ses lettres attestent sa connaissance des plus hautes personnalités de la curie195. Son premier biographe, Seghezzi, le décrit au demeurant comme étant : « della religione osservantissimo »196. Même si ses relations épistolaires avec d’autres sympathisants de la cause valdésienne semblent plaider en faveur de l’hypothèse de Barbieri – parmi les correspondants du Tasse on compte nombre de grandes dames dont on connaît le rôle privilégié dans la diffusion du valdésianisme, voire dans celle de la Réforme dont une des plus célèbres est Giulia Gonzaga, grande amie et admiratrice de Valdés – et même si on sait que Bernardo dédia plusieurs sonnets précisément à Giulia Gonzaga dans son deuxième livre de poésies197, à bien y regarder, le recueil ne comprend qu’une seule lettre, pour ainsi dire d’affaires, dans laquelle il propose ses services198.
Notre poète correspond également avec Isabella Villamarino qui sera soupçonnée d’hérésie199, mais cela semble plutôt naturel s’agissant de l’épouse de son protecteur, et aucune de ses lettres ne traite de problèmes liés à la spiritualité200. Quant à la dédicace du deuxième livre des Rime à Isabella Villamarino, elle se situe dans la plus pure tradition du genre, puisqu’elle comprend le topos de la diminutio personæ et les louanges de rigueur envers l’épouse de son mécène mais, à l’exception de la formule de salutation, ne fait aucune allusion à la religion. Il écrit aussi à Girolamo Seripando, supérieur général de l’ordre des augustins, connu pour sa modération envers ceux que l’on a nommés depuis les valdésiens201, mais au nom de son protecteur ou de son épouse, et le contenu de ces lettres ne donne pas lieu au moindre soupçon d’hétérodoxie202. Pour le reste, la liste de ses correspondants n’inclut pas les membres les plus en vue des disciples du théologien espagnol, à l’exception de Marcantonio Flaminio203 et de Vittoria Colonna. Qui plus est, même si nombre de ses fréquentations nourrissaient des sympathies plus ou moins secrètes pour les idées réformées, d’autres au contraire appartenaient à la hiérarchie de l’Église catholique et luttaient ouvertement contre la propagation de l’hérésie luthérienne.
Ce fut le cas notamment de Vincenzo Laureo, un de ses amis proches, qui commença sa carrière au service du cardinal Gaddi, la poursuivit auprès du grand inquisiteur de Lyon, François de Tournon, qui succéda au fanatique Michele Ghislieri comme évêque de Mondovi, avant de déployer une intense activité inquisitoriale dans sa lutte contre les Vaudois, en particulier dans le duché de Savoie. L’évocation des services que lui rendit le cardinal de Tournon204 laisse au demeurant supposer un rapport direct entre les deux hommes et non pas uniquement par l’intermédiaire de Vincenzo Laureo. De plus, le Tasse dédie son ouvrage à la fois au prince de Salerne et à l’évêque d’Arras, un haut dignitaire de l’Église catholique donc, qui devint quelques années plus tard un des plus fanatiques zélateurs de la Contre-Réforme. Il semblerait pour lors que le courtisan ait cultivé des amitiés dans les deux camps, catholique et réformé, ce qui amène à supposer que, à l’instar de nombre de personnages appartenant aux plus hauts degrés de la hiérarchie sociale205, il a peut-être aspiré, mais aspiré seulement, à une réforme de la vie religieuse et ecclésiastique.
Les coïncidences relevées par Barbieri acquerraient dans ce cas tout leur sens et les quelques lettres examinées plus haut renverraient à certains des concepts qui sous-tendent l’évangélisme, parmi lesquels le désir de l’écrivain de faire partie des élus (tout comme son destinataire)206 à la différence de tous ceux qui demeurent dans l’obscurité, ainsi que celui de libérer son âme des liens qui la rattachent à la terre. Cela signifierait aussi qu’il a assez vraisemblablement adopté une attitude nicodémiste récurrente chez les hommes de lettres en cette période à la fois d’essor du genre épistolaire et de réaction de l’Église à la Réforme.
On observe en effet que, dans ses textes, seules les idées les plus génériques du message évangélique, les moins dangereuses – il ne souffle mot sur la justification ex sola fide, sur la lecture des Évangiles ou des Épîtres de saint Paul source de salut, pas plus qu’il ne définit les persécutions dont sont victimes les valdésiens comme autant de signes d’élection ou qu’il ne traite de la réforme de l’Église – sont ici perceptibles207. En l’état actuel des recherches donc, les passages cités précédemment ne permettent pas, à mon avis, quels que soient les éléments empruntés aux thèses du mystique espagnol, de démontrer formellement l’appartenance du père de Torquato au cercle qui se réunissait autour de Valdés à Naples. Ils le suggèrent certes, mais pour en être certains, il conviendrait d’étendre la recherche à l’ensemble de sa production littéraire et des archives disponibles. La tâche excèderait les limites de cette étude et, étant donné la prudence dont fait preuve l’auteur – ses rares écrits évangélistes se noient dans un flot de lettres plus ou moins formelles traitant de tous les sujets possibles – elle risquerait de plus d’être infructueuse.
D’ailleurs, tout en relevant une aspiration à la pureté religieuse dans ses poésies, de son côté, Giorgio Cerboni Baiardi ne va pas au-delà d’une mise en perspective historique et religieuse et d’une hypothèse concernant l’influence éventuelle du cénacle évangéliste sur sa production littéraire en se référant précisément à la lettre à Flaminio citée plus haut208. Un simple regard sur les Salmi n’apporte aucune lumière nouvelle sur une quelconque déviance religieuse de sa part, car ils sont édités bien plus tard que les lettres incriminées209. Ces compositions font montre d’une foi tout à fait orthodoxe, pour ne pas dire convenue, sans allusions aux thèses valdésiennes. Pour déceler d’autres traces d’une éventuelle appartenance du secrétaire-courtisan au cercle valdésien et/ou de son éventuelle attirance pour les thèses de la Réforme, il faudrait peut-être se pencher sur sa production lyrique antérieure à 1549 sans toutefois espérer y trouver des preuves irréfutables.
À la lumière des textes étudiés à ce jour, il apparaît ainsi presque impossible de trancher sur l’orthodoxie ou l’hétérodoxie du secrétaire de Ferrante Sanseverino, d’autant que jusqu’au concile de Trente210, la frontière entre les deux attitudes n’était parfois pas clairement définie. On peut en revanche tenter d’analyser le panorama littéraire de l’époque pour constater si la présence de contenus à la limite de l’hétérodoxie dans un recueil épistolaire constitue ou non une exception, ce qui fournirait quelques indications sur la valeur à accorder aux lettres spirituelles du Tasse.
Les milieux de l’édition face à la crise religieuse
Bien que difficiles à établir, des relations entre l’histoire religieuse d’une part et l’histoire littéraire de l’autre ont été mises en évidence, notamment par Carlo Dionisotti qui a tracé un bilan littéraire de l’époque en question et a souligné le lien étroit qui existait un peu avant le milieu du Cinquecento entre l’évangélisme italien et la nouvelle littérature en langue vulgaire211. Depuis, quelques critiques212 ont rouvert le débat en analysant les connexions possibles entre les milieux littéraires italiens et l’évangélisme après la crise provoquée par la faillite des rencontres de Ratisbonne et en démontrant qu’en dépit d’une censure accrue et de persécutions individuelles, l’évangélisme perdura, de même qu’une certaine liberté de ton et d’écriture213, en particulier dans l’épistolographie en langue vernaculaire, jusqu’aux années 1550 environ à partir desquelles :
They [the lettere volgari] were replaced […] by religiously oriented correspondence from members of the rising generation, letters expressing carefully orthodox Tridentine piety214.
Il semble donc acquis qu’en ces années où les doctrines luthériennes se propageaient dans la Péninsule et où on découvrait le contenu spirituel potentiellement subversif des Épîtres de saint Paul, nombre d’intellectuels vinrent grossir les rangs des tenants d’une réforme de l’institution ecclésiastique et que plusieurs initiatives éditoriales jalonnèrent la trame des liens entre culture religieuse et culture littéraire. Il s’agissait surtout de recueils épistolaires qui connurent un franc succès pour les raisons évoquées plus haut. L’essor du genre permit l’apparition sur le marché d’œuvres liées aux problèmes contemporains au point d’être utilisées comme des moyens d’information et non plus seulement comme des modèles de langue et d’écriture. De nombreux Italiens du XVIe siècle achetaient et lisaient des volumes de lettres pour s’informer sur des personnages connus dans la Péninsule et/ou sur l’actualité, notamment religieuse215. C’est ainsi que, dans les années 1540 à 1560 environ, les florilèges épistolaires témoignèrent de la crise en cours par des inflexions doctrinales qui n’allaient pas tarder à susciter d’abord les soupçons puis la répression de l’Église.
Des hommes tels que Bernardino Ochino, Marcantonio Flaminio, Piero Carnesecchi216, Pier Paolo Vergerio217 faisaient partie de ces épistoliers qui, par la tonalité fortement hétérodoxe des textes qu’ils livraient à la publication, notamment sur la justification ex sola fide, attirèrent l’attention du Saint-Office.
À la veille du concile de Trente, la première anthologie à accueillir des contenus religieux hétérodoxes, sous forme de doctrines iréniques et de souhaits de changement de l’Église romaine, fut l’œuvre des fils du célèbre Alde, Paul et Antoine Manuce, qui en 1542 publièrent un recueil intitulé Lettere volgari di diversi nobilissimi huomini et eccellentissimi ingegni, libro primo. Apparemment, il s’agissait d’une simple compilation de textes destinée à promouvoir la langue vulgaire pour fournir des modèles à imiter à tous ceux qui en avaient besoin et pour contribuer à former « l’huomo civile » et « prudente », car « le bien parler et le bien écrire ne sont pas dissociables de l’épanouissement de l’homme »218. En réalité, le contenu de cette édition dément la présentation qui en était faite en raison des prises de position affirmées qui s’y rencontrent dès ses premières pages. On peut y lire des louanges à Fra Bernardino [Ochino] de Sienne, l’éloge de Valdés dans une lettre à Carnesecchi, des commentaires hostiles à l’Église romaine après la mort de Contarini219, ou encore des critiques à Reginald Pole220 pour son attitude à Ratisbonne. Qui plus est, parmi les auteurs se comptent des personnages étroitement mêlés à l’histoire de l’évangélisme tels que Pietro Paolo Vergerio, Aonio Paleario221 et, parmi les destinataires, des figures bien connues, notamment Luigi Alamanni222, Vittoria Colonna ou encore Marguerite de Navarre223. Sous le couvert de la question de la langue et de la diffusion d’un modèle d’écriture, souci bien réel au demeurant, se dissimule une intervention d’un certain milieu culturel en faveur de l’évangélisme224. Le succès de l’initiative est attesté par de nombreuses rééditions225 et par un véritable flot de publications de lettere volgari, qu’il s’agisse d’anthologies ou de recueils individuels de Nicolò Franco226, Anton Francesco Doni227, Nicolò Martelli228, Claudio Tolomei229, Orazio Brunetto230 et Bernardo Tasso parmi d’autres.
C’est dans cette continuité que se situe la deuxième anthologie de lettres des Manuce réalisée cette fois-ci en 1545 par Antoine dans laquelle leurs intentions et celles de toute une classe d’intellectuels se dévoilèrent clairement, car outre le préambule de Paul Manuce sur la beauté et l’utilité de la langue italienne, qui postulait l’existence d’un public cultivé et désireux d’apprendre à bien rédiger231, le volume de 1545 présentait entre autres trois grands écrits célébrant la doctrine de la justification par la foi232, ainsi que plusieurs lettres aux sous-entendus religieux perceptibles. C’est ainsi que la mode d’imprimer des livres de lettere volgari commençait, en ces années d’après Ratisbonne, à dissimuler des contenus religieux surprenants et que la réaction au tournant des années 1541-1542 se traduisait par une instrumentalisation de la fameuse question de la langue permettant de faire passer des messages d’ordre religieux233. La preuve a contrario en est fournie par les profonds remaniements que ces mêmes ouvrages subirent après la publication de l’Index librorum prohibitorum234 et même parfois dès 1544 comme le démontrent les rééditions du premier livre des Lettere volgari, d’où sont déjà éliminés certains écrits jugés par trop compromettants235.
Un peu plus tard, dans les années 1564-1567, Alde Manuce le jeune fit paraître le troisième volume des Lettere volgari di diversi nobilissimi huomini, dans une initiative éditoriale qui pouvait sembler dépassée eu égard aux changements qui avaient affecté le genre épistolaire à partir de 1560236, d’autant que le choix des textes n’était guère éloigné de celui des éditions de 1542 et 1545. De fait, ce troisième livre ressemble par bien des aspects aux deux précédents, car il rend encore compte de thématiques spirituelles et mentionne des noms liés au valdésianisme comme ceux de Carnesecchi, de Vittoria Colonna et de Giulia Gonzaga. Le dédicataire n’est autre que le fils du célèbre marquis Galeazzo Caracciolo237, Vico Colantonio Caracciolo, qui fut lui aussi soumis à un procès en 1564238. À un moment où la question de la langue était résolue, d’ailleurs la dédicace ne fait plus état de la fonction première des anthologies d’offrir des modèles d’écriture en langue vulgaire, il s’agissait sans doute de profiter d’un moment favorable – la mort de Paul IV (août 1559) et l’absolution du cardinal Morone par Pie IV – afin de protéger les « spirituels », voire de réhabiliter les « réformistes » défunts et, dans la deuxième édition du recueil, de sauver la vie de Carnesecchi239 jugé en 1566 et qui allait être exécuté peu de temps après en 1567. Suivant en cela la tradition familiale, Alde le jeune s’y faisait l’écho des opposants à l’Église post-tridentine en lançant entre les lignes un singulier appel en faveur du protonotaire et en reproposant, non sans prudence toutefois240, une position religieuse évangéliste241.
Paul et Antoine Manuce semblent donc bien avoir ouvert la voie, dès le début des années 1540, à un rapprochement entre intellectuels et « spirituels », tout en rendant compte du tournant incarné par Flaminio et par la création de l’Ecclesia Viterbiensis. Avant que Alde le jeune ne reprenne le flambeau, d’autres littérateurs exploitèrent ce filon à la fois linguistique et religieux en se faisant eux aussi porteurs de messages hétérodoxes : ainsi, les Lettere volgari di Messer Horatio Brunetto éditées en 1548, dont l’auteur n’hésitait pas à revendiquer son appartenance à l’évangélisme en affichant des textes à la limite de l’apostasie242.
En ce qui concerne en revanche le Nuovo libro di lettere volgari de i più rari autori e professori della lingua volgare italiana que fait imprimer en 1544 (donc avant le troisième volume des Manuce) Paolo Gerardo (ou Gherardo) les avis divergent, car Simoncelli le range dans la catégorie des livres qui abritent une profonde polémique antiromaine et professent des opinions hétérodoxes243, tandis que pour le curateur de la nouvelle et récente édition de l’ouvrage244, il contient certes quelques lettres de réelle portée religieuse et non conventionnelle, mais sans volonté explicite de faire de la propagande pour la Réforme et se limite à témoigner de la richesse et de la diversité des cercles intellectuels vénitiens245. Il n’en demeure pas moins que ce florilège aussi apporte sa contribution, même a minima, à cette saison éditoriale bien particulière, ne serait-ce que par la participation au Nuovo libro (la deuxième édition) de Giovanni Antonio Clario246, lui aussi proche des évangélistes et qui subit un procès de l’Inquisition en 1547, ainsi que de Ludovico Domenichi247, qui devait être arrêté quelques années plus tard.
La participation du Tasse à cette vogue éditoriale
En 1554, avec les Lettere volgari di XIII huomini illustri de Dionigi Atanigi, voyait le jour un nouveau recueil de lettres inédites classées par auteur, parmi lesquels figurait également le Tasse, partagé en treize livres dans lesquels se comptaient des textes de Gian Matteo Giberti248, de Jacopo249 et Paolo Sadoleto250, ainsi que de Flaminio, c’est-à-dire justement d’hommes sur lesquels les soupçons d’hétérodoxie pesaient déjà lourdement et qui, au cours des années 1550-1560, furent visés par des enquêtes et des procès. Il n’est pas indifférent à cet égard que sur les treize hommes illustres évoqués dans le titre de l’ouvrage, quatre aient été des amis de Giberti et qu’Atanigi ait inséré dans son anthologie pas moins de vingt et un écrits inédits de Flaminio précisément alors que cet érudit (mort depuis quelques années) faisait l’objet de graves accusations d’hérésie dans le cadre d’une violente offensive contre les valdésiens et les « spirituels »251.
Dans tous les cas, il s’agissait de personnalités connues faisant presque toutes partie de la hiérarchie ecclésiastique, dont les noms apparaissaient déjà (pour certaines d’entre elles) dans les recueils des années 1540 et dont les textes étaient devenus des modèles épistolaires recherchés et attendus252. Si les choix de Dionigi Atanigi laissaient donc encore filtrer les échos des débats religieux qui avaient animé la Péninsule une douzaine d’années auparavant, les textes proposés étaient doctrinalement moins marqués que ceux de l’anthologie des Manuce, d’une tonalité moins polémique, plus résignée253, et au-delà d’une éventuelle tentative de réhabilitation, la prudence et le nicodémisme semblaient de mise, ainsi qu’en témoignait la présence au sein du même recueil d’une lettre de l’érudit et très catholique Siennois, Claudio Tolomei, qui marquait d’une certaine manière les limites de cette édition.
Il est significatif que, de son exil transalpin, Vergerio ait senti la nécessité de s’immiscer dans le débat suscité par cette nouvelle parution avec un Giudicio sopra le lettere di tredeci huomini illustri, qui mettait en relief la potentialité hétérodoxe de l’anthologie en question, car il portait non pas sur la qualité de l’écriture, mais sur celle de la foi des treize auteurs sélectionnés :
Solo dirò quanto (a giudizio mio) quasi tutti quei 13 chiamati illustri sieno lontani dalla cognitione della vera pietà et doctrina cristiana254.
Les épistoliers totalement orthodoxes étaient balayés d’un revers de main et l’ex-évêque de Capo d’Istria s’acharnait surtout contre ceux qui n’avaient pas pu ou pas su aller jusqu’au bout des principes théologiques qu’ils avaient professés. Ainsi, certains furent-ils désavoués et d’autres, censés avoir eu connaissance de la vérité évangélique, durement condamnés. Si Flaminio échappa à sa vindicte, le cardinal Reginald Pole fit l’objet d’une attaque virulente, au demeurant justifiée par la violente répression antiprotestante qu’il avait déclenchée en Angleterre255. Il est donc étonnant que de tous ces personnages connus pour être favorables à l’évangélisme ne se sauve (partiellement) qu’un seul d’entre eux, dont l’appartenance au valdésianisme n’est pas prouvée, Bernardo Tasso, dont il écrivit :
Tra le quali [lettere] ve n’è una al signor Bernardin Rota, la quale porge qualche odore et qualche speranza che nell’autore vi sia la cognizione [della «vera» dottrina] perciò che il principio è tale l’infinita pietà di Cristo256.
Le choix de la lettre en question se révèle surprenant dans la mesure où cette brève missive du secrétaire, tout d’abord publiée parmi les lettres de Dionigi Atanigi257 et récupérée par Bernardo en 1559258, en un moment donc où la récente actualité religieuse et sa situation personnelle ne lui permettaient plus de s’exposer, ne contient que quelques phrases apparemment conventionnelles. De fait, si l’on exclut tout contexte et toute hypothèse de nicodémisme, les notions dont Bernardo traite, comme le vocabulaire utilisé259, semblent a priori orthodoxes :
L’infinita pietà di Cristo, Signor mio osservandissimo, alcuni peccatori co’ flagelli e con le pene, alcuni con le prosperità e con le grazie richiama a sé e gli fa rivedere de gli error loro. Perché usi questi così diversi e vari modi di grazia e di pena non si conviene a noi di cercare. Egli è somma providenza e sa ciò che fa; se io volessi far paragone de le cose divine a le profane, forse direi ch’a guisa di dotto e d’avveduto cavalcatore che conosce la natura de’ cavalli ch’egli ha ad insegnare, con uno usando gli sproni e la verga, con l’altro il calcagno solo e la mano fa un medesimo effetto in tutti due260.
L’image de la verge et des éperons présente dans ce passage renvoie au demeurant à une tonalité fort pragmatique qui se retrouve dans une lettre de notre auteur destinée à exiger l’encaissement d’un crédit :
Questi miei debitori e massimamente quello amorevole amico mio, sono come cavalli che senza sprone non caminano. Però, poiché la mia necessità lo richiede e alla loro tarda natura si conviene, spronateli, e se non basta lo sprone, operate la verga e il bastone261.
En dépit de cela, une recherche plus approfondie sur le lexique de l’évangélisme262 autorise une interprétation nicodémiste de ce passage, peut-être ambigu comme celui de la lettre adressée à la marquise de Pescara, Vittoria Colonna, qui rappelle plus explicitement le message valdésien263.
Cependant, comme pour rétablir un équilibre, le commentaire de l’ancien évêque ne se terminait pas sur cet éloge, mais poursuivait par une critique qui en dit long sur la connaissance publique des opinions religieuses des uns et des autres :
Ma poi chi legge quella che è scritta al suo principe vede che il buon Tasso dà nelle scartate là ove, parlando di Napoli, egli dice; «Quale è quella città non pur in Italia, ma in Europa dove sieno tante chiese bene instituite e governate» e io affermo che uno il quale avesse la cognizione del vero, non potrebbesi acconciar la bocca a dire che le chiese napoletane fossero bene instituite e governate, perciò che sì quelle de’ preti come quelle de’ frati sono come tutte le altre d’Italia, Francia e Spagna, piene e colme di ipocrisie e culti falsi. Ne puossi scusare il Tasso con dire di non aversi voluto scoprire al suo patrone, conciosia che da ogni banda risuona che sua eccellenza non ha le orecchie schiffe né aliene dall’udire la verità dell’Evangelio264.
D’après Vergerio, le Tasse n’aurait peut-être pas souhaité révéler ses opinions en matière de foi à son protecteur, en dépit des sympathies que celui-ci professait assez ouvertement pour la Réforme. En réalité, il est plus vraisemblable que, dans un cadre totalement différent de celui des quelques lettres transmises à Dionigi Atanigi, le secrétaire se limite à exposer des arguments qu’il estime particulièrement aptes à convaincre à la fois son prince et l’empereur. S’agissant d’une lettre politique, volontairement placée en ouverture de partie en raison de son importance, elle ne pouvait étayer la démonstration du théologien265.
