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Chapitre 5.
Les réseaux anciens inaccessibles

par

Une partie des réseaux n’était déjà plus accessible lors des recherches menées par C. Dubois et J.-E.Guilbaut. Les choses n’ont pas changé pour ceux-ci, mais il faut leur ajouter le site de Lagarde, dont l’accès déjà limité aux travaux souterrains a été condamné par un glissement de terrain. L’inaccessibilité des réseaux anciens peut être due à deux facteurs1, parfois conjugués. Le premier est le comblement des travaux, naturellement ou volontairement à la suite de leur abandon. Les chantiers à ciel ouvert ont été particulièrement concernés par ces rebouchages, suivis de la reprise de la végétation. Dans le cas de chantiers souterrains, il est possible que seule l’entrée soit bouchée et que l’intérieur du réseau soit ensuite dégagé. Il n’était cependant pas envisageable dans le cadre d’une thèse de se lancer dans des opérations de désobstruction. Le second facteur est la reprise d’exploitation à l’explosif de certains gisements, qui a entraîné la destruction des ouvrages précédents dans des proportions variables. Le fait qu’aucune reprise récente de grande ampleur n’ait eu lieu dans les mines de cuivre de l’Arize limite toutefois leur portée, bien que certains sites soient fortement touchés.

Pour cette série de mines, sans accès aux réseaux miniers, les données disponibles se limiteront donc aux éléments visibles en surface (départs de travaux, anomalies topographiques, mobilier) et aux éventuelles données d’archives. Ce sont néanmoins des informations significatives pour définir l’extension des exploitations dans ce district.

Mine de La Calotte
(Rimont)

Les données dont nous disposons au sujet de la mine de la Calotte proviennent des archives minières, qui décrivent les travaux de recherche entrepris par Gaston Lacroix dans la première décennie du XXe siècle. Il s’agit de la mine la plus à l’ouest du district, qui est également la seule à être encaissée dans les schistes viséens. La minéralisation renferme des cuivres gris argentifères dans lesquels l’arsenic est plus fréquent que l’antimoine, ce qui correspond au pôle de la tennantite (Ulrich 1908, 4). La minéralisation est constituée de deux filons principaux parallèles orientés globalement nord-est/sud-ouest et séparés de 6 à 7 m. Ils sont recoupés par de nombreux filons croiseurs orientés nord/sud ou encore est/ouest. Des imprégnations en petites veines sont visibles dans les schistes au toit* et au mur* du filon (Anonyme 1907b). Les filons principaux ont une puissance irrégulière variant de 0,6 à 1,5 m. Des pincements multiples leur donnent une structure de colonne en chapelet. Des boules d’ophite* avec des inclusions de cuivres gris sont également signalées (Ulrich 1908, 2-4).

Les recherches menées sur ce site ont recoupé des vieux travaux à plusieurs niveaux (fig. 137). Ces derniers ont été reconnus sur une extension maximale de 150 m de longueur pour 90 m de hauteur, et le fond des travaux n’a pas été atteint (Anonyme 1907a). Les recherches récentes sont descendues jusqu’à 53 m de profondeur sous l’étage 0, qui correspond à l’entrée, proche du niveau du ruisseau (Ulrich 1908, 3). Les problèmes d’exhaure* rencontrés lors de ces recherches, avec une source dont le débit atteignait 200 L/s à l’étage -25, posent la question des moyens utilisés dans les travaux plus anciens pour s’en prémunir. C. Dubois a pu relever dans d’autres archives qu’un fragment de seau en bronze avait été trouvé lors des recherches minières du début du XXe siècle, ce qui pourrait être mis en relation avec un système d’exhaure* (Dubois & Métailié 1991, 66-67). Aucun travers-banc* dédié à cette fin n’a été identifié, le relief ne s’y prêtant d’ailleurs pas.

