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Chapitre 3.
Les réseaux anciens bien préservés

par

Mine de Rougé
(Esplas-de-Sérou)

La mine de Rougé est celle qui se trouve à la plus haute altitude parmi toutes celles que l’on connaît dans ce district, entre 680 et 690 m d’altitude (fig. 51). Elle n’a fait l’objet que d’une reconnaissance au début du XXe siècle, alors que des travaux de plus grande envergure sont menés dans la mine proche de Fagnou (pour zinc et cuivre), dans laquelle il n’y a pas de vieux travaux (fig. 47). Des phosphates ont aussi été exploités au nord du hameau à cette même période. Les dernières missions géologiques sur le terrain ont eu lieu entre 1962 et 1963 avec un dégagement des accès à la mine de Rougé (BRGM 1963 ; BRGM 1977). Ces recherches récentes sont visibles sur le terrain par une amorce de galerie sur affleurement, creusée à l’explosif, ne dépassant pas le mètre de longueur (ROU3) et par un élargissement de l’entrée principale du réseau ancien ROU1, également réalisé à l’explosif. Une fosse circulaire comblée (ROU2, diamètre 1,8 m) n’est pas datable en l’état. Le réseau ROU1 est donc le seul réseau minier à proprement parler sur ce site. Les recherches récentes n’ayant pas donné satisfaction aux prospecteurs miniers, ce réseau est très bien préservé.

Fig. 51. Localisation des travaux de Rougé (Esplas-de-Sérou). E. Meunier 2022

La minéralisation exploitée, filonienne, se place au niveau d’une faille au contact entre les calcaires griottes rouges du Dévonien supérieur au toit* et les calcaires cristallins gris du Viséen moyen au mur*. Cette faille est orientée sud-est/nord-ouest et présente un fort pendage de 39 à 45º vers l’ouest. La limite nord du gisement correspond à une autre faille orientée est-ouest qui met en contact les calcaires avec les schistes carburés du Silurien, stériles (Dubois & Guilbaut 1982, 113 ; Dubois & Guilbaut 1989, 363). Le filon, à gangue* de calcite et barytine, est minéralisé en tétraédrite et chalcopyrite*. L’encaissant est souvent silicifié aux abords de la minéralisation.

C. Dubois et J.-E. Guilbaut avaient exploré cette mine et dressé un plan général du réseau complété par quelques coupes (Dubois & Guilbaut 1989, fig. 4 et 5). Leurs prospections avaient permis de localiser des tessons d’amphores italiques dans le réseau et à proximité des entrées. La piste ouverte en 1986 lors de travaux forestiers a recoupé une halde* ancienne. La coupe a été relevée et du mobilier mis au jour dans l’US inférieure (tabl. 8). Le sondage alors réalisé dans la partie supérieure des haldes* n’a pas livré de mobilier (Dubois & Guilbaut 1989, 365).

Lors des nouvelles prospections, nous avons repris les relevés de détail du chantier par niveau d’exploitation. Les étages les plus hauts (au-delà de la cote +5,56)1 et les plus bas (sous la cote -14,22) ont été relevés par des cheminements topographiques et des coupes ont pu être faites ponctuellement. Il s’agit dans les deux cas de secteurs très escarpés dans lesquels il est difficile de s’installer pour des relevés de détail (fig. 54, photo). La zone d’exploitation située entre les cotes -16 et -20,5 est également très fortement remblayée permettant tout juste de la traverser en rampant. Enfin, trois sondages ont été réalisés dans le réseau et un devant l’entrée supérieure.

Description des travaux

Le fort pendage vers l’ouest du filon a donné lieu à une exploitation inclinée, qui se développe sur 40 m de hauteur, 22 m nord-sud et 50 m est-ouest, sachant que le fond des travaux à l’ouest est remblayé et noyé (fig. 52, fig. 53, fig. 54 et vidéo 1). Cette mine comporte quatre entrées, étagées sur l’affleurement entre les cotes 0 et +11,82. Les deux entrées les plus hautes sont aujourd’hui difficilement praticables car l’inclinaison des travaux, dont la sole* lisse est à nu dans tout ce secteur, les rend dangereuses. Les travaux sont fortement remblayés depuis le niveau 0 jusque dans les étages inférieurs (fig. 53, photo). Des blocs stériles ont été repoussés dans toute la moitié sud depuis l’entrée principale, condamnant l’accès à cette partie du réseau. Les flèches vertes de la figure 52 indiquent les possibilités de communication à travers ce secteur aujourd’hui comblé. Les autres secteurs accessibles, en allant vers le fond des travaux, sont remblayés par des sédiments plus fins mêlés à des blocs de plus petite taille (5 à 10 cm de côté en moyenne). D’importantes concrétions de calcite recouvrent par ailleurs les remblais à partir de la cote -20 et sur d’autres portions plus réduites dans les étages intermédiaires.

Fig. 52. Plan de la mine de Rougé. E. Meunier 2018
Fig. 53. Coupes transversales de la mine de Rougé. E. Meunier 2022
Fig. 54. Coupes longitudinales de la mine de Rougé,
projetées par rapport à l’axe (AB). E. Meunier 2022

Les mineurs ont suivi scrupuleusement la minéralisation, par le biais d’une exploitation étagée que l’on peut restituer en partie grâce aux négatifs des étages encore visibles en couronne* (fig. 55, a). Les niveaux de relevé choisis pour les plans et les coupes longitudinales correspondent à ces étages d’exploitation. À la sole*, en revanche, les mineurs ont préférentiellement approfondi les travaux en oblique, suivant la minéralisation, ce qui a empêché la conservation des niveaux de circulation sur une grande partie du réseau. C’est le cas dans les étages supérieurs, actuellement vides (fig. 55, b), et les sondages réalisés dans le passage entre les étages -3,87 et -8,94 (SD3, fig. 55, c) et à l’étage -13,06 (SD2) ont confirmé cette même configuration. Seuls des petits ressauts de quelques centimètres de large au parement oriental de l’étage ­-13,06 permettent de restituer des niveaux d’anciennes soles* (fig. 62). Il est d’ailleurs surprenant de constater qu’aucun aménagement n’ait été réalisé pour faciliter la circulation dans ces secteurs escarpés. Aucune marche, si réduite soit-elle, ni encoche, ne vient rompre le profil de ces secteurs. Le passage entre les étages -3,87 et -8,94, à la sole* duquel on rencontre le schiste, se retrouve parfaitement lisse après la fouille. Creuser des marches ou des encoches dans cette roche tendre n’aurait pourtant pas présenté de difficulté majeure. Pour les étages supérieurs situés à la cote +3,36 et au-delà, le calcaire à la sole* présente des irrégularités formant des petits ressauts, qui aident à la progression, et pouvaient permettre le calage de bois en force pour faciliter la circulation. Cela dénote cependant un choix d’économie drastique dans l’attaque de la roche.

Fig. 55. Profils inclinés des travaux à différents niveaux de la mine de Rougé. E. Meunier 2022

En ce qui concerne l’attaque de la roche justement, la technique d’extraction utilisée dans cette mine est principalement l’abattage au feu. En effet, les coupoles formées par ce mode d’attaque sont présentes à tous les niveaux du chantier. Par endroit, la roche est rougie par la chaleur. Les remblais dégagés dans le sondage 2, à l’étage -13,06, contenaient également de très nombreux charbons de grande taille (1 à 3 cm de côté). Ces coupoles ont des tailles variables : leur diamètre oscille entre 0,3 et 1,5 m et on peut les distribuer en deux groupes. Ainsi, les étages -2,24, -3,87 et -5,23 présentent des grandes coupoles, avec des diamètres supérieurs au mètre (fig. 56, a). Au contraire, elles sont nombreuses et plus petites aux étages -13,06 et -14,22 (fig. 56, b). Ailleurs, l’usage du feu n’a pas formé de coupoles que l’on puisse individualiser, mais il est tout de même perceptible dans le profil courbe et lisse des parois (fig. 56, c). La conduite du feu est donc adaptée à différents objectifs selon qu’il s’agisse d’extraire des volumes importants, de cibler l’abattage sur un point précis, ou de modeler l’encaissant pour la progression dans le chantier.

Fig. 56. Mine de Rougé, stigmates d’abattage au feu. E. Meunier 2018

Nous avons également pu observer des traces d’outils dans deux secteurs (fig. 57). Tout d’abord au toit des travaux entre les étages -8,94 et -9,88, ces traces sont conservées sur une petite surface, inférieure à 1 m2. Ensuite, dans la partie basse du réseau, dans le secteur correspondant aux stations topographiques i, j et k (cotes -24 à -26), elles apparaissent plus largement à la couronne* et sur la paroi sud, malgré les concrétions. Ce secteur est d’ailleurs le seul dans lequel les gradins d’exploitation sont visibles à la sole* alors que le toit des travaux est régulier. Ces traces peuvent correspondre à la reprise à l’outil des parois pour finir de faire tomber la roche fragilisée par le feu. Le profil globalement concave du creusement entre les étages -­8,94 et -­9,88 serait assez cohérent avec cette proposition. Pour le secteur des stations i, j et k, le profil anguleux des travaux à cet endroit pourrait indiquer que seul l’outil a été utilisé.

Fig. 57. Mine de Rougé, traces d’outil. E. Meunier 2018

Quelques secteurs présentent ponctuellement un profil un peu différent. On peut en effet observer dans quelques endroits que le mur oriental des travaux est vertical (ou presque). C’est le cas aux cotes +5 (fig. 53, coupe SS’), +1 (coupe RR’), -4 (coupe FF’, SD1) et -14 (coupe HH’). La fouille du sondage 1 a montré que ce mur vertical s’accompagnait, dans le cas de l’étage ­-3,87, d’une sole* horizontale ayant conservé des niveaux de circulation en place. Il n’a pas été possible de fouiller tous les secteurs présentant une paroi verticale, mais il aurait été intéressant de vérifier si l’on retrouvait dans tous les cas une sole* horizontale. La stratigraphie conservée, comme nous allons le voir pour le sondage 1, révèle des phases d’activité qui disparaissent dans les secteurs complètement obliques, où les soles* ne sont pas laissées en place. Le profil complet dégagé dans ce sondage, trapézoïdal, montre aussi des travaux confortables, avec une hauteur maximale de 1,94 m et une largeur de 1,42 m en partie basse.

L’espace, bien qu’encombré par les remblais, est tout de même largement ouvert. De rares piliers ont été laissés en place pour le soutènement. On en a un bel exemple en face de l’entrée +5,56 (fig. 55, b), où une fine ligne verte indique le passage du filon, ici très pincé. On en distingue deux autres aux étages -12,88 et -14,22, en partie masqués par le remblai (plan fig. 52, photos fig. 55, a et fig. 58). Dans d’autres endroits, plus que des piliers, ce sont des cloisons de roche qui ont été laissées en place. C’est le cas au sud du passage entre les points C et D par exemple, ou encore à l’est de l’étage ­-13,06 (fig. 52). Le secteur sud cloisonné a ainsi pu être remblayé plus facilement.

Fig. 58. Mine de Rougé, étages avec le mur oriental vertical. E. Meunier 2022

Des cloisons séparent aussi deux galeries creusées dans les schistes, en limite nord du chantier, du reste du réseau. Le schiste étant stérile, il s’agit de galeries d’assistance, creusées plus rapidement dans cette roche tendre. Elles pouvaient servir à la circulation des mineurs ou à la ventilation des parties basses. Celle qui relie les étages -3,87 et -9,88 n’est plus praticable car elle est bouchée depuis le haut (fig. 53, coupe LMN). Celle qui relie les niveaux ­-16 à -22, remblayée également (fig. 59), permet toutefois d’y passer en rampant sur les deux premiers mètres, puis on peut y tenir assis (largeur moyenne 0,55 m, hauteur sur remblai 0,4 à 0,8 m). Deux diverticules s’enfoncent dans le schiste vers l’ouest et le nord-ouest après cette galerie. Non praticables, leur fonction n’est pas connue. Il semble difficile d’y voir des galeries de recherche, les mineurs ayant eu l’occasion de vérifier avec les deux galeries d’assistance que le schiste était stérile. Peut-être s’agissait-il de galeries d’exhaure* avant que le fond actuel des travaux n’ait été atteint. L’absence de trace de ce genre de galerie à l’extérieur sur le versant laisse toutefois planer le doute.

Fig. 59. Mine de Rougé, galerie d’assistance dans le schiste rejoignant les étages -16 à -22,
vue vers l’ouest depuis le point O. E. Meunier 2018

Les sondages

Les sondages 1 et 2, réalisés en 2015, ont été implantés dans deux secteurs aux profils différents : une galerie avec une paroi verticale pour le sondage 1 (étage -3,87) et un secteur au profil oblique pour le sondage 2 (étage -13,06). Le sondage 1 est aussi le plus proche de l’entrée du niveau 0, et donc celui qui pouvait nous permettre d’appréhender le mieux le démarrage de l’exploitation. Plus que le profil des travaux, que nous avons déjà évoqué, l’intérêt de ces deux sondages réside dans la détermination des différentes phases d’activité que l’on peut en déduire. Les sondages 3 et 4, réalisés en 2016, ont eu pour objectif de reconnaître des aménagements liés aux accès aux travaux : passage incliné entre les étages ­-3,87 et -8,94 d’une part, entrée supérieure +5,56 de l’autre. Nous avons déjà vu qu’aucun aménagement n’était visible à la sole* du passage incliné mis à nu dans le sondage 3. Le sondage 4, à l’extérieur de la mine, a quant à lui livré des niveaux d’activité qui appellent d’autres commentaires.

Sondage 1

Ce sondage a été implanté devant l’accès à la première galerie d’assistance dans les schistes, au nord de l’étage -3,87. Cet étage a été entièrement ouvert par le feu ; il est actuellement fortement remblayé. Dans la moitié sud, on trouve un amas de blocs stériles de 15 à 30 cm de côté mêlés à une argile ocre qui vient recouvrir le remblai gris sombre plus fin que l’on trouve dans la partie nord (fig. 60, plan et coupe longitudinale). Les concrétions de calcite abondantes contre la paroi ouest au niveau du sondage ont soudé une partie des blocs à la paroi (fig. 60, photo). Ces concrétions ont également protégé la stratigraphie d’un effondrement dans le passage vers les niveaux inférieurs.

Fig. 60. Mine de Rougé, localisation et stratigraphie du sondage 1. E. Meunier 2022

Pour ce site comme pour les suivants, la description détaillée des US est donnée en annexe 3. Dans le texte, seul le type d’US et son interprétation est indiquée. Seize US (tabl. 5) ont pu être distinguées dans le comblement de cette galerie, qui correspondent à des alternances d’activité, localement ou dans un secteur proche de la mine, à l’utilisation de l’espace vide comme lieu de stockage de déblais et à l’abandon de l’activité. Cela conduit à restituer six phases dans cette galerie (fig. 61).

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 101RemblaiStockage de stériles
US 102RemblaiStockage de stériles
US 103Effondrement de paroiAbandon
US 104RemblaiStockage de stériles
US 105Résidus d’abattage
au feu déplacés
Activité à proximitéCharbons
US 106Rejet de sédiments
avec petits éclats schisteux
Activité à proximité
US 107Niveau de circulationActivité locale
US 108Résidus d’abattage au feuActivité locale
US 109RemblaiStockage de stériles
US 110Muret grossierStockage de stériles
US 111Niveau de circulationActivité localeCharbons
US 112Altération de la rocheNaturel
US 113Creusement dans
les remblais US 109
Activité locale
US 114Résidus d’un petit bûcher
d’abattage
Activité localeCharbons
US 115Résidus d’abattage au feuActivité locale
US 116SédimentationAbandon
US 117Concrétion de calciteAbandon
Tabl. 5. US du sondage 1 de la mine de Rougé.
Fig. 61. Mine de Rougé, phases du sondage 1. E. Meunier 2022

La première phase correspond à l’ouverture de la galerie, au contact des calcaires (au toit) et des schistes (à la sole* et au mur oriental). Elle est utilisée comme espace de circulation, marqué par le niveau induré US 111. La présence abondante de charbons est à mettre en relation avec une exploitation au feu dans un secteur proche. Cette circulation peut témoigner de l’utilisation de la galerie d’assistance immédiatement au nord (fig. 52) pour le passage des mineurs et l’évacuation des produits des niveaux inférieurs. La phase 2 correspond à une réorganisation de l’espace souterrain avec la condamnation du passage vers le nord et la transformation de la galerie en espace de stockage de déblais. Le muret US 110 est mis en place en même temps que l’US 109 pour empêcher un éboulement vers le passage descendant (axe BC du plan général, fig. 52). L’homogénéité du remblai et son caractère très meuble indiquent une action de comblement rapide. Une partie du muret est cependant démontée lors de la phase 3, pour installer un petit bûcher contre la paroi est (US 113, 114 et 115, plan de la fig. 61). Ce bûcher ne s’étendait pas vers le nord et n’est donc pas visible dans la coupe, mais il semble se prolonger vers le sud. La stratigraphie est cependant perturbée dans cette direction par le passage vers les niveaux inférieurs. Ce bûcher correspond à une reprise d’exploitation très ponctuelle, étant donnée la faible épaisseur des US concernées. Au nord du foyer, les US 107 et 108 sont mises en place lors de cette phase. L’US 108, rejet d’éléments rubéfiés, peut correspondre à un curage de l’aire de combustion, dont les débris auraient été repoussés vers le nord, faisant toujours office de zone de stockage depuis la phase 2. La couche 107, indurée, évoque un niveau de circulation ou plutôt de piétinement lié à l’activité contemporaine du foyer. S’ensuit un abandon du secteur assez long, la phase 4, qui voit le dépôt d’une fine couche d’argile (US 116) qui recouvre les résidus du bûcher alors que des coulures de calcite (US 117) se forment sur la paroi est, s’arrêtant justement au niveau de l’US 115. On peut se poser la question de l’utilisation du passage descendant de l’axe BC à ce moment-là, car le foyer semble bien déborder vers le sud. La moitié sud de la mine, aujourd’hui complètement comblée, pouvait constituer une autre voie d’accès aux niveaux profonds.

