Deux haches en bronze figurent dans la collection Tauziac du Musée de Montcaret. Il semble qu’une troisième hache ait existé1.
Nous devons à André Coffyn la redécouverte de ces objets grâce au dépouillement des carnets de Pierre-Auguste Conil, conservés alors aux archives de la Société Historique et Archéologique de Libourne2.
Hache n°1 (Inv. T-B-1)
La première hache avait été dessinée par Conil dans son carnet n°12 à la page 26. La première publication date de 19893, suite aux indications d’André Coffyn4. Elle a été trouvée dans le bourg, sans plus de précisions.
C’est une hache plate, massive, avec de très légers rebords martelés, à peine marqués. Elle appartient au type trapézoïdal allongé à bords rectilignes.
Ses dimensions sont les suivantes :
L = 127 mm, l au sommet = 30, l au milieu = 37, l au tranchant = 49 ; ép. lame maxi = 12, h des rebords = 0,2, poids = 321,14 g.
Cette pièce, issue d’un moule bivalve, est de très belle facture, avec une superbe patine vert foncé luisante. Dans un excellent état de conservation, on note tout de même la présence d’un choc récent au niveau d’un angle du talon (métal apparent) et le tranchant est grignoté par l’oxydation.
Le sommet ou talon est très mince, arrondi et large. Une des faces est plus bombée que l’autre. Les bords rectilignes ont été soigneusement martelés pour produire de légers rebords, à peine marqués, qui débutent assez loin du talon et se terminent au départ du tranchant, large et arqué par martelage.
Le tranchant, sur ses deux faces, présente une cannelure arquée, large de près d’un centimètre. Celle-ci résulte en fait de la juxtaposition de 4 plages martelées assez profondes et régularisées par un polissage soigneux. Les côtés ont été également polis après martelage, de même que l’ensemble de la pièce.
C’est un type de taille moyenne très répandu en France au cours du Chalcolithique et du Bronze Ancien. Hors contexte stratigraphique, sa datation précise est difficile, ce type de hache apparaissant depuis les environs de 3400 a.C., comme en témoigne la récente découverte de l’Homme du Similaum5.
La cannelure réalisée près du tranchant, n’a pas qu’une fonction ornementale, en effet, c’est un moyen efficace d’aider à la pénétration ergonomique du tranchant et éviter une casse par torsion au moment d’un impact en travers. Dans le cadre de nos recherches expérimentales au Parc Archéologique de Beynac, nous avons mis en place un protocole de recherches concernant précisément la réalisation de telles cannelures, larges et profondes, sans casser l’objet6. Pour obtenir de telles dépressions, il ne suffit pas de marteler le métal, et de nombreux problèmes techniques se posent. À chaud, le temps de martelage, même très court, entraîne la casse du métal. Durant trois ans, avec Louis Baumans, nous avons donc mené différentes expérimentations qui nous ont conduit à ces conclusions : ce type de cannelure est obtenu par percussion directe à froid, à l’aide d’un “matoir”, qui refoule le métal sans casse. Le matoir, d’abord utilisé avec une cadence lente pour dessiner la cannelure, est ensuite utilisé plus rapidement pour permettre de mater les bosses en un aller-retour7. La finition du décor se fait par polissage à l’aide d’un bâton de grès fin.
On connaît des exemplaires avec deux ou trois cannelures à Gièvres en Loir-et-Cher8 ou sur une hache de la région de Saumur9. Ce type de cannelure, rare en France pour cette période, est par contre abondant en Irlande à la même période10. Il deviendra plus courant au cours du Bronze moyen et notamment sous forme des décors en gerbe ornant des haches médocaines, à rebords élevés et même du type Centre-Ouest en Aquitaine6.
Hache n°2 (Inv. T-B-2)
La deuxième hache a été trouvée au Moulin de Nogaret11 au nord de la commune. En fait il s’agit plus précisément d’un ciseau très plat, avec de très légers rebords venus à la fonte, à peine marqués. C’est une pièce de type trapézoïdal à bords rectilignes, allongée et gracile.
