MARDI
Où il est question de ce que mangeaient les Pompéiens
Aujourd’hui, il fait beau et nous nous installons au jardin pour parler de ce que mangeaient les Romains.
Clémence, Louise et Ysatis nos trois gourmandes : Les Pompéiens romains connaissaient-ils le pain ?La nourriture était très différente selon que l’on était riche ou pauvre. Les pauvres et les paysans mangeaient surtout des bouillies et des galettes de céréales, qui tiennent bien au corps, et bien sûr du pain. On le distribuait même dans les périodes où c’était nécessaire pour éviter les émeutes des gens affamés.
Ysatis, toujours pratique : Comment faisait-on le pain ?Tout se faisait au même endroit. On apportait le blé qui était moulu en fine farine dans des meules en pierre dure (en pierre de lave rugueuse) actionnées par des mulets, et même parfois par des esclaves. Puis on façonnait les pains comme des brioches rondes. On les vendait sur le comptoir à côté du four. Ainsi, le dicton français qui prétend qu’ “On ne peut être à la fois au four et au moulin”, c’est-à-dire en même temps chez le meunier qui broie le blé et chez le boulanger qui cuit le pain, n’est pas vrai à l’époque romaine où tout se faisait à la chaîne dans les mêmes locaux.
Au premier plan se trouvent deux meules dont le haut est en entonnoir. On y versait le blé. Les trous rectangulaires et ronds servaient pour y installer des brancards en bois permettant de faire tourner la meule autour du cône fixe. Au fond, le four en briques où l’on cuisait le pain. C’est dans une boulangerie voisine, celle de Modestus, que 81 pains ont été retrouvés. Le boulanger, pris de panique devant le Vésuve en furie, a quitté sa boutique en oubliant ses pains dans le four.
Nicolas : Et les riches, que mangeaient-ils ?
À côté du pain et des céréales, ceux qui avaient de l’argent pouvaient manger des choses plus variées. Les grands festins étaient réservés au soir ; à midi, on se contentait de peu de chose. Voici le menu d’un festin, raconté par l’invité d’un nouveau riche, qui s’appelait Trimalcion :
Nicolas dégoûté : Mais comment ils pouvaient manger tout ça, ces choses bizarres !
Heureusement qu’on mangeait allongé sur des lits mis exprès, et sans se presser ; le festin durait parfois toute la nuit et, bien entendu, on accompagnait les plats de vin et on s’amusait beaucoup à chanter ou à réciter des poèmes. On pouvait “roter” à la fin du repas. Le vin était transporté dans des amphores très lourdes. Par contre, tu sais Nicolas que nos ancêtres les Gaulois, très malins, utilisaient, eux, le tonneau en bois qui ne se brise pas et que l’on roule facilement, même lorsqu’il est plein.
Tu sais qu’il n’y avait pas d’électricité, donc pas de réfrigérateur, et, par conséquent, on ne pouvait pas garder la nourriture longtemps sans qu’elle devienne mauvaise. Par exemple, pour manger du poisson frais toute l’année, sais-tu ce que les Romains ont inventé ?
Clémence rejointe par Louise : Non !Des viviers, c’est-à-dire des grands bassins d’eau salée qui venait par un canal de la mer à marée haute. Quand on avait besoin de poissons, on en pêchait le nombre nécessaire dans le bassin pour le repas. Et figure-toi que le grand général Jules César – celui qui a conquis notre pays lorsqu’il ne s’appelait pas encore la France, mais la Gaule – un jour, pour un festin, s’est fait apporter 6 000 murènes ! Tiens regarde cette peinture sur fond bleu de la mer, à gauche, il y a une néréide qui chevauche un taureau marin et, devant, nagent des poissons, dont le très gros, à droite, en forme de serpent, est une murène.
Ysatis toujours curieuse : Qu’est-ce que c’est des murènes ?Ce sont des poissons qui ressemblent à des serpents, très voraces, qui mangent les petits poissons pour se nourrir. Ils sont, paraît-il, très bons. Je précise que ce sont les Romains qui ont inventé les parcs à huîtres.
Nicolas : Moi je n’aime pas les huîtres. Louise : Moi non plus.Voici dans un premier temps le comptoir d'une boutique appelée “Thermopolium”. C'est là que s’arrêtent les clients pour manger et pour boire debout. Les grands vases à large embouchure, encastrés dans le comptoir, contenaient nourriture et liquides, tenus au chaud par un couvercle (qui manque).
Au fond, la peinture représente les dieux protecteurs de la maison. Ce genre d’établissement, intermédiaire entre le bistrot et le “fast-food” de notre temps, ouvrait souvent au carrefour de deux rues, là où circulait beaucoup de monde.
Sur un lit incliné de banquet dans le jardin d’une maison d’Herculanum. On s’allongeait en s’appuyant sur le coude gauche car la politesse voulait que l’on mange avec la main droite. Il manque les coussins et les couvertures, ouille !
Pour transporter une amphore pleine de vin, qui pesait une trentaine de kilos, il fallait bien être à deux, et costauds. On la portait au moyen d’une perche sur l’épaule.