La phase 5 correspond à une nouvelle reprise d’activité dans un secteur proche. L’US 106, un rejet de sédiments incluant des petits éclats schisteux, commence à recouvrir les coulures de calcite US 117 formée le long de la paroi est. Elle peut correspondre à un petit curage d’un secteur proche. L’US 105, épandage observé sur toute la surface du sondage de résidus d’abattage au feu de peu d’envergure (2 à 4 cm d’épaisseur), montre qu’un petit travail d’extraction au feu est en cours près de là, peut-être plus au sud du même étage. On constate aussi qu’à partir de cette phase, les différents niveaux présentent un pendage marqué vers le sud-ouest, c’est-à-dire vers le passage descendant dans les étages inférieurs, qui ne doit donc plus être vraiment fréquenté si on prend le risque que les remblais s’y déversent. À cette reprise qui semble ponctuelle succède la phase 6, qui regroupe les derniers comblements visibles dans la galerie (US 101 à 104). Les concrétions importantes formées sur la paroi orientale au-dessus de ces US et qui recouvrent les blocs de l’US 104 montrent que l’espace n’a pas été perturbé pendant un long moment. Cette couche de concrétion épaisse et uniforme, qui a formé un petit bourrelet sur le dessus de la stratigraphie, se distingue des fines coulures de l’US 117, qui ont pu se former le long de la paroi alors libre jusqu’à la hauteur de l’US 116.

La stratigraphie du sondage ne permet pas d’aller plus loin, mais l’observation du reste de l’étage permet tout de même de restituer une phase 7. En effet, les dernières concrétions ont scellé à la paroi est, juste au sud de l’espace sondé, quelques cm2 de remblai qui se retrouvent ainsi suspendus et montrent que le comblement de l’espace a été plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Ce négatif d’un dégagement de l’espace pourrait correspondre, sans certitude, aux visites du début du XXe siècle qui avaient reconnu les travaux sur toute leur hauteur. Le comblement au sud, composé des blocs stériles pris dans une argile ocre, serait aussi intervenu au cours de cette phase 7, peut-être suite à l’élargissement de l’entrée réalisée au début du XXe siècle.

Sondage 2

Le deuxième sondage se situe au nord de l’étage -13,06, sous une série de petites coupoles d’ouverture au feu (fig. 62). L’objectif était d’obtenir des éléments de datation de l’exploitation au feu et de définir le profil de l’ouvrage. La stratigraphie est ici beaucoup plus simple que pour le premier sondage : seules quatre US ont été identifiées, dont le négatif du creusement (tabl. 6). La sole* de ce chantier n’a pas pu être atteinte, car il aurait fallu élargir la zone de fouille pour pouvoir l’approfondir. La disposition des remblais dans ce secteur ne le permettait pas sans déplacer de grands volumes de sédiments, trop importants pour ce sondage.

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 200Négative : creusementExploitation locale
US 201Couche de calciteAbandon
US 202Niveau de circulationActivité localeCharbons
US 203RemblaiActivité procheCharbons
Tabl. 6. US du sondage 2 de la mine de Rougé.
Fig. 62. Mine de Rougé, sondage 2. E. Meunier 2022

Nous pouvons proposer quatre phases dans ce secteur peu remanié (fig. 62). Lors de la phase 1, le chantier est en exploitation, avec l’utilisation du feu comme l’attestent les nombreuses petites coupoles visibles à la couronne* (fig. 62, photo b et coupe). Ce chantier est fortement incliné (pendage de 40º vers l’ouest), mais aucun gradin n’est conservé dans le rocher. Seuls trois reliquats de sole* sont identifiables (fig. 62, coupe stratigraphique), montrant que les mineurs ont approfondi le chantier progressivement en se décalant vers l’ouest. Ces ressauts ne conservent pas de sédiment que l’on pourrait rattacher à l’exploitation locale, ne laissant que le négatif du creusement pour représenter cette phase.

La phase 2 correspond à la transformation du chantier vidé en zone de stockage de stériles. Il est remblayé massivement par l’US 203. Cette US provient de l’exploitation d’un autre secteur de la mine, où l’utilisation du feu est toujours dominante au vu du nombre élevé de charbons de taille centimétrique. Quelques-uns des éclats de roche étaient également noircis de suie. Ce remblai, fouillé entre les cotes -13,35 m et -­14,18 m et se poursuivant vers le bas, comble également le sud de l’étage -14,22.

La phase 3 voit la conversion de cet espace de stockage en zone de circulation, comme l’atteste le niveau de sol de l’US 202. À titre d’hypothèse, ce niveau pourrait être mis en relation avec un amas de blocs un peu plus au sud de ce même étage, contre la paroi est (fig. 62). Ces blocs pourraient correspondre à l’aménagement d’une petite plate-forme pour reprendre l’abattage au niveau d’un élargissement du chantier vers le haut et l’est. La couche de calcite formée sur le dessus de cette stratigraphie, qui a protégé le fin niveau de sol US 202, correspond à l’abandon définitif du secteur, la phase 4.

Sondage 3

Le sondage 3 a été implanté dans le passage permettant l’accès actuel aux niveaux inférieurs de la mine, le long du contact entre les schistes et les calcaires (fig. 55, photo c). Il prolonge le sondage 1 en descendant et a permis le dégagement de la sole* jusqu’à l’étage -­8,94. La fouille a montré que le comblement présent dans cette zone de passage était très peu épais, correspondant à une seule US de remblai (US 301) avec quelques petits blocs calcaires. Cette stratigraphie ne permet pas de distinguer de phases.

Si cet espace sert aujourd’hui simplement de passage vers les étages inférieurs, il s’agissait à l’origine d’un espace d’exploitation, actuellement comblé vers le sud, qui regroupe trois à quatre étages. Ce secteur d’exploitation constituait probablement une zone largement ouverte à l’origine, qui devait inclure l’étage -5,24 (fig. 63). L’uniformité de la paroi nord de cet espace, au niveau du passage actuel donc, pourrait toutefois indiquer que le contact a été reconnu vers le bas (donc l’ouest) d’un seul jet, puis que l’exploitation s’est développée vers le sud par différents étages. Ces étapes de l’exploitation correspondent à plusieurs phases qui n’apparaissent pas dans la stratigraphie. Elles ne sont pas non plus reflétées par le profil des travaux à cet endroit, parfaitement lisse à la sole* et qui conserve seulement quelques ressauts en couronne*.

Fig. 63. Mine de Rougé, sondage 3. E. Meunier 2022

Les sédiments fouillés à la sole* proviennent de l’effondrement des remblais supérieurs et ont pu être entraînés récemment dans ce passage. Les archives ne précisent pas si un dégagement de cet espace a été réalisé par les prospecteurs miniers du début du XXe siècle. Le fait est que l’US 301 est peu propice, dans ces conditions, à nous fournir des éléments attribuables avec sécurité aux phases anciennes de l’exploitation. Aucun charbon n’a donc été prélevé dans cet environnement.

La partie haute de l’étage -8,94, dégagée lors de ce sondage, présente une paroi orientale verticale. La sole* est presque horizontale, mais aucun niveau de circulation n’a pu être mis en évidence dans cette partie supérieure. Les concrétions de calcite très épaisses qui ont marqué la limite de l’extension vers l’ouest du sondage préservent très probablement une stratigraphie plus complète.

Sondage 4

Le sondage 4, implanté sur un replat à l’extérieur de la mine, devant l’entrée +5,56 (fig. 66), avait comme objectif de vérifier si des activités liées au traitement du minerai (tri et concassage par exemple) avaient pu prendre place à cet endroit et éventuellement de préciser la chronologie de l’utilisation de cet accès. Ces questions ne sont que partiellement résolues à l’issue du sondage, mais les résultats ouvrent des perspectives intéressantes concernant cette mine.

Après le dégagement en extension de la couche d’humus, une tranchée (0,8 × 2 m) a été implantée dans l’axe de l’entrée, entre un bloc affleurant qui paraissait indiquer le rocher en place et une souche suspectée de perturber la stratigraphie autant que la fouille (fig. 64). Le sondage a été interrompu avant d’atteindre le terrain naturel car les US en place identifiées au fond du sondage requéraient une fouille en aire ouverte, non réalisable dans le délai disponible.

Fig. 64. Mine de Rougé, implantation du sondage 4 après dégagement de l’humus.
On observe les blocs stériles calibrés de l’US 402 étalés sur toute la surface. E. Meunier 2018

Dix US ont été identifiées dans ce sondage (tabl. 7, fig. 65, fig. 66, coupes et fig. 67, photo a). Elles permettent de différencier quatre étapes principales, correspondant à une activité de traitement du minerai ou de métallurgie primaire sur ce replat puis à proximité, puis à l’utilisation de l’espace pour stocker des stériles avant l’abandon total du site.

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 401HumusNaturel
US 402Niveau pierreuxÉtalement de haldes*
US 403Rejet pierreuxÉtalement de haldes*Mobilier
US 404Rejet de poudre de schisteActivité procheMobilier
US 405Rejet de matériaux rubéfiésActivité procheMobilier
US 406Rejet de nodules d’argileActivité proche
US 407Niveau de solActivité locale
US 408Niveau de solActivité locale
US 409Blocs calcaires stérilesHaldes
US 410Amas de blocsStructure effondrée ?
Tabl. 7. US du sondage 4 de Rougé.
Fig. 65. Diagramme stratigraphique du sondage 4
de la mine de Rougé.
E. Meunier 2022

La première phase identifiée dans la stratigraphie correspond à une activité prenant place sur ce replat face à l’entrée +5,56. L’amas de blocs de l’US 410 (fig. 66, photo), non fouillé, ne peut pas être interprété en l’état, mais il pourrait s’agir d’une structure de chauffe effondrée, au vu de la présence d’argile rougie et de traces charbonneuses au sein de ces blocs. Les niveaux 408 et 407 se caractérisent par une argile rougie, révélant là aussi des opérations de chauffe. L’US 408, très indurée et contenant de nombreux blocs calcaires (fig. 66, photo), pourrait marquer la sole* d’une aire de grillage de minerai, qui s’effectue dans des foyers ouverts, ou un niveau de sol aménagé autour de la structure effondrée de l’US 410. L’US 407, très indurée également, mais avec seulement des petits éclats rocheux et quelques charbons, s’apparente plutôt à l’accumulation de matière sur un niveau de circulation (fig. 67, d). Ces trois US montrent que l’entrée +5,56 n’était plus utilisée pour l’accès au réseau à ce moment-là et que l’exploitation se déroulait alors à des niveaux inférieurs de la mine.

Fig. 66. Mine de Rougé, stratigraphie du sondage 4. E. Meunier 2022

Les US postérieures, 406, 405 et 404, sont constituées de rejets variés. Ils correspondent à une deuxième phase au cours de laquelle le petit atelier qui existe sur ce replat ne fonctionne plus et sert de dépotoir à une zone de travail proche. L’US 406, composée de nodules d’argile rubéfiée (fig. 67, c), indique très probablement une activité de traitement thermique du minerai ou de métallurgie primaire. L’US 405, avec ses inclusions de charbon et de nodules d’argile brûlée, évoque le même type d’activité et peut correspondre au curage d’un sol d’atelier par exemple. L’origine de l’US 404 est plus difficile à interpréter dans la mesure où cette accumulation uniforme de schiste réduit en poudre (fig. 67, b) n’a pas de fonction évidente. Les tessons d’amphores identifiés dans les US 405 et 404 nous situent entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è. L’absence de niveau de sédimentation entre l’US 405 et les niveaux antérieurs nous invite à attribuer l’activité des US 408, 410 et 407 à la même période.

Fig. 67. Mine de Rougé, vues des US du sondage 4. E. Meunier 2022

Pour la troisième phase, les US 409, 403 et 402, qui contiennent toutes des blocs calcaires stériles de taille réduite, correspondent à des rejets miniers de type haldes* plus ou moins denses, qui peuvent avoir été étalés depuis l’est. Le gros bloc erratique visible dans la coupe est, qui n’est donc pas le rocher affleurant, tout comme celui qui se trouve en travers de l’extrémité sud du sondage, tranche avec les autres éléments plus calibrés. Cela n’est toutefois pas incohérent en contexte minier. Les tessons d’amphore et de céramique campanienne de l’US 403 semblent indiquer que l’on se situe toujours à la même période, bien qu’il soit possible que ce mobilier ait été remobilisé plus tardivement. Ces niveaux ne contiennent pas de résidus associés à de la métallurgie primaire. La couche d’humus US 401 s’est formé suite à l’abandon définitif de l’activité minière sur ce site.

Chronologie et dynamique d’exploitation

Les données chronologiques sont fournies par du mobilier et des datations radiocarbone. Le mobilier provient de l’intérieur de la mine (mais à la surface des remblais) des niveaux de haldes* fouillés devant l’entrée +5,56 en 2016 et d’un sondage dans les haldes* situées au nord de l’entrée principale, réalisé suite aux travaux forestiers de 1986 (Dubois & Guilbaut 1989). Le mobilier, composé de tessons d’amphores italiques Dressel 1 (1A lorsque le type a pu être précisé) et de quelques tessons de campanienne A, se rattache à une période comprise entre la fin du IIe siècle av. n. è. et le Ier siècle av. n. è. (tabl. 8 et fig. 68). Le faible nombre d’éléments conservés et leur diffusion longue ne permet pas de proposer un intervalle de temps plus réduit. Les tessons qui se trouvaient dans les niveaux de haldes* et dans les rejets localisés devant l’entrée +5,56 confirment qu’il s’agit d’éléments liés à une phase d’exploitation, et pas seulement à une réutilisation de la mine comme dépotoir.

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaire
AmphoreItaliquePanse6Dans les travaux,
à la surface des déblais.
Campanienne ABol ?Panse1Dans les travaux,
à la surface des déblais.
AmphoreItaliquePanseAutour des travaux en surface,
non ramassés
Campanienne AIndéterminéPanse1US 403
AmphoreDressel 1Panse3US 403
AmphoreDressel 1Panse1US 404
AmphoreDressel 1Panse2US 405
AmphoreDressel 1ALèvre1Dubois & Guilbaut 1989, 369
(dessin fig. 102)
AmphoreDressel 1APanseDubois & Guilbaut 1989, 369
AmphoreDressel 1AAnseDubois & Guilbaut 1989, 369 (dessin fig. 102)
AmphoreDressel 1APiedDubois & Guilbaut 1989, 369 (dessin fig. 102)
Campanienne ALamb. 27cBord1Dubois & Guilbaut 1989, 369 (dessin fig. 102)
Tabl. 8. Inventaire du mobilier de Rougé. NR : nombre de restes.
Fig. 68. Dessin du mobilier de Rougé
(d’après Dubois & Guilbaut 1989, fig. 6). E. Meunier 2022

Cinq charbons provenant de cinq US différentes des sondages 1 et 2 ont été datés dans cette mine (fig. 69). Dans le sondage 1, ils proviennent du premier niveau de circulation sur la sole*, l’US 111, de la couche de charbons du bûcher correspondant à la reprise de la phase 3, l’US 114, et de la couche de rejet charbonneuse postérieure à la première formation de calcite, l’US 105. Pour le sondage 2, ils proviennent des deux US qui en ont livrés, soit le remblai massif US 203 et le niveau de circulation US 202. Les résultats ne correspondent pas du tout avec la chronologie du mobilier, comme on peut le voir sur la figure 69.

Fig. 69. Datations radiocarbone de la mine de Rougé. E. Meunier 2018

Il apparaît ainsi que la mine de Rougé a été ouverte dès les IVe et IIIe siècles av. n. è. et qu’elle a connu une reprise au XIVe siècle, à la fin du Moyen Âge. La sole* du sondage 1, à l’étage -3,87, livre l’âge radiocarbone le plus ancien (2285 ±30 BP), suivi par le bûcher de la première reprise (2205 ±30 BP). Les deux charbons du sondage 2, à l’étage -13,06 donnent la même date radiocarbone, 2190 ±30 BP. Leur âge radiocarbone est également très proche de celui de l’US 114, pour la reprise à l’étage -3,87. Les concrétions de calcite de l’US 117, qui scellent l’abandon du foyer après la première reprise, se sont donc formées dès le IIIe siècle av. n. è. La date suivante, pour l’US 105, nous transporte directement au Moyen Âge, sans que l’on puisse identifier dans ces US du sondage 1 un niveau correspondant à la période d’activité mise en évidence par le mobilier. Le sondage 2 montre lui aussi un abandon antérieur à la fin du IIe siècle av. n. è., et l’identification préalable des charbons par R. Cunill, anthracologue, permet d’assurer qu’il n’y a pas d’effet “vieux bois”.

La configuration du réseau, très ouvert à l’origine et fortement incliné, implique que les étages supérieurs à l’entrée 0 aient été vidés avant que l’exploitation ne s’enfonce dans les étages inférieurs. La sole* de l’étage -3,87 étant antérieure à la fin du IIIe siècle av. n. è., on peut situer l’exploitation des étages supérieurs au moins au début de ce siècle, et probablement dès le IVe siècle. Les dates des US 114, 203 et 202 montrent que les étages -3,87 et -­13,06 étaient déjà vidés à la fin du IIIe siècle av. n. è. ou dans les toutes premières années du IIe siècle av. n. è. si l’on tient compte des dates calibrées les plus tardives. Comme le remblai de l’US 203 s’enfonçait vers l’étage -14,22, on peut raisonnablement considérer que cet étage était également vide à la fin du IIIe siècle av. n. è. Il ressort de tout cela que les deux tiers de la mine de Rougé, au minimum, étaient déjà vidés à cette période, avant la phase d’exploitation correspondant au mobilier italique.