D’autres écrits du Bergamasque auraient cependant pu éveiller les soupçons de l’Inquisition266 et recueillir l’assentiment de Vergerio ; ceux qu’il adressait à Marcantonio Flaminio, à sa sœur Donna Affra de’ Tassi, à la marquise de Pescara et à l’abbé Peres, car ils comportaient, de façon plus ou moins voilée, des thèses proches du valdésianisme, voire de l’anabaptisme267. Or, si l’on considère que l’adhésion du secrétaire aux cercles valdésiens a certes fait l’objet d’hypothèses insistantes268, mais n’a pas été démontrée à ce jour, il en résulte surtout que la diffusion des idées évangélistes parmi les intellectuels devait être assez importante et, sans exclure le moins du monde une réelle aspiration spirituelle des épistoliers, devait faire partie sinon des topiques récurrentes du moins de sujets de discussions et de débats très courants.
La question reste donc ouverte en ce qui concerne le choix de Vergerio, mais la réponse à celle qui se posait sur l’originalité du courtisan est clairement négative. Ses textes ne constituent pas un phénomène isolé, mais figurent dans un courant de pensée au sein duquel écriture et religion sont étroitement mêlées, participent au débat qui animait les milieux intellectuels de l’époque et se font (en partie et prudemment) l’écho des positions propagées par les Manuce. Une fois acquis que d’éventuels soupçons d’hétérodoxie relatifs à notre courtisan ne sont pas prouvables en une époque et en des villes où, des intellectuels « jusqu’aux cordonniers et autres très modestes artisans », tout le monde débattait des problèmes de la foi269, la véritable interrogation du lecteur moderne concerne plutôt le rôle de ces textes spirituels et de leurs aspects moralisateurs, sentencieux, vertueux et didactiques. Faut-il y voir une réelle religiosité proche de celle des catholiques réformateurs, ou bien la volonté de tracer de lui-même un portrait idéal ? Pour ce que l’on en sait, ces différentes explications possibles ne s’excluent pas mutuellement.
Un modèle de prudence raisonnée
Tout d’abord, force est de constater que le XVIe siècle se prête particulièrement à des textes propres à affermir les esprits sur le chemin de la vertu, notamment au sein du genre épistolaire, et qu’un homme de lettres aussi affirmé sur la scène littéraire italienne que Bernardo Tasso, aussi lié avec nombre d’intellectuels et de réformateurs, voire de réformés, pouvait être tenté de participer, à l’instar de ses homologues, aux discours ambiants sur la foi et la religion, fût-ce avec toute la circonspection de rigueur270. Dans cette optique, l’émergence de quelques (rares) écrits hétérodoxes au sein de son premier livre rend sans doute compte de la vivacité de ton des différentes éditions de recueils épistolaires et prouve pour le moins son appartenance à ce qui fut un phénomène collectif271.
Cependant, au vu de la mesure dont il fait preuve eu égard à ce qui se publiait entre 1542 et 1560, l’expression de son adhésion aux idéaux prônés par Valdés et ses disciples apparaît quelque peu limitée. Son attitude est au demeurant compréhensible, car si d’une part, dans les années précédentes, les violentes accusations portées par les prédicateurs à l’encontre des luthériens – terme par lequel on englobait quiconque semblait s’éloigner du dogme –, l’intolérance de la Curie romaine272 et le début de la réaction de la Contre-Réforme dès 1542273 avaient poussé nombre d’hommes de lettres à la dissimulation, d’autre part sa position personnelle ne lui permettait pas de s’exposer. De fait, même s’il n’ambitionnait pas spécialement d’obtenir un bénéfice ecclésiastique274, en 1547-48, volens nolens, il fut impliqué dans l’ambassade conduite par Sanseverino auprès de Charles Quint afin de justifier la rébellion des Napolitains contre l’instauration de l’Inquisition à la manière espagnole à Naples275. Les précautions de mise quelques années plus tard, au moment de l’édition de l’Amadis et de son examen par les autorités ecclésiastiques, étaient donc déjà fortement conseillées en cette première moitié du siècle, d’autant plus que le secrétaire, dont les rapports avec le prince de Salerne commençaient à se dégrader, avait tout intérêt, avec la publication de son recueil épistolaire, à réaliser une opération éditoriale lucrative, donc ni interdite ni censurée par l’Inquisition. Ainsi s’expliquent sans doute les réserves implicites – sur les thèmes évangélistes traités – et explicites – la dénonciation de l’hérésie luthérienne – contenues dans les rares textes ambigus de son anthologie. Cela n’interdit pas que l’homme lui-même ait partagé les points de vue des réformistes, et à vrai dire, à la lecture des quelques lettres « spirituelles » qu’il lègue à la postérité, c’est même assez crédible.
Une deuxième supposition ne peut que prendre en compte l’image qu’il entendait laisser de lui à ses lecteurs, et, pourquoi pas ? à la postérité, à savoir celle d’un homme complet, désireux à la fois de bien vivre en ce monde et de gagner son salut dans l’au-delà. Dans ce dernier cas, le portrait répondrait à une attente et on imagine que, quelles que soient ses qualités, au demeurant bien réelles, il construit de lui l’image que ses commanditaires, ses lecteurs futurs, ses amis actuels ou à venir attendent. Il couche sur le papier ce qui est susceptible de plaire dans le climat social et religieux des intellectuels de l’époque. Cela signifie non pas que l’ouvrage ne constitue qu’un vaste manifeste de propagande, mais qu’il inclut aussi un aspect publicitaire ici revendiqué, pleinement assumé, au même titre que ses qualités littéraires ou diplomatiques ou didactiques. Sans écarter donc l’hypothèse de l’authenticité de ces manifestations sporadiques de malaise spirituel, voire d’un éloignement du catholicisme – qui, encore une fois, apparaît plausible au vu de ce que l’on sait de ses relations276 – il semble tout de même très possible aussi que le Tasse cherche à se mettre en valeur.
Ainsi ces écrits contribuent-ils à l’affichage d’une moralité forte, apparemment désireuse d’endiguer le désordre ambiant d’un siècle de ruptures, et ils ne reprennent qu’assez prudemment des thèmes et un lexique très répandu parmi les épistoliers de son époque. Autrement dit, en une période où le contrôle de l’Église commence déjà à s’alourdir, la tentation d’offrir de soi une image édifiante à un lectorat qui comprend nombre de lettrés ouverts aux idées réformistes s’explique sans doute par le but pédagogique manifeste du recueil et par les avantages moins apparents mais plus lucratifs de sa parution. Surtout si l’on considère que, en bien d’autres occasions, Bernardo fait preuve d’un pragmatisme et même d’un sens des réalités matérielles que trahit un ouvrage jalonné par des lettres de négoce concernant ses affaires personnelles et ses préoccupations économiques. En un moment donc, où après les mésaventures provoquées par le conseil inopportun donné à Ferrante Sanseverino de représenter la noblesse napolitaine et les grands feudataires auprès de l’empereur277, il espère sans doute redorer quelque peu son blason et asseoir son image d’homme de lettres, il a effectivement intérêt à tracer de lui touche après touche, un portrait des plus flatteurs, dans une optique qui est encore celle de l’intellectuel-courtisan du siècle précédent à laquelle vient s’adjoindre une tonalité vertueuse et religieuse dans l’air du temps.
À la lecture du recueil en somme, étant donné le contexte à la fois historique et religieux, certaines des lettres publiées sont indéniablement à double entente, mais en raison de leur petit nombre il n’apparaît guère possible de déterminer avec certitude ce qui relève d’une stratégie de communication ante litteram et ce qui témoigne d’une conviction humaine profonde. D’autant que les textes en question se situent dans une tendance plus générale de la société et des intellectuels en particulier à discuter de problèmes de foi et à publier sur le sujet, fût-ce en usant de stratagèmes pour éluder la surveillance de l’Inquisition, et ce jusqu’à l’apparition de l’Index librorum prohibitorum. On remarque par ailleurs qu’aucune trace de la moindre accusation d’hétérodoxie à l’encontre du secrétaire ne subsiste, alors qu’à partir de 1542 et même avant, le Saint-Office était pourtant plus que vigilant et n’avait pas épargné plusieurs de ses amis ou de ses connaissances278. Il est pour lors vraisemblable que, tout en rendant compte à sa manière du trouble jeté dans les esprits par l’expansion de la doctrine luthérienne avec l’introduction (très) mesurée d’une typologie « spirituelle » parmi d’autres279, qui peut aussi bien témoigner des échanges intérieurs au milieu intellectuel en matière de dogme que d’une forme poussée de nicodémisme, voire des deux, le Tasse soigne aussi bien son ouvrage que son image.
Les lettres « de service »
Au-delà des lettres déjà recensées, le premier recueil de l’écrivain bergamasque inclut aussi sa correspondance avec ou pour ses protecteurs. Ordonnés de façon globalement thématique et chronologique, ses textes sont adressés d’abord à Guido Rangone et couvrent les années 1525-1527 ainsi que les conflits qui se déroulent dans le nord de la Péninsule. Ce sont pour la plupart des comptes rendus militaires ou diplomatiques. Il ne reste pratiquement rien de ses échanges possibles avec la duchesse d’Este, peut-être en raison de l’humilité de ses fonctions à ce moment-là de son existence280. La première trace de son service auprès de Ferrante Sanseverino, en 1532, après qu’il eut quitté la cour de Renée de France, est constituée par un écrit sur le problème du brigandage dans la région d’Eboli et sur les moyens d’y remédier pour lesquels il s’inspire de la politique adoptée en la matière par la république de Venise. Selon une opinion couramment admise que Venise était libre de toute lutte de factions et que ses gouvernants collaboraient pour le plus grand bien commun, la Sérénissime représente pour lui, comme pour de nombreux autres intellectuels italiens, un modèle de gouvernement inégalé dans l’Europe du XVIe siècle281. Ce phénomène, qui découle directement des conditions sociales des territoires placés sous la gouvernance du prince de Salerne ainsi que du mal-être diffus qui y régnait, semble fort courant à l’époque si le vice-roi espagnol de Naples place justement la répression du banditisme et de la criminalité parmi les priorités de son action au gouvernement. Le secrétaire en analyse pragmatiquement les conséquences :
Al presente questo insidioso tumulto vi porta grandissimo danno ed è per portare maggiore, perché se la cosa va procedendo più avanti sicché la corte del Re sia forzata di porvi la mano, non ne potete sperare altro che danno et vergogna282.
Sa deuxième missive, datée de 1542 en provenance de Sorrente, fait allusion à des difficultés financières ainsi qu’à une brouille et revendique déjà sa « travagliata lunga e faticosa servitù »283 en alternant formules de politesse et remontrances au prince qui avait prêté l’oreille à des calomnies le concernant. Suivent des lettres sur différents sujets, pour des remerciements, sur la suprématie de la littérature sur le(s) pouvoir(s) temporel(s)284, sur le déroulement des opérations dans le Montferrat285, sur son service, mais aussi sur des questions matérielles et financières. Avec la lettre CXXV par exemple, il anticipe sur la tonalité polémique qui sera celle de ses rapports épistolaires avec son protecteur dans le volume de 1560.
Sur les deux cent vingt-cinq lettres rédigées pour son compte, on n’en dénombre que huit adressées au prince et quelques-unes à Isabella Villamarino, son épouse, contre les vingt et une envoyées au comte Rangone. Le contexte troublé du début du recueil et la nécessité de rapporter régulièrement ce qu’il voit et entend sont vraisemblablement à l’origine de cette différence. Plusieurs des lettres à ses protecteurs relèvent au demeurant de la catégorie des lettres de reproches.
À ces dernières s’ajoutent les quatre-vingt-onze autres messages où le secrétaire prête le plus souvent sa plume à son seigneur de façon généralement très formelle. Dans la plupart des cas, il s’agit de requêtes ou de recommandations pour conclure une affaire ou placer un protégé. Quelques écrits présentent les remerciements du prince pour un don ou un envoi, d’autres des congratulations, notamment pour l’accession d’Alexandre Farnese au trône pontifical, d’autres encore des condoléances286. Ces textes témoignent parfois de l’estime dans laquelle le Tasse semble être tenu :
« La lunga e fedel servitù di Bernardo Tasso mio secretario m’obliga non solo a pigliar la protezione delle cose sue, ma di quelle degli amici e dei parenti suoi »287 écrit par exemple le prince de Salerne qui le juge digne de missions délicates auprès d’un personnage aussi important que le pape nouvellement élu, Paul III288. Cette partie de la correspondance du prince confirme qu’il recourait fréquemment au Bergamasque pour son courrier comme pour des missions plus délicates parfois assez éloignées de Naples. Non datées, très rhétoriques et impersonnelles, ces lettres n’aident guère à cerner de plus près le caractère de notre auteur et concernent essentiellement les affaires ou les relations de Ferrante Sanseverino et d’Isabella Villamarino.
Les lettres inclassables
Par inclassables, j’entends autant les textes qui traitent de contenus parfois fort différents que ceux dont le nombre n’est pas suffisamment représentatif, du moins au sein du volume de 1549-1559, pour constituer une typologie. Ainsi, au nombre des varia de ce premier recueil épistolaire figurent, comme il y a déjà été fait allusion, des lettres de négoce qui traitent de ses affaires personnelles, des textes relatifs à la chronologie de la composition de l’Amadis289 et d’autres encore qui informent sur la diversité de ses relations. Parmi ces dernières, il en est une intéressante pour les lecteurs contemporains, dans la mesure où elle atteste une pratique éditoriale qui consistait à publier des lettres sans le consentement de leur auteur. Dans une missive vraisemblablement rédigée en 1544, puisqu’elle est envoyée d’Anvers, le Tasse n’adresse qu’un léger reproche à un correspondant qui a pourtant disposé librement des lettres en sa possession en les insérant dans le Novo libro di lettere scritte da i più rari auttori e professori della lingua volgare italiana, édité en 1544 par Paolo Gherardo :
Rompete questo vostro ozio, ché poiché le vostre lettere portano tanta consolazione […] ad un amico tale qual io vi sono, non dovete perdonare a qual si voglia fatica della penna, rendendovi certo ch’io non farò quel torto alle vostre che voi alle mie avete fatto; le quali, ancor che mi sia dispiacciuto che siano state stampate, per esser così piene d’inezia come d’affezione, nondimeno m’è piacciuto perché facciano testimonio al mondo dell’amore e osservanza ch’io vi porto e dell’affezione che sete tenuto di portarmi290.
En cela, son attitude diverge de celle d’Annibal Caro qui, en écrivant à Bernardo Spina, s’insurgeait contre l’inclusion d’une partie de sa correspondance dans la réédition du volume de Gherardo en 1545 :
Di grazia, signor Bernardo, quando vi scrivo da qui innanzi stracciate le lettere, che io non ho tempo di scrivere quasi a persona, non che a fare ogni lettera col compasso in mano; e questi furbi librari stampano ogni scempiezza. […] Dico questo in collera, perché adesso ho visto andare in processione alcune mie letteraccie che me ne son vergognato fin dentro l’anima291.
Une lecture cursive du volume met donc en lumière la grande variété des typologies épistolaires qui y sont représentées. Pareille recherche de diversité relève manifestement d’un choix littéraire et d’une politique éditoriale délibérée. De fait, les différentes pages offertes à la lecture témoignent de sa capacité à s’entretenir sur les sujets les plus divers. Peut-être pour s’inscrire dans la liste des écrivains dont les ouvrages ont un caractère normatif, le Tasse ne s’interdit aucune typologie et parcourt tous les registres susceptibles de figurer dans le filon du livre de lettres ; cela quelles que soient les réserves émises dans la dédicace au prince de Salerne292. Il n’est d’ailleurs pas certain que le processus de recusatio allié au topos de la diminutio personae qui sous-tend cette dédicace soit purement formel, car pour lui comme pour d’autres épistoliers, il s’agissait bien de mettre en jeu une image publique et d’accéder au rang de maître de style293.
