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Chapitre 4.
Les Pyrénées ariégeoises

par

Les Pyrénées ariègeoises recèlent également de nombreuses traces d’activité minière et les exploitations récentes, postérieures au XVIIIe siècle, y sont nombreuses. Ces reprises laissent planer le doute quant à la nature de vieux travaux cités parfois dans la bibliographie du XIXe siècle (par exemple Mussy 1870). La vallée du Salat, dans laquelle de nombreux chantiers récents sont connus sur des gisements associant cuivre, plomb et zinc, en est un bon exemple. Les prospections qui y ont été menées n’ont pas permis de valider l’ancienneté des exploitations. Une fonderie de cuivre, attribuée à l’Antiquité par les mentions du XIXe siècle, est également citée à Sentenac d’Oust, mais les prospections n’ont pas permis de la localiser (Guilbaut 1982 ; Troisplis 1995, 20-75). La question reste donc entière en ce qui concerne une phase précoce d’exploitation de ce secteur.

Des chantiers anciens ont tout de même pu être datés dans cinq autres secteurs (fig. 23). D’ouest en est, il s’agit tout d’abord de travaux miniers sur un gisement de cuivre sur la commune de Saint-Lary. Ils ont été recoupés par une piste forestière près du col de Lestrade (Guilbaut 1982, 49-50 ; Escudé-Quillet & Maissant 1996, 150). Ouverts au feu comme en témoigne une belle coupole arrondie, ils ont été datés de l’âge du Bronze1 (Fabre et al. 2023). De nombreux grattages superficiels de petits filons à l’affleurement sont visibles dans le secteur. En contrebas, sur le versant Souleilha, une autre exploitation a été identifiée. Une partie du chantier a été vidée par les prospecteurs miniers à la fin du XIXe siècle ; d’autres départs comblés sont visibles aux alentours. Il s’agit d’une exploitation pour le cuivre dont la chronologie fait état d’au moins deux phases, au Bronze final et au Moyen Âge2 (Fabre 2021). En l’absence de chronologie de l’âge du Fer ou de l’Antiquité, ce secteur ne sera pas présenté plus en détail ici. Il faut toutefois noter que cette étude est réalisée dans le cadre d’une prospection thématique incluant toute la haute vallée de la Garonne, sous la direction de J.-M. Fabre. De nombreux sites ont été repérés, mais ne sont pas encore datés. D’autres mines anciennes pourraient donc être à ajouter à l’inventaire dans les prochaines années.

Fig. 23. Mines et ateliers anciens des Pyrénées ariégeoises. E. Meunier 2022

En continuant vers l’est, on rencontre l’ensemble du massif de l’Arize. On y distingue des travaux pour le plomb argentifère et le fer au sud-ouest et une série de mines exploitant le cuivre argentifère, sur le front nord. Le district à cuivre argentifère constitue le cœur de cette publication et sera présenté dans la partie suivante. On signalera simplement pour l’instant que les recherches archéologiques ont été initiées sur ce terrain par J.-E. Guilbaut et C. Dubois, entre les années 1970 et le début des années 1990. Ils avaient mis en évidence une phase d’exploitation tardo-républicaine et posaient la question d’une reprise médiévale (Dubois & Guilbaut 1982 ; Dubois 1997). Les travaux de la commune de Rivèrenert, au sud-ouest du massif, en sont isolés car leur contexte géologique est différent. Il s’agit ici de minéralisations de galène* argentifère et de fer dans des terrains plus anciens, de l’Ordovicien. Des recherches y ont été menées par C. Dubois et J.­E. Guilbaut (Dubois &Guilbaut 1986).