La question de l’ampleur de l’exploitation entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è. se pose alors d’une toute autre manière que lorsque seul le mobilier permettait de dater la mine. Trop peu de secteurs ont été fouillés pour pouvoir être affirmatif. Il est cependant probable que cette phase d’exploitation concerne les étages inférieurs au niveau -14,22. On pourrait envisager des reprises ponctuelles dans les étages déjà exploités, mais les profils visibles, homogènes, ne donnent pas vraiment d’indications de la sorte. Le secteur sud, complètement remblayé, pourrait bien sûr être différent, mais il sera difficile de le savoir sans des fouilles mobilisant d’importants moyens de déblaiement. Ces résultats amènent également à se demander si, entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è., on se trouve face à une poursuite de l’activité initiée aux IVe et IIIe siècles ou s’il s’agit d’une reprise après une interruption. La formation des concrétions de l’US 117, qui s’appuient sur l’US 116, et de celles de l’US 201, qui scelle la stratigraphie de l’étage -13,06, nous feraient plutôt pencher pour la restitution d’un abandon de l’activité pendant le IIe siècle av. n. è.

Le profil des travaux est d’ailleurs assez similaire depuis les étages les plus hauts jusqu’aux niveaux inférieurs, ce qui n’incite pas à les attribuer à des chronologies variées. Le seul secteur différent se situe entre les cotes -24 et -26. Entièrement ouvert à l’outil, la couronne* est régulière alors que des gradins se voient à la sole* (fig. 57, b). Cependant, ce type de profil fait penser à ce que l’on voit dans la partie supérieure de l’étage -8,94 (photo fig. 63). L’utilisation dominante de l’outil plutôt que du feu est la seule véritable différence. D’autre part, les étages inférieurs à partir de la cote -16 n’ont pas pu être correctement étudiés à cause des difficultés d’accès, du comblement massif de cette partie du réseau et des abondantes concrétions de calcite. La vision que nous en avons est donc partielle et ils pourraient s’avérer plus complexe.

Quant à la reprise médiévale, il est encore plus compliqué dans ce contexte d’évaluer son importance. Les niveaux d’activité identifiés dans le sondage 4 montrent qu’une exploitation a bien eu lieu entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è., tout comme les haldes* associées à du mobilier et recoupées par la piste. Mais les 2/3 de la mine étaient déjà vides à la fin du IIIe siècle av. n. è., et, après une reprise d’exploitation tardo-républicaine, il reste bien peu du volume actuel de la mine à attribuer au XIVe siècle. De nouveau, les niveaux les plus profonds peuvent avoir fait l’objet d’une exploitation à cette époque, mais l’US 105 correspond à une activité qui se déroule à proximité de l’étage -3,86, pas au fond de la mine. Cela s’apparente plutôt à une recherche dans le but d’une reprise d’exploitation, non avenue.

Ces éléments chronologiques, couplés aux observations techniques dans les travaux, permettent de proposer une restitution de la dynamique d’exploitation. Globalement, les mineurs ont attaqué la minéralisation par étages horizontaux suivant l’orientation du filon, en descendant depuis les entrées à flanc de versant (fig. 70, flèches vertes). Quelques passages ont été exploités en oblique suivant le pendage de la minéralisation (fig. 70, flèches rouges). Les ouvrages d’assistance, creusés dans le schiste stérile, suivent l’inclinaison générale des travaux pour mettre en communication différents étages (fig. 70, flèches bleues). Cela devait faciliter la circulation des mineurs et l’aérage du réseau. Enfin, la reprise ponctuelle à l’explosif n’a constitué qu’un élargissement de l’entrée.

Fig. 70. Mine de Rougé vue en plan, dynamique d’exploitation. E. Meunier 2018

Les profils réguliers des soles* des étages inclinés indiqueraient plutôt que l’exploitation s’est faite en descendant progressivement comme nous l’avons expliqué plus haut, avec le percement au fur et à mesure de la sole*. Cela veut dire que deux étages directement superposés ne pouvaient pas être mis en exploitation en même temps, chacun par une équipe de mineurs, car il n’y avait pas de plancher résiduel entre deux étages. Lorsque c’est le cas, leur percement postérieur laisse une empreinte dans les profils des travaux, que nous n’avons pas ici. Il résulte de cela que deux équipes pouvaient travailler en même temps uniquement si deux secteurs étaient indépendants, séparés par un pilier épais ou une cloison de roche. Cette configuration apparaît bien entre les étages -5,24 et -13,06, avec un secteur nord encore praticable aujourd’hui et un secteur sud totalement remblayé.

Tout cela nous amène à proposer une division de la mine en cinq secteurs en fonction de la chronologie relative des travaux (fig. 70, couleurs de fond numérotées de 1 à 5 en légende). Ces secteurs ont nécessairement dû être exploités les uns après les autres. Pour quatre d’entre eux, la configuration des travaux permet de restituer des espaces où différentes équipes ont pu travailler en même temps (fig. 70, lettres A, B ou C). Ces subdivisions sont établies suivant les cloisons ou piliers massifs dans les secteurs correspondants aux étapes 2, 3 et 5. Pour le secteur de l’étape 1, une rupture dans le profil des soles* à la base de l’étage +3,36 peut correspondre à une jonction tardive entre les étages supérieurs et inférieurs. De plus, le décalage des entrées dans le sens nord-sud, sens d’avancement des travaux par étage, contribuait à ce qu’une équipe démarrant son travail depuis l’entrée 0 en même temps qu’une seconde à l’une des entrées supérieures ne se retrouve pas à travailler juste en dessous. Le secteur de l’étape 4, plus étroit, ne permettait pas à deux équipes de travailler simultanément à l’exploitation. Le cas des galeries d’assistance pouvait sans difficulté impliquer une équipe spécifique, chacune de ces galeries étant isolée du reste des travaux par un massif rocheux. Cependant, encaissées dans les schistes, une roche bien plus tendre que les calcaires, et étroites, leur percement a dû être bien plus rapide que celui des étages d’exploitation parallèles. Elles ont donc tout aussi bien pu être creusées par l’équipe qui venait d’atteindre la partie basse que l’on souhaitait relier ainsi aux étages supérieurs. Il est même possible que le creusement ait été entrepris depuis chaque extrémité pour aller plus vite, avec une jonction au centre de la galerie. Les inflexions relevées dans la galerie d’assistance basse pourraient correspondre à des rectifications pour réussir la jonction. Le comblement de celle du haut ne permet pas d’être formel sur son cas, mais les directions relevées aux deux extrémités ne sont pas les mêmes.

Les sondages effectués dans cette mine sont trop ponctuels pour que nous soyons assurés de ce fonctionnement par équipes. Seule l’obtention de dates au débouché des subdivisions de chaque secteur permettrait d’assurer qu’ils ont été exploités en même temps et pas l’un après l’autre. Le rythme général de l’exploitation en serait bien entendu changé.

Les quatre datations disponibles pour la période des IVe et IIIe siècles av. n. è. permettent de préciser un peu l’état d’avancement de l’exploitation pour cette période. La date de l’US 111 (2285 ±30 BP) correspond au premier “instantané” que l’on peut proposer pour cette mine (fig. 71, a). Les niveaux supérieurs étaient forcément déjà ouverts, mais pour que l’accès à la galerie d’assistance supérieure ait un sens, il fallait que les étages qu’elle dessert le fussent également. L’exploitation avait donc atteint à ce moment-là l’étage -12,88 et pouvait se poursuivre dans le reste du secteur de l’étape 3 définie ci-dessus. L’ouverture des étages ­-13,06 et ­-14,22, remblayés par la suite, a dû avoir lieu à cette période. On supposera que la partie sud du réseau, actuellement bouchée, suit les mêmes rythmes d’exploitation que le nord.

Fig. 71. Proposition de restitution de l’avancement de l’exploitation aux IVe et IIIe s. av. n. è.
dans la mine de Rougé. E. Meunier 2018

Les dates suivantes, correspondant à la reprise d’activité de l’étage -3,87 et au remblaiement et utilisation comme espace de circulation de l’étage -13,06, donnent des dates calibrées très similaires (361-178 cal BC et 370-196 cal BC) qui nous incitent à les regrouper pour l’analyse des travaux miniers. Nous pouvons donc proposer un second “instantané” qui a pu se dérouler entre le deuxième quart du IVe siècle av. n. è. et le premier quart du IIe siècle av. n. è. (fig. 71, b). Cette fourchette chronologique dépend de celle de l’étape précédente, ne pouvant lui être que postérieure. Elle pourrait donc n’avoir démarré qu’à la fin du IIIe siècle selon la date réelle du premier “instantané”. Les éléments disponibles pour le moment ne permettent cependant pas de faire de tels choix dans les dates retenues. Entre cette deuxième étape et la première, la galerie d’assistance supérieure et la partie nord de l’étage -3,87 ont été remblayées et n’avaient donc plus d’utilité pour la circulation. Il est toutefois possible que la fonction d’aérage de la galerie d’assistance ait été maintenue si son rebouchage n’était pas total (actuellement, la partie haute conserve une ouverture de 10 cm de haut pour 40 de large). La deuxième étape correspond au remblaiement massif et rapide du nord de l’étage -13,06 et du sud de l’étage -14,22. On ne peut pas savoir en l’état jusqu’à quel point vers le sud l’étage ­-13,06 était remblayé. L’exploitation devait se poursuivre à ce moment-là dans les étages du secteur 4 défini plus haut, sans que l’on puisse préciser jusqu’à quelle cote. La reprise ponctuelle d’activité à l’étage -3,87, avec le démontage d’une partie du muret qui retenait les déblais vers le nord, soulève toutefois des questions concernant l’état du passage vers les étages inférieurs, que l’on ne peut résoudre avec les éléments disponibles. La formation des concrétions de calcite des US 201 et 117 indiquerait un abandon rapide de la mine vers le début du IIe siècle av. n. è.

Pour la période couvrant la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è., l’absence de date s’y rattachant dans les travaux ne permet pas de préciser quels secteurs étaient en exploitation, et la reprise (ou tentative de reprise) médiévale identifiée est également trop ponctuelle pour proposer une quelconque restitution à l’échelle de la mine. Le moment du remblaiement du sud de l’espace désigné comme le secteur 3 est également inconnu. Il s’agit d’un remblaiement systématique à l’aide de blocs calcaires stériles qui montre une volonté d’amortir ce secteur. Il a pu avoir lieu au plus tôt lors de l’exploitation du secteur 4, donc peut-être dès le IIIe siècle av. n. è. Mais il peut être plus tardif et correspondre à la période tardo-républicaine ou même médiévale.

Ce site a livré de nombreuses informations, mais les inconnues demeurent concernant la localisation de l’habitat des mineurs et des ateliers de traitement du minerai, pour les différentes périodes. La prospection des alentours de la mine n’a pas livré d’élément de réponse, la végétation de buis denses et les broussailles et ronces couvrant le sol ne permettant pas de repérer grand-chose. Le hameau situé plus au nord n’a jamais livré de vestige archéologique pour autant que les habitants actuels le sachent. Rien n’est signalé non plus dans la bibliographie pour ce secteur. Des replats de quelques mètres carrés ont toutefois pu être identifiés à quelques dizaines de mètres des entrées de la mine, et une zone où le relief est plus doux se trouve plus haut sur le versant, au sud de la mine, au-dessus de 700 m d’altitude. De futures recherches pourraient permettre de les explorer par sondages. On retiendra surtout que la mine de Rougé doit être considérée comme une exploitation avant tout gauloise, ayant fait l’objet de reprises dont l’ampleur reste à déterminer à la période tardo-républicaine et au Moyen Âge.

Mine de La Coustalade
(Castelnau-Durban)

Le site de La Coustalade, du nom de la colline au pied de laquelle il se trouve, présente plusieurs vestiges de travaux miniers (fig. 72). Quatre d’entre eux correspondent uniquement à des recherches récentes (COU2 à COU5). Les archives nous apprennent que des travaux ont été menés sur ce site en 1873-75 puis en 1900 et 1906 (Anonyme 1873 ; Anonyme 1903 ; Bertraneu 1958, 4). Seul le réseau COU1 comporte des travaux anciens, nous ne nous occuperons donc pas des autres dans la suite de cet exposé. Ce réseau est situé à la base du versant, en rive gauche du ruisseau de Mont-Froid, dans un bois de feuillus assez dense. Il a également fait l’objet d’une reprise récente dont le travers-banc*, ouvert au niveau du ruisseau (altitude : 400 m), sert d’accès principal au réseau ancien aujourd’hui.

Fig. 72. Localisation de la mine de La Coustalade
(Castelnau-Durban). E. Meunier 2022

Selon les observations sur le terrain de M. Lopez2 dans le réseau COU1, la minéralisation, filonienne, est encaissée dans les dolomies du Dévonien. Deux filons principaux ont été identifiés (fig. 73). À gangue* de quartz avec inclusions de calcite, ils sont porteurs de sulfures diffus (cuivres gris, galène* et chalcopyrite*). De la barytine est également signalée dans la bibliographie (Fournier-Angot 1983, 209-211) et des exploitations visant à obtenir ce matériau ont été menées dans le premier tiers du XXe siècle sur le versant nord de la colline, à l’ouest des travaux qui nous occupent (Robert 1982, 15). Dans le réseau COU1, seul le filon visible à l’affleurement a été exploité par les Anciens, qui ont pu suivre la salbande* argileuse située aux épontes* du filon comme indice d’extension de la minéralisation.

Fig. 73. Plan du réseau COU1 et localisation
des structures géologiques principales. E. Meunier 2018

Cette mine avait fait l’objet d’une exploration archéologique par C. Dubois, accompagné de spéléologues, en 1991 (Dubois & Métailié 1991, 65-66). Il y signale un tesson de panse d’amphore italique (tabl. 12) dans la partie haute des travaux, dans un renfoncement protégé d’apports par colluvionnement qui a pu être atteint après équipement spéléologique du puits. D’autre part, les archives qu’il a pu consulter indiquent en 1875 que “des poteries et une sorte de râteau en fer” ont été trouvés dans ce chantier (Dubois & Métailié 1991, 65).

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaire
AmphoreDressel 1CÉpaulement/ départ de col1US 201. Diamètre complet, brisé sous l’angle de l’épaulement
et à quelques cm de la base du col.
AmphoreIndéterminéePanse1Dubois & Métailié 1991, 65. Haut de CA2.
PoterieArchives de 1875 d’après Dubois & Métailié 1991, 65.
MétalSorte de râteau en fer1Archives de 1875 d’après Dubois & Métailié 1991, 65.
Tabl. 12. Inventaire du mobilier de La Coustalade. NR : nombre de restes.

La topographie du réseau ainsi que les sondages ont été réalisés dans le cadre des prospections thématiques entre 2014 et 2017. Des charbons ont pu être datés à deux niveaux dans ces travaux. Les alentours de ce site ont été prospectés sans donner de résultat concernant des installations liées à la mine ancienne. On notera que le toponyme du champ juste en contrebas de l’entrée principale, “L’Usine”, est peu prometteur pour l’archéologie préindustrielle.

Description des travaux

Le réseau COU1 est composé de deux chantiers d’exploitation anciens ainsi que de galeries et descenderies récentes (fig. 73). L’entrée principale correspond à un travers-banc* de 17 m de long (orientation N225º) qui débouche sur une galerie moderne GM1 orientée N175º, suivant le premier filon principal. Les élargissements dans le travers-banc* sont des grattages sur des veines de faible puissance qui correspondent à la terminaison nord du filon principal. Sur ses premiers 22 m, la galerie GM1 recoupe la partie inférieure des vieux travaux (coupe fig. 74 et photo a, fig. 77), soit un premier chantier ancien incliné et étroit (CA1) et un second qui s’apparente à un puits incliné double, plus large, ouvert au jour (CA2). La partie supérieure du chantier CA1, au parement nord, est très oxydée et tapissée de limonites. La minéralisation dans ce secteur pouvait donc correspondre à des carbonates de cuivre en mouches plutôt qu’à des sulfures. Il est aussi possible que les oxydes de fer contenus dans les limonites aient pu être exploités. Le chantier CA2 a été foncé depuis la surface en suivant dans sa moitié est le filon principal et dans sa moitié ouest des veines secondaires de moindre puissance.

Fig. 74. Mine de La Coustalade, plan de détail des niveaux supérieurs
et coupes des travaux. E. Meunier 2022

Les travaux anciens n’ont pas outrepassé vers le sud le pincement de la minéralisation (fig. 73, en bas). La galerie moderne GM1 a été prolongée en s’incurvant tout d’abord vers le sud-ouest (N205º) sur 15 m puis vers le sud sur 18 m pour retrouver une orientation similaire à son premier tronçon. Elle dessert trois descenderies noyées, deux vers l’est et une vers l’ouest. Cette dernière barre l’accès à une autre galerie, GM2, qui se poursuit sur au moins 12 m en direction N325º. Enfin, une petite galerie de recherche, GM3, termine le réseau au sud. La galerie GM1 a reconnu le toit* d’un deuxième filon dans son dernier tronçon. On voit à l’entrée de GM3 qu’il a une puissance de près de 2 m. La galerie GM2 a pu être ouverte pour recouper plus loin ce second filon.

L’exploitation ancienne a démarré depuis l’affleurement, une dizaine de mètres au-dessus de la sole* de la galerie GM1 (coupe fig. 74). Le chantier CA1 a été attaqué par une petite ouverture à flanc de versant, aujourd’hui masquée derrière de gros blocs éboulés qui permettent tout de même un passage. Depuis cette ouverture, qui s’enfonce dans le rocher vers l’ouest, le chantier se développe de 2 m vers le nord, où il se termine sur un front de taille*, et de 3 m vers le sud, où les travaux s’approfondissent suivant un pendage de 65º vers l’est. Un sondage a été réalisé dans le secteur de l’entrée. La largeur de ce chantier incliné est de 0,8 m, atteignant ponctuellement 1 m ou se resserrant à 0,5 m. Aucun aménagement n’est visible dans les parois du chantier incliné pour faciliter la progression verticale : ni encoche, ni vestige de plancher. Les travaux sont pourtant bien trop raides pour se contenter des aspérités de la paroi pour la progression. On peut supposer que des boisages étaient calés en force en travers du chantier. D’autre part, une extension de cet ouvrage vers l’est entre les cotes -8 et -9 a créé une plate-forme sur laquelle des remblais ont été stockés (fig. 77, photo a). Le percement de la galerie moderne GM1, inférieur à la cote -9,5, n’a pas altéré cette plate-forme, au niveau de laquelle un sondage a pu être réalisé. Enfin, un surcreusement à la couronne* de GM1 dans sa partie nord, dont le profil est similaire à CA1, nous laisse à penser que les mineurs anciens étaient descendus jusqu’au niveau actuel de GM1, avaient prolongé l’extraction vers le nord, et pratiqué le surcreusement que l’on observe maintenant. Dans ce cas, les parois de GM1 correspondraient à des élargissements de l’ouvrage ancien.