Fig. 137. Plan de la mine de la Calotte en 1909 (d’après Anonyme 1909). E. Meunier 2022

On sait par ces archives que les vieux travaux ont été creusés à la pointerolle et qu’ils ont suivi de près la minéralisation, se resserrant ou s’élargissant selon les variations de sa puissance. Les filons croiseurs ont été exploités de la même manière, donnant lieu à des ouvrages plus étroits. Une partie des vieux travaux était vide, mais certains secteurs avaient été remblayés. Dans un des secteurs profonds, les recherches récentes ont pu montrer que les vieux travaux s’étaient arrêtés sur un étranglement de la minéralisation sans chercher à la retrouver au-delà par une galerie à travers le stérile. L’ingénieur des mines, rédacteur anonyme de ce rapport, en conclut que les Anciens n’avaient pas complètement perçu la nature en chapelet discontinu de la minéralisation (Anonyme 1907b ; Ulrich 1908, 3-4).

Actuellement, ces ouvrages ne sont plus décelables que par deux départs de travaux comblés et par les haldes* étalées sur le versant, que l’on perçoit au sol malgré la végétation envahissante (fig. 138). Près du ruisseau, une tranchée donnant accès à une ancienne entrée bouchée (CAL1) correspond vraisemblablement à l’entrée de l’étage 0 des recherches du début du XXe siècle. La tête de puits effondrée (CAL2 – fig. 138, photo) pourrait correspondre à la cheminée de 7 m indiquée sur le plan d’archive à l’est du chemin de Pladelac. Une buse placée en bordure de la route actuelle (CAL3), plus haut sur le versant, correspondrait également, selon les riverains, à un ancien accès condamné à la mine.

Fig. 138. Vestiges associés à la mine de La Calotte (Rimont). E. Meunier 2023

Toute la zone où s’étalent les haldes* est parsemée de tessons d’amphores italiques, visibles malgré la végétation. Le talus partiellement effondré d’une ancienne piste qui traverse cette zone nous a permis d’identifier une petite concentration de mobilier (fig. 139), dont une panse d’amphore Dr 1C complète, brisée à la base du col et au départ du pied. Deux petites scories se trouvaient avec ce mobilier, le tout étant mêlé à une couche cendreuse visible par intermittence dans l’épaisseur du talus, visiblement affectée par un glissement de terrain ancien.

Fig. 139. Mobilier de La Calotte, localisation sur le terrain et dessins. E. Meunier 2018

Le mobilier mis au jour est composé de plusieurs types d’amphores (tabl. 19)2. Tout d’abord, nous avons des fragments de panses d’amphore italique de type Dressel 1. Une lèvre provenait d’une Dressel 1A et une autre d’une amphore de transition entre les gréco-italiques et Dr 1A (fig. 139). Une quarantaine de fragments (panses) appartiennent à des amphores à huile de Brindes et cinq autres pourraient se rattacher à la forme Lamboglia 2. Ces derniers éléments nous situent plutôt au Ier siècle av. n. è., voire dans la deuxième moitié de ce siècle, alors que le type de transition entre gréco-italique et Dr 1A serait plutôt antérieur. Les tessons de panses de céramique commune et de céramique à pâte claire qui les accompagnaient ne permettent pas de préciser la chronologie.

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaires
AmphoreTransition Gréco-
italique/ Dressel 1A
Lèvre1Dessin CAL15-1, fig. 139
AmphoreDressel 1ALèvre1Dessin CAL15-2, fig. 139
AmphoreDressel 1CPanse1 
CommuneCuisson réductricePanse7Surface très érodée,
possibilité d’un décor
peigné
CommuneNon tournéePanse1 
AmphoreDressel 1Panse15 
AmphoreBrindesPanse42 
AmphoreLamboglia 2Col5 
Importation méditerranéennePâte claire récentePanse3 
MétalScorie 2 
AmphoreItaliqueDubois & Métailié 1991, 66
Tabl. 19. Inventaire du mobilier de La Calotte. NR : nombre de restes.

