Introduction
Le vieux cimetière de Montcaret installé autour de l’église occupe une grande partie de l’espace de l’ancienne villa, et perce en plusieurs endroits les différents niveaux archéologiques (murs et sols principalement).
Les fouilles de P.-M. Tauziac, exécutées sur plusieurs campagnes, ont permis d’exhumer un grand nombre de sépultures. Nous n’en connaissons à l’heure actuelle ni le nombre exacte ni la chronologie. Plusieurs périodes doivent se succéder comme cela est souvent le cas dans les cimetières installés sur des vestiges antiques (haut Moyen Âge, Moyen Âge et Époque moderne). De plus, nous n’avons aucune indication sur les différents modes d’inhumations et les contenants utilisés. Le descriptif qui suit, n’est qu’une tentative d’approche typologique des sépultures encore visibles sur le terrain soit à l’emplacement même de leur découverte, soit à proximité, quand celles-ci ont fait l’objet de reconstitutions. Ce travail ne prétend donc pas à l’exhaustivité.
À titre indicatif, une trentaine de tombes a été répertoriée sur le site. Ce nombre est évidemment loin de représenter la quantité de sépultures qui pouvaient occuper l’espace de la villa au moment de la clôture du cimetière. Une visite sur le site nous a cependant permis de constater une certaine variété dans les contenants funéraires. C’est celle-ci que nous proposons de restituer.
Typologie et distribution
Quatre types de sépultures ont été observés en fonction de leurs formes ou des matériaux de constitution. Aussi, parmi les sarcophages monolithes, les coffrages de parpaings et de pierres, les fosses simples et les tombes aménagées dans les murs, constituent de par leur emplacement des sépultures originales.
Les sarcophages
Trois cuves fragmentaires en calcaire blanc sans couvercle correspondent à des sarcophages monolithes de formes trapézoïdales (Fig. 1). Ces cuves sont en position secondaire sur le côté sud de l’église, à l’exception d’une seule qui est en réemploi dans les fondations d’un bâtiment moderne au nord-est (ancienne maison du curé).
Les coffrages sont constitués de la juxtaposition de blocs ou de parpaings mis sur chant bout à bout par leurs petits côtés. Les parpaings utilisés peuvent être rectangulaires, d’assez grandes dimensions (Fig. 2) ou cubiques. Dans le premier cas peu de blocs suffisent à constituer une tombe. Des logettes céphaliques ont été observées sur quelques uns de ces coffrages. Celles-ci sont généralement en formes d’omégas ou de trapèzes. Les couvertures, quand elles sont préservées, sont constituées également par la juxtaposition de dalles calcaires plates relativement épaisses. Ces structures sont de formes rectangulaires, oblongues ou trapézoïdales, ce qui indique un resserrement des parties inférieures (zone des pieds).
Elles se répartissent à la fois sur le bâtiment antique et autour de l’église de manière isolée ou par petits groupes. Précisons qu’un grand nombre de ces structures a été reconstitué ce qui ne permet pas d’être totalement certain de leur position.
Les coffrages de pierres, sont composés d’une fosse entourée d’un rang de blocs calcaire grossièrement équarris. Leur forme est généralement oblongue (Fig. 3). Ils se situent essentiellement dans la zone de l’abside.
Les fosses simples que l’on peut reconnaître aujourd’hui, similaires aux précédentes mais non entourées de pierres, ont percé les canalisations qui ceinturent l’abside. Elles sont de formes oblongues, sans aménagement visible des parois (Fig. 4).
Les tombes placées dans les murs apparaissent plus originales car il est difficile de préciser si elles sont liées à des mises en place volontaires ou simplement dues au fait du hasard. Il s’agit de tombes creusées et aménagées dans l’épaisseur des murs arasés du bâtiment à abside. Ces derniers servent alors de parements de la même façon que les blocs des coffrages rectangulaires. La forme générale est oblongue et l’aménagement dans l’épaisseur du mur donne un effet assez rudimentaire à ces sépultures (Fig. 5).