Le chantier CA2 a été ouvert par deux attaques parallèles de 4 m de long dans le sens nord-sud, séparées par un pilier de roche formant une arche (plan et photo fig. 74). En profondeur, la séparation centrale n’a pas été conservée mais le plan montre toujours la compartimentation est/ouest héritée des niveaux supérieurs, conformément à la disposition de la minéralisation (fig. 78). Il est possible que le pan de roche central dont on voit l’amorce sur le plan de la cote -6,5 ait été cassé lors des reprises récentes (fig. 76). La morphologie de ce chantier, avec plusieurs excroissances et négatifs de coupoles partielles à différents niveaux, s’explique de deux façons. D’une part, dans la moitié ouest, les mineurs ont dû adapter leurs creusements à la discontinuité des petites veines secondaires. D’autre part, les excroissances relevées peuvent correspondre à des reprises d’activité, élargissant le chantier originel. Un sondage a été réalisé dans l’une d’entre elles et permet d’éclairer cet aspect. On signale également qu’aucun aménagement destiné à faciliter la progression verticale n’est visible dans ce chantier. On en est réduit à supposer de nouveau la présence de bois calés en force en travers du chantier ou d’échelles.

Enfin, une grande fosse en surface correspond au dernier aménagement minier de ce réseau (fig. 75). Creusée à flanc de versant, sa partie supérieure et son bord oriental ont été nettoyés pour en dresser le plan (fig. 74). L’espace dégagé montre une profondeur assez faible (1,2 m max.) pour une largeur allant jusqu’à 4,5 m. Des blocs sont éboulés contre le versant, dans sa partie centrale, et des trous de fleuret sont visibles sur le parement sud-ouest. Cette fosse débouche dans le chantier CA2 au sud et l’entrée du chantier CA1 s’ouvre plus ou moins en son centre. Il semble que cette grande fosse ait donc pu être au moins en partie creusée au moment où l’exploitation des chantiers CA1 et CA2 a démarré. Cependant, ses parois très altérées (roche très fissurée qui se délite) ne permettent pas d’observations donnant des indications de chronologie. L’élargissement à l’explosif de la partie sud-ouest montre également que cette fosse a suscité un intérêt auprès des exploitants de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe, mais il est difficile de dire lequel, étant donné qu’aucune trace de minéralisation n’est visible actuellement à ce niveau.

Fig. 75. Fosse à la surface de la mine de La Coustalade,
vue vers le sud. E. Meunier 2018

La technique de creusement employée dans la partie ancienne du réseau est l’ouverture au feu. Les parois lisses et le profil circulaire à ovoïde des travaux anciens ne laissent pas de doute à ce sujet (fig. 76). Aucune trace d’outil n’a été repérée dans le secteur ancien, même si un usage du pic ou de la pointerolle en complément du feu était habituel. En ce qui concerne le soutènement, le seul élément lié à cette fonction est le pilier de roche conservé dans la partie supérieure du chantier CA2 (plan de détail fig. 74). Il est possible qu’une cloison ait existé plus bas dans ce même chantier, comme le laisse penser le reliquat de paroi centrale relevé à la cote -6,5 (fig. 76). Cependant, plus qu’une véritable fonction de soutènement, il est possible que cette cloison ait été laissée en place par souci d’économie de creusement car elle correspondait à un volume de calcaire stérile entre le filon principal à l’est et les veines secondaires à l’ouest.

Fig. 76. Mine de La Coustalade, vue de la moitié ouest du chantier CA2, à l’étage -6,5, vers le sud. On observe également les veines parallèles au filon nº 1 visibles en blanc sur le front de taille et sur le parement ouest. E. Meunier 2022

Ce souci d’économie est visible dans l’absence d’aménagements destinés à la circulation verticale. Toutefois, les 0,8 m de largeur du chantier CA1, le plus étroit, permettent à un adulte de s’y déplacer sans difficulté. Quelques secteurs sont ponctuellement plus étroits, à l’extrémité sud du chantier CA1 (0,5 m), mais aussi au niveau de l’excroissance nord du chantier CA2, entre les cotes -6 et -7,4 (0,47 m max.). Cela correspond à des endroits où les mineurs étaient sur les fronts de taille* et se limitaient de façon plus stricte à la puissance de la minéralisation. Le deuxième filon qui a pu être observé dans la galerie GM3 a une puissance de près d’un mètre. Il est donc possible que la largeur des travaux atteignant ou dépassant 0,8 m corresponde à la puissance du filon plutôt qu’à une largeur minimale des chantiers pour le confort des mineurs.

Le dernier type d’aménagement qui a été observé dans le secteur des travaux anciens est une série d’encoches de boisage de section carrée, profondes 4 à 5 cm et larges de 12 cm. Ces encoches sont cependant situées juste au niveau où la galerie GM1 recoupe les vieux travaux, et il est plus probable qu’elles aient été réalisées lors de la reprise récente de l’exploitation.

Les sondages

Quatre sondages ont été réalisés dans cette mine. L’entrée supérieure du chantier CA1 n’ayant été repérée qu’en 2016, le premier sondage a été implanté au niveau des remblais suspendus au-dessus de GM1. Le deuxième a permis de vider une alvéole au nord du chantier CA2. Le sondage 3 a été implanté immédiatement au nord de la fosse en surface. Enfin, le sondage 4 se situe au niveau de l’entrée originelle du chantier CA1.

Sondage 1

Le sondage SD1 a été implanté dans les remblais suspendus de la plate-forme située au nord de CA1, entre les cotes -8 et -9 (fig. 77). Pour pouvoir accéder à ces remblais en respectant les conditions de sécurité, un petit échafaudage de chantier a été installé dans la galerie GM1. Malheureusement, le resserrement de la galerie à sa jonction avec CA1 n’a pas permis de le monter au maximum et la fouille de la plate-forme en elle-même, trop haute, n’a pas pu être complétée. Quatre US de comblement ont pu être identifiées dans la coupe dressée dans ces remblai (tabl. 9).

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 101RemblaiStockage de stériles
US 102RemblaiStockage de stériles
US 103Poche de charbonsActivité localeCharbons prélevés
mais non datés
US 104Salbande argileuseNaturel
Tabl. 9. US du sondage 1 de la mine de La Coustalade.
Fig. 77. Mine de la Coustalade, localisation et stratigraphie du sondage 1. E. Meunier 2022

Le creusement du chantier a été réalisé au feu, comme l’atteste la coupole visible à l’arrière des remblais, au niveau du front de taille*. Les quatre US identifiées correspondent à deux phases d’activité (diagramme fig. 77). Dans un premier temps, le chantier est ouvert et les mineurs s’arrêtent sur le niveau de la salbande* d’argile jaune, US 104. La poche charbonneuse de l’US 103, appuyée contre la paroi en position plutôt verticale, peut correspondre à un curage incomplet des résidus de bûcher d’abattage à la fin de l’exploitation de ce petit secteur ou avoir été rejetée avec les blocs de l’US 102. Elle se trouve à la limite entre les phases 1 et 2 et n’a pas été datée à cause de cette position mal définie. Lors de la seconde phase, cette extrémité des travaux est convertie en espace de stockage de déblais. L’US 102, avec sa texture très meuble, reflète une mise en place rapide qui colmate cette partie du chantier, recouvrant aussi la plate-forme à l’est (fig. 77). L’US 101, avec ses blocs stériles plus nombreux, présente une disposition un peu plus organisée : on n’observe pas de vide entre les blocs, qui sont disposés de façon à garantir la stabilité des remblais. Cela permet de protéger la partie inférieure du chantier.

Sondage 2

Le deuxième sondage a été pratiqué dans un renfoncement au nord du chantier CA2, dans sa moitié ouest (fig. 78). Il s’agit d’une petite alvéole ouverte au feu au profil ovoïde caractéristique. Orientée N 350º, elle a une longueur de 1 m pour 0,47 m de largeur maximale et 1,20 m de hauteur. Elle était remblayée sur les deux tiers de sa hauteur et, malgré sa taille réduite, livre une stratigraphie significative concernant l’exploitation.

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 201Résidus d’abattage au feuActivité procheMobilier
US 202RemblaiStockage de stériles
US 203Résidus d’abattage au feuActivité localeCharbons
US 204Salbande argileuseNaturel
Tabl. 10. US du sondage 2 de la mine de La Coustalade.
Fig. 78. Mine de La Coustalade, localisation et stratigraphie du sondage 2. E. Meunier 2022

Ces US permettent de restituer trois phases (diagramme fig. 78). La première correspond au creusement de ce renfoncement avec l’abandon en place des résidus de la dernière étape d’abattage au feu (US 203). Ensuite, l’exploitation s’arrête et l’espace est utilisé pour stocker des déblais, comme l’attestent les blocs de l’US 202. Enfin, la dernière étape de comblement mêle résidus d’exploitation et déchets de type domestique avec la présence de la base du col d’amphore, de type Dressel 1C. La localisation de ce remblai dans un renfoncement exclut une provenance depuis l’extérieur, tout comme pour celui qui avait été identifié par C. Dubois dans un autre renfoncement à un niveau supérieur. L’absence de niveau de sédimentation ou de concrétions entre les US correspond plutôt à une succession rapide des différentes étapes de comblement. L’association de résidus d’abattage au feu et du col d’amphore Dr 1C montre que les mineurs disposaient de ce type de mobilier.

Sondage 3

Implanté sur le replat au nord de la fosse de surface (plan fig. 74), ce sondage visait à repérer d’éventuelles activités annexes à l’extraction minière, telles que le tri et le concassage du minerai par exemple. La fosse en elle-même a été nettoyée et ses contours dégagés pour en dresser le plan. Un gradin sommaire a ainsi pu être mis en évidence à son extrémité nord, sous quelques centimètres d’humus (fig. 79, plan de détail et photo a). La tranchée du sondage 3 n’a livré aucun niveau archéologique. La couche d’humus reposait directement sur le substrat altéré argileux (fig. 79, coupe et photo b).

Fig. 79. Mine de la Coustalade, sondage 3. E. Meunier 2022

La stratigraphie du sondage 3 ainsi que le faible recouvrement sédimentaire des bords et du fond de la fosse, pour ce qui en a été vu, semblent indiquer que tout ce secteur a été nettoyé lors des reprises d’activité récentes, peut-être pour vérifier s’il n’y avait pas de minéralisation visible à l’affleurement. Cela ne permet donc pas d’éclairer les phases anciennes de l’activité.

Sondage 4

Le dernier sondage se situe au niveau de l’entrée du chantier CA1, accessible depuis la fosse en surface (plan détaillé fig. 81). Cette entrée a un profil ovoïde caractéristique de l’utilisation du feu (fig. 81, photo a). Sa hauteur ne permet que d’y passer accroupi. Le chantier s’approfondit très vite et on arrive sur une première marche 1,5 m plus bas, large de 35 cm, qui a été sondée. Il s’agit en réalité d’une cuvette creusée dans le rocher et comblée (fig. 82, coupe du haut et photo a). Le front de taille* situé immédiatement au nord est remblayé et une coupe a été dressée dans son comblement. La sole* n’a pas pu être dégagée au pied du front de taille* du fait de la profondeur déjà atteinte (1,4 m de stratigraphie) et la dernière US (410) n’a pas pu être sondée sur toute son épaisseur. Poursuivre la fouille aurait en effet obligé à déblayer un peu plus les remblais vers le sud, ce qui aurait réduit la surface de travail dans des proportions ne permettant plus d’assurer la sécurité des fouilleurs. Dix US de comblement ont été identifiées : quatre dans la petite cuvette juste sous l’accès au jour et six devant le front de taille* (fig. 80 et tabl. 11).

Nº USType d’USInterprétationPour datation
Cuvette (fig. 82, axe a et photo a)
US 401Niveau de circulation ?Activité proche
US 402Résidus d’abattage au feuActivité procheCharbons prélevés non datés
US 403Niveau de circulation ?Activité proche
US 404Résidus d’abattage au feuActivité procheCharbons
Front de taille (fig. 82, axe b et photo b)
US 405SédimentationAbandon
US 406Remblai charbonneuxEspace de stockage
US 407Niveau de circulation ?Activité locale
US 408Remblai charbonneuxEspace de stockage
US 409Niveau de circulation ?Activité proche
US 410Remblai charbonneuxEspace de stockage
Tabl. 11. US du sondage 4 de La Coustalade.
Fig. 80. Diagramme stratigraphique du sondage 4
de La Coustalade E. Meunier 2022
Fig. 81. Mine de la Coustalade, localisation du sondage 4. E. Meunier 2022
Fig. 82. Mine de la Coustalade, stratigraphie du sondage 4. E. Meunier 2022

Aussi bien dans la cuvette au pied de l’accès que sous le front de taille*, les US charbonneuses correspondent à des rejets liés à des épisodes d’abattage au feu, mêlés à une proportion plus importante de sédiment terreux sous le front de taille*. Les niveaux argileux fins qui s’intercalent entre ces remblais peuvent correspondre à des niveaux de circulation où des graviers et petits éclats calcaires restent piégés. Ce matériau pourrait aussi provenir de l’abattage à l’outil des parois altérées tapissées de limonite, plus tendre et ne requérant pas l’utilisation du feu.

En ce qui concerne la cuvette au pied du passage vers l’extérieur, il s’agit d’une zone de passage utilisée durant toute l’activité dans le chantier CA1. Le très faible volume de sédiment qui y est accumulé ne permet pas raisonnablement de considérer qu’il s’agit de phases stratigraphiques à proprement parler. La première couche a pu être disposée là pour combler la cuvette et en faire une marche pour faciliter l’appui pour remonter vers la sortie. Les US suivantes sont des accumulations très limitées liées aux passages fréquents à cet endroit, dont la nature charbonneuse ou non reflète des activités à proximité. Il s’agit toutefois des niveaux les plus proches de l’entrée, ce qui nous permet d’obtenir une date pour le démarrage de l’exploitation avec la datation d’un charbon de l’US 404.

Au pied du front de taille*, on se trouve face à une accumulation de remblais provenant vraisemblablement de l’exploitation du chantier CA1. À proximité immédiate de l’accès au jour, il n’est pas surprenant que des accumulations argileuses plus fines aient pu se former, niveaux de circulation ou plutôt de piétinement au moment des entrées et sorties de la mine. Seule l’US 405, qui scelle la stratigraphie sous le front de taille*, correspond à l’abandon du chantier. Elle est composée d’un sédiment très proche de la limonite des parois altérées, sans inclusions de blocs rocheux, qui a pu se déposer sur le dessus de la stratigraphie après l’arrêt de l’exploitation. On peut donc distinguer une phase d’utilisation de ce front de taille* comme zone de stockage de déchets suivie d’une phase d’abandon. Les niveaux fouillés ne témoignent pas du moment d’extraction au niveau de cette extrémité nord du chantier.

Chronologie et dynamique d’exploitation

Deux tessons d’amphores (tabl. 12) et deux datations radiocarbone donnent des indications chronologiques sur les phases anciennes de cette exploitation. L’individu de l’US 201, un fragment d’amphore italique Dressel 1C3, correspond au Ier siècle av. n. è. Le tesson indéterminé récolté par C. Dubois ne permet pas de préciser l’intervalle, pas plus que le mobilier signalé dans les archives. C. Dubois propose que l’outil en fer ait servi à récupérer le minerai abattu au feu avant que les blocs n’aient totalement refroidi, ce à quoi nous souscrivons (Dubois 1996, 39). La période à laquelle il a été utilisé n’est cependant pas connue.

Les charbons qui ont été datés proviennent des US 203 et 4044. L’US 404 est celle que nous supposons la plus proche du démarrage de l’exploitation de cette mine et l’US 203, résidus en place d’un bûcher d’abattage au feu, date le creusement du renfoncement du chantier CA2 dans lequel il a été prélevé. La date de l’US 203 recoupe en partie la chronologie donnée par le mobilier, mais celle de l’US 404 est bien antérieure (fig. 83) : la mine de La Coustalade a été ouverte entre le IVe et le IIIe siècle av. n. è. (2205 ±30 BP). Le renfoncement du chantier CA2 a été creusé entre le IIe siècle et la première moitié du Ier siècle av. n. è. (2120 ±30 BP) selon la date calibrée. Le second intervalle donné pour cette date, 340-325 cal BC, nous semble peu plausible. En effet, les probabilités sont très réduites (3,6 %) et, si l’on retenait cette date, cela signifierait que plus de 200 ans se seraient écoulés avant le dépôt de l’US 201 contenant le fragment d’amphore. L’absence de niveau de sédimentation ou de concrétion entre les résidus d’abattage et les comblements supérieurs, indiquant une succession rapide des évènements, n’est pas en accord avec une chronologie longue. Il nous semble donc plus cohérent de considérer que cette petite extension de CA2 vers le nord a été réalisée dans la première moitié du Ier siècle av. n. è., en cohérence avec l’épaulement d’amphore Dr 1C de l’US 201.