Typologies recensées dans l’ouvrage du Tasse
Volume de 1549-1559
Typologie | Numéro de lettre | Destinataire | Date | Pages |
Lettre d’Annibal Caro | Bernardo Tasso | 1544 | p. 13-15 | |
Réponse du Tasse | I | Annibal Caro | 1544 | p. 17-21 |
Compte rendu historique | II | Guido Rangone | 1525 | p. 22-23 |
Compte rendu historique | III | Guido Rangone | 1525 | p. 23-24 |
Compte rendu historique | IV | Guido Rangone | 1525 | p. 24-25 |
Compte rendu historique | V | Clemente VII | 1525 | p. 25-27 |
Lettre de négoce | VI | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 27-28 |
Lettre de négoce | VII | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 28-30 |
Lettre de négoce | VIII | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 30-33 |
Compte rendu historique | IX | Francesco Guicciardini | 1526 | p. 33-35 |
Compte rendu historique | X | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 35-36 |
Compte rendu historique | XI | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 36-38 |
Compte rendu historique | XII | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 38-39 |
Lettres d’instructions | XIII | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 39-40 |
Compte rendu historique | XIV | Guido Rangone | 1525/1527 | p. 40-41 |
Compte rendu historique | XV | Clemente VII | 1527 | p. 41-45 |
Lettre amicale | XVI | Antonio Brocardo | 1530-1531 | p. 45-46 |
Compte rendu historique | XVII | Guido Rangone | 1527 | p. 46-47 |
Compte rendu historique | XVIII | Guido Rangone | 1527 | p. 47-50 |
Compte rendu historique | XIX | Guido Rangone | 1528 | p. 50-51 |
Lettre de conseils | XX | Guido Rangone | 1528-1532 | p. 51-53 |
Lettre de conseils | XXI | Guido Rangone | 1528-1532 | p. 53-56 |
Compte rendu historique | XXII | Guido Rangone | 1528 | p. 56-57 |
Compte rendu historique | XXIII | Guido Rangone | 1528 | p. 57-58 |
Lettre amicale | XXIV | Giovanni Piero de’ Cancellieri | 1528 | p. 58-60 |
Lettre de congratulations | XXV | Guido Rangone | 1528 | p. 60-61 |
Lettre amicale | XXVI | Girolamo Molino | 1528-1532 | p. 61-62 |
Lettre de conseils | XXVII | Guido Rangone | 1528 | p. 62-67 |
Lettre de remontrances | XXVIII | Guido Rangone | 1528 | p. 67-69 |
Lettre de négoce | XXIX | Marco Cornaro | 1528-1532 | p. 69-70 |
Lettre de remontrances | XXX | Boncio | 1528-1532 | p. 70-71 |
Lettre de remontrances | XXXI | Paolo Quinzio | 1528-1532 | p. 71-72 |
Demande de conseils | XXXII | Conte Claudio Rangone | 1528-1532 | p. 72-73 |
Lettre de recommandation | XXXIII | Girolamo Molino | 1528-1532 | p. 74 |
Lettre de recommandation | XXXIV | Girolamo Molino | 1528-1532 | p. 75 |
Lettre de recommandation | XXXV | Monsignor Valerio | 1528-1532 | p. 76 |
Lettre de négoce | XXXVI | Monsignor Valerio | 1531 | p. 76-78 |
Lettre de remerciements | XXXVII | Monsignor Valerio | 1531-1532 | p. 78-79 |
Lettre de recommandation | XXXVIII | Monsignor Valerio | 1531-1532 | p. 79-81 |
Lettre de recommandation | XXXIX | Monsignor Valerio | 1531-1532 | p. 81-82 |
Lettre de recommandation | XL | Monsignor Valerio | 1531-1532 | p. 82-83 |
Réponse à une demande | XLI | Pietro Alzano | p. 83-84 | |
Lettre de recommandation | XLII | Lorenzo Toscano | 1528-1532 | p. 85-86 |
Lettre de remerciements | XLIII | Francesco Valerio | p. 86-87 | |
Réponse à des louanges | XLIV | Francesco Valerio | p. 87-88 | |
Réponse à des critiques littéraires | XLV | Francesco Valerio | 1528-1532 | p. 88-89 |
Lettre amicale | XLVI | Lorenzo Toscano | p. 89-90 | |
Lettre de remerciements | XLVII | Girolamo Molino | 1528-1532 | p. 90-91 |
Lettre amicale | XLVIII | Nicolò Grassi | p. 91-92 | |
Lettre d’accompagnement | XLIX | Nicolò Grassi | 1528-1532 | p. 92-93 |
Réponse à des louanges | L | Nicolò Grassi | 1528-1532 | p. 93-94 |
Lettre de remerciements | LI | Sperone Speroni | 1534 | p. 94-95 |
Lettre littéraire | LII | Sperone Speroni | 1534 | p. 95-96 |
Lettre de recommandation | LIII | Girolamo Molino | > 1532 | p. 96-97 |
Lettre de consolation | LIV | Anton Francesco degli Albizzi | > 1532 | p. 97-99 |
Lettre familiale | LV | Cornelia Tasso | 1556-57 | p. 100-103 |
Lettre de négoce | LVI | Giulia Gonzaga | > 1532 | p. 103-104 |
Lettre de négoce | LVII | Onorata Tancredi | p. 104-105 | |
Lettre amicale | LVIII | Girolamo Molino | 1532-1542 | p. 105-106 |
Lettre amicale | LIX | Andrea Cornelio | 1532-1544 | p. 106-107 |
Lettre de conseils | LX | Principe di Salerno – Ferrante Sanseverino | 1532-1542 | p. 107-110 |
Lettre de conseils | LXI | Anton Francesco degli Albizzi | 1535 | p. 111-114 |
Lettre de négoce | LXII | Francesco Valerio | p. 114-115 | |
Lettre de remerciements | LXIII | Marchesa di Pescara – Maria d’Aragona ou Vittoria Colonna ? | p. 115-116 | |
Lettre littéraire | LXIV | Marchesa di Pescara | p. 116-117 | |
Lettre littéraire | LXV | Marchesa di Pescara | p. 117-118 | |
Demande d’aide (spirituelle ?) | LXVI | Marchesa di Pescara | p. 118-119 | |
Envoi d’une composition littéraire | LXVII | Frate Cornelio | p. 119-120 | |
Lettre littéraire | LXVIII | Giovanni Guidiccioni | p. 120-121 | |
Lettre de négoce | LXIX | Ippolita Pallavicino | p. 121-122 | |
Réception d’une composition littéraire | LXX | Sperone Speroni | > 1542 | p. 122-123 |
Lettre d’amour ? | LXXI | Lucrezia de’ Ruberti | p. 123-124 | |
Lettre de négoce | LXXII | Giovanni Guidiccioni | p. 124-125 | |
Échange de compositions littéraires | LXXIII | Galeazzo Florimonte | p. 125-127 | |
Lettre de condoléances | LXXIV | Andrea Cornelio | < 1544 | p. 127-130 |
Lettre de congratulations | LXXV | Cardinal Bembo | 1539 | p. 130-131 |
Lettre de consolation | LXXVI | Bernardo Capello | 1540 | p. 131-135 |
Lettre familiale | LXXVII | Cavalier Tasso – Giangiacomo Tasso | 1542 | p. 135-136 |
Lettre familiale | LXXVIII | Cavalier Tasso | 1542 | p. 137-138 |
Lettre familiale | LXXIX | Cavalier Tasso | 1542 | p. 139-142 |
Lettre familiale | LXXX | Cavalier Tasso | 1542 | p. 142-143 |
Lettre de reproches | LXXXI | Principe di Salerno | 1542 | p. 143-148 |
Lettre amicale | LXXXII | Sperone Speroni | 1542-1544 | p. 148-152 |
Lettre amicale | LXXXIII | Girolamo Molino | 1542-1544 | p. 152-153 |
Lettre amicale | LXXXIV | Fortunio Spira | 20 août 1543 | p. 154-155 |
Lettre amicale | LXXXV | Girolamo Molino | 1542-1544 | p. 155-156 |
Lettre amicale | LXXXVI | Marc Antonio da Mula | 1542-1544 | p. 156-160 |
Lettre à son protecteur | LXXXVII | Principe di Salerno | 1542-1544 (début 1543) | p. 160-161 |
Lettre d’exhortation | LXXXVIII | Bernardino Sarresale | 1542-1544 | p. 161-162 |
Lettre à son protecteur | LXXXIX | Principe di Salerno | 1542-1544 | p. 162-163 |
Lettre de recommandation | XC | Girolamo Molino | 1542-1544 | p. 163-164 |
Lettre de recommandation | XCI | Fortunio Spira | 1542-1544 | p. 164-165 |
Lettre de recommandation | XCII | Sperone Speroni | 1542-1544 | p. 165-167 |
Lettre à son protecteur | XCIII | Principe di Salerno | 1542-1544 | p. 167-170 |
Lettre amicale | XCIV | Daniello Barbaro | 1542-1544 | p. 170-171 |
Lettre de négoce | XCV | Giovanni Battista Peres | 1542-1544 | p. 171 |
Lettre de négoce | XCVI | Onofrio Correale | 1542-1544 | p. 172-173 |
Lettre de négoce | XCVII | Raffaello Guicciardini | 1542-1544 | p. 173-174 |
Lettre de négoce | XCVIII | Angelo Rustici | 1542-1544 | p. 174-175 |
Sur la composition de l’Amadis | XCIX | Don Luigi d’Avila | 1542-1544 (1543 ?) | p. 176-179 |
Lettre amicale | C | Antonio de’ Ruggieri | 1542-1544 | p. 179-181 |
Lettre familiale | CI | Onofrio Correale | 1542-1544 | p. 181-183 |
Lettre de négoce | CII | Giovanni Antonio de’ Tassi | 1542-1544 | p. 183-184 |
Lettre de négoce | CIII | Don Luigi d’Avila | 1542-1544 | p. 184-187 |
Lettre de négoce | CIV | Don Francesco di Toledo | 1542-1544 | p. 187-189 |
Lettre amicale | CV | Vettor de’ Franceschi | 1542-1544 (déc. 1543) | p. 189-191 |
Lettre amicale | CVI | Andrea Cornelio | 1542-1544 | p. 191-193 |
Lettre de négoce | CVII | Raffaello Guicciardini | 1542-1544 | p. 194-195 |
Lettre de négoce | CVIII | Madama Catherina | 1542-1544 | p. 196-197 |
Lettre de négoce | CIX | Giovanni Paolo Flavio | 1542-1544 | p. 196-197 |
Lettre de courtoisie | CX | Francesco Cenami | 1542-1544 | p. 197-198 |
Lettre de négoce | CXI | Giovanni Antonio de’ Tassi | 1542-1544 | p. 198-199 |
Lettre de consolation | CXII | Onofrio Correale | 1542-1544 | p. 199-200 |
Lettre de négoce | CXIII | Antonio de’ Ruggieri | 1542-1544 | p. 200-201 |
Lettre de négoce | CXIV | Vincenzo Martelli | 1542-1544 | p. 201-202 |
Lettre de consolation | CXV | Amerigo Sanseverino | 1544 | p. 202-208 |
Lettre de négoce | CXVI | Vincenzo Martelli | 1542-1544 | p. 208-209 |
Lettre de négoce | CXVII | Arrigo de’ Ligori | 1542-1544 | p. 209-210 |
Lettre de négoce | CXVIII | Angelo Rustici | 1542-1544 | p. 210-211 |
Lettre de courtoisie | CXIX | Vescovo di Catania – Nicola Caracciolo | 1542-1544 | p. 211-212 |
Lettres de conseils | CXX | Abate Peres | 1542-1544 | p. 212-214 |
Lettre littéraire | CXXI | Giovanni Battista Peres | 1542-1544 | p. 214-221 |
Lettre de congratulation | CXXII | Pietro Bembo | 15 déc. 1543 | p. 221-223 |
Lettre amicale | CXXIII | Sperone Speroni | 1542-1544 | p. 223-224 |
Lettre de conseils | CXXIV | Antonio Maria de’ Rossi | 1542-1544 | p. 224-226 |
Lettre de négoce | CXXV | Principe di Salerno | 1542-1544 | p. 226-227 |
Lettre de remontrances | CXXVI | A ** | p. 227-230 | |
Lettre de négoce | CXXVII | Vincenzo Martelli | 1542-1544 | p. 230-234 |
Lettre de remerciements | CXXVIII | Giovanni Battista Peres | 1542-1544 | p. 234-235 |
Lettre de courtoisie | CXXIX | Giovanni Andrea Carrafa | 1542-1544 | p. 235-236 |
Lettre de courtoisie | CXXX | Paolo del Rosso | 1542-1544 | p. 236-238 |
Lettre amicale | CXXXI | Maccigni | 1542-1544 | p. 238-240 |
Lettre amicale | CXXXII | Francesco della Torre | 1542-1544 (printemps 1542) | p. 240-242 |
Lettre à tonalité religieuse | CXXXIII | Marc Antonio Flaminio | 1542-1544 | p. 242-244 |
Lettre amicale | CXXXIV | Abbate Riario – Raffaello Riario | 1542-1544 | p. 244-245 |
Lettre de consolation | CXXXV | Vescovo di Brescia – Andrea Cornaro | 1544 | p. 245-250 |
Lettre amicale | CXXXVI | Girolamo Garimberto | 1542-1544 | p. 250-251 |
Lettre amicale | CXXXVII | Vettor de’ Franceschi | 1542-1544 (déc. 1543) | p. 251-253 |
Lettre à sa protectrice | CXXXVIII | Principessa di Salerno – Isabella Villamarino | 1542-1544 | p. 254-255 |
Lettre à sa protectrice | CXXXIX | Principessa di Salerno | p. 255 | |
Lettre familiale | CXL | Donna Affra de’ Tassi | janv. 1544 | p. 255-258 |
Lettre familiale | CXLI | Cavalier Tasso | déc. 1543 | p. 258-260 |
Lettre de courtoisie | CXLII | Conte di Condiani | 1542-1544 | p. 260-262 |
Compte rendu historique | CXLIII | Alfonso Rota | 1544 | p. 262-263 |
Lettre de courtoisie | CXLIV | Principessa di Salerno | 1544 | p. 263-264 |
Compte rendu historique | CXLV | Duca di Thermoli | 1544 | p. 264-266 |
Compte rendu historique | CXLVI | Vescovo di Brescia | 1544 | p. 266-269 |
Compte rendu historique | CXLVII | Girolamo Morra | déc. 1544 | p. 269-274 |
Lettre amicale | CXLVIII | Panarello | p. 274-275 | |
Lettre amicale | CXLIX | Giovanni Battista Peres | 1544 | p. 275-276 |
Lettre de négoce | CL | Vincenzo Martelli | 1544 | p. 276-277 |
Lettre de courtoisie | CLI | Giovanna Sanseverina | 1544 | p. 277-278 |
Compte rendu historique | CLII | Alfonso Rota | 6 mai 1544 | p. 278-281 |
Compte rendu historique | CLIII | Principe di Salerno | 1544 | p. 281-282 |
Lettre de courtoisie | CLIV | Vescovo di Casale – Bernardino Castellario | p. 283 | |
Compte rendu historique | CLV | Bernardino Rota | 1544 | p. 283-289 |
Lettre de négoce | CLVI | Marchese del Vasto – Alfonso d’Avalos | 1544 | p. 289-291 |
Lettre à son protecteur | CLVII | Principe di Salerno | 1544 | p. 291-292 |
Lettre de courtoisie | CLVIII | Baldo Granato | 1544 | p. 292-293 |
Lettre à son protecteur | CLIX | Principe di Salerno | 1544 | p. 293-294 |
Lettre amicale | CLX | Scipione Capece | 1544 | p. 294-296 |
Lettre amicale | CLXI | Matteo Maccigni | 1544 | p. 296-297 |
Lettre amicale | CLXII | Clemente Panarello | 1544 | p. 297-298 |
Lettre amicale | CLXIII | Sperone Speroni | déc. 1544 | p. 298-299 |
Lettre de négoce | CLXIV | Abbate Riario | 1544 | p. 300-301 |
Lettre amicale | CLXV | Girolamo Molino | 1544 | p. 301-302 |
Lettre amicale | CLXVI | Fortunio Spira | 1544 | p. 302-303 |
Lettre amicale | CLXVII | Vittore de’ Franceschi | 1544 | p. 303-304 |
Lettre amicale | CLXVIII | Giovanni Antonio de’ Tassi | 1544 | p. 305-307 |
Lettre amicale | CLXIX | Abbate Riario | 1544 | p. 307-308 |
Lettre amicale | CLXX | Onofrio Correale | 1544 | p. 308 |
Lettre de négoce | CLXXI | Conte di Gani | mai-juin 1544 | p. 309-311 |
Lettre de recommandation | CLXXII | A *** (un proche du vice-roi) | p. 311-312 | |
Lettre de conseils | CLXXIII | Antonio Maria de’ Rossi | p. 313-314 | |
Lettre de requête | CLXXIV | Cardinal Cornaro – Andrea Cornaro | 1545 | p. 314-316 |
Lettre de recommandation | CLXXV | Cardinal Salviati – Giovanni Salviati | 1545 | p. 316-317 |
Lettre de recommandation | CLXXVI | Vettor de’ Franceschi | 1545 | p. 317-318 |
Lettre de recommandation | CLXXVII | Annibal Caro | 1545 | p. 318-319 |
Lettre de remerciements | CLXXVIII | Franchino | 1545 | p. 319-320 |
Lettre de remerciements | CLXXIX | Claudio Tolomei | 1545 | p. 320-321 |
Lettre de négoce | CLXXX | Annibal Caro | 1545 | p. 321-323 |
Lettre de courtoisie | CLXXXI | Principe di Bisignano – PierAntonio Sanseverino | 1545 | p. 323-324 |
Lettre amicale | CLXXXII | Clario Giovanni Antonio | 1545 | p. 324-325 |
Lettre amicale | CLXXXIII | Cardinal Cornaro | 1545-1547 | p. 325-326 |
Lettre amicale | CLXXXIV | Sperone Speroni | 1545-1547 | p. 327-328 |
Lettre amicale | CLXXXV | Fortunio Spira | 1545-1547 | p. 328-329 |
Lettre amicale | CLXXXVI | Girolamo Molino | 1545-1547 | p. 329-330 |
Lettre familiale | CLXXXVII | Onofrio Correale | 20 juin 1545 | p. 331-332 |
Lettre de négoce, | CLXXXVIII | Paolo Casale | 1546 | p. 333-334 |
Lettre d’invitation | CLXXXIX | Abate Riario | 1545-1547 | p. 335-336 |
Lettre de négoce | CXC | Monsignor Pellegrino della Fava | 1545-1547 | p. 336-337 |
Lettre de compliments | CXCI | Girolamo Garimberto | 1545-1547 | p. 337-338 |
Lettre de courtoisie | CXCII | Principe di Bisignano | 1545-1547 | p. 338-339 |
Lettre de recommandation | CXCIII | Girolamo Molino | 10 juin 1547 | p. 339 |
Lettre de recommandation | CXCIV | Eletto di Spalato – Marco Cornaro | 1547 | p. 340 |
Lettre de recommandation | CXCV | Giovanni Cornelio | 1547 | p. 341 |
Lettre amicale | CXCVI | Francesco Tores | 6 oct. 1547 | p. 342-343 |
Lettre amicale | CXCVII | Girolamo Morra | 7 juill. 1547 | p. 343-344 |
Compte rendu historique | CXCVIII | Girolamo Molino | oct. 1547 | p. 344-352 |
Lettre familiale | CXCIX | Sig.a Portia | 1547-48 | p. 352-359 |
Lettre amicale | CC | Bernardino Sarresale | 15/1/1547 | p. 360-363 |
Lettre de consolation | CCI | Principessa di Salerno | 1547 | p. 363-366 |
Lettre de négoce | CCII | Cardinal di Carpi – Pio Rodolfo | 1547/1548 | p. 367-368 |
Lettre de négoce | CCIII | Paolo Casale | 1547/1548 | p. 368-369 |
Lettre de négoce | CCIV | Cardinal Cornelio | 1547/1548 | p. 369-70 |
Lettre amicale | CCV | Annibal Caro | 1547 | p. 371 |
Lettre amicale | CCVI | Francesco Cenami | 1547/1548 | p. 373 |
Lettre amicale et de recommandation | CCVII | Eletto di Spalato | 1547/1548 | p. 374-375 |
Lettre amicale | CCVIII | Girolamo Molino | 1547/1548 | p. 376-377 |
Lettre de compliments | CCIX | Claudio Tolomei | 22 déc. 1547 | p. 377-382 |
Lettre de reproches | CCX | Americo Sanseverino | 7janv. 1548 | p. 383-384 |
Lettre de négoce | CCXI | Girolamo de’ Bulli | 7 janv. 1548 | p. 384-385 |
Lettre de négoce | CCXII | Scipione Capece | 7 janv. 1548 | p. 385-386 |
Lettre de courtoisie | CCXIII | Don Giovanni D’Angeluzzo | 7 janv. 1548 | p. 386-387 |
Lettre de négoce | CCXIV | Angelo Rustici | p. 387-388 | |
Lettre de négoce | CCXV | Francesco Cenami | 15 janv. 1548 | p. 388-389 |
Requête < Conte G. Rangone | CCXVI | Federico Gonzaga – Duca di Mantova | 1525-1527 | p. 390-392 |
Requête < Conte G. Rangone | CCXVII | Papa Clemente VII | 1525-1527 | p. 392-393 |
Lettre de remerciements < Ferrante Sanseverino | CCXVIII | Sperone Speroni | 1532 | p. 393-394 |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCXIX | Sua Maestà – Carlo V d’Absburgo | p. 394-95 | |
Lettre de congratulations < Ferrante Sanseverino | CCXX | Papa Paolo III | 1534-1535 ? | p. 395-396 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCXXI | Cagnino Gonzaga | p. 396 | |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCXXII | Duca d’Urbino – Guidobaldo II della Rovere | 1538 | p. 396-397 |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCXXIII | Marchese del Vasto | p. 398-399 | |
Requête < Isabella Villamarino | CCXXIV | Contessa di Santafiore – Costanza Farnese | p. 399 | |
Requête < Isabella Villamarino | CCXXV | Andrea Cornelio | p. 400 | |
Requête < Isabella Villamarino | CCXXVI | Duca di Ferrara – Ercole II d’Este | p. 401-402 | |
Requête < Isabella Villamarino | CCXXVII | Duca di Ferrara | p. 402 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXXVIII | Duca di Castro – Pier Luigi Farnese | p. 402-403 | |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCXXIX | Contessa di Santa Fiore | p. 403-404 | |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCXXX | Card.Santa Fiore – Guido Ascanio Sforza | p. 404-405 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXXXI | Monsignor di Granvella – Nicolas Perrenot de Granvelle | 1544 | p. 405-406 |
Remerciements < Ferrante Sanseverino | CCXXXII | Monsignor di Granvella | 1544 | p. 406-407 |
Remerciements < Ferrante Sanseverino | CCXXXIII | Carlo V d’Absburgo | 1544 | p. 407-408 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXXXIV | Giovanni Battista Gastaldo | 1544 | p. 408-409 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXXXV | Gismondo Fancino | 1544 | p. 409-411 |
Compte rendu historique | CCXXXVI | Marchese del Vasto | 1544 | p. 411-413 |
Demande de renseignements | CCXXXVII | Monsignor di Scalengo | 1544 | p. 414 |
Compte rendu historique | CCXXXVIII | Marchese del Vasto | 1544 | p. 415 |
Compte rendu historique | CCXXXIX | Guilielmo di Valperga | 1544 | p. 415-417 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXL | Marchese del Vasto | 1544 | p. 417-418 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXLI | Comte Francesco di Landriano | 1544 | p. 418-420 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLII | Marchese del Vasto | 1544 | p. 420-422 |
Compte rendu historique | CCXLIII | Placido di Sangro | 1544 | p. 422-423 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLIV | Alfonso Rota | 1544 | p. 423-424 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLV | Marchese del Vasto | 1544 | p. 424-426 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLVI | Monsignor di Scalengo | p. 426-427 | |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLVII | Presidente di Monferrato | 1544 | p. 427-429 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLVIII | Capitan Luigi Gargano | 1544 | p. 429-430 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCXLIX | Conte Filippo Torniello | 1544 | p. 430-431 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCL | Vice marchese di Novara | 1544 | p. 431-432 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLI | Al Marchese del Vasto | p. 432-434 | |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLII | Giovanni Battista Spetiano | 1544 | p. 434-435 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLIII | Marchese del Vasto | 1544 | p. 435-437 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLIV | Capitan Vistarino | 1544 | p. 438 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLV | Gismondo da Este | 1544 | p. 439-440 |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCLVI | Duca di Ferrara | 1544 | p. 440-442 |
Lettre de congratulations < Ferrante Sanseverino | CCLVII | Don Francesco da Este | 1544 | p. 442 |
Lettre de négoce < Ferrante Sanseverino | CCLVIII | Bernardino Moccia | 1544 | p. 443 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLIX | Vincenzo Martelli | 1544 | p. 443 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLX | Marchese del Vasto | 1544 | p. 443-444 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLXI | Marchese del Vasto | 1544 | p. 444-445 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLXII | Marchese del Vasto | 1544 | p. 445-446 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXIII | Carlo V d’Absburgo | 1544 | p. 446-447 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXIV | Carlo V d’Absburgo | 1544 | p. 447 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLXV | Alonso Idiaquez | 1544 | p. 448-451 |
Lettre de remerciements < Ferrante Sanseverino | CCLXVI | Monsignor di Granvella | 1544 | p. 451-452 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXVII | A *** | 1544 | p. 452-453 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXVIII | Monsignor d’Arbes – Negusanti Vincenzo | 1544 | p. 453-454 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXIX | Don Francesco di Tolledo | 1544 | p. 454 |
Lettre de remerciements < Ferrante Sanseverino | CCLXX | Monsignor di Granvella | 1544 | p. 454-455 |
Compte rendu historique < Ferrante Sanseverino | CCLXXI | Juan Idiaquez | 1544 | p. 455-460 |
Supplique < Ferrante Sanseverino | CCLXXII | Carlo V d’Absburgo | 1544 | p. 460-461 |
Requête < Carlo Gonzaga | CCLXXIII | Francesco Borbone | 1544 | p. 461-462 |
Lettre de protestation < princesse de Salerne | CCLXXIV | Galeazzo Florimonte | p. 462-464 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXV | Duca di Castro | 1545 | p. 464-465 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXVI | Cardinale Alessandro Farnese | 1545 | p. 465-466 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXVII | Costanza Farnese | 1545 | p. 467-468 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXVIII | Cardinale Alessandro Farnese | 1547 | p. 468-469 |
Requête < Isabella Villamarino | CCLXXIX | Costanza Farnese | 1547 | p. 469-470 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXX | Giovanni di Vegha – Juan (de la) Vega | 1547 | p. 470-471 |
Requête < de Ferrante Sanseverino | CCLXXXI | Duca di Camerino – Ottavio Farnese | 1547 | p. 471-473 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCLXXXII | Papa Paolo III | p. 473 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXXIII | Duca di Castro | 1545 | p. 474 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXXIV | Papa Paolo III | 1545 | p. 475 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXXV | Cardinale Alessandro Farnese | 1545 | p. 476 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXXVI | Ottavio Farnese, duca di Camerino | 1545 | p. 477 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCLXXXVII | Girolamo Seripando | p. 477 | |
Requête < Isabella Villamarino | CCLXXXVIII | Reverendissimo Siripanno – Girolamo Seripando | p. 478-479 | |
Lettre de remerciements < Ferrante Sanseverino | CCLXXXIX | Cardinale Ardinghello – Cardinale Niccolò Ardinghelli | p. 479-80 | |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCXC | Marchese di Pescara – Francesco d’Avalos | 1546 | p. 480-481 |
Lettre de recommandation (s) < Ferrante Sanseverino | CCXCI | Cardinal Ridolfi – Niccolò Ridolfi | p. 482-483 | |
Lettre de recommandation (s) < Ferrante Sanseverino | CCXCII | Cardinal Ridolfi | p. 483-484 | |
Lettre de courtoisie < Isabella Villamarino | CCXCIII | Principe D’Oria – Antonio D’Oria | p. 484-485 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXCIV | Agostino Triulzio | p. 485-486 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXCV | Giovanni Angelo Papio | p. 486 | |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCXCVI | Agostino Triulzio | p. 486-487 | |
Lettre historique < Ferrante Sanseverino | CCXCVII | Consiglio Regio di Napoli | p. 488 | |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCXCVIII | Duca di Fiorenza – Cosimo I de’ Medici | p. 488-489 | |
Lettre de recommandation < Isabella Villamarino | CCXCIX | Duchessa di Fiorenza – Eleonora de Toledo | p. 489-490 | |
Lettre de recommandation < Ferrante Sanseverino | CCC | Stefano Colonna | p. 490 | |
Lettre amicale < Ferrante Sanseverino | CCCI | Vincenzo Martelli | janv. 1547 | p. 490-492 |
Requête < Ferrante Sanseverino | CCCII | Cardinal Ridolfi | p. 492-493 | |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCCIII | Antonio Doria | 1547 | p. 493-495 |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCCIV | Adam Centurione | 1547 | p. 496-497 |
Lettre de courtoisie < Ferrante Sanseverino | CCCV | Giorgio Cornelio – Giorgio Cornaro | 1547-1548 | p. 498 |
Requête < Isabella Villamarino | CCCVI | Conte di Consa – Ludovico Gesualdo | p. 498-500 | |
Lettre de Bernardo Tasso à son protecteur | CCCVII | Principe di Salerno | 1547 | p. 501-506 |
Lettre de reproches | CCCVIII | Vincenzo Martelli | 1547-1548 | p. 506-514 |
Lettre de courtoisie | CCCIX | Fernando Torres | 4 sept. 1550 | p. 514-515 |
Lettre de négoce < Ferrante Sanseverino | CCCX | Ferrante Gonzaga | p. 516-517 | |
Lettre de courtoisie | CCCXI | Petronio Barbato | 1549 | p. 517-518 |
Lettre de courtoisie | CCCXII | Vittoria Colonna | p. 518-519 | |
Lettre de négoce | CCCXIII | Bernardin Lungo | p. 519-521 | |
Lettre à tonalité religieuse | CCCXIV | Bernardino Rota | p. 522 | |
Lettre de condoléances < Ferrante Sanseverino | CCCXV | Abbate Riario | p. 523 | |
Lettre de négoce | CCCXVI | Giovanni Antonio Serone | p. 523-524 | |
Lettre de courtoisie | CCCXVII | Giovanni Angelo Papio | p. 524-525 |
Notes
- Voir le cas du premier volume de lettres de Bembo.
