Avant notre intervention, bien peu de choses étaient connues de l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire totalement occultée du paysage monumental depuis son démantèlement en 1783, au profit de Saint-Lazare, de même que du cloître qui lui était attenant au sud, transformé en simple cour à partir du XVIe s. Il a fallu patiemment réaliser des relevés d’architecture et des relevés archéologiques, des plans précis, des coupes et fouiller progressivement, au gré de la disponibilité des espaces, une surface de près de 1 000 m² pour finalement proposer une reconstitution détaillée de l’ancien groupe épiscopal et canonial d’Autun.
Plusieurs des objectifs fixés au début du projet ont été atteints. Ainsi nous comprenons beaucoup mieux l’impact de l’implantation chrétienne au sein de la ville de fondation antique grâce notamment à la découverte de la supposée domus ecclesiae relayée au IXe s. par le cloître. Le développement du groupe épiscopal puis canonial a pu être mis en évidence avec probablement dès l’origine (IVe-Ve s.) un complexe comprenant deux églises (les futures Saint-Nazaire et Notre-Dame) séparées par un baptistère (emplacement repris au XIIIe s. par Saint-Jean-de-la-Grotte) ainsi qu’une résidence épiscopale au sud ; un cloître dès le IXe s. dont de nombreux vestiges ont été mis au jour, puis à partir du XIIe s. la création d’un véritable quartier canonial au sud-est de la ville haute protégé par un mur doté d’une porte ; finalement la construction de la cathédrale Saint-Lazare dès le premier quart du XIIe s. Ces bâtiments vont progressivement forger l’identité de la ville haute, véritable cité dévolue au pouvoir religieux, opposé à celui du comte, puis du duc, centré plus particulièrement dans la ville basse, à Marchaux (Balcon-Berry & Berry 2014b).
Le phénomène de l’inhumation au sein de la ville de fondation antique dès l’époque mérovingienne a pu être observé à Autun et s’est révélé particulièrement intéressant, car il s’agit non pas de sépultures isolées, mais bien de ce que l’on peut considérer comme un cimetière dont deux phases ont été identifiées (VIIe-VIIIe s.) ainsi que d’adultes dans le dit atrium. De plus, ces inhumations concernent, dans la majorité des cas, des enfants probablement très liés au clergé. L’autre surprise a été de constater que cette occupation funéraire se trouvait à proximité d’un complexe monumental mérovingien dont les origines remontent au IIIe s. et que l’on peut tenir pour la domus ecclesiae plusieurs fois remaniée au cours du temps. Il subsiste des fondations, mais aussi une ample élévation des environs du VIIe s. incorporée, au milieu du IXe s., dans le premier ensemble claustral. Ces découvertes exceptionnelles, réalisées lors des dernières interventions sur le site ont ainsi montré que les vestiges de l’antiquité et du Haut Moyen Âge sont particulièrement bien conservés dans la zone orientale du site.
Concernant le cloître, l’objectif était de voir s’il subsistait des témoins du IXe s. pouvant s’accorder avec les documents. Outre la mise au jour de fondations et d’élévations carolingiennes tout à fait considérables, ce qui a motivé la poursuite de la recherche après 1988, il a été possible de déceler la présence d’une grande bâtisse en bois de la fin du VIIIe s. ou du début du IXe s. qui pourrait correspondre à un tout premier bâtiment destiné à abriter la vie commune des clercs. Nous avons d’ailleurs pu constater l’emploi massif du bois au sein des structures installées en dur à partir du milieu du IXe s. et faisant partie d’un cloître déjà bien organisé avec préau, galeries et édifices abritant la communauté des chanoines. La monumentalisation de ces espaces à partir de l’an mil, avec une grande réfection à la fin du XIIe s., doit peut-être être mise en relation avec l’indépendance des chanoines vis-à-vis de l’évêque, attestée au Xe s. (Boëll 1942-1944).
Le XIIIe s. correspond à une période de fortes activités avec en premier lieu l’amorce de la reconstruction des parties orientales (et apparemment aussi occidentales) de la cathédrale Saint-Nazaire, entraînant dans son sillage le remodelage du cloître, en particulier la galerie orientale et le réfectoire (bâtiment sud). Débute alors un grand chantier rythmé par des périodes de reprises et d’arrêts agrémentés de revirements par rapport au projet initial. Les difficultés touchent visiblement le cloître et notamment la création (ou la reconstruction) de la salle capitulaire qui, finalement ne verra jamais le jour là où il avait été prévu de l’élever, mais elles concernent surtout la cathédrale comme l’étude des élévations conservées et la fouille l’ont montré.
L’étude de Saint-Nazaire faisait partie, en 1983, des priorités de l’intervention archéologique. S’il n’a pas été possible pour l’heure d’en explorer le substrat en détail, les observations que l’on a pu faire ponctuellement, de même que la richesse monumentale constatée à l’emplacement du cloître, renforcent notre conviction de la formidable opportunité que constituerait une fouille d’envergure de la cour de la Maîtrise créée à la suite de son démantèlement presque total à la fin du XVIIIe s. Rappelons que l’atrium du VIIe s. et le porche du XIe s. qui lui a fait suite sont conservés en partie en élévation, et qu’un sondage très limité a révélé la préservation de la nef carolingienne jusqu’au XIVe s., période à laquelle on procède à son remblaiement. Gageons que dans les prochaines années l’exhumation de Saint-Nazaire apportera le complément indispensable à notre recherche et accompagnera une présentation globale de ce site d’exception.