Les ressources minières de notre zone d’étude sont situées principalement dans des massifs du domaine pyrénéen (Pyrénées et Corbières) et dans l’extrémité méridionale du Massif central (Montagne noire). Il s’agit de zones dont la géologie est complexe ; nous les présenterons simplement dans les grandes lignes.
La chaîne pyrénéenne telle que nous la connaissons aujourd’hui se découpe en plusieurs zones structurales globalement orientées est-ouest (fig. 11). Au centre, on trouve la Zone Axiale, constituée des matériaux les plus anciens (Protérozoïque ponctuellement et Paléozoïque1), qui sépare les Zones Sud-Pyrénéenne et Nord-Pyrénéenne. La Zone Sud-Pyrénéenne est composée principalement de terrains secondaires et tertiaires. Elle s’étend localement sur une largeur de plus de 50 km, jusqu’au bassin de l’Èbre dont elle chevauche la bordure. La Zone Nord-Pyrénéenne est plus étroite et un peu plus complexe. Tout d’abord, elle est séparée de la Haute Chaîne par la Faille Nord-Pyrénéenne (FNP), qui marque le contact entre les plaques continentales européenne et ibérique. Le long de ce contact s’est formée la Zone Interne Métamorphique, séparée de ses voisines par des failles verticales. D’autre part, la Zone Nord-Pyrénéenne renferme également des massifs primaires détachés des terrains du centre de la chaîne lors de l’orogenèse pyrénéenne (massifs de l’Agly, de l’Arize ou massifs basques). La Nappe des Corbières fait également partie de cette Zone Nord-Pyrénéenne. Vers le nord, on individualise la Zone Sous-Pyrénéenne, composée à l’affleurement de terrains du Crétacé supérieur et du Paléogène. Il s’agit de terrains plissés parmi lesquels on trouve les Petites Pyrénées ou encore le massif de Mouthoumet. La Zone Sous-Pyrénéenne chevauche à son tour la bordure de l’ensemble suivant, le Bassin aquitain, caractérisé par des terrains détritiques* datant du Crétacé jusqu’au Tertiaire (Chiron 1996, 29 ; Dercourt 2002, 136-169 ; Canérot 2008, 19-21).
Les terrains du Bassin aquitain séparent à leur tour l’ensemble pyrénéen du Massif central. Son extrémité sud, La Montagne noire (prise au sens géologique, englobant les Monts de Lacaune), correspond à la zone de marge méridionale de la chaîne hercynienne*, tout comme les terrains de la Zone Axiale des Pyrénées (Dercourt 2002, 221). Il s’agit d’un édifice de nappes paléozoïques (nappes catalanes chevauchées par les nappes occitanes) dans lesquelles s’insèrent des intrusions granitiques ou gneissiques. La Montagne noire présente une structure en anticlinal*, c’est-à-dire qu’elle résulte d’un plissement dans lequel les terrains les plus anciens se trouvent au centre, encadrés par les terrains plus récents. Ces terrains anciens ont subi un métamorphisme* important
(Dercourt 2002, 221-222).
Le cycle orogénique* alpin a ensuite fortement affecté la chaîne pyrénéenne, à l’inverse de la Montagne noire, où la structure primaire est mieux conservée. Pour les Pyrénées, les principaux mouvements qui donnent au massif sa structure actuelle se sont déroulés entre le Crétacé et l’Éocène supérieur, il y a 65 à 40 millions d’années (Munoz et al. 2015, 323). Des mouvements de directions opposées se sont succédé, se traduisant par l’ouverture puis la fermeture de l’océan gascon, entre la microplaque ibérique et l’Europe. La disparition de cet océan correspond à la collision des deux plaques, qui a entraîné le soulèvement des terrains et s’est accompagnée de fracturations, plissements et chevauchements (Fournier-Angot 1983, 6 et 10 ; Dercourt 2002, 135 ; Canérot 2008, 336-337). Les périodes suivantes (Oligocène puis Néogène) voient se poursuivre la convergence entre les deux plaques, qui se traduit par une forte fracturation des terrains, accompagnée de la formation de brèches* tout au long de la chaîne. Enfin, l’érosion et la sédimentation du Quaternaire ont fini de sculpter ou d’adoucir les reliefs que nous connaissons (Canérot 2008, 417-419). Les mouvements du cycle alpin ont pu faire rejouer des accidents provoqués par le cycle hercynien*, qui remonte quant à lui au début du Permien.