Légèrement plus à l’est, au sud du massif de l’Arize, on trouve le secteur polymétallique de la haute vallée du Garbet, sur la commune d’Aulus-les-Bains. J.-E. Guilbaut et C. Dubois y avaient également travaillé. D’autres recherches y ont été menées récemment, d’une part par F. Téreygeol à Castel Minier et sur le site des Ouels (Téreygeol et al. 2016) et d’autre part par V. Py pour les secteurs les plus en amont de la vallée (Py-Saragaglia et al. 2017). En passant à la vallée du Vicdessos, on a des données sur le site sidérurgique antique de Lercoul (Dubois 2000). À l’ouest du département, les mines d’or de l’Assaladou ont été étudiées par B. Cauuet (Cauuet 2001b). Enfin, un programme de prospection thématique sur les mines et la métallurgie du fer aux périodes historiques est en cours sous la direction d’A. Disser dans l’ensemble du département. Les sites, non répertoriés ici en l’attente de leur publication, sont principalement datés du Moyen Âge, mais quelques secteurs prospectés en 2020 pourraient correspondre à des activités plus anciennes (Disser et al. 2020).

Outre les mines, la fonderie de Carbon est à signaler car il s’agit du seul atelier de production métallurgique daté de la transition Bronze final – premier âge du Fer pour les Pyrénées ariégeoises (Simonnet 1970, 216). L’auteur envisage la possibilité d’une exploitation des ressources minières locales pour le cuivre et la question est posée au sujet de l’étain, qui aurait pu se trouver en quantité suffisante dans les alluvions de l’Ariège pour satisfaire les besoins de l’époque (Simonnet 1970, 194). Cette supposition n’a toutefois pas pu être vérifiée.

Rivèrenert : plomb-argent et fer

Sur la commune de Rivèrenert, deux foyers d’activité minière ont été documentés (fig. 24). Le premier se situe à proximité du village actuel, entre 500 et 550 m d’altitude, et concerne le fer. Le second se situe plus vers l’est, au sud du hameau des Abères, et du plomb argentifère y a été exploité. Des travaux de recherche minière et d’exploitation récents (XIXe et début du XXe siècle) entrepris sur ces deux secteurs ont recoupé d’anciens ouvrages, mais les perturbations engendrées sur les réseaux ainsi repris limitent grandement leur étude archéologique. Pour les travaux situés près du village, pour le fer, C. Dubois et J.-E. Guilbaut n’ont pu que constater dans les quelques mètres de réseau encore accessibles des traces de pointerolle sur quelques reliquats de parois anciennes, mais la chronologie de l’exploitation ne peut y être confirmée (Dubois & Guilbaut 1986, 93). Cependant, un sondage réalisé dans un des jardins où des scories avaient été repérées en prospection a permis de dater une phase d’activité métallurgique du Ier siècle de n. è. par le mobilier mélangé au ferrier* : sigillée, tasses de l’atelier gersois de Galane, panses d’amphores à pâte orangée et céramique commune. L’analyse des scories a montré qu’il s’agissait bien de vestiges de réduction, mais les bas fourneaux n’ont pas été localisés (Dubois & Guilbaut 1986, 94).

Fig. 24. Plan d’ensemble des vestiges de Rivèrenert
(d’après Dubois & Guilbaut 1986, fig. 1 et 2). E. Meunier 2018

Dans le secteur des Abères, les travaux miniers, eux aussi objets d’une reprise importante et en partie comblés, livrent tout de même plus de vestiges anciens (Dubois & Guilbaut 1986, 96-101). Cette exploitation s’est développée sur des filons de galène* argentifère à gangue* bréchique de quartz et barytine encaissés dans les schistes de l’Ordovicien et s’étagent entre 700 et 950 m d’altitude. Des traces d’ouverture à l’outil sont visibles dans plusieurs galeries, parfois de section ovoïde, et les déblais livrent fréquemment des tessons d’amphores. Ces tessons se trouvent également dans des niveaux remobilisés lors des travaux récents et déplacés dans des galeries qui n’ont quant à elles rien d’ancien. La galerie nº 7 donne cependant accès à un petit chantier d’exploitation incliné encore intact. Ce chantier, ouvert à la pointerolle en remontant, se développe sur 15 m de long, 7 m de haut et 1 m de large (fig. 25, a). Des piliers horizontaux permettent le soutènement et des séries d’encoches de 3 à 5 cm de section correspondent très certainement à des calages de boisages qui facilitaient la progression verticale. Dans une autre galerie récente, un puits ancien a été recoupé à sa base et des déblais contenant des amphores sont tombés sur la sole* moderne. La datation ne peut pas être précise avec ces éléments, mais le contexte antique est bien marqué.