Lors de ses recherches, C. Dubois avait signalé des tessons d’amphores dans le lit du Maury en contrebas des travaux. Ils étaient associés avec des haldes* formant un ilot dans le ruisseau (Dubois & Métailié 1991, 66). L’ensemble du mobilier ainsi identifié autour des travaux de La Calotte permet de proposer au moins une phase d’activité au cours du Ier siècle av. n. è., peut-être dès la fin du IIe siècle. D’autre part, la présence de deux petites scories et la nature cendreuse de la couche associée semblent indiquer qu’un atelier se trouvait à proximité. Nos prospections n’ont toutefois pas permis de localiser l’origine de cette couche, ni d’identifier dans les environs une zone propice à ce genre d’installation (replat dans le versant par exemple). La végétation dense ne facilitait pas les explorations.

L’ampleur des travaux anciens reconnus lors des recherches du début du XXe siècle est particulièrement importante : 150 m de longueur pour 90 m de hauteur, dont au moins 40 m sous le niveau du ruisseau. Les descriptions sommaires de l’allure des travaux, à la pointerolle et suivant de près la minéralisation, ne constituent pas une indication chronologique par elles-mêmes. Il est possible que plusieurs phases d’activité se soient succédé pour former des chantiers de cette ampleur. Dans ce cas, le Ier siècle av. n. è. constituerait l’une d’entre elles, sans que d’autres éléments sur le terrain nous permettent de préciser à quel moment se seraient déroulées la ou les autres phases.

Mines de Douach
(Rimont)

Le groupe de travaux de Douach, situé sur la commune de Rimont, était signalé par C. Dubois et J.­E. Guilbaut pour les tessons d’amphores à pâte orangée (panses, épaulement et une anse ovoïde) identifiés autour des travaux (Dubois & Guilbaut 1982, 114). Il s’agit d’un ensemble de vestiges miniers répartis sur 150 m est-ouest entre les cotes 585 et 615 m (fig. 140). La minéralisation, filonienne, contient de la chalcopyrite* et des cuivres gris, ainsi que de la galène*, dans une gangue* barytique. Ce gisement serait lié au contact entre les calcaires griottes rouges du Dévonien au sud et les calcaires cristallins du Viséen au nord (Anonyme 1903, 4 ; Dubois & Guilbaut 1982, 114).

Fig. 140. Le site minier de Douach (Rimont). E. Meunier 2022

Les travaux les plus à l’est (DCH1) correspondent à une galerie de recherche moderne qui s’ouvre dans le creux du vallon. Une autre entrée d’un réseau moderne se trouve au point DCH2 (fig. 141, a). Ce réseau peut se parcourir sur quelques dizaines de mètres tout au plus, avant d’atteindre des secteurs comblés. Un puits noyé témoigne de la poursuite des travaux en profondeur. En remontant le versant vers le sud-est, on observe des entrées comblées à la base de l’affleurement rocheux, DCH3 (fig. 141, b). Il est possible que celles-ci soient plus anciennes et aient constitué les premières attaques sur l’affleurement, avant la reprise par une galerie plus bas. Enfin, 50 m plus au sud-est, on trouve trois tranchées comblées, DCH4 à 6, de 10 à 25 m de long pour une largeur de 2 à 3 m (fig. 141, c). Il pourrait là aussi s’agir de travaux plus anciens, sans certitude.

Fig. 141. Vue des ouvrages DCH2 (a) DCH3 (b) et DCH6 (c). E. Meunier 2018

Les réseaux accessibles présentent tous des traces d’exploitations récentes (trous de fleurets observés par endroits) et aucun vestige d’une phase antérieure n’a pu être observé. Les archives minières font état de recherches sur ce site (alors identifié sous le nom de Coumetorte) dans les premières années du XXe siècle. Les recherches ont été entreprises à partir de l’exploration de vieux travaux dans lesquels du cuivre gris et de la galène* avaient été identifiés (Anonyme 1904). L’exploitation ancienne semble avoir délaissé la galène* et s’être concentrée sur le cuivre, dont un filon de 0,8 m de large avait été dépilé. Des “haldes* anciennes abondantes” sont également signalées à proximité de ces travaux (Anonyme 1903, 3-4).