Les minéralisations métalliques disponibles actuellement le long de cette chaîne se sont formées lors de différentes périodes géologiques qui ont favorisé la concentration de ces minéraux, souvent sous forme de filons ou encore d’amas. Cela a pu être le cas lors du Cambrien, marqué par une distension des terrains qui se poursuit jusqu’à la fin du Silurien. Cette distension est accompagnée de la formation de failles et de remontées de laves et magmas. Ces failles ont pu jouer un rôle de drain pour les solutions hydrothermales* chargées en minéraux (Chiron 1996, 31-32 ; Canérot 2008, 33-34). Lors du Dévonien puis du Carbonifère, des phases de compression provoquèrent une première série de plissement des terrains qui ont pu eux aussi être à l’origine d’une partie des minéralisations que l’on trouve dans les terrains dévoniens (Boisson 1975, 151 ; Fournier-Angot 1983, 223-224 ; Dercourt 2002, 228). Par la suite, les épisodes de distensions et fracturation accompagnés de phénomènes volcaniques de la fin du Trias ont aussi pu être à l’origine d’une partie des gisements cuprifères localisés dans les terrains paléozoïques au contact de la couverture mésozoïque (Fournier-Angot 1983 ; Canérot 2008, 73-74). Mais la période de surrection des Pyrénées à la fin du Crétacé supérieur est aussi à l’origine d’une partie des accidents minéralisés, indiquant une mise en place plus tardive de certaines minéralisations (Boisson 1975, 153-154).
Les inventaires miniers actuels portent la trace d’un certain nombre de gisements ou d’indices minéralisés (fig. 12) qui ont été jugés dignes d’intérêt en fonction de critères économiques. Ces critères n’étaient évidemment pas les mêmes durant l’âge du Fer ou l’Antiquité, mais cela donne un premier aperçu de la diversité des ressources et de leur répartition à travers les massifs. Les métaux utilisés aux périodes anciennes étaient tous disponibles dans la région, l’étain demeurant toutefois très rare, avec un seul point visible ici, dans l’est des Monts de Lacaune.
À cette échelle, seules les substances principales sont représentées pour chaque point. Mais il faut savoir que la plupart des gisements, en particulier ceux à cuivre et plomb, sont en fait polymétalliques. L’argent est ainsi souvent associé à la galène*, le minerai de plomb, et parfois au cuivre, dans le cas de gisements porteurs de cuivres gris, des sulfosels de cuivre à antimoine ou arsenic. Dans ces cas de polymétallisme, il faut des analyses de minerai dans chaque mine pour savoir quelle était la substance principale exploitée. Cela pouvait varier d’une mine à l’autre, mais aussi d’une extrémité à l’autre de la minéralisation. Il faut aussi noter que tous les gisements indiqués ici n’étaient pas forcément disponibles pour les anciens mineurs, en particulier s’ils n’étaient pas visibles à l’affleurement ou si le type de minerai ne pouvait pas être traité à ces périodes. En revanche, des gisements de dimensions réduites ont pu être exploités sans apparaître dans ces inventaires.
Pour connaître la réalité des exploitations anciennes, du moins ce qui a été conservé jusqu’à nos jours, les études de terrains qui s’attachent à explorer des secteurs délimités de ces massifs montagneux permettent de faire le point sur les substances qui ont été exploitées, à quelle période et de quelle manière. Le fait est que les anciens mineurs ont su reconnaître de très nombreuses minéralisations, dépasser les difficultés suscitées par le polymétallisme et s’organiser pour exploiter ces gisements et produire du métal, comme la présentation des données de l’archéologie minière le montre.