Il y a presque un quart de siècle, en 1997, grâce à Andrea Giardina, que je suis heureux de remercier à nouveau, j’ai pu publier un recueil de vingt de mes articles, dans la collection “Saggi di Storia antica”, qu’il dirigeait alors avec Augusto Fraschetti, et qu’il continue à diriger, aux éditions “L’Erma” di Bretschneider1.
Chaque article constituait un des chapitres du recueil, qui était divisé en deux grandes parties : d’abord, “Banquiers et financiers” (dix articles)2 ; ensuite, “Penser l’économie romaine” (également dix articles)3. Le recueil commençait par une préface d’une bonne douzaine de pages4.
Ces dernières années, quand j’ai cherché à publier un autre recueil de mes articles et quand les éditions Ausonius m’ont encouragé à leur proposer un projet, j’ai réfléchi à la manière dont il fallait bâtir ce second recueil. J’ai décidé de ne pas sélectionner les articles en fonction de la chronologie de leur rédaction et de leur publication. Il y a donc, dans le présent recueil, des articles très anciens. Par exemple, l’article n°6 (“M. I. Finley, la banque antique et l’économie moderne”), dans le premier chapitre, a été publié en 1977, et l’article n°22 (“Financiers de l’aristocratie à la fin de la République”), dans le chapitre 5, l’a été en 1978. Mais d’autres sont beaucoup plus récents. Ainsi, le n°19 (“Monumentalisation, finances publiques et vie économique”), qui fait partie du chapitre 4, a été publié en 2016.
J’ai choisi d’ordonner le recueil autour de plusieurs thèmes. Mais il m’a semblé que la banque et la vie financière ne devaient pas constituer des thèmes du nouveau recueil, même si certains articles pouvaient en traiter. En effet, depuis une vingtaine d’années, je ne me suis pas autant occupé de la banque et de la vie financière qu’auparavant. À l’inverse, même si je m’étais occupé de Rostovtzeff et de son œuvre avant la publication du recueil de 1997, je n’avais inclus dans ce premier recueil aucun article le concernant ; le thème “Historiographie”, qui était absent du recueil de 1997, méritait donc d’être retenu pour ce second volume. Le choix des articles et celui des thèmes se sont ensuite effectués plus ou moins parallèlement, et fort lentement, il faut le reconnaître.
Ils se sont effectués beaucoup plus rapidement à partir du moment où deux jeunes collègues m’ont proposé de m’aider dans cette entreprise : Marie-Adeline Le Guennec5 et Stéphane Martin6. Ils se sont plus particulièrement occupés des aspects informatiques et bibliographiques de la préparation du recueil ; je me trouvais en effet désarmé face au maniement des logiciels, et notamment du logiciel bibliographique Zotero, qui a été utilisé pour collationner les références et proposer une bibliographie unique en fin de volume. Mais leur rôle ne s’est pas limité à cela. Ils ont aussi contribué à la correction typographique des textes ; ils ont confectionné les index des sources antiques ; ils m’ont donné des conseils quant au nombre et au choix des articles, quant au nombre et au choix des thèmes. Et nous avons plus d’une fois discuté ensemble de la fonction et du contenu des Préfaces. Sans leur aide, j’aurais certainement eu beaucoup de mal à mener cette entreprise à son terme. Je ne saurais donc trop insister sur la reconnaissance que j’éprouve à leur égard.
J’ai finalement décidé de diviser le recueil en sept chapitres, chacun centré sur un thème, et de rédiger une préface pour chaque chapitre, qui introduirait brièvement aux articles le composant. Ces sept chapitres sont les suivants :
Chapitre 1 : Historiographie.
Chapitre 2 : Histoire des idées économiques.
Chapitre 3 : Marchés, prix et monnaie.
Chapitre 4 : Vie économique et politique impériale.
Chapitre 5 : Intérêts économiques des élites.
Chapitre 6 : Les Affranchis.
Chapitre 7 : Relations sociales et mobilité.
Les articles sont reproduits tels qu’ils avaient été précédemment publiés. La préface du chapitre contient quelques phrases, plus ou moins rapides, sur chacun des articles contenus dans le chapitre. Ces phrases, en général, expliquent la genèse des articles : à quelle occasion et dans quel cadre ils ont été rédigés et publiés. Dans quelques cas, j’exprime des réserves sur les conclusions auxquelles je suis parvenu dans l’article, et la préface esquisse une très rapide mise à jour de l’ensemble du propos ou de certains de ses aspects ; ou encore, la préface présente une bibliographie complémentaire et des commentaires sur cette bibliographie. C’est par exemple le cas pour l’article n°15 du chapitre 3 (“Le système monétaire partiellement ‘fermé’ de l’Égypte romaine”) ; le sujet de cet article a été largement renouvelé par les recherches de ces dernières décennies, et j’ai pu profiter, pour en donner un bref commentaire, des précieuses indications de F. Lerouxel.