Aucun mobilier archéologique n’a été repéré sur ce site lors de notre prospection. Les tessons d’amphore italique signalés par C. Dubois et J.-E. Guilbaut sont les seuls indices chronologiques concernant ces travaux anciens. Les tranchées DCH4, 5 et 6 et les entrées bouchées DCH3 sont les seuls éléments qui pourraient correspondre à des vestiges cohérents avec une exploitation antique. Leur comblement et la végétation empêchent d’en observer les parois pour confirmer l’utilisation de techniques anciennes. La prospection des alentours n’a pas non plus permis d’identifier de vestiges liés à un habitat ou à un atelier.

Mine de Lagarde
(La Bastide-de-Sérou)

La colline de Lagarde renferme deux types de minéralisations : d’une part une minéralisation barytique à galène*, cuivre gris et chalcopyrite* et d’autre part du minium, un oxyde de plomb (Pb3O4). Ce dernier a fait l’objet d’exploitations récentes (XXe siècle) sous forme de fosses à ciel ouvert localisées sur les versants ouest et sud-est de la colline. Les travaux anciens ont concerné la minéralisation barytique à sulfures de plomb et de cuivre, située sur le versant nord-est, entre les cotes 480 et 520 (fig. 142). Cette minéralisation affleure sous la forme d’un gros amas barytique et se retrouve en souterrain encaissée dans la dolomie dévonienne (Dubois & Guilbaut 1982, 104). Des recherches minières ont été menées sur ce site, concluant au manque d’intérêt économique des minéralisations, mais signalant des grattages et deux galeries anciennes (Bertraneu & Bois 1959, 2).

Fig. 142. Localisation des vestiges de la mine de Lagarde
(La-Bastide-de-Sérou). E. Meunier 2022

Actuellement, ces travaux sont masqués par un bois de feuillus dense. L’accès qui existait encore dans les années 1980 à un petit chantier souterrain est désormais condamné par un glissement de terrain. On peut tout de même observer en surface plusieurs fosses de petites dimensions (2 à 3 m de diamètre), comblées, et les grattages sur l’affleurement barytique (fig. 143). Un puits d’environ 8 m de profondeur pour une largeur maximale de 1,2 m à l’ouverture pourrait permettre d’atteindre la partie souterraine, mais l’instabilité du terrain à proximité rend tout accès très dangereux. D’autre part, il s’agit d’un puits creusé lors des recherches menées au cours du XXe siècle sur ce site et il n’est pas sûr qu’il recoupe les travaux anciens. Les haldes* très instables s’étendent en contrebas des vestiges miniers jusqu’au bas du versant, rendant la progression délicate.

Fig. 143. L’affleurement barytique de Lagarde objet de grattages,
précédé d’une tranchée. E. Meunier 2018

La partie du réseau explorée par C. Dubois et J.-E. Guilbaut avait livré des panses d’amphores italiques (Dubois & Guilbaut 1982, 104). Ces auteurs y signalent également une galerie d’un mètre de large ouverte à l’outil, qui pourrait correspondre à la phase antique de l’exploitation. Des travaux d’entretien de la piste qui longe la Goutte de Lagarde et l’ouverture d’une autre piste au nord des travaux entre 2014 et 2015 nous ont par ailleurs permis de récolter quelques lèvres d’amphores italiques, en mauvais état (tabl. 20 et fig. 144). Les coupes fraîches des talus n’ont pas permis d’identifier de niveaux en place qui pourraient être à l’origine de ces tessons. Les niveaux superficiels semblent avoir été fortement remaniés lors des travaux récents. La chronologie de l’exploitation, selon les éléments disponibles actuellement, comporte deux phases : une première au Ier siècle av. n. è. et une seconde au XXe siècle.