Ses dimensions sont les suivantes :
L = 136 mm, l au sommet = 13,5, l au milieu = 22, l au tranchant = 34, ép. lame maxi = 7, h des rebords = 0,5, poids = 98,38 g.
Cette pièce, issue d’un moule bivalve, est en mauvais état de conservation, avec une patine vert foncé luisante. Les faces surtout, sont en état de conservation très moyen. L’oxydation a totalement rongé la surface du métal.
Le sommet ou talon est très mince, arrondi et étroit. Les bords rectilignes, à légers rebords venus à la fonte, ont été soigneusement martelés et polis. Les rebords débutent près du talon et se terminent au tranchant, large et arqué par martelage. Le tranchant, sur ses deux faces, présente les traces d’un affûtage particulièrement soigné qui rend cet outil très efficace. Les côtés ont été soigneusement polis après martelage et sont légèrement arrondis.
Sa gracilité en fait un outil lié au travail du bois, plutôt qu’une hache d’abattage.
Elle est nettement plus récente que la précédente et peut être datée du Bronze ancien. Elle se classe dans la série des haches à petits rebords, qui se rapproche du type suisse de Salez ou de Neyruz, qui montre un allongement notable du corps de la hache12.
On peut également la rapprocher des haches très minces, comportant des rebords d’un seul côté, provenant du dépôt de Blaye en Gironde, dont une partie est conservée au MAN (Briard & Verron 1976, 37, fig. 3) et l’autre dans l’ancienne collection De Gourgues au château de Lanquais (Dordogne), mais dont on sait à présent, grâce aux découvertes récentes de la côte médocaine, qu’elles appartiennent à l’âge du Cuivre, donc plus anciennes13.
Ces deux haches, et peut être une troisième que nous n’avons pas vue, appartiennent au début de la métallurgie dans notre région. Seule une analyse permettrait de mieux en connaître la constitution et donnerait des indications précieuses pour leur datation.
La hache massive, ornée de cannelures sur le tranchant est d’un type bien connu dans la région, mais sans le décor14, hélas le plus souvent sans contexte archéologique assuré. Il est fort possible que son apparition se situe au Néolithique Final, entre 3500 et 2800 a.C., mais il est plus vraisemblable de penser, en l’état actuel de nos connaissances, que c’est au IIIe millénaire qu’elles se diffusent dans notre région.
Par ailleurs, en Périgord, ou en Gironde, aucune preuve ne vient étayer l’existence d’une métallurgie en contexte Néolithique, ce qui laisse penser que ces objets doivent être, en l’état actuel de nos connaissances, considérés comme des objets importés, peut-être du Languedoc où la métallurgie du cuivre est attestée depuis l’extrême fin du IVe millénaire15.
Pointe de lance (?) en bronze (Inv. T-B-3)
Provenance : Montcaret “La Chalustre ; sur la hauteur en allant à Vélines” (Conil, Carnet 11, 31).
Cet objet, long d’environ 4,6 cm et large de 1,7 cm a été décrit par Auguste Conil comme étant la partie proximale d’une pointe de lance attribuable à la fin de l’âge du Bronze. Hypothèse reprise par André Coffyn, qui l’attribue à une pointe courte du type de Vénat16, donc de l’extrême fin de l’âge du Bronze (BF IIIb).
Le dessin, pas assez précis, car il manque notamment les cotes exactes et surtout la coupe, ne permet pas d’être affirmatif.
Il aurait fallu bien sûr avoir l’objet en mains pour un examen plus attentif, toutefois, le dessin met bien en évidence qu’il s’agit d’un bronze plein, or, la plupart des pointes de lance du Bronze Final sont creuses jusque vers la pointe. C’est pourquoi, nous pensons qu’il pourrait plutôt s’agir de la pointe d’une épée pistilliforme, et/ou plus probablement du type “langue de carpe”, comme on en connaît dans les dragages de la Dordogne à Port-Ste-Foy, située à quelques kilomètres en amont de Montcaret17. En effet, le renflement central qui va jusqu’au bout de la pointe semble caractéristique de ce type d’arme du Bronze Final IIIb en Aquitaine.