Fig. 83. Datations radiocarbone de la mine de La Coustalade. E. Meunier 2018

Les éléments stratigraphiques ne permettent pas de dire si l’exploitation a été continue entre l’ouverture du chantier CA1 au IVe ou IIIe siècle av. n. è. et le comblement du renfoncement du chantier CA2 au cours du Ier siècle av. n. è. Toutefois, l’extension réduite des travaux ne semble pas correspondre à une activité continue sur plus d’un siècle. Il semblerait plutôt que l’activité au cours du Ier siècle av. n. è. corresponde à une reprise d’exploitation, peut-être seulement à une recherche. La fouille de la plate-forme suspendue dans le chantier CA1 pourrait permettre de préciser les choses. Cependant, le fait que les deux chantiers soient presque intégralement vides limite les possibilités de datation des ouvrages. De même, il sera difficile de savoir si le chantier CA2 a été ouvert avant ou après le chantier CA1.

La morphologie des chantiers CA1 et CA2 est légèrement différente. S’ils sont tous les deux inclinés et ouverts au feu, le chantier CA1 est plus étroit et allongé alors que CA2, avec sa configuration de puits double, présente un plan plus large et court (fig. 74). Ces différences sont cependant dues à la morphologie de la minéralisation exploitée. Le chantier CA1 est centré sur le premier filon principal alors que le chantier CA2 a suivi l’extrémité sud de ce filon et des veines secondaires. On ne peut donc pas tirer de conclusion chronologique de ces différences. De plus, une autre similarité existe entre ces deux chantiers, directement liée à la façon de travailler : l’absence d’aménagement pour faciliter la circulation verticale. Cette uniformité dans la façon de gérer les déplacements des mineurs dans le chantier reflète une même conception du travail minier, qui inciterait plutôt à imaginer une activité qui se déroule, sinon en même temps, du moins en continu entre les deux chantiers.

Dans les deux chantiers, on peut également restituer des étages d’exploitation horizontaux, même s’ils n’ont pas pu être relevés de manière systématique. On en a un exemple avec le relevé à la cote -6,5 du chantier CA2. Les renfoncements au nord et au sud sont au même niveau (plan et coupe fig. 78). Dans la partie supérieure, il est plus difficile de repérer les vestiges des étages d’exploitation, mais on observe tout de même une coupole verticale résiduelle près de l’accès à la moitié orientale du chantier depuis la fosse (fig. 84, a). Le chantier CA1 montre aussi dans son profil les négatifs des étages suivis par les mineurs (fig. 84, b). La hauteur des étages dans ces deux chantiers oscille entre 0,85 et 1,4 m. L’entrée du chantier CA1, qui a dû servir à la circulation des mineurs et à l’évacuation du minerai et des stériles, n’a qu’une hauteur de 1,15 m. Cela permet à un adulte d’y passer, mais pas de s’y tenir debout (fig. 84, c). La volonté d’économiser les creusements dans le stérile est donc avérée.

Fig. 84. Étages d’exploitation horizontaux dans la mine
de La Coustalade et leur gabarit. E. Meunier 2022

Aucun ouvrage d’assistance ne peut être identifié dans la partie ancienne du réseau. Le fait que les chantiers soient largement ouverts et peu profonds permettait une circulation de l’air aisée. Dans le cas du chantier CA2, cette configuration pouvait toutefois facilement conduire à l’inondation du fond des travaux en cas de pluie. Aucun indice d’installation d’exhaure* n’a pourtant été identifié. Le chantier CA1, avec son entrée latérale, était protégé de ce point de vue. Le soutènement du chantier n’a pas inquiété les mineurs qui n’ont laissé aucun pilier en travers du chantier. L’arche de roche dans la partie haute du chantier CA2 peut remplir cette fonction, mais elle correspond sans doute autant à une économie de creusement dans l’encaissant stérile, comme expliqué plus haut. Cette absence d’ouvrages d’assistance est donc cohérente avec la morphologie simple de la minéralisation.

La configuration des ouvrages, avec leur forte inclinaison, rend difficile le travail de deux équipes en même temps dans un même chantier, l’une au-dessus de l’autre. Le profil de la partie haute de CA1 montre qu’il n’y avait pas de plancher entre deux étages mais qu’ils étaient simplement ouverts l’un après l’autre en descendant (fig. 84, b et fig. 85, flèches vertes). Le chantier CA1 a donc nécessairement été ouvert par une seule équipe de mineurs. Deux équipes pouvaient en revanche travailler en même temps dans chacun des deux chantiers CA1 et CA2 (fig. 85). Si on retient l’option d’une cloison centrale dans le chantier CA2 jusqu’au niveau où il a été recoupé par la galerie GM1, alors deux équipes ont pu travailler en même temps dans les parties ouest et est de ce chantier sur toute sa hauteur. Les données disponibles actuellement ne permettent toutefois pas de savoir si l’option de l’exploitation intensive à trois équipes a été choisie ou si les travaux ont été menés de façon plus progressive. Il n’est pas non plus possible de savoir ce qu’il en était de l’état de la fosse en surface au moment de l’ouverture des deux chantiers inclinés. Le niveau d’ouverture du chantier CA1, inférieur au bord opposé de la fosse, semble bien indiquer qu’elle était en partie déjà creusée. Atteignait-elle le chantier CA2 au sud ? Avait-elle la même largeur qu’actuellement vers l’est ? L’absence de niveaux archéologiques conservés sur son pourtour ne permet pas de trancher. D’autre part, la chronologie relative du chantier CA2 par rapport à CA1 et à la fosse ne peut pas non plus être assurée. L’accès à ce chantier en surface se faisait plus haut que le niveau de la fosse, par le sud. Il a donc pu être démarré avant, en même temps ou après la fosse.

Fig. 85. Dynamique d’exploitation des travaux anciens de La Coustalade. E. Meunier 2018

En ce qui concerne l’état d’avancement du chantier selon la chronologie, les éléments disponibles ne permettent pas d’être très précis. La partie ancienne visible actuellement a été exploitée entre le IVe siècle av. n. è., date la plus ancienne à l’entrée de CA1, et le Ier siècle av. n. è., date la plus récente du comblement du renfoncement nord de CA2. Le volume assez réduit de ces travaux ne nous semble pas justifier quatre siècles de travail. Au contraire, leur homogénéité nous ferait plutôt pencher pour une exploitation continue et plutôt de courte durée. Si le démarrage du chantier CA1 se situe au IVe siècle av. n. è. ou dans la première moitié du IIIe siècle av. n. è., il faut restituer une interruption de l’exploitation avant une reprise au Ier siècle av. n. è. La provenance des niveaux les plus récents dans une excroissance du chantier est cohérente avec une reprise. Si l’ouverture de CA1 s’est produite plutôt vers la fin de l’intervalle calibré, dans la seconde moitié du IIIe siècle av. n. è. ou au début du IIe siècle av. n. è., une exploitation continue serait possible si une seule équipe de mineurs a travaillé à la fois, ouvrant d’abord le chantier CA1, puis le chantier CA2, pour arriver au début du Ier siècle av. n. è. au niveau du renfoncement à la base de CA2. Mais en l’absence de date de démarrage du chantier CA2, cela restera à l’état de proposition.

Mine du Goutil
(La Bastide-de-Sérou et Larbont)

La mine du Goutil est constituée de deux réseaux, dénommés Est et Ouest, situés de part et d’autre d’un petit vallon irrigué par le ruisseau intermittent de Lancise (fig. 86). Le cadastre indique que les parcelles attenantes se nomment l’Argentario. La minéralisation, selon les observations sur le terrain de M. Lopez et E. Chanvry5, correspond aux gisements de type Mississipi Valley. Porteuse de cuivres gris, elle est encaissée dans la dolomie triasique du Muschelkalk et se développe dans des niveaux de brèches* qui ont alimenté des filons. Les archives minières ne mentionnent pas ce site, qui n’a en effet fait l’objet d’aucune reprise récente. Les travaux de C. Dubois et J.­E. Guilbaut les avaient conduits dès 1981 à la publication d’un article présentant le réseau Est (Guilbaut 1981). Une notice sur ce site se trouve aussi dans leur article de 1982 portant sur l’ensemble du district (Dubois & Guilbaut 1982, 101-104). Le réseau Ouest n’avait pas pu être visité alors, mises à part quelques entrées rapidement comblées. L’intérêt de ce site, préservé des reprises modernes et bien conservé, a conduit à son classement à l’inventaire des Monuments Historiques en 1982. Ce n’est que lors des campagnes de prospections de 1991 et 1992 que le second réseau a été exploré et topographié, une des entrées ayant été désobstruée. Cinq sondages ont également été réalisés sur les terrains jouxtant ces deux réseaux par C. Dubois en 1991 et 1992 (Dubois & Métailié 1991, 49-53 ; Dubois & Métailié 1992, 32-69). Comme sur les autres sites de ce district, les tessons d’amphores sont nombreux autour des travaux et dans les remblais qui colmatent les chantiers (tabl. 14).

Fig. 86. Localisation de la mine du Goutil
(La-Bastide-de-Sérou et Larbont). E. Meunier 2022

Les travaux réalisés sur la mine du Goutil dans le cadre de cette thèse ont été assez limités. Les deux réseaux sont bien plus complexes que les autres sites du district et leur étude complète demanderait un investissement très important sur le terrain. L’étude effectuée ici s’est appuyé sur les topographies des réseaux réalisées lors des campagnes des années 1980 et 1990. Le plan d’ensemble de chacune des mines avait en effet été dressé. Des relevés de détail permettant de compléter les données avec les coupes et sections des ouvrages ont été initiés dans les deux réseaux, mais demeurent inachevés. Un test d’utilisation du scanner 3D a été réalisé dans le réseau Ouest, dans un secteur dont la morphologie et les dimensions rendaient difficiles les relevés classiques. Un test de photogrammétrie a été fait dans le réseau Est. Lors de ces campagnes, un seul sondage a été réalisé, dans le réseau Ouest, en 2014. Les résultats ont montré qu’il était indispensable de mieux comprendre l’architecture de ces réseaux avant de choisir d’autres implantations de sondages. Cette compréhension a commencé à émerger suite à la venue sur le terrain des géologues M. Lopez et E. Chanvry, qui ont pu donner un sens, par leur interprétation des structures minéralisées, à la morphologie des ouvrages miniers. Leur intervention ne s’étant déroulée qu’à l’été 2017, il était trop tard pour approfondir les recherches sur ce site à la lumière de ces éclairages récents. Les sondages réalisés par C. Dubois apportent des éléments sur des installations de surface qui complètent ponctuellement les données issues des réseaux souterrains.

Le réseau Est

Ce réseau se présente sous la forme d’un espace souterrain largement ouvert mais fortement remblayé à la sole*, ponctué de piliers et de fines cloisons résiduelles percées à leur tour, comme le montre le plan général réalisé par nos prédécesseurs (fig. 88). Des affleurements rocheux visibles en surface au sud et sud-ouest des travaux souterrains correspondent très probablement à une partie de l’exploitation réalisée à ciel ouvert (fig. 87), non topographiée. Les travaux accusent un pendage prononcé de 25 à 29º vers le nord, qui correspond à celui de la minéralisation (fig. 90). En l’absence de cotes sur le plan général existant, un relevé du cheminement topographique a été réalisé pour connaître l’extension de l’ouvrage dans ses trois dimensions (fig. 88) et le relevé de détail des secteurs proches des entrées a été entrepris (fig. 89 et 90). Les travaux s’étendent sur 25 m dans le sens est-ouest, 30 m dans le sens nord-sud, et près de 18 m entre le point le plus haut et le point le plus profond, sur remblai. En tenant compte des affleurements visibles, les travaux pourraient encore se prolonger d’une vingtaine de mètres vers le sud.

Fig. 87. Vue panoramique des affleurements au sud du réseau souterrain du Goutil Est. E. Meunier 2018

Ce réseau est encaissé dans des dolomies du Trias orientées N110º avec un pendage de 20-30º vers le nord. On distingue dans la moitié orientale le plan irrégulier correspondant aux zones de brèches* exploitées en suivant la minéralisation de près (fig. 88). Dans la moitié occidentale de ce réseau, l’espace est organisé suivant des sortes de couloirs orientés N5º à N10º (fig. 88 et 89). Ils correspondent aux filons qui se sont formés par la circulation des fluides minéralisés sous pression dans les brèches*. Ces dernières se sont mieux développées dans la moitié orientale du gisement alors que les filons ont été favorisés dans la moitié occidentale. La partie centrale du réseau, avec les deux morphologies de minéralisation représentées, montre ainsi des élargissements dans la partie basse et des surcreusements étroits et allongés en couronne*, orientés nord-sud. Les coupes transversales permettent d’observer les extensions étroites en couronne* correspondant aux filons verticaux (fig. 91).

Fig. 88. Plan général du réseau du Goutil Est. E. Meunier 2022
Fig. 89. Plan de détail de la partie centrale du réseau du Goutil Est. E. Meunier 2022
Fig. 90. Coupes longitudinales dans le réseau du Goutil Est. E. Meunier 2022
Fig. 91. Coupes transversales dans le réseau du Goutil Est. E. Meunier 2022

La géométrie variable de la minéralisation, dans les brèches* ou les filons, permet d’expliquer la morphologie irrégulière des travaux. Cependant, elle n’est pas pour autant le résultat d’une seule phase d’exploitation. En effet, on peut observer des reliquats de soles* transpercées ou des négatifs d’étages suspendus en plusieurs endroits (fig. 92). D’autre part, le mode d’abattage utilisé est mixte : on observe à la fois des parois constellées de traces d’outil alors que d’autres sont parfaitement lisses avec des profils courbes caractéristiques de l’ouverture au feu (fig. 92, a et fig. 93). Les parois avec des traces d’outils ne se trouvent jamais au niveau des entrées mais à l’intérieur des travaux. Elles sont dominantes vers l’est du chantier, en limite d’extension de la mine, avec un secteur entièrement ouvert à l’outil. Ailleurs, elles marquent des élargissements ponctuels. Des surcreusements en couronne* ont parfois été réalisés à l’outil le long des filons verticaux. Mais le feu a lui aussi été utilisé pour exploiter ces filons, et son usage domine largement à l’échelle du réseau. L’ouverture initiale de cette mine a donc dû se faire en utilisant le feu, seule technique attestée près des entrées, et les traces d’outils correspondent à une reprise. Cependant, le gabarit très variable des ouvrages pourrait indiquer deux périodes d’activité avec l’usage du feu. En effet, on observe à la fois des ouvrages de petites dimensions, dont la largeur ne dépasse pas le mètre (fig. 94, g), et d’autres dont le profil révèle un creusement unique conduit de manière à ouvrir un volume large (fig. 94, h). La géométrie de la minéralisation favorise toutefois ce type de variations (fig. 94, f).

Fig. 92. Secteurs montrant des reprises dans le Goutil Est. E. Meunier 2022
Fig. 93. Stigmates d’abattage au feu et à l’outil dans le Goutil Est. E. Meunier 2022

Enfin, il est à noter que l’exploitation a été conduite majoritairement suivant l’inclinaison générale de la minéralisation. Le reliquat de sole* visible au premier plan à droite de la photo b de la figure 92 montre que les travaux suivaient ce pendage du sud vers le nord. On n’observe pas, comme cela a pu être relevé à La Coustalade ou à Rougé, d’étages d’exploitation horizontaux qui se succèdent en gradins pour suivre l’inclinaison de la minéralisation. Les coupes longitudinales, dans le sens de la progression des mineurs, montrent ainsi l’inclinaison des travaux (fig. 90) alors que les coupes transversales mettent en évidence les percements postérieurs permettant la communication entre les travées nord-sud à différentes profondeurs (fig. 91). Les filons verticaux multiples et de faible puissance conditionnent ce type d’attaque. Un certain souci d’économie de creusement a conduit à l’exploitation des brèches* en suivant leur profil irrégulier, sans développer, pour ce que l’on peut en voir malgré les remblais, de véritable étage horizontal élargi (fig. 94, f).

Fig. 94. Différents gabarits de chantier
dans le réseau du Goutil Est. E. Meunier 2022

La gestion des déplacements des mineurs sur ces différents étages nous échappe. Les remblais qui occupent actuellement les travaux permettent de les parcourir facilement, en contournant si besoin les vides qui ont été formés dans certains endroits. On peut imaginer que les nombreux replats et décrochement aient pu servir à installer des structures en bois pour circuler et travailler (échelles, échafaudages). Des encoches de petite taille (l = 5 cm ; h = 6 cm ; prof. = 2-3 cm) ont été repérées dans certaines parois, plutôt dans les parties hautes. Leur profondeur trop réduite ne permet pas de les interpréter comme des niches à lampes, et, là où elles ont pu être observées, elles sont isolées et n’ont pas de jumelle leur faisant face sur le parement opposé. Il est toutefois possible qu’elles aient servi à caler des boisages, dont la structure ne peut être décrite en l’état.

En l’absence de sondage, les éléments de datation livrés par ce réseau se limitent à du mobilier mêlé aux remblais, non ramassé. Les amphores italiques dominent là encore (tabl. 14). Lors des premières prospections, outre l’identification de lèvres de Dressel 1A, quelques tessons de céramique commune à pâte grise et engobe noir et un bord de mortier ont été signalés dans le chantier (Guilbaut 1981, 178-179). Une anse d’amphore portait le timbre ASO qui, en mauvais état, pourrait être partiel (fig. 105, 1). Ce timbre n’étant pas répertorié sur d’autres sites, cela ne permet pas de préciser la chronologie au-delà de la période du Ier siècle av. n. è., ou de la fin du siècle précédent. La position de ce mobilier à la surface des remblais massifs qui encombrent le réseau, principalement constitués de haldes* rejetées à l’intérieur, indique simplement qu’une phase d’activité correspondait à cette période. L’ouverture de la mine et la ou les reprises ne peuvent être datées de la sorte.