Enfin, à faible distance, les travaux de l’Argenterie, dans le même contexte géologique, présentent aussi des vestiges attribuables à l’Antiquité. Ils sont représentés par une longue galerie taillée à l’outil et deux tessons d’amphores reconnus à la surface des remblais. Cette galerie longue de plus de 130 m, au tracé irrégulier et creusée dans le stérile, correspondait probablement à une galerie d’exhaure* (fig. 25, b). De l’eau s’en écoulait toujours à la sole* lors des prospections menées par C. Dubois et J.­E. Guilbaut (Dubois & Guilbaut 1986, 105-106).

Fig. 25. a. Le dépilage ancien des Abères ; b. La galerie d’exhaure de l’Argenterie
(d’après Dubois & Guilbaut 1986, fig. 5 et 6). E. Meunier 2018

Dans l’ensemble, les travaux des Abères et de l’Argentière semblent un peu plus anciens que l’atelier sidérurgique daté à Rivèrenert. Les amphores identifiées correspondent en effet à des Dr 1A ou 1C et les Dr 1B sont absentes (Dubois & Guilbaut 1986, 108-109). Ceci nous situerait plutôt dans les deux premiers tiers du Ier siècle av. n. è. Cependant, l’absence de fouilles dans les travaux et le sondage très ponctuel à Rivèrenert ne permettent pas en l’état d’exclure d’autres phases d’activité. Il est également difficile dans l’état actuel de la documentation de se faire une idée de l’organisation de l’activité et de son intensité. Les chronologies indiquées par le mobilier, antérieures et postérieures à la période augustéenne, ont très probablement été accompagnées de variations dans l’administration de ces exploitations, dont on ne peut préciser les conséquences sur l’exploitation pour le moment. Les indications relativement fréquentes de vieux travaux recoupés par les exploitations récentes pourraient indiquer une activité soutenue, aussi bien sur les minéralisations ferrifères que plombifères. Cependant, en l’absence de données chronologiques précises, on ne peut écarter l’idée que ces travaux aient été assez étalés dans le temps. L’extension limitée des vieux travaux préservés ne fournit pas de précisions typologiques suffisantes pour repérer d’éventuelles variations morphologiques significatives en termes de chronologie relative. Les reprises récentes importantes sont ici une limite à la caractérisation des travaux anciens.

La haute vallée du Garbet :
polymétallisme et diachronie

Les travaux du secteur d’Aulus comportent les chantiers anciens des Raspes, des Ouels et de l’Argentière (fig. 26). Ce secteur polymétallique est dominé par les minéralisations de plomb, principalement de la galène* argentifère, mais contient aussi du zinc, qui a fait l’objet de reprises récentes. Le site métallurgique de Castel-Minier révèle également le traitement de chalcopyrite* et de bournonite* (Téreygeol et al. 2016, 17). L’exploitation documentée aussi bien dans la mine que sur l’atelier de Castel-Minier ne remonte pas plus haut que le XIIIe siècle et s’étend jusqu’au XVIe siècle (Florsch et al. 2011, 439 ; Téreygeol et al. 2016, 20-22). Du fer est également traité sur place, toujours au Moyen âge (Bonnamour et al. 2007). Nous renvoyons à la bibliographie pour plus de détails sur ces ateliers, où l’argent, le cuivre, le plomb et le fer ont été produits grâce aux techniques les plus avancées de l’époque (Dillmann et al. 2006, 13 ; Téreygeol 2007, 11).

Fig. 26. Plan d’ensemble des vestiges miniers de la haute vallée du Garbet
(d’après Dubatik 1981, fig. 2 ; Py et al. 2013, fig. 23). E. Meunier 2018