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaires
AmphoreItaliquePanse3 
AmphoreDressel 1Lèvre1Dessin – LAG14-1, fig. 144
AmphoreDressel 1Lèvre1Dessin – LAG14-2, fig. 144
AmphoreItaliquePanse4Dubois & Guilbaut 1982, 104
Tabl. 20. Inventaire du mobilier de Lagarde. NR : nombre de restes.
Fig. 144. Dessin du mobilier de Lagarde.
E. Meunier 2018

Mine du Coffre
(Cadarcet)

Les vestiges miniers du Coffre sont en grande partie occultés par la végétation et le comblement des travaux. On distingue seulement des reliefs artificiels dans le terrain, notamment des petits ravins prononcés et étroits sous les arbres, en rupture avec la pente naturelle du versant (fig. 145). Il est presque impossible de reconnaître les trois entrées de galerie décrites par C. Dubois et J.-E. Guilbaut et signalées dans les archives minières (Dubois & Guilbaut 1982, 105 ; Anonyme non daté). Des recherches minières récentes menées à partir de vieux travaux entre 1899 et 1900 ont donné lieu à une petite exploitation d’une minéralisation de pyrite et cuivre gris (Clouet 1964, 10). C. Dubois précise que les deux galeries les plus à l’est étaient encaissées dans les calcschistes du Dévonien et que la troisième s’ouvrait dans le calcaire, également du Dévonien (Dubois & Guilbaut 1982, 105). Les deux premières galeries étaient déjà bouchées jusqu’à la couronne* lors des premières prospections. La troisième, qui devrait correspondre au travers-banc* de l’exploitation du début du XXe siècle, était effondrée à moins de 3 m de l’entrée.

Fig. 145. Plan des vestiges du secteur du Coffre – Berni (Cadarcet). E. Meunier 2018

En contrebas des vestiges les plus à l’ouest, une halde* s’étale sur le versant. Elle renferme de nombreux tessons d’amphores de grande taille remontés à la surface autour des terriers de blaireaux. Les plus représentatifs ont été collectés (tabl. 21 et fig. 146). De fait, le mobilier archéologique est abondant tout autour des vestiges miniers. Les riverains du site confirment que des amphores et autres pots en céramique, pas toujours conservés, ont été trouvés régulièrement3. Ceci est d’autant plus remarquable que l’environnement se prête peu à la prospection : hormis quelques parcelles labourées au nord du site, le reste de l’espace est constitué de bois et de prés. Le lit des ruisseaux livre aussi des tessons de panses d’amphores en nombre. C. Dubois et J.-E. Guilbaut avaient eux aussi pu recueillir du mobilier varié : amphores de type Dr 1A, coupe campanienne A de type Lamb. 33 et une scorie cuivreuse. Une lampe en campanienne A de type Ricci E leur avait également été montrée par l’un des riverains (Dubois & Guilbaut 1982, 105-106).

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaire
AmphoreIndéterminéPanse3 
AmphoreIndéterminéAnse1Section ovale
CommuneCuisson oxydantePanse1 
AmphoreDressel 1BPanse1 
AmphoreDressel 1BAnse1 
AmphoreDressel 1ALèvre1CFR15-1, fig. 146
AmphoreDressel 1BLèvre1CFR15-2, fig. 146
AmphoreTarraconaisePanse2 
AmphoresDressel 1ALèvreDubois & Guilbaut 1982, 105-106
Campanienne ALamb. 33Bord1
Campanienne ALampe Ricci E 1
Tabl. 21. Inventaire du mobilier du Coffre. NR : nombre de restes.
Fig. 146. Dessin du mobilier de la mine du Coffre.
E. Meunier 2018

Un atelier a de plus été identifié en contrebas de la mine, dans la zone labourée (fig. 145, en violet). Au mobilier céramique et amphorique s’ajoutaient en effet à cet endroit des scories et parois de four ou de foyer. Une prospection géophysique et un sondage ont été réalisés sur cette parcelle ; nous y reviendrons dans le chapitre 7 de cette partie sur la métallurgie. L’extension reconnue des vestiges (travaux miniers et mobilier) atteint près de 15 ha, ce qui, étant donné le contexte peu favorable à la prospection, laisse à penser à une occupation stable regroupant mine, atelier et habitat. L’habitat se situait probablement au sud-ouest des travaux, d’où les cours d’eau peuvent drainer les tessons observés. La scorie signalée par C. Dubois et J.-E. Guilbaut près du ruisseau, en amont des labours, peut être isolée ou indiquer qu’un deuxième secteur d’atelier se trouvait plus au sud. Les prospections ne permettent pas d’aller au-delà de ces suppositions.