Ces Romains, ils avaient parfois des goûts bizarres. Nous savons, par un cuisinier qui a laissé un livre de recettes, que les gens très très riches recherchaient des langues de rossignol, ce joli oiseau qui chante si bien.
Clémence les larmes aux yeux : Mais c’est méchant, ils étaient méchants ces gens-là !
Et si je te disais qu’ils se nourrissaient aussi de petits rongeurs, des loirs, qu’on élevait dans des pots spéciaux ! On en a retrouvé un à Pompéi. Il est en terre cuite, percé de trous et, à l’intérieur, le loir peut monter et descendre jusqu’à ses mangeoires pour grignoter les graines qu’il aime tant, et boire. C’est un animal qui est sauvage d’habitude et qui s’endort l’hiver quand le froid arrive.
Nicolas savant : Comme les ours, alors il hiberne, c’est la maîtresse qui me l’a dit à l’école.
Tu as raison, comme les ours. On dit même : “Dormir comme un loir”. Alors, avant de passer son hiver à dormir, le loir se met à manger, à manger énormément. Lorsqu’on l’enferme dans ce pot en terre cuite après l’avoir attrapé, comme il fait tout noir tout d’un coup, il se dit que l’hiver est arrivé et qu’il faut, vite, vite, qu’il mange beaucoup.
Louise très décidée : J’aimerais bien avoir un petit loir à la maison, puisque maman ne veut pas d’un hamster, mais je ne le mangerai pas.
“Battez ensemble quatre œufs, une hémine (un quart de litre) de lait et une once (trois cuillers à soupe) d’huile, de manière à bien les mélanger. Dans une grande poêle, faites chauffer un peu d’huile et versez-y le mélange. Lorsque ce sera bien cuit, retournez sur un plat, arrosez de miel, saupoudrez de poivre et servez chaud.”
Des chiens, il y en avait plein. Ils servaient pour garder les troupeaux, aller à la chasse et garder la maison comme je vous l’ai déjà expliqué. Pour la chasse, c’étaient des bêtes longues et fines comme des lévriers ; on en voit sur des peintures et des mosaïques qui coursent les cerfs ou les sangliers. Les chiens de garde, quant à eux, ressemblaient plutôt à nos chiens-loups actuels. On les a représentés à l’entrée des maisons avec une inscription en latin pour avertir les passants : “cave canem” [Attention au chien]. C’était de redoutables bêtes.
Ysatis : Est-ce qu’on les aimait ?
On peut en douter quand on voit qu’à Pompéi, au moment de l’éruption, le propriétaire d’une maison a oublié de détacher son chien qui est mort à la chaîne. Peut-être avait-on voulu le laisser pour garder la maison et éviter que des voleurs viennent piller, en profitant de la panique pendant l’absence des maîtres ?
Juste à côté se trouve un colombier en terre cuite. Ce bâtiment était consacré au logement, à l'alimentation et à l'élevage des pigeons. Il prenait généralement la forme d'une tour carrée ou ronde.
Nicolas avec bon sens : Mais peut-être qu’ils pensaient revenir vite chez eux.
On ne le saura jamais. Toutefois, les enfants avaient des animaux familiers, des chiens, des coqs, des lapins et des tortues. En revanche il n’y avait quasiment pas de chats. Ceux-ci sont venus plus tard d’Égypte. Ils gardaient des oiseaux en cage dont le chant si beau égayait la maison, mais surtout toujours pratiques, ils avaient des colombiers pour élever des colombes et les manger.
Louise un peu inquiète : Comment faisaient-ils pour les attraper ?
C’est bien simple. En haut de la maison, ou dans une tour, on remplaçait la fenêtre par de petites arcades, on y plaçait une mangeoire et on y installait (à l’intérieur) quelques couples d’oiseaux que l’on avait capturés au filet. Ils y faisaient leur nid. Comme ils trouvaient à manger tous les jours les bonnes graines qu’on leur donnait, ils restaient là. On n’avait pas besoin de les mettre en cage. Finalement les gens de Pompéi aimaient peut-être certains animaux qui servaient de compagnie aux enfants ; cependant, ils les utilisaient surtout pour leur travail et pour se procurer de la nourriture, mais cela n’empêchait pas de bien les soigner pour qu’ils rendent les services qu’on attendait d’eux.
Nicolas : C’est comme les mulets qui faisaient tourner le moulin à blé.
• émeutes : soulèvements de colère des gens
• meules : appareils pour broyer
• dicton : paroles devenues populaires
• pain de ménage : pain fait à la maison
• livre : unité de poids chez les Romains correspondant à 327 g
• cassette : petite boîte
• œufs chaperonnés : œufs couverts d’un chaperon, d’un capuchon
• rates : femelles du rat
• amphores : grands vases en terre cuite à fond généralement pointu
• Néréide : une des filles du roi de la mer, Nérée, qu’on représente montées sur des animaux marins fantastiques
• lévriers : chiens de chasse qui courent bien après les lièvres
• arcades : petites ouvertures arrondies
Et voilà une journée de passée !
À demain pour
de nouvelles aventures
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