En ce qui concerne les travaux miniers, une synthèse issue des archives donne un premier aperçu des travaux et de leur chronologie : on en a une trace dans la documentation au XIVe siècle et ils ont connu plusieurs reprises jusqu’au XXe siècle (Dubois 1999b, 190-202). Les chantiers sont situés dans les terrains primaires (Dévonien) de la zone axiale pyrénéenne. Une première exploration de terrain menée par C. Dubois3 a montré que les réseaux des Raspes (entre 1000 et 1200 m d’altitude) n’étaient plus accessibles, excepté près des entrées supérieures, du fait du comblement des travaux. On retiendra qu’il s’agit d’une exploitation pour la galène* argentifère dont le chantier principal, ouvert à l’outil, forme un dépilage qui partait de l’affleurement, avant le percement d’un travers-banc* au niveau inférieur au XIXe siècle (Dubois 1999b, 203-204). Le fait que l’exploitation ancienne se soit développée sans ouvrage d’exhaure* et en délaissant la sphalérite* qui accompagne la galène* pourrait indiquer une première phase d’activité dès l’Antiquité romaine. Cependant, l’absence de mobilier de cette période dans les haldes* et l’impossibilité d’accéder aux travaux invite à la prudence quant à la chronologie des ouvrages.

Les travaux anciens de l’Argentière, à près de 1600 m d’altitude, sont quant à eux mal conservés. Seules des coupoles d’ouverture au feu résiduelles au parement du fond d’une tranchée à ciel ouvert témoignent encore de cette phase ancienne. Les travaux de Laquorre situés à proximité sont datés principalement des XVIIIe et XIXe siècles, mais deux dépilages verticaux étroits, ouverts depuis le jour sans utilisation de la poudre, y sont signalés (Py et al. 2013, 35-43). Des tessons d’amphores avaient été recueillis par un ingénieur des mines lors de travaux aux Argentières, permettant de penser à une première phase d’exploitation attribuable à l’Antiquité romaine (Dubois 1999b, 203). Les recherches récentes menées sous la direction de V. Py sur l’évolution du couvert forestier de ce secteur ont confirmé la chronologie ancienne de cette exploitation (Py-Saragaglia et al. 2017, 148 et 155). En effet, un sondage dans les haldes* en contrebas de la tranchée présentant les vestiges d’ouverture au feu des Argentières a livré des charbons dont la datation permet de reconnaître deux périodes d’activité avant les reprises récentes. La plus ancienne se situe entre le milieu du IVe et le IIIe siècle av. n. è. et la plus récente entre le milieu du IIe siècle av. n. è. et le milieu du Ier siècle de n. è.4. L’état de conservation des chantiers anciens ne permet pas d’en préciser les caractéristiques (Py 2015).

Les chantiers de la mine des Ouels (1050 m d’altitude), la plus proche de l’atelier de Castel-Minier, sont aussi les mieux connus. Ils ont fait l’objet d’une étude archéologique récente sous la direction de F. Téreygeol. Il s’agit de réseaux miniers complexes ouverts en combinant le feu et la pointerolle, avec des accès par des puits au jour et des travers-bancs* servant aussi à l’exhaure*. L’exploitation est datée entre le XIIe et le XVe siècle (Téreygeol et al. 2016, 18-19 ; Téreygeol 2023 ; Dubois 1999b, 204-206).

Les reprises d’activité récentes pour exploiter le zinc ont détruit une partie des travaux anciens. Les activités médiévales sont tout de même très bien représentées avec les sites de Castel Minier et des Ouels. Les datations obtenues sur les haldes* des Argentières montrent que l’exploitation a démarré bien plus tôt, avec deux périodes d’activité identifiées. Au vu de ces résultats, les chantiers anciens des Raspes, non datés, pourraient facilement remonter à la période médiévale. Les données obtenues sur le paléoenvironnement aux alentours de l’Argentière suggèrent que l’impact de l’activité minière du second âge du Fer et de l’Antiquité n’était pas très fort sur le couvert forestier, contrairement à ce qui est observé à partir de la fin du Moyen Âge (Py-Saragaglia et al. 2017, 154). La mauvaise conservation de ces travaux les plus anciens, qui ne permet pas d’évaluer leur ampleur réelle, invite à rester prudent sur les conclusions, mais leur extension semble-t-il limitée pourrait correspondre à une activité saisonnière ou de courte durée, en complément des activités agro-pastorales. Les travaux médiévaux, au contraire, montrent une plus grande intensité de l’activité.

