À la fin du XVIIe siècles, le théâtre, alors en plein essor, connaît son âge d’or dans l’Angleterre d’Élisabeth I comme dans l’Espagne de Philippe II. En témoignent les œuvres respectives de Shakespeare et de Lope de Vega. Comment le personnage de Sir John Falstaff, sur les planches anglaises, et ceux de Luzmán, Castrucho, Fenisa, sur la scène espagnole, entrent-ils en résonance avec les pícaros du roman picaresque, et qu’apportent-ils à un genre essentiellement narratif ?
Dans « Shakespeare’s Rogues, with particular reference to the greatest of them all, Sir John Falstaff », Ronan Paterson se penche sur la polysémie du terme anglais rogue et en recense la récurrence dans les brochures populaires et les pamphlets contre la pègre du XVIe siècle, ceux de John Awdeley, de Thomas Harman et de Robert Greene, ainsi que dans le théâtre de Shakespeare. Il en interroge les multiples usages, en présente les variations qu’en propose la langue verte des gredins, le Peddlar’s French, avant de se concentrer sur le rogue par excellence, Sir John Falstaff, personnage porté à la scène dans trois pièces de Shakespeare en 1597 : Henry IV, First and Second Parts, et The Merry Wives of Windsor. Ce faisant, il nous invite à comprendre en quoi ce personnage a pu infléchir les connotations du mot rogue dans un sens positif, et lui donner, paradoxalement, ses lettres de noblesse.
Nous conduisant au cœur de l’Espagne du Siècle d’Or, Santiago Restrepo Ramírez explore, quant à lui, les relations intertextuelles et intergénériques entre le roman picaresque et la comédie de même style (« Lope en la nave de los pícaros: notas sobre la comedia del Fénix en el nacimiento de la picaresca »). Pour ce faire, il commence par distinguer utilement deux périodes, celle de la création pré-guzmanienne (1587-1593), puis celle qu’il nomme l’été picaresque (1604-1609). Puis, analysant la soif de profit et de reconnaissance sociale du pícaro, « su afán de medro », il nous invite à comprendre quel rôle les comédies de Lope de Vega qui mettent en scène ces personnages madrés ont joué dans la consolidation de la picaresque. Enfin, il porte une attention toute particulière à deux œuvres dont il analyse les points de rencontre : El caballero del milagro, pièce de théâtre que Lope de Vega écrit en 1593 et El viaje entretenido, texte protéiforme d’Agustín de Rojas Villandrando, publié en 1603.