Essai de chronologie
Dater ces sépultures longtemps après la fouille et surtout sans réel élément chronologique, que ce soit en raison du manque de mobilier ou de datation radiochronologique, n’est pas chose aisée. Nous savons seulement que par leur position topographique et stratigraphique elles apparaissent intrusives au plan d’organisation de la villa et ne sauraient donc relever de sa phase de fonctionnement à la période antique.
Par ailleurs, si la typologie des structures à partir de leurs formes en comparaison avec d’autres sites peut nous aider à aborder la question de la datation, elle ne saurait en aucun cas être une source sûre, celle-ci devant être généralement combinée avec les critères évoqués précédemment. À partir de la typologie nous ne pouvons rester que dans des fourchettes liées aux grandes périodes. À titre indicatif nous proposons les attributions chronologiques suivantes :
- Les sarcophages monolithes trapézoïdaux sont généralement associés au haut Moyen Âge (Ve-VIIIe s.) avec la possibilité de réemplois plus tardifs (plein Moyen Âge).
- Les coffrages de dalles et de moellons relèveraient plutôt du plein Moyen Âge (XIe – XIIIe) bien qu’on en trouve également dans le haut Moyen Âge.
- Les fosses entourées de blocs et les fosses simples restent de toutes périodes.
- Quant aux tombes aménagées dans l’épaisseur des murs il est impossible de se prononcer sur une période quelle qu’elle soit.
Élément lapidaire de Montcaret
Une pièce lapidaire décorée est présentée dans la petite salle d’exposition de Moncaret. Elle apparaît mentionnée dans les carnets de P.-A. Conil comme “couvercle de sarcophage d’enfant trouvé au chevet de l’église” (Conil, Carnet 10, 27) (Fig. 6). L’originalité de la forme et du décor, ainsi que la fonction présumée, incite à s’y intéresser de plus près.
Description
Il s’agit d’un bloc monolithe parallélépipédique taillé dans un calcaire coquillé blanc fin. Les côtés sont droits, la partie supérieure est en bâtière légèrement surbaissée (dimensions en m : 0,77 x 0,33 ; hauteur : 0,27 m d’un côté, 0,25 m de l’autre). Les rampants et les pignons des extrémités sont décorés (Fig. 6, 7).
Ce décor correspond à de larges bandeaux soulignant les arêtes des rampants, excepté la partie inférieure de l’un d’entre eux qui a disparu par sciage. Sur l’une des faces de rampants, le bandeau ceinture un décor géométrique incisé (lignes brisées développées sur deux rangées), et sur chaque pignon une croix au bras légèrement évasés est inscrite en relief dans un cercle.
Identification
À première vue, à l’instar de l’identification de P.-A. Conil, la forme en bâtière laisserait supposer un couvercle de sarcophage, mais ces dernières parties de structures funéraires, quand elles sont de cette forme, s’inscrivent en général dans un triangle, et il est rare que leur profil soit aussi pentagonal (en forme de maison). L’attribution à une tombe d’enfant ne peut, non plus, être vérifiée. Aussi, il nous paraît prudent de ne pas s’arrêter sur cette première interprétation, d’autant plus, que les travaux de M. Vieillard-Troiekouroff montrent que ce type de pièce lapidaire ne serait pas unique dans le paysage funéraire de l’ouest de la France (Vieillard-Troiekouroff 1961). Cet auteur, qui en a recensé un grand nombre en Poitou-Charentes1, Limousin et nord de l’Aquitaine, les range parmi les éléments funéraires de surface servant à signaler ou à rappeler l’existence de sépultures telles que peuvent l’être cénotaphes et plaques-tombales2.
Quelques exemples morphologiquement proches, notamment pour la forme en bâtière, mais aussi pour leur décor, sont signalés en 1961 dans les collections lapidaires des musées de Périgueux3 (24), de Niort (79), et au cimetière de Pers (79), (V-T, op. cit.), ou encore à Parthenay-le-Vieux (79) où deux exemplaires provenant du cimetière Saint-Pierre ont été exposés en 2002 au musée G. Turpin (exemplaires n° 21 et 22, Cavaillès et al., 2002).