Lercoul : la sidérurgie

L’atelier métallurgique de Lercoul est situé dans la commune du même nom et les mines s’étendent de part et d’autre du col de Lercoul, atteignant ainsi la commune de Sem sur le versant ouest (fig. 27). Les travaux sont situés principalement au-dessus de 1300 m d’altitude. Les exploitations minières se sont développées sur des filons d’hématite* et de goethite* à gangue* de quartz encaissés dans une dolomie dévonienne, où des remobilisations karstiques sont aussi indiquées localement (Dubois 2000, 53). Sur le versant ouest, les minéralisations ont donné lieu à une exploitation médiévale et moderne intensive sur le site du Rancié.

Fig. 27. Plan des vestiges miniers et métallurgiques du col de Lercoul
(d’après Dubois 2000, fig. 19). E. Meunier 2022

Les mines de fer du versant de Lercoul ont fait l’objet d’une prospection et topographie en 1997 (Dubois 1999a, 38). Les vestiges des travaux se présentent sous la forme de tranchées ou de fosses alignées suivant la minéralisation. Si des traces de pointerolle subsistent sur les parois, la chronologie des travaux n’est pas assurée pour autant : les archives attestent de l’exploitation de ce gisement par les villageois de Lercoul jusqu’au début du XIXe siècle avec des techniques archaïques. Des traces d’explosif en partie basse témoignent de la reprise récente.

La présence d’un atelier antique de réduction du minerai de fer, à moins de 300 m des mines les plus proches, permet de dater au moins une phase d’activité ancienne. Sans rentrer dans les détails techniques, les observations sur le rythme et l’ampleur de l’activité sont tout de même utiles à l’analyse. La fouille de l’atelier, sous la direction de C. Dubois, a livré les vestiges de trois bas fourneaux à scorie coulée dont les cuves sont creusées dans le substrat schisteux. Une aire d’épuration a également été identifiée (Dubois 1997, 266 ; Dubois 2000, 55-58). La rareté du mobilier, peu significatif chronologiquement parlant, a rendu nécessaire la réalisation de datations radiocarbone (Dubois 2000, 60-61). La stratigraphie indique deux phases de fonctionnement distinctes, mais proches dans le temps par l’absence de colluvionnement entre les niveaux de chaque phase. La datation retenue est le IIIe siècle de n. è., qui coïncide avec la limite basse de la fourchette chronologique radiocarbone de la première phase et la limite haute de celle de la seconde5.

La localisation de ce site en altitude en complique l’accès pendant la période hivernale. L’auteur penche donc pour la restitution d’une activité saisonnière exercée six à sept mois par an. Sur la base d’expérimentations, et en considérant le volume et la densité du crassier* identifié, la production de cet atelier est estimée à 140 tonnes de fer, réparties sur une durée de 134 à 156 ans (Dubois 2000, 61-62). Même si la durée d’activité pourrait être plus réduite que celle proposée, comme le signale l’auteur, on se situe ici dans le cadre d’une production plutôt modeste, destinée à la consommation locale ou à faible distance. L’exploitation minière ne représentait pas dans ce cas l’activité principale de toute une communauté.

L’Assaladou : l’or

Le plateau de l’Assaladou, entre 1500 et 1600 m d’altitude (communes d’Ignaux et Sorgeat), rassemble une trentaine de vestiges miniers, répartis en neuf secteurs (fig. 28). Ces travaux ont exploité des lentilles minéralisées de quartz gris aurifère, encaissées dans des schistes du Cambro-ordovicien. Des veines de quartz blanc, stériles, formant parfois des stockwerks*, recoupent fréquemment les lentilles de quartz gris (Cauuet & Tămaş 2017, 208-209). Les vestiges des travaux consistent en des fosses de tailles variables, de plan globalement circulaire ou allongé, allant du simple grattage à des ouvrages imposants dépassant les 15 m de longueur pour des largeurs de 10 à 15 m et des profondeurs conservées de 3 à 4 m. Les excavations ont certainement été en partie comblées par les haldes* anciennes, qui présentent un volume réduit autour des travaux et sont même absentes dans certains cas (Cauuet 2001a, 42-43 ; Cauuet & Tămaş 2017, 209).