Le réseau Ouest

Description des travaux

Le réseau Ouest du Goutil est le plus étendu des réseaux anciens accessibles actuellement. Il s’étend sur 115 m dans le sens est-ouest et 84 m dans le sens nord-sud (fig. 95). Il est densément quadrillé de galeries et chantiers dans sa moitié nord, alors que le sud n’est parcouru que de galeries isolées, qui s’ajoutent aux chantiers de l’entrée. L’extension cumulée des galeries atteint près d’un kilomètre. Le plan général des travaux a été réalisé par les spéléologues J.-P. Calvet et G. Armengaud, lors de la campagne de terrain de 1992 (Dubois & Métailié 1992, 34). Les cotes n’ont pas été reportées sur ce plan, ce qui ne permet pas de connaître la profondeur maximale atteinte dans ce réseau. Lors de nos opérations, nous n’avons repris que ponctuellement la topographie de détail, près de l’entrée, en incluant des coupes et sections. Une petite partie du cheminement topographique a été enregistrée entre le secteur relevé à l’entrée et un chantier sur plusieurs niveaux dans lequel le relevé au scanner 3D a été réalisé, pour les connecter au même système topographique. Dans cet espace, les cotes des travaux vont de +1,5 m à -16 m. Les parties les plus profondes n’ont pas été atteintes lors de ces mesures et trois orifices bouchés visibles en couronne* indiquent que des cheminées remontaient jusqu’au jour à certains endroits.

Fig. 95. Plan d’ensemble du réseau du Goutil Ouest (d’après Dubois 1996, fig. 2). E. Meunier 2022

Du point de vue géologique, le réseau Ouest du Goutil présente des similitudes avec le réseau Est. Les deux sont encaissés dans les dolomies du Trias et la minéralisation correspond là aussi au type Mississipi Valley, avec des brèches* plus ou moins développées et des filons verticaux qui ont orienté l’exploitation. La différence principale avec le réseau Est réside dans l’identification d’une autre strate géologique observée en couronne*, en allant vers le nord du chantier. Il s’agit d’un niveau de mudstone gris sombre finement stratifié et stérile (fig. 96). Une brèche* de 40 à 60 cm d’épaisseur s’est formée entre le mudstone et la dolomie. Cette brèche* est silicifiée mais la barytine y est toujours présente, et elle renferme des petites masses de cuivre gris. Deux niveaux de brèches* ont donc été exploités par les mineurs (fig. 96 et 98), ainsi que les filons verticaux, qui se développent dans la masse des dolomies, entre ces deux niveaux de brèches*. Cela explique l’étagement des travaux et leur irrégularité, les brèches* étant, tout comme dans le réseau Est, discontinues et plus ou moins exprimées.

Fig. 96. Série géologique complète au nord du Goutil Ouest.

Une fois ces caractéristiques posées, on peut tenter de distinguer dans les travaux ce qui relève des variations dues à la morphologie de la minéralisation et ce qui pourrait correspondre à des phases d’exploitation différentes. Comme dans le Goutil Est, l’usage du feu et de l’outil a été constaté dans les différents secteurs de la mine, parfois dans le même espace (fig. 97, a et b). Là aussi, les entrées sont exclusivement foncées au feu. Cela inciterait à associer l’utilisation de l’outil avec une phase de reprise. Celle-ci a dû être plus importante que dans le réseau Est car les parois porteuses de traces d’outil sont ici plus fréquentes que celles qui présentent les stigmates du feu. Il est cependant très difficile d’établir une chronologie relative de ces ouvrages, du fait de leur aspect souvent labyrinthique (fig. 97, b). La morphologie de la minéralisation en est la cause, mais cela empêche de repérer une direction première que l’on pourrait différencier de celle suivie lors des reprises.

Fig. 97. Le Goutil Ouest, les techniques d’abattage
pour les ouvrages de petit gabarit. E. Meunier 2022

Ensuite, le gabarit des ouvrages peut également être réparti en deux catégories. D’une part, on trouve un petit module, ouvert au feu ou à l’outil, avec une largeur allant de 0,4 à 1 m (fig. 97). Dans certains cas, ces ouvrages ne permettaient pas de se tenir debout, mais le percement des soles* intermédiaires facilite la circulation actuellement (fig. 97, d). Des chantiers de grand volume peuvent résulter de l’accumulation de creusements de ce type juxtaposés (fig. 98). D’autre part, certains secteurs correspondent au contraire à des volumes bien supérieurs, galeries larges et hautes ou grands chantiers, creusés dès le départ avec l’intention de leur donner ces tailles importantes (fig. 99). On s’y tient toujours debout et deux personnes peuvent s’y croiser sans problème. Les ouvrages de grand gabarit sont uniquement ouverts au feu. Cette répartition schématique entre les petits et grands gabarits serait sûrement à nuancer si des relevés de détails étaient disponibles de manière systématique. On peut simplement constater en l’état que les ouvrages de grand gabarit résultant d’un creusement unique se trouvent uniquement à l’est du réseau, près des entrées. Les chantiers de plus grande taille dans le reste du réseau sont, pour ce qui a été observé jusqu’à présent, le résultat de petits creusements juxtaposés.

Fig. 98. Grand chantier résultant de plusieurs creusements
de petit gabarit au nord du Goutil Ouest. E. Meunier 2022
Fig. 99. Le Goutil Ouest, ouvrages de grand gabarit à creusement unique. E. Meunier 2022

Une autre différence réside dans le profil des ouvrages à l’outil de ce réseau, qui peut être anguleux (fig. 97, c) ou plus ovoïde (fig. 97, a et b). Faut-il voir dans les seconds une reprise à l’outil d’ouvrages dont l’abattage démarrait au feu ? Ou est-ce le signe de plusieurs phases chronologiques dans les travaux à l’outil ? La réponse ne peut être donnée pour l’instant.

Pour terminer au sujet des techniques minières, il faut signaler tout d’abord la présence d’encoches de boisage dans quelques points du réseau (fig. 100, i). De forme quadrangulaire irrégulière, leurs dimensions relevées tournent autour de 10 cm de largeur, 7 à 9 cm de hauteur et 2 à 4 cm de profondeur. Leur fonction est confirmée par le fait qu’on les trouve se faisant face de part et d’autre des galeries. Le second élément particulier à cette mine est l’identification d’une portion de canal surcreusé à la sole* d’une galerie (fig. 95 et fig. 100, j). De plan sinueux, il est long de 1,8 m, large de 20 cm et profond d’autant. Il met en communication un chantier plus profond d’un mètre en aval et une galerie qui ne ressort pas au jour vers l’amont. Dans ces conditions, il ne pouvait servir qu’à évacuer le trop-plein d’eau lorsque le chantier en amont se remplissait. Les traces de boue visibles sur les parements plus de 40 cm au-dessus du niveau du canal montrent que l’eau pouvait effectivement monter assez haut. La galerie vers laquelle l’eau était dirigée n’est pas une galerie d’exhaure* à proprement parler. Elle a été creusée pour exploiter un filon dont on voit la trace en couronne*. Elle se poursuit sur près de 25 m avant de se terminer sur un front de taille*. De la boue masque la sole*, mais il est possible que des fissures visibles au parement se poursuivent plus bas et aient permis à l’eau de s’évacuer naturellement. Le chantier en amont du canal, dont la sole* est également couverte de boue, constitue un point bas du réseau et il est possible que l’eau d’autres secteurs ait été dirigée vers cet espace pour être ensuite évacuée. Ces hypothèses demanderaient à être confirmée par une fouille du secteur et des relevés précis.

Fig. 100. Le Goutil Ouest, encoches de boisage et canal d’exhaure. E. Meunier 2018

Sondage et éléments de chronologie

Un seul sondage a été réalisé dans ce réseau, en 2014, avec l’objectif d’obtenir des éléments de datation. Il a été implanté dans un petit chantier vertical à une vingtaine de mètres de l’entrée, entre les cotes -8,77 et -11,87 m (localisation fig. 99). Avant de démarrer le sondage, la partie visible présentait toutes les caractéristiques d’un chantier ouvert au feu avec ses parois lisses et son profil courbe. La fouille a révélé que la partie basse du chantier était quant à elle ouverte à l’outil. Le profil général de l’ouvrage est marqué par un resserrement central qui correspond à la limite entre les deux techniques utilisées, renvoyant à deux phases de creusement dont on ne connait pas la chronologie relative. On peut simplement indiquer grâce à la direction des traces d’outils et à la forme de la couronne* que la partie haute a été ouverte en direction du nord alors que la partie basse l’a été vers le sud. Enfin, on note que la partie inférieure est verticale avec une largeur régulière de 0,6 m alors que la partie supérieure est légèrement oblique et sa largeur varie entre 0,22 et 0,47 m. Cela correspond au pendage du filon qui a été suivi de près, dont on voit la trace en couronne*.

Les déblais piégés au niveau inférieur du chantier sont stratifiés ; cinq US ont été enregistrées (tabl. 13 et fig. 101).

Nº USType d’USInterprétationPour datation
US 1RemblaiEspace de stockage1 panse d’amphore
US 2Résidus d’abattage
au feu
Activité procheCharbons
US 3Résidus d’abattage
au feu
Activité proche
US 4RemblaiEspace de stockage
US 5Résidus d’abattage
à l’outil
Activité locale
US 6Négatif partie hauteCreusement
US 7Négatif partie basseCreusement
Tabl. 13. US du sondage du Goutil Ouest.

Ce comblement révèle au moins deux phases. Tout d’abord, l’US 5, sur la sole*, correspond à une phase d’activité sur place. Les graviers dont elle est composée doivent être des résidus de l’abattage à l’outil et les quelques charbons résulter des modes d’éclairage. La petite proportion d’argile contenue dans l’US 5 nous montre que le chantier a pu rester ouvert un certain temps, permettant une petite sédimentation. Ensuite, l’espace laissé libre a été utilisé pour stocker des déblais. Les remblais des US 4 et 1 ainsi que les résidus d’abattage au feu des US 3 et 2 montrent que ce petit chantier n’est plus utilisé que comme espace de stockage. Il faudrait ajouter deux phases de creusement antérieures pour les parties hautes et basses du chantier, mais on ne sait pas dans quel ordre (fig. 101).

Fig. 101. Sondage dans le réseau du Goutil Ouest. E. Meunier 2022

Le manque d’expérience au moment de la réalisation de ce sondage dans l’interprétation du type de remplissage a conduit à choisir des charbons pour la datation qui s’avèrent ne pas être les plus judicieux. L’US 2 dont ils proviennent correspond certes à une phase d’activité proche, mais que l’on ne peut pas localiser précisément. Des charbons de l’US 5 auraient permis de caractériser la phase de creusement à l’outil de la partie basse. L’orientation des recherches sur les autres sites à partir de 2015 et jusqu’à l’été 2017 a fait que ces éléments n’ont pas été repris.

La datation obtenue sur le charbon de l’US 2 nous situe à la période médiévale, au XIVe siècle6 (fig. 102). Cela correspond à la datation obtenue par C. Dubois pour l’extrémité sud du réseau (Dubois 1996, 39)7 et est cohérent avec des tessons de céramique vernissée localisés à la surface des remblais en plusieurs points des travaux, notamment dans le chantier nord présenté à la figure 98 (tabl. 14). La datation réalisée en 1992 a été faite sur des charbons résiduels de l’abattage au feu, prélevés pour identification anthracologique. Le profil particulier de ce secteur et sa position très éloignée du jour indiquent qu’il ne s’agit pas du démarrage de l’exploitation et qu’il faut y voir plus probablement une reprise. Les déblais de l’US 2 correspondent à cette même phase de reprise, sans doute à associer avec les travaux de grand volume de ce secteur de la mine (fig. 95). Le tesson de panse d’amphore sur le dessus du remblai US 1 a été remobilisé et ne donne pas d’indication sur le creusement du chantier.

CatégorieTypeNRCommentaire
AmphoreItaliqueRéseau Ouest : sondage-US 1 et remblais ; Réseau Est : remblais ; Labours.
AmphoreIndéterminé8Sondage 1, US 2.
CéramiqueVernisséeRéseau Ouest : remblais ; Sondage 2, US 2.
Céramique communeMortier1Réseau Est : remblais.
AmphoreDr 1ARéseau Est : remblais ; Sondage 1, US 1, 2 et 3 ; sondage 2, US 2, 3, 4, 5 et 6 ; sondages 3 et 4, US 2 ; sondage 5, US 2 et 4.
AmphoreDr 1A1Réseau Est : remblais. Marque ASO (fig. 105,  1).
Céramique communeCuisson réductrice, tournée> 130Réseau Est : remblais ; Sondage 1, US 2 ; Sondage 2, US 6 (fig. 105, nº 2) ; Sondage 5, US 2 et 4.
Céramique communeCuisson réductrice,
non tournée
> 51Sondage 2, US 5 et 6 ; Sondage 5, US 2.
CampanienneIndéterminé3Labours ; Sondage 1, US 2 ; Sondage 2, US 6.
Céramique
ampuritaine
Gobelet gris2Sondage 2, US 6.
Céramique communeCuisson oxydante
à engobe blanc
2Sondage 2, US 6 ; Sondage 5, US 2.
Céramique communePâte claire2Sondage 5, US 2.
TCATuile imbrex> 1Sondage 1, US 2.
ScorieRéduction et forgeSondage 1, US 1et 2.
ScorieCuivreuse1Sondage 1, US 2 ; sondage 2, US 6.
MétalPic en fer1Sondage 5, US 2 (fig. 105, nº 3).
MétalCoin en fer1Sondage 5, US 2 (fig. 105, nº 4).
FauneOs et dents> 23Sondage 1, US 2 ; Sondage 2, US 6 ; Sondage 5, US 2.
Tabl. 14. Inventaire synthétique du mobilier du Goutil incluant les données de Dubois & Métailié 1991
(sondage 1 à sondage 5). NR : nombre de restes.
Fig. 102. Datations radiocarbone du Goutil Ouest. E. Meunier 2018

Pour la ou les phases antérieures à la période médiévale, on dispose de l’indication donnée par des tessons de panse d’amphores italiques (non ramassés) qui sont nombreux à être mêlés aux remblais à proximité de l’entrée, en plus de celui identifié à la surface du sondage (tabl. 14). Cela nous indique une activité au Ier siècle av. n. è., tout comme dans le réseau Est, ce qui est assez logique. L’état des recherches ne permet pas d’être plus précis sur l’ampleur de l’activité à cette période. Un démarrage antérieur n’est pas exclu non plus, les deux datations et le mobilier de surface étant largement insuffisants pour caractériser vraiment la chronologie de cette mine.

Les données de surface

Le relief autour de la mine du Goutil est peu prononcé et donc favorable à des installations, que ce soit pour l’habitat des mineurs ou des ateliers. Cinq sondages avaient été ouverts au nord de cette mine par C. Dubois et nous avons pu réaliser une prospection géophysique dans la parcelle située de l’autre côté de la route (fig. 86, en vert). La prospection géophysique, par mesure de la résistivité électrique et de la susceptibilité magnétique, n’a rien révélé qui puisse être mis en relation avec des structures archéologiques (Meunier 2015, 20-21). L’ancien exploitant de la parcelle nous avait pourtant signalé ses récoltes fréquentes de fragments d’amphores dans ce champ de pommes de terre. Sur les cinq sondages réalisés par C. Dubois, le 1, le 3 et le 4 n’ont livré que des couches de haldes* et de remblais, témoignant de l’exploitation au feu dans la mine proche. L’épaisseur du comblement sédimentaire dans les sondages 3 et 4, dépassant les 3 m, montre l’évolution importante de la topographie entre la période de fonctionnement des mines et aujourd’hui (Dubois & Métailié 1991, 49-53 ; Dubois & Métailié 1992, 35-36 et fig. 17). Plusieurs des niveaux de remblais étaient porteurs de mobilier (tabl. 14). La sphère domestique est représentée par des amphores, de la céramique commune et campanienne et des tuiles. Des scories de fer et une scorie cuivreuse témoignent d’une activité de forge, très probablement destinée à subvenir aux besoins de la mine, et du traitement sur place du minerai du cuivre (Dubois et al. 1997, 205).

Les sondages 2 et 5 ont conduit chacun à la mise au jour d’une fosse (Dubois & Métailié 1992, 36-39 et fig. 18 à 25). Dans le sondage 2 (fig. 103), la fosse est ouverte dans le terrain argileux naturel, et scellée par une fine couche argileuse (US 5) avant d’être recouverte de remblais et de haldes* (US 2 à 3). Son comblement (US 6) renferme des petites scories cuivreuses et des fragments de paroi scorifiées, 4 clous et de nombreux tessons de céramiques variées et d’amphores. L’US 5, épaisse de 5 à 10 cm et horizontale, pourrait s’apparenter à un épandage marquant un niveau de sol. Hormis les tessons d’amphores, cette US a également livré des tessons de céramique commune non tournée. Les haldes* que l’on rencontre au-dessus contenaient également des amphores Dr 1A et de la céramique commune, accompagnées en haut de la stratigraphie par des tessons de céramique vernissée. Le fond d’une structure circulaire de 10 cm de diamètre a été identifié dans le substrat, au sud de la fosse (US 8).

Fig. 103. Sondage de surface nº 2, Le Goutil
(d’après Dubois & Métailié 1992, fig. 18). E. Meunier 2018

Dans le sondage 5 (fig. 104), la fosse s’ouvre dans des niveaux de remblai ou de sédimentation argileuse et atteint sur le fond le terrain naturel. Son bord était délimité par des blocs disposés grossièrement. Elle est comblée par une argile brune compacte renfermant de la céramique commune, des tessons de Dr 1A et un petit morceau de scorie coulée (US 4). Le remblai recoupé par cette fosse (US 3) n’a pas livré de mobilier. Le second niveau de remblai (US 2), qui recouvre la fosse, contenait pour sa part de nombreux tessons de Dr 1A et différents types de céramique commune, ainsi qu’un pic et un coin de mineurs, en fer (fig. 105, 3 et 4). Leur position au sommet de la stratigraphie, dans une US de remblai, ne permet malheureusement pas de préciser leur chronologie, mais témoigne du travail à l’outil observé dans les réseaux.