- Le terme « familière » est ici utilisé pour désigner une typologie épistolaire qui s’oppose aux variantes comme celles de la « lettre de divertissement », de la « lettre amoureuse » et d’autres encore. Voir Giacomo Moro, « Selezione, autocensura e progetto letterario… », p. 69-70.
- Lettere, I, XXXII, p. 72 et XXXVII, p. 79.
- Par commodité, je désigne ainsi le volume paru en 1549 et complété avec les quelques ajouts des troisième et quatrième volumes.
- Giacomo Moro, « Selezione, autocensura e progetto letterario… », p. 70. Extrait de la lettre de Sperone Speroni à Benedetto Ramberti qui se trouve dans le premier livre du recueil d’Alde Manuce de 1542 : « L’imprimerie est chose tout à fait contraire à la destination d’une lettre familière, qui telle une nonnain ou une demoiselle, doit rester cachée sans être vue, si ce n’est par hasard, et celui qui la montre volontairement lui fait quitter son état naturel ».
- Pour une définition des « spirituels », voir le chapitre portant sur les lettres évangélistes.
- Lettere, I, CXCIX, p. 352-359.
- Lettere, I, CXXI, p. 214-221.
- À l’exception de Lettere, I, CCCIX, p. 514-515, qui porte la date de 1550 et qui a été intégrée lors de l’adjonction d’un troisième et d’un quatrième livre dans l’édition de 1559.
- Mais même au sein des quelques blocs identifiés, on observe parfois des ruptures surprenantes. Ainsi, après dix-huit lettres consacrées aux guerres d’Italie, véritables comptes rendus dignes d’un observateur politique, le Tasse place une missive très rhétorique, construite sur une allégorie, par laquelle il incite son protecteur à se méfier des mauvais conseillers (Lettere, I, XX, p. 51-53).
- Lettere, I, XXX, p. 70-71 ; XXXI, p. 71-72.
- Quelques-unes font simplement allusion à son activité poétique (Lettere, I, XX, p. 51-53 ; XXI, p. 53-56 ; LII, p. 95-96 ; LXIV, p. 116-117), d’autres mentionnent explicitement des envois de poésies et des demandes de corrections (XLIV, p. 87-88 ; XLV, p. 88-89 ; XLVII, p. 90-91 ; XLIX, p. 92-93 ; L, p. 93-94 ; LI, p. 94-95 ; LII, p. 95-96).
- Jeanine Basso, « Échos de la vie culturelle… », p. 227.
- Lettere, I, XLV, A M. Francesco Valerio, p. 88-89 : « J’ai pris en considération les avertissements que vous m’avez envoyés au sujet de mon épithalame, car ils étaient subtils, prudents et dignes de votre esprit original et de notre amitié. Et afin que vous voyiez que je les apprécie pour ce qu’ils valent et pour confirmer mes propos par des faits, je corrigerai tous ces passages […] et je ferai en sorte d’ôter tout ce qui pourrait les priver de beauté, de splendeur et de dignité, et je vous jure que vos reproches sur l’épithalame m’ont procuré plus de plaisir que vos louanges de mon hymne, lequel ne m’a d’ailleurs plu que parce que vous l’aviez loué ».
- Lettere, I, LI, p. 94-95 : « Tel un pauvre nécessiteux et avide de biens, à vous qui êtes généreux et prodigue j’enverrai toutes mes compositions nues et incultes comme elles naissent de la pauvreté de mon esprit, en espérant que vous les vêtirez et […] les embellirez ».
- Voir la dédicace au prince de Salerne ou encore Lettere, I, XCI, p 164-165 : « [La] bassezza dell’ingegno mio ».
- Sur la base des datations proposées par Donatella Rasi et sans tenir compte des lettres dont la date probable n’est pas mentionnée, on parvient à un total d’environ une cinquantaine de lettres.
- Cf. Lettere, I, CXXX, p. 236-238 ; CXXXI, p. 238-240 ; CXXXII, p. 240-242 ; CXXXIII, p. 242-244 ; CXXXIV, p. 244-245 ; CXXXVI, p. 245-250.
- Cf. Lettere, I, LXXXVI, p. 156-160, et plus brièvement dans la CVI, p. 191-193.
- Comparer : « Più sforzato dalle vostre calde preghiere, che dalla mia volontà persuaso, a ciò fare posto mi sono » et Lettere, I, dedica al Sig. principe di Salerno, p. 7 : « Io sarò pronto così a sodisfare al vostro desiderio […] pur che il mondo conosca che più dai vostri comandamenti sforzato, che dal mio proposito persuaso, a ciò fare risoluto mi sia ».
- Lettere, I, CXXI, p. 216 : « Naples ville très illustre et magnifique, exposée au midi sur les pentes ou plutôt au pied du mont Saint-Erme, d’Antignana, de Capodimonte et de certaines autres très plaisantes montagnes, s’étend en contemplant les eaux de l’orgueilleuse mer tyrrhénienne […], entourée au ponant et au septentrion, d’où nous parvient le glacial Borée, par de vertes collines fruitières, que la variété de leur aspect orne et embellit et dans lesquelles, grâce à un perpétuel printemps, Zéphir et Chloris folâtrent continuellement ».
- Lettere, I, CXXI, p. 217 : « Au côté duquel [du Pausilippe] on voit Nesis dont il n’est séparé que par un étroit bras de mer et pour qui le Cap Misène tout proche soupire ardemment. Que dirai-je d’Ischia, de Procida, de Capri, des rochers des Sirènes […] et des autres lieux amènes qui, comme un amphithéâtre, entourent cette plus belle partie de tout le royaume de la grande mer tyrrhénienne […]. Que dirai-je de Pozzuoles, dont les temples, les mausolées, les palais, les théâtres […] témoignent ouvertement de sa grandeur, de son ancienneté et de sa perfection ? […] Et pourquoi oublierais-je le lac Averne et Baia et Cumes qui abrita la Sibylle et tant d’autres choses dignes d’émerveillement et de stupeur si, pour les louer convenablement, chacune mériterait une longue histoire à elle seule ? ».
- Lettere, I, CXXI, p. 218 : « Dans l’Antiquité, les hommes célèbres venaient y vivre tranquillement les dernières années de leur extrême vieillesse, ce dont font foi aussi bien les jardins de Lucullus que la très belle villa de Cicéron et de nombreux autres bâtiments consommés par la fureur de la mer et la colère du temps. Horace y demeura quelque temps, Tite-Live aussi, et Pline trop téméraire et désireux de voir les flammes du Vésuve y laissa la vie ».
- Lettere, I, CXXI, p. 219 : « Cette ville n’est pas moins belle par son aspect que par son site et ses cieux ; pleine comme elle l’est de nobles palais, de superbes temples, d’amples places, de routes larges et fort droites, de portes royales et magnifiques, d’enceintes fortes et inexpugnables, d’un port abrité et protégé de toutes les tempêtes maritimes, et abondamment pourvue comme elle l’est d’eau de pluie et de fontaines d’eau vive ».
- Lettere, I, CXXI, p. 220 : « Et je porterais certainement tort à l’infinie vertu de l’Excellentissime seigneur Don Pedro de Tolède, présentement vice-roi de ce royaume, si je ne parlais pas de ses nombreux efforts et des continuelles dépenses faites pour la rendre comme toutes les autres belle et admirable ; comme les fontaines […], le Parc, les châteaux Capouan et Saint-Erme, […] la toute nouvelle [rue] nommée de Tolède en honneur éternel de son Excellence et toutes les autres […] feront foi pour la postérité de sa vertu ».
- Ibid., p. 219 : « Presque comme par un insolite don du ciel, la nature n’a engendré que des hommes exceptionnels et remarquables ».
- Ibid., p. 220 : « Belles […] d’âme et de corps ».
- Lettere, I, CXXI, p. 221 : « Ecco Sig. Gio. Battista mio, ch’io ho detto quanto ho saputo, ma non quanto ho devuto di questa eccellentissima città […] e mi rendo certo che d’avermi a ciò persuaso e quasi a viva forza tirato, vi pentirete e conoscerete quanto l’affezione che mi portate, v’abbia ingannato e fattovi credere dal mio povero ingegno di potere ottenere ciò che da ogni ricco difficile sarebbe di sperare ».
- Lettere, I, XXXVI, p. 156-60 : « Elle [Sorrente] est séparée de Naples par une baie très plaisante. Sise au sommet d’une colline, comme désireuse que tout un chacun admire ses beautés, elle se dévoile aux visiteurs et il semblerait que la nature plus généreuse et plus prodigue qu’en tout autre lieu au monde se soit efforcée de la rendre belle et attrayante. La délicatesse et la nouveauté de ses fruits, la variété et l’excellence de ses vins, la bonté et la quantité de ses poissons, la tendreté et la perfection de ses viandes est digne de louange et d’émerveillement au-delà de tout désir humain. L’air y est si serein, si tempéré, si salutaire, si vital, que les hommes qui y vivent sans changer de cieux, sont presque immortels ». L’épistolier poursuit ensuite sur le même ton : « Le mura che la natura, quasi gelosa di così prestigioso tesoro, gli ha fatte, sono di montagne eminentissime, le quali sì verdi, sì fiorite, sì piene di frutti si mostrano che non invidiano a Venere i più vaghi giardini di Papho o di Gnido, e le Naiadi che mal volentieri con le loro fanti la sommità de’ monti sogliono abitare, vaghe della bellezza loro per ogni falda versano con urna d’argento freschissime e pure acque, le quali a gara con un dolce mormorio scendendo, difendono le erbette e le piante dall’ira di Sirio, allor che con le fiamme sue in ogni altra parte arde la terra. Né per altro i poeti questo essere albergo delle Sirene favolosamente finsero, se non per mostrare che tante erano le delizie di questo paese, che se l’uomo tirato dall’amenità e piacevolezza sua vi veniva ad abitare non si sapendo dal visco e dalla rete di questi piaceri sviluppare, vi finiva i giorni suoi. Il palazzo di Pollione, il tempio di Minerva, il capo di Cerere, i teatri, le terme, i colossi, le statue e l’altre reliquie dell’onorata antichità dimostrano in quanto pregio e estimazione tenevano i Romani questo luogo ». L’éloge des lieux est évoqué dans d’autres lettres (Lettere, I, CV, p. 189-191 ; I, CVI, p. 191-193).
- Cf. notamment Girolamo Ruscelli, Lettere di diversi Autori eccellenti. Nel quale sono i tredici Autori illustri e il fiore di quante altre belle lettere si son vedute fin qui, in Venetia, appresso Giordano Ziletti, 1556, lettre du 5 mai 1525, p. 693-700 ; du 12 septembre 1525, p. 700-707 ; du 20 février 1526, p. 707-718 ; et du 31 mai 1526, p. 718-738. Cf. Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 159.
- Domenico Chiodo, « Dal primo al secondo libro degli Amori, del soggiorno campano di Bernardo Tasso », Suaviter Parthenope canit, per ripensare la «geografia e storia» della letteratura italiana, Soveria Manelli, Rubbettino, 1999, p. 43-68. Citation extraite de la p. 64.
- Cf. Domenico Chiodo, « Dal primo al secondo libro degli Amori… », p. 63.
- Roberto Battaglia, « La canzone alla notte di Bernardo Tasso », Cultura Neolatina, 1942, II, 1, p. 81-86, soulignait la dépendance poétique de Bernardo de l’atmosphère culturelle parthénopéenne.
- Dont celui de Vittoria Colonna, châtelaine d’Ischia.
- On n’en compte guère que deux autres dans le premier recueil, qui seraient plutôt des lettres de congratulation, dans la mesure où Bernardo y félicite Bembo pour son accession au cardinalat. Cf. Lettere, I, LXXV, p.130-131 et CXXII, p. 221-223.
- Et peut-être par les réminiscences pétrarquesques de Passa la nave mia colma d’oblio (Francesco Petrarca, Canzoniere, LII).
- Ainsi résumée par Pierre Louis Ginguené : « […] ses courses, ses périls, ses efforts pour échapper au naufrage. Mais enfin, il désespère de son propre conseil, à la vue d’un danger plus grave, il désespère de ses propres lumières, il invoque les conseils et les secours de son ami ». Histoire Littéraire d’Italie, Paris, Chez Paolo Emilio Giusti, 1821, p. 268-269.
- Lettere, II, LXVII, p. 186-195 : « Notre misérable vie est-elle autre chose qu’une mer continuellement déchaînée et tempêtueuse, pleine d’écueils […], dans laquelle la fragile et inoffensive nef de nos désirs et de nos espérances est continuellement malmenée par les vents contraires et impétueux de l’adversité du monde ? » ; cf. aussi Lettere, I, CXXVI, p. 227-230 : « Ben mi duole che vi diate a credere che colera o sdegno a questo fare m’abbia persuaso, conciosiacosa che io abbia sempre procurato, a guisa di cauto nocchiero, il quale di lontano la tempesta prevedendo, con salde ancore contro l’impeto e furor del mare arma la nave sua prima che la procellosa tempesta dell’ira assaltato m’abbia, d’armar l’animo mio di ragione e di prudenza » ; Lettere, I, CXXXIII, p. 242-244 ; Lettere, II, XXXVII, p. 108-113 ; Lettere, II, LXII, p. 168-172 ; II, LXXV, p. 226-229 : « Mi tornerà a grandissimo utile lo scrivervi spesso, il che farei, se i rabbiosi venti de la mia nemica fortuna non travagliassero, senza riposo alcuno, la conquassata e fragile barchetta de l’animo mio » ; II, LXXVI, p. 229-241 ; II, LXXIX, p. 245-253. Voir aussi les Ode et en particulier, la XVII, Al Signor Scipione Capece, Rime, vol. II, p. 291 et Rime, vol. II, p. 321-324.
- La métaphore du médecin avisé est récurrente dans la prose et dans la poésie du Tasse. Cf. Lettere, I, XXX, p. 70 ; LXXXI, p. 143 ; XCIX, p. 178 ; CXCVIII, p. 352 ; CXCIX, p. 359 ; Lettere, II, XXXVII, p. 108-113. Voir Amadigi, LI, 1. Sur ce topos dans la production de Bernardo Tasso, cf. Valentina Prosperi, « L’uso di un’antica immagine del secondo Cinquecento; il caso di Bernardo Tasso », Schifanoia, XXVI-XXVII (2004), p. 271-278.
- Lettere, I, XCIX, Al S. Don Luigi d’Avila, p. 176-179 : « Ce n’est point sans raison que les Anciens comparèrent la poésie à la peinture […] ; ils voulaient nous faire comprendre […] que le poème […] sous quelque féérique voile et mystère, par des tournures intelligibles et à la lumière de très éloquentes sentences, cachait en fait de profitables enseignements. Et que, de la sorte, il éduquait et divertissait en même temps les esprits de leurs auditeurs, tel un sage médecin qui, souvent sous une fine couche de sucre, cache l’amertume du médicament afin de tromper le goût des malades pour qu’ils se rétablissent et guérissent ».
- Valentina Prosperi, « L’uso di un’antica immagine… », p. 276.
- Lettere, I, CLX, p. 294-296 ; CLXI, p. 296-297 ; CLXII, p. 297-298 ; CLXIII, p. 298-299 ; CLXV, p. 301-302 ; CLXVI, p. 302-303 ; CLXVII, p. 303-304 ; CLXVIII, p. 305-307 ; CLXIX, p. 307-308 ; CLXX, p. 308.
- Dont le comportement au moment de la bataille de Cérisoles n’avait pas été des plus glorieux. Voir le chapitre sur la correspondance relative à la guerre dans le Montferrat.
- Lettere, I, CLXII, p. 297-298 : « Qu’aurais-je pu vous écrire qui soit nouveau pour vous, puisque vous avez entendu […] que la colère de Sa Majesté contre le prince était non seulement calmée, mais tout à fait passée ? et que la peine et le châtiment qui déjà le menaçaient étaient remplacés par de nombreuses faveurs et tout autant de bienfaits ? ».
- Lettere, I, CLXXXII, p. 324-325 ; CLXXXIII, p. 325-326 ; CLXXXIV, p. 327-328 ; CLXXXV, p. 328-329 ; CLXXXVI, p. 329-330 ; CC, p. 360-363 ; CCVI, p. 373 ; CCVII, p. 374-375 ; CCVIII, p. 376-377.
- Lettere, I, CC, A M. Bernardino Sarresale, p. 360-363 : « Heureux êtes-vous qui, en une noble pauvreté, occupez vos longues journées par d’honnêtes activités et de très doux plaisirs et passez la nuit dans un calme reposant et continu […] sans parcourir tel un pèlerin telle ou telle autre partie du monde au prix de bien des désagréments et de bien des efforts ; sans devoir chercher fortune couvert de poussière, de sueur et parfois de sang dans de périlleuses batailles, mais vous contentant d’une petite demeure bien agencée et bien ordonnée, vous profitez […] d’une vie heureuse et reposante […]. Pauvre de moi, car plus je considère votre bonheur, plus je connais ma misère ».
- J’en ai compté quarante-huit, mais il faut tenir compte de la subjectivité des critères et de la prédominance ou non d’une autre typologie au sein du même écrit.
- Publiées en langue vulgaire dès 1544.
- Jeanine Basso, « La lettera “familiare”… » , p. 59. D’un point de vue rhétorique et stylistique, les Familiares de Pétrarque eurent une importance fondamentale dans le développement de l’épistolographie humaniste. Tout comme celles de Bernardo Tasso, elles contribuaient à offrir une image idéale de leur auteur. Consulter l’introduction de Pétrarque, Lettres familières…, p. XIII-LXXXV. On peut aussi songer aux vers que l’Arioste consacre à l’éducation de son fils dans ses Satires ; Ludovico Ariosto, Satire, p. 56-65 ; Satira VI, A messer Pietro Bembo.
- Lettere, I, CXXXVII, p. 251-253 : « J’ai une première fillette très belle (si mon affection paternelle n’altère pas mon jugement), qui par ses manifestations de vertu et d’esprit me donne l’espoir qu’elle me sera d’une très grande satisfaction. Après sa mère, elle est toute mon âme et tout mon bien ».
- Lettere, I, CXXXII, p. 240-242 : « Grâce à Dieu, je suis sain de corps et particulièrement sain d’esprit, puisque ni aucune ambition de vains honneurs, ni aucune cupidité de richesses humaines ne m’animent. Passablement pourvu des biens que la fortune dispense, en compagnie d’une très noble et honorable épouse, avec une très belle petite fille et l’espoir de quelque fils qui perpétuerait la mémoire de ma lignée, je vis ainsi […], aussi heureux qu’on puisse l’être en ce siècle de toutes parts tumultueux ».
- Sur la base de l’édition réalisée par Donatella Rasi. Lettere, I, CXCIX, p. 352-359.
- Lettere, I, CXCIX, p. 353 : « Sachez entre-temps comment élever vos chers enfants […] puisque, en raison de votre jeune âge, l’expérience ne vous a pas encore enseigné à les éduquer, je vous donnerai quelques documents […] grâce auxquels vous saurez comment vous conduire et vous serez certaine, de pouvoir (avec la grâce de Dieu), adosser votre honorable vieillesse à leur vertueuse jeunesse ».
- Ibid., p. 354-355 : « Car tout comme il n’y a pas de terre si aride, si dure ni si improductive, qui une fois cultivée ne devienne aussitôt malléable, fertile et bonne […], de même il n’y a pas d’esprit d’un naturel si rude ni si rustaud qui, grâce à une longue éducation et un bon enseignement ne devienne courtois et docile […]. Tout comme dans la tendre écorce d’un jeune arbrisseau, les petites lettres gravées et sculptées grandissent avec le tronc […], de même ces préceptes et exemples de vertu s’impriment et prennent tant de vigueur […] dans l’âme de l’enfant qu’ils n’en ressortent jamais ».
- Lettere, I, CXCIX, p. 355 : « À présent, pour que vous sachiez ce que comporte ce mot « bienséance », je vous dis que la bienséance consiste surtout à observer une certaine modestie et une certaine honnêteté dans toutes les choses que l’on dit et, dans celles que l’on fait, une certaine sagesse et certaines façons appropriées et convenables dans lesquelles rayonnent et resplendissent la dignité et la courtoisie qui réjouissent non seulement les yeux et les âmes des hommes vertueux mais qui émerveillent également ceux des hommes dissolus ».
- Ibid., p. 357 : « Aussitôt qu’il commence avec ses jeunes pensées à s’exprimer […], il tourne et fixe ses yeux et ses oreilles vers son père et sa mère et regarde et observe très attentivement tout ce qu’ils font ou disent ».
- Lettere, I, CXCIX, p. 357 : « Ne les emmenez dans aucune maison où ne règnent de courtoises et chastes manières ».
- Ibid., p. 358 : « Et prenez garde de ne point tomber dans l’erreur dans laquelle tombent la plupart des autres mères qui, par leur trop grande indulgence, […] gâtent leurs bonnes façons […]. Je ne dis pas par là qu’il vous faille recourir aux autres extrêmes que sont la peur et les coups, je condamne même ceux qui battent leurs enfants ».