Bibliographie
- Baumans, L. et Chevillot, C. (2002) : “Techniques de production des haches à décor cannelé au Bronze Moyen en Dordogne”, Documents d’Archéologie et d’Histoire Périgourdine, 17, 5-16.
- Briard, J. et Verron, G. (1976) : Typologie des objets de l’äge du Bronze en France.Fasc.III : haches (1), Publication de la Société Préhistorique Française, Paris.
- Chevillot, C. (1989). : Sites et cultures de l’âge du Bronze en Périgord, Ed. Vesunna, coll. “Archéologies” 3, 1989, 2 tomes.
- Chevillot, C. (1998) : “Hache plate de Cendrieux et pointes de lance de la région du Fleix (Dordogne)”, Documents d’Archéologie et d’Histoire Périgourdine, 13, Périgueux, 5-12.
- Chevillot, C. et Moissat, J.-C. (2007) : “Une nouvelle hache plate en cuivre à Borrèze(Dordogne)”, Documents d’Archéologie et d’Histoire Périgourdine, 22, Périgueux, 3-10.
- Coffyn, A. (1991) : “À la recherche des bronzes perdus”, Documents d’Archéologie Périgourdine, 6, 35-46.
- Conil, A. : Carnet 12.
- Cordier G. (1976) : “Les civilisations de l’âge du Bronze dans le Centre-Ouest et les Pays de Loire”, in : La Préhistoire Française, tome II, Nice, 543-560.
- Cordier G. et Gruet, M. (1975) : “L’âge du Bronze et le Premier âge du Fer en Anjou”, Gallia-Préhistoire, 18, 157-287.
- Fleckinger, A. et Steiner, H. (1999) : Il fascino del Neolitico. L’Uomo venuto dal ghiaccio, Ed. Folio, Bolzano.
- Fleckinger, A. (2007) : Ötzi, l’Homme des Glaces, Ed. Folio, Bolzano.
- Harbison, P. (1969) : “The axes of the Early Bronze Age in Ireland”, Prehistorische Bronzefunde, 9, 1, 37-55.
- Klasen, L., Pétrequin, P. et Grut, H. (2007) : “Haches plates en cuivre dans le Jura français. Transferts à longue distance de biens socialement valorisés pendant les IVe et IIIe millénaires”, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 104, 1, 101-124.
- Roussot-Larroque, J., Bourhis, J.-R. et Briard, J. (1999) : “Une production métallique originale de l’âge du Cuivre dans le Médoc : pointes de Palmella et hachettes minces de Vendays-Montalivet (Gironde)”, in : Actes des 124e Congrès nationaux des Sociétés Historiques et Scientifiques, Nantes, “Systèmes fluviaux”, 273-284.
Notes
- Coffyn 1991, 40, fig. 4.
- Coffyn 1991, 35.
- Chevillot 1989, 63-64, pl. 141 n°2.
- Coffyn 1991, 40.
- Fleckinger & Steiner 1999, 85-89 ; Fleickinger 2007, 71-73.
- Baumans & Chevillot 2002.
- Baumans & Chevillot 2002, 14, fig. 16 à 19.
- Cordier 1976, 545, fig. 1 n°6.
- Cordier & Gruet 1975, fig. 3 n°7.
- Harbison 1969, 37-55.
- Conil, Carnet 12, 27 ; Coffyn 1991, 41.
- Briard & Verron 1976, 36-37.
- Roussot-Larroque 1999.
- Chevillot 1989 ; Chevillot 1998, 7-8.
- Klasen et al. 2007, 103.
- Coffyn 1991, 4.
- Chevillot 1989, pl. 322.