Fig. 104. Sondage de surface nº 5, Le Goutil
(d’après Dubois & Métailié 1992, fig. 22). E. Meunier 2018
Fig. 105. Dessin du mobilier remarquable du Goutil. E. Meunier 2018

Ces éléments ne permettent pas de restituer précisément l’occupation de l’espace autour des mines. La chronologie donnée par le mobilier couvre le Ier siècle av. n. è. et pourrait remonter à la fin du IIe siècle av. n. è. selon les tessons de campanienne et d’amphore Dr 1A. Toutefois, un bord de jatte à double sillon externe en céramique commune provenant de la fosse du sondage 2 (US 6, fig. 105, 2) daterait quant à lui de la seconde moitié du Ier siècle av. n. è. (Dubois & Métailié 1992, 37). L’association de ce mobilier avec les haldes* confirme une phase d’exploitation de la mine à cette période, comme on pouvait le supposer avec le mobilier récolté dans les réseaux. Il indique aussi par son type la présence d’un habitat pour les mineurs dans les environs immédiats, sans que l’on puisse pour le moment préciser son emplacement. Les scories confirment quant à elles que le traitement du cuivre se faisait sur place pour la phase d’exploitation tardo-républicaine, et qu’une forge accompagnait le travail des mineurs. Là encore, les deux fosses mises au jour ne permettent pas de localiser ces structures avec précision, bien que les scories cuivreuses de la fosse du sondage 2 inciteraient à restituer un atelier dans un rayon très proche.

Le site du Goutil est donc un site complexe, qui associait pour la période tardo-républicaine mine, atelier et habitat. Il est très proche du réseau des Atiels, avec lequel il formait peut-être une seule unité, mais les données actuelles ne permettent pas de l’assurer. Les réseaux souterrains du Goutil sont les chantiers anciens encore accessibles les plus étendus du district. Ce sont aussi les moins bien connus en termes de chronologie, du fait de leur complexité, liée à la nature du gisement qui associe brèches* et filons sur plusieurs étages. La sédimentation importante entre les deux réseaux permettrait, avec des travaux d’envergure, de dégager des niveaux anciens sur une surface étendue et d’améliorer notre connaissance de l’organisation de l’exploitation. Le potentiel d’étude de ce site est loin d’être épuisé.

Mine d’Hautech
(Larbont)

Le site d’Hautech est l’un des plus étendus du district (fig. 106). Dix-sept vestiges miniers y sont répartis sur un espace de 200 m nord-sud pour 150 m est-ouest, entre 510 et 590 m d’altitude. Ils se trouvent à 500 m à l’ouest des travaux de La Tuilerie présentés plus bas (chapitre 4, p. 178). Une zone sans doute exploitée, mais perturbée par les plantations de pins, se situe entre ces deux ensembles. Cinq ouvrages miniers sont encore accessibles en souterrain, les autres sont comblés. Les références anciennes à ce site sont rares malgré l’étendue des vestiges. Elles se limitent à des mentions de vieux travaux. Les archives géologiques ne sont guère plus précises, aucune reprise récente n’ayant eu lieu sur place (Bertraneu 1958, 6). Les travaux de thèse de B. Fournier-Angot signalent tout de même des grattages pour l’exploitation de la barytine qui pourraient dater du début du XXe siècle (Fournier-Angot 1983, 167).

Fig. 106. Localisation des travaux d’Hautech (Larbont). E. Meunier 2022

Deux contextes géologiques sont signalés sur ce site. Le premier, décrit à partir du chantier HAU3, correspond à une fracture minéralisée en cuivres gris à gangue* de quartz et barytine en proportions variables. L’encaissant est une dolomie bleu-gris dévonienne inférieure ou moyenne, près du contact avec les terrains plus récents (Fournier-Angot 1983, 167). Le second contexte, décrit pour le chantier HAU9, correspond à un encaissant plus récent, la dolomie du Muschelkalk, renfermant une minéralisation interstratifiée (Dubois & Guilbaut 1982, 109). L’absence d’étude géologique d’ensemble ne permet pas de préciser où se trouverait la limite entre ces deux contextes.

Les premières prospections réalisées sur ce site n’avaient conduit à l’identification que de deux chantiers, correspondant à HAU9 et HAU3 sur la numérotation actuelle (Dubois & Guilbaut 1982, 108-111). Les travaux de 1991, en collaboration avec des spéléologues, ont permis d’approfondir la connaissance de ce site (Dubois & Métailié 1991, 26-45). Des ouvrages remblayés, non décrits individuellement, sont alors signalés et un chantier vertical de grande envergure a pu être exploré après équipement spéléologique (HAU5 actuel). Les deux ouvrages isolés au sud-ouest (correspondant à HAU16 et HAU17) sont également décrits dans le rapport de cette campagne. Cinq sondages ont été réalisés à l’extérieur des travaux, en 1991 également.

Une prospection systématique du versant en 2014 a permis de dresser un nouveau plan des vestiges miniers grâce à des relevés au GPS. Ensuite, les chantiers HAU9, HAU5 et HAU16 ont été explorés plus en détail, et un sondage a été réalisé dans la mine HAU9. Les observations dans les chantiers HAU5 et HAU16 ont été rendues possibles grâce à l’accompagnement des spéléologues du club de l’Arize8, qui se sont chargés de rééquiper le premier site et de sécuriser l’accès à la partie profonde du second.

Présentation d’ensemble des travaux

Les ouvrages miniers sont répartis suivant trois corps de minéralisation principaux (fig. 106, à droite). Le premier, à l’est, a donné lieu à huit ouvrages distribués sur près de 200 m nord-sud. Le deuxième correspond aux chantiers HAU9 à HAU15, échelonnés sur une centaine de mètres nord-sud. Enfin, les mines HAU16 et HAU17, distantes d’une dizaine de mètres en surface, communiquent en souterrain et ont exploité ce qui constitue le troisième corps de minéralisation. La végétation abondante autour de ces travaux a parfois empêché de les photographier.

Les chantiers miniers ont attaqué la minéralisation depuis l’affleurement, par le biais de petites fosses, de puits ou de tranchées qui ont été approfondis. L’usage du feu semble être largement majoritaire sur les parois observables des différents ouvrages. Il faut tout de même signaler que les concrétions de calcite sont très fréquentes et limitent les observations sur bon nombre de parois. À l’exception des fosses HAU14 et HAU15, de plan rectangulaire (1,8 × 3 m), les autres fosses sont circulaires ou elliptiques (HAU2, HAU4, HAU8, HAU11, HAU13). Leur taille oscille entre 2 et 5 m de diamètre, la fosse HAU2 étant la seule à atteindre 10 m de diamètre (fig. 107, a). Une autre d’entre elles pourrait correspondre à une tête de puits bouchée (HAU6, diamètre 2 m). L’exemple de la fosse marquant l’emplacement de la mine HAU10 montre toutefois que ces petites entrées circulaires peuvent correspondre au départ de chantiers inclinés (ici accessibles sur 5,2 m de profondeur pour 35º d’inclinaison). Le chantier HAU12 est composé de deux fosses comblées séparées par un pilier central qui doivent communiquer en souterrain (fig. 107, b). Cette configuration se retrouve dans le chantier HAU5, où l’on trouve deux têtes de puits circulaires séparées par un pilier résiduel dans le prolongement de la tranchée qui sert d’accès aujourd’hui (fig. 107, c).

Fig. 107. Fosses simples ou doubles à Hautech. E. Meunier 2018

Les chantiers HAU3 et HAU7 se présentent sous la forme d’une tranchée. Celle du chantier HAU7 (L = 4 m ; l = 1,8 m max.) est comblée, mais on devine un prolongement en souterrain avec la partie supérieure d’une galerie visible juste au niveau du comblement (fig. 108, b). Pour HAU3, la tranchée a été approfondie et élargie, et elle communique vers le sud avec un puits obturé (fig. 108, photo a et relevés). Un front de taille* suspendu témoigne des premières phases de l’exploitation de ce chantier, qui se sont, de fait, déroulées majoritairement à ciel ouvert. Une série de trois encoches quadrangulaires est visible sur le parement ouest, entre 0,6 et 1,9 m de hauteur par rapport au sol actuel. Il s’agit probablement des négatifs d’un système de boisage, qui ne peut être restitué dans l’état actuel des connaissances (fig. 108, a). La sole* des travaux n’est pas visible sous les remblais et la végétation ; l’exploitation pourrait se poursuivre en profondeur. Le chantier HAU17 a également été exploité sous forme de tranchée, longue (> 15 m) et étroite (0,8 à 1,2 m). Sa profondeur totale n’est pas connue, car elle est remblayée et envahie de végétation (fig. 108, c).

Fig. 108. Chantiers en tranchée du site d’Hautech. E. Meunier 2018

Les mines HAU9 et HAU16 correspondent à des chantiers dont l’inclinaison est visible dès l’ouverture à flanc de versant. Le chantier HAU9, qui a fait l’objet d’un sondage, sera présenté en détail plus bas. Le chantier HAU16, souvent complètement noyé, a pu être exploré et photographié en 2017. Un relevé partiel du cheminement topographique permet d’en préciser les dimensions (fig. 109, en haut). Cet ouvrage se développe sur plusieurs étages et est accessible jusqu’à une profondeur de 5 m vers le nord et 11,5 m vers le sud. Le chantier a été foncé principalement en suivant l’inclinaison de la minéralisation (fig. 109, a et d), mais une petite salle voûtée à 4 m de profondeur vers le sud montre une autre façon de conduire les travaux (fig. 109, b). Une seconde salle au profil globalement incliné, qui constitue la limite du secteur accessible au sud, pourrait correspondre à un élargissement des travaux (fig. 109, c). Cette salle communiquait au sud-ouest avec la partie profonde de la tranchée HAU17, actuellement colmatée (contact sonore entre les deux ouvrages à travers le remblai). Les travaux se poursuivent vers le nord sur une profondeur inconnue du fait du comblement et de l’ennoyage des travaux (fig. 109, d). Les parties visibles des parois ne présentent pas de traces d’aménagements destinés à faciliter la circulation entre les différents niveaux. En surface, légèrement au sud des travaux HAU16 et HAU17, un fragment de lèvre d’amphore punique de type T-13.1.2.1 a été recueilli en prospection (fig. 118, b). Ce type d’amphore, provenant probablement de la région du détroit de Gibraltar, est daté entre le milieu du IVe et le milieu du IIIe siècle av. n. è. (Meunier & Luaces 2021, 197). Il s’agit d’un premier indice d’une exploitation de la mine d’Hautech pour ces périodes hautes et d’une indication précieuse concernant les réseaux de distribution auxquels les mineurs pouvaient avoir accès.

Fig. 109. Chantier incliné HAU16. E. E. Meunier 2022

Enfin, le point HAU1 correspond à une large dépression à l’extrémité nord du premier corps minéralisé. Adossé au versant, cette dépression a une profondeur maximale de 1,5 m et se poursuit vers le nord par une tranchée peu marquée (fig. 110). Le fond de la fosse est tapissé de blocs stériles que l’on devine à travers la végétation. Le sondage 5 de 1991 a été implanté dans une halde* en contrebas de cet ouvrage.

Fig. 110. Dépression HAU1 prolongée par une tranchée peu marquée,
vue vers le nord. E. Meunier 2018

Les prospections réalisées sur le versant n’ont pas permis de localiser d’emplacement pouvant correspondre à un habitat ou à un atelier. Le hameau de Sourre, qui abrite un crassier* de traitement du cuivre gris daté de la deuxième moitié du Ier siècle av. n. è. (Dubois et al. 1997, 207), pourrait être le lieu choisi par les mineurs pour s’installer. Les pentes raides autour des travaux ne sont pas spécialement propices à des aménagements. La prospection du seul champ labouré en contrebas n’a rien donné. Le sommet de la colline était occupé par une ferme aujourd’hui en ruine. Si des installations anciennes se trouvaient également sur ce point haut, aucune trace n’en est visible actuellement. Cependant, les tessons d’amphores italiques sont nombreux au sol, en particulier autour des mines HAU2, HAU3, HAU5 et HAU9, malgré la végétation. Une phase d’activité au Ier siècle av. n. è. avec une installation fixe à proximité est donc certaine (voir la synthèse du mobilier de ce site, tabl. 16).

CatégorieTypeNRCommentaire
AmphoreItaliqueEn surface.
AmphoreDr 1 et gréco-italique tardive9US 101, HAU9.
LithiqueMeule1US 101, HAU9. Quart de meta en diorite aux arêtes usées ayant pu être réutilisé en broyon.
AmphoreGréco-italique Vb1HAU5, cote -38 (fig. 118, a).
AmphorePunique T-13.1.2.11En surface, près de HAU16-17 (fig. 118, b).
AmphoreDr 1ASD1, US 1 et 2 ; SD2, US 2 ; SD3, US 2 ; SD5, US 2, 4 et 5.
Céramique communeGrise2SD1, US 2 ; SD 5, US 2.
Céramique communeNoire7SD5, US 2 – décor incisé.
CampanienneLampe Ricci E1SD2, US 2 – pied de la lampe.
MétalClou1SD5, US 2.
LithiquePilon1SD5, US 5. Pilon en granit, usé.
MétalScories ferrugineusesSD1, US 2 – rares.
Tabl. 16. Inventaire synthétique du mobilier d’Hautech,
incluant les données de Dubois & Métailié 1991. NR : nombre de restes.

Les sondages réalisés par C. Dubois n’ont pas livré de structure archéologique en place mais différents niveaux de remblais et de haldes* associés à du mobilier céramique (Dubois & Métailié 1991, 39-44). Le sondage 1 a livré un niveau de haldes* reconnaissable par la présence de blocs et écailles de dolomie associés à des charbons, reposant sur le substrat. Ces haldes* remplissaient également une petite fosse profonde de 0,5 m, creusée dans le substrat, non décrite. Le terrain naturel a été atteint à 1,6 m de profondeur. Des tessons d’amphore Dr 1A sont signalés dans la halde*, ainsi qu’un bord à bourrelet interne en céramique commune grise. Les sondages 2 et 3 présentent la même stratigraphie que le premier sondage, avec l’ajout d’un niveau argileux jaune mêlé à des blocs de dolomie entre la halde* et le terrain naturel. Leur profondeur est respectivement de 1,1 et 0,75 m. Les amphores Dr 1A sont encore présentes et un pied de lampe campanienne de type E de Ricci se trouvait dans les haldes* du sondage 2. Le sondage 4 n’a permis l’identification que d’une couche de terre brune sur 1 m de profondeur, avec fragments de barytine et traces de carbonates de cuivre. Le substrat n’a pas été atteint. Enfin, le sondage 5 livre une stratigraphie un peu plus développée dans laquelle alternent haldes* (US 2 et 7) et fines couches sableuses (US 3), parfois sous forme de lentilles (US 5 et 6). Une couche d’argile brune s’intercale entre les niveaux de haldes* (US 4). Le substrat n’a pas été atteint à 1,75 m de profondeur. Les haldes* supérieures livrent des Dr 1A et de la céramique commune noire à décor ondé incisé sur l’épaule, ainsi qu’une lèvre de céramique commune grise à bourrelet et un clou en fer. La couche d’argile (US 4) contenait une lèvre de Dr 1A et une des lentilles sableuses (US 5) en a livré plusieurs tessons ainsi qu’un pilon usé en granite. Aucun mobilier archéologique n’est répertorié dans la halde* inférieure (US 7).

C. Dubois propose de voir dans les US sableuses du sondage 5 des résidus de lavage du minerai, qui aurait été concassé sur place comme l’indique le pilon en granit. Le lavage aurait pu se faire grâce aux eaux de mine provenant d’une galerie d’exhaure* qui déboucherait au niveau de l’ouvrage HAU1, dans la tranchée qui se développe vers le nord. Cette hypothèse est séduisante, mais ne peut être confirmée pour le moment. Aucun écoulement d’eau n’est visible au niveau de cette tranchée ; une coupe transversale en sondage permettrait de vérifier cette possibilité.

Le chantier vertical HAU5

Ce chantier est le plus étendu de ceux qui sont accessibles à Hautech. Il s’agit d’un ouvrage subvertical praticable, après équipement spéléologique, sur près de 46 m de hauteur et 88 m de longueur, orienté nord-sud (fig. 111). La largeur varie entre 0,6 et 1,3 m. Plusieurs secteurs sont comblés et le fond des travaux est noyé (fig. 112, c). Les concrétions de calcite sont abondantes sur les parois (fig. 112, a) et à certains endroits à la sole*. Les nouvelles explorations de ce réseau ont conduit à modifier ponctuellement le relevé de la coupe longitudinale présenté en 1991 (Dubois & Métailié 1991, 36). La partie profonde, dont l’équipement spéléologique est encore partiel, a pu être parcourue sur 30 m de plus et l’extrémité des travaux n’est pas encore atteinte. Ils se développent toujours sur toute la hauteur depuis la surface et doivent rejoindre les entrées HAU6, HAU7 et HAU8 identifiées au sud dans le prolongement de l’accès HAU5.

Fig. 111. Coupe du chantier HAU5 (d’après Dubois 1996, fig. 3). E. Meunier 2022

Les entrées de cette mine sont constituées par une tranchée profonde (fig. 112, a) et deux puits circulaires dans son prolongement (fig. 108, c). Le profil des travaux montre que l’exploitation s’est faite par étages horizontaux, dont on retrouve les négatifs sur certains fronts de taille* (fig. 112, b). Des piliers de roche transversaux laissés en place jalonnent l’espace souterrain, formant parfois des petites plates-formes (fig. 112, c). Leur présence contribue au soutènement de l’ensemble et ils ont pu jouer un rôle dans la circulation entre les différents niveaux d’exploitation. Leur relevé partiel limite cependant les possibilités de restituer l’organisation des déplacements à l’intérieur de la mine. Des encoches de petite taille (5 × 6 cm pour 2 à 3 cm de profondeur) ont été observées en plusieurs endroits du réseau sur les parements. Les concrétions de calcite ne permettent pas toujours de savoir si d’autres encoches leur faisaient face, et elles n’ont pas été reportées sur les relevés. On peut cependant les associer à un système de boisage pour faciliter la circulation des mineurs ou le transport du minerai et des stériles à évacuer, comme l’avait proposé C. Dubois (Dubois & Métailié 1991, 44).