- Je privilégie le terme italien consacré pour « caractère sentencieux ».
- Adriano Prosperi, « Intellettuali e Chiesa », Storia d’Italia, Annali 4 a cura di Corrado Vivanti, Torino, Einaudi, 1981, p. 249.
- Lettere, I, LV, p. 100-102 : « M’è stato oltremodo caro d’intendere la mente tua circa il marito che ti vorrebbono dare que’ nostri parenti ».
- Ibid., p. 100 : « Sois certaine que, tout comme la pensée et l’espérance de revenir bientôt pour te revoir m’étaient de quelque consolation, de même les empêchements qui me l’ont interdit et me l’interdisent me contrarient. Et que, autant ta vue, tes mots et ta compagnie auprès de ton père lui donnaient de plaisir, autant ton éloignement lui cause d’ennuis et de tourments ». Cet éloignement est confirmé par la phrase suivante : « S’io potessi co i piedi del desiderio caminare, o (per meglio dire) volare con l’ali sue costà, eziandio che queste lettere fussero portate con diligenza, sarebbono più tarde di me ».
- Lettere, I, LV, p. 100-102 : « A me soave e riposata sarà la vecchiezza, vedendo (come spero che Iddio mi conceda) eternarmi ne’ tuoi figliuolini e la mia effigie dipinta nel volto loro. E men noiosa mi parrà la morte, qualor vedendoti in stato d’onore e di quiete, con l’amor di tuo marito, con la contentezza de’ tuoi figliuoli, mi chiuderai con le pallide mani questi occhi; certo d’aver gli ultimi basci, l’ultime lagrime e ogni altro pietoso e grato ufficio che, da ubbidiente e amorevole figliuola verso caro padre usar si dee ».
- Ibid., p. 101 : « Et soit certaine que j’essaierai toujours de te donner plutôt un homme qui ait besoin de biens, que des biens qui nécessitent un homme ».
- Si on en croit l’expression « Vostra sorella » contenue dans Lettere, I, CXXVI, p. 227-230.
- Voir à ce sujet Lettere, I, CXXVII, p. 233 : « E oltre tutte queste considerazioni […] Sua Eccellenza sa ch’io ho mossa lite ai miei cognati di tre mille ducati, la quale importa tutto lo stato mio e de’ miei figliuoli, e partendomi io, non potendo il Signore Onofrio con onor suo, per esser cognato di tutte due parti, averne cura, si perderebbe con tanta vergogna e danno mio ».
- L’ambiguïté du texte, qui parle de « figliuoli » de façon générique, ne permet pas de préciser sa datation et de savoir s’il se situe avant ou après la naissance de Torquato le 11 mars 1544. Quant à la date de début du procès, elle ne ressort pas des différentes biographies consultées.
- Lettere, I, CXXVI, p. 227-230 : « Vous ne pouvez pourvoir aux besoins de vos frères sans m’envoyer à ma perte et je suis davantage obligé de pourvoir aux nécessités de mes enfants que vous ne l’êtes à celles de vos frères, car l’amour qu’un père doit à ses enfants est plus intense que celui qu’un frère est tenu d’avoir pour son frère […]. Il n’est donc pas honnête que vous me priiez de priver mes enfants de leurs ressources pour les donner à vos frères et il ne sied pas à ma pauvre condition de vous complaire ».
- Lettere, I, XVIII, p. 47-50. Il insiste sur la nécessité pour un prince de faire entièrement confiance aux personnes dignes de foi auxquelles ils doivent s’en remettre pour les aléas des négociations.
- Lettere, I, XXVIII, p. 67-69, où il n’hésite pas à tancer son mécène pour sa décision de quitter le service de la Sérénissime.
- Lettere, I, LXXVII, p. 135-136, Al cavalier Tasso : « Le calunnie sono quelle istesse che v’è stato scritto: i calumniatori uomini sono che più tosto invidiano la mia dignità che amino il bene del Sig. principe ».
- Lettere, I, LXXXI, p. 143-148.
- À l’instar de Pétrarque, cf. Lettres familières, p. XIII-LXXXV ; p. LI.
- Ibid., p. 143-146 : « Non dovete […], anzi dovevate […], non doveva […], dovevate ».
- Lettere, I, LXXXI, p. 145 : « Car, même si cela avait été vrai – et vous avez vu le contraire – et si j’avais recherché la grâce de l’Excellentissime princesse, pour tel ou tel autre malfaiteur et si j’avais de la sorte fait de gros bénéfices, ce n’était pas là péché grave au point de mériter un châtiment au lieu d’une remontrance […]. Cela aurait été un péché, vraiment digne d’une punition si, corrompu par de l’argent, j’avais fait châtier l’innocent, vendu le bon droit du pauvre, dissimulé les scélératesses du riche et autres choses semblables ».
- Ibid., p. 145 : « Avendo rispetto alla mia travagliata, lunga e faticosa servitù, aveste fatto come amorevole nutrice, la qual il fanciulletto caduto primo solleva e poi riprende ».
- Ibid., p. 145 : « Le musicien ne brise pas et ne jette pas tout de suite les cordes dissonantes, mais en les retendant ou en les détendant, il les accorde et trouve l’harmonie ».
- Luisa Mulas, « Funzioni degli esempi, funzione del “Cortegiano” », La Corte e il «cortegiano», a cura di Carlo Ossola, Centro Studi Europa delle corti, Roma, Bulzoni Ed., 1980, p. 97-117.
- Lettere, I, LXXXI, p. 145-146 : « Perché, chi vuole le mura de una città da’ nemici difendere, non lascia aperta una porta, per la quale securi e senza contesa possano entrare. Sì come un torbido fonte non può dare acque chiare, così non può un animo di mali pensieri e di vili desideri pieno, dar buoni consigli ».
- Ibid., p. 146 : « Vous auriez dû ouvrir vos oreilles à la prudence et entendre les mots de la vérité simple et nue ».
- Ibid., p. 146 : « Era assai che tanta perfidia e malignità degli uomini avesse violata la mia dignità, se la verità non l’avesse difesa e con la fiamma delle calunnie, come oro nel fuoco, fatta più bella ».
- Ibid., p. 146 : « Tutta questa vergogna verrebbe sopra il capo mio e sarebbe proprio un confermare l’animo del mondo in una mala opinione di me ».
- Ibid., p. 145-146 : « Comme le font les républiques bien gouvernées ».
- Raffaele Colapietra, I Sanseverino di Salerno…, p. 179-180.
- Lettere, I, LXXXII, p. 147 : « Il ne peut en aucune manière me traverser l’esprit […] que vous vouliez, avec les deux cents ducats que j’en ai retirés, subvenir à vos besoins ; car même si ceux-ci sont grands, votre âme est bien plus grande encore et je sais que, si vous pouvez assouvir mes besoins en réfrénant ne serait-ce que l’un des nombreux désirs qui vous viennent chaque année, vous le ferez volontiers, car mon service mérite cela et votre magnanimité l’impose ».
- D’ailleurs exprimée sur le mode hypothétique, Ibid., p. 147 : « E se mi fusse mancata la prudenza ».
- Dans sa longue lettre « Qualis esse debeat qui rem publicam regit ». Cf. Lettres familières, 2002, LXIII.
- Lettere, I, LXXXI, p. 143-148 : « La mia partenza poi e lunga e quasi continua lontananza […], lasciata la vita attiva e quelle faticose e travagliate operazioni » ; Lettere, I, LXXXII, p. 148-153 : « La mia lunga e quasi continua peregrinazione, la quale a guisa di corriero or questa, ora quell’altra parte del mondo mi faceva andar cercando » ; LXXXIII, p. 152-153 : « Eziandio che’l servizio del principe mio Sig. m’abbia fatto, come desideroso peregrino, diverse e lontane parti del mondo cercando, parte della migliore e più bella etade in continue fatiche consumare » ; LXXXIV, p. 154-155 : « Dopo sì lunghe fatiche posso vivere a me solo vita tranquilla e riposata » ; LXXXV, p. 155-156 : « Sin qui, impedito dalla varietà de’ tempi e dalle molte occupazioni che mi soprastavano » ; LXXXVI, p. 156-160 : « Vi dico che, con bona grazia del principe mio, lasciata la vita attiva e quelle faticose e travagliate operationi, mi son ritirato a Sorrento ». Voir aussi Lettere, I, CXXXVI, p. 250-251 ; CXL, p. 255-258.
- Lettere, I, XCIII, p. 167-170 : « Et qu’ai-je pu vous donner de plus cher et de plus précieux que ces deux choses ; la santé de mon corps que (comme vous le savez) j’ai désormais perdue et mon temps, avec onze années de mon plus bel âge, le plus utile aussi, que j’ai soustraites à mes études, à ma renommée et à ma vie et que j’ai consumées en un continuel labeur et tourment du corps et de l’esprit ? ».
- Ibid., p. 167 : « È di mestieri che io parli de’ miei meriti e del suo debito […]. In due modi, Eccell. Sig. mio, presso ogni prudente giudizio può l’uomo acquistare nome di liberale; l’uno nel giovar con le parole, con l’auttorità e con gli effetti a gli altri uomini; l’altro con l’esser grato del beneficio […] come cortese signore, solito de’ ricevuti servizi ad esser grato mi sete tenuto ».
- Lettere, I, XCIII, p. 167-170 : « L’amour que je vous ai porté en tout temps et que je vous porte, qui n’est pas celui d’un serviteur, mais plutôt celui d’un amoureux, ainsi que mon long service auprès de vous et les nombreux bénéfices que vous ont procurés mon labeur, méritent une tout autre récompense que celle que j’ai reçue de vous ».
- Ibid. : « Néanmoins, aucune des libéralités dont vous avez fait preuve ne peut vous procurer plus d’honneur que celle dont vous avez fait preuve à mon égard. Seule celle-ci ne se limite pas aux frontières et aux bornes du royaume de Naples, mais parcourt toutes les parties du monde sur les ailes de la renommée […]. De celle-ci, non seulement le témoignage de mes écrits, qui serait de peu d’autorité, mais celui de beaucoup de mes amis et d’un nombre infini d’écrivains dignes de réputation et d’honneur, en font et en feront foi pour la postérité ».
- Lettere, I, CXXV, p. 226-227 : « Più meritano le operazioni dell’intelletto che le fatiche del corpo, perché quelle servono alla gloria e alla eternità del vostro nome, queste hanno servito a i commodi della vostra vita ».
- Lettere, I, CCCVIII, p. 506-514 : « L’invidia s’estende a’ beni dell’animo e è invidia nobile e illustre e più tosto da lodare che da riprendere, e a i beni della fortuna ed è invidia bassa, plebea e degna d’esser non pur ripresa ma castigata ».
- Lettere, I, CCCVIII, p. 511 : « Quant aux qualités de l’âme […], je n’ai rien à vous envier […]. Quant aux richesses que la fortune nous dispense […] j’ai toujours eu peu d’estime pour les biens matériels […]. Je n’ai jamais eu d’autre ambition que de d’être utile aux hommes ».
- Dans l’édition des lettres de 1549 figure la préposition « a ».
- Lettere, I, XXX, p. 70 : « Je viens à vous plutôt tiré par le désir de votre honneur et par l’amour que je vous porte que poussé par ma seule volonté pour accomplir ce devoir de répréhension, tel un fidèle médecin qui, non par désir de faire du mal au malade, mais pour le guérir, en vient en dépit qu’il en ait, aux remèdes violents du fer ou du feu […]. Si cette répréhension vous est utile, il me sera éminemment agréable que grâce à moi vous ayez récupéré la santé ».
- Lettere, I, XXXI, p. 71 : « Magnifico messer Paolo. L’amor che io vi porto causa che io sia desideroso del vostro bene e perché l’onore uno de’ maggiori beni mi pare che abbiamo in questo mondo è tanto facile d’acquistare, quanto difficile da conservare, voglio con queste mie più tosto far officio d’amico che d’adulatore e dirvi il vero ».
- Ibid., p. 71 : « C’est une tâche non pas humaine, mais impie et cruelle que cette profession que vous exercez en faisant tourmenter et mourir les hommes ».
- Ibid., p. 71 : « Vous retirer d’un si honteux profit et revenir à votre réputation et à votre dignité coutumières ».
- Ibid., p. 71 : « La qual cosa essere non può che alle volte non sia con grandissima offesa del Signore; il quale eziandio che sia somma giustizia è ancora somma clemenza e somma pietà e più tosto ci persuade al perdono che al castigo ».
- Lettere, I, XXXI, p. 71 : « Et de retourner contre eux, pour leur plus grand dommage et pour leur perdition, cette éloquence que la nature vous a concédée pour le bien universel et la prospérité des êtres vivants ».
- Lettere, I, CXXIV, p. 224-225 : « Grandissima maraviglia e dispiacere, Reverendo Signore mio, m’hanno portate le lettere vostre. E tutto che io conosca la qualità della natura vostra ingenua e virtuosa, a pena creder potrei che ciò fusse vero che dell’Abbate scritto m’avete se da altre persone degne di fede non l’avessi inteso. Troppo strano parendomi che in un uomo di decrepita età (come egli è) essendogli non pur le forze mancate di poter a’ suoi disonesti desideri sodisfare, ma la virtù che gli sostiene la vita, non sia ancor morta la volontà, né l’animo di poter piacer alle sue voglie; e dove egli stanco de’ falsi piaceri di questo mondo, doverebbe ai veri dell’altro tutti i suoi pensieri indirizzare ».
- Ibid., p. 225 : « Et cela m’affecte au plus haut point, non pas pour le dommage qui pourrait en dériver pour vous, que pour l’offense qu’il fait à l’Église de Dieu, voire à notre Créateur, en consumant ainsi les recettes de l’Abbaye ».
- Ibid., p. 226 : « Perché se persuadendolo dal cominciato camino a migliore strada si volgesse, cesserebbe l’offesa del Salvatore e il vostro danno; se ancor no, avreste testimoni approvati e di molta auttorità che della vostra pietosa e catolica intenzione al mondo fede ne farebbono […]. Come si sia, procurate che il mondo tanto lodar possa la vostra virtù, quanto biasimar i suoi vizi ».
- Ibid., p. 230 : « Nondimeno mi basta al giudizio del mondo e alla mia propria conscienza aver soddisfatto col testimonio di tanti gentiluomini di provata fede ».
- Ou « consolatoires ».
- Lettere, I, LIV, p. 97-99.
- Lettere, I, LXXVI, p. 132 : « Et qui ne connaît l’instabilité des hasards de la vie ? et que la pluie vient après le beau temps ; la tempête après le calme ; et après le rire, les pleurs […] ? Pourquoi avec l’exemple et la compagnie de Cicéron, de Camille, de Thémistocle, d’Aristide et de tant d’autres hommes célèbres de l’Antiquité […], n’adoucissez-vous pas l’amertume de votre adversité ? ».
- Lettere, I, CXII, p. 199-200 : « La raison m’incite à la consolation, le sentiment m’invite aux larmes […]. De mon côté, mes causes de douleur sont aussi nombreuses que l’étaient ses vertus innombrables et sans fin. Si je veux donc me lamenter pour moi, alors que je dois me réjouir au plus haut point pour lui, je serai tenu plutôt pour quelqu’un d’avide et d’envieux que pour un ami généreux ».
- Lettere, I, CXV, p. 204-205 : « Mon très honoré seigneur, si le bienfait qu’a reçu la bienheureuse âme de votre illustrissime oncle est plus grand que votre perte, pourquoi ne devriez-vous pas plus vous réjouir que vous affliger ? Vous devrez certes agir de la sorte, si vous ne voulez pas en user davantage comme un mauvais fils et un envieux que comme un bon fils et un ami ». La lettre se poursuit de la sorte : « Vi dorrete forse che da voi sia partito allor che la Fortuna, i suoi meriti e la generale opinione de gli uomini gli promettevano il supremo grado d’ogni umana grandezza? Non lo fate che ciò altro non sarebbe che voler contrastare con la volontà di Dio […] che se colui, che con eterna providenza, governa, dispone e ordina le cose l’avesse eletto a questo grado, l’avrebbe preservato in questa vita […]. La vostra era speranza di bene, la sua è certezza di meglio ».
- Lettere, I, CXXXV, p. 245-250 : « Monseigneur, pour une âme accoutumée à toutes les tribulations humaines, pour un esprit […] comme le vôtre, il ne convient pas de s’affliger plus qu’il ne faut. Et […] vous verrez que […] cette mort a marqué le début d’une autre vie d’autant plus belle et plus agréable que les choses éternelles doivent être désirées plus que celles de ce monde […]. Si vous vous affligez de ces choses, il n’y aura certes aucun homme de bon sens qui ne dise que vous êtes mu plutôt par la jalousie que par l’affection ». À ces trois exemples s’ajoute la lettre envoyée à la princesse de Salerne, à l’occasion de la mort de sa mère. Cf. Lettere, I, CCI, p. 363-366 : « Né sarebbe cosa degna della vostra prudenza né dell’opinione che ha il mondo di voi, voler pigliar di questa perdita maggior dolore di ciò che l’animo possa comportare […]. Non voglio ricordarvi le miserie di questo mondo, né la felicità dell’altro; né che sì come la morte è fine di queste miserie, così è principio di quelle felicità, perché è loco troppo comune ».
- Lettere, I, CXV, p. 204 : « Volete adunque che abbiano più forza presso voi le lusinghe dell’indotto sentimento e le sue debili ragioni che la dottrina di Platone, l’eloquenza di Cicerone e di tanti altri eccellentissimi philosophi e oratori che con le loro ragioni si apparecchiano di consolarvi? ».
- Lettere, I, CXII, p. 200 : « Non so che consiglio mi pigliare se colui non m’aiuta che è somma potenza e somma bontà ». Voir le chapitre : « Quelques lettres évangélistes ».
- Lettere, I, CCCIII, p. 493-495 : « Et si on peut définir prématurée et cruelle non point la mort de ceux qui en proie aux délices et aux plaisirs de l’existence vivent dans l’oisiveté, mais de ceux qui par leurs actions valeureuses et exceptionnelles s’acquièrent l’immortalité, nous pourrons qualifier d’extrêmement cruelle celle de ce chevalier qui […] doté d’une âme courageuse et indomptable cheminait vers la gloire ».
- Lettere, I, CCCIV, p. 496-497 : « La cruelle et très tragique mort du seigneur Giannettino, votre gendre et mon ami, a causé en moi autant de douleur que le méritaient l’affection que je lui portais et l’amitié que j’ai pour Votre Seigneurie ».
- Lettere, I, XXIII, p. 58 : « nostro Signore vi renda la salute » ; XXVIII, p. 68 : « così Dio vi ponga in cuore » ; XXIX, p. 69 : « Dio voglia signor mio » ; XXXVI, p. 77 : « non piaccia a Dio » ; XLIV, p. 88 : « per l’amor di Dio » ; XLVIII, p. 92 : « così Dio senza vento contrario vi ci conservi eternamente » ; XLIX, p. 93 : « Dio voglia che » ; LV, p. 100-103 : « in mano di Dio […], Iddio ti conceda […], dopo Iddio » ; LVI, p. 104 : « e volesse Iddio » ; LXVI, p. 119 et CXXXI, p. 239 : « voi che sete in grazia di Dio […], pregate Dio » ; CI, p. 182 : « prego nostro Signore » ; CV, p. 190-91 : « Dio mi dia tanta vita » ; CXXXIII, p. 243 : « e piacesse a Dio » ; CXL, p. 256-257 : « con la grazia d’Iddio […], la Dio mercè […], Signore Creator mio » ; CXCIX, p. 353-358 : « Se pur piacesse a Dio […], con la grazia di Dio ». Étant donné leur récurrence, je me limite à un échantillon de ces formules.
- La distinction entre ces trois notions s’avère importante en une époque aussi troublée que le XVIe siècle où les discussions et remises en question de la foi, susceptible d’autres lectures que celles du passé, et de l’Église en tant qu’institution dévoyée par le comportement des prélats et des papes, sont nombreuses et passibles des foudres des autorités religieuses.
- On n’en compte pas moins de huit dans l’ensemble de la lettre : Lettere, I, CXCIX, p. 352-359 : « Se pur piacesse a Dio », « Con la grazia di Dio », « Se pur piacerà a Dio », « Il Datore d’ogni grazia », « L’amore di Dio », « Il timore di esso Dio », « [La] Maestà sua » , « Per grazia di Dio ».
- Lettere, I, CXCIX, p. 355 : « Donc, puisque notre Cornelia est désormais sortie de l’enfance […], il est nécessaire que de toutes vos forces, avec toute votre diligence, vous fassiez en sorte de graver dans son âme juvénile le nom, l’amour et les pensées de Dieu afin qu’elle apprenne à aimer et honorer celui dont elle reçoit non seulement la vie, mais tous les biens et toute la grâce qui peuvent rendre l’homme heureux en ce monde et bienheureux dans l’autre. Efforcez-vous de même d’insuffler dans sa jeune âme, la crainte de Dieu ; je ne dis point la crainte vile ni la servile, qui ne plaisent pas à Sa Majesté, mais celle qui, noble et courtoise, est en toute heure si unie et liée à l’amour qu’on ne peut ni les diviser ni les séparer. Parce que de ces deux frères si liés, si unis, naît la religion ». Sur l’opposition entre crainte servile et crainte filiale, voir Eugène Mangenot, Émile Amann, Alfred Vacant, Dictionnaire de théologie catholique ; contenant l’exposé des doctrines de la théologie catholique, leurs preuves et leur histoire, Paris, Letouzé et Ané, 1899, tome 3, p. 2015-2017 : « La crainte filiale procède directement de la charité, aussi ne se trouve-t-elle que dans les justes, tandis que la crainte servile, même bonne, se rencontre dans les pécheurs ». Pour la distinction entre serviliter servilis et timor servilis, voir p. 2015 : « La crainte servile consiste à se rapprocher de Dieu par appréhension de sa justice […]. La crainte servile est ainsi nommée en raison de son motif, qui est un motif d’esclave, d’être qui ne s’appartient pas et est obligé d’agir par des motifs étrangers à l’inclination de son cœur ». Il existe aussi une « crainte vertu » qui se rapproche de l’espérance et de la tempérance, voir p. 2017.
- Lettere, I, LXXIV, p. 129 : « grande bonté de Dieu ».
- Lettere, I, CXII, p. 200 : « Je ne sais quel parti prendre si celui qui est toute bonté et toute puissance ne m’aide pas ».