La conception de ces structures funéraires, selon M. Vieillard-Troiekouroff, correspondrait à des imitations médiévales de l’art mérovingien. La symbolique des décors reprend alors des motifs géométriques ou végétaux du haut Moyen Âge (rouelles, cercles, croix, palmettes et entrelacs,…) dans des formes répétées et simplifiées (Vieillard-Troiekouroff 1961, 265). Sur le plan chronologique, l’auteur place ces réalisations dans le courant des XIIIe – XIVe siècles.
Sur l’exemplaire de Montcaret, l’ablation par sciage d’un des grands côtés, suggère une reprise de la pièce pour en réduire le volume, peut être pour en faciliter l’enchâssement dans une niche à la manière d’une couverture d’enfeu. En outre, le décor présent sur trois faces soulignerait la volonté d’exposition, au contraire de la quatrième face qui, moins décorée, reste cachée contre la paroi de l’enfeu. Cette dernière fonction, qui est séduisante en tant qu’hypothèse d’utilisation la plus probable, ne peut être vérifiée in situ : l’église de Moncaret, dans son architecture actuelle, et notamment à son chevet, ne comporte pas de telles niches funéraires.
En conclusion, nous dirons pour l’instant que cette pièce de lapidaire décoré correspond assez bien à la partie visible d’une tombe, à l’instar des cénotaphes et des plaques-tombales qui respectivement placés dans les cimetières et dans les enfeus servent à garder le souvenir des défunts.
Bibliographie
Typologie et distribution
- Bizot, B. (1987) : “Éléments pour une topographie et une typologie des inhumations et de leurs rites”, in : Regaldo-Saint Blancard, dir. 1987, 163-171.
- Colardelle, M. et al. (1996) : “Typo-chronologie des sépultures du Bas-Empire à la fin du Moyen Âge dans le Sud-est de la Gaule”, in : Galinié & Zadora-Rio 1996, 271-298.
- Galinié, H. et Zadora-Rio, E. (1996) : Archéologie du cimetière chrétien, Actes du colloque ARCHEA (Orléans 1994), Tours.
- Regaldo-Saint Blancard, P., dir. (1987) : Archéologie des églises et des cimetières en Gironde, Société Archéologique de Bordeaux, Collection Mémoires 1.
Élément lapidaire de Montcaret
- Cavaillès M., Flammin, A. et Thomas, S. (2002) : 150 ans de découvertes archéologiques à Parthenay, Catalogue d’exposition (9 février-4 avril 2002), Musée G. Turpin, Parthenay, 15 p., ill.
- Conil P.-A. : Carnet n°10.
- Pérouse de Montclos, J.-M. (1972) : Architecture, Méthode et Vocabulaire, Principes d’analyse scientifique. Ministère des Affaires culturelles, Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France, Paris, deux tomes.
- De Vogüé, M., Oursel, R. et Neufville, J. (1989): Glossaire de termes techniques de l’art roman, 4e édition, coll. La Nuit des Temps, Vézelay.
- Vieillard-Troiekouroff, M. (1961) : “Survivances mérovingiennes dans la sculpture funéraire du Moyen Age”, in : Art de France, Paris, 264-269.
Notes
- Rien qu’en Poitou-Charentes V-T en a recensé à Pranzac, Mouthiers, Claix, Vilhonneur, Saint-Séverin, Montbron, Mouton, Coulgens, Bécheresse, Brie, Chadurie, Valence, Cellefrouin, Exideuil, Chabanais, Ventouse (pour les Charentes), à Couhé, Morthemer, Moussac-sur-Vienne, Tercé, La Trimouille, Voulon et à Fleuré (dans la Vienne), et à Pers, Sainte-Soline, ou Saint-Maixent-L’École (dans les Deux-Sèvres) (V-T, 1961).
- Le cénotaphe est le monument commémoratif d’un défunt mais n’en contient pas le corps. La plaque tombale (ou dalle funéraire) est une pierre taillée en longue lame qui recouvre une sépulture, ornée souvent de l’effigie du défunt gravée en creux (définitions empruntées dans De Vogüé 1989).
- Pièces qui provenaient des communes de Coulaures et de Saint-Jory-Lasbloux (Dordogne).