La chronologie donnée par le mobilier s’étend sur le Ier siècle av. n. è. avec une possibilité d’un démarrage de l’occupation dès la fin du IIe siècle. Le fait que les travaux miniers soient inaccessibles ne permet pas de confirmer s’il s’agit de la seule phase d’exploitation, mais les tessons mêlés aux haldes*, tout comme l’atelier en contrebas des travaux, confirment une activité à cette période.

Mine de Moutou
(Cadarcet)

La mine de Moutou fait partie de la concession moderne de Montcoustand qui a connu plusieurs phases d’activité récentes. Un filon de plomb-zinc découvert au milieu du XIXe siècle est à l’origine des recherches et plusieurs chantiers ont été menés au début du XXe siècle sur d’autres filons similaires à proximité, jusqu’aux dernières phases de recherche dans les années 1960 et 1970 (Clouet 1964, 4-7). Ces minéralisations n’avaient pas fait l’objet de travaux antérieurs. En revanche, d’importants vestiges miniers anciens sont signalés un peu plus bas sur le versant depuis le XIXe siècle. Ces documents indiquent une exploitation de cuivre (chalcopyrite* et cuivre gris dans une gangue* de quartz et ponctuellement de barytine), mais l’encaissant, attribué au Dévonien, n’est pas décrit (Clouet 1964, 3 ; Dubois & Guilbaut 1982, 107). Le polymétallisme à l’échelle du Massif est bien illustré par la proximité de ces différentes minéralisations.

Les vestiges actuellement visibles se situent dans un bois et juste en lisière de celui-ci. Comme le laissaient entendre les documents anciens et les archives (Mussy 1870, 256), ces chantiers ont une extension assez importante. Ils sont répartis en deux groupes correspondant à deux corps minéralisés différents. Le premier, à l’ouest, a généré des travaux visibles sur une longueur d’environ 120 m, orientés est-ouest, noyés au milieu des houx. Le second, à l’est, s’étend sur 80 m nord-sud pour 60 m est-ouest (fig. 147).

Fig. 147. Plan des travaux de Moutou (Cadarcet). E. Meunier 2018

Le groupe occidental, MOU1 à 5, est constitué d’entrées effondrées, de fosses comblées et d’une tête de puits (comblée à 5 m de profondeur), le tout environné de haldes*. Des petits fragments d’azurite dans les haldes* indiquent la présence de cuivre dans la minéralisation exploitée. Ces travaux sont étagés entre 550 et 620 m d’altitude. Des tessons d’amphores italiques récoltés dans le ruisseau en contrebas indiqueraient une phase d’activité entre la fin du IIe et le Ier siècle av. n. è. (Dubois & Métailié 1991, 63).

Le second groupe (MOU 6 à 13) présente des vestiges de plus grande envergure, entre 580 et 620 m d’altitude. De grandes fosses grossièrement circulaires (MOU10, 11 et 12, 15 à 20 m de diamètre) et une tranchée (MOU8, 3 m de large)4 côtoient deux affleurements massifs qui ont fait l’objet de grattages multiples (MOU6 et 7). Deux fosses plus petites (MOU9 et 13, 5 m de diam.) complètent l’ensemble (fig. 148). Ces fosses sont bien évidemment comblées, tout comme la tranchée. On ne peut pas dire en l’état si les travaux se développaient en souterrain ou s’il s’agissait de petites exploitations à ciel ouvert. Les haldes* ont un faible volume, mais ont pu être étalées ou évacuées pour les besoins de l’agriculture. Quelques tessons d’amphores italiques et tarraconaises ont cependant été identifiés autour de ces fosses (tabl. 22). La chronologie correspondrait donc au Ier siècle av. n. è., comme l’indiquaient les tessons d’amphore Dressel 1A signalés par C. Dubois le long de la piste menant aux travaux (Dubois et al. 1997, 206).