- Lettere, I, CXV, p. 205-206 : « la générosité infinie du Seigneur », « la bonté du Seigneur ».
- Amedeo Quondam, Le «carte messaggiere»…, p. 95-96.
- Cf. Lettere, I, CVII, p. 194, où le Tasse conclut un raisonnement sur l’aveuglement des hommes en affirmant que si l’honnêteté et la vérité pouvaient leur être dévoilées : « Certo che la povera Italia non sarebbe sì piena di guerra, di sangue, di fuoco, di rapine, come ella è; né vedrebbe ora il Tirreno, né il mar di Liguria senza lagrime le insegne della cornuta luna dell’Ottomano, con tanti legni nemici della fede nostra e di Cristo, già tanto formidabili e odiosi per li loro seni andar vagando ». Le thème de la désolation sur les mauvaises conditions des territoires italiens ou de l’Église se retrouve pareillement dans la lettre CXV, p. 203, adressée à Americo Sanseverino, dans laquelle il déplore le décès de son oncle, le cardinal Antonio Sanseverino (1477 ?-17/18 août 1543) : « Per la romana chiesa a cui è mancato uno de’ più saggi nocchieri della sua navicella che in questo secolo di tempeste pieno e di procelle sta in aperto e manifesto pericolo di sommergersi ».
- Lettere, I, CXL, p. 257 : « Priez notre Seigneur qu’il fasse régner la paix parmi les princes chrétiens ». Cf. Niccolò Machiavelli, Il principe, chap. XXVI : Exhortatio ad capessendam Italiam in libertatemque a barbari vindicandam.
- Lettere, I, LIV, p. 99 : « Les calamités de ce siècle qui bouleverse et perturbe toutes les choses du monde […]. L’état de ce siècle est de nature telle que tout homme considère misérable sa condition ».
- Adriano Prosperi, « Intellettuali e chiesa… », p. 168-169.
- Cf. Dante Alighieri, Inferno, chant VI, Purgatorio, chant VI et Francesco Petrarca, Canzoniere, n° 9, Italia mia.
- Lettere, I, XXXI, p. 71. Lettre d’admonestation à Paolo Quintio : « Qui, bien qu’il représente le summum de la justice est aussi le summum de la clémence et le summum de la piété et nous pousse plutôt vers le pardon que vers le châtiment et davantage vers la grâce que vers la peine ».
- Lettere, I, XXX, p. 70-71 ; XXXVIII, p. 67-69 ; LXXXI, p. 143-148 ; CXXVI, p. 227-229.
- La lettre à Cornelia, qui porte le numéro LV, p. 100-103, est en réalité plus tardive que celle à son épouse numérotée CXCIX, puisque dans la CXCIX Cornelia sort à peine de l’enfance, tandis que la LV traite de son prochain mariage.
- Lettere, I, LV, p. 103 : « Souviens-toi que la beauté de l’âme est bien plus grande que celle du corps ; et combien la première qui participe de la divinité éblouissante, éternelle et incorruptible est plus digne que l’autre qui est sombre, mondaine et fragile. C’est pourquoi il te faut faire en sorte de ne pas être un vase d’or empli de terre et de choses viles, mais de perles et d’autres précieuses et rares gemmes ».
- Lettere, I, CL, p. 101 : « Sois certaine qu’elles [ces vénérables religieuses] t’ouvriront les yeux de l’intellect de telle sorte que, sans aucun nuage qui les recouvre, tu contempleras l’infinie beauté de la vertu ». Ces lignes sont à rapprocher de celles des lettres à la marquise de Pescara (Lettere, I, LXVI, p. 118-119) et à l’abbé Perès (Lettere, I, CXX, p. 212-214).
- Adriano Prosperi, « Intellettuali e Chiesa », p. 247.
- Et même assez vraisemblablement, si on en juge par les fréquentations du secrétaire et par la force de conviction qui se dégage de ces textes. L’hypothèse est confortée par la datation de la lettre (environ 1556) qui correspond à la période de diffusion du catéchisme Qual maniera si dovrebbe tenere a informare insino dalla fanciullezza i figliuoli de’ christiani delle cose della religione, cf. Massimo Firpo, « Juan de Valdés tra Alumbrados e “spirituali”, note sul valdesianesimo in Italia », Dal Sacco di Roma all’Inquisizione, Alessandria, Dell’Orso, 1998, p. 99, n. 46. À consulter aussi du même auteur : « Il “Beneficio di Christo” e il Concilio di Trento », Dal Sacco di Roma…, p. 141.
- Sur ces cathéchismes, voir Edmondo Cione, Juan de Valdés, la sua vita e il suo pensiero religioso, Napoli, Fausto Fiorentino Ed., 1963, p. 119 et suiv. où il apparaît qu’une copie de l’ouvrage en question, interdit par l’Index de 1549, se trouverait actuellement à la Bibliothèque de Vienne.
- Juan de Valdés, 1499-1541 : érudit et humaniste espagnol né Cuenca et mort à Naples. Influencé par les écrits d’Érasme et de Luther, il revendiquait une religion intérieure illuminée par le Saint Esprit et la lecture des Écritures. Poursuivi par l’Inquisition après la publication en 1529 de son Dialogue de la doctrine chrétienne qui vilipendait la corruption de l’Église romaine, il s’enfuit en Italie d’abord auprès du pape Clément VII puis, en 1534, à Naples où un cercle se forma autour de lui pour participer à des coloquios espirituales, écouter sa parole et ses commentaires des Épîtres de saint Paul. Sur Juan de Valdés, voir au moins : Delio Cantimori, Eretici italiani del Cinquecento, Sansoni, Firenze, 1939, p. 45 et suiv. : idem, « Il circolo di Juan de Valdés e gli altri gruppi evangelici », Umanesimo e religione nel Rinascimento, Einaudi, Torino, 1975, p. 193-203 : Edmondo Cione, Juan de Valdés… ; et Massimo Firpo, Dal sacco di Roma all’Inquisizione…, chap. III-V.
- Edmondo Cione, op. cit., p. 70.
- Lettere, I, CXII, p. 199-200.
- Lettere, I, LXXIV, p. 127-130 ; CXV, p. 202-208 ; CXXXV, p. 245-250 ; CCI, p. 363-366.
- Lettere, I, CXXXV, p. 248 : « Vous affligez-vous peut-être que de cette obscurité, de ces sombres ténèbres du monde dans lesquelles il est longuement demeuré enseveli, il soit monté vers la claire lumière du ciel ? ».
- Marcantonio Flaminio, 1498-1550 : un des membres éminents du cercle qui s’était constitué autour de Juan de Valdés. Contribua à la diffusion des idées valdésiennes et d’écrits réformés ou évangéliques, dont l’Alfabeto cristiano. Corrigea la version définitive du célèbre Trattato utilissimo del beneficio di Giesù Christo crocefisso verso i christiani. Accompagna Reginald Pole en 1545 au concile de Trente en qualité de secrétaire. Voir Alessandro Pastore, Marcantonio Flaminio, Fortune e sfortune di un chierico nell’Italia del Cinquecento, Milano, Franco Angeli, 1981 et l’édition réalisée par ce même Pastore, Marcantonio Flaminio, Lettere, Roma, Edizioni dell’Ateneo & Bizzarri, 1978.
- Publié à Venise en 1544, l’ouvrage avait fait l’objet d’un sévère jugement d’hétérodoxie religieuse la même année. Il avait été condamné par le concile de Trente en 1546, puis inscrit à l’Index parisien pour sa version française en 1547 avant de figurer dans l’Index vénitien en 1549. Voir Massimo Firpo, « Il beneficio di Christo e il Concilio di Trento », Dal Sacco di Roma…, p. 119-120 et, du même auteur, « Juan de Valdés… », p. 105 : « L’Alphabeto, i cosiddetti Trattatelli e il catechismo, pubblicati intorno al 1545, risultano già tutti condannati unitamente al Beneficio di Christo nel primo Indice veneziano del 1549. Brevissimo fu dunque l’arco di tempo in cui questi libri poterono circolare liberamente, peraltro protetti da un prudente anonimato ».
- Lettere, I, CXXXIII, p. 242-244. Le texte reprend nec varietur (si ce n’est quelques majuscules et abréviations en moins) celui de l’édition de 1549 et les deux tables des matières font bien figurer l’intitulé exact de la lettre : « Et plût à Dieu que tout comme je me proposai d’imiter certaines de vos compositions poétiques, je me propose à présent d’imiter votre vie ; et que je réussisse dans ce propos comme dans l’autre, car là où je pensais conquérir une fausse et brève gloire, je pourrais espérer en gagner une véritable et éternelle […]. Je m’efforce autant que je le puis, en m’élevant au-dessus des bassesses de ce monde, de libérer les yeux de mon esprit de ces pensées mondaines et sombres, afin que lavés dans la divine lumière du soleil, je puisse les tourner vers Dieu. J’espère que cette infinie lumière, voyant la pureté de mon regard, illuminera mon esprit et me fera connaître la différence entre ce bien qui est limité et celui qui est infini, et pas seulement pour le connaître mais pour l’aimer au plus haut point, mais jusqu’à présent je ne m’estime pas digne de ce don ».
- Pour la liste des éléments fondamentaux de la doctrine valdésienne, cf. Massimo Firpo, « Juan de Valdés… », p. 94.
- Giovanni di Valdes, Alfabeto cristiano, con introduzione, note ed appendici di Benedetto Croce, Bari, 1938, p. 7-8. Voir aussi Massimo Firpo, « Il problema storico della riforma italiana e Juan de Valdés », Dal Sacco di Roma…, p. 67, 69.
- Pour la mise en parallèle de ces deux textes, voir Massimo Firpo, « Juan de Valdés… », p. 93, n. 19 : « Perché non possiamo conoscere Christo per lume naturale né per altra industria humana se Iddio intrinsecamente non alluma et apre gli occhi dell’anima nostra, dico che questa cognitione di Dio per Christo è sopranaturale, per la quale bisogna speciale gratia da Dio. Et che sia la verità che non possiamo tenere vera cognitione di Dio se non per Christo lo dimostra l’istesso Christo dicendo che nessuno puote venire a lui se suo padre eterno non lo porterà ». « Essendo l’huomo di natura rationale, ha la potentia dell’intelletto et della volontà, onde la possibilità di credere; ma non senza gratuito aiuto di Dio egli si approssima al poter credere alli misterii sopranaturali della fede christiana […]. Et questo ne insegna espressamente il Signore quando dice “Nemo potest venire ad me, nisi pater qui misit me traxerit eum” ».
- Le Dictionnaire de théologie…, t. 6, p. 1558, définit ainsi la notion de grâce : « Un don surnaturel (ou l’ensemble des dons surnaturels) concédé par Dieu à une créature douée d’intelligence en vue du salut éternel ». Ce don surnaturel est souligné par saint Paul, Épîtres aux Romains, XI, 6 : « Si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; autrement la grâce cesse d’être une grâce » et représente un don d’une gratuité spéciale (p. 1555). Voir en particulier le chapitre qui traite de la grâce habituelle ou sanctifiante en renvoyant précisément aux Épîtres aux Romains, III, 20-24 : « Nul homme ne sera justifié devant lui [Dieu] par les œuvres de la loi […], ceux qui sont justifiés le sont gratuitement par sa grâce » et en insistant sur le caractère indu et surnaturel de la grâce sanctifiante (p. 1605-1606). Consulter également les pages 1595-1596 consacrées à la distribution de la grâce.
- Lettere, I, CXL, p. 255-258 : « Priez le Seigneur […] pour qu’avec la main de sa grâce il m’élève au-dessus de l’obscurité de ces désirs humains et qu’il m’illumine par un rayon de son infinie lumière si bien que, devenu un nouvel homme, vivant par l’esprit et mort dans ma chair, je tourne tous mes désirs et mes pensées vers la conquête du salut éternel ».
- Lettere, I, CXL, p. 256 : « avec la grâce de Dieu ».
- Ibid., p. 257 : « vie catholique et exemplaire ».
- Jeanine Basso, « Quelques réflexions… », vol. 1, p. 43.
- Lettere, I, CXXXIII, p. 242-244 : « Je vous prie de bien vouloir défendre avec votre vertu cette fragile nef de la foi, dans laquelle vous et tous les bons siégez en poupe tel un des plus sages nochers, contre le souffle des vents contraires et contre la tempête qui agite la mer de la confusion hérétique ».
- Cf. Pasquale Lopez, Il movimento valdesiano a Napoli: Mario Galeota e le sue vicende col Sant’ Uffizio, Napoli, Fiorentino, 1976, p. 24-25 ; Massimo Firpo, « Il problema storico della Riforma… », p. 76.
- Le terme dérive du nom de Nicodème (le pharisien qui, d’après l’Évangile selon saint Jean (3, 1-21), venait nuitamment écouter Jésus, tandis que, pendant la journée, il simulait un respect rigoureux pour les préceptes hébraïques) et est forgé en ces mêmes années par Calvin pour désigner justement l’attitude de ces protestants qui, pour éviter les persécutions, feignaient en public d’être catholiques, participant même aux offices religieux, tout en conservant leur foi. Le mot apparaît dans le titre de son ouvrage publié en 1544, Excuse à messieurs les Nicodémites, qui est rédigé en réaction à l’émoi qu’avait suscité la parution en 1541 de son Petit Traité de la Sainte Cène.
- La pratique du nicodémisme naquit en 1534-35 après la destruction de la « Nouvelle Jérusalem », autrement dit de Münster, ville libre d’Allemagne, qui était partagée entre catholiques et luthériens et agitée par des prédicateurs à l’origine d’une épidémie de ferveur. La ville connut une dictature théocratique qui fit régner la terreur, la menace, les autodafés et la propagande jusqu’à ce que le mouvement fût réprimé dans le sang. Elle se répandit ensuite vers 1542 dans la Péninsule en particulier, au moment de la fuite d’Ochino et de Vermigli, alors même que la faillite des colloques de Ratisbonne marquait à la fois la fin des espoirs de résorption du schisme ouvert par la protestation de Luther et le début de l’ère de la Contre-Réforme. Le nicodémisme représenta un véritable sujet de polémique parmi les émigrés en opposant les tenants de la dissimulation religieuse d’un côté et les partisans de la fuite à l’étranger ou du martyre de l’autre. Delio Cantimori, Prospettive di…, p. 33-57, consacre presque deux chapitres aux raisons de sa diffusion et aux positions divergentes que le phénomène suscita. Voir aussi Adriano Prosperi, Tribunali della coscienza, Inquisitori, confessori, missionari, Torino, Einaudi, 1996, p. 165.
- Vittoria Colonna, 1490-1547 : marquise de Pescara. Après le décès de son époux, Ferrante d’Avalos, se retira au couvent où elle entra en relation avec plusieurs ecclésiastiques favorables à une réforme de l’Église, dont Juan de Valdés. A Viterbe, elle connut le cardinal anglais Reginald Pole et le cercle de réformateurs qui fréquentaient sa demeure, parmi lesquels Marcantonio Flaminio, Alvise Priuli et Pietro Carnesecchi qui l’amenèrent à adhérer aux idéaux valdésiens. Elle mourut en février 1547. Il existe une riche bibliographie sur Vittoria Colonna, voir entre autres : Francesco Guï, L’attesa del Concilio; Vittoria Colonna e Reginald Pole nel movimento degli «spirituali», Roma, Editoria università elettronica, 1998 ; Maria Forcellino, Michelangelo, Vittoria Colonna e gli «spirituali»: religiosità e vita artistica a Roma negli anni Quaranta, Roma, Viella, 2009 ; Sergio Pagano, Maria Concetta Ranieri, Nuovi documenti su Vittoria Colonna e Reginald Pole, Città del Vaticano, Archivio vaticano, 1989.
- Libro terzo de gli amori di Bernardo Tasso, Venezia, Bernardino Stagnino, 1537, XXXVIII.
- Lettere, I, CCCXII, p. 518-519.
- Lettere, I, CCCXII, p. 519 : « en priant Dieu ».
- Si l’on en croit l’index des destinataires établi dans l’édition Giglio 1559. Dans cette réédition, Donatella Rasi attribue les quatre écrits intitulés, aussi bien en 1549 que dix ans plus tard, « Alla Marchesa di Pescara » pour la première (LXIII) et « Alla medesima » pour les trois suivantes (LXIV-LXVI), à Maria d’Aragona (voir Lettere, I, Index des destinataires, p. 11 et Tavola delle lettere del Tasso, p. 530. Cette table semble d’ailleurs comporter une erreur puisqu’une cinquième citée est en réalité adressé au « Marchese di Pescara »). Or, Maria d’Aragona (1503-1568) était l’épouse d’Alfonso d’Avalos, marquis del Vasto, qui n’hérita du titre de marquis de Pescara que lorsque son cousin Ferdinando Francesco d’Avalos, dit Ferrante (le mari de Vittoria Colonna), mourut en décembre 1525 sans laisser d’héritier. La question qui se pose donc est celle de la datation de ces textes, car s’ils ont été rédigés avant la fin de l’année 1525, ils ne peuvent s’adresser qu’à Vittoria Colonna, seule détentrice du titre nobiliaire jusqu’à ce moment-là. Ce n’est qu’à partir de 1526 qu’on peut songer à Maria d’Aragona, protectrice d’hommes de lettres et d’artistes, comme destinataire. Donatella Rasi ne peut préciser la date de ces lettres et même si, dans la chronologie globale qui semble gouverner le recueil, elles se situeraient plutôt après 1528, et si la distinction nette dans le volume de 1559 entre marquise de Pescara et Vittoria Colonna plaide effectivement plutôt en faveur de l’hypothèse de Donatella Rasi, la tonalité de la lettre numéro LXVI semblerait plus appropriée à l’amie de Michel-Ange, à moins que sa cousine n’ait elle aussi fait partie des valdésiens et/ou spirituels. Dans les deux cas de figure, le Tasse fait allusion à des dons reçus (« Siatemi così liberale ora e per l’avvenire del vostro aiuto e del vostro favore, come sete stata per lo passato delle vostre facultà »). Pour dissiper ce doute, il faudrait donc en savoir davantage sur les relations existantes entre notre poète et les femmes de la famille d’Avalos et sur la piété de Maria d’Aragona. Cela étant, au vu des liens d’amitié qui l’unissaient à Vittoria Colonna, il est possible et même vraisemblable qu’il continue à recourir au titre de marquise et que ces écrits soient bien destinés à l’amie de Michel-Ange.
- Lettere, I, LXIII, LXIV, LXV, p. 115-118.
- Lettere, I, LXVI, p. 118-119 : « La lettre de Votre Seigneurie, pleine d’amour et de charité, a éveillé en mon âme quelque esprit de vertu et de religion et, si la chair était aussi prompte que l’esprit, j’aurais tôt fait de vous obéir […]. Mais grevé par la masse de la terre qui l’entoure, cet esprit ne peut sans l’aide de son rédempteur s’élever au-dessus des misères de cette vie et des faux plaisirs de ce monde […]. Il faut que Celui qui, grâce à son très précieux sang, lava nos fautes et nous libéra de l’asservissement au péché et à la mort me tende aussi la main de sa faveur et de sa grâce et me dégage de la boue des calamités humaines. Pour sa créature qui croit et espère en son infinie bonté, il faut qu’il brise les liens qu’à toute heure la chair tisse contre l’esprit et qu’avec la lumière de sa grâce il dissipe toutes les brumes du péché qui assombrissent le ciel de cette pauvre âme qui, de temps à autre, en battant des ailes, tente de sortir de cette boue et de diriger toutes ses pensées et ses désirs vers Celui qui l’a créée. Vous qui êtes dans la grâce de Dieu […] montrez-moi la route sur laquelle vous cheminez aussi sûrement vers le salut éternel et priez Celui qui vous guide sur ce chemin ».
- Lettere, I, LXVI, p. 118-119 : « Pregate colui che vi scorge per questo camino, che con la voce della sua pietà mi chiami ».
- Giorgio Cerboni Baiardi, « La lirica di… », p. 86-87, insiste sur le profond malaise que dénote ici cet antagonisme.
- « Très honorable dame, il n’est pas donné à tout le monde d’écrire et de publier ce que l’on écrit, en particulier en ce qui concerne la religion, qui exige beaucoup de discernement et beaucoup d’esprit et beaucoup d’expérience et beaucoup d’humilité unie à tout autant de charité. Toutes choses qui sont encore si éloignées de moi que je les aperçois tout juste dans mes rêves et vous voudriez que je sois aussi prompt à écrire ? Tout au contraire, si Votre Seigneurie illustrissime veut suivre les préceptes et les prescriptions de cette sainte âme [Juan de Valdés], elle devrait me reprendre en me voyant déterminé à écrire, car, comme je l’ai déjà écrit, notre maître m’exhorta à plusieurs reprises, quand je partis de Naples, à me garder de ma prétention à écrire et, si en dépit de cela, je ne savais me contenir à cause de la force de la chair, de tenir pour le moins cachés mes propos jusqu’à ce que l’esprit l’emporte sur la chair et jusqu’à ce que je parle mû par l’esprit du Christ et non par le mien, dont je sais malheureusement combien il est audacieux et arrogant et combien il désire s’exhiber et combien il a besoin d’être bridé et non pas d’être aiguillonné […]. Il me semble quant à moi que vous fassiez grand tort à la grande faveur que vous a faite et que vous fait encore notre Seigneur ; il vous a déjà donné un tel discernement et une telle érudition en matière de religion et de Sainte Écriture, que vous devriez désormais vous contenter de ce que vous savez, en vous efforçant de sentir et d’éprouver en vous-même ce que vous savez et en vous décidant à ne rien vouloir savoir de nouveau […] tant que vous n’avez pas expérimenté et mis en œuvre ce que vous avez entendu et lu jusqu’à présent ». Passage cité par Massimo Firpo, « Juan de Valdés… », p. 102 et n. 63, qui souligne la contradiction de Marcantonio Flaminio entre l’activité d’écriture, de traduction, de préparation en vue de publications et le contenu de la lettre.
- Le parallélisme est tentant car, à propos de cette minorité de chrétiens illuminés par Dieu, Juan de Valdés utilise le terme de « perfectos ». Cf. Massimo Firpo, « Juan de Valdés… », p. 95. Dans son ouvrage, Eretici italiani del Cinquecento, Firenze, Sansoni, 1967, p. 30-31, Cantimori souligne : « La continuità fra le opinioni antitrinitarie [proches du valdésianisme] del Medioevo e i motivi ereticali ad esse connessi e quelle delle sette eretiche del tempo della Riforma ».