Fig. 28. Plan d’ensemble des vestiges miniers de l’Assaladou
(d’après Cauuet & Tămaş 2017, fig. 2). E. Meunier 2018

Deux mines ont été fouillées sur deux secteurs différents, dans les années 1990, par B. Cauuet accompagnée de C. Maissant pour la première. L’une, située au lieu-dit le Trou de la Mine, fait partie des grands chantiers avec des dimensions de 13 par 23 m et une profondeur maximale de 4,5 m (dimensions mesurées après fouille). Cette mine n’a pas dépassé le stade de l’ouvrage à ciel ouvert. Une rampe d’accès, partant de l’angle ouest de la fosse, permettait de faciliter la circulation en desservant tout d’abord un premier gradin côté nord, moins profond, puis la partie surcreusée au sud, plus profonde de 0,5 à 1 m (fig. 29, gauche). Le fond de la fosse est plat et deux soles de foyers ont été identifiées sur le gradin nord (Cauuet & Tămaş 2017, 211). L’autre mine, dans le secteur de La Saladou, avait la particularité de présenter un volume de haldes* supérieur au volume apparent de la fosse, ce qui laissait augurer d’un prolongement de l’exploitation en souterrain. Cela a été confirmé par la fouille, qui a permis de dégager un porche se poursuivant par une galerie inclinée de 13 m de longueur, terminée par une amorce de puits vertical circulaire profond de 2 m (Cauuet & Tămaş 2017, 214-215). La largeur de la galerie est irrégulière et oscille entre 1,5 et 3 m. Un élargissement vers l’est correspond à l’exploitation d’une lentille minéralisée. Des ressauts à la sole* forment des sortes de gradins peu ergonomiques (fig. 29, droite). La présence de charbons dans les remblais et les profils globalement arrondis de l’ouvrage, couplés à l’absence de traces d’outils, indiquent que l’ouverture a été réalisée principalement au feu (Cauuet 2001a, 44).

Fig. 29. Structures minières fouillées sur le plateau de l’Assaladou
(d’après Cauuet & Tămaş 2017, fig. 3 et 5). E. Meunier 2018

La chronologie de ces ouvrages a pu être établie par des datations sur des charbons prélevés dans des niveaux correspondant à l’activité minière, ainsi que par un vase céramique (Escudé-Quillet & Maissant 1996, 164 ; Cauuet 2001b, 167-168). Ce pot globulaire, provenant de l’élargissement à l’est du porche de la mine de La Saladou, en céramique commune grise tournée, est datable des IIIe et IVe siècles de n. è. Trois datations 14C sont concordantes avec cette période6. Elles ont été obtenues sur des charbons provenant de la sole* à l’entrée de la galerie de La Saladou, d’une niche proche de l’emplacement de la céramique et du foyer 1 du Trou de la Mine. Deux autres sont plus anciennes et couvrent une période allant du Ier au début du IIIe siècle de n. è.7. Elles ont été réalisées sur le foyer 2 du Trou de la Mine et sur des charbons provenant de la sole* de la galerie inclinée de La Saladou.

Dans le cas du chantier de La Saladou, la différence chronologique entre les charbons provenant du front de taille* de la galerie inclinée et ceux prélevés sur la sole* à l’entrée et dans la niche au nord-est peut s’expliquer par une reprise de l’ouvrage après une première exploitation, comme le propose B. Cauuet (Cauuet & Tămaş 2017, 221). Dans le cas des foyers, la différence chronologique serait plus problématique dans la mesure où ils se trouvent tous les deux dans la même position stratigraphique, à même le rocher. Cependant, la fin de l’intervalle le plus ancien (233 cal AD) et le début de l’intervalle le plus récent (210 cal AD) se recouvrent suffisamment pour proposer, sinon une contemporanéité stricte, du moins un fonctionnement de ces deux foyers très rapprochés dans le temps. Ainsi, l’activité minière sur le plateau de l’Assaladou caractérisée par ces deux fouilles semble donc bien centrée sur les IIIe et IVe siècles de n. è. Un démarrage dès le Ier ou le IIe siècle de n. è. est possible pour la galerie inclinée, la localisation des charbons dans l’ouvrage n’étant pas incompatible avec une chronologie bien différenciée en deux phases8. Pour le Trou de la Mine cependant, il nous semble plus probable que les deux foyers aient fonctionné dans un intervalle réduit, au début du IIIe siècle.