CatégorieTypeÉlémentNRCommentaire
AmphoreItaliquePanse2 
AmphoreTarraconaisePanse1 
AmphoreDressel 1ADubois et al. 1997, 206
Tabl. 22. Inventaire du mobilier de Moutou. NR : nombre de restes.
Fig. 148. Vue des vestiges miniers MOU 6 et MOU13. E. Meunier 2018

Outre les vestiges miniers, il faut signaler vers le sud un crassier* lié à la métallurgie des non-ferreux, qui s’étend sur environ 200 m2 au milieu des arbres (Dubois et al. 1997, 210). Aucun mobilier autre que les scories n’a été recueilli dans ce crassier*, qui reste donc non daté malgré les diverses campagnes de prospection. L’opposition du propriétaire à la réalisation d’un sondage ne permet pas de résoudre cette question. Une scorie prélevée par C. Dubois lors de ses prospections a tout de même été analysée par F. Tollon (Dubois et al. 1997, 210). Nous y reviendrons plus bas, au chapitre concernant la métallurgie.

Mine de Gayet
(Cadarcet)

Les archives géologiques indiquent que la mine de Gayet est encaissée dans les calcaires dolomitiques du Dévonien et que la minéralisation de cuivre gris se trouve dans une gangue* barytique (Dubois & Guilbaut 1982, 106). Les reconnaissances menées sur ce site en 1878 ont mis au jour de très vieux travaux avec une galerie de près de 10 m sur des filons et un chapeau de fer contenant du cuivre (Clouet 1964, 19). Ces travaux se présentent actuellement sous la forme d’une grande fosse creusée dans le versant, où la végétation a repris ses droits (houx et feuillus). D’autres anomalies topographiques, situées entre 50 et 80 m au nord, pourraient correspondre à des vestiges miniers difficilement caractérisables ou à des haldes* remaniées (fig. 149). La galerie indiquée dans les archives n’est plus visible sur le terrain. Peut-être démarrait-elle depuis le fond de la fosse.

Fig. 149. Plan des travaux de Gayet (Cadarcet) et vue de la moitié ouest de la fosse
(cliché C. Tămaş). E. Meunier 2018

Nous avons réalisé un levé topographique de la fosse en 2014 (fig. 150). Globalement circulaire, elle s’ouvre vers le nord et présente une excroissance vers le sud. Son diamètre maximal est de 42,5 m dans le sens est-ouest et 46 m dans le sens nord-sud. Un ressaut rocheux central (largeur moyenne de 3 m), également orienté nord-sud, sépare la fosse en une zone orientale plus étroite (12 m en moyenne) et longue (63 m avec l’excroissance au sud) et une zone occidentale plus large (30 m en moyenne) et inscrite dans le plan circulaire principal. Cette barre rocheuse a été laissée en place car elle était stérile en cuivre. Il s’agit en effet d’un affleurement barytique massif. La profondeur actuelle de la fosse est de 5 m dans la partie est et 7 m vers l’ouest. L’excroissance au sud correspond à une prolongation de l’exploitation depuis la zone circulaire principale.

Fig. 150. Restitution topographique de la fosse et vue de la moitié est
avec détail de l’affleurement barytique. E. Meunier 2018

Aucun élément antique n’est actuellement visible en surface près de ces travaux. Dans la partie est, le fond de la fosse est tapissé de petits blocs à peine recouverts de végétation, ce qui indique des activités plutôt récentes. Cependant, trois sondages avaient été réalisés par C. Dubois à proximité de la grande fosse, vers le nord. Si deux d’entre eux n’ont rencontré que des haldes*, le troisième a livré du mobilier antique et un échantillon de minerai de cuivre (Dubois & Métailié 1991, 57-62). La proximité des maisons de Gayet et l’utilisation de ces dépressions comme dépotoir jusqu’à une période récente ont sans doute contribué à détruire une bonne partie des installations liées à l’activité minière.