- Thomas Müntzer, 1490-1525 : chanoine dans l’ordre des augustins, il adhéra à la Réforme en 1519. Sa haine contre le clergé et les riches retentit dans son Manifeste de Prague (1521). En 1523, il fonda la « Ligue des élus », une communauté de saints, sans prêtres, ni princes, ni nobles, ni propriété privée. En 1525, il prit part à la révolte paysanne en enflammant les esprits par des prêches dans lesquels il annonçait la prochaine réalisation du royaume de Dieu sur terre. Capturé, il fut exécuté. Sur cet épisode, voir Massimo Firpo, Il problema della tolleranza…, p. 33-34.
- Évangile selon Saint Mathieu, Mt 26.
- Évangile selon saint Mathieu, Mt 7, 18.
- Le terme « volontà » est bien celui qui figure dans la réédition de Giglio 1559 effectuée par Donatella Rasi, cependant on peut se demander si, tout comme dans la lettre à l’abbé Perès (voir retranscription), il ne faut pas plutôt comprendre « voluttà », vocable presque invariablement antagoniste de « virtù » ? L’hypothèse est confirmée par la comparaison de cette édition avec celle de 1549 qui utilise effectivement le mot « voluttà ».
- Lettere, I, CXX, p. 212-214 : « Je vous exhorte à poursuivre le voyage que vous vous êtes fixé et à cheminer sur ce sentier de la vertu […] sans que la rigueur et les nombreuses autres difficultés qui au début de cette route se présentent à vous vous angoissent […] en conservant toujours le regard de la pensée tourné vers le but que vous avez fixé à votre âme, afin que les agréments des sentiments ne vous charment pas et ne vous conduisent imprudemment à cheminer sur le chemin de la volonté [vraisemblablement « volupté », voir note précédente], qui bien qu’il soit ample, plat, facile, tout vert et tout fleuri dans ses débuts, conduit à la fin l’homme dans les sombres ténèbres de la mort et de l’oubli ».
- Alphabeto christiano cité par Massimo Firpo, Juan de Valdés tra alumbrados…, p. 109 : « Le premier pas consiste à savoir que le chemin sur lequel vous avez jusqu’à présent cheminé ne pouvait pas vous conduire au Christ ; le deuxième est d’avoir la volonté de cheminer sur celui-ci, qui vous conduira sans faillir au Christ, le troisième consiste à vous décider à commencer à cheminer sur ce chemin-ci ».
- La divulgation de l’évangélisme valdésien avec la relecture et la retranscription des Saintes Écritures par les disciples du mystique espagnol faisaient des disciples de Valdés des hérétiques en puissance. Cf. P. Lopez, Il movimento valdesiano…, p. 26-39 et 74.
- Valdés prêchait les principaux préceptes de la Réforme – retour aux origines évangéliques, à une morale chrétienne directement inspirée de l’enseignement de Jésus, retour à l’intériorité chrétienne par rapport aux manifestations et aux pompes de la religion catholique, critique des abus comme l’enrichissement de l’Église, la vente des indulgences, la dépravation du clergé – mais à la différence des protestants, il n’incitait aucunement ses auditeurs à se détacher de l’institution catholique, car pour lui seules comptaient la vie spirituelle, la dévotion, la méditation mystique. Il ne se souciait pas de réformer l’Église ni la vie ecclésiastique, mais d’amender l’homme. Voir Delio Cantimori, « Atteggiamenti della vita culturale italiana nel secolo XVI di fronte alla Riforma », Umanesimo e religione…, p. 19 ; Massimo Firpo, « Il problema storico della Riforma… », Dal sacco di Roma…, p. 69-72.
- Andrea Barbieri, « Bernardo Tasso in odore d’eresia », Studi tassiani, 2000, XLVIII, p. 67-71 ; Vercingetorice Martignone, « Tra Ferrara e il Veneto: l’apprendistato poetico di Bernardo Tasso », Olimpia Morata: cultura umanistica e Riforma protestante tra Ferrara e l’Europa, Atti del Convegno di Ferrara, 18-20 novembre 2004, a cura di Gigliola Fragnito, Massimo Firpo e Susanna Peyronel Rambaldi, Schifanoia, 2005, 28/29, p. 303-313, émet quelques observations à ce sujet ; Anderson Magalhães, « All’ombra dell’eresia: Bernardo Tasso e le donne della Bibbia in Francia e in Italia », Le donne della Bibbia, la bibbia delle donne, Atti del XV Convegno Internazionale di Studio, Verona, 16-17 ottobre 2009, a cura di Rosanna Gorris Camos, Fasano, Schena Editore, 2012, p. 159-218, défend lui aussi l’idée que Bernardo Tasso faisait très probablement partie du groupe valdésien.
- Dont la veuve du comte Claudio se trouva au centre d’un cas de diffusion présumée d’idées luthériennes, cf. Andrea Barbieri, « Bernardo Tasso… », p. 67 et n. 1.
- Peut-être en raison de son opposition au vice-roi, Don Pedro de Tolède, au moment où il tenta d’introduire l’Inquisition à Naples, même si lors de son remariage avec une calviniste, il passa résolument du côté des réformés. Voir Andrea Barbieri, op. cit., p. 69.
- Dionigi Atanigi : courtisan, homme de lettres, auteur du recueil De le lettere di tredici huomini illustri, publié à Rome en 1554, qui eut un grand succès. Fit partie de ces intellectuels courtisans qui connurent de pénibles conditions d’existence en raison de sa difficulté à trouver un mécène qui le protégeât durablement. Lié à Claudio Tolomei et très ami du Tasse. En 1555, Atanigi semble bien inséré au sein de la curie romaine. Il rentra chez lui en 1557 comme il ressort d’une lettre de Bernardo Tasso du 20 novembre 1557. Il partit avec le Tasse s’installer en 1558 à Venise, pour collaborer à l’activité intellectuelle et typographique de la cité lagunaire et en particulier à L’Accademia della Fama fondée en 1557 par le patrice vénitien Federico Badoer. Son recueil (De le lettere di XIII huomini illustri, libri tredici, Roma, Valerio Dorico & Luigi Fratelli, nel mese di marzo MDLIIII) révélait la volonté de porter secours aux « spirituels ».
- Lettere, II, CXXVII, p. 419-421 : « en ce qui concerne l’élocution et la langue ».
- Lettere, II, CXXVII, p. 419-421 : « Io mi sono rallegrato del vostro ritorno a la patria e giudico, considerata la qualità de lo stato presente de la corte di Roma e di quella città, avendo anco rispetto a la vostra indisposizione, che sia stata prudentissima deliberazione ».
- Comme Iacopo Bonfadio, Orazio Brunetto et Domenichi pour ne citer que quelques-uns des noms les plus connus. Cf. Lodovica Braida, op. cit., p. 136.
- Deux lettres du volume de 1549 lui sont destinées, la CLX, p. 294-296 et la CCXII, p. 385-386.
- Bernardino Ochino, 1487-1564 : Vicaire Général des capucins à partir de 1538. Célèbre pour ses dons de prédicateur. Convoqué à Rome en 1542 pour s’expliquer sur le contenu de ses prêches, il en fut dissuadé par Contarini, puis par le moine augustinien Pietro Martire Vermigli qui le convainquit de fuir avec lui en Suisse. Il se réfugia auprès de Calvin à Genève. Sur cette fuite, voir Edmondo Solmi, « La fuga di Bernardino Ochino secondo i documenti dell’Archivio Gonzaga di Mantova », Bullettino senese di storia patria, XV, 1908, p. 23-98 ; Gigliola Fragnito, « Gli spirituali e la fuga di Bernardino Ochino », Rivista Storica Italiana, LXXXIV, 1972, p. 777-813.
- Au moment de la suppression de l’Accademia Pontoniana par le vice-roi espagnol, il perdit sa charge de conseiller et se réfugia à la cour de Ferrante Sanseverino. Voir Lettere, I, CLX, Al Signor Scipione Capece, p. 294-296 : « Il signor principe pochi giorni sono ha avuto lunghissimi ragionamenti con esso meco della virtù vostra; […] Io me ne rallegro […], sperando che e Sua Eccellenza della vostra virtù e voi della sua gratitudine debbiate ugualmente rimanere soddisfatti ».
- Cf. P. Lopez, Il movimento valdesiano a Napoli…, p. 110 et 114 : « Ambrogio Salvio da Bagnoli, predicatore domenicano assai apprezzato da Carlo V (di cui fu anche confessore) e dal suo vice-rè Don Pedro di Toledo […] chiamato da Isabella Villamarino, moglie del principe di Salerno, Ferrante Sanseverino, nella sua residenza di Pozzuoli, dove allora si trovava, si vide mostrare dalla nobildonna un “certo librecto della doctrina Christiana”. Dopo d’averlo sia pur brevemente compulsato, il Salvio s’avvide delle “novità” in esso contenute e disse alla principessa che tale scritto gli “pareva de Valdessio et che se lo levasse di mano, perché era heretico” ».
- Comme en témoigna Apollonio Merenda aux juges de l’Inquisition : « Essendo io andato a visitare in casa il principe di Salerno a Napoli, esso voleva uscire fora di casa per andare dal Valdesio. Li dissi che faceva seco; rispose che ragionavano de varie cose et massime della sacra Scrittura ». Cf. Anderson Magalhães, « All’ombra dell’eresia … », p. 195.
- Il ne s’agit certes que d’une hypothèse, mais comme Sanseverino faisait partie de la plus haute noblesse napolitaine et de la cour impériale, il est logique de supposer que, lors du passage de Charles Quint dans la capitale parthénopéenne, il ait participé à une sortie publique du souverain, surtout à l’occasion d’un prêche tenu par une personnalité aussi célèbre que Bernardino Ochino. Bernardo Tasso aurait alors très vraisemblablement accompagné son protecteur.
- Le témoignage juré du prédicateur dominicain Ambrosio Salvio da Bagnoli sur la situation dans la ville de Salerne en 1546 est retranscrit par Michele Miele, « La penetrazione protestante a Salerno verso la metà del Cinquecento secondo un documento dell’Inquisizione », Miscellanea Gilles Gérard Meersseman, 2 vol. Padova Antenore, II, 1970, p. 829-848.
- Lettere, I, CCCVII, p. 505 : « Qui veut mesurer les actions passées de votre vie vous considèrera comme un chevalier intègre, magnanime, valeureux. Voudriez-vous manquer à présent à l’honneur de votre dignité ? […] Vous pourrez montrer la grandeur de votre âme […]. Qui donc pourra dire que vous n’êtes pas parfaitement glorieux ? ». Le Tasse poursuit en écrivant : « Il danno che vi potesse venire di questa cosa sarebbe picciolo e vostro particolare in comparazione dell’utile grande che ne tornerebbe in universale a questo regno. E voi come cavaliero magnanimo e virtuoso avete da preporre il beneficio universale al privato ».
- Lettere, I, CCCVII, p. 504-505.
- Lettere, I, XV, p. 42 : « Non le voglio scrivere né la fatica del corpo, né il pericolo de la vita ch’io portai nel camino, sì perché so che dal Reverendissimo Gran Maestro di Rodi avrà inteso essermi stato amazzato il servidore, presa la guida, e me esser fuggito da le mani de’ villani che aveano d’ogni intorno rotte le strade […]. Il pericolo de la vita, nel quale son caduto fra questo popolo, conosciuto ch’io fui per uomo di Vostra Santità perché è stato pubblico, avrà molti testimoni che le ne faranno fede ».
- https://www.wga.hu/art/t/tiziano/10/22/02popepa.jpg.
- Lettere, I, LXXV, p. 130-131, au cardinal Bembo ; I, CLXXXIII, p. 314-316 au cardinal Cornaro ; I, CLXXV, p. 316-317 au cardinal Salviati ; I, CCIV p. 369-370, de nouveau au cardinal Cornaro. De nombreuses requêtes sont également envoyées au pape ou à ses enfants, mais elles sont rédigées pour le compte du prince de Salerne ou de son épouse.
- Lett. Com. 1, Intr., p. XLVIII : « très respectueux de la religion ».
- Libro primo e secondo de gli amori di M. Bernardo Tasso, Venezia, Joan Ant. da Sabio, 1534. Il s’agit donc d’un ouvrage publié quinze ans avant le recueil, en un moment où le lexique de l’évangélisme était relativement diffus dans certaines couches sociales et où les précautions de langage ne s’imposaient pas encore, car les thématiques évangéliques semblaient pouvoir rentrer dans un cadre orthodoxe.
- Lettere, I, LVI, p. 103-104.
- P. Lopez, Il Movimento valdesiano a Napoli…, p. 114-115.
- Lettere, I, CXXXVIII, p. 254-255, fait à l’allusion à l’envoi à la princesse, dans les années 1542-1544 (d’après la datation proposée par Donatella Rasi), d’une version probablement partielle et manuscrite du recueil épistolaire. Le Tasse suggère à sa protectrice de n’en lire que certains extraits. La lettre suivante recommande le gentilhomme qui en est porteur. Dans la CXLIV, p. 264, manifestement rédigée au début des guerres du Montferrat, il présente ses excuses pour son silence épistolaire et la CCI, p. 363-366, fait partie des lettres consolatoires au sein desquelles la tonalité sentencieuse et didactique reste assez conventionnelle.
- Sur l’hétérodoxie de Girolamo Seripando, voir Antonio Cestaro (éd.), Geronimo Seripando e la Chiesa del suo tempo, Nel V centenario della nascita, Atti del convegno di Salerno, 14-16 ottobre 1994, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 1997.
- Lettere, I, CCLXXXVII, p. 477-478, où, par l’intermédiaire de son secrétaire, le prince implore le supérieur général des augustins de placer un couvent de Salerne sous la protection d’un prédicateur de renom pour le « servizio di Dio e beneficio de gli uomini ». La lettre CCLXXXVIII, p. 478-479, rédigée pour le compte d’Isabella Villamarino, reprend à peu près les mêmes termes et la lettre CCCII, p. 492-493, justifie cette demande auprès d’un troisième interlocuteur, le cardinal Ridolfi.
- Comparer P. Lopez, Il Movimento valdesiano a Napoli…, p . 123 et Bernardo Tasso, Lettere, I, Indice dei destinatari, p. 7-15.
- Cf. Lettere, II, CI, p. 303-306.
- Pour une liste des membres les plus éminents du cercle qui se réunissait autour de Valdés ou qui approuvait ses idées, voir Massimo Firpo, « Il problema storico della Riforma… », p. 64 et p. 73, du même auteur « Juan de Valdés… », p. 104 et Giorgio Cerboni Baiardi, « La lirica di… », p. 85.
- Dans une démarche d’où la flatterie envers les puissants, les personnages célèbres et/ou de possibles protecteurs n’est sans doute pas absente.
- Un catalogue des principales idées et/ou expressions qui caractérisent les écrits évangélistes est dressé par Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari” and the Crisis of Evangelism in Italy », Renaissance Quarterly, XXVIII, 1975, p. 662, qui mentionne notamment la : « preoccupation with the correspondents’ personal religious development, often expressed in Pauline and Neoplatonic visual metaphors (the progress from blindness to sight or from darkness to light) and almost always involving the conviction that writer, recipient, or both are among the elect, as contrasted with the mass of people who remain unenlightened ».
- Giorgio Cerboni Baiardi, « La lirica di… », p. 85 : « Forse per la prima volta, nel severo clima di meditazioni e di riflessioni religiose del circolo valdesiano di Napoli, Bernardo Tasso fu sfiorato, e colpito, da una tematica che fino ad allora gli era rimasta probabilmente del tutto estranea e che ora sembrava illuminare di un nuovo senso vecchie esperienze o vecchie amicizie ».
- Composés à partir du carême de 1557, les Psaumes apparaissent dans une nouvelle édition de l’ensemble de l’œuvre lyrique du Tasse entre la fin de 1559 et le début de 1560, soit environ une quinzaine d’années après la fréquentation possible du cercle valdésien (Cf. Rime, vol. II), à un moment où la répression de l’Église catholique s’est accentuée, où le poète a entrepris la révision complète et définitive de son Amadis afin de le dédier à Philippe II d’Espagne (donc à un monarque qui avait tenté d’introduire l’Inquisition aux Pays Bas) et en une période où il se débat justement avec les difficultés inhérentes à la censure ecclésiastique. Toutes ces considérations m’amènent à croire que, même si le lexique utilisé conserve des échos du langage valdésien, le Tasse ne pouvait aucunement, en cette période-là, s’autoriser à prêter le flanc au moindre soupçon de déviance par rapport à l’orthodoxie.
- Qui devait justement servir à définir la véritable doctrine chrétienne et à aplanir les controverses. Voir Adriano Prosperi, Tribunali della coscienza..., p. 39 et P. Lopez, Il Movimento valdesiano a Napoli…, p. 19-20. Sa première session s’ouvre en décembre 1545, or on sait que le recueil épistolaire est publié en 1549 et que les lettres qui le composent couvrent les années 1525 à 1549 avec une prédominance d’écrits antérieurs à 1545.
- Carlo Dionisotti, « La letteratura italiana nell’età del Concilio di Trento », Il concilio di Trento e la Riforma tridentina, Atti del Convegno storico internazionale (Trento, 2-6 settembre 1963), Roma, 1965, p. 317-43, republié dans Geografia e storia della letteratura italiana, Torino, Einaudi, 1967, p. 227-254.
- Voir Paolo Simoncelli, « Evangelismo e lettere volgari », Evangelismo italiano del Cinquecento, questione religiosa e nicodemismo politico, Roma, Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1979, p. 282-329 ; Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », passim et Lodovica Braida, Libri di lettere…, passim.
- Dont rendait déjà compte Carlo Dionisotti, « La letteratura italiana nell’età… », p. 234-235.
- Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 676 : « Elles étaient remplacées […] par la correspondance religieusement très orientée des membres de la génération montante, par des lettres exprimant une piété tridentine tout à fait orthodoxe ».
- Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 658 : « The epistolary format was particularly well suited to satisfying their curiosity [des lecteurs], since personal letters are generally assumed to reveal the confidential thoughts and personallity quirks of prominent individuals as well as the details of notable occurrences ». Voir aussi Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 7.
- Piero Carnesecchi, 1508-1567 : secrétaire pontifical et protonotaire apostolique sous Clément VII. Se rapprocha des positions réformées d’Ochino et fréquenta les cercles valdésiens. Inquiété par le Saint-Office en 1543, mais absous par le pape Paul III, il fut de nouveau condamné pour hérésie par contumace sous le pontificat de Paul IV. Confondu quelques années plus tard par les lettres de Giulia Gonzaga, il fut livré à l’Inquisition par Cosme de Médicis et exécuté le 1er octobre 1567. Sur Carnesecchi, cf. Antonio Rotondò, « Carnesecchi Pietro », DBI, vol. XX, 1977, p. 466-476 et Oddone Ortolani, Per la storia della vita religiosa nel Cinquecento, Pietro Carnesecchi, Firenze, Le Monnier, 1963.
- Pier Paolo Vergerio, 1498-1565 : théologien et évêque catholique converti ensuite au protestantisme. Participa aux rencontres de Ratisbonne et fut poursuivi par l’Inquisition, car accusé d’avoir fait trop de concessions aux protestants. Il quitta pour toujours l’Italie et fut condamné par contumace pour hérésie. Sur Vergerio, cf. Anne Jacobson Schutte, Pier Paolo Vergerio e la Riforma a Venezia, 1498-1549, Roma, Il Veltro Editrice, 1988 et Ugo Rozzo (éd), Pier Paolo Vergerio il Giovane, un polemista attraverso l’Europa del Cinquecento, Convegno internazionale di studi, Udine, Forum, 2000.
- Jeanine Basso, « Quelques réflexions sur… », p. 41.
- Gasparo Contarini, 1483-1542 : cardinal vénitien qui comprit l’exigence d’une vraie réforme de la curie romaine. Représentant des plus modérés des réformateurs, il fut envoyé aux rencontres de Ratisbonne en 1541 afin de tenter de trouver un accord avec les luthériens, mais on le sait, ces colloques ne débouchèrent que sur une incompréhension accrue. De retour à Rome, il dut se défendre d’accusations d’hérésie. Il mourut à Bologne en 1542. Cf. Gigliola Fragnito, « Contarini Gasparo », DBI, vol. XXVIII, 1983, p. 172-192 et, du même auteur, Gasparo Contarini. Un magistrato veneziano al servizio della cristianità, Firenze, Olschki, 1988.
- Reginald Pole, 1500-1558 : d’origine anglaise, il s’installa à Padoue en 1521. Nommé cardinal en 1536, il rejoignit Flaminio et le mouvement valdésien à Viterbe en 1541. En 1542, il fut l’un des trois légats mandatés pour présider le Concile de Trente. Son attitude d’ouverture lui valut des soupçons de sympathie envers les réformés et lui coûta son accession au pontificat. De retour en Angleterre en 1553, il fut ensuite le premier ministre de facto de Marie Tudor et mérite à ce titre sa part de responsabilité dans les persécutions et les exécutions de protestants qui valurent à la reine le surnom de « Marie la sanglante ». Il mourut à Londres le 17 novembre 1558. Sur Reginald Pole, consulter Massimo Firpo, Inquisizione romana e Controriforma, studi sul cardinal Giovanni Morone (1509-1580) e il suo processo d’eresia, Brescia, Morcelliana, 2005, passim ; Sergio Pagano, Concetta Ranieri, Nuovi documenti su Vittoria Colonna e Reginald Pole, Città del Vaticano, Archivio Vaticano, 1989 ; Paolo Simoncelli, Il caso Reginald Pole. Eresia e santità nelle polemiche religiose del Cinquecento, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1977.
- Aonio Paleario, 1503-1570 : humaniste de formation érasmienne proche de Bembo et, à partir de 1537, un des membres les plus en vue de l’évangélisme. Accusé d’hérésie à plusieurs reprises pour ses écrits et ses prises de position. Emprisonné en 1568 et exécuté en 1570. Sur Paleario, consulter Salvatore Caponetto, Aonio Paleario (1503-1570) e la Riforma protestante in Toscana, Torino, Claudiana, 1979.
- Luigi Alamanni, 1495-1556 : homme d’Église et poète au service du cardinal Hippolyte d’Este. Occupe une place importante dans l’histoire de la littérature italienne pour son introduction de l’épigramme en poésie. Voir Roberto Weiss, DBI, vol. I, 1960, p. 568-571.
- Marguerite de Navarre, 1492-1549 : sur l’hétérodoxie de la sœur de François Ier, cf. Jonathan Reid, King’s Sister, Queen of Dissent: Marguerite of Navarre (1492-1549) and her Evangelical Network, Leiden-Boston, Brill, 2009, 2 vol.
- Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 286 : « Appare subito dunque, come dietro la questione della lingua si celasse una sorta di intervento a sostegno delle soccobenti posizioni politico-religiose dell’Evangelismo […] mediante quelle forze non ancora bruciate su questo piano, come appunto quelle culturali del Manuzio e della sua cerchia di letterati ».
- Au moins treize, d’après Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 651, n. 34.
- Nicolò Franco, Le pistole vulgari, Venezia, Gardane, 1542 : réédité par Francesca Romana De’ Angelis, Le pistole vulgari, Bologna, A. Forni, 1986.
- Lettera [sic] di M. Antonfrancesco Doni fiorentino, Piacenza, Giovanni Maria Cremonese, 1543.
- Niccolò Martelli, Il primo libro delle lettere di Nicolo Martelli, Fiorenza, Martelli, 1546.
- La première édition des lettres de Claudio Tolomei, De le Lettere di M. Claudio Tolomei lib. sette. Con una breve dichiarazione in fine di tutto l’ordin de l’ortografia de questa opera a été effectuée en 1547 par Gabriel Giolito de Ferrari, à Venise. Plusieurs autres éditions de Ferrari et d’autres éditeurs suivirent. Cf. Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 652, n. 41.
- Lettere di Messer Horatio Brunetto, Venezia, A. Arrivabene, 1548.
- Pour une analyse de cette introduction, cf. Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 654.
- Dont l’un retranscrivait même des passages du Beneficio di Christo. Cf. Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 287.
- Ibid., p. 291.
- C’est le cas, par exemple, de la Nuova scielta, anthologie épistolaire anonyme imprimée en 1574 à Venise, qui reprenait notamment les écrits déjà publiés dans l’anthologie de Paulo Gherardo, mais en éliminant les auteurs prohibés par l’Index ou ceux dont les contenus pouvaient déplaire aux autorités religieuses. Cf. Novo libro di lettere scritte da i più rari auttori e professori della lingua volgare italiana, Venezia, Paulo Gerardo, 1544. Récemment republié, Novo libro di lettere scritte da i più rari auttori e professori della lingua volgare italiana, ristampa anastatica delle edd. Gherardo, 1544 e 1545, a cura di Giacomo Moro, Sala Bolognese (BO), Arnaldo Forni ed., 1987, p. XXXV-XXXVI.
- Il s’agit des lettres de Vergerio, évêque de Capo d’Istria, accusé de comportement ambigu dès 1541, pour lesquelles Paul Manuce se livre à un travail de censure dans les éditions de 1544 et de 1548 de son anthologie. Voir Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 74 et p. 75 : « Dunque tra il 1544 e il 1548 erano state progressivamente eliminate 10 epistole in cui Vergerio parlava di questioni teologiche, del suo avvicinamento a tematiche spirituali e al suo ruolo nella missione di Worms per conto di Francesco I ».
- Voir Lodovica Braida, Libri di lettere…, chap. III, « Le antologie degli anni sessanta e settanta; verso la specializzazione tematica », passim.
- Galeazzo Caracciolo, 1517-1586 : membre de l’aristocratie napolitaine et neveu du cardinal Gian Pietro Carafa, le futur Paul IV (1555-1559). Il adhéra aux idées réformées en fréquentant les cercles valdésiens. Après sa rencontre avec Pier Paolo Vergerio, il s’exila volontairement à Genève et quitta toute sa famille, renonçant jusqu’à son épouse qui demeura dans la foi catholique. Sur la vie de ce noble napolitain, voir Benedetto Croce, Vite di avventure, di fede e di passione, Milano, Adelphi, 1989, p. 197-291.
- Voir Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 221 et n. 112.
- En intégrant dans cette édition des lettres relatives à son premier procès et en insistant sur l’absolution pleine et entière qui lui avait été accordée par le pape Paul III. Cf. Delle Lettere volgari di diversi nobilissimi huomini et eccellentissimi ingegni scritte in diverse materie, Libro terzo, Nuouamente ristampate, & in piu luoghi corrette. /Aldus/1567, et en particulier la lettre de Ferrante Trotti al Carnesecchi, 26 aprile 1546, citée par Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… » p. 289 et par Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 219, n. 121. Voir aussi la lettre de Marcantonio Giusto, Lettere volgari, p. 130-131, citée par Paolo Simoncelli, op. cit., p. 289, n. 38. Cette thèse est toutefois démentie par Lodovica Braida, Libri di lettere…, qui, dans ses pages 229-230, lui oppose le fait que ces congratulations avaient en réalité déjà été publiées dans l’édition de 1564 et que, par conséquent, il pouvait sembler excessif d’attribuer au volume de 1567 le but de sauver le protonotaire.
- Si le thème de la justification ex sola fide était bien évoqué, un autre écrit lui faisait pendant par un véritable hymne à l’unité de l’Église contre toute forme d’hérésie. Cf. Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 290 et Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 223 : « Tale operazione [la publication du troisième volume des Lettere volgari] implicava però una grande attenzione a evitare ogni ambiguità dottrinale, non più accettabile nel clima di chiusura del Concilio; un’ansia di controllo che spiega probabilmente i numerosi tagli che subì la riedizione del 1564 del primo e del secondo libro dell’antologia manuziana, privata di cinque lettere del Vergerio, di una del Merenda e delle quattro dottrinali del Flaminio ».
- Notamment dans une lettre de Bartolomeo Scala qui semble se faire l’écho du deuxième chapitre du Beneficio di Cristo. Cf. Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 290.
- Ibid., p. 291.
- Notamment dans les lettres de Vergerio à Marguerite de Navarre. Cf. Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 290-291.
- Novo libro di lettere scritte da i più rari auttori e professori della lingua volgare italiana, op. cit.
- Ibid., p. LXXXI-LXXXII : « Non mi pare che risulti accertata un’intenzione esplicita di propaganda religiosa nel programma del nostro volume […]. Anche il fatto che si tratta di un insieme [les lettres porteuses d’une dimension religieuse non conventionnelle] nettamente minoritario all’interno del libro impedisce di credere che in esso consista essenzialmente il messaggio del volume, mentre il resto non sarebbe altro che zavorra, o cortina fumogena per sviare i sospetti degli zelatori dell’ortodossia ».
- Giovanni Antonio Clario : natif d’Eboli, polygraphe et homme de lettres du XVIe siècle, il arriva à Venise entre 1543 et 1544 en possession de lettres de recommandation du Tasse (Lettere, I, XC à XCII, p. 163 à 167). Il travailla comme correcteur pour l’éditeur Valgrisi et, en 1547, fut jugé par le Saint-Office pour avoir tenu des propos hérétiques. Participa à l’édition du premier recueil épistolaire du Tasse. Pour sa biographie, voir Novo libro di lettere…, p. LXXIII-LXXVI, ainsi que la bibliographie recueillie par Giacomo Moro, « Selezione, autocensura e progetto letterario… », p. 88, n. 77.
- Ludovico Domenichi : 1515-1564 ; polygraphe italien, à l’origine de la traduction des Nicodemiana de Calvin. Incarcéré par l’Inquisition florentine, il vit sa peine commuée en relégation d’une année dans un couvent grâce à l’intervention du duc Cosme Ier. Voir Antonio Garavelli, « Lodovico Domenichi nicomedita? », Il Rinascimento italiano di fronte alla Riforma: letteratura e arte, a cura di Chrysa Damianaki, Paolo Procaccioli, Angelo Romano, Roma, Vecchiarelli, 2005, p. 159-175.
- Gian Matteo Giberti, 1495-1543 : évêque de Vérone. Connu pour son activité de réforme de l’Église catholique de l’intérieur, notamment au sein de son diocèse. Opposé au luthéranisme, mais compromis par ses amitiés pour des personnages comme Ochino et comme le prédicateur Tullio Crispoldi qui le placèrent au centre d’une enquête de l’Inquisition pour hérésie. Consulter Adriano Prosperi, Tra evangelismo e controriforma, Gian Matteo Giberti (1495-1543), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1969.
- Jacopo Sadoleto, 1477-1547 : évêque de Carpentras. Fut nommé cardinal en 1536 en même temps que Carafa et Pole et fit partie avec eux de la commission qui rédigea le célèbre Consilium de emendanda ecclesia. Se compromit aux yeux de la frange la plus conservatrice de la curie romaine en tentant d’établir un rapport avec les réformateurs luthériens et en incarnant un courant partiellement évangéliste, soucieux de réforme interne de l’Église. Voir Richard Douglas M., Jacopo Sadoleto 1477-1547. Humanist and Reformer, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1959.
- Paolo Sadoleto, 1508-1572 : cousin germain du cardinal Jacopo Sadoleto qui lui succéda sur le siège épiscopal de Carpentras. Il laisse des lettres, au nombre de vingt-sept, et des poésies latines.
- Pour une analyse plus complète de la réelle portée de cette anthologie, voir Lodovica Braida, Libri di lettere…, p. 118-121.
- Ibid., p. 109.
- Lettere volgari di XIII huomini illustri, Roma, Valerio Dorico et Luigi Fratelli, 1554, lettre de Flaminio à Torelli datée du 30 novembre 1549, p. 356, citée par Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… », p. 294-295, n. 64 : « Et nel vero se vogliamo legger la Scrittura santa da principio al fine, vederemo che la divina Maestà comunemente ha condotto i suoi eletti al paradiso per la via angusta delle adversità […] et in questo è differente il Christiano da gli altri; perché coloro che non hanno lo spirito di Dio, fuggono la croce, come cosa horribile et insopportabile, là dove il vero Christiano la porta volentieri con Christo, per regnar con Christo; massimamente sapendo che le tribulationi, la vita, la morte, il mondo, le cose presenti, le future, serveno alla felicità di coloro che sono servi di Dio. Con questi et altri simili discorsi, le persone pie si fanno superiori a tutti gli accidenti humani, et stando uniti con Christo crocifisso sentono tanta dolcezza sotto l’amaritudine della croce, che tutti i piaceri del mondo non la potrebbono agguagliare ».
- Pier Paolo Vergerio, Giudicio sopra le lettere di tredeci huomini illustri pubblicate da M. Dionigi Atanigi et stampate in Venetia nell’anno 1554, s.l., 1555 : « Je me limiterai à dire jusqu’à quel point (d’après moi) presque tous ces treize noms illustres sont loin de connaître la vraie piété et la doctrine chrétienne ».
- Cf. Paolo Simoncelli, « Evangelismo e… » , p. 297.
- Pier Paolo Vergerio, Giudicio sopra le lettere…, f. 31-32 : « Parmi lesquelles [lettres], il y en a une au seigneur Bernardino Rota, qui laisse entrevoir quelque senteur et quelque espoir que son auteur ait la connaissance [de la « vraie » doctrine] parce que son principe est celui de l’infinie piété du Christ ».
- Dionigi Atanigi, De le lettere di Tredici hvomini illvstri libri tredici, Venezia, [presso Vincenzo Valgrisi], 1554.
- Li tre libri delle lettere di M. Bernardo Tasso. Alli quali nuouamente s’è aggiunto il quarto libro, Venezia, Appresso P. Gironimo Giglio e compagni, 1559, p. 253.
- Le mot « grazia » par exemple, qui pourrait renvoyer au lexique de l’évangélisme, semble ici employé dans une acception parfaitement canonique.
- Lettere, I, CCCXIV, p. 522 : « L’infinie piété du Christ, mon très respectable seigneur, rappelle à lui et fait se repentir de leurs erreurs certains pécheurs par des fléaux et des malheurs, d’autres en leur accordant grâce et prospérité. Il ne nous appartient pas de rechercher pourquoi il recourt à des moyens – les grâces et les malheurs – si différents et si variés. Il est toute la providence et sait ce qu’il fait ; si je voulais établir une comparaison entre les choses divines et les profanes, je dirais peut-être que tel un cavalier habile et réfléchi qui connaît la nature des chevaux qu’il a à dresser, il recourt aux éperons et à la verge avec l’un et au seul talon et à la main avec un autre pour obtenir un même résultat chez tous deux ».
- Lettere, I, XCVI, Al signore Onofrio Correale, p. 172 : « Mes débiteurs et en particulier cet ami fort aimant sont comme des chevaux qui, sans éperon, n’avancent pas. Donc, puisque mon besoin l’exige et que cela s’accorde à leur lenteur naturelle, éperonnez-les et si l’éperon ne suffit pas, utilisez les verges et le bâton ».
- Pour une analyse approndie de la question, voir Federico Zuliani, « Annotazioni per lo studio delle convinzioni religiose di Bernardo Tasso », Rivista di Storia e Letteratura religiosa, XLIX, 1, 2013, p. 237-250.
- Lettere, I, LXVI, op. cit., p. 118-119.
- On sait que Vergerio choisit de se réfugier en exil dans le canton protestant des Grisons en 1549. Or son ouvrage parut en 1554. De Suisse, il semble donc tout à fait informé des opinions de ses anciennes connaissances, même cinq ans après son départ pour l’exil. Voir Pier Paolo Vergerio, Giudicio…, f. 31-32 : « Mais si on lit ensuite celle qui est écrite à son prince on voit que ce brave Tasse se fourvoie là où en parlant de Naples, il dit : “Quelle est cette ville, non seulement en Italie, mais dans toute l’Europe où il y a autant d’églises bien constituées et administrées” et moi j’affirme que quelqu’un connaissant la vérité ne pourrait laisser échapper de sa bouche que les églises napolitaines sont bien constituées et bien administrées, car celles des prêtres tout comme celles des frères sont comme toutes les autres d’Italie de France et d’Espagne. Elles sont pleines et regorgent d’hypocrisies et de faux cultes. Le Tasse ne peut non plus s’excuser en disant qu’il n’a pas voulu révéler sa pensée à son maître, dans la mesure où, de toute part, on entend dire que son excellence ne refuse aucunement de prêter l’oreille pour entendre la vérité de l’Évangile ».
- On trouve la lettre à laquelle Vergerio fait allusion dans un deuxième temps en ouverture du troisième livre du premier volume des lettres pour convaincre le prince de se rendre à la cour impériale afin d’y plaider la cause des insurgés napolitains lors des tumultes de 1547.
- Bernardo Tasso n’a pas été vraiment inquiété par le Saint-Office, mais sa proximité avec le prince de Salerne, accusé d’hérésie après le soulèvement populaire de 1547 à Naples et converti à la religion réformée après son passage en France, l’ont rendu suspect. Pour les détails de cet épisode, voir Edward Williamson, Bernardo Tasso…, p. 30-31.
- Dans la lettre LXVI à la marquise de Pescara, comme dans celle de Marcantonio Flaminio à Giulia Gonzaga, résonne l’écho des théories de Michel Servet condamné au bûcher par Calvin : « Il passaggio dalla carne allo spirito (l’ingresso nel regno di Cristo per mezzo della cognizione e della fede, al quale segue il vivere in esso regno per mezzo della carità) avviene senza partecipazione dell’uomo […] la rigenerazione in ispirito è un fatto della misericordia divina, non della volontà umana ». Cf. Delio Cantimori, Eretici italiani…, p. 47-48.
- Andrea Barbieri, op. cit., p. 67-71 ; Vercingetorice Martignone, « Tra Ferrara e il Veneto… ».
- Adriano Prosperi, Tribunali della coscienza …, p. 121 et n. 14 : « Molti disputavano delle cose della fede catholica, insino alli calzolari et altri vilissimi artefici et dicevano di cose di heresia » ; Carlo Dionisotti, « La letteratura italiana nell’età…», p. 234 : « Anche è vero che intorno al 1540, la moda era che, come già di Platone o del Petrarca, tutti discoressero indocti doctique della giustificazione e della grazia » ; P. Lopez, Il Movimento valdesiano a Napoli…, p. 19-20 : « Argomenti centralissimi della teologia cattolica, quali la giustificazione per la sola fede, la grazia, la predestinazione […] erano ampiamente e variamente dibattuti fra i più diversi ambienti, ecclesiastici o no ». Voir également Novo libro di lettere…, p. LXXXVI.
- Adriano Prosperi, « Intellettuali e chiesa… », p. 165, 186-7, 190-191, 194.
- Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », p. 661.
- P. Lopez, Il Movimento valdesiano a Napoli…, p. 61.
- À Naples en particulier, le premier bûcher de livres impies fut allumé devant les portes de la cathédrale en 1543 et, en octobre 1544, le vice-roi Don Pedro de Tolède promulgua le premier décret restrictif sur la vente, l’impression et la possession de livres de théologie ou touchant aux Écritures.
- Sauf en un bref moment de sa vie, contrairement à bien des hommes de lettres, il n’espérait pas faire carrière au sein de l’Église, cf. Carlo Dionisotti, « Chierici e laici », p. 55-88 et Adriano Prosperi, « Intellettuali e Chiesa… », p. 162.
- Pour les détails de cet épisode, voir Edward Williamson, op. cit., p. 30-31 et pour une reconstruction des événements se rapporter à : Alessandro Fava, « L’ultimo dei baroni, Ferrante Sanseverino », Rassegna Storica Salernitana, IV, 1934, p. 56-82 ; Umberto Folieta, I moti napoletani contro l’Inquisizione (1547), a cura di Giuliana Di Pierro, Matera, Fratelli Montemurro Editori, 1971 ; Giuseppe Coniglio, Il regno di Napoli al tempo di Carlo V, amministrazione e vita economico-sociale, Napoli, Ed. Scientifiche Italiane, 1951, p. 256-261.
- Dans une lettre du 20 novembre 1557, il approuvait la décision de son ami, Dionigi Atanigi, de quitter Rome pour fuir une situation délicate, sans doute liée au positionnement dogmatique de cet intellectuel.
- Même s’il ressort d’une analyse un peu approfondie de la situation politique et religieuse de Ferrante Sanseverino, qu’en réalité, le courtisan se limita à lui dire ce que celui-ci désirait entendre.
- On peut penser à Marcantonio Flaminio, mais aussi à Vittoria Colonna, à Lodovico Dolce, à Dionigi Atanigi pour ne citer que les personnalités les plus connues. En fait, bien des relations du secrétaire sont soit suspectées soit poursuivies par l’Inquisition, ce qui prouve que le Tasse était proche des réformateurs et donc, probablement, des idées réformées, mais également qu’il ne l’était pas de façon suffisamment patente pour attirer l’attention des autorités religieuses.
- Ce que semble confirmer indirectement Anne Jacobson Schutte, « The “Lettere Volgari”… », lorsqu’elle écrit, p. 673 : « One can only conclude that such letters [« spirituelles »] escaped editorial or official censorship because the views expressed in them were widely held and because the writers exercised caution only to the extent that they did not make specific references to the Northern Reformers ».
- Une liste de la suite de Renée de France le classe dans la catégorie du personnel de cuisine ; il était cependant payé cent écus par an, somme relativement importante puisque Clément Marot en gagnait deux cents. Cf. Edward Williamson, Bernardo Tasso, p. 27.
- Elle est aussi le refuge de bien des hommes de lettres et, après le sac de Rome, la seule garante de la liberté italienne par rapport à la prédominance espagnole et, bien que catholique, relativement autonome par rapport aux positions de la curie romaine sur la Contre-Réforme. Lettere, I, XXVII, p. 62-67 : « Non è ella [quella Repubblica] l’ornamento e lo splendore de la Italiana dignità? Non rappresenta ella una imagine dell’autorità e grandezza de la Romana Republica? In quest’oscuro e tempestoso secolo quale altra luce o splendore è rimaso a la misera Italia? ». Toute la lettre n’est qu’un vibrant éloge de la Sérénissime au cours duquel le Tasse déconseille fortement au comte Rangone de quitter ce service au profit de celui du roi de France.
- Lettere, I, LX, p. 107-110 : « Aujourd’hui, ce tumulte insidieux vous est très dommageable et le sera encore davantage, parce que si les choses se poursuivent et que la cour du Roi est forcée de s’en occuper, vous ne pourrez en retirer que dommages et honte ».
- « servitude tourmentée, longue et fastidieuse ».
- Lettere, I, XCIII, p. 167-170.
- Lettere, I, CLIII, p. 282-283.
- À Guidobaldo II della Rovere, Lettere, I, CCXXII, p. 396-397 : à Alfonso d’Avalos, pour le décès de son neveu, le marquis de Capestrano, CCXXIII, p. 398-399.
- Lettere, I, CCXXVIII, p. 402 : « Le long et fidèle service de Bernardo Tasso, mon secrétaire, m’oblige à prendre non seulement la protection de ses biens mais aussi de ceux de ses amis et de ses parents ».
- Lettere, I, CCXX, p. 395.
- Lettere, I, LXXXVII, p. 160-161 ; CLVII, p. 291-292 ; CLXIII, p. 298-299 : « Ricordatevi di scrivermi il vostro giudizio intorno l’opera che ho cominciata per la quale v’ho già scritto sì lungamente ».
- Lettere, I, CLXVI, p. 144 : « Brisez-là avec votre oisiveté, car puisque vos lettres apportent tant de réconfort […] à un ami tel que je suis pour vous, vous ne devez pardonner aucune faiblesse à votre plume et soyez certain que je ne ferai pas à vos lettres le tort que vous avez fait aux miennes. Bien qu’il m’ait déplu qu’elles aient été imprimées, car aussi empreintes d’ineptie que d’affection, néanmoins cela m’a plu, car elles témoignent dans le monde de l’amour et du dévouement que j’ai envers vous et de l’affection que vous êtes tenu de me porter ».
- Da Piacenza, 10 settembre 1545. Cf. Annibale Caro, Lettere familiari, Firenze, Le Monnier, 1957-1961, vol. I, p. 332-333 : « De grâce, seigneur Bernardo, quand je vous écris, à partir de maintenant déchirez mes lettres, car je n’ai le temps d’écrire pratiquement à personne et encore moins celui de rédiger méticuleusement chaque lettre ; et ces fripons de libraires impriment n’importe quelle billevesée. Je vous dis cela en colère, parce que j’ai vu circuler certaines de mes méchantes lettres et que j’en ai eu honte jusqu’au fond de mon âme ».
- Lettere, I, Al Sig. principe di Salerno, p. 7-14 : « Io non iscrissi mai lettere perché sperassi che andassero in mano de gli uomini, fuor che di quelli a cui, o per mio bisogno o per loro servizio erano indirizzate ». Voir le chapitre portant sur le paratexte.
- L’expression est empruntée à Maria Cristina Panzera, « Introduction », dans L’exemplarité épistolaire du Moyen Âge à l’époque humaniste et renaissante, Actes de la journée d’études du 11 mai 2012, Université Bordeaux-Montaigne, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, p. 12.