Ces travaux de faible envergure, qui ne présentent pas un haut niveau technique, sont interprétés comme des mines paysannes, exploitées par des bergers lors de l’estive des troupeaux (Cauuet & Tămaş 2017, 220-221). En effet, les zones exploitées étaient fortement affectées par des fissures, facilitant le travail des mineurs. Les barres de quartz plus massives, plus difficiles à attaquer, ont été délaissées, bien que minéralisées elles aussi (Cauuet & Tămaş 2017, 219). D’autre part, l’étude géologique menée par C. Tămaş a également révélé que les grains d’or présents dans le quartz étaient visibles à l’œil nu : ils peuvent atteindre quelques millimètres de côté. Cet or est associé à de l’arsénopyrite, elle aussi visible facilement, et la couleur grise des veines de quartz minéralisées se repérait aisément parmi les schistes encaissants (Cauuet & Tămaş 2017, 217-218). Le repérage de ces minéralisations était donc à la portée d’observateurs attentifs même sans connaissances géologiques préalables. Ces minéralisations fournissaient ainsi des ressources complémentaires aux bergers qui fréquentaient ces lieux aux IIIe et IVe siècles de n. è. (et peut-être également un peu plus tôt), représentant pour eux une activité économique complémentaire (Cauuet 2001b, 175 ; Cauuet & Tămaş 2017, 220).

Notes

  1. Poz-118483 : 3325 ±30 BP soit 1687-1527 cal BC (95,4 %).
  2. Poz-139496 : 590 ±30 BP soit 1302-1369 et 1389-1403 cal AD (95,4 %) ; Poz-139497 : 2930 ±35 BP soit 1256-1248 et 1227-1013 cal BC (95,4 %).
  3. Une nouvelle prospection a été menée dans tout le secteur dans le cadre du programme de recherche dirigé par F. Téreygeol. Des échantillons de minerai ont été recueillis sur différents sites pour mieux cerner les schémas d’approvisionnement de l’atelier du Castel-Minier (Téreygeol et al. 2016, 16-17).
  4. Datations Poz-77848 : 2200 ±30 BP soit 366-192 cal BC et Poz-68041 : 2095 ±30 BP soit 151 cal BC-55 cal AD (Py-Saragaglia et al. 2017, 148).
  5. La première phase est représentée par une datation : ARC-1701 à 1830 ±40 BP soit 70-320 cal AD. La seconde phase est représentée par trois datations : ARC-514 à 1690 ±50 BP, ARC-1375 à 1715 ±40 BP et ARC-1702 à 1720 ±40 BP. Ces trois dates ont été soumises à une moyenne pondérée effectuée par le laboratoire Archéolabs qui donne un âge de 1710 ±24 BP soit 255-405 cal AD (Dubois 2000, 61).
  6. Entrée de la galerie La Saladou : datation ARC-973 : 1700 ±50 BP soit 220-430 cal AD (Cauuet & Tămaş 2017, 214). Niche proche de la céramique : datation Ly-9256 : 1685 ±35 BP, soit 266-425 cal AD (Cauuet 2001b, 168). Foyer F1 du Trou de la Mine : datation Ly-9254 : 1760 ±35 BP, soit 210-384 cal AD (Cauuet & Tămaş 2017, 211).
  7. Foyer F2 du Trou de la mine : datation LY-9255 : 1870 ±35 BP soit 69-233 cal AD. Base du front de taille dans galerie La Saladou : datation Ly-6707 : 1885 ±56 BP, soit 1-253 cal AD (les deux dates dans : Cauuet & Tămaş 2017, 221).
  8. L’intervalle calibré de la datation radiocarbone, 1-253 cal AD, couvre tout de même là aussi la première moitié du IIIe siècle de n. è. L’option d’un démarrage uniquement au IIIe siècle ne peut donc pas être totalement écartée.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
9 p.
Code CLIL : 4117
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Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Les Pyrénées ariégeoises”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 45-53 [en ligne] https://una-editions.fr/les-pyrenees-ariegeoises/ [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.7
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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