Fig. 112. Vues du chantier HAU5. E. Meunier 2022

Sept galeries perpendiculaires ont été foncées à partir du chantier vertical, quatre vers l’est (fig. 111) et trois vers l’ouest. Celles qui se développent vers l’ouest ne dépassent pas un mètre de long, ce qui les apparente à des galeries de recherche. Le cas est le même pour la galerie qui s’ouvre à l’est à la cote -16,5 avec 1,5 m de longueur. Celle qui s’ouvre à la cote -18 vers l’est est comblée, ce qui ne permet pas de connaître ses dimensions. Les deux galeries foncées à l’est aux cotes -4,75 et -8,25 correspondraient plutôt à des ouvrages d’exploitation de filons croiseurs. La première, explorée en 1991, se développe sur 4 m de long et débouche sur un puits noyé au bout de 3 m. La seconde n’est visible que sur 1 m mais elle est remblayée et noyée, ce qui peut occulter un développement plus important.

L’intérêt de ce chantier, outre ses dimensions, réside dans l’uniformité des techniques mises en œuvre pour son exploitation dans l’ensemble de l’espace accessible. Il n’a pas connu de reprise récente. Seuls deux trous cylindriques observés sur le front de taille* à la cote -26 montrent un passage ponctuel au XIXe ou au XXe siècle pour des recherches alors non concluantes. Cette homogénéité semble indiquer une seule phase de travail, ou au moins une exploitation continue par des mineurs qui utilisent la même technique minière, sans variation dans la manière d’aborder le gisement. Cette caractéristique est à noter car un petit tesson de lèvre d’amphore gréco-italique a été recueilli sur le dessus des déblais à la cote -38, dans un secteur protégé du risque d’intrusion accidentelle de mobilier depuis la surface. Ce tesson est apparenté à la variante Vb du type gréco-italique, datée de la fin du IIIe siècle av. n. è. (Meunier & Luaces 2021, 196). Sa forme le rapproche plutôt des exemplaires les plus tardifs de ce type (fig. 118, a). Bien que cette chronologie n’ait pas la valeur d’une datation absolue d’un niveau d’activité dans les travaux, il s’agit tout de même d’un indice solide pour placer une phase d’activité au IIIe siècle av. n. è. dans ce chantier. Cette activité se serait prolongée (ou aurait repris) lors de la période tardo-républicaine comme l’indique le mobilier de surface, composé majoritairement d’amphores de type Dr 1 comme indiqué ci-dessus.

Cette mine est également celle à partir de laquelle C. Dubois propose l’existence d’une galerie d’exhaure*, qui déboucherait au niveau du point HAU1. Si cette possibilité se confirmait, elle serait la seule de tout le district à disposer de ce genre d’aménagement. Nous avons pu constater que le niveau de l’eau baissait rapidement au fond des travaux en période sèche (automne-hiver 2017), comme dans d’autres réseaux pour lesquels l’absence de galerie d’exhaure* est plus claire. La possibilité d’une évacuation naturelle de l’eau, par des fissures dans la roche par exemple, a pu suffire à maintenir l’exploitation à sec, couplée à une évacuation manuelle pour les périodes de forte pluviosité.

Le chantier incliné HAU9

Le chantier incliné HAU9 se trouve à l’extrémité nord du deuxième groupe de travaux nord-sud. Foncé depuis l’affleurement, il est accessible sur un peu plus de 11 m de profondeur (fig. 113 et vidéo 2). Le fond des travaux est noyé et remblayé (fig. 114, c) mais on y distingue la partie supérieure d’un creusement qui correspond à un autre étage d’exploitation en profondeur. Un pilier stérile sépare le secteur nord remblayé du secteur sud dégagé (photo fig. 113 et fig. 114, a). Les étages d’exploitation situés jusqu’à la cote -8 correspondent à un ouvrage incliné qui a suivi de près la minéralisation, avec un élargissement entre les cotes -5 et -7,5 formant une petite salle triangulaire (plan fig. 113 et fig. 114, b). La partie inférieure présente un profil différent. Une large coupole d’ouverture au feu forme un dôme de 2,3 m de diamètre maximal donnant à cet espace un profil sphérique ouvert vers le bas (fig. 114, c). Une extension de l’exploitation vers le sud est aussi formée par une coupole de 1,2 m de diamètre pour 1,5 m de haut. L’extrémité nord de cet étage, étroite et inclinée, est colmatée par des blocs stériles qui proviennent de la partie nord de ce petit réseau. Le profil visible correspond à ce que l’on a aux étages supérieurs. L’accès actuel à cette partie basse se fait par une petite lucarne de 50 cm de diamètre, qui a pu être percée pour faciliter la circulation de l’air lors de l’attaque au feu de ces étages (fig. 114, b à l’arrière-plan). Aucun élément destiné à favoriser la circulation verticale des mineurs n’a été identifié dans cette mine. Les concrétions abondantes ne facilitent cependant pas les observations (fig. 114, a et b).

Fig. 113. Le chantier incliné HAU9. E. Meunier 2022
Fig. 114. Vues du chantier HAU9. E. Meunier 2022

Deux datations radiocarbone proviennent de ce chantier. La première a été réalisée sur un charbon prélevé à la sole* du renfoncement sud, à la cote -9,5 (fig. 115, en bas). Il se trouve en effet que les charbons résiduels d’une des dernières attaques au feu sont restés en place dans ce renfoncement. Un prélèvement avait été réalisé dans ce niveau charbonneux par C. Dubois pour analyse anthracologique mais les charbons n’avaient alors pas été datés (Dubois 1996, 41). Nous avons de nouveau prélevé des charbons au même endroit, pour datation. Le résultat obtenu est médiéval et correspond au XIVe siècle9.

Fig. 115. Datations radiocarbone du chantier HAU9. E. Meunier 2018

Le profil dissemblable des étages supérieurs et inférieurs et la présence de tessons d’amphores italiques à la surface des remblais et à l’extérieur de cette mine ont motivé la réalisation d’un sondage dans les étages intermédiaires, plus susceptibles d’avoir conservé des niveaux d’activité anciens. Le sondage a permis de réaliser une section au niveau du passage entre le secteur sud, ouvert, et le secteur nord, remblayé (fig. 116), et de dégager la sole* horizontale au centre de l’étage -6. La numérotation des US est continue entre ces deux espaces (tabl. 15).

Nº USType d’USInterprétationPour datation
Passage entre les secteurs nord et sud
US 101Remblai de haldes*AbandonMobilier (tabl. 16)
Sole au centre de l’étage -6
US 102SédimentationAbandon
US 103ConcrétionAbandon
US 104Négatif de remblaiActivité proche
US 105ConcrétionAbandon
US 106Niveau de circulationActivité localeCharbons
US 107Négatif de creusementActivité locale
Tabl. 15. US du sondage dans la mine HAU9.

Certaines de ces US appellent quelques explications. Le négatif de remblai correspond à un espace vide de 10 à 12 cm de hauteur entre les deux niveaux de concrétions US 105 et 103 (fig. 116, photo). Cet espace n’a pu se former que parce que l’US 103 s’est déposée au-dessus d’un petit niveau de remblai qui recouvrait le sol à cet endroit. Les concrétions de l’US 103 ont été brisées et seul un liseré adhère encore à la paroi, ce qui nous permet d’identifier cette couche. Les concrétions de l’US 105 sont plus épaisses et n’ont pas été cassées. Il a fallu piqueter le sol pour pouvoir passer au travers pour atteindre le rocher, ce qui n’a été fait que sur une petite surface.

Fig. 116. Stratigraphie du sondage dans le chantier HAU9. E. Meunier 2022
Fig. 117. Diagramme stratigraphique du sondage dans HAU9. E. Meunier 2022
Fig. 118. Amphores anciennes d’Hautech : a. Gréco-italique Vb ; b. Amphore punique T-13.1.2.1
(d’après Meunier & Luaces 2021, fig. 5). E. Meunier 2022

La fouille du passage entre les secteurs nord et sud a été approfondie sur 1,2 m, jusqu’à ce qu’il soit clair qu’aucune sole* n’était conservée à une profondeur atteignable sans ouvrir une grande extension de sondage. Les mineurs ont travaillé en descendant progressivement et seuls des petits décrochements au parement ouest témoignent des différents niveaux de travail. Le remblai massif et homogène de l’US 101 correspond à une halde* repoussée dans le chantier à une période indéterminée qui ne permet d’établir aucun phasage. Les nombreux tessons d’amphores italiques (tabl. 16) indiquent tout de même une activité entre la fin du IIe siècle av. n. è. et le Ier siècle av. n. è., de la même manière que le mobilier identifié dans les sondages de C. Dubois et en surface autour des travaux. On signale également un quart de meta en diorite qui présente des traces de percussion sur les côtés comme si ce fragment avait été réutilisé comme broyon, peut-être pour le concassage du minerai. Ces déblais miniers peuvent provenir du chantier HAU9 lui-même ou du chantier proche HAU10.

La petite sole* au centre de l’étage permet quant à elle de distinguer cinq phases d’alternance entre activité et abandon (fig. 151). La première correspond au creusement de l’étage et à la formation d’un premier niveau de circulation, marqué par l’US 106. S’ensuit une période d’abandon qui permet la formation d’une couche de calcite sur la sole*, l’US 105, alors que la mine reste ouverte. Une phase de reprise d’activité correspond à la formation d’une couche de remblai peu épais, l’US 104, qui vient recouvrir les premières concrétions. Une nouvelle phase d’abandon conduit à la formation de la deuxième couche de calcite, l’US 103. Enfin, la cinquième et dernière phase correspond à une dernière reprise d’activité ou à une recherche au cours de laquelle le niveau de concrétion supérieur est cassé (US négative 107) et le remblai de l’US 104 dispersé. Le dépôt terreux de l’US 102 peut alors recouvrir l’US 105 mise à nu.

Les charbons de l’US 106 correspondent à la plus ancienne période d’activité identifiable dans cette mine ; ils ont été préservés par la couche de calcite US 105 de contaminations postérieures. La datation radiocarbone de l’un d’entre eux donne une date calibrée entre les IVe et IIIe siècles av. n. è.10, bien antérieure à la chronologie du mobilier amphorique provenant de ce petit réseau minier (fig. 115). La différence de profil entre les étages supérieurs et inférieurs peut donc être attribuée à une différence chronologique de creusement de ces étages, les plus profonds correspondant au Moyen Âge alors que ceux du haut datent de la période gauloise. Pour cette phase, le pilier central conservé à partir de la cote -4 permet de proposer une exploitation simultanée par deux équipes jusqu’à la cote -7 où la jonction est faite entre les secteurs nord et sud. Dans cette configuration, il reste peu de place pour l’activité tardo-républicaine révélée par le mobilier, qui n’a peut-être consisté, dans ce chantier, qu’à effectuer des recherches.

La formation du remblai de l’US 104 pourrait être attribuée à la phase du Ier siècle av. n. è. Son faible volume pourrait être cohérent avec une activité de recherche assez limitée. Dans ce cas, la rupture de la concrétion supérieure correspondrait à la période médiévale. La question de la chronologie du comblement de la partie nord du chantier pose tout de même un problème. On imagine en effet assez mal pourquoi ce comblement si massif de la partie nord a laissé la partie sud libre de tout déblai ou presque. Il semblerait plus logique que les haldes* repoussées dans le chantier à un moment où l’activité minière n’était plus d’actualité, et après la formation de l’US 103, aient envahi l’ensemble du chantier. Elles auraient ensuite été dégagées lors d’une phase de reprise ou de recherche, qui correspondrait à la rupture de la concrétion de l’US 103. L’épaisseur faible de l’US 102 indiquerait plutôt un dégagement récent, aucune nouvelle concrétion ni sédimentation d’importance ne s’étant reformée dans cet espace pourtant en contact direct avec le jour. Dans ce cas, l’US 104 aurait pu se former à la période médiévale et le négatif du creusement de l’US 107 correspondre à une phase de recherche plus récente, soit au début du XXe siècle soit au XVIIIe siècle, puisque les vieux travaux de Sourre, qui peuvent correspondre à Hautech, sont mentionnés par de Dietrich (fig. 45).

Chronologie de l’exploitation sur Hautech

Le site d’Hautech dans son ensemble a connu trois périodes d’activité (fig. 115 et tabl. 16) : la première entre les IVe et IIIe siècles av. n. è., mise en évidence par les datations radiocarbone, la deuxième entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è., évidente par le mobilier tardo-républicain abondant, et la troisième au XIVe siècle, là aussi révélée par le radiocarbone. Concernant l’intervalle de dates radiocarbone calibrées des IVe-IIIe siècles av. n. è., les deux tessons d’amphores anciennes recueillis dans le chantier HAU5 et près du chantier HAU16-17 nous placent plutôt à la fin de la période. Cela dit, l’ampleur du chantier HAU5 et la profondeur (-38 m) à laquelle le tesson a été trouvé n’est pas incompatible avec un démarrage du chantier plus tôt au IIIe siècle voire dès le IVe siècle. Ces deux tessons demeurent des éléments ténus qui ne peuvent pas à eux seuls caractériser toute la chronologie ancienne du site.

Globalement, on peut distinguer à Hautech deux façons de mettre en œuvre les creusements. D’une part, on trouve les chantiers relativement étroits, ouverts au feu, suivant de près la minéralisation et utilisant des piliers stériles pour le soutènement, qui dominent les volumes anciens accessibles : HAU5, HAU9 jusqu’à la cote -8, HAU16 jusqu’à la cote -5. Les départs de chantiers comblés HAU6, HAU7 et HAU8 qui doivent communiquer avec HAU5 en profondeur, sont à ajouter à cette liste. Le chantier HAU17 peut aussi être inséré dans ce groupe, tout comme le chantier HAU3, un peu différent car une partie de l’ouvrage est à ciel ouvert, mais le secteur souterrain correspond à ce premier schéma. La seconde catégorie de travaux se définit par des creusements de grands volumes, ouverts au feu également, que l’on retrouve dans les niveaux inférieurs de HAU9 et HAU16. Si des structures boisées de soutènement ont été utilisées à cette période, on n’en a pas de traces et seul un pilier stérile dans la partie basse de HAU16 peut se rattacher à cette période tardive. La chronologie du chantier HAU9 permet d’attribuer ces deux morphologies à des périodes différentes : l’intervalle des IVe-IIIe siècles av. n. è. pour le premier et le XIVe siècle pour le second.

Une meilleure précision chronologique permettrait de savoir ce qu’il en est pour les travaux tardo-républicains. Pour ces derniers, on ne dispose pas de datation absolue d’un niveau d’activité dans un chantier pour connaître leur typologie à cette période. Si le chantier HAU9, par ailleurs de dimensions relativement réduites, semble bien avoir été vidé à la fin du IIIe siècle av. n. è., les nombreux ouvrages comblés et l’ampleur du grand réseau HAU5 permettent d’envisager une continuité de l’activité à l’échelle du site au cours de tout le IIe siècle, malgré quelques décennies indécelables en l’absence de mobilier caractéristique ou de datation. Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne la morphologie, on ne distingue pas de troisième catégorie qui permettrait de rattacher une partie des chantiers à la phase tardo-républicaine. On se trouve plus probablement face à une mise en œuvre de l’exploitation dans des conditions similaires à ce qui a été fait lors des premières phases d’activité, c’est-à-dire avec des ouvrages ouverts au feu, suivant de près la minéralisation et utilisant un soutènement naturel par piliers.

La présence de mobilier d’importation (céramique et amphores) a été constatée sur de nombreux sites du district. Ce sont d’ailleurs les tessons d’amphores italiques de type Dressel 1 qui constituent souvent les seuls indices chronologiques. Ce type de mobilier est tout à fait courant sur les sites régionaux de la période, qu’ils soient en lien avec l’exploitation minière et métallurgique ou avec des activités tout autres. Les amphores plus anciennes telles que la gréco-italique Vb et l’amphore punique T-13.1.2.1 sont quant à elles plus rares en dehors de la frange côtière ou des sites liés au grand commerce méditerranéen. Leur localisation sur un site minier à environ 150 km de la côte témoigne d’une insertion au moins indirecte de ces mines dans les principaux réseaux de distribution de la période, ce qui ouvre de nouvelles perspectives à propos des débouchés possibles pour les productions locales. Ce sujet sera plus amplement abordé dans la troisième partie.

Notes

  1. Les cotes des travaux sont indiquées en mètres et calculées par rapport à l’axe de relevé de l’entrée du réseau, et ce pour toutes les mines de l’Arize.
  2. Géologue, professeur à l’Université de Montpellier.
  3. Identification par Laurence Benquet, INRAP.
  4. US 203 : écorce de hêtre ; US 404 : brindille indéterminée. Identification V. Py et R. Cunill Artigas (Géode).
  5. M. Lopez, Université de Montpellier et E. Chanvry, géologue post-doctorante.
  6. Datation ETH-55853 : 622 ±27 BP soit 1293-1333 et 1336-1398 cal AD. Branchette d’aulne de 4 cernes avec écorce. Identification V. Py (Géode).
  7. Datation Gif-8926 : 520 ±50 BP, effectuée sur branchette de hêtre de 7 à 8 cernes. Identification C. Dubois.
  8. Nicole Ravaïau, Jean Bayot, Léna Olivier, Pierette Courillon-Havy, Richard Lebas et Aurélie Rieunaud.
  9. Datation ETH-55854 : 627 ±27 BP, soit 1289-1398 cal AD. Brindille de hêtre à 2 cernes (identification V. Py, Géode).
  10. Datation Poz-92446 : 2225 ±30 BP, soit 380-203 cal BC. Brindille indéterminée (identification R. Cunill Artigas, Géode).
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
74 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Les réseaux anciens bien préservés”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 97-170 [en ligne] https://una-editions.fr/les-reseaux-anciens-bien-preserves [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.14
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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