Mine de Matet
(Saint-Martin de Caralp)

Le site de Matet est référencé pour l’exploitation du cuivre, du plomb et du fer, et la roche encaissante de ces minéralisations est une dolomie dévonienne (Clouet 1964, 21 ; Dubois & Guilbaut 1982, 112). Les travaux n’étaient déjà plus accessibles lors des premières prospections. Seules deux entrées immédiatement comblées avec une halde* et deux tranchées récentes avaient alors pu être repérées. Lors de nos prospections (fig. 151), nous avons pu retrouver ces tranchées, orientées est-ouest, à 605 m d’altitude (MAT1 et MAT2). Larges d’un peu plus d’un mètre, elles sont envahies de végétation et on ne connaît pas leur profondeur. Outre ces tranchées, des travaux bouchés sur affleurement ont été identifiés une centaine de mètres plus à l’ouest (MAT3). Une petite paroi rocheuse verticale d’un peu plus de 2 m de haut située à la cote 570 a fait l’objet de grattages, qui se poursuivaient probablement en souterrain (fig. 152). Enfin, une galerie de recherche ouverte à l’explosif (MAT4), située à mi-distance des tranchées et de l’affleurement, témoigne là encore des tentatives de reprises minières récentes avérées dans tout le secteur. Elle est accessible sur une quinzaine de mètres et se termine sur un front de taille* sans autre développement.

Fig. 151. Plan des travaux de Matet (St-Martin-de-Caralp). E. Meunier 2018
Fig. 152. Vue de l’affleurement MAT3. E. Meunier 2018

Aucun mobilier archéologique n’a été observé lors de nos prospections. Cependant, Mussy signale des “débris de poteries” et C. Dubois et J.-E. Guilbaut ont pu identifier trois petits tessons d’amphore italique dans les haldes*. Les tranchées, récentes selon ces auteurs, pourraient également avoir repris d’anciens travaux. Enfin, les grattages d’ampleur modeste et irréguliers observés sur l’affleurement MAT3 pourraient correspondre à la phase d’exploitation antique signalée par les tessons d’amphores. L’activité décelée autour des mines du Coffre, de Moutou et de Gayet au Ier siècle av. n. è. semble bien s’être étendue jusqu’au gisement de Matet.

Notes

  1. Les mises en sécurité récentes de chantiers miniers abandonnés sont un autre facteur de perte d’accès aux réseaux anciens, rarement pris en compte par les autorités chargées de la gestion de l’après-mine (Abraham 2009, 57-61 et 64). Cependant, nous avons la chance qu’aucune opération de ce type n’ait été menée sur les sites qui nous intéressent ici.
  2. L’identification des tessons a été réalisée par Laurence Benquet (Inrap).
  3. Nous remercions M. Fontan qui nous a permis d’observer le mobilier en sa possession, notamment des amphores italiques et tarraconaises, dont une presque entière.
  4. Les fosses comme la tranchée sont très larges et encombrées de bois morts enchevêtrés parmi les arbres encore sur pied, ce qui ne permet malheureusement pas de les photographier.
ISBN html : 978-2-35613-497-4
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EAN html : 9782356134974
ISBN html : 978-2-35613-497-4
ISBN pdf : 978-2-35613-499-8
ISSN : 2741-1508
12 p.
Code CLIL : 4117
licence CC by SA

Comment citer

Meunier, Emmanuelle, “Les réseaux anciens inaccessibles”, in : Meunier, Emmanuelle, L’exploitation minière dans le sud-ouest de la Gaule entre le second âge du Fer et la période romaine. Le district à cuivre argentifère de l’Arize dans son contexte régional, Pessac, Ausonius Éditions, collection DAN@ 10, 2023, 189-201 [en ligne] https://una-editions.fr/les-reseaux-anciens-inaccessibles [consulté le 03/11/2023]
doi.org/10.46608/DANA10.9782356134974.16
Illustration de couverture • Première  : Dans les calcaires du massif de l’Arize, les mines de cuivre argentifère.
Quatrième : Filonet de cuivre gris curé à l’outil dans la mine du Goutil Est (photo : E Meunier).
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