Les préfaces me servent aussi à situer les contenus des articles par rapport aux débats en cours aux moments où ils ont été rédigés. Même si je me suis toujours efforcé, me semble-t-il, de donner le primat à la documentation et à la rigueur critique dans l’examen de cette documentation, j’ai aussi essayé de replacer mes recherches érudites dans le cadre des discussions et débats intellectuels en cours dans nos disciplines. Les débats dont il est question le plus souvent portent sur l’archaïsme et/ou la modernité de l’économie antique (“Controverse Bücher-Meyer”) et sur ses principaux thèmes. Mais je fais aussi allusion à des débats sur les esclaves (dans la Préface du chapitre 7), ou sur les intérêts économiques des chevaliers romains (Préface du chapitre 5 et article n°24 : “Intérêts non agricoles des chevaliers romains entre le IIe siècle a.C. et le IIIe siècle p.C.”), ou encore sur les rapports entre les faits économiques et les représentations auxquels ils donnent lieu (Préface du chapitre 3 et article n°11 : “Marchés, foires et prêts d’argent : histoire culturelle et histoire économique en Italie romaine”).
Entre les articles réunis ici, la Préface du recueil de 1997 et les Préfaces des chapitres du présent recueil, y a-t-il eu évolution ? Sur certains points, je suis convaincu que oui. C’est le cas pour la grande controverse appelée “Bücher-Meyer Controversy”. Il y a vingt ans, j’étais beaucoup plus impliqué dans les débats suscités par l’archaïsme et la modernité de l’économie antique. J’étais déjà convaincu qu’il fallait sortir de la controverse Bücher-Meyer, mais mes argumentations continuaient le plus souvent à s’inscrire dans la logique de ce débat. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Une telle évolution est, sans aucun doute, salutaire, parce qu’elle permet d’échapper aux raisonnements tout faits, mais elle n’a pas que des aspects positifs. La controverse, en effet, offrait un cadre conceptuel, un ensemble d’idées et de jugements. Les détails érudits, les diverses observations pouvaient trouver leur place à l’intérieur de ce cadre ; chaque aspect de la vie économique pouvait ainsi recevoir un certain coefficient de modernité ou d’archaïsme : opération bien trop commode et assez artificielle, mais qui présentait l’avantage de donner un sens aux moindres opérations techniques et aux moindres aspects des comportements économiques !
Sur d’autres questions importantes, mais moins vastes et davantage liées au détail de la documentation, j’ai évolué, ou bien au contraire j’ai constamment maintenu les mêmes conclusions. Sur les activités et les intérêts des chevaliers, par exemple, tout en étant fidèle aux principales orientations de l’enseignement de C. Nicolet, j’ai insisté, dans l’article n°24 du recueil, sur l’existence de minorités actives et originales à l’intérieur de l’ordre équestre. Pour le rôle de l’esclavage et les conditions des esclaves et des affranchis, il me semble avoir maintenu mes conclusions des années 1970, et cela jusqu’au livre que nous avons écrit ensemble, R. Descat et moi, au tout début de ce siècle7. Même chose en ce qui concerne la notion de “statut de travail”, dont j’ai reparlé récemment dans la Préface à la seconde édition de mon livre de 19878.
Les éditions Ausonius, de l’université Bordeaux-Montaigne, ont accepté de publier ce recueil d’articles, et je tiens à les remercier vivement. Ma reconnaissance va à Jérôme France, qui a dirigé l’équipe Ausonius ces dernières années, à Olivier Devillers qui la dirige aujourd’hui, à Sophie Krausz, Directrice d’Ausonius éditions, et à Stéphanie Vincent Guionneau, qui a énormément fait pour la réalisation de ce volume.
À la fin de cette Préface générale, je voudrais remercier en outre les divers organismes qui ont contribué à la publication des articles réunis dans ce volume, ainsi que les équipes au sein desquelles j’ai travaillé au moment où je rédigeais ces articles, à savoir : le Groupe de Recherches d’Histoire Romaine de l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg ; le Centre de Recherches Historiques (EHESS-CNRS) ; le Centre Louis Gernet de Recherches comparées sur les Sociétés anciennes (EHESS-CNRS) ; le Centre Gustave Glotz (Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et CNRS) ; enfin, le Centre AnHiMA (EHESS-EPHE-Universités de Paris 1 et de Paris 7) qui résulte de la fusion des deux centres précédemment nommés.
Notes
- Andreau 1997a.
- Ibid., 3-216.
- Ibid., 217-421.
- Ibid., VII-XXI.
- Docteure en Histoire de l’Université Aix-Marseille (2014), elle travaille sur les mobilités et les pratiques d’accueil dans l’Occident romain antique. Elle est notamment l’auteur de Le Guennec 2019.
- Docteur en archéologie (EPHE, 2013), il travaille sur la monétarisation et la romanisation des provinces gauloises et germaniques (Martin 2015, Martin, éd. 2016) et sur le stockage des céréales (Martin, éd. 2019).
- Andreau & Descat 2006.
- Andreau 